Historique

La fondation de la Cour est l’aboutissement d’une longue évolution des méthodes de règlement pacifique des différends internationaux, dont l’origine remonte à l’Antiquité.

L’article 33 de la Charte des Nations Unies énumère, comme méthodes de solution pacifique des différends entre Etats : la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation, l’arbitrage, le règlement judiciaire et le recours aux organisations ou accords régionaux, auxquels il faut ajouter les bons offices. Parmi ces méthodes, certaines consistent à faire appel à des tiers. Ainsi, par la médiation, les parties à un litige sont invitées à le résoudre elles-mêmes grâce à l’intervention d’un tiers. L’arbitrage va plus loin, en ce sens que le différend est soumis, aux fins de son règlement obligatoire, à la décision ou à la sentence d’un tiers impartial. Dans le règlement judiciaire, méthode mise en œuvre par la Cour internationale de Justice, il en est de même, mais le juge est lié par des règles plus strictes que celles de l’arbitre, notamment en matière de procédure.

Historiquement, la médiation et l’arbitrage ont précédé le règlement judiciaire. La première était connue de l’Inde ancienne et de l’Islam. Quant au second, on en trouve de nombreux exemples dans la Grèce antique, en Chine, parmi les tribus de l’Arabie, dans le droit coutumier des ports européens du Moyen Age et dans la pratique des papes.

Les origines de l'arbitrage

TC’est toutefois au traité de Jay de 1794 que l’on fait généralement remonter l’histoire moderne de l’arbitrage international. Conclu entre les Etats-Unis d’Amérique et la Grande-Bretagne, ce traité d’amitié, de commerce et de navigation prévoyait la constitution de trois commissions mixtes composées en nombre égal de nationaux américains et britanniques et chargées de régler un certain nombre de questions pendantes que les deux pays n’avaient pu résoudre par la négociation. Sans constituer à strictement parler des organes de règlement par recours à une tierce partie, ces commissions mixtes étaient destinées à fonctionner dans une certaine mesure comme des tribunaux. Elles ont éveillé un nouvel intérêt pour la méthode de l’arbitrage. Durant tout le XIXe siècle, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne y ont recouru, ainsi que d’autres Etats d’Europe ou d’Amérique.

L’arbitrage de 1872 en l’affaire anglo-américaine de l’Alabama constitua le début d’une deuxième étape, plus importante encore. Aux termes du traité de Washington de 1871, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étaient convenus de soumettre à un tribunal arbitral les réclamations que les premiers formulaient contre la seconde pour avoir violé leur neutralité pendant la guerre de sécession en permettant la construction et la vente aux confédérés d'un navire corsaire, l'Alabama. Les deux pays avaient énoncé les règles définissant les devoirs des gouvernements neutres qui devaient être appliquées par le tribunal et disposé que celui-ci comprendrait cinq membres, respectivement nommés par les chefs d’Etat des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Brésil, de l’Italie et de la Suisse, ces trois derniers pays n’étant pas parties en cause. Le tribunal arbitral rendit une sentence par laquelle il condamnait la Grande-Bretagne au versement d’une indemnité et cette sentence fut exécutée. L'issue exemplaire de cet arbitrage, en démontrant l’efficacité de l’arbitrage pour le règlement d’un litige important suscita pendant la dernière partie du XIXe siècle une évolution qui s’est manifestée dans plusieurs directions :

  • très nette extension de la pratique consistant à introduire dans les traités des clauses prévoyant le recours à l’arbitrage en cas de contestation entre les parties ;
  • conclusion de traités généraux d’arbitrage pour le règlement de catégories déterminées de conflits entre Etats ;
  • poursuite des efforts en vue d’élaborer un droit général de l’arbitrage, de sorte que les pays souhaitant recourir à cette méthode de règlement ne soient pas obligés de convenir entre eux à chaque occasion de la procédure à suivre, de la composition du tribunal arbitral ainsi que des règles à appliquer ou des facteurs à prendre en considération dans la décision ;
  • formulation de propositions visant à la création d’un tribunal permanent d’arbitrage international afin d’éviter la constitution de tribunaux ad hoc pour régler à mesure chaque différend arbitrable.
Les conférences de la paix de La Haye et la Cour permanente d’arbitrage (CPA)

