Demandes en indication de mesures conservatoires

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16525
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Incidental Proceedings
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DEMANDES EN INDICATION
DE MESURES CONSERVATOIRES PRÉSENTÉES
RESPECTIVEMENT

PAR LE GOUVERNEMENT DU BURKINA FASO
ET PAR LE GOUVERNEMENT
DE LA RÉPUBLIQUE DU MALI

REQUESTS FOR THE INDICATION
OF PROVISIONAL MEASURES OF PROTECTION
SUBMITTED RESPECTIVELY
BY THE GOVERNMENT OF BURKINA FASO
AND BY THE GOVERNMENT OF THE REPUBLIC

OF MALI 3

DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES
PRÉSENTÉE PAR LE BURKINA FASO

1. Les Gouvernements du Burkina Faso et de la République du Mali ont soumis

à une chambre de la Cour internationale de Justice le différend frontalier entre
les deux Etats par compromis du 16 septembre 1983, notifié à la Cour le 20 oc-
tobre 1983.
2. Les deux Parties ont présenté leurs mémoires à la Cour dans les six mois
suivant l’ordonnance constituant la Chambre. La procédure devant la Chambre est
en cours.
3. Le 25 décembre 1985 à 7 heures, les forces armées de la République du Mali
ont attaqué le Burkina Faso, arguant des problèmes soulevés par le recensement
de la population, alors que l’opération de recensement avait été notifiée par les
autorités du Burkina Faso aux autorités maliennes à titre de courtoisie et que ces
dernières n’avaient émis aucune objection.
4. Le conflit armé qui oppose les deux Parties constitue une menace pour le
règlement judiciaire du différend, règlement pacifique convenu par le compromis
du 16 septembre 1983. Aussi, le Gouvernement du Burkina Faso demande-t-il, en
application des articles 41 du Statut et 73 du Règlement, l’indication des mesures
conservatoires qui s’imposent.

5. Conformément à l’article 73, alinéa 2, du Règlement, le Gouvernement du
Burkina Faso indique les conséquences éventuelles du rejet de sa demande.
L’issue du conflit armé pourrait créer sur le terrain une situation de fait rendant
difficile voire impossible l’application de l’arrêt de la Cour. La destruction d’élé-
ments de preuve lors des hostilités risquerait de fausser le déroulement de la
procédure.
6. En conséquence et sans préjuger le fond du différend, le Gouvernement du
Burkina Faso demande l’indication des mesures conservatoires suivantes:

Primo: Les Parties retireront leurs forces armées de part et d’autre de la ligne
proposée par la sous-commission juridique de la commission de médiation de
l’Organisation de l’unité africaine le 14 juin 1975.
Secundo: Les Parties s’abstiendront de tout acte ou action sur le terrain qui
pourrait empêcher ou entraver l’exécution de l’arrêt rendu par la Chambre de la
Cour sur la base des conclusions des Parties.
Tertio: Les Parties s’abstiendront de tout acte ou action qui pourrait entraver la
réunion des éléments de preuve dans la présente instance.

Fait à Paris, le 30 décembre 1985.

(Signé) Emmanuel S ALAMBERE ,

coagent du Burkina Faso.4

LETTRE DE L’AMBASSADEUR,
COAGENT DU MALI PRÈS LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE,
AU PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DE LA COUR

Objet: Conflit frontalier Mali/Burkina Faso.

Monsieur le Président,
Sur ordre de mon gouvernement, j’ai l’honneur de vous transmettre, sous ce pli,
le texte de la déclaration du Gouvernement du Mali du 21 décembre 1985. Cette
déclaration fait état de graves mesures unilatérales prises par le Gouvernement

bukinabé dans la zone contestée faisant l'objet de l'instance pendante devant la
Chambre de la Cour que vous présidez.
Les troupes burkinabés ont, en effet, occupé les villages de Dioulouna, Kounia,
Selba et Douna et y ont hissé le drapeau du Burkina Faso.
Dans ces conditions, je suppose que la Chambre que vous présidez estimera
opportun de recourir à l’article 41 du Statut de la Cour:
«La Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exi-
gent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à
titre provisoire.»

