Timor oriental (Portugal c. Australie) - Arrêt de la Cour

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10385
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1995/19
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COURINTERNATIONALE DE J

PaiaLsdelaPaDr,2517 KJ LaHaye.TéL(070-302 23 23).Télégr.: Haye.

Téléfa (70-36499 28). Télex32323.

Communiqué

non officiel
pour publication Mdiate

NO 95/19
Le 30 juin 1995

Affaire rotive au Timor oriental

(Portugal c. Australie)

La Haye, 30 juin. La Cour internationale de Justicea jugé
aujourd'hui, par quatorze voix contre deux, qu'elle ne pouvait pas
statuer sur le différend dont ellea été saisie par le Portugal et qui
oppose celui-ci à l'Australie. Il s'agit d'une affaire concernant un
traité de décembre 1989 conclu entre l'Australie et l'Indonésie au sujet
de l'exploitation du plateau continental de la zone dite du «Timor Gap».

Le Portugal a soutenu qu'en concluant ce traité, qui a créé une «zone
de coopération ... dans un secteur situé entre la province indonésienne
du Timor oriental et l'Australie septentrionale»et en prenant des
mesures pour sa mise en oeuvre, l'Australie a violé le droit du peuple du
Timor oriental à l'autodéterminationet les droits du Portugal en tant
que puissance administrante du Tlmor oriental. Ll~ustralie a soutenu que
la Cour n'était pas compétente pour connaître de l'affaire et que les

demandes au fond du Portugal devaient en tout état de cause être
rejetées.

Après avoir examiné l'exception australienne selon laquellele
«différend véritable» opposeraitplutôt le Portugal à l'Indonésie, la
Cour a dit qu'il existait bien un différend d'ordre juridique entre le
Portugal et l'Australie. Mais elle a conclu qu'il ne lui était pas
possible de statuer sur la conduite de l'Australie sans décider d'abord

pourquoi l'Indonésie n'aurait pas pu licitement conclure le traité
de 1989 alors que le Portugal aurait pu le faire. En conséquence, la
Cour a jugé que l'objet même de sa décision serait nécessairement de
déterminer si, compte tenu des circonstances dans lesquellesl'Indonésie
est entrée et s'est maintenue au Timor oriental, celle-ci pouvait ou non
acquérir le pouvoir de conclure au nom du Timor oriental des traités
portant sur les ressources de son plateau continental. En raisondu
principe fondamentalénoncé dans son Statut, selon lequel elle ne peut
statuer sur un différend entre des Etats sans que ces Etats aient accepté

sa juridiction, la Cour a dit qu'elle ne pouvait prendre une telle
décision sur les droits de l'Indonésie en l'absence du consentement de
cet Etat. -2-

La Cour a donc conclu qu'elle ne pouvait «se prononcer sur les
demandes du Portugal au fond, quelle que soit l'importance des questions
que ces demandes soulèventet des règles de droit internationalqu'elles

mettent en jeu».

Dans le raisonnementqui a abouti à cette conclusion, la Cour a fait
observer qul

«il n'y a rien à redire à l'affirmationdu Portugal selon
laquelle le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,tel qu'il
s'est développé à partir de la Charte et de la pratique de
l'Organisationdes Nations Unies est un droit opposable

-. Le principe du droit des peuple à disposer d'eux-mêmesa
été reconnu par la Charte des Nations Unies et dans la
jurisprudence de la Cour ... ; il s'agit là d'un des principes
essentiels du droit internationalcontemporain.»

Et la Cour a souligné «que pour les deux Parties le Territoire du Timor
oriental demeureun territoire non autonomeet son peuple a le droit à
disposer de lui-même». LE DE JUSTICE
Pb de iaPaix,2517 KI LaHaye.TéL(070-302 23 23).TéIégr In:tercourtL, aHaye.

Téléfa( 070-36499 28). Télex32323.

Communiqué
-
non officiel
pour publication -diate

No 95/19 bis
lx 30 juiii1995

Affaire relative au Timor oriental
Portugal c. Australie

Coniiiie suiteil coniniuniqué de presse95/19 de cejour. on troiivera ci-après le résuni6de

l'arrêtrendupar la Cour l30 juin 1995. Ce résuméé. tablipar le Greffe. n'engageeii aiicuiie façoii
In Cour et eii particiilier ne salirait êtrecitéa l'encontredu teste mèiiie deillie coiistitiie
pas iirie iiiterprétatioii.

