Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies - La Cour rend un avis consultatif

Document Number
10073
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Number (Press Release, Order, etc)
1988/12
Date of the Document
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COUR INTERNATIONALE JUSTICE
Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Te!.92 44 41.

-
non oftic@/
pour publtcation immédiate

Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la-
section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au
siège de l'organisation des Nations Unies

La Cour rend un avis consultatif

Le Greffe de la Cour internationale de Justice met à la disposition
de la presse les renseigneiments suivants :

Aujourd'hui 26 avril 1988, la Cour a donne à l'unanimité un avis
consultatif dans l'affaire de ltApplicabilité de l'obligation d'arbitrage
en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de
l'organisation des Nations Unies. Après avoir suivi une procédure
accélérée, la Cour a donné cet avis consultatif en réponse à une requêt.9

présentée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution
42/229 B, adoptée le 2 mars 1988.

Dans sa décision, yend dueen audience publique, la Cour a exprlms
l'avis que les Etats-Unis d'Amérique sont tenus, conformément à la
section 21 de l'accord relatif au siège de l'organisation des
Nations Unies, de recourir à l'arbitrage pour le règlement d'un différend

quf les oppose à llQr:ganisaton.

La Cour était composée comme suit 1 M. Ruda, P-rgsident;
M. Mbaye, Vice-Président; MM. Lachs, Nagendra Singh, Elias, ûda, higo et
Schwebel., sir Rcbert Jennings, MM. Bedjaoui, Ni, Evensen, Tarassov,

M. ELias a joint une déclarario~k 2 l'avis consu2tatif.

MM. Oda, Schwebel et Shahabuddeen ont joint à l'avis consultetif les
exposés de leur opinion inidividuelle.

(La déçlaratiorr et les opinioss individuelles sorit briêvement
résun6es à la f i.13de ï'snriexe ci- juirite. ) La demande de l'Assemblée générale a été présentée en raison de la
situation créée par la promulgation de la loi contre le terrorisme,
adoptée par le Congrès des Etats-Unis en décembre 1987 et visant
expressément l'organisation de libération de la Palestine (OLP); cette

loi déclare notamment illégaux l'établissement ou le maintien d'un bureau
de 1'OLP dans les limites de la juridiction des Etats-Unis. Cette loi
concerne donc en particulier le bureau de la mission d'observation de
1'OLP auprès de l'organisation des Nations Unies, établi à New York après
que l'Assemblée générale eut conféré en 1974 le statut d'observateur à

1'OLP. Le Secrétaire général de l'organisation des Nations Unies a
estimé que la question du maintien de ce bureau relevait de l'accord de
siège conclu le 26 juin 1947 avec les Etats-Unis.

Après avoir mentionné les rapports présentés par le Secrétaire

général sur les contacts et conversations qu'il avait eus avec le
Gouvernement des Etats-Unis en vue d'éviter la fermeture du bureau de
l'OLP, l'Assemblée générale a posé la question suivante à la Cour :

"Etant donné les faits consignés dans les rapports du

Secrétaire général, les Etats-Unis d'Amérique, en tant que
partie à l'accord entre l'organisation des Nations Unies et les
Etats-Unis d'Amérique relatif au siège de l'organisation des
Nations Unies, sont-ils tenus de recourir à l'arbitrage
conformément à la section 21 de l'accord ?"

Le passage pertinent de la section 21 auquel il est fait référence dans
la question est reproduit dans l'analyse qui figure en annexe au présent
document.

Le texte imprimé de l'avis consultatif sera disponible dans quelques
semaines (s'adresser à la section de la distribution et des ventes,
Office des Nations Unies, 1211 Genève 10; à la section des ventes,
Nations Unies, New York, N.Y. 10017; ou à toute librairie spécialisée).

On trouvera ci-après une analyse de l'avis consultatif, établie par
le Greffe pour faciliter le travail de la presse; cette analyse n'engage
en aucune façon la Cour. Elle ne saurait être citée à l'encontre du
texte mêmede l'avis, dont elle ne constitue pas une interprétation. Annivse de l'avis consultatif

Présentation de la requête et suite de la procédure (par. 1-6)

La question sur laquelle un avis consultatif a été demandé à la Cour
figure dans la résolution 42/229 B que l'Assemblée générale des
Nations Unies a adoptéc le 2 mars 1988. Le texte intégral de cette
résolution est le suivant :

"L'Assemblée --énérale,

Rappelant sa résolution 42/210 B du 17 décembre 1987 et
ayant à l'esprit sa résolution 42/229 A ci-dessus,

Ayant examiné les rapports du Secrétaire général, en date
des 10 et 25 février 1988 [A/42/315 et Add.11,

