Exposé écrit de l'Argentine

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187-20240322-WRI-22-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
19705
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
OBLIGATIONS DES ÉTATS EN MATIÈRE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE
22 mars 2024
[Traduction non révisée]
TABLE DES MATIÈRES
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INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
SECTION I. COMPÉTENCE DE LA COUR ET OPPORTUNITÉ DE L’EXERCICE DE CETTE COMPÉTENCE ................................................................................................................................. 4
A. La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé .............................................. 4
1) L’Assemblée générale a compétence pour demander l’avis consultatif ............................. 4
2) Par définition, la question soulevée est de nature juridique ................................................ 5
B. Aucune raison décisive n’empêche la Cour d’exercer sa compétence ..................................... 6
SECTION II. DROIT APPLICABLE ......................................................................................................... 9
SECTION III. VUES ET OBSERVATIONS DE L’ARGENTINE SUR LES QUESTIONS POSÉES À LA COUR ................................................................................................................................... 11
OBSERVATIONS FINALES ET CONCLUSIONS ...................................................................................... 25
INTRODUCTION
1. Le présent exposé écrit est déposé conformément aux ordonnances rendues par la Cour le 20 avril 2023, le 4 août 2023 et le 15 décembre 2023 à la suite de la demande d’avis consultatif présentée par l’Assemblée générale des Nations Unies (ci-après, l’« Assemblée générale ») dans sa résolution A/RES/77/276, adoptée le 29 mars 2023 à la 64e séance de sa soixante-dix-septième session.
2. Dans cette résolution, l’Assemblée générale a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice, en application de l’article 65 du Statut de cette dernière (ci-après, le « Statut »), de donner un avis consultatif sur les questions suivantes :
« Eu égard en particulier à la Charte des Nations Unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à l’Accord de Paris, à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à l’obligation de diligence requise, aux droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement et à l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin,
a) Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures ?
b) Quelles sont, au regard de ces obligations, les conséquences juridiques pour les États qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement, à l’égard :
i) Des États, y compris, en particulier, des petits États insulaires en développement, qui, de par leur situation géographique et leur niveau de développement, sont lésés ou spécialement atteints par les effets néfastes des changements climatiques ou sont particulièrement vulnérables face à ces effets ?
ii) Des peuples et des individus des générations présentes et futures atteints par les effets néfastes des changements climatiques ? »
3. La requête pour avis consultatif a été transmise à la Cour sous le couvert d’une lettre du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) datée du 12 avril 2023, qui a été reçue au Greffe le 17 avril 2023.
4. Par lettres en date du 17 avril 2023, le greffier adjoint a notifié la requête demandant l’avis consultatif à tous les États admis à ester devant la Cour, conformément au paragraphe 1 de l’article 66 du Statut.
5. Par une ordonnance en date du 20 avril 2023, la présidente de la Cour internationale de Justice a décidé que l’ONU et ses États Membres étaient jugés susceptibles de fournir des renseignements sur les questions soumises à la Cour pour avis consultatif et qu’ils pourraient le faire
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dans les délais fixés par cette ordonnance ; a fixé au 20 octobre 2023 la date d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur lesdites questions pourraient être présentés à la Cour, conformément au paragraphe 2 de l’article 66 de son Statut ; a fixé au 22 janvier 2024 la date d’expiration du délai dans lequel les États ou organisations qui auraient présenté un exposé écrit pourraient présenter des observations écrites sur les exposés écrits faits par d’autres États et organisations, conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut ; et a réservé la suite de la procédure.
6. Par une ordonnance en date du 4 août 2023, la présidente de la Cour internationale de Justice a prorogé jusqu’au 22 janvier 2024 le délai dans lequel tous les exposés écrits sur les questions pourraient être présentés à la Cour conformément au paragraphe 2 de l’article 66 du Statut ; a prorogé jusqu’au 22 avril 2024 le délai dans lequel les États ou organisations qui auraient présenté un exposé écrit pourraient présenter des observations écrites sur les autres exposés écrits conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut ; et a réservé la suite de la procédure.
7. Enfin, par une ordonnance en date du 15 décembre 2023, la présidente de la Cour internationale de Justice a prorogé jusqu’au 22 mars 2024 le délai dans lequel tous les exposés écrits sur les questions pourraient être présentés à la Cour conformément au paragraphe 2 de l’article 66 du Statut ; a prorogé jusqu’au 24 juin 2024 le délai dans lequel les États ou organisations qui auraient présenté un exposé écrit pourraient présenter des observations écrites sur les autres exposés écrits conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut ; et a réservé la suite de la procédure.
8. Le présent exposé écrit constitue la contribution de la République argentine (ci-après, l’« Argentine ») à l’examen de la Cour en la présente procédure consultative, sans préjudice des observations qu’elle pourrait présenter ultérieurement conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut ou au cours de la procédure orale.
9. L’Argentine s’est jointe au consensus en faveur de cette résolution parce qu’elle estime que les répercussions et les effets néfastes des changements climatiques sur la planète représentent l’un des défis les plus urgents, en particulier pour les pays en développement, notamment les petits États insulaires en développement, entraînant des conséquences économiques, sociales et environnementales graves qui doivent être examinées dans les contextes appropriés. Ainsi qu’il est dit dans la résolution A/RES/77/276 des Nations Unies, « les changements climatiques constituent un défi sans précédent de portée civilisationnelle et … le bien-être des générations présentes et futures exige de notre part une réaction immédiate et urgente »1.
À cet égard, l’Argentine souhaite saluer cette initiative et ses défenseurs, qui se sont chargés de l’élaboration du projet de résolution lors d’une série de consultations informelles auxquelles ont participé de nombreux Membres de l’ONU. L’Argentine, en tant qu’État côtier et en tant que pays en développement, partage les préoccupations soulevées par la résolution susmentionnée. Cette demande d’avis consultatif est opportune et nécessaire, et les orientations qu’elle cherche à obtenir de la Cour seront extrêmement utiles dans le contexte mondial actuel et à venir. L’Argentine est convaincue que si la communauté internationale ne prend pas immédiatement des mesures pour atténuer les changements climatiques et s’y adapter, les vies de personnes dans le monde entier, en particulier dans les pays en développement, en seront profondément impactées.
1 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/276 intitulée « Demande d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les obligations des États à l’égard des changements climatiques », adoptée le 29 mars 2023, premier alinéa du préambule (doc. A/RES/77/276).
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10. L’Argentine est pleinement engagée dans la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes et dans les efforts d’atténuation et d’adaptation : elle a adopté des politiques internes à cet égard et participe activement au régime juridique existant multilatéral relatif aux changements climatiques en tant qu’État partie à ses instruments, tels que la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC, 1992), le protocole de Kyoto (1997) et l’accord de Paris (2015). L’Argentine croit fermement que la coopération internationale est d’une importance primordiale pour relever le défi commun des changements climatiques et pour assurer la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement.
11. Le présent exposé écrit se compose de quatre sections. La première traite de la compétence de l’Assemblée générale pour demander un avis consultatif et des raisons pour lesquelles la Cour doit exercer sa compétence à cet égard. La deuxième section est consacrée au droit applicable, tandis que la troisième présente les vues et observations de l’Argentine sur les questions posées à la Cour. La dernière expose les conclusions de l’Argentine.
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SECTION I COMPÉTENCE DE LA COUR ET OPPORTUNITÉ DE L’EXERCICE DE CETTE COMPÉTENCE
12. La présente section s’attache à démontrer que l’Assemblée générale a compétence pour solliciter ledit avis consultatif, étant donné que celui-ci soulève des questions juridiques qui relèvent de ses attributions et fonctions. La compétence de la Cour y est également examinée, ainsi que l’absence de raisons décisives pour que celle-ci use de son pouvoir discrétionnaire de ne pas exercer sa compétence consultative.