Ide teste imprimé de l'arrêtsera disponible en temps utile (s'adressàrla sectioii de la
distribiition et des ventes. office des Nations Unies,1 1Genève 10; A la section des veilles.

Nations Unies. New York, N.Y. 10017; oiià iiiie libraire spécialisée).

Yualiti.s(par. 1-10)

Dans soli arrêt,la Cour rappelle qiie.77eSévrier100 1.Ic I'oitiignldi.lioçiiiic reqiiCtc

introductive d'instance contre l'Australie ail siijet de <(cert;iiiis ;igisseiiieiits de IIAiistralic se
rapportant au Tinior oriental)). Selon la requête.I'Aiistiïilaiir;iit. par soli coiiiporteiiieiit.
((iriéconi...I'obligatioii de respecter les devoirs et les cciiiipéteiiccs /du I'ortiigal en taiit qiie]
piiissaiice adn~iiiistrarite[duTiinor ori..etl..le droit du pciiple du I'iiiior oràdisposer
de lui-mêmeet les droits y attenants)). En conséquence. d'aprèsIn requête,l'Australie aurait

((engagésa responsabilité internationale, tanà l'égard du peuple du Tiinor oriental qiie dti
Portugal)). Pour fonder la compétencede la Coiir, la requêtefait référenceaux déclarations par
lesqiielles ldeux Etats ont acceptéla juridiction obligatoire de la Cour ainsi qu'il est prévuau
paragraphe 2 de l'articl36 de son Statiit.Dans son contre-mémoire, l'Australie a soulevédes
questions relativeà la compétencede la Cour et à la recevabilité de la requête.Au cours d'une

réunion que le Présidentde la Cour a teriiie avec les Parties, celles-ci sont convenues que ces
qiiestioris étaientinextricablement liéesau foiid et qu'elles devaient en conséquenceêtretranchées
dansle cadre del'examen de l'affaire au fond. Idaprocédiireécriteayant pris fin en1993,edes
aildiences ont eii lieu entre l30janvier et le 16 février 1995. L'arrêtreproduit ensuite les
coiicliisioiis finales qui ont étéprésenpar les deus Parties pendant la procédureorale.

Exposédes faits (par11-18)

La Coiir résiirneeiisiiite brièvement I'liistoire desrelations dii Portugal et de l'Indonésieavec
le Territoire dii 7'iiiior orientaiiicertain iioiiibre de résolutioiis du Conseil de sécuritéet de

I'Asseiiihlée géiii.rnle cciriceriiaiit la qiiestioii dii TiiiioElle fait état également des négociationsentre I'Australie et I'lndonésieayant abouti au traitéduI Idiceiiihre 1989qui créée
une «zone de coopération ..dansun secteursituéentre la province iiidoiiésieriiie du Tiirior oriental
et I'Australie septentrionale)).

(par. 19-20)

La Cour résumeles thèses de chacunedes Parties.

L'exce~tionaustralienne selonlaquelleil n'existerait pasvéritablementde différendentre les
Parti pasr. 21-22)

Puis, la Cour examine I'exception de I'Australie selon laquein'existerait pasvéritablenient
de différend entre I'Australie et le Portugal. L'Australie soutient que l'affairetelle que prparntée
le Portugal est artificiellement limiàéla question de la licéitédu comportement de I'Australie et
que le véritable défendeurest I'lndonésie,et non I'Australie. Elle expose qu'elle a étéassignéeen
lieu et place de I'lndonésie. L'Australie fait observàrce sujet que le Portugal et elle-même ont

acceptéla juridiction obligatoire de la Cour conformément au paragraphe 2 de l'articl36 de son
Statiit, inais que tel n'est pasle cas de I'lndonésie.
w
La Cour déclare àcet égardqu'aux fins de vérifier l'existenced'un différend d'ordrejuridique

en l'espèce, ilest sansimportance de déterminer si le ((différend véritable)) oppose le Portugaà
I'liidonésie plutôt qu'à I'Australie. A torà raison, le Portugal a formulé des griefs et1fait et en
droit à l'encontre de I'Australie et celle-ci les a rejetés. Du fait de ce rilexiste un différend
d'ordre juridique.