Confirmant l,a pos~tion bii Secrétaire général qui a
constate 1'existence d 'un différend entre l 'Organisation des
Nations Unies et le pays ;)ôte quant à I'Tnterprétation ou
l'applicatiori de l'accord critre l'Organisation des
Nations Unies et les Ctats-Unis d'Amérique relatif au siège de

l'organisation des Nations Unies, en date du 26 juin 1947 [voir
résolution 169 (II)), eL notant qu'il a conclu que les
tentatives de règlement 3 l'amiable étaient dans une impasse et
que, conformément à la pr«cédure d'arbitrage prevue à la

section 21 de l'accord, il a designé un arbitre et ~rié le pays
hôte de désigner le sien,

Considérant qu'étant donné des contraintes de temps il
faut appliquer immédiatement la procédure de règlement des

différends conforméinént à ïa çect ion 21 de l'accord,

--tant qu'ii ressort 4u rapport du Secrétaire général, en
date du 10 février 1-88 [A/42/915], que les Etats-Unis
dfAm6rique ne poiivait?nt ni ile souhaitaient d~venir

officiellement pnrtie d la prccédure de ri;glement des
différends pr6vrie 2 la se<:tion 21 de l'accord de siège, et que
les Etats-Lrais étaient encore en trairi d 'es la situation,

Tenant compte -- des dispositions du Statut de la Cour
internntjonale de Justice, en particulier des articles 41 et 6?,

Décide, <-orikcri,~irmcnt 2 l'art-icle 96 de la Charte des
Nations-- Cnies, de prier la Cour interriatiunale de Justice, en

application de I'arcicle 65 do son Stai-ui, de donner un avis
consuitatif sur La question cui *r;iiite,en tenant compte des
coiitraintes de temps :

'Etant donné Les faits consignés dans les rapports du

Secrétaire général [A/42/915 et Add.11, Ics Etats-Unis
dtAn6rirjrie, en tant lue part je 2 l'accord entre
L 1Jrganisatior: des E.-fions Unies et les Etats-Unis
dthrc6yicjuc rF21at if a:? sii;ge de I'0rj:oiiisation des

Nations Ucies r ripilot io:, 169 (11) 1, sont--ils tenuç
de r~roiir7 >r. tl'ai-ùitr~ge cor:fnriiiériient à la section 21 de
! 'BCC~~L' . Dans une ordonnance du 9 mars 1988, la Cour a déclaré qu%lle
estimait qu'une prompte réponse à la requête serait souhaitable
(Règlement de la Cour, art.103) et que l'organisation des Nations Unies
et les Etats-Unis d'Amérique étaient jugés susceptibles de fournir des
renseignements sur la question (Statut, art. 66, par. 2) et, accélérant
sa procédure, elle a fixé au 25 mars 1988 la date d'expiration du délai

pour le dépôt des exposés écrits par eux et par tous les autres Etats
parties au Statut de la Cour qui auraient exprimé le désir de soumettre
un exposé écrit. La Cour a reçu des exposés écrits de l'organisation des
Nations Unies, des Etats-Unis d'Amérique, de la République arabe syrienne
et de la République démocratique allemande. Lors d'audiences publiques

tenues les 11 et 12 avril 1988 aux fins d'entendre les observations
éventuelles de participants sur les exposés présentés par d'autres, la
Cour a entendu les observations du conseiller juridique de lt0rganisation
des Nations Unies et les réponses qu'il a données aux questions posées
par certains membres de la Cour. Aucun des Etats qui avaient présenté

des exposés écrits n'a exprimé le désir d'être entendu. La Cour était
également saisie des documents que le Secrétaire général lui avait fait
parvenir conformément à l'article 65, paragraphe 2, du Statut.

Faits à prendre en considération pour qualifier la situation (par.

Pour répondre à la question qui lui était posée, la Cour devait
d'abord examiner s'il existait entre l'organisation des Nations Unies et
les Etats-Unis un différend du type prévu à la section 21 de l'accord

relatif au siège de l'organisation, dont le passage pertinent est libellé
comme suit :

"a) Tout différend entre l'Organisation des Nations Unies
et lesËtats-unis au sujet de l'interprétation ou de

l'application du présent accord ou de tout accord additionnel
sera, s'il n'est pas réglé par voie de négociations ou par tout
autre mode de règlement agréé par les parties, soumis aux fins
de décision définitive à un tribunal composé de trois arbitres,
dont l'un sera désigné par le Secrétaire général, l'autre par

le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, et le troisième choisi par
les deux autres, ou, à défaut d'accord entre eux sur ce choix,
par le Président de la Cour internationale de Justice."

