Exposé écrit des Émirats arabes unis

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186-20230725-WRI-10-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18871
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DES ÉMIRATS ARABES UNIS
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
I. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1
II. L’IMPORTANCE DE LA SOLUTION DES DEUX ÉTATS ...................................................................... 4
III. L’OCCUPATION DE JÉRUSALEM-EST ET LES MESURES PRISES PAR ISRAËL POUR EN MODIFIER LE STATUT, LE CARACTÈRE ET LA COMPOSITION DÉMOGRAPHIQUE ............................ 6
A. Israël porte atteinte au caractère et au statu quo historique de Jérusalem-Est ......................... 6
B. Israël a modifié ou tenté de modifier le statut et la composition démographique de Jérusalem-Est ...................................................................................................................... 9
IV. LA CONSTRUCTION ET L’EXTENSION DES COLONIES DE PEUPLEMENT ISRAÉLIENNES DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ ............................................................................... 13
A. Les activités de construction et d’extension des colonies de peuplement menées par Israël dans le Territoire palestinien occupé......................................................... 15
B. Le comportement d’Israël, qui construit et étend ses colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé constitue une violation du droit international ...................... 17
i) Le comportement d’Israël emporte violation du droit international humanitaire ............. 17
ii) Le comportement d’Israël emporte violation de l’obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ..................................................................... 19
V. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE LA VIOLATION PAR ISRAËL DE SES OBLIGATIONS INTERNATIONALES ...................................................................................................................... 20
A. Les conséquences juridiques pour Israël ................................................................................ 20
B. Les conséquences juridiques pour tous les autres États et les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations Unies .............................................. 21
VI. CONCLUSION .............................................................................................................................. 26
I. INTRODUCTION
1. Les Émirats arabes unis ont l’honneur de présenter leur exposé écrit sur la demande d’avis consultatif adressée à la Cour internationale de Justice par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 2022 concernant les pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est1. Cet exposé écrit est soumis conformément à l’article 105 du Règlement de la Cour et en application de l’ordonnance du 3 février 2023, par laquelle la Cour a fixé au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel les États Membres de l’Organisation des Nations Unies pourraient présenter des exposés écrits sur les questions soumises par l’Assemblée générale.
2. Les Émirats arabes unis soutiennent fermement la primauté du droit sur le plan international et le rôle de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal de l’ONU. Ils considèrent que, si elle donne un avis consultatif en réponse aux questions posées par l’Assemblée générale, la Cour contribuera à instaurer dans la région une paix et une sécurité durables reposant sur l’existence d’un État palestinien indépendant et souverain constitué sur la base des frontières du 4 juin 1967 (ci-après les « frontières de 1967 »), ayant Jérusalem-Est pour capitale et cohabitant pacifiquement avec l’État d’Israël.
3. En tant que membre élu du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, les Émirats arabes unis relèvent que, dans la déclaration faite, sur proposition de leur part, le 20 février 2023 par sa présidente, le Conseil de sécurité a réaffirmé son « attachement indéfectible à la vision de la solution des deux États où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, dans le respect du droit international et des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies »2. Les Émirats arabes unis sont profondément préoccupés par l’absence persistante de processus de paix crédible et par l’escalade des provocations, des tensions, de la violence et des violations du droit international qui continuent d’affaiblir la viabilité de la solution des deux États au point de mettre celle-ci en péril.
4. Ces éléments ont contribué à la décision des Émirats arabes unis de voter en faveur de la résolution 77/247, par laquelle la Cour s’est vu soumettre une demande d’avis consultatif, et de participer à la présente procédure.
5. La présente espèce s’inscrit dans la continuité de l’avis consultatif qu’a donné la Cour en 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après l’« avis consultatif sur le mur »)3. À la lumière de cette continuité, les Émirats arabes unis considèrent que la compétence de la Cour pour donner un avis consultatif en la présente instance et l’opportunité judiciaire d’un tel avis sont incontestables. Les motifs qui avaient amené la Cour à conclure qu’elle était en mesure de répondre à la demande d’avis consultatif soumise dans la procédure sur le mur s’appliquent de la même façon dans la présente instance.
1 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
2 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1.
3 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136.