La conférence de la paix de La Haye de 1899, organisée à l’initiative du tsar Nicolas II de Russie, a marqué l’ouverture d’une troisième période dans l’histoire moderne de l’arbitrage international. Cette conférence, à laquelle participaient - remarquable innovation à l’époque - les petits Etats d’Europe, divers Etats d'Asie et le Mexique, avait pour objet principal de discuter de la paix et du désarmement. Elle finit par adopter une convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, traitant de l’arbitrage en même temps que d’autres méthodes de règlement comme les bons offices et la médiation.

Pour ce qui est de l’arbitrage, la convention de 1899 prévoyait la création d’une institution permanente permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement. Aux termes de la convention, cette institution, qui reçut le nom de Cour permanente d’arbitrage, consistait essentiellement en une liste de jurisconsultes qui devaient être désignés par chacun des pays ayant adhéré à la convention - jusqu’à concurrence de quatre par pays - et parmi lesquels serait choisis les membres des futurs tribunaux arbitraux. En outre, la convention fondait un bureau permanent, installé à La Haye et chargé de fonctions correspondant à celles d’un greffe ou d’un secrétariat, et définissait une série de règles de procédure applicables à la conduite des arbitrages. On voit que l’appellation de Cour permanente d’arbitrage ne décrivait pas exactement le mécanisme prévu : il s’agissait seulement d’une méthode ou d’un moyen propre à faciliter la constitution de tribunaux arbitraux en tant que de besoin. Toutefois, le système ainsi établi était permanent et la convention institutionnalisait dans une certaine mesure le droit et la pratique de l’arbitrage en lui donnant un statut plus précis et plus généralement accepté. La Cour permanente d’arbitrage, établie en 1900, a commencé ces travaux dès 1902.

Quelques années plus tard, en 1907, une seconde conférence de la paix de La Haye, à laquelle les Etats d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud étaient aussi invités, revisa la convention et améliora les règles applicables à la procédure arbitrale. Certains des participants auraient voulu qu’on ne se limitât pas à améliorer le mécanisme institué en 1899. Le secrétaire d’Etat Elihu Root avait chargé la délégation des Etats-Unis d’Amérique de travailler à la création d’un tribunal permanent composé de magistrats n’ayant aucune autre occupation et consacrant la totalité de leur temps à l’examen et au jugement des affaires internationales selon la méthode judiciaire. «Ces juges devraient, disait M. E. Root, être choisis parmi les différentes nations, afin que les divers systèmes de droit et de procédure, ainsi que les principales langues, soient équitablement représentés.» Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne présentèrent un projet commun de tribunal permanent, sur lequel la conférence ne put se mettre d’accord. Il apparut au cours des débats que l’une des principales difficultés portait sur la définition d’une méthode acceptable de désignation des juges, aucune des formules proposées ne parvenant à réunir l’approbation générale. La conférence se borna à recommander aux Etats d’adopter un projet de convention pour l’établissement d’une cour de justice arbitrale dès qu’un accord serait intervenu «sur le choix des juges et la constitution de la cour». Bien que cette cour n’ait jamais pu être constituée, le texte du projet formulait certaines des idées fondamentales qui devaient inspirer quelques années plus tard les rédacteurs du Statut de la CPJI.