L'exception a. .râlienne selonauelle la requête obligerailta Cour à se prononcersur les
droits et obli~~ons de l'Indonésie (par. 23-35)

La Cour fait ensuiteporter sonexamensur l'exception principale de I'Australie, selon laquelle

la requêtedu Portugal obligerait la Couà se prononcer sur lesdroits et obligations de I'lndonésie.
L'Australie soutient que la compétence cotiféréeà la Cour par lesdéclarationsfaites par les Parties
conformément au paragraphe 2 de l'articl36 du Statut ne permettrait pasà la Cour de statuer si,
pour ce faire, elle étaitdans l'obligation de se prononcer sur la licéitéde l'entrée etdu maintien de

l'Indonésie auTimor oriental, sur la validité du traitéde 1989entre I'Australie et I'lndonésie,ou sur
lesdroits et obligations de I'lndonésieauxtermesdudit traité,mêmesi la Cour n'avait pasà décider
de la validité de celui-ci. A l'appui de sa thèse, I'Australie invoque l'arrêtde la Cour dans I'affaire
de l'Or monmre . ?ris a Rome en 1943 . Le Portugal convient que la Cour ne pourrait connaître de
'rir
sa requêtesi celle-ci l'obligeaità statuer sur I'unede ces questions. Mais les Parties sont en
désaccord surle point de savoir si laCour a à se pronoiicer sur I'unede ces questions aux fins de
trancher le différend qui lui atésoumis.

Le Portugal fait valoir premièrement que sa requêteporte exclusivement sur la conduite

objective de I'Australie consistantavoir négocié,conclu et commencéd'exécuterle traitéde 1989
avec I'lndonésie,et que cette question est parfaitenierit détachablede toute question relatiàela
licéitédu comportement de I'lndonésie.

Après avoir examiné attentivement l'argumentation du Portugal tendant à dissocier le
comportement de I'Australie de celui de l'Indonésie,la Cour parvienà la conclusion qu'il ne lui est
pas possible de porter un jugement sur le comportement de l'Australie sansexaminer d'abord les
raisons pour lesquelles I'lndonésie n'auraitpaspu licitement conclure le traitéde 1989alors que le
Portugal aurait pu le faire; l'objet mime de la décision de la Cour serait nécessairement de

déterminersi, compte tenu descirconstancesdaiis lesquellesI'lndonésieestentréeet s'estmaintenue
au Timor oriental, elle pouvait ou non acquérirle pouvoir deconclure au nom de celui-ci destraités
portant sur les ressourcesde son plateau continental. La Cour ne saurait rendre une telle décision
en l'absencedu consentement deI'lndonésie. I,a Cour rejette I'argiimeiit additionnel avancépar le Portugal selon lequel les droits que

I'Atistralie aiirait violés étaientopposableserga omnes et selon lequel, par coiiséqiient, le Portugal
pouvait exiger de l'Australie, prise iiidividuelleinent, le respectde cesdroits, qu'un autre Etat ait ou
ilon adopté iiicomportement illicite a~ialogue.

I,a Cour considère qu'il ii'y a rieà redire à I'affirniatioii du Portugal seloii laq~iellele droit
des peuples à disposer d'eux-niênies.tel qu'il s'estdéveloppé àpartir de la Cliarte et de la pratique

de I'Orgaiiisatioii des Nations Uiiies, est uii droit opposable erPaomna. 1,eprincipe du droit des
peiiples à disposer d'eux-mêmesa étéreconnu par la C:liarte des Natioiis Uiiies et dails la
jiirispriideiicede la Cour; il s'agit là d'uii des principes essentiels du droit iiiternntioiial
coiiteiiiporaiiiI'outefois, la Cour estime que l'opposabilitéerga omnes d'iiiie iioriiie et la règle du

coiiseiiteiiieiàtlajuridiction sontdeux cliosesdifférentes. Q~ielleque soit lanaturedesoblign tioiis
iiivoqiiées. la Cour ne saurait statuer sur la licéitédu comportement d'un Etat lorsque la décision
à prendre implique une appréciation de la licéitédu coinporteineiit d'un autre Etat qui n'est pas

partie à l'instance.