A cette fin, la Cour a fait la chronologie des événements qui ont conduit

en premier lieu le Secrétaire général, puis l'Assemblée générale des
Nations Unies, à conclure qu'un tel différend existait.

Ces événements concernent la mission permanente d'observation de
l'organisation de libération de la Palestine auprès de l'organisation des

Nations Unies à New York. Par la résolùtion 3237 (XXIX) du
22 novembre 1974 de l'Assemblée générale, 1 'OLP a été invitée "à
participer aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale en qualité
d'observateur". En conséquence, elie a installé une mission
d'observation en 1974 et possède lin bureau à New York hors du district

administratif du Siège de l'organisation des Nations Unies.

En mai 1987, une proposition de loi a été présentée au Sénat des
Etats-Unis, ayant pour objet. de "rendre illégaux la création ou le
maintien aux Etats-Unis d'un bureau de l'organisation de libération de laPalestine"; l'article 3 de cette proposition dispose notamment qu'il
serait illégal à compter de la date de son entrée en vigueur :

"nonobstant toute disposition légale contraire, d'établir ou de
maintenir un bureau, un siège, des locaux ou toute autre
installation ou établissement dans les limites de la
juridiction des Etats-Unis, sur ordre de l'Organisation de

libération de la Palestine ..., ou avec des fonds en provenant".

Cette proposition de loi fut présentée en automne 1987 au Sénat sous
forme d'amendement au Foreign Relations Autorization Act, Fiscal Years
1988 and 1989 (loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères,
exercices budgétaires 1988 et 1989). Les termes de ce texte laissaient

craindre que le Gouvernement américain chercherait à fermer le bureau de
la mission d'observation de 1'OLP si la loi était promulguée. En
conséquence, le 13 octobre 1987, le Secrétaire général a souligné dans
une lettre adressée au représentant permanent des Etats-Unis auprès de
l'organisation des Nations Unies que la législation envisagée était

contraire aux obligations qui découlaient de l'accord de siège, et le
lendemain, l'observateur de 1'OLP a porté la question à l'attention d'un
comité de l'organisation des Nations Unies, le comité des relations avec
le pays hôte. Le 22 cictobre, le porte-parole du Secrétaire général a
indiqué, dans une déclaration, que les sections 11 à 13 de l'accord de
siège imposaient aux E:tats-Unis l'obligation, en vertu de cet accord, de

permettre au personnel. de la mission d'entrer et de demeurer aux
Etats-Unis pour s'acquitter de ses fonctions officielles.

Le rapport du comité des relations avec le pays hôte a été soumis à
la Sixième Commission de l'Assemblée générale, le 24 novembre 1987.
Durant l'examen de ce rapport, le représentant des Etats-Unis a noté que :

"le secrétaire d"Etat des Etats-Unis a déclaré que la fermeture
de cette mission constituerait une violation des obligations
des Etats-Unis en vertu de l'accord de siège et que 1.e
Gouvernement des Etats-Unis s'y opposerait vigoureusement, et

que le représentant des Etats-Unis auprès de l'organisation a
donné au Secrétaire général des assurances dans le meme sens".

La position adoptlée par le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, à
savoir que les Etats-Unis

"sont dans l'obligation de permettre au personnel de la mission
d'observation de 1'OLP d'entrer aux Etats-Unis et d'y demeurer
pour s'acquitter de ses fonctions officielles auprès du Çiege
de l'ONU"

a été expressément mentionnée par un autre représentant et confirmée par
le représentant des Etats-Unls.

Les dispositions de l'amendement mentionné ci-dessus ont été
incorporées dans la loi d'ouverture de crédits pour les affaires

étrangêres, exercices budgétaires 1988 et 1989 des Etats-Unis, en tant
que titre X, sous le nom de Anti-Terrorism Act of 1987 (loi de 1987
contre le terrorisme). Au début de dCcembre 1987, ce texte n'avait pas
encore été adopté par le Congres des Etats-Unis. Le 7 décembre, en
prévision de cette adoption, le Secrétaire g6néral a rappelé au
représentant permanent des Etats-Unis sa position, à savoir qbe les

Etats-Unis étaient juridiquement tenus de maintenir les arrangements quiétaient en vigueur depuis longtemps concernant la mission d'observation

de 1'OLP et a demandé, pour le cas où le texte proposé acquerrait force
de loi, qu'on lui donne l'assurance que ces arrangements ne seraient pas
affectés.

La chambre des représentants et le Sénat des Etats-Unis ont adopté

la loi contre le terrorisme les 15 er 16 décembre 1987; le lendemain
l'Assemblée générale a adopté la résoiution 42/210 B, par laquelle elle
priait le pays hôte de respecter les obligations que lui imposait
l'accord et, à cet égard, de s'abstenir de prendre toute mesure qui
empêcherait la mission de s'acquitter de ses fonctions officielles.