Quel qu’ait été le sort de ces projets, la Cour permanente d’arbitrage, installée en 1913 au Palais de la Paix construit pour elle grâce à un don d’Andrew Carnegie, a apporté une contribution positive au développement du droit international. Parmi les affaires les plus connues qui ont été réglées par son mécanisme figurent celles de la Saisie du Manouba et du Carthage (1913), des Frontières de l’île de Timor (1914) ou de la Souveraineté sur l’île de Palmas (1928). Tout en confirmant que des tribunaux arbitraux établis selon un mécanisme permanent pouvaient juger les différends entre Etats sur la base du droit et de la justice et commander le respect par leur impartialité, ces affaires ont mis en relief les lacunes de la Cour permanente d’arbitrage. D’une part, on ne pouvait s’attendre que des tribunaux de composition différente établissent en matière de droit international une jurisprudence aussi cohérente que celle d’un tribunal ayant un caractère permanent. D’autre part, on se trouvait en présence d’un mécanisme entièrement facultatif. Le fait que des Etats fussent parties aux conventions de 1899 et 1907 ne les obligeait pas à soumettre leurs différends à l’arbitrage et, même s’ils étaient disposés à le faire, ils n’étaient tenus ni de recourir à la Cour permanente d’arbitrage ni de suivre les règles de procédure établies par les conventions.

La Cour permanente d’arbitrage a entrepris récemment de diversifier les services qu’elle pouvait offrir en sus de ce que prévoient les conventions. Le Bureau international de la Cour permanente d’arbitrage a notamment servi de Greffe dans d’importants arbitrages internationaux. En outre, la Cour permanente d’arbitrage a adopté en 1993 un nouveau « Règlement facultatif pour l’arbitrage des différends entre deux parties dont l’une seulement est un Etat » et en 2001 un « Règlement facultatif pour l’arbitrage de différends relatifs aux ressources naturelles et/ou à l’environnement ».

Pour plus d’informations sur la Cour permanente d’arbitrage, veuillez consulter son site Internet .

L’œuvre des deux conférences de la paix de La Haye et les réflexions qu’elles ont inspirées aux hommes d’Etat et aux juristes ne sont pas étrangères à la création de la Cour de justice centraméricaine qui a fonctionné de 1908 à 1918, ainsi qu'aux divers plans et propositions présentés de 1911 à 1919, tant par des organismes nationaux ou internationaux que par des gouvernements, en vue de l’établissement d’un tribunal judiciaire international. L'un des aboutissements en fut l’institution de la Cour permanente de justice internationale dans le cadre du nouveau système international mis sur pied après la fin de la première guerre mondial

La Cour permanente de Justice internationale (CPJI)

Aux termes de l’article 14 du Pacte de la Société des Nations (SdN), le Conseil de la Société était chargé de «préparer un projet de Cour permanente de Justice internationale» (CPJI), juridiction appelée non seulement à connaître de tous différends d’un caractère international que les parties lui soumettraient, mais aussi à donner des avis consultatifs sur tout différend ou tout point dont la saisirait le Conseil ou l’Assemblée de la Societé. Il restait au Conseil à prendre les mesures nécessaires pour donner effet à l’article 14. A sa deuxième session, au début de l’année 1920, le Conseil constitua un comité consultatif de juristes qu’il chargea de lui faire rapport sur l’établissement de la CPJI et qui siégea à La Haye sous la présidence du baron Descamps (Belgique). En août 1920, un rapport contenant un avant-projet fut soumis au Conseil. Après l’avoir examiné et y avoir apporté certains amendements, le Conseil le transmit à la première Assemblée de la Société des Nations, ouverte à Genève au mois de novembre. L’Assemblée chargea sa Troisième Commission d’examiner la question de la constitution de la Cour. En décembre 1920, après étude approfondie par une sous-commission, la Commission présenta à l’Assemblée un projet revisé, qui fut adopté à l’unanimité. C’était le Statut de la CPJI.