IdaCour examine alors un autre argument du Portugal qui, fait-elle observer, repose surle
postulat que les résolutions del'organisation desNations Unies, eteii particulier celles du Conseil

de sécurité,peuvent êtrelues comnie iiiiposaiit aux Etats l'obligation de lie recoiiiiaitre a I'lndoiiésie
aiiciine autoritéà l'égarddu Tiinor oriental et de iie traiter, en ce qui coiiceriie ce dernier, qu'avec
le Portugal. Le Portugal prétendque ces résolutions coiistitueraieiit des «données»sur le contenu

desquelles la Cour n'aurait pas a statuer de iiovo.

La Coiir prend note du fait qiie pour lesdeux Parties leTerritoire duTinior oriental deiiieiire
lin territoire non autonome et son peuplea le droit àdisposerde lui-même,et du fait que la nientioii

explicite, dansplusieursrésolutioiissusineiitionnées,du Portiigal coinme ((puissanceadiniiiistraiite)),
ii'est pas contestéeentre elles. Cepeiidaiit, la Cour constate qu'il ne peut êtredéduit du seul fait
qu'un certain nombre de résolutionsde l'Assembléegénérale ed t u Conseil de sécuritéineiitioniieiit

le Portugal comme piiissance adiniiiistraiite du Timor oriental, que celles-ci ont eiitendii établirà
la chargedes Etats tiers uiie obligation de traiter exclusiveinent avec le Portugal pource qiii estdu
plateau continental du Timor oriental. Sanspréjudicede la question de savoir si les résoliitioiis à

I'exarneii pourraieiit avoir un caractère obligatoire, la Cour estiiiie eii coiiséqiieiice qii'elles iie
saiiraieiit êtreconsidéréescoinme des «doiiiiées»coiistittiaiit iiiie basesiiffisante pour trniiclier le
différend qui oppose les Parties.

IIdécoulede ce qui précèdeque la Cour devrait iiécessaireiiieiit statuer sur la liceité tlii
coiriporteinent de I'lndonésie préalableineiit à toute décision sur I'affïriiiatioii du I'ortiigal seloii
laquelle l'Australie a violé I'obligation qui lui iiicoiiibait de respecter la qualité de piiissaiice

administrante du Portugal, le statut de territoire non autoiioiiie du Tiinor oriental ainsi que le droit
du peuple du Territoire à l'autodétermination et à la souveraineté permanente sursesricliesses et
ses ressourcesnaturelles. Les droits et obligations de I'lndonésie constitueraient dès lors l'objet

niêined'un tel arrêt,rendu en l'absencedu consenteriient de cet Etat. Un arrêtde cette nature irait
directement à l'encontre du upriiicipe de droit iiiteriiatioiial bien établi et iiicorporé dans le Statut,
3 savoir que la Cour ne peut exercer sa juridiction à l'égard d'un Etat si ce n'est avec le

coiiseiiteiiieiit de ce dernier)) (Or monétaireprisà Roine en 1943, C.I.J. Recueil 1954, p. 32).

Conclusions (par. 36-37)

La Coiir constate eii conséquenceqii'elle n'a pas à se pencher sur les autres exceptions de
I'Aiistrnlie et qii'elle lie saurait se prononcer sur les deiiiaiides du Portugal au foiid, quelle que soit
I'importaiice desqliestioiis que ces deiiiaiides soulèvent et des règles de droit international qu'elles

iiietteiit eii jeu. La Cour rappelle en tout étatde cause qu'ellea pris note, daris l'.u fait qiie pour les
deux Parties le Territoire du Timor orientalieure un territoire non autonoet son peuple ale
droità disposer de lui-même.

Le texte du dispositif se lit comme suit:

((38.Par ces motifs,

LA COUR,

Par quatorze voix contre deux,

qu'elle ne saurait, en l'espèce,exercer la compétencà elle conféréepar les
déclarationsfaites par les Partiesconformémentau paragraphede l'article36de sonStatut,
pour statuer sur le différendporté devantelle par la requêtede la Républiqueportugaise.))
w
Ont voté pour: M.Bedjaoui, Président;M. Schwebel, Vice-Preu;. M. Oda, sir Robert
Jeiinings,MM. Guillaume, Shahabuddeen, Aguilar-Mawdsley, Ranjeva, HerczeghS,hi,Fleischhauer,
Koroiiia, Vereshchetinu; sir Ninian Stephen,& ad hoc.