A. La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé
13. La compétence de l’Assemblée générale pour demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice découle directement du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies (ci-après, la « Charte »), qui se lit comme suit : « L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique. »
14. Le fait que l’Assemblée générale y soit mentionnée comme l’un des deux organes principaux de l’ONU cités, ainsi que l’expression « toute question juridique », ne laissent aucun doute quant à la compétence de l’Assemblée générale pour solliciter cet avis consultatif.
15. Sur ce sujet, la Cour a dit que
« pour qu[’elle] ait compétence, il faut que l’avis consultatif soit demandé par un organe dûment habilité à cet effet conformément à la Charte, qu’il porte sur une question juridique et que, sauf dans le cas de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, cette question se pose dans le cadre de l’activité de cet organe »2.
1) L’Assemblée générale a compétence pour demander l’avis consultatif
16. La Cour a noté que l’article 10 de la Charte « a conféré à l’Assemblée générale une compétence relative à « toutes questions ou affaires » entrant dans le cadre de la Charte »3.
17. La demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale a trait aux obligations qui incombent aux États en droit international en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement, ainsi qu’aux conséquences juridiques pour les États au regard de ces obligations. Il est ainsi question du respect du droit international et des problématiques liées au développement durable, à la croissance économique et aux changements climatiques.
2 Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-334, par. 21 ; voir aussi Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 144, par. 14, et Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 232-234, par. 10-13.
3 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 233, par. 11 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 145, par. 17.
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À cet égard, la Charte appelle les États à favoriser « des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social » (alinéa a) de l’article 55). Dans sa déclaration sur le droit au développement, l’Assemblée générale décrit le droit au développement comme
« un droit inaliénable de l’homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de bénéficier de ce développement » (article premier).
Dans cette déclaration, l’Assemblée générale souligne que les États doivent oeuvrer individuellement et collectivement pour créer un environnement propice au développement, aux niveaux local et mondial, dans lequel les bienfaits du développement sont équitablement partagés par tous les individus. L’accent mis sur l’équité dans le droit au développement établit un lien direct avec le développement durable, particulièrement pertinent dans le contexte des changements climatiques. Dans le programme de développement durable à l’horizon 2030, la lutte contre les changements climatiques est reconnue comme jouant un rôle déterminant dans le développement durable (objectif 13), ce qui souligne l’importance de prendre des mesures face aux changements climatiques afin de garantir un développement durable, inclusif et équitable qui profite à tous les individus.
Tous ces éléments entrent clairement dans le cadre des buts et principes de la Charte, et revêtent un intérêt pour les décisions des organes de l’ONU et de ses États Membres. Conformément au chapitre IV de la Charte, l’Assemblée générale a la compétence pour traiter de ces questions.
18. Il convient également de noter que l’Assemblée générale a déjà examiné spécifiquement la question du développement durable et, en particulier, des changements climatiques et de la protection du climat mondial pour l’humanité, dans ses résolutions 43/53 du 6 décembre 1988, 54/222 du 22 décembre 1999, 62/86 du 10 décembre 2007, 63/32 du 26 novembre 2008, 64/73 du 7 décembre 2009, 65/159 du 20 décembre 2010, 66/200 du 22 décembre 2011, 67/210 du 21 décembre 2012, 68/212 du 20 décembre 2013, 69/220 du 19 décembre 2014, 70/205 du 22 décembre 2015, 71/228 du 21 décembre 2016, 72/219 du 20 décembre 2017, 73/232 du 20 décembre 2018, 74/219 du 19 décembre 2019, 75/217 du 21 décembre 2020, 76/205 du 17 décembre 2021, 77/165 du 14 décembre 2022, 76/300 du 28 juillet 2022 sur le droit à un environnement propre, sain et durable, et 70/1 du 25 septembre 2015 intitulée « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 », entre autres résolutions et décisions.
19. L’Assemblée générale a un intérêt direct dans le respect du droit international en général, ainsi que dans le développement durable et les changements climatiques, d’autant plus que la question concerne directement l’ONU, comme le reflètent les nombreuses résolutions que cette dernière a adoptées sur des questions similaires.
20. En conséquence, l’Argentine estime que la compétence de l’Assemblée générale pour solliciter cet avis consultatif est bien établie.
2) Par définition, la question soulevée est de nature juridique
21. La deuxième condition d’attribution d’une compétence consultative à la Cour, à la suite d’une sollicitation de l’Assemblée générale, est que la question soulevée soit de nature juridique. D’après la Cour, les questions « libellées en termes juridiques et soul[eva]nt des problèmes de droit
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international … sont, par leur nature même, susceptibles de recevoir une réponse fondée en droit … [et] [i]l apparaît … qu’elles ont … un caractère juridique »4.
Dans le même ordre d’idées, la Cour a dit qu’elle « ne peut donner un avis consultatif que sur une question juridique. Si une question n’est pas juridique, la Cour n’a pas de pouvoir discrétionnaire en la matière : elle doit refuser de donner l’avis qui lui est demandé »5.
22. Les questions soumises à la Cour pour solliciter son avis en la présente procédure sont clairement libellées en termes juridiques et soulèvent des problèmes de droit international, puisqu’elles se rapportent à certaines obligations particulières qui incombent aux États au titre du droit international, et aux conséquences juridiques pour les États au regard de ces obligations. Par conséquent, « elle[s] [sont], par [leur] nature même, susceptible[s] de recevoir une réponse fondée en droit ; elle[s] ne serai[en]t guère susceptible[s] d’ailleurs de recevoir une autre réponse »6.
23. L’Argentine soutient donc que les questions soulevées sont de nature juridique.
B. Aucune raison décisive n’empêche la Cour d’exercer sa compétence
24. La Cour a dit que
« [l]orsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, [elle] doit commencer par déterminer si elle a compétence pour donner l’avis demandé et, dans l’affirmative, examiner s’il existe une quelconque raison pour elle, sur la base de son appréciation discrétionnaire, de refuser d’exercer une telle compétence en l’espèce »7.
25. En effet,
« la Cour [a] le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif même lorsque les conditions pour qu’elle soit compétente sont remplies … La Cour n’en garde pas moins présent à l’esprit que sa réponse à une demande d’avis consultatif “constitue [sa] participation … à l’action de l’Organisation et [que], en principe, elle ne devrait pas être refusée” … Compte tenu de ses responsabilités en tant qu’“organe judiciaire principal des Nations Unies” (article 92 de la Charte), la Cour ne devrait pas en principe refuser de donner un avis consultatif. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il faudrait des “raisons décisives” pour l’amener à opposer un tel refus
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La Cour actuelle n’a jamais, dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, refusé de répondre à une demande d’avis consultatif. La décision de ne pas donner l’avis consultatif que sollicitait l’Organisation mondiale de la Santé sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé a été fondée sur le
4 Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15 et Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 233, par. 11.
5 Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif, C.I.J. Recueil 1962, p. 155.
6 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 153, par. 37.
7 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 412, par. 17.
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défaut de compétence de la Cour, et non sur des considérations touchant à l’opportunité judiciaire »
8.
26. Dans ce cadre, il convient d’examiner s’il existe des « raisons décisives » qui pourraient conduire la Cour à opposer un refus à la demande d’avis en la présente procédure.
27. Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, les problèmes sur lesquels portent les questions posées à la Cour font depuis longtemps partie des préoccupations de l’ONU. Dans ce contexte, l’exercice de la compétence consultative ne devrait pas être refusé puisque, « [e]n prêtant son assistance à la solution d’un problème qui se pose à l’Assemblée générale, la Cour s’acquitterait de ses fonctions d’organe judiciaire principal des Nations Unies »9. La compétence consultative a pour finalité de permettre aux organes de l’ONU et à d’autres institutions autorisées d’obtenir des avis de la Cour qui les aideront dans l’exercice futur de leurs fonctions10. Il appartient donc à la Cour de fournir des conseils juridiques à l’Assemblée générale sur cette question particulière qui intéresse directement l’ONU.