Le 22 décembre, le Président des Etats-Unis a signé et promulgué la

loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères, exercices
budgétaires 1988 et 1989. La loi de 1987 contre le terrorisme, qui en
faisait partie, devait, selon ses propres termes, entrer en vigueur
quatre-vingt-dix jours après cette date. Lorsqu'il en a informé le
Secrétaire général, le représentant permanent par intérim des Etats-Unis

a déclaré le 5 janvier 1988 :

"Etant donné que les dispositions concernant la mission
d'observation de 1'OLP pourraient empiéter sur les pouvoirs
cOnstitutionnels du Président et que, si elles étaient

appliquées, elles seraient contraires à nos obligations
juridiques internationales découlant de l'accord de siège avec
l'organisation des Nations Unies, le gouvernement a l'intention
de mettre à profit le délai de quatre-vingt-dix jours qui doit
précéder l'entrée en vigueur de cette disposition pour engager
des consultations avec le Congrès afin de régler la question."

Cependant, le Secrétaire général a répondu en faisant observer qu'il
n'avait pas reçu l'assurance qu'il avait demandée et qu'il ne considérait
pas que les déclarations des Etats-Unis permettaient de compter sur le
plein respect de l'accord de siège. Il a poursuivi en ces termes :

"Cela étant, il existe un différend entre l'organisation
et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation et de
l'application de l'accord de siège et j'invoque par la rés ente
la procédure de règlement des différends énoncée à la
section 21 de l'accord susdit."

Le Secrétaire général a ensuite proposé que des négociations commencent
conformément à la procédure établie à la section 21 de l'accord.

Tout en acceptant que des discussions officieuses aient lieu, les

Etats-Unis ont fait savoir qu'ils étaient encore en train d'évaluer la
situation qui résulterait de l'application de la loi et qu'ils ne
pouvaient pas prendre part à la procédure de règlement des différends
prévue à la section 21. Toutefois, d'après une lettre envoyée au
représentant permanent des Etats-Unis par le Secrétaire général le
2 février 1988 :

"La procédure prévue à la section 21 est le seul recours
juridique dont dispose l'organisation des Nations Unies en
l'occurrence et ... le moment sera vite venu où je n'aurai
d'autre choix que d'agir, soit avec les Etats-Unis dans le
cadre de la section 21 de l'accord de siège, soit en informant

l'Assemblée générale de l'impasse dans laquelle nous sommes."Le 11 février 1988, le conseiller juridique de l'organisation des

Mations Unies a fait savoir au conseiller juridiqx dii département d'Etat
que lrOrganjsation des Nations Unies avait choisi son arbitr~ en vue d'un
arbitrage aux termes d'e la section 21, et, étant donné les contraintes,
l'a prié instamment de faire connaître le plus tôt possible à
l'organisation des Nations Unies le nom de l'arbitre chotsi par les

Etats-Unis. Mais aucuine communication n'a été reçue à ce sujet de ieur
part.

Le 2 mars 1988, l'Assemblée générale a adopté deux résolutions sur
la question. Dans la première résolution (421229 A), l'Assemblée a

notamment réaffirmé que la possibilité devait être donnée à 1'OLY
d'établir et de maintenir des locaux et des installations adéquates pour
les besoins de la mission d'observation et a considéré que l'application
de la loi contre le terrorisme de façon non conforme à cette
réaffirmation serait contraire aux obljgationç juridiques internationales

contractées par les Etats-Unis au titre de l'accord de siège et que la
procédure de règlement. des différends visée '3 la section 21 de l'accord
devait être engagée. Dans la seconde résolution (421229 B), qui a déjà
été citée, l'Assemblée priait la Cour de donner un avis consultatif.
Bien que les Etats-Unis n'aient participé au vote sur aucune de ces deux
résolutions, leur représentant permanent par intérim a fait une

déclaration après ce vote où il a dit que son gouvernement n'avait pas
pris de décision définitive quant à l'application ou à la mise en oeuvre
de la loi contre le terrorisme en ce qui concerne la missian de 1'OLP et
qu'il entendait toujours "trouver une solution appropriée à ce problème

en s'inspirant à la fois de la Charte des Nations Unies, de l'accord de
siège et des lois américaines".