Ont votécontre: M. Weeramaiitry, &; M. Skubiszewski, & ad hoc.

MM. Oda, Shahabuddeen, Ranjeva et Vereshclietin,juges, joignentà l'arrêles exposésde
leur opinion individuelle.

M. Weeramantry,juge, et M. Skubiszewski,juge ad Iloc,joignenàl'arrêltesexposés deleur
opinion dissidente, dont des résumésontjoints en annexe au présentcommuniqué. Annexe au Conimuniaué de presseno 95119 bis

Oninion in(livi(luelle de M. Oda

M. Oda, tout en estimant que la requêtedu Portugal devait être rejetée du fait que la Cour
n'est pas coiiipétente pour en connaître, estinie que cette décision n'aurait pas dû êtremotivée,
coiiiiiie elle l'est daris l'arrêtde la Cour, par l'absencedu coiisentement de I'lndonésiemais au

iiiotifue Ic l'ortugal n'avait pas qualitépour agir.

Après avoir examiné la plainte du Portugal. M. Oda conclut que ce dernier «a inal défini le
différend dans sa requête; il semble en effet avoir iiiécoiiiiu la différence eiitre, d'une part,

Ilypposabilitéà un autre Etat des droits et devoirs du Portugal coiniiie puissanceadiniiiistraiite oii
clesdroits du peuple du Tinior oriental et, d'autre part, la auestioii plus foridamentale de savoir si
le Portiigal est bien I'Etat ayant qualitépour faire valoir ces droits et devoirs)).IIfait observer eii

outre qiie le droit du peuple du Tinior oriental à disposer de lui-inêiiie ainsi que les droits y
attenantsn'ont pasété contestép sar I'Australie et iie sauraient, de toute façon, êtreiiiis en qiiestiori
dans la présenteaffaire. Selon M. Oda, la présenteaffaire a trait iiniaueiiienf ail titre sur le plateau

coiitiiieiital que le Portugal prétendposséderen tant qii'Etat côtier.

M. Oda relève ensuite que, dans le secteurdu «Timor Gap)), I'Australie n'a pas fait valoir de
reveiidication iiouvelle à l'égardd'une zone de fonds niariiis qui empiéteraitsur le secteurd'un Etat

ou du peuple du Territoire du Tiiiior orieiital et qu'elle n'a-acquis ni d'un Etat, ni de ce peuple
aucune autre zone de fonds marins. Idesplateaux coiitiiieiitaiix de I'Aiistralie et de I'Etat qui lui fait
face seclievaiiclient vers le milieu du ((l'iinor Gap))et I'Australie devait négocier la qiiestioii de ce

clievauclieineiit avec I'Etat côtier lui faisaiit face sur I'aiitre rive de la nier de I'iiiior, ce qii'elle a
effectiveineiit fait.

Dans la présenteaffaire, la questioii essentielleestde savoir si c'est le Portugal ou I'liidoiiésie

qui, en tant qu'Etat faisaiit face à I'Australie, pouvait revendiquer des droits sur le plateau
contiiieiital dans le ((Tiinor Gap)).

Si l'on récapituleles événements qui se sont produits s'agissantde la déliiiiitatioii dii plaicaii
co~itiiieiital dans les zones pertinentes, on constate que depuis les aiiiiéessoixante-dix I'liidoiiCsie
a revendiquéle statut d'Etat côtier représentantle l'iiiior oriental, et, à ce titre, a négociéiivcc

l'Australie. Si le Portiigal entendait revendiquer aussi le titre correspoiidaiit siir le platenil
coiitiiieiitailaurait pli et dû s'en prendre non pas à I'Aiistralie iiiaià I'liidoiiSsie. Tant qu'il n'a
pas été établique lePortiigal a le statut d'Etat côtiertitiilaire desdroits correspoiirfantssur le platcnii

continental, auciiiie qiiestion relative aux fonds marins dti (('l'iiiior Gap))ne saiirait faire l'objet d'iiii
différend eiitre le Portugal et I'Australie. Si ce statut avait étéétabli, le traité qiie I'Aiistralic a
conclu avec I'lndonésie aurait certainement éténul et non avenu d'emblée. IIn'y a donc pas lieii
que l'arrêts'appuie (selon le précédentde l'Or monétaire)sur le principe du conseriteiiient requis

de la tierce partie à lajuridiction de la Cour.