28. En outre, l’avis consultatif de la Cour aura des conséquences concrètes pour l’action future de l’ONU et d’autres organisations internationales, ainsi que pour les États Membres de l’ONU.
Lorsqu’elle a précisé le but de l’exercice de sa compétence consultative, la Cour a indiqué ce qui suit :
« La fonction de la Cour est de donner un avis fondé en droit, dès lors qu’elle a abouti à la conclusion que les questions qui lui sont posées sont pertinentes, qu’elles ont un effet pratique à l’heure actuelle et que par conséquent elles ne sont pas dépourvues d’objet ou de but. »11
Tel est le cas dans la présente demande d’avis consultatif. La question posée par l’Assemblée générale est pertinente et n’a pas qu’un intérêt purement théorique. En effet, l’Argentine est convaincue que l’avis consultatif que la Cour rendra sur les questions posées revêtira une importance pratique.
La Cour a également dit que
« [c]omme il ressort de [s]a jurisprudence …, les avis consultatifs servent à fournir aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs activités.
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Il s’ensuit que la Cour ne saurait refuser de répondre à la question posée au motif que son avis ne serait d’aucune utilité. La Cour ne peut substituer sa propre appréciation
8 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), par. 44.
9 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 21, par. 23.
10 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), par. 44.
11 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 37, par. 73.
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de l’utilité de l’avis demandé à celle de l’organe qui le sollicite, en l’occurrence l’Assemblée générale. »
12
29. Il convient de rappeler que, à ce jour, la Cour n’a jamais refusé de donner un avis consultatif demandé par l’Assemblée générale.
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30. Pour les raisons susmentionnées, l’Argentine considère que la Cour a compétence pour donner un avis consultatif. En outre, il n’existe aucune raison décisive devant conduire la Cour à ne pas se prononcer. Au contraire, la demande de l’Assemblée générale soulève des questions fondamentales qui gagneraient à être précisées par les orientations que la Cour pourra donner dans son avis consultatif.
12 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 162, par. 60, et p. 163, par. 62.
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SECTION II DROIT APPLICABLE
31. Les questions soumises par l’Assemblée générale portent sur les obligations qui incombent aux États, en vertu du droit international, en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures ; et sur les conséquences juridiques, au regard de ces obligations, pour les États qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement.
32. Afin d’y répondre, « la Cour doit déterminer les principes et règles existants, les interpréter et les appliquer …, apportant ainsi à la question posée une réponse fondée en droit »13.
Il est bien établi que, selon la Cour, « [p]our répondre à la question que lui a posée l’Assemblée générale, [elle] doit déterminer, après examen du large ensemble de normes de droit international qui s’offre à elle, quel pourrait être le droit pertinent applicable »14.
33. Les questions posées requièrent que la Cour ait
« égard en particulier à la Charte des Nations Unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à l’Accord de Paris, à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à l’obligation de diligence requise, aux droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement et à l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin ».
34. À la lumière de l’article 96 de la Charte et des articles 38 et 65 (paragraphe 1) du Statut, la Cour devra ensuite appliquer non seulement les instruments et principes juridiques mentionnés dans les paragraphes ci-dessus, ainsi que l’a demandé l’Assemblée générale, mais également toute autre source de droit international qu’elle considérera applicable, afin de rendre son avis consultatif.
Compte tenu du fait que les questions se rapportent aux changements climatiques, les instruments ci-après seront particulièrement pertinents : les principes de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement ; la CCNUCC ; le protocole de Kyoto et l’accord de Paris, adoptés dans le cadre de la CCNUCC ; et la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
35. Il convient cependant de rappeler que, comme elle l’a reconnu dans l’avis consultatif sur la question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, la Cour, en répondant à la question posée, ne saurait légiférer : « [i]l lui appartient seulement de s’acquitter de sa fonction
13 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
14 Ibid., p. 239, par. 23.
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judiciaire normale en s’assurant de l’existence ou de la non-existence de principes et de règles juridiques … elle dit le droit existant et ne légifère point »15.
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15 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 237, par. 18 ; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 33 ; Demande d’avis consultatif soumise par la Commission sous-régionale des pêches, avis consultatif, 2 avril 2015, TIDM Recueil 2015, par. 73-74 (par. 74 : « [Le Tribunal] tient à préciser qu’il n’a pas à prendre position sur des questions ne relevant pas de ses fonctions judiciaires »).
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SECTION III VUES ET OBSERVATIONS DE L’ARGENTINE SUR LES QUESTIONS POSÉES À LA COUR
36. À titre préliminaire, l’Argentine souhaite souligner l’importance d’examiner ensemble, comme un tout, le préambule et le dispositif de la résolution A/RES/77/276 adoptée par l’Assemblée générale. Il convient de noter à cet égard que les États Membres de l’ONU sont parvenus à un consensus sur la base du fait que l’un et l’autre représentent un équilibre délicat et que le préambule fournit un contexte et un cadre aux questions posées.
37. Cela étant posé, l’Argentine tient à formuler quelques remarques et observations générales, que la Cour pourra souhaiter prendre en compte en rendant son avis consultatif :
38. Le droit à un environnement propre, sain et durable est essentiel à la jouissance de tous les droits de l’homme.
Ainsi que l’a indiqué la Cour, « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir »16.
Dans la résolution 48/13 du Conseil des droits de l’homme du 8 octobre 2021, intitulée « Droit à un environnement propre, sain et durable »17, l’exercice du droit de bénéficier d’un environnement propre, sain et durable est considéré comme un élément important de la jouissance des droits de l’homme.
Il y est également constaté que le droit à un environnement propre, sain et durable est lié à d’autres droits et au droit international existant.
Par ailleurs, il y est affirmé que la promotion du droit à un environnement propre, sain et durable passe par l’application pleine et entière des accords multilatéraux sur l’environnement conformément aux principes du droit international de l’environnement.
La dégradation de l’environnement, les changements climatiques et le développement non durable font partie des menaces les plus urgentes et les plus graves mettant en péril la capacité des générations actuelles et futures de jouir des droits de l’homme, y compris du droit à la vie.
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a dit que,
« en raison du lien étroit qui existe entre la protection de l’environnement, le développement durable et les droits de l’homme …, à l’heure actuelle i) de nombreux systèmes de protection des droits de l’homme reconnaissent le droit à un environnement sain en tant que droit à part entière, en particulier le système interaméricain de protection des droits de l’homme, alors même qu’il est évident que ii) de nombreux autres droits de l’homme sont vulnérables face à la dégradation de l’environnement, ce qui entraîne
16 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 241-242, par. 29.
17 Nations Unies, documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-seizième session, Supplément no 53 A (doc. A/76/53/Add.1), chap. II (l’Argentine a voté en faveur de cette résolution). Voir aussi Assemblée générale, résolution 76/L.75, soixante-seizième session, 26 juillet 2022 (doc. A/76/L.75).
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en définitive une série d’obligations environnementales pour les États de se conformer à leur devoir de respecter et de garantir ces droits »
18.
Dans ce contexte, les États ont l’obligation de respecter, de protéger et de promouvoir les droits de l’homme, y compris dans le cadre de toute action engagée pour remédier aux défis environnementaux, et de prendre des mesures pour protéger les droits humains de tous les individus, comme cela a été souligné dans différents instruments internationaux. De plus, des mesures de protection supplémentaires devraient être prises pour les droits qui sont particulièrement menacés par la dégradation de l’environnement, en prenant note des principes-cadres relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement19.
Les États doivent également adopter des politiques, améliorer la coopération internationale, renforcer les capacités et continuer de mettre en commun les bonnes pratiques afin d’intensifier les efforts visant à garantir un environnement propre, sain et durable pour tous les individus.