Faits marquants posté~fieurs à la présentation de la requête (par. 23-32)

La Cour, tout en notant qiie l'Assemblée générale l'avait priée de
donner son avis "étant donné les faits consignés dans les rapports"'
présentés par le Secrétaire général avant le 2 mars 1988, n'a pas estimé
en l'espèce que cette formulation ]-'obligeait à fermer les yeux sur des
événements pertinents postérieurs à cette date. La Cour a donc tenu
compte de l'évolution de l'affaire postérieurement à la pr6sentaiion d~

La requête.

Le 1.1 mars 1.988, le représentant pernianent par intérim des
Etats-Unis a informé .Le Secrétaire général que J.~'ittor-riey-General avgi t

6tzbli que la loi contre le terrorisme le mettait dans l'ohligatioa de
fermer le bureau de la mission d'observation de l'OLT, mais que, s'il
devait intenter une action pour assurer le respect de la loi, aucune
autre mesure ne serait prise pour obtenir la femeture du burec?u :

''tant que cette ,action n'aura pas abouti. Dans ces conditioa S.

les Etats-Unis estiment que soumettre cette aifaire 5
l'arbitrage ne serait d'aucune utilité."

Le Secrétaire génGrnl a énergiquement contesté ce point de vue dans iine
lettre du 15 mars. Entretenps, dans une lettre du 11 mars,

l'A-torney-General avait ;+verti l'observateur permanent de ltOLP qu'à
compter dri 21 mars, le maintien dc :;d inission serait i llégal. La mission
de I'OLP n'ayant rien fait pour se conformer aux prescriptions de la loi
contre le terrorisme, L'A-t--.-nry-General,--- pour la contraindre à
s'exécuter, a saisi ln t,ibonal fédé~~1 du district sud de New York.

Dans leur exposé gcrie, les F~t~;.tt~s-i~i?içont toiitefois inlor:ùé la Coiir que
"dans I 'attente d'iint? deci çiori jud iciai t-e" ils rie ps-eri-Iraient ''.?ucilri~
0686I'mesure pour fermer la mission. La question ayant été portée devant nos
tribunaux, nous pensons qu'un arbitrage ne serait pas opportun et que ce
n'est pas le moment pour y recourir".

Limites de la tâche confiée à la Cour (par. 33)

La Cour a fait observer que sa seule tâche, telle qu'elle était
définie par la question qui lui était posée, était de déterminer si les
Etats-Unis étaient tenus de se soumettre à l'arbitrage en vertu de la

section 21 de l'accord de siège. En particulier, la Cour n'était pas
appelée à se prononcer sur la question de savoir si les mesures adoptées
par les Etats-Unis en ce qui concerne la mission d'observation de 1'OLP

étaient ou non contraires à cet accord.

Existence d'un différend (par. 34-44)

Etant donné les termes de la section 21 a), cités plus haut, la Cour
devait déterminer si un différend existait enGe l'organisation des
Nations Unies et les Etats-Unis et, dans l'affirmative, déterminer s'il

s'agissait d'un différend au sujet de l'interprétation ou de
l'application de l'accord de siège et s'assurer qu'il n'avait pas été
réglé par voie de négociations ou par tout autre mode de règlement agréé

par les parties.

A cette fin, la Cour a rappelé que l'existence d'un différend,

c'est-à-dire d'un désaccord sur un point de droit ou de fait, une
contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts,
demandait à être établie objectivement et ne pouvait pas dépendre des

simples affirmations ou contestations des parties. En l'espèce, le point
de vue du Secrétaire général, approuvé par l'Assemblée générale, qu'un
différend au sens de la section 21 a existé à partir du moment où la loi
contre le terrorisme a été promulguée et en l'absence d'assurances

adéquates que cette loi ne serait pas appliqiiée à la mission
d'observation de 1'OLP; en outre le Secrétaire général a formellement
contesté la conformité de la loi à l'accord de siège. Les Etats-Unis

n'ont jamais expressément contredit ce point de vue mais ont pris des
mesures contre la mission et précisé que ces mesures intervenaient
quelles que soient les obligations qui leur incombent en vertu de

l'accord de siège.

Toutefois, de l'avis de la Cour, le simple fait que la partie

accusée d'avoir violé un traité ne présente aucune argumentation pour
justifier sa conduite au regard du droit international n'empêche pas que
les attitudes opposées des parties fassent naître un différend au sujet
de l'interprétation ou de l'application du traité. Néanmoins, au cours

des conversations de janvier 1988, les Etats-Unis avaient fait savoir que
"l'existence d'un différend" entre l'organisation des Nations Unies et
eux .a l'heure actuelle n'était pas encore établie puisque la loi en

question n'avait pas encore été appliqiiée", et par la suite, en se
référant au "différend actuel portant sur le statut de la mission
d'observation de 1'OLP" avaient exprimé l'avis que l'arbitrage serait

prématuré. Après avoir introduit une dction devant les tribunaux
nationaux, les Etats-Unis ont informé la Cour dans leur exposé écrit
qu'ils pensaient qu'un arbitrage ne serait pas "opportun et que ce

n' [était] pas IF> moment pour y recoiiri r" .