La procédure prévue à l’article 75 du Règlement paraîtrait particulièrement
appropriée en l’espèce:
«1. La Cour peut à tout moment décider d’examiner d’office si les circons-
tances de l’affaire exigent l’indication de mesures conservatoires que les
parties ou l’une d’elles devraient prendre ou exécuter.»

La Chambre de la Cour estimera sans doute opportun, dans ces circonstances,
d’inviter le Burkina Faso non seulement de veiller à empêcher tout acte susceptible
de préjuger les droits du Mali à l’exécution de l’arrêt que la Chambre de la Cour
peut être appelée à rendre au fond, mais aussi de veiller à arrêter tout acte de
quelque nature qu’il soit qui pourrait aggraver ou étendre le différend soumis à la
Chambre de la Cour.
En conséquence, le Burkina Faso devrait être invité à rapporter les mesures
unilatérales prises dans les villages de Dioulouna, Kounia, Selba et Douna et d’y
retirer les éléments armés et autres qu’il y a introduits.
Tant pour des raisons d’urgence, de souplesse et de plus grande légèreté de la

procédure qu’en vue de dédramatiser la situation, le Gouvernement malien estime,
pour sa part, que la procédure par laquelle la Chambre se prononcerait proprio
motu serait plus adéquate que celle par laquelle elle serait formellement saisie
d’une demande émanant du Gouvernement malien.
En remerciant à l’avance la Chambre de la Cour pour l’attention qu’elle voudra
bien apporter à la présente, je saisis cette occasion, Monsieur le Président, pour
renouveler, à Votre Excellence, les assurances de ma très haute considération.

Bruxelles, le 27 décembre 1985.

L’ambassadeur, coagent du Mali
près la Cour internationale de Justice,
(Signé) Yaya D IARRA . DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES 5

C OMMUNIQUÉ DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU M ALI
PUBLIÉ LE SAMEDI 21 DÉCEMBRE 1985

Le Gouvernement du Burkina Faso a saisi le Gouvernement du Mali de sa déci-
sion de procéder à un recensement général de sa population du 10 au 20 décembre
1985. Le Gouvernement malien a donné des instructions aux autorités frontalières

maliennes pour en informer les populations amenées à se déplacer entre les deux
pays.
Le 14 décembre 1985, des agents burkinabés chargés des opérations de recen-
sement et appuyés de brigades de comités de défense de la révolution burkinabé
(CDR), munies d’armes automatiques, ont pénétré dans le territoire malien. Ces
éléments ont été vite rejoints par des unités régulières des forces armées burki-
nabés qui ont investi et occupé les villages frontaliers maliens: Dioulouna, Kounia
Selba et Douna, sur lesquels a été hissé le drapeau du Burkina Faso. Les autorités
militaires burkinabés ont coupé toutes communications entre ces localités et le

reste du territoire malien.
Le chef de village de Dioulouna et d’autres responsables des localités occupées,
ayant tous refusé de se laisser recenser par les autorités étrangères, ont été maltrai-
tés, enlevés brutalement et déportés à Djibo (Burkina Faso). Leurs domiciles ont
été violés et perquisitionnés, leurs biens emportés. Cette situation a eu pour consé-
quence un déplacement massif des populations maliennes vers Mondoro et
Douentza.
Devant la persistance et l’aggravation de la situation consacrée par une occupa-

tion par les forces armées régulières burkinabés, en lieu et place de prétendus
agents de recensement, le Gouvernement du Mali constate une rupture unilatérale
de la concertation, une violation flagrante des règles élémentaires de bon voisinage
et une agression caractérisée.
Le Gouvernement de la République du Mali, face à cette situation inadmissible,
a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des populations et
sauvegarder l’intégrité du territoire.6

LETTRE DE L’AMBASSADEUR, COAGENT DU MALI

PRÈS LACOUR INTERNATIONALE DE JUSTICE,AU GREFFIER DE LACOUR

Monsieur le Greffier,
J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir trouver, ci-jointe, la lettre par
laquelle le Mali saisit la Cour internationale de Justice d’une demande d’indication

de mesures conservatoires dans le cadre de la procédure en cours concernant le
différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Greffier, les assurances de ma haute consi-
dération.