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6. En particulier, le fait que le Conseil de sécurité remplisse, à l’égard du conflit israélo-palestinien, les fonctions qui lui sont attribuées par la Charte des Nations Unies4 ne signifie pas que l’Assemblée générale a outrepassé sa compétence en portant une requête devant la Cour. Il s’agit là de la pratique acceptée en ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte5, ainsi que l’a souligné la Cour dans l’avis consultatif sur le mur6. En outre, les questions posées à la Cour sont des « questions juridiques », ainsi que l’exigent le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte7 et le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour, en ce qu’elles « vise[nt] les conséquences juridiques d’une situation de fait donnée, compte tenu des règles et des principes du droit international »8. Ce critère étant satisfait, les implications politiques des questions posées à la Cour sont dépourvues de pertinence aux fins de l’existence de sa compétence pour donner un avis consultatif en la présente espèce. Ainsi que la Cour l’a souligné dans des affaires antérieures, le fait qu’une question juridique revête également des aspects politiques « ne suffit pas à la priver de son caractère de “question juridique” et à “enlever à la Cour une compétence qui lui est expressément conférée par son Statut” »9.
7. Les Émirats arabes unis sont en outre convaincus que la Cour peut et doit exercer sa compétence consultative en réponse à la présente requête. La demande dont la Cour est saisie a pour objet d’obtenir de celle-ci un avis consultatif, que l’Assemblée générale a estimé utile pour exercer comme il convient ses fonctions, sur une question qui, aujourd’hui comme par le passé, intéresse particulièrement l’Organisation des Nations Unies dans son ensemble.
8. Les Émirats arabes unis estiment qu’en exerçant sa compétence, la Cour fournira des indications importantes et favorisera — plutôt qu’elle n’entravera — une issue négociée au conflit israélo-palestinien allant dans le sens de la solution des deux États. Ce point sera développé dans la suite du présent exposé écrit. En l’espèce, les Émirats arabes unis notent que, dans son avis consultatif sur le mur, la Cour a souligné la nécessité « d’encourager ces efforts en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un État palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité »10. Étant donné la situation de plus en plus alarmante sur le terrain et les difficultés qui compromettent chaque jour davantage la viabilité de la solution des deux États, l’avis de la Cour apportera un fondement et une impulsion plus que jamais essentiels pour parvenir à une résolution juste et licite du conflit.
9. Dans les circonstances de la présente espèce, une solution négociée non seulement a pour armature et fondement les principes énoncés au paragraphe 3 de l’article 2 et à l’article 33 de la Charte, la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (ci-après la « déclaration
4 Charte des Nations Unies, 24 octobre 1945, Recueil des traités (RTNU), vol. 1, p. XVI.
5 Charte des Nations Unies, paragraphe 1 de l’article 12.
6 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 150, par. 28.
7 Charte des Nations Unies, paragraphe 1 de l’article 96.
8 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 153, par. 37.
9 Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 66, par. 16 citant Demande de réformation du jugement no 158 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1973, p. 172, par. 14 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 403, par. 27.
10 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 201, par. 162.
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sur les relations amicales »)11 et la déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux12, mais elle est aussi enracinée dans les nombreuses résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, qui forment le cadre d’une solution à deux États. En donnant un avis consultatif sur les questions soumises par l’Assemblée générale dans la présente procédure, la Cour pourrait fournir des éléments supplémentaires utiles pour définir et préciser les paramètres juridiques d’un règlement global.
10. Enfin, les Émirats arabes unis observent que, dans l’avis consultatif sur le mur, la Cour a examiné et rejeté l’argument voulant qu’il fût inopportun qu’elle répondît aux questions relatives à la construction du mur au motif que celles-ci faisaient partie d’un ensemble13. Compte tenu de la portée des questions aujourd’hui posées à la Cour par l’Assemblée générale, les Émirats arabes unis considèrent que le raisonnement qui avait été suivi par la Cour quant à l’opportunité de l’exercice de sa compétence dans l’avis consultatif sur le mur s’applique a fortiori dans la présente procédure consultative.
11. Les Émirats arabes unis s’attendent à ce que la présente procédure et les questions juridiques importantes qu’elle soulève donnent lieu à la présentation de nombreux exposés de la part d’autres États et d’organisations internationales, y compris certaines dont ils sont membres, telles que la Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique, et le présent exposé écrit n’est donc pas destiné à être exhaustif. La Cour disposera à n’en pas douter d’exposés écrits qui lui permettront de pleinement tenir compte d’autres considérations importantes, telles que la question des violations du droit à l’autodétermination du peuple palestinien et celle de l’adoption de lois et de mesures discriminatoires.