La Cour ne saurait faire prévïloir des considérations d'opportunité
sur les obligntioiis résu11.arii de la sr,vt-ion 21. De plus, la procédure

d'arbitrage prévrie par c~i accord CI préc isérnc.rit polir objet de permettre
0686Fde régler les différends entre l'organisation des Nations Unies et le

pays hôte sans recours préalable aux tribunaux nationaiix. La Cour ne
saurait non plus admettre que l'engagement de ne prendre aucune autre
mesure pour obtenir la fermeture de la mission avant que la décision de

la juridiction interne ait empêché la naissance d'un diffirerid,

La Cour estime que l'objet principal, sinon exclusif, de la loi
contre le terrorisme était la fermeture du bureau de la mission

d'observation de 1'OLP et note que l'Attorney-General a estimé qu'il
était dans L'obligation de prendre des mesures pour faire procéder à une
telle fermeture. Le Secrétaire ggnéral a constamment contest:. les

décisions d'abord envisagées, puis prises, par le Congrès et
l'Administration des Etats-Unis. Dans ces conditions, la Cour se devait
de constater que les attitudes opposées de l'organisation des

Nations Unies et des Etats-Unis révélaient l'existence d'un differend,
quelle que fût la date à laquelle on pouvait considérer qu'il était né.

Qualification du différend (par. 46-50)
-

Quant à la question de savoir si le différend porte sur
l'interprétation ou l'application de l'accord de siège, l'organisation

des Nations Unies a appelé l'attention sur le fait que 1'OLP avait été
invitée à participer aux sessions et travaux de l'Assemblée générale en
qualité d 'observateur; la mission d'observation de 1'OLP était par

conséquent couverte par les dispositions des sections 11 -3 13 et devnlt
avoir la possibjlité d'établir et de maintenir des locaux et des
installations adéquates pour s'acquitter de ses fonctions. De l'avis de

l'organisation des Nations Unies, les mesures envisagées par le Congrès,
et finalement prises par l'Administration des Etats-Unis, seraient ainsi
contraires à l'accord si elles devaient être appliquées à la mission, et

leur adoption avait par conséquent fait naître un différend au sujet de
l'interprétation et de l'application de l'accord.

A la suite de l'adoption de la loi contre le terrorisme, les
Etats-Cnis ont d'abord envisagé d'interpréter cette loi dans un sens
compatible avec les otlligations que leur impose l'accord, mais le 14 mar;
leur représentant permanent par jntérim a f aj t connaître au Secrétai rç

général qiie l'Attorney-Gen---- avait jugé que cette loi le inettait dans
l'obligat-ion de fermer la mission qiielles que fussent ces ob1:gatioris.
1.e Secrétaire gC;ni.ral a contrsti? ce point de vue au nom de la prééminence

du droit international sur le droit interne. Ainsi, dans une ~remière
pliase, les discussions ont port6 BUT. 1 'interprétation de l'accord et di~r,~
cette perspective les Etats-Unis n'ont pas contesté que certaines

dispositions de l'accord s'appliqiiaient à la mission d'observcition Je
1 'OLP, majç dciii:;iiqe deuxième phase, ils ont fait prévaloir la Loi r. Ir
Ifaccord, et ie Secrétaire géiiéral a contesté qu'il puisse en ë~re

ainsi. En outre, les Etats-Unis ont pris un certain nombre de inetiircs
contre la mission d'observat-ion de 1'OLP. Le Secrétaire général les a
considérées romrne contraires à l'i-ccord. Sans contester ce p,îii~i de vite,
les Etats-Unis ont (t6clar5 avoir pris ces inesures "quelles que soient les

obligations qui [leur] iricombent ... en vertu de 1'accord". Ces deux
points de vue étaient inconcil isbles; de ce fait, il existe entre
I'Orgarlisation d6.s Nations IJriies et les Etats-Unis iin différend relatif à

L'application de l'accord de siegc.

On pourraiL sc demander si, en droit interne américain, loi

contre le terrorisme ne pourra $1-re considérée comme Gtant effectivement
appliquée que dan., 1 'hypotlièse où, 2 l'issue des procédures judiciairesen cours devant les tribunaux nationaux, la mission serait effectivement
fermée. Mais cela n'est pas déterminant au regard de la section 21, qui
vise l'application de l'accord lui-même, et non l'application des mesures

prises dans le droit interne des Etats-Unis.