39. Le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives est le principe directeur essentiel du régime juridique relatif aux changements climatiques.
L’une des principales raisons pour lesquelles l’Argentine s’est jointe au consensus en faveur de la résolution A/RES/77/276 adoptée par l’Assemblée générale était la reconnaissance, dans son préambule, du principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives. C’est là un principe primordial, qui doit être réaffirmé puisqu’il est le principe directeur essentiel du régime juridique relatif aux changements climatiques.
À ce titre, même si les questions posées à la Cour n’y font pas explicitement référence, il est impératif que, dans l’examen des questions posées et des responsabilités des États, ce principe soit pris en considération et qu’il guide l’analyse de la Cour. En outre, les obligations des États en droit international doivent être prises en compte en gardant à l’esprit ce principe, qui est reconnu dans la CCNUCC et dans l’accord de Paris.
Ce principe découle directement des responsabilités historiques des pays développés concernant la dégradation de l’environnement, et du constat que la majeure partie des émissions mondiales de gaz à effet de serre, passées et actuelles, ont été générées par les pays développés. Il reflète également la reconnaissance des besoins spécifiques et des circonstances particulières des pays en développement, et est inextricablement lié au droit au développement durable, qui constitue la toute première priorité des pays en développement.
Il importe de relever que toutes les obligations des États relatives aux changements climatiques doivent être interprétées à la lumière de ce principe, qui établit clairement une différence entre les responsabilités et obligations des « pays développés » et celles des « pays en développement », tout en constituant la base des obligations de fond spécifiques des pays développés, ainsi qu’il est souligné dans la CCNUCC, l’accord de Paris et le protocole de Kyoto.
Le principe des « responsabilités communes mais différenciées » doit s’entendre tel qu’il a été défini dans le principe 7 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, libellé comme suit :
« Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre. Étant
18 Inter-American Court of Human Rights, Advisory Opinion Oc-23/17, requested by the Republic of Colombia, 15 November 2017, par. 55.
19 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 76/L.75, soixante-seizième session, 26 juillet 2022 (doc. A/76/L.75).
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donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. »
Le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives est également réaffirmé dans le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Le programme 2030 est le cadre actuel global d’orientation en vue de la réalisation d’un développement durable par la communauté internationale, et devrait être considéré comme le dispositif chapeautant la mise en oeuvre de tous les accords environnementaux multilatéraux, y compris la CCNUCC et l’accord de Paris. Son paragraphe 12 prévoit ce qui suit :
« Nous réaffirmons tous les principes de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, notamment le principe 7 établissant la notion des responsabilités communes mais différenciées. »
En outre, ce principe est reconnu dans le sixième alinéa du préambule de la CCNUCC et énoncé en tant que premier principe au paragraphe 1 de l’article 3 de l’instrument, comme suit :
« Il incombe aux Parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. »
D’une façon similaire, l’accord de Paris réaffirme ce principe fondamental en son article 2, qui porte sur les objectifs de l’accord, en ces termes :
« Le présent Accord sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales. »
Il convient de noter qu’il est explicitement reconnu dans cet article, par l’ajout de l’expression « eu égard aux différentes situations nationales », que les États ne partent pas du même point dans leur efforts respectifs pour remédier aux changements climatiques.
Comme conséquence logique de ce principe directeur, la CCNUCC prévoit en outre, au paragraphe 1 de l’article 3, qu’« [i]l appartient, en conséquence, aux pays développés parties d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes ». Cette obligation est réaffirmée au paragraphe 1 de l’article 4 de la CCNUCC, qui s’applique à « [t]outes les Parties, tenant compte de leurs responsabilités communes mais différenciées et de la spécificité de leurs priorités nationales et régionales de développement, de leurs objectifs et de leur situation », ainsi qu’au paragraphe 4 de l’article 4 de l’accord de Paris, qui prévoit ce qui suit :
« Les pays développés Parties devraient continuer de montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de l’économie. Les pays en développement Parties devraient continuer d’accroître leurs efforts d’atténuation, et sont encouragés à passer progressivement à des objectifs de réduction ou de limitation des émissions à l’échelle de l’économie eu égard aux différentes situations nationales. »
Les pays développés ont des obligations supplémentaires à l’égard des pays en développement, qui découlent de la reconnaissance de la responsabilité considérablement plus importante qu’ils portent. Non seulement les pays développés ont l’obligation de prendre la tête de l’action menée face aux changements climatiques et des ambitions à cet égard, mais ils doivent également fournir les
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moyens nécessaires de mise en oeuvre aux pays en développement, ce qui inclut des ressources financières, un transfert de technologies et un renforcement des capacités. Cela est reflété aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 de l’article 4 de la CCNUCC, dans lesquels sont spécifiés des engagements qui s’appliquent uniquement aux « pays développés parties », et comprennent — entre autres — l’adoption de politiques et de mesures démontrant qu’ils sont effectivement à l’avant-garde des efforts menés (paragraphe 2 de l’article 4), la fourniture de ressources financières nouvelles et supplémentaires aux pays en développement en exécution de leurs obligations respectives (paragraphe 3 de l’article 4), et la prise de mesures en vue d’encourager, de faciliter et de financer le transfert de technologies et de soutenir le développement et le renforcement des capacités propres aux pays en développement parties (paragraphe 5 de l’article 4).
Des obligations similaires figurent dans l’accord de Paris : l’article 9 fait ainsi référence à la fourniture de ressources financières par les pays développés aux pays en développement, ainsi qu’au rôle moteur des pays développés dans la mobilisation de moyens de financement de l’action climatique provenant d’autres sources ; l’article 10 mentionne le transfert de technologies, y compris la fourniture d’un appui aux pays en développement ; et l’article 11 se réfère au renforcement des capacités, qui devrait contribuer à améliorer les aptitudes et les capacités des pays en développement parties.
De même, il est reconnu au paragraphe 7 de l’article 4 de la CCNUCC que
« [l]a mesure dans laquelle les pays en développement parties s’acquitteront effectivement de leurs engagements au titre de la Convention dépendra de l’exécution efficace par les pays développés parties de leurs propres engagements en ce qui concerne les ressources financières et le transfert de technologie »,
et que cela doit également « t[enir] pleinement compte du fait que le développement économique et social et l’éradication de la pauvreté sont les priorités premières et essentielles des pays en développement parties ».
Il importe toutefois de relever que ces obligations qui incombent aux pays développés de fournir des moyens de mise en oeuvre aux pays en développement n’ont pas encore été satisfaites, ce qui rend difficile pour les pays en développement de réaliser pleinement leur ambition collective en la matière. De la même façon, au douzième alinéa du préambule de la résolution A/RES/77/276 des Nations Unies, l’Assemblée générale se dit
« [v]ivement préoccupée de constater que l’objectif fixé par les pays développés de mobiliser ensemble, à l’échéance 2020, 100 milliards de dollars des États-Unis par an aux fins de l’adoption de mesures d’atténuation judicieuses et de leur mise en oeuvre transparente n’a pas encore été atteint, et pri[e] instamment les pays développés d’atteindre cet objectif ».
L’insuffisance de la fourniture par les pays développés de moyens de mise en oeuvre aux pays en développement pourrait être un point particulièrement pertinent dans l’examen des conséquences juridiques qui découlent des obligations auxquelles il est fait référence dans les questions adressées à la Cour.
Malgré cela, de nombreux pays en développement dans le monde entier — qui sont également parmi les pays les plus touchés par les effets néfastes des changements climatiques — adoptent des objectifs ambitieux en matière de réduction d’émissions, qui dépassent leur part respective de responsabilité relativement aux changements climatiques. L’Argentine, par exemple, qui n’est qu’un émetteur marginal au niveau international (0,8 % des émissions mondiales) a revu à la hausse ses ambitions dans sa dernière contribution déterminée au niveau national (CDN, 2021) par rapport à sa CDN précédente (2016), visant une réduction de 27,7 % de ses émissions, et a élaboré et continue de
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mettre en oeuvre des plans sectoriels, des stratégies et des politiques pour réaliser ses objectifs, et ce, même dans le contexte d’une marge de manoeuvre budgétaire limitée.