12. Par conséquent, afin d’aider la Cour à conduire efficacement la présente procédure consultative et d’assurer la concision de leurs écritures, les Émirats arabes unis s’intéresseront exclusivement, dans le présent exposé, aux violations du droit international commises par Israël qui ont, selon eux, un impact particulier sur la solution des deux États — à savoir, les violations découlant des colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967 et celles relatives au statut de Jérusalem-Est. Ces questions importantes sont inextricablement liées à la viabilité de la solution des deux États.
13. Les Émirats arabes unis réaffirment leur soutien résolu en faveur de la solution des deux États, qui représente, pour la communauté internationale, le moyen de parvenir à un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien14.
11 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 portant sur la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, doc. A/RES/2625 (XXV).
12 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 37/10 du 15 novembre 1982 concernant la déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux, doc. A/RES/37/10.
13 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 160, par. 54.
14 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 73/89 du 6 décembre 2018, doc. A/RES/73/89 ; Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1 ; résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), préambule.
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II. L’IMPORTANCE DE LA SOLUTION DES DEUX ÉTATS
14. C’est en 1947 que la question palestinienne a été portée pour la première fois devant l’Assemblée générale, qui, dans sa résolution 181 (II) du 29 novembre 194715, a adopté un plan de partage avec union économique prévoyant que la Palestine serait divisée en deux États indépendants.
15. À l’issue du conflit armé de juin 1967, le Conseil de sécurité a, dans sa résolution 242 (1967), « affirm[é] que l’accomplissement des principes de la Charte exige[ait] l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient », dont il a énoncé les principes sous-jacents16. Dans sa résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, l’Assemblée générale a « [r]éaffirm[é] les droits inaliénables du peuple palestinien en Palestine, y compris : a) le droit à l’autodétermination sans ingérence extérieure, b) le droit à l’indépendance et à la souveraineté nationales »17. Après la signature, le 13 septembre 1993, de la déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, le Conseil de sécurité a, dans sa résolution 904 (1994), « réaffirm[é] son appui au processus de paix en cours »18.
16. Après plusieurs autres initiatives menées dans les années qui ont suivi, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a, le 7 mai 2003, présenté au Conseil de sécurité une « feuille de route » qui énonçait les principes applicables à un règlement définitif du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États19. Cette feuille de route, établie par des représentants des États-Unis d’Amérique, de l’Union européenne, de la Fédération de Russie et de l’Organisation des Nations Unies (collectivement désignés le « Quatuor ») visait à obtenir la cessation du conflit et la mise en oeuvre de la solution des deux États suivant un processus progressif et un calendrier.
17. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont tous deux entériné la solution des deux États et réaffirmé qu’elle était essentielle pour obtenir la paix entre Israël et la Palestine. Ainsi, dans sa résolution ES-10/13 du 21 octobre 2003, l’Assemblée générale « [e]ngage[ait] les deux parties à s’acquitter des obligations qui leur incom[baient] en vertu des dispositions pertinentes de la feuille de route »20, tandis que, dans sa résolution 1515 (2003) du 19 novembre 2003, le Conseil de sécurité « [a]pprouv[ait] la Feuille de route axée sur les résultats en vue d’un règlement permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États, établie par le Quatuor » et « [d]emand[ait] aux parties de s’acquitter des obligations qui leur incomb[aient] en vertu de la Feuille de route, en coopération avec le Quatuor, et de concrétiser la vision de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ». 21
18. Par la suite, dans sa résolution ES-10/14 du 8 décembre 200322, l’Assemblée générale a « affirm[é] qu’il [était] nécessaire de mettre fin au conflit sur la base d’une solution permettant aux deux États, Israël et la Palestine, de vivre côte à côte dans la paix et la sécurité et dans le respect de
15 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947, doc. A/RES/181 (II).
16 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, doc. S/RES/242 (1967), par. 1.
17 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, doc. A/RES/3236 (XXIX), par. 1.
18 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 904 (1994) du 18 mars 1994, doc. S/RES/904 (1994), par. 5.
19 Nations Unies, Conseil de sécurité, lettre datée du 7 mai 2003 adressée à son président par le Secrétaire général, doc. S/2003/529.
20 Nations Unies, Assemblée générale, résolution ES-10/13 du 21 octobre 2003, doc. A/RES/ES-10/13, par. 2.
21 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1515 (2003) du 19 novembre 2003, doc. S/RES/1515 (2003), par. 1-2.
22 Nations Unies, Assemblée générale, résolution ES-10/14 du 8 décembre 2003, doc. A/RES/ES-10/14, préambule.
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la ligne d’armistice de 1949, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale ».