Bruxelles, le 7 janvier 1986.

L’ambassadeur, coagent du Mali
près la Cour internationale de Justice,

(Signé) Yaya D IARRA . 7

DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES
PRÉSENTÉES PAR LE MALI

1. Par une lettre de son coagent du 27 décembre 1985, le Gouvernement malien
attirait l’attention de la Cour sur le fait que dès le 14 décembre 1985 des éléments
armés burkinabés avaient investi et occupé les villages frontaliers sous adminis-
tration malienne.
Dans ces conditions, l’indication de mesures conservatoires, aux termes de l’ar-
ticle 41 du Statut de la Cour, apparaissait comme opportune.

2. Pour sa part, le Gouvernement malien estimait que l’examen d’office par la
Cour d’indication de mesures conservatoires, sur base de l’article 75 du Règlement,
était approprié, vu les circonstances.
3. La présentation, le 30 décembre 1985, par le Burkina Faso, d’une requête
unilatérale de mesures conservatoires, sur base de l’article 73 du Règlement, rend
inopérante la suggestion du Mali d’une procédure par laquelle la Chambre se serait
prononcée proprio motu .
4. Dans ces conditions, le Gouvernement du Mali est amené lui aussi à deman-
der à nouveau à la Cour, sur base de l’article 73 du Règlement cette fois, de
prendre les mesures conservatoires suivantes:
— inviter chacune des Parties à s’abstenir de tout acte ou action susceptible de pré-

juger aux droits de l’autre Partie à l’exécution de l’arrêt que la Chambre de la
Cour peut être appelée à rendre au fond;
— inviter chacune des Parties à s’abstenir de tout acte de quelque nature qu’il soit
qui pourrait aggraver le différend soumis à la Cour.
5. Aucune question de compétence de la Chambre de la Cour ne se pose en l’oc-
currence puisque la Cour est saisie du litige par compromis du 16 septembre 1983.
6. Les demandes présentées au paragraphe 4 ci-dessus sont justifiées par les
incidents du mois de décembre par lesquels, suite à l’invasion de son territoire le
14 décembre et après avoir essayé en vain, par la voie diplomatique, d’obtenir du
Burkina Faso un retrait de ses troupes, le Mali a été obligé, en état de légitime

défense, de repousser par la force les troupes burkinabés.
De telles tentatives d’obtenir par la force, ce qui fait l’objet même du différend,
est totalement destructeur de la procédure de règlement pacifique des différends
que constitue la saisine de la Cour.
La reprise et le déroulement du procès dans la sérénité est de l’intérêt aussi bien
d’une bonne justice que des Parties et de leur peuple.
7. Le Gouvernement du Mali estime qu’il n’y a pas lieu de prendre d’autres
mesures conservatoires.
8. En particulier, la demande du Burkina Faso, relative à un retrait des forces sur
la ligne proposée par la sous-commission juridique de la commission de média-
tion de l’OUA, constitue en fait à demander à la Cour de lui octroyer immédiate-
ment ce qui fait l’objet de sa demande contentieuse. Par son objet, une telle
demande n’a rien de conservatoire.
Au surplus, cette demande est incompatible avec la déclaration signée par les
deux chefs d’Etat du Burkina Faso et du Mali le 31 décembre 1985 par laquelle
ils ont arrêté les modalités du cessez-le-feu.
La réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangères de l’ANAD, à
laquelle étaient présents les ministres des affaires étrangères du Burkina Faso et du8 DIFFÉREND FRONTALIER

Mali, s’est mise d’accord pour renvoyer la question du retrait des troupes à une
prochaine réunion des chefs d’Etat. Il serait inapproprié que la Cour se prononce
sur un aspect du conflit qui fait l’objet d’une entente directe entre les chefs d’Etat
des deux Parties dans le cadre de l’ANAD.

9. Quoique le Gouvernement du Mali n’ait aucune opposition de principe à
l’idée que les Parties devraient s’abstenir de tout acte ou action qui pourrait entra-
ver la réunion des éléments de preuve dans la présente instance, il n’aperçoit pas
ce que cela peut signifier concrètement et s’abstient donc de le reprendre à son
compte.

7 janvier 1986.

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