De l'avis de M. Oda, l'examen des faits qui se sont succédés iiiontre aussi que ((mêmesi

I'iiiterveiitioii militaire delndonésieau Tinior oriental et l'intégration de celui-cià I'liidoiiésie ail
milieu desaiiiiéessoixante-dix n'ont pasétéapprouvées parl'Organisation desNations Unies, iln'y
a eu aiiciiiie raison de considérerque, depuis la fin des annéessoixante-dix et jusqu'à ce jour, le
Portiigal reste investi des droits et des responsabilitésd'une puissance adininistrante à l'égarddu

territoire rioii autonoine du Tiiiior oriental. Dans la coiiiinunauté internationale, peu dlEtats ont
considérédans le passérécentou coiisidèreiit iiI'lieure actiielle le Portiigal comme un Etat présent
ail Tiiiior orieiital, oii soiitieiidraieiit que le Portugal puàsce titre, revendiquer des droits sur le

plateaucoiitiiieiital au largdu 'l'iinor oriental)IIs'eiisuit que le Portugal n'a pasqualité pour agir
en tant qii'E1atdeiiiandeur en cette instance relative ail plateau continental qui s'étendvers le sud
dans la nier tle 'I'iiiior a partir de la côte du Timor oriental dans le «Timor Gap)). . .
pinion individde de M. Shahabuddeen

Dans son opinion individuelle,M. Sliahabuddeena fait observer que l'arrêteii~aiidpar le
Portugal n'entraînerait pas seulement la détermination d'une questiontouchant la responsabilité
internationaled'un Etatabsent, mais encore ladéterminationde sesdroits en vertud'untraité auquel
il est partie ainsi que la déterminationde la validitédudit traité lui-même.

Qpinion individuellede M. RanM

Monsieur R. Ranjeva approuve pleinement la Cour lorsqu'elle rappelle que le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmee sst un des principesessentiels du droit internationalcoiiteniporaiii
ayant le caractèred'undroit absolu opposableerga et fait droàtla première exceptionde
l'Australie selon laquellela requête du Portugal l'obligeraite prononcer sur les droits et les
obligations de I'lndonésie. SeloM. Ranjeva, lesdroits et obligations de I'lndonésie donitl s'agit
concernent la libérationdel'Australiede ses obligations vis-à-vis de l'Indonésieet la privationde
I'lridonésidu bénéfice des effets du principe pactasw- qu'elle esten droit d'escompter
du traitéde Timor Gap de 1989 dont la validitén'apas étécontestée. Le caractèreconsensuelde
lajuridiction internationale interàila Cour de statuer sur les intéuridiques d'unEtatqui n'a -
pas expriméde manière évidenteson consentement à la compétence juridictionnelle.

D'après l'analysede la jurisprudence de l'Or mo-, . que M. Ranjeva expose dans son
opinion individuelle, une décision préalablau sens où on l'entenddans l'arrêt e 1954s'impose

lorsque cette décisionpréalablea pour objet desdroits subjectifs; il exprime des réserves quanta
la transposition de cette règledans l'hypothèseoù la décisionpréalableporte sur une question de
droit objectif opposable grga ornries. La question méritaitdes explications complémentaires
maintenant que le jusCO= relèvede l'ordre dudroit positif.

Enfin, M. Ranjeva fait étatde plusieurs questions restéesouvertes et sans réponse compte
tenu du choix méthodologiquede la Cour telles que la possibilitéd'une interprétation limitantle
domaine de compétence aione iiirde la Cour aux seuls contentieux de droits subjectifs, la
définition dela notion des tiersqiii relèventde la catégorie résiduelle extérieeu cercle des
Parties. PourM. Ranjeva relèvede la "responsabilitéscientifique"delaCour ladéfinitionducadre
du développementdu droit international.

Opinion individuellede M. Vereshchetin

Dans son opinionindividuelle, M. Vereslichetinaffirme que, puisque le droit du peuple du
Timor oriental à l'autodétermination esatu coeur de toute l'affaire,la Cour aurait dû disposer
d'élémentd se preuve fiables indiquant dans quelle mesure la requête bénéficiait'appuide ce
peuple. La Cour avait d'autant plus besoinde disposer de ces élémentsde preuve que la Partie
adverse a cherché à réfuter lesallégationsselon lesquelleselle aurait méconnu les droitset les
intérêtsdu peuple du Timor oriental, ainsi que les droits du Portugal résultantde son statut de
puissance adininistrante. Or ni les pièceset leurs aiirinieles plaidoiries et les réporisesn'ont
fourni ala Cour ces éléments depreuve.

