Résumé de l'ordonnance du 23 mai 2024

Document Number
194-20240523-SUM-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2024/5
Date of the Document
Document File

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Résumé
Non officiel
Résumé 2024/5
Le 23 mai 2024
Ambassade du Mexique à Quito (Mexique c. Équateur) Demande en indication de mesures conservatoires
La Cour commence par rappeler que, le 11 avril 2024, le Mexique a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre l’Équateur ayant trait « à des questions juridiques relatives au règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques et des relations diplomatiques, et à l’inviolabilité d’une mission diplomatique ». La requête contenait une demande en indication de mesures conservatoires. Au terme de ses plaidoiries sur cette demande, le Mexique a prié la Cour d’indiquer les mesures conservatoires suivantes :
« a) Que le Gouvernement de l’Équateur s’abstienne de porter atteinte à l’inviolabilité des locaux de la mission et des demeures privées d’agents diplomatiques du Mexique, et qu’il prenne les mesures qui s’imposent pour assurer la protection et le respect de ces locaux et demeures, ainsi que des biens et des archives qui s’y trouvent, en empêchant toute forme de perturbation.
b) Que le Gouvernement de l’Équateur autorise le Gouvernement mexicain à vider les locaux de sa mission et les demeures privées de ses agents diplomatiques.
c) Que le Gouvernement de l’Équateur veille à ce qu’il ne soit pris aucune mesure qui puisse porter atteinte aux droits du Mexique en ce qui concerne toute décision que la Cour pourrait prendre au fond.
d) Que le Gouvernement de l’Équateur s’abstienne de tout acte ou comportement qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie. »
I. CONTEXTE FACTUEL (PAR. 15-22)
La Cour rappelle que, le 17 décembre 2023, M. Jorge David Glas Espinel, ancien vice-président de l’Équateur, s’est présenté à l’ambassade du Mexique à Quito et a, selon le Mexique, sollicité une protection, déclarant craindre qu’il ne soit porté atteinte à sa sécurité. M. Glas Espinel est ensuite demeuré dans les locaux de l’ambassade du Mexique et a ultérieurement déposé une demande officielle d’asile auprès des autorités mexicaines. Selon l’Équateur, au moment de son arrivée à l’ambassade du Mexique, M. Glas Espinel avait été provisoirement libéré, pour des raisons de santé, de la prison où il purgeait sa peine, ayant fait l’objet de deux condamnations définitives pour association illicite et corruption. Il était également visé par une procédure pénale en Équateur pour détournement de fonds publics (dans le cadre de laquelle une ordonnance de placement en
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détention provisoire a été émise le 5 janvier 2024), et par une enquête pour intimidation et violences psychologiques.
Au cours des mois qui ont suivi, des rencontres et des échanges de notes diplomatiques ont eu lieu entre les Parties à propos du cas de M. Glas Espinel et des procédures judiciaires engagées contre lui. En particulier, le 29 février 2024, l’Équateur a demandé à la cheffe de la mission diplomatique du Mexique de consentir à laisser entrer des agents équatoriens dans les locaux de la mission pour exécuter un mandat d’arrêt visant M. Glas Espinel, ce qui a été refusé.
Le 4 avril 2024, l’Équateur a déclaré persona non grata l’ambassadrice du Mexique en Équateur, annonçant que sa décision était motivée par certaines déclarations publiques faites la veille par le président du Mexique au sujet de l’élection présidentielle qui venait d’avoir lieu en Équateur. Le 5 avril 2024, le Mexique a indiqué qu’il jugeait regrettable la décision de déclarer son ambassadrice persona non grata et a annoncé qu’il avait décidé d’accorder à M. Glas Espinel l’asile politique. Le Mexique a aussi fait part de son intention de demander un sauf-conduit pour M. Glas Espinel et a exigé que l’Équateur garantisse l’inviolabilité de sa mission diplomatique. Le même jour, l’Équateur a répondu qu’il jugeait illicite l’octroi de l’asile diplomatique à M. Glas Espinel, auquel il n’accorderait pas de sauf-conduit. L’Équateur a ajouté que, dans le strict respect des normes prévues par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, il continuerait d’assurer la protection des locaux de l’ambassade du Mexique à Quito. Le soir même de cette journée du 5 avril 2024, vers 22 heures, des membres armés des forces équatoriennes de sécurité ont pénétré dans l’ambassade du Mexique sans l’autorisation de la cheffe de mission, ont maîtrisé le chef de mission adjoint et ont emmené de force M. Glas Espinel.
Le 6 avril 2024, le Gouvernement mexicain a, par note verbale, fait connaître à l’Équateur sa décision de rompre, avec effet immédiat, les relations diplomatiques et consulaires entre les deux États. Le même jour, l’Équateur a réitéré que l’octroi par le Mexique de l’asile diplomatique à M. Glas Espinel était illicite et que la décision du président équatorien d’autoriser le recours à la force pour pénétrer dans les locaux de l’ambassade mexicaine avait été prise au vu du risque réel et imminent que l’intéressé ne prenne la fuite.
II. EXAMEN DE LA DEMANDE (PAR. 23-35)
La Cour rappelle que, conformément au paragraphe 1 de l’article 41 de son Statut, elle « a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire », dans l’attente d’un arrêt définitif en l’affaire. Elle ne peut notamment exercer ce pouvoir que s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige dans la procédure judiciaire ou que la méconnaissance alléguée de ces droits entraîne des conséquences irréparables avant que la Cour ne rende sa décision définitive. La Cour recherche donc si pareil risque existe à ce stade de la procédure.