L’Assemblée estima qu’un simple vote ne serait pas suffisant pour instituer la CPJI et que chaque Etat représenté à l’Assemblée devait formellement ratifier le Statut. Par résolution du 13 décembre 1920, elle chargea le Conseil de soumettre aux Membres de la Société des Nations un protocole d’adoption du Statut et elle décida que, dès que ce protocole aurait été ratifié par la majorité des Etats Membres, le Statut entrerait en vigueur. Le protocole fut ouvert à la signature le 16 décembre. Avant que l’Assemblée se réunît de nouveau en septembre 1921, une majorité des Membres de la Société des Nations l’avaient signé et ratifié. Le Statut était ainsi en vigueur. Le nouveau Statut réglait entre autres le problème jusqu’alors insurmontable de l’élection des membres d’un tribunal international permanent : il était prévu que l’Assemblée et le Conseil de la Société des Nations procéderaient simultanément mais indépendamment à l’élection des juges, et cela sans perdre de vue que les élus devaient assurer «dans l’ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde». Aussi simple que cette solution puisse paraître aujourd’hui, c’était en 1920 un progrès remarquable que de l’avoir conçue. La première élection eut lieu le 14 septembre 1921. A la suite de démarches faites par le Gouvernement néerlandais dès le printemps 1919, il avait été convenu que la CPJI aurait son siège permanent au Palais de la Paix de La Haye, aux côtés de la Cour permanente d’arbitrage. C’est là que devait s'ouvrir le 30 janvier 1922, sa session préliminaire consacrée à l’élaboration du Règlement et se tenir le 15 février 1922, sous la présidence du jurisconsulte néerlandais Bernard C. J. Loder, sa séance inaugurale.

La CPJI était donc devenue une réalité vivante. On peut mesurer les innovations qu’elle apportait dans l’histoire de la justice internationale en se plaçant à divers points de vue :

  • contrairement aux tribunaux arbitraux, la CPJI était constituée de manière permanente ; elle était régie par un Statut et des règles de procédure propres qui étaient fixés à l’avance et liaient les parties se présentant devant elle ;
  • elle disposait d’un greffe permanent qui, entre autres, servait d’intermédiaire pour toutes ses communications avec les gouvernements et les organismes internationaux ;
  • la procédure devant la CPJI était largement publique et des dispositions avaient été prises pour assurer la publication en temps utile des pièces de procédure écrite, des comptes rendus d’audiences et de toutes les pièces produites comme éléments de preuve ;
  • le tribunal permanent ainsi constitué était désormais en mesure d’établir progressivement une pratique homogène et de donner une certaine continuité à ses décisions, ce qui le mettait dans une meilleure position pour contribuer au développement du droit international ;
  • la CPJI était en principe ouverte à tous les Etats pour le règlement judiciaire de leurs différends internationaux ; tout Etat pouvait à l’avance déclarer reconnaître comme obligatoire, à l’égard des autres Etats acceptant la même obligation, la compétence de la Cour pour certaines catégories de différends d’ordre juridique. Ce système d’acceptation facultative de la compétence de la Cour correspondait au maximum de ce que l’on pouvait alors obtenir ;
  • la CPJI avait le pouvoir de donner des avis consultatifs sur tout différend ou tout point dont la saisirait le Conseil ou l’Assemblée de la Société des Nations ;
  • son Statut énumérait expressément les sources de droit qu’elle devait appliquer pour régler les affaires et questions à elle soumises, sans préjudice de sa faculté de statuer ex aequo et bono si les parties étaient d’accord ;
  • elle était plus représentative de la communauté internationale et des grands systèmes juridiques qu’aucune juridiction internationale ne l’avait jamais été avant elle.

Bien qu’instituée par la Société des Nations et mise en place par ses soins, la CPJI n’en faisait pas partie. Il existait toutefois un lien étroit entre les deux organismes, qui s’exprimait entre autres par le fait que le Conseil et l’Assemblée de la Société des Nations procédaient périodiquement à l’élection des juges et qu’ils avaient l’un et l’autre la faculté de demander des avis consultatifs à la CPJI. Mais celle-ci n’a jamais fait partie intégrante de la Société des Nations et le Statut n’a jamais fait partie du pacte ; en particulier, un Etat Membre de la Société des Nations n’était pas, de ce seul fait, automatiquement partie au Statut.