La Charte des Nations Unies ii'iinposepas expressémentaux puissances administrantes
l'obligation de consulter le peupled'un territoire non autonome lorsque la question en cause
l'intéressedirectement; mais de l'avisde. Vereslichetin lajurisprudence de la Cour nioiitreque
cette obligationexisteen droit international,au présentstadedesondéveloppement,et daiislecadre
actuel du processusde décolonisation.IIn'estpossiblede se dispenserde cette obligationque dans
des cas exceptiotinels, dont on nealirait prétendre qu'ils s'appliquent en l'espèce. 1,'abseiicede preuves quant aux viles du peiiple du Tiiiior orierital au nom duquel la requête
a étédéposée est l'une des raisons principales qui einpêcheiitla Cour de connaître du différend.

Opinion dissidente de M. Weerarnantw

Dans son opinion dissidente, M. Weeramantry souscrit à la décision de la Cour de rejeter
l'exception selon laquelle iln'existerait pas de différeiid véritable entre l'Australie et le Portugal.
IIpartage aussil'avis de laCour lorsqu'elle souligne l'importance du principe d'autodéteriniiiatioii,

daiis laqiielle elle voit ((l'lin des principes essentielsdu droit iiiternatioiial coiiteiiiporaiii)).

'I'oiitefoisilne peiise pas,coinine la majorité de la Cour, que celle-ci n'a pascoiiipétenceeii

l'espèceaii motif qii'uiie décision contre l'Australie eiitraîiierait une décisioii coiiceriiaiit les droits
de I'liidoiiésie, uii Etat tiers ne participant paà I'iiistaiice.

Dans son opinion, I'auteur analyse la décisioii prise en l'affaire de l'Or monétaire et la
jurisprudence antérieureet postérieureen la iriatière et coiiclut que, eu égardaux faits de la cause,
la décisioii concernant l'Or monétairen'est pas pertinente car la Cour peut statuer sur I'affaire dont

elle est saisie entièrement sur la base desobligations et desagissementsde la seule Australie, saiis
avoir a statiier sur le comportement de I'lndoiiésie. IJn principe esseritiel de la responsabilitéde
I'Etat en droit international est qu'uii Etat est individuelleinent responsable desesactes,tout a fait
iiidépeiidamineiit de la participatioii d'un autre Etat dans lesdits actes.

Les agissementsde I'Etat défeiideur,qui a négocié,conclu et coniinencé l'exécutiondi1traité
sur le ((Timor Gap)) et pris des mesures législatives internes en vue de son application. soiit doiic

justiciables sur la base du coiiiportemeiit unilatéral dudit Etat.

Les droits à I'autodéteriiiiiiation àtla souverainetépermanentesur les ressourcesiiattirelles

sont des droits a-ga otnnes appartenant au peuple du Tiinor oriental et créent,par coiiséqtieiit, \III
devoir correspondant de tous les Etats, y coinpris le défendeur, dereconnaître et de respecterces
droits. Idefait d'êtrepartie àun traitéqui reconnaîtque le Tiiiior orieiital (dont le statut de territoire

iioiiaiitoiiome a étéreconiiii par le défeiideuret par lesNatioiis Unies) a étéincorporédaiis iiiautre
Etat, qui porte sur l'exploitation d'une précieuse ressource iioii reiioiivelable di1 peiiple dii l'iiiior
orieiital pour ilne périodeinitiale de quarante ails, et qui a étéconclu salis que ce peuple ou son
représeiitaiitautoriséaient étécoiisiiltés, suscite de graves doutes quaiit A la conipatihilité de ces

actesavec les droits du peuple du Tiiiior oriental et les obligations de I'Aiistralie. 1.3Cour aiirnit
pii déteriiiiiier si des griefs avaient étévalableinent foriiiiilés contre I'Ai~stralien raisoii de ces
agisseirieiits saiis avoià statiier en ce qui concerne I'liidoiiésie.