40. Pas de nouveau classement des pays.
Le classement des pays par catégorie, tel qu’il a été convenu dans la CCNUCC et dans l’accord de Paris, doit être respecté.
En outre, les besoins spécifiques et la situation particulière des pays en développement doivent être pris en considération et toute nouvelle catégorie de pays qui ne refléterait pas le consensus de la communauté internationale doit être évitée.
Les premières catégories de pays établies par la CCNUCC, et celles qui en comptent le plus grand nombre, sont celles des pays dits « développés » et « en développement ». Les « pays développés » sont inscrits à l’« annexe I », tandis que les « pays en développement » sont désignés comme « non visés à l’annexe I ».
Au paragraphe 8 de l’article 4 sont énumérées les sous-catégories de pays en développement ci-après :
« Aux fins de l’exécution des engagements énoncés dans le présent article, les Parties étudient les mesures — concernant notamment le financement, l’assurance et le transfert de technologie — qui doivent être prises dans le cadre de la Convention pour répondre aux besoins et préoccupations spécifiques des pays en développement parties face aux effets néfastes des changements climatiques et à l’impact des mesures de riposte, notamment dans les pays suivants :
a) Les petits pays insulaires ;
b) Les pays ayant des zones côtières de faible élévation ;
c) Les pays ayant des zones arides et semi-arides, des zones de forêts et des zones sujettes au dépérissement des forêts ;
d) Les pays ayant des zones sujettes à des catastrophes naturelles ;
e) Les pays ayant des zones sujettes à la sécheresse et à la désertification ;
f) Les pays ayant des zones de forte pollution de l’atmosphère urbaine ;
g) Les pays ayant des écosystèmes, notamment des écosystèmes montagneux fragiles ;
h) Les pays dont l’économie est fortement tributaire soit des revenus de la production, de la transformation et de l’exportation de combustibles fossiles et de produits apparentés à forte intensité énergétique, soit de la consommation desdits combustibles et produits ; et
i) Les pays sans littoral et les pays de transit. »
De même, dans l’accord de Paris, les besoins spécifiques des pays en développement sont évoqués de façon générale à plusieurs reprises. Les sous-catégories ci-après de pays en développement y sont également mentionnées : les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement.
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41. Ne pas menacer l’impératif de production alimentaire.
Toute mesure prise pour remédier aux changements climatiques doit, conformément à la CCNUCC et à l’accord de Paris, reconnaître et prendre en compte les priorités fondamentales consistant à protéger la sécurité alimentaire et à venir à bout de la faim, ainsi que la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes des changements climatiques. En conséquence, ces mesures doivent garantir que la production alimentaire ne soit pas menacée.
La CCNUCC dispose expressément, en son article 2, que son objectif est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique, et qu’« [i]l conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable ».
Le neuvième alinéa du préambule de l’accord de Paris contient aussi une référence à cette priorité et à la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire face aux effets néfastes des changements climatiques, comme suit :
« Reconnaissant la priorité fondamentale consistant à protéger la sécurité alimentaire et à venir à bout de la faim, et la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes des changements climatiques ».
De plus, l’article 2 de l’accord de Paris prévoit clairement que,
« en contribuant à la mise en oeuvre de la Convention, notamment de son objectif, [il] vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté, notamment en : … b) renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ».
Étant l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux de produits alimentaires de qualité, sains et nutritifs, l’Argentine tient à souligner le rôle impératif de la production alimentaire pour l’humanité, celle-ci contribuant à l’éradication de la faim et de la pauvreté, priorités essentielles de la communauté internationale selon le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et ses objectifs de développement durable, en particulier les objectifs 1 et 2.
D’après le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur « [l]’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde » (2023),
« [l]a faim dans le monde se maintient à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie de COVID-19. On estime qu’entre 690 millions et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2022. Cela représente 122 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie ».
Suivant ce scénario, dans lequel environ un dixième de la population mondiale est menacée par la faim, afin de répondre à la demande croissante en ressources alimentaires au niveau international, la Cour doit dûment prendre en considération qu’il est crucial de trouver des stratégies pour produire des produits alimentaires en plus grande quantité et de meilleure qualité, tout en remédiant aux effets néfastes qu’ont les changements climatiques sur l’agriculture et la production alimentaire.
Dans le même temps, il convient de prendre en compte comme il se doit la vulnérabilité particulière des systèmes de production agricole et alimentaire aux effets néfastes des changements
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climatiques : il est urgent, dans le contexte de la nécessité de nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse, d’adapter l’agriculture à ces effets (notamment les sécheresses, les incendies, les inondations et les autres phénomènes météorologiques extrêmes).
Dans un tel scénario, il est essentiel non seulement de faire progresser cette adaptation de l’agriculture aux effets des changements climatiques, mais également de mener à leur terme les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la réforme des règles du commerce multilatéral relatives à l’agriculture qui n’ont pas tenu leurs promesses, et ce, depuis déjà plus d’un quart de siècle. De récents rapports de la FAO, de l’OMC, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et d’autres organisations internationales mettent en évidence que les subventions agricoles pratiquées par certains pays développés conduisent non seulement à une inefficacité de la production, mais sont également nuisibles à l’environnement et contribuent aux changements climatiques. Il est donc essentiel d’assurer un système commercial international transparent, ouvert et équitable pour les produits agricoles, ce qui permettra en retour de lutter contre les changements climatiques en tenant compte des conséquences qu’ont les subventions agricoles sur la surexploitation des ressources naturelles.
42. Droit souverain d’exploiter ses propres ressources.
Il convient de prendre dûment en compte le fait que, conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leurs politiques en matière d’environnement et de développement. À cet égard, le principe 2 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement énonce ce qui suit :
« Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale. »
De façon similaire, le huitième alinéa du préambule de la CCNUCC est libellé comme suit :
« Rappelant que, conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur propre politique d’environnement et de développement, et ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ».
43. La priorité des pays en développement d’éliminer la pauvreté et de parvenir au développement durable doit être prise en compte.
Ainsi qu’il est dit dans le huitième alinéa du préambule de la résolution A/RES/77/276 adoptée par l’Assemblée générale, la Cour doit tenir compte, dans son examen des différentes obligations des États, de la nécessité urgente pour les pays en développement d’éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions et d’assurer un développement durable. À cet égard, il est indéniable que les pays développés et les pays en développement ne partent pas du même point dans la lutte contre les changements climatiques, ce qui doit être dûment pris en considération.
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Dans le même ordre d’idées, le préambule de la CCNUCC dispose ce qui suit :
« Affirmant que les mesures prises pour parer aux changements climatiques doivent être étroitement coordonnées avec le développement social et économique afin d’éviter toute incidence néfaste sur ce dernier, compte pleinement tenu des besoins prioritaires légitimes des pays en développement, à savoir une croissance économique durable et l’éradication de la pauvreté » (vingt et unième alinéa).
44. Les mesures ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable.
D’après le principe 12 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement,
« [l]es États devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les problèmes de dégradation de l’environnement. Les mesures de politique commerciale motivées par des considérations relatives à l’environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux. Toute action unilatérale visant à résoudre les grands problèmes écologiques au-delà de la juridiction du pays importateur devrait être évitée. Les mesures de lutte contre les problèmes écologiques transfrontières ou mondiaux devraient, autant que possible, être fondées sur un consensus international. »
Dans l’esprit de ce principe, le paragraphe 5 de l’article 3 de la CCNUCC indique ce qui suit :
« Il appartient aux Parties de travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables de toutes les Parties, en particulier des pays en développement parties, pour leur permettre de mieux s’attaquer aux problèmes posés par les changements climatiques. Il convient d’éviter que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, constituent un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce. »
Dans ce contexte, il est important d’éviter un « écoprotectionnisme » qui, pour des raisons liées aux changements climatiques, ferait intervenir des mesures unilatérales qui pourraient constituer un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce, d’une manière qui serait incompatible avec les principes contenus aux paragraphes 1 et 5 de l’article 3 de la CCNUCC.