La condition concernant le non-règlement du différend par tout autre mode

de règlement agréé (par. 51-56)

La Cour aborde ensuite la question de savoir si le différend n'a pu,
conformément à la section 21 a), être ''réglé par voie de négociations" ou

par "tout autre mode de règlement agréé par les parties". Le Secrétaire
général a non seulement invoqué la procédure de règlement des différends
mais aussi relevé que des négociations devaient d'abord être engagées, et

a proposé que celles-ci commencent le 20 janvier 1988. De fait, des
consultations avaient déjà commencé le 7 janvier et s'étaient poursuivies
jusqu'au 10 février. De plus, le 2 mars, le représentant permanent par

intérim des Etats-Unis avait déclaré à l'Assemblée générale que son
gouvernement avait tenu des consultations régulières et fréquentes avec
le Secrétariat de l'organisation des Nations Unies "à propos d'une

solution appropriée à la question". Le Secrétaire général a reconnu que
les Etats-Unis n'ont pas jugé que ces contacts et consultatioris
s'inscrivaient formellement dans le cadre de la section 21 et a pris note
que la position adoptée par la partie américaine est que, tant qu'elle

continuait à évaluer la situation qui résulterait de l'application de la
loi contre le terrorisme, elle ne pourrait prendre part à la procédure de
règlement des différends énoncée à la section 21.

La Cour constate que, compte tenu de l'attitude des Etats-Unis, le
Secrétaire général a épuisé en l'espèce les possibilités de négociations

qui s'offraient à lui et que l'organisation des Nations Unies et les
Etats-Unis n'ont pas non plus envisagé de régler leur différend par un
"autre mode de règlement agréé". En particulier, l'action actuellement

engagée devant les tribunaux américains ne saurait constituer "un mode de
règlement agréé" au sens de la section 21, étant donné que cette action a
pour but d'assurer l'observation de la loi coritre le terrorisme et non de
régler le différend relatif à l'application de l'accord. En outre,

l'organisation des Nations Unies n'a jamais donné son accord pour que ce
différend soit réglé par les tribunaux nationaux.

Conclusion (par. 57-58)

La Cour doit donc en conclure que les Etats-Unis sont tenus de

respecrer l'obligation de recourir 3 l'arbitrage. 11 n'y aurait pas lieu
de modifier cette conclusion, même si la déclaration selon laquelle les
mesures à l'encontre de la mission avaient été adoptées "quelles que

soient les obligations" incombant aux Etats-Unis en vertu de l'accord de
siège devait être interprétée comme ayant entendu se référer non
seulement aux obligations substantielles prescrites aux sections 11 à 13,
mais également à l'obligation de recourir à l'arbitrage prevue à la

section 21. 11 suffisait de rappeler le principe fondamental en droit
international de la prééminence de ce droit sur le droit interne,
prééminence consacrée depuis longtemps par la jurisprudence.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité, est d'avis

"que les Etats-Unis d 'Amériquc, en tant que partie à l'accord

entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis
d'Amérique relatif au siège de lfOr,ganisat icn des Nations Unies, en date du 26 juin 1947, sont tenus,
conformément à la section 21 de cet accord, de recourir à
l'arbitrage pour le règlement du différend qui les oppose à
l'organisation des Nations Unies".

M. Elias a joint à l'avis consultatif une déclaration dans laquelle
il exprime l'opinion que le différend est né dès que le Congrès des
Etats-Unis a adopté la loi contre le terrorisme, signée le
22 décembre 1987; il a ajouté que l'objectif recherché par le Secrétaire

général ne p0urrai.t être atteint que si le Congrès adoptait un nouveau
texte législatif modifiant la loi en question.

M. Oda a joint à l'avis consultatif une opinion individuelle dans
laquelle il souligne qu'il ne subsiste guère de divergences de vues entre

l'organisation des Nations Unies et les Etats-Unis quant à
l'interprétation des dispositions de fond de l'accord de siège concernant
la mission d'observation de 1'OLP et que, pour ce qui est de
l'application de l'accord, les deux parties reconnaissent que la
fermeture par la contrainte du bureau de la mission serait contraire aux

obligations internationales des Etats-Unis. Selon lui, la question qui
se pose est surtout de savoir quelle mesure, dans le cadre du système
juridique interne des Etats-Unis, équivaudrait à une telle fermeture; les
consultations engagées avaient porté non pas tant sur l'applicabilité des
dispositions pertinentes de fond de l'accord (sections 11 à 13) que sur

l'applicabilité de la clause compromissoire (section 21) elle-même. Il
fallait essentiellement déterminer si une loi interne pouvait l'emporter
sur des traités, question que la Cour n'avait pas été appelée à
examiner. Dans ces conditions, 1'Assemblée générale n'avait pas pose à
la Cour la question à laquelle il aurait été le plus utile qu'elle
réponde pour tenir compte des préoccupations profondes de l'Assemb2ée.