La Cour relève que l’Équateur a fourni certaines assurances au Mexique par note verbale en date du 9 avril 2024, par lettre en date du 19 avril 2024 et lors de l’audience tenue le 1er mai 2024. À cette dernière occasion, l’agent de l’Équateur a donné, au nom de son pays, les assurances suivantes :
« conformément à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et aux autres règles pertinentes du droit international, l’Équateur :
1) garantira la protection et la sécurité pleines et entières des locaux, des biens et des archives de la mission diplomatique du Mexique à Quito, de sorte à les protéger de toute forme d’intrusion ;
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2) autorisera le Mexique à vider les locaux de sa mission diplomatique et les demeures privées de ses agents diplomatiques ; et
3) s’abstiendra de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie et, au contraire, continuera d’oeuvrer en faveur du règlement pacifique des différends. »
La Cour considère que les assurances fournies par l’agent de l’Équateur couvrent les préoccupations exprimées par le Mexique dans sa demande. Le défendeur s’est notamment engagé à assurer la protection et la sécurité pleines et entières des locaux, des biens et des archives de la mission diplomatique du Mexique à Quito, ainsi qu’à autoriser le Mexique à vider cette mission et les demeures privées de ses agents diplomatiques. De plus, il a précisé à l’audience que ces assurances avaient vocation à avoir « la même portée que l’alinéa a) de l’article 45 de la convention de Vienne » et à couvrir l’inviolabilité, dans la mesure où celle-ci est prévue par ledit article.
La Cour réaffirme que les déclarations unilatérales peuvent créer des obligations juridiques. Les États intéressés peuvent tenir compte de telles déclarations et tabler sur elles, et sont fondés à exiger que l’obligation ainsi créée soit respectée. Elle réaffirme également que, dès lors qu’un État a pris un tel engagement quant à son comportement, il doit être présumé qu’il s’y conformera de bonne foi. Ces assurances sont particulièrement importantes durant toute la période nécessaire pour que le Mexique vide les locaux de son ambassade à Quito ainsi que les demeures privées de ses agents diplomatiques. La Cour est d’avis que les assurances données par l’agent de l’Équateur au nom de son gouvernement, qui ont été lues publiquement devant elle et énoncées de manière inconditionnelle, sont contraignantes et créent des obligations juridiques à la charge du défendeur.
À la lumière de l’ensemble des éléments qui précèdent, la Cour considère qu’il n’y a, pour l’heure, pas d’urgence, en ce sens qu’il n’existe pas de risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits revendiqués par le demandeur.
La Cour observe que les conditions pour l’indication de mesures conservatoires précisées dans sa jurisprudence sont cumulatives. Ayant constaté que l’une de ces conditions n’était pas remplie, la Cour n’est donc pas tenue de rechercher si les autres le sont.
III. CONCLUSION (PAR. 36)
La Cour conclut que les circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à elle, ne sont pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut.
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La Cour estime néanmoins nécessaire d’insister sur l’importance fondamentale des principes consacrés par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Elle rappelle notamment que, dans la conduite des relations entre États, il n’est pas d’exigence plus fondamentale que celle de l’inviolabilité des diplomates et des ambassades.
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La Cour réaffirme que la décision rendue en la présente procédure ne préjuge en rien la question de sa compétence pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune question relative à la recevabilité de la requête ou au fond lui-même. Elle laisse intact le droit des Gouvernements du Mexique et de l’Équateur de faire valoir leurs moyens à cet égard.
DISPOSITIF (PAR. 39)
Le texte intégral du dispositif de l’ordonnance se lit comme suit :
« Par ces motifs,
LA COUR,
À l’unanimité,
Dit que les circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à la Cour, ne sont pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut. »
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MM. les juges BHANDARI, NOLTE, GÓMEZ ROBLEDO, Mme la juge CLEVELAND et M. le juge AURESCU joignent des déclarations à l’ordonnance.
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Annexe au résumé 2024/5
Déclaration de M. le juge Gómez Robledo
Tout en votant en faveur de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires, le juge Gómez Robledo explique que la mise en oeuvre des assurances fournies par l’Équateur, qui sont juridiquement contraignantes, nécessite cependant sa coopération afin de permettre au Mexique de mener à bien les démarches qui s’imposent pour procéder à la fermeture de son ambassade à Quito. Il s’intéresse également à la question de la durée pendant laquelle l’État accréditaire, en l’espèce l’Équateur, est tenu par les obligations découlant de l’alinéa a) de l’article 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et explique que, en l’absence d’un accord entre l’État accréditaire et l’État accréditant, l’appréciation de cette durée revient in fine à l’Équateur. À cet égard, il souligne que la Cour a reconnu de manière implicite, dans le paragraphe 33 de son ordonnance, que le Mexique doit être assuré de la pleine coopération de l’Équateur pendant toute la période nécessaire pour qu’il vide les locaux de son ambassade à Quito ainsi que les demeures privées de ses agents diplomatiques. Le Mexique est ainsi en droit d’exiger de l’Équateur que ce dernier donne leur plein effet aux engagements pris solennellement devant la Cour.
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