Les mesures prises pour enrayer les changements climatiques ne devraient pas pénaliser le commerce mondial, celui-ci étant un moteur du développement et de la lutte contre la pauvreté et la faim, ainsi qu’il est reconnu au paragraphe 68 du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, comme suit : « Le commerce international est un moteur de la croissance économique pour tous et un moyen de réduire la pauvreté ; il contribue au développement durable. »
De plus, la nécessité de prévenir et de réduire au minimum les effets néfastes des mesures prises pour les pays en développement, au niveau économique et social, conformément aux paragraphes 8, 9 et 10 de l’article 4 de la CCNUCC, au paragraphe 3 de l’article 2 et au paragraphe 14 de l’article 3 du protocole de Kyoto, ainsi qu’au paragraphe 15 de l’article 4 de l’accord de Paris, doit également être dûment prise en considération. Les inquiétudes des parties dont les économies sont les plus touchées par les conséquences de telles mesures, en particulier les pays en développement parties, ne peuvent être ignorées. Il est donc important de faire en sorte que les
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mesures prises soient à la fois les plus efficaces pour réaliser l’objectif de lutte contre les changements climatiques, et les moins restrictives pour le commerce international. Dans le même temps, elles doivent contribuer à protéger la sécurité alimentaire et à assurer à la population active une transition juste. Elles devraient également promouvoir la création d’emplois décents de qualité, conformément aux priorités et stratégies de développement définies au niveau national. Enfin, les États doivent s’inspirer, dans les mesures qu’ils prennent pour enrayer les changements climatiques, des meilleures données scientifiques disponibles, comme le prévoit l’accord de Paris, en particulier le paragraphe 1 de l’article 4, le paragraphe 5 de l’article 7 et le paragraphe 1 de l’article 14.
45. Importance de la coopération internationale.
La coopération internationale basée sur le respect mutuel, dans le plein respect des principes et des buts de la Charte des Nations Unies ainsi que de la souveraineté des États, tout en tenant compte des priorités nationales, est également d’une importance capitale.
Elle joue en effet un rôle essentiel pour aider les pays en développement, notamment les pays pauvres très endettés, les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les petits États insulaires en développement et les pays à revenu intermédiaire confrontés à des défis spécifiques, à renforcer leurs capacités humaines, institutionnelles et technologiques.
46. Ayant exposé ces observations d’ordre général, l’Argentine souhaite à présent formuler certaines remarques portant spécifiquement sur les questions posées à la Cour.
47. S’agissant de la première question posée à la Cour au sujet des obligations qui incombent aux États en droit international en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures, il convient de dûment tenir compte du fait que son objet est lié aux changements climatiques et qu’il existe un régime juridique spécifique en la matière. Dans ce cadre, les principales sources de droit international que la Cour devrait examiner en répondant à cette question sont celles qui relèvent de ce régime spécifique, à savoir les principes de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (notamment le principe 2 relatif au droit souverain des États d’exploiter leurs propres ressources, le principe 3 relatif au droit au développement, le principe 7 relatif aux responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, et le principe 12 relatif à un système économique international ouvert et favorable), ainsi que la CCNUCC, le protocole de Kyoto et l’accord de Paris (adoptés dans le cadre de la CCNUCC).
48. De même, s’agissant de l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin, en particulier dans le contexte de la protection du système climatique, il existe également un régime juridique spécifique qui régit la question, en l’occurrence la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM).
À titre préliminaire, il convient de relever que le tribunal international du droit de la mer (TIDM) examine actuellement les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du milieu marin face aux changements climatiques, dans le cadre de l’affaire no 31 inscrite à son rôle (Demande d’avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international). La demande d’avis consultatif sur la question a été présentée au TIDM le 12 décembre 2022 par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international.
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L’Argentine a participé à la procédure orale et a fourni ses observations au tribunal. Elle a ainsi indiqué ses vues dans un exposé oral présenté le 13 septembre 202320. Néanmoins, elle souhaite, dans le présent exposé, confirmer et réaffirmer sa position sur le sujet.
L’Argentine estime que les États parties à la CNUDM ont des obligations spécifiques au titre de la convention, en particulier de la partie XII, consistant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin liée aux effets nuisibles qu’ont ou que peuvent avoir les changements climatiques ; et à protéger et préserver le milieu marin des conséquences des changements climatiques, selon leurs capacités nationales spécifiques, dans un cadre de coopération et à la lumière du principe des responsabilités communes mais différenciées.
L’alinéa 4 du paragraphe 1 de l’article premier de la CNUDM dispose ce qui suit :
« on entend par “pollution du milieu marin” l’introduction directe ou indirecte, par l’homme, de substances ou d’énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de l’homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la qualité de l’eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d’agrément ».
Il importe de noter que cet article s’applique uniquement à la pollution d’origine anthropique ; que les substances potentiellement polluantes constituent une catégorie extrêmement vaste ; et que toute substance ou forme d’énergie introduite par les êtres humains dans le milieu marin sera entendue comme « pollution » au sens de la CNUDM et sera régie par cette dernière si elle a, ou est susceptible d’avoir, un « effet nuisible » tel que défini dans cette disposition21.
La CNUDM recense ensuite six sources de pollution marine : la pollution d’origine tellurique ; la pollution résultant des activités relatives aux fonds marins relevant de la juridiction nationale ; la pollution résultant d’activités menées dans la Zone ; la pollution par immersion ; la pollution par les navires ; et la pollution d’origine atmosphérique ou transatmosphérique (articles 207 à 212 de la CNUDM).
La partie XII — intitulée « Protection et préservation du milieu marin » — établit l’obligation, pour tous les États parties à la CNUDM, de protéger et de préserver le milieu marin. En effet, elle fournit le cadre permettant de lutter contre la pollution marine en appelant les États parties à adopter les règles et normes internationales afin de remédier à la pollution provenant de chaque source ; en imposant aux États de légiférer pour mettre en oeuvre ces règles et normes et pour assurer l’application de ces lois ; en fixant le critère juridictionnel pour une réglementation de la pollution marine par les États allant au-delà des règles et normes internationales ; et en traitant brièvement des questions de responsabilité et d’indemnisation22.
À cet égard, l’article 194 de la CNUDM prévoit ce qui suit :
« 1. Les États prennent, séparément ou conjointement selon qu’il convient, toutes les mesures compatibles avec la Convention qui sont nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, quelle qu’en soit la source; ils mettent en
20 Demande d’avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, exposé oral de la République argentine, 13 septembre 2023, accessible à l’adresse suivante : https:// www.itlos.org/fileadmin/itlos/documents/cases/31/Oral_proceedings/verbatim_records_rev/TIDM_PV23_A31_6_Rev.1_Fr.pdf.
21 Voir Robin Churchill, Vaughan Lowe, Amy Sander, The Law of the Sea, Fourth Edition, Manchester University Press, 2022, p. 621.
22 Voir Robin Churchill, Vaughan Lowe, Amy Sander, op. cit., p. 624.
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oeuvre à cette fin les moyens les mieux adaptés dont ils disposent, en fonction de leurs capacités ».
Cet article énonce l’obligation qui incombe à tous les États parties de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, quelle qu’en soit la source. Le fait qu’il soit reconnu que les États doivent agir avec « les moyens les mieux adaptés dont ils disposent » et « en fonction de leurs capacités » détermine qu’il s’agit d’une obligation de comportement et de « diligence requise », et non de résultat23.