M. Schwebel soutient, dans une opinion individuelle, que la
conclusion essentielle de la Cour est défendable, mais que plusieurs
réponses peuvent être données à la question posée à la Cour. Il
reconnaît qu'il est évident qii'un Etat ne peut se soustraire à ses

obligations juridiques internationales en promulguant une loi intel-n? et
qu'une partie à une cllause d'arbitrage ne peut pas non plus se soustrafre
2 ses obligations arbitrales en niant l'existence d'un différend ou en
affirmant que l'arbitrage de ce différend ne serait d'aucune utilit 6. Il
reconnaît aussi que 1"application des clauses d'arbitrage internatio:lal

n'exige pas préalablement l'épiiisement des voies de recours internzs.
Toutefois, en ce qui concerne l'interprétation de l'accord de siege, il
est évident en l'espèce qu'il n'y a aucune divergence de vues entre
L'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis et que, selon les
propres termes du Secrétaire général, leurs interprétations

"coïncident". La question qui se posait vraiment était de savoir si un
différend sur l'applicatioii de l'accord était d6jà né ou s'il ne naîtrait
que si la loi contre Le tcrrorisnic était efEectiv~ment appliquee à la
mission d'observation de 1'01.F. A maintes reprises, le Secrétaire
général a exprimG l'a7vis qu'un différend ne naîtrait que si les

Etats-Unis ne donnaient pas l'assurarice que les arrangements en vigueur
en ce qui concerne ia vission de 1'0LP seraient "maintenus" et que
l'application à cette mission de ld lui serait "différEeN. Les
0686BEtats-Unis ont donné l'assurance qu'aucune mesure ne serait prise pour
fermer la mission dans l'attente de l'issue de la procédure en cours
devant des tribunaux américains. On voyait mal pourquoi ces assurances

n'étaient pas actuellement suffisantes. Si la loi était effectivement
appliquée, il naîtrait alors un différend de nature à engendrer pour les
Etats-Unis une obligation de recourir à l'arbitrage. Si les tribunaux
des Etats-Unis concluaient que la loi ne s'applique pas au bureau de
1'OLP à New York, il n'y aurait pas de différend. Toutefois, il peut

être raisonnablement soutenu, comme l'a fait le conseiller juridique de
l'organisation des Nations Unies, qu'une décision d'un tribunal des
Etats-Unis rejetant l'application de la loi à 1'OLP ne signifierait pas
qu'un différend n'a jamais existé, mais mettrait simplement fin au
différend. C'est cette considération qui a amené M. Schwebel à voter
pour l'avis de la Cour.

M. Shahabuddeen a joint à l'avis consultatif une opinion
individuelle. Il estime qu'il s'agit essentiellement de savoir si un
différend existait à la date de la requête pour avis consultatif et note
que la Cour n'a pas déterminé à quel stade le différend est né. A son

avis, la promulgation de la loi contre le terrorisme, le
22 décembre 1987, a automatiquement provoqué un conflit d'intérêts entre
les parties à l'accord de siège et accéléré la naissance d'un différend.
Quant à l'argument selon lequel aucun différend ne pouvait exister avant
que l'accord ne soit violé pax la fermeture forcée du bureau de l'OLP,

M. Shahabuddeen a estimé pour diverses raisons qu'une telle violation
effective ne constituait pas une condition préalable de ce genre; il a
ajouté que mêmesi c'était le cas, on peut penser que la position de
l'organisation des Nations Unies est de soutenir que la promulgation même
de la loi en question, que celle-ci soit considérée en elle-même ou qu'il

s'y ajoute les mesures adoptées ultérieurement en vertu de ses
dispositions, porte atteinte au droit que l'accord reconnaît à
l'organisation des Nations Unies de veiller à ce que ses invités à titre
permanent puissent s'acquitter de leurs fonctions dans les bureaux qu'ils
ont établis sans entrave inutile; un tel argument n'est pas insoutenable

au point d'exclure la possibilité qu'un véritable différend ait pris
naissance. Les Parties admettaient que la fermeture par la contrainte du
bureau de 1'OLP constituerait une violation de l'accord, mais n'étaient
pas du mêmeavis sur le point de savoir si la loi engendrait en elle-même
une violation actuelle. En conséquence, il existait vraiment un

différend portant tant sur l'interprétation de l'accord que sur son
application.

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- La Cour rend un avis consultatif

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Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies - La Cour rend un avis consultatif

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