Dans son opinion, l'auteur reconnaît que le Portugal a qualité pour introduire la requêteeii
tant que puissanceadministrante du Tiinor oriental recoiiiiue par lesNations Unies. Une puissance

adiiiinistrante qui continue d'êtrereconnuecoinine telle neperd passon statut etsesresponsabilités
du siniple fait qu'elle a perdu le contrôle physique sur le territoire, car pareille proposition irait à
I'eiicoiitre du système prévupar la Cliarte des Natioiis Unies pour la protection des territoires noii

autoiioiiies.

Opinion dissidente de M. Skubiszewski

SeloiiM. Skiibiszewski, la Cour est coinpéteiiteeii l'espèceet les demandesdu Portugal soiit
recevables. \,es critères de I'opportiiiiité judiciaire sont égaleiiientrespectée.La Cour peut statuer

sur le foiid. En particulier, à supposer mêmeque la Cour s'estime incompétentepour se prononcer siir
toute question concernant le traité relatif au «Timor Gap)), elle pourrait statuer sur la première

conclusion du Portugal, c'est-à-dire sur le statut du Timor oriental, sur I'applicahilité au peuple de
ce territoire du principe de I'autodéterrninationet decertains autres principes fondaiiientaiix du droit
international, et sur la qualitédu Portugal en tant que puissanceadministrante. IIen est ainsi parce

que la première conclusion peut êtredissociéedesautresqui concernent exclusivement lesquestions
spécifiques que soulève le traité. II est vrai que la Cour se réfère au statut du territoire et à
l'autodétermination et, à cet égard, M. Skubiszewski est d'accord avec la Cour (il l'est aussipour

ce qui est du rejet par la Cour de l'exception australienne selon laquelle iln'existe pasde différend
entre les Parties). Mais M. Skubiszewski estime que la Cour aurait dû examiner ces questions de
façon plus approfondie (car ily a certains points obscurs) et inclure le résultatde cet examen dans

le dispositif. En s'abstenantde le faire, la Cour a adoptéun point de vue étroit de sa foiiction.

La règle de I'Or monet= . n'exclut pas la compétencede la Cour en l'espèce. La condition

préalable pour que cette règle soit applicable fait ici défaut : pour se prononcer sur toutes les
conclusionsdu Portugal, la Cour n'a pas besoin de statuer sur lespouvoirs, les droits et les devoirs
de I'liidonésie, quels qu'ils soient. Dans la présente instance,la Cour a adoptéune interprétation
extensive de la règle de l'Or mom I. w
et cette interprétation est enron-radiction avec sa pratique
antérieure. Elle a étéau-delà du champs d'application de I'Or mo-.

La Cour peut statuer sur la licéitéde certains actes unilatéraux de l'Australie qui ont abouti

à la conclusion du traité. Une décision relative à ces actes n'implique aucun jugement siir
I'liidonésie ni aucune conclusion sur la validité du traité(conclusion qui n'est pasde la compétence
de la Cour). Le comportement de l'Australie peut être apprécié à la lumière du droit des Nations

Unies et desrésolutionsde l'organisation. Une telle appréciationn'entraîne aucunjugement sur les
activités de I'lndonésie.

Le Portugal a en l'espècequalité polir agir devant la Cour au nom du Tiiiior oriental et faire
respecter sa qualité de puissance administrante.

Lorsque l'on examine et définit le statut actuel du Territoire (c'est-à-dire après sonannexion
par I'lndonésie) la règle de la non-reconnaissanceest pertinente. Dans lecas du Tinior oriental, la
reconnaissance de l'annexion va à l'encontre du principe de I'autodéterrnination. La qualité de

puissance administrante du Portugal a étémise en doute par l'Australie; la Cour aurait dû élucider
ce point. Elle a bien compétencepoiir le faire.

Même si l'arrêtde la Cour était conforme au droit (ce qu'il n'est pas), la fonction de la Cour w

ne saurait êtreramenéeau respectde la conforiiiité juridique. Sicela était lecas, la Cour limiterait
sa fonction aux dépendsde la justice et de la règle statutaire fondamentale selon laquelle elleest
((l'organejudiciaire principal de l'organisation des Nations Unies)). Ce point de vue restrictif se

reflète dans I'arrêtce qui est une cause de préoccupation.

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- Arrêt de la Cour

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Timor oriental (Portugal c. Australie) - Arrêt de la Cour

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