Par ailleurs, puisque cette obligation permet d’opérer une distinction entre les États en fonction de leurs capacités nationales, elle est également compatible avec le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives. Ce principe est aussi reflété dans d’autres articles de la CNUDM tels que l’article 207 (paragraphe 4), qui prévoit qu’en cas de pollution d’origine tellurique toute règle ou norme adoptée doit tenir « compte des particularités régionales, de la capacité économique des États en développement et des exigences de leur développement économique » ; les articles 202 et 203, qui appellent à fournir une assistance financière et technique aux États en développement pour la protection et la préservation du milieu marin ; et la partie XIV, qui prévoit le développement et le transfert des techniques marines.
Selon le paragraphe 2 de l’article 194, les États doivent également prendre toutes les mesures nécessaires pour que les activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle le soient de manière à ne pas causer de préjudice par pollution à d’autres États et à leur environnement et pour que la pollution résultant d’incidents ou d’activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ne s’étende pas au-delà des zones où ils exercent des droits souverains conformément à la convention. Cela est conforme au principe consistant à ne pas causer de dommage, reconnu par la Cour24 et par le TIDM25. De plus, le paragraphe 3 du même article prévoit que « [l]es mesures prises en application de la … partie [XII] doivent viser toutes les sources de pollution du milieu marin », et le paragraphe 5 souligne spécifiquement l’importance de protéger et préserver les écosystèmes rares ou fragiles ainsi que l’habitat des espèces marines menacées.
Par ailleurs, comme c’est le cas pour les efforts déployés mondialement pour lutter contre les changements climatiques, la coopération internationale a une importance capitale dans la protection et la préservation du milieu marin26. Ainsi, l’article 197 de la convention prévoit que
« [l]es États coopèrent au plan mondial et, le cas échéant, au plan régional, directement ou par l’intermédiaire des organisations internationales compétentes, à la formulation et à l’élaboration de règles et de normes, ainsi que de pratiques et procédures recommandées de caractère international compatibles avec la Convention, pour protéger et préserver le milieu marin, compte tenu des particularités régionales ».
De façon similaire, le TIDM a considéré, en l’affaire de l’Usine MOX, que « l’obligation de coopérer constitu[ait], en vertu de la partie XII de la Convention et du droit international général, un principe fondamental en matière de prévention de la pollution du milieu marin ». Il l’a rappelé en
23 Responsabilités et obligations des États dans le cadre d’activités menées dans la Zone, avis consultatif, 1er février 2011, TIDM Recueil 2011, par. 110-112.
24 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 241-242, par. 29 ; Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 41, par. 53.
25 Délimitation de la frontière maritime dans l’océan Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire), ordonnance du 25 avril 2016, TIDM Recueil 2016, par. 71 : « Considérant en outre que [l]’obligation générale qu’ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps des règles de droit international de l’environnement ».
26 Les principes 7 et 27 de la déclaration de Rio énoncent également cette notion.
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l’affaire no 21 inscrite à son rôle
27. La Cour avait également estimé, en l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, que « c’est en coopérant que les États concernés peuvent gérer en commun les risques de dommages à l’environnement »28.
En outre, la partie XII contient de nombreux appels à coopérer en lien avec des domaines spécifiques, par exemple la recherche scientifique portant sur la protection du milieu marin (articles 200, 201 et 202) ou l’élaboration de règles et normes internationales pour prévenir la pollution marine (article 212, paragraphe 3)29. Ainsi qu’il a été souligné plus haut, ces obligations sont renforcées par le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, qui demande une coopération entre les pays développés et les pays en développement dans leurs efforts de protection et de préservation du milieu marin, et par des obligations compatibles similaires au titre du régime juridique multilatéral relatif aux changements climatiques pour les pays développés.
D’autres obligations encore sont prévues par les articles 198 et 199 de la CNUDM. Selon l’article 198, tout État qui a connaissance de cas où le milieu marin est en danger imminent de subir des dommages ou a subi des dommages du fait de la pollution doit en informer immédiatement les autres États qu’il juge exposés à ces dommages ainsi que les organisations internationales compétentes. L’article 199 prévoit quant à lui que, dans les cas visés à l’article 198, les États dans la zone affectée, selon leurs capacités, et les organisations internationales compétentes coopèrent, dans toute la mesure du possible, en vue d’éliminer les effets de la pollution et de prévenir ou réduire à un minimum les dommages. À cette fin, les États doivent élaborer et promouvoir conjointement des plans d’urgence pour faire face aux incidents entraînant la pollution du milieu marin.
Conformément à l’article 206, il existe également une obligation, dans la mesure du possible, d’évaluer les effets potentiels sur le milieu marin des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle :
« Lorsque des États ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d’entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations de la manière prévue à l’article 205. »
À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre du régime juridique multilatéral relatif aux changements climatiques, en particulier dans l’accord de Paris, les États ont reconnu qu’il était nécessaire de répondre à la menace pressante des changements climatiques en se fondant sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles (accord de Paris, quatrième alinéa du préambule, paragraphe 1 de l’article 4, paragraphe 5 de l’article 7 et paragraphe 1 de l’article 14), et que ce critère devrait être pris en compte pour déterminer s’il y a de « sérieuses raisons » de penser qu’un risque existe, comme énoncé dans l’article 206 de la CNUDM, et devrait être à la base de toute action menée face aux changements climatiques.
La disposition de l’article 212 de la CNUDM qui concerne la pollution d’origine atmosphérique ou transatmosphérique est également particulièrement pertinente pour répondre à la première question. Le paragraphe 3 de l’article 212 de la CNUDM invite les États, agissant en
27 Usine MOX (Irlande c. Royaume-Uni), mesures conservatoires, ordonnance du 3 décembre 2001, TIDM Recueil 2001, p. 110, par. 82. Le TIDM a également cité ce paragraphe 82 dans l’avis consultatif qu’il a rendu le 2 avril 2015 : Demande d’avis consultatif soumise par la Commission sous-régionale des pêches, avis consultatif, 2 avril 2015, TIDM Recueil 2015, par. 140.
28 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 49, par. 77.
29 Voir Robin Churchill, Vaughan Lowe, Amy Sander, op. cit., p. 618-619.
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particulier par l’intermédiaire des organisations internationales compétentes ou d’une conférence diplomatique, à s’efforcer d’adopter sur le plan mondial et régional des règles et des normes, ainsi que des pratiques et procédures recommandées, pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution d’origine atmosphérique ou transatmosphérique. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 212 et l’article 222 de la CNUDM prévoient que les États doivent adopter et mettre en application des lois, règlements et autres mesures visant à prévenir, réduire ou maîtriser la pollution du milieu marin d’origine atmosphérique ou transatmosphérique, qui soient applicables à l’espace aérien où s’exerce leur souveraineté et aux navires battant leur pavillon ou aux navires ou aéronefs immatriculés par eux, en tenant compte des règles et des normes, ainsi que des pratiques et procédures recommandées, internationalement convenues, et de la sécurité de la navigation aérienne. Selon l’alinéa a) du paragraphe 3 de l’article 194, ces lois, règlements et mesures doivent tendre à limiter autant que possible les émissions de « substances toxiques, nuisibles ou nocives, en particulier de substances non dégradables, à partir de sources telluriques, depuis ou à travers l’atmosphère ou par immersion ».
Pour résumer, il ressort clairement de ces articles que la CNUDM, en particulier sa partie XII, prévoit une série d’obligations qui incombent aux États parties en ce qui concerne la protection du système climatique, et qui visent à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin de toutes les activités qui contribuent à exacerber les effets des changements climatiques, selon leurs capacités, dans le cadre d’une coopération et à la lumière du principe des responsabilités communes mais différenciées ; et que cette interprétation est compatible avec d’autres obligations prévues par la CNUDM, ses principes et ses objectifs.