19. Plus récemment, dans sa résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité a « réitér[é] sa vision d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues »23. Au cours des dernières années, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont continué d’exprimer leur attachement à la solution des deux États. Dans sa résolution 77/25 du 30 novembre 2022, l’Assemblée générale a « [r]éaffirm[é] son attachement, conforme au droit international, au règlement prévoyant deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, à l’intérieur de frontières reconnues sur la base de celles d’avant 1967 »24.
20. Le 20 février 2023, la présidente du Conseil de sécurité a fait, au nom de celui-ci, la déclaration suivante :
« Le Conseil de sécurité réaffirme que tous les États ont le droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues, et souligne que les Israéliens et les Palestiniens ont droit, dans la même mesure, à la liberté, à la sécurité, à la prospérité, à la justice et à la dignité.
Le Conseil réaffirme son attachement indéfectible à la vision de la solution des deux États où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, dans le respect du droit international et des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies. » 25
21. Le cadre que soutiennent le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale et sur lequel ils se fondent pour résoudre le conflit israélo-palestinien demeure la solution des deux États. Les Émirats arabes unis approuvent pleinement ce cadre26 et estiment que les violations du droit international commises par Israël sont extrêmement préoccupantes en ce qu’elles mettent gravement en péril la viabilité de cette solution des deux États.
22. Les sections suivantes du présent exposé sont consacrées auxdites violations, notamment pour ce qui concerne
a) les mesures qui modifient ou visent à modifier le statut, le caractère et la composition démographique de Jérusalem-Est ; et
b) l’établissement et la présence continue des colonies de peuplement israéliennes ainsi que le nombre croissant de colons dans le Territoire palestinien occupé.
23 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016).
24 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/25 du 30 novembre 2022, doc. A/RES/77/25, par. 10.
25 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1.
26 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9361e séance, 27 juin 2023, doc. S/PV.9361, p. 16-17.
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III. L’OCCUPATION DE JÉRUSALEM-EST ET LES MESURES PRISES PAR ISRAËL POUR EN MODIFIER LE STATUT, LE CARACTÈRE ET LA COMPOSITION DÉMOGRAPHIQUE
23. Israël a imposé et appliqué des mesures qui visent à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de Jérusalem-Est. Cela est gravement préoccupant pour deux raisons distinctes.
24. Premièrement, Jérusalem-Est, qui est occupée par Israël depuis 1967, est intimement liée à la viabilité de la solution des deux États, qui prévoit la création d’un État palestinien indépendant à l’intérieur des frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale, vivant côte à côte avec Israël dans la paix, la sécurité et la reconnaissance mutuelle. Ainsi, les mesures et décisions prises par Israël en vue de modifier le statut, le caractère ou la composition démographique de Jérusalem-Est, outre qu’elles n’ont aucune validité en droit, « font … gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient »27.
25. Deuxièmement, la communauté internationale a un intérêt légitime à protéger le caractère et les dimensions spirituels, religieux et culturels de Jérusalem28. Toute modification du statu quo juridique et historique de Jérusalem-Est non seulement menace les droits, la présence et l’identité de ses résidents palestiniens, mais encore risque d’aggraver les violences qui continuent d’éclater en réaction aux provocations et aux initiatives unilatérales menées sur les Lieux saints à Jérusalem-Est.
A. Israël porte atteinte au caractère et au statu quo historique de Jérusalem-Est
26. Le caractère de Jérusalem et le patrimoine qu’il représente pour l’humanité sont sans équivalent et d’une importance particulière pour l’ensemble de la communauté internationale29. Ville sacrée pour les trois religions abrahamiques  l’islam, le christianisme et le judaïsme , elle abrite de nombreux lieux saints, et revêt à ce titre une très grande valeur religieuse aux yeux de centaines de millions de fidèles dans le monde.
27. L’Organisation des Nations Unies a régulièrement reconnu le patrimoine religieux, culturel et humain exceptionnel que représente Jérusalem. Le Conseil de sécurité a mis l’accent sur « la nécessité de protéger et de préserver la dimension spirituelle et religieuse unique des Lieux saints de cette ville »30. De la même façon, l’Assemblée générale a souligné « la nécessité de protéger et préserver le caractère et les dimensions spirituels et religieux uniques de la Ville sainte de
27 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 465 (1980) du 1er mars 1980, doc. S/RES/465 (1980), par. 5 ; 471 (1980) du 5 juin 1980, doc. S/RES/471 (1980), préambule ; 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), par. 3. Voir également résolutions 298 (1971) du 25 septembre 1971 , doc. S/RES/298 (1971) ; et 478 (1980) du 20 août 1980, doc. S/RES/478 (1980).