De 1922 à 1940, la CPJI a connu de vingt-neuf affaires entre Etats et rendu vingt-sept avis consultatifs. En même temps étaient élaborés plusieurs centaines de traités, conventions ou déclarations qui lui attribuaient compétence pour telle ou telle catégorie de différends. Ainsi, les doutes que l’on avait pu avoir sur la possibilité de faire fonctionner un tribunal judiciaire permanent de manière pratique et effective étaient-ils dissipés. La CPJI a prouvé son utilité pour la communauté internationale de plus d’une manière et d’abord par l’établissement progressif d’une véritable technique de procédure judiciaire. Celle-ci a trouvé son expression dans le Règlement que la CPJI a élaboré dès 1922 puis revisé à trois reprises, en 1926, en 1931 et en 1936. La résolution de la CPJI concernant sa pratique en matière judiciair,e adoptée en 1931 et revisée en 1936, fixait la procédure interne applicable au délibéré des juges. Par ailleurs, nombre de décisions de la CPJI ont éclairé des aspects du droit international demeurés ambigus ou ont contribué au développement de ce droit, tout en aidant à la solution de sérieux litiges internationaux dont beaucoup étaient des suites de la première guerre mondiale.

Pour plus d’informations sur la Cour permanente de Justice internationale, veuillez vous rapporter aux pages CPJI de notre site Internet.

La Cour internationale de Justice (CIJ)

L’ouverture des hostilités en septembre 1939 ne pouvait qu’avoir de graves conséquences pour la CPJI, déjà moins active depuis quelques années. Après sa dernière audience publique, le 4 décembre 1939, et après avoir rendu une dernière ordonnance le 26 février 1940, elle ne connut plus d’activité judiciaire et ne procéda plus à aucune élection de juge ; elle se transporta alors à Genève, un seul juge demeurant à La Haye avec quelques fonctionnaires du Greffe de nationalité néerlandaise. Il était inévitable qu’en dépit des soucis de la guerre on se préoccupât de l’avenir de la Cour de même que de la création d’une nouvelle organisation politique internationale.

En 1942, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis et le ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni se prononcèrent en faveur de la reconstitution d’une Cour internationale après la guerre, alolrs que le comité juridique interaméricain recommandait l’extension de la compétence de la CPJI. Au début de 1943, le Gouvernement britannique prit l’initiative d’inviter plusieurs experts se trouvant à Londres à constituer un comité interallié officieux pour examiner la question. Ce comité tint dix-neuf séances en présence de jurisconsultes de onze pays et sous la présidence de sir William Malkin (Royaume-Uni). Dans son rapport, publié le 10 février 1944, il recommandait :

  • que le statut de toute nouvelle juridiction internationale à créer éventuellement soit fondé sur celui de la CPJI ;
  • que la nouvelle Cour conserve une compétence consultative ;
  • que l’acceptation de la juridiction de la nouvelle Cour ne soit pas obligatoire ;
  • que les questions de nature essentiellement politique ne soient pas de son ressort.

Dans l’intervalle, le 30 octobre 1943, à l’issue d’une conférence réunissant la Chine, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS, avait été publiée une déclaration conjointe reconnaissant la nécessité «d’établir aussitôt que possible une organisation internationale générale fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous les Etats pacifiques et ouverte à tous les Etats pacifiques, grands ou petits, en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales».