L’article 192 de la CNUDM établit en outre une obligation générale pour tous les États parties, en ces termes : « Les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin. »
Cet article impose en effet un devoir aux États parties, devoir dont la teneur repose sur les autres dispositions de la partie XII et sur d’autres règles applicables du droit international. Cette « obligation générale » s’étend à la fois à la « protection » du milieu marin de futurs dommages et à sa « préservation » au sens du maintien ou de l’amélioration de son état actuel. L’article 192 emporte donc l’obligation positive de prendre des mesures actives pour protéger et préserver le milieu marin et, logiquement, l’obligation négative de ne pas dégrader celui-ci.
Le contenu de l’obligation générale énoncée à l’article 192 est détaillé plus avant dans les dispositions suivantes de la partie XII, y compris l’article 194, ainsi que par des références à des obligations spécifiques prévues par d’autres accords internationaux.
D’après le TIDM, les obligations qui incombent à un État en vertu de l’article 192 s’appliquent non seulement à ses propres zones maritimes (eaux intérieures comprises), mais également aux zones sous la juridiction d’autres États et aux zones situées au-delà des juridictions nationales30. Qui plus est, dans l’avis consultatif qu’il a donné en 2015 sur la demande soumise par la Commission sous-régionale des pêches, le TIDM a indiqué que la référence faite au « milieu marin » dans l’article 192 s’appliquait à la conservation des ressources biologiques de la mer et à la faune et la flore marines31. Dans les affaires du Thon à nageoire bleue, le TIDM a observé que « la conservation des ressources biologiques de la mer constitue un élément essentiel de la protection et de la préservation du milieu marin »32.
Les États ont également l’obligation d’exercer la diligence requise pour empêcher leurs ressortissants d’enfreindre l’article 192. Cette obligation comporte un devoir d’adopter des règles et
30 Demande d’avis consultatif soumise par la Commission sous-régionale des pêches, avis consultatif, 2 avril 2015, TIDM Recueil 2015, par. 120. Voir Robin Churchill, Vaughan Lowe, Amy Sander, op. cit., p. 618-619.
31 Demande d’avis consultatif soumise par la Commission sous-régionale des pêches, avis consultatif, 2 avril 2015, TIDM Recueil 2015, par. 120 et 216.
32 Thon à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. Japon ; Australie c. Japon), mesures conservatoires, ordonnance du 27 août 1999, TIDM Recueil 1999, p. 295, par. 70.
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des mesures afin de prévenir de telles violations et de « maintenir un niveau de vigilance dans l’application de ces règles et mesures »
33.
Pour résumer, l’article 192 de la CNUDM établit une obligation générale de fond de protéger et de préserver le milieu marin, qui est largement considérée comme reflétant le droit international coutumier. Comme c’est le cas pour l’article 194, cette obligation doit également être interprétée à la lumière du principe des responsabilités communes mais différenciées, ainsi que d’autres obligations contenues dans la CNUDM et des principes et objectifs de cette dernière.
En lien étroit avec cette disposition et en concordance avec la remarque générale formulée plus haut, l’article 193 prévoit que « [l]es États ont le droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière d’environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». Cela signifie que le droit des États d’exploiter les ressources naturelles de leurs zones maritimes est soumis à l’obligation énoncée à l’article 192 de protéger et préserver le milieu marin.
49. En ce qui concerne la seconde question posée à la Cour, qui porte sur les obligations juridiques qui découlent de ces obligations pour les États qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement, l’Argentine, en tant que pays en développement, tient à souligner que s’agissant de la responsabilité des États, l’on ne saurait leur réserver à tous un traitement égal. Ainsi qu’il a été vu plus haut, il est nécessaire d’opérer une distinction entre les responsabilités des pays développés et celles des pays en développement ; cela ne peut être ignoré.
En outre, il convient de tenir spécialement compte non seulement des petits États insulaires en développement, mais également des pays en développement de manière générale, étant donné qu’ils ont des besoins, des situations et des priorités spécifiques et qu’ils sont tous soit touchés par les effets néfastes des changements climatiques soit particulièrement vulnérables face à ces effets.
33 Demande d’avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, exposé écrit du Belize, 16 juin 2023, par. 59.
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OBSERVATIONS FINALES ET CONCLUSIONS
50. Sur la base des arguments exposés ci-dessus, l’Argentine soutient respectueusement que les réponses que la Cour apportera aux questions posées par l’Assemblée générale dans la demande d’avis consultatif contenue dans la résolution A/RES/77/276 devront inclure les éléments ci-après :
a) la Cour a compétence pour répondre aux questions soulevées par l’Assemblée générale ;
b) aucune raison décisive n’empêche la Cour d’exercer sa compétence consultative ;
c) le droit à un environnement propre, sain et durable est essentiel à la jouissance de tous les droits de l’homme, et la promotion de ce droit passe par l’application pleine et entière des accords multilatéraux sur l’environnement conformément aux principes du droit international de l’environnement ;
d) le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives revêt une importance capitale et doit être pris en compte en tant que principe directeur essentiel du régime juridique relatif aux changements climatiques ;
e) le classement des pays par catégorie, tel qu’il a été convenu dans la CCNUCC et dans l’accord de Paris, doit être respecté et les besoins spécifiques et la situation particulière des pays en développement doivent être pris en considération ;
f) toute action menée pour remédier aux changements climatiques doit, conformément à la CCNUCC et à l’accord de Paris, reconnaître et prendre en compte les priorités fondamentales consistant à protéger la sécurité alimentaire et à venir à bout de la faim, et la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes des changements climatiques. En conséquence, ces actions doivent garantir que la production alimentaire ne sera pas menacée ;
g) les États ont, conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leurs politiques en matière d’environnement et de développement ;
h) dans l’examen des différentes obligations des États, il convient de tenir compte de la nécessité urgente pour les pays en développement d’éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions et d’assurer un développement durable, ainsi que du fait que les pays développés et les pays en développement ne partent pas du même point dans la lutte contre les changements climatiques ;
i) les mesures prises pour enrayer les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, ne devraient pas pénaliser le commerce mondial, et ne devraient pas constituer un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce ;
j) la coopération internationale basée sur le respect mutuel, dans le plein respect des principes et des buts de la Charte des Nations Unies ainsi que de la souveraineté des États, tout en tenant compte des priorités nationales, est également d’une importance capitale et joue un rôle essentiel dans l’assistance aux pays en développement. Les États devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durables dans tous les États, en particulier les pays en développement, qui leur permettrait de mieux lutter contre les problèmes liés aux changements climatiques ;
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k) il existe un régime juridique spécifique qui gouverne les questions liées aux changements climatiques, et les principales sources de droit international que la Cour devrait prendre en considération en rendant son avis consultatif sont les suivantes : les principes de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (notamment le principe 2 relatif au droit souverain des États d’exploiter leurs propres ressources, le principe 3 relatif au droit au développement, le principe 7 relatif aux responsabilités communes mais différenciées et aux capacités respectives et le principe 12 relatif à un système économique international ouvert et favorable) ; la CCNUCC ; et le protocole de Kyoto et l’accord de Paris (adoptés dans le cadre de la CCNUCC) ;
l) en ce qui concerne l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin, les États parties à la CNUDM sont tenus à des obligations spécifiques au titre de la convention, en particulier de la partie XII, de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin liée aux effets nuisibles qu’ont ou que peuvent avoir les changements climatiques ; et de protéger et de préserver le milieu marin des conséquences des changements climatiques, en fonction de leurs capacités nationales spécifiques, dans un cadre de coopération et à la lumière du principe des responsabilités communes mais différenciées.
La ministre, conseillère juridique au ministère des affaires étrangères, du commerce international et du culte de la République argentine,
(Signé) Rosa Delia GÓMEZ DURÁN.
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Exposé écrite de l'Argentine

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