A la suite de cette déclaration, des entretiens eurent lieu entre les quatre Puissances à Dumbarton Oaks (Etats-Unis) et aboutirent à la publication de propositions relatives à l’établissement d’une organisation internationale générale comprenant notamment une Cour internationale de Justice (9 octobre 1944). L’étape suivante fut la convocation à Washington, en avril 1945, d’un comité de juristes composé des représentants de quarante-quatre Etats. Ce comité, présidé par M. Hackworth (Etats-Unis), était chargé de rédiger un projet de statut de la future Cour internationale de Justice afin de le présenter à la conférence de San Francisco qui allait élaborer, d’avril à juin 1945, la Charte des Nations Unies. Le projet de statut rédigé par le comité était établi sur la base du Statut de la CPJI ; ce n’était donc pas un texte entièrement nouveau. Le comité se refusa toutefois à prendre parti sur un certain nombre de points qu’il estimait être du ressort de la conférence : convenait-il de créer une cour nouvelle ? Sous quelle forme sa mission, en qualité d’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, devait-elle être définie ? Sa juridiction serait-elle obligatoire et, si oui, dans quelle mesure ? Quel serait le mode d’élection des juges ? Les décisions définitives sur ces points et sur la forme finale du Statut furent prises à la conférence de San Francisco, à laquelle cinquante Etats prenaientpart. La conférence se prononça contre l’acceptation obligatoire de la compétence et pour la création d’une cour entièrement nouvelle qui serait un organe principal de l’Organisation des Nations Unies, au même titre que l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle et le Secrétariat, et dont le Statut serait annexé à la Charte et en ferait partie. Les raisons ayant motivé la décision de la conférence d’instituer une nouvelle Cour sont essentiellement les suivantes :

  • La Cour devant être l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, il paraissait inopportun de confier ce rôle à la CPJI, liée jusqu’alors à la Société des Nations qui allait être dissoute ;
  • la création d’une nouvelle cour était plus logique compte tenu de ce que la Charte stipulait que tous les Etats Membres de l'Organisation des Nations Unies seraient ipso facto parties au Statut ;
  • plusieurs Etats parties au Statut de la CPJI n’étaient pas représentés à la conférence de San Francisco et inversement plusieurs des pays représentés à la conférence n’étaient pas parties à ce Statut ;
  • on avait le sentiment dans certains milieux que la CPJI participait d’un ordre ancien, dans lequel les Etats européens dominaient les affaires politiques et juridiques de la communauté internationale, et que la création d’une cour nouvelle faciliterait l’accès des Etats non européens aux responsabilités. C’est en effet ce qui s’est produit à mesure que le nombre des Membres de l’Organisation des Nations Unies passait de cinquante et un en 1945 à cent quatre-vingt-treize en 2020.

La conférence de San Francisco s’était toutefois montrée soucieuse de ne pas rompre toute continuité avec le passé, considérant en particulier que le Statut de la CPJI s’inspirait lui-même d’expériences passées et qu’il était souhaitable de conserver un système qui semblait avoir bien fonctionné. Aussi la Charte soulignait-elle que le Statut de la CIJ était établi sur la base de celui de la CPJI. En même temps les dispositions nécessaires furent prises pour que la compétence de la CPJI fût autant que possible transférée à la CIJ. Quoi qu’il en soit, la décision de créer une cour nouvelle entraînait nécessairement la dissolution de sa devancière. En octobre 1945, la CPJI tint sa dernière session au cours de laquelle elle décida de prendre toutes mesures utiles pour assurer le transfert de ses archives et de ses biens à la nouvelle CIJ, qui allait également s’installer au Palais de la Paix. Le 31 janvier 1946, tous les juges de la CPJI remirent leur démission et, le 6 février 1946, l’Assemblée générale des Nations Unies, au cours de sa première session, et le Conseil de sécurité procédaient à l’élection des membres de la CIJ. En avril 1946, la CPJI fut formellement dissoute et la CIJ, réunie pour la première fois, élut pour président M. José Gustavo Guerrero (El Salvador), dernier président de la CPJI. La Cour constitua son Greffe (en reprenant en général les anciens fonctionnaires de la CPJI) et tint une séance publique inaugurale le 18 du même mois. Elle fut saisie de sa première affaire en mai 1947, au sujet d’incidents survenus dans le Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie).

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