28 Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247, préambule ; et 76/12 du 1er décembre 2021, doc. A/RES/76/12, préambule.
29 Tout récemment, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247, préambule ; et 76/12 du 1er décembre 2021, doc. A/RES/76/12, préambule.
30 Voir par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 452 (1979) du 20 juillet1979, doc. A/RES/452 (1979), préambule ; 465 (1980) du 1er mars 1980, doc. S/RES/465 (1980), préambule ; et 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), préambule.
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Jérusalem »
31 et rappelé « l’importance et le caractère sacré de la ville de Jérusalem pour les trois religions monothéistes »32.
28. C’est en raison du caractère unique de Jérusalem que l’Assemblée générale a mentionné « l’obligation de respecter le statu quo historique » dans cette ville33, et « deman[é] que le statu quo historique soit respecté en paroles et en pratique dans les Lieux saints à Jérusalem »34.
29. Le Royaume hachémite de Jordanie joue un rôle de première importance en tant que gardien des Lieux saints à Jérusalem. Dans la convention générale d’armistice conclue en 1949 entre Israël et la Jordanie, les deux États se sont accordés sur la « liberté d’accès aux Lieux saints et aux institutions culturelles »35. Par la suite, ils sont convenus, dans le traité de paix conclu entre eux en 1994, d’« assu[rer] la liberté d’accès aux lieux d’intérêt historique et religieux »36 et Israël s’est engagé à respecter le rôle assumé par le Royaume hachémite de Jordanie37.
30. Dans son avis consultatif sur le mur, la Cour a attaché une importance particulière aux obligations incombant à Israël en vertu des engagements qu’il avait pris dans ces traités. Elle a relevé que, dans la convention générale d’armistice de 1949, Israël s’était engagé à « assurer la liberté d’accès aux Lieux Saints » et a considéré que « cet engagement d’Israël [était] demeuré valable pour les Lieux saints passés sous son contrôle en 1967 », et qu’il avait en outre été confirmé par le traité de Paix de 199438. La Cour a souligné que « s’ajout[ai]ent des garanties particulières d’accès dans le cas des Lieux saints chrétiens, juifs et musulmans » étant donné qu’Israël était lié par le principe de « liberté d’accès aux Lieux Saints », qui, selon elle, s’étendait à tous les lieux saints situés à Jérusalem39.
31. Dans le même ordre d’idées, le Conseil de sécurité a, dans la déclaration de sa présidente en date du 20 février 202340, « appel[é] à maintenir inchangé le statu quo historique sur les Lieux saints à Jérusalem en paroles et en pratique, et soulign[é] à cet égard le rôle spécial que joue le Royaume hachémite de Jordanie ».
32. Il est donc très inquiétant qu’Israël ait pris et continue de prendre différentes mesures qui portent atteinte au caractère spécifique de Jérusalem-Est. Les Émirats arabes unis ont fermement condamné de tels actes et régulièrement souligné la nécessité d’assurer la protection des fidèles, de
31 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 36/15 du 28 octobre 1981, doc. A/RES/36/15, préambule. Voir également résolution ES-10/19 du 21 décembre 2017, doc. A/RES/ES-10/19, préambule.
32 Voir, tout récemment, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 76/12 du 6 décembre 2021, doc. A/RES/76/12, préambule. Voir également résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247, préambule.
33 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247, préambule.
34 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 76/12 du 1er décembre 2021, doc. A/RES/76/12, par. 4.
35 Convention générale d’armistice entre le Royaume hachémite de Jordanie et Israël, 3 avril 1949, RTNU, vol. 42 p. 315, art. VIII.
36 Traité de Paix entre l’État d’Israël et le Royaume hachémite de Jordanie, 26 octobre 1994, RTNU, vol. 2042, p. 516, art. 9, par. 1.
37 Ibid., art. 9, par. 2.
38 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 189, par. 129.
39 Ibid.
40 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, dixième paragraphe.
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permettre à ceux-ci d’accéder librement aux Lieux saints et de préserver le statu quo juridique et historique de Jérusalem et de ses Lieux saints
41.
33. À Jérusalem, Israël entrave la liberté d’accès aux Lieux saints en bloquant activement cet accès ou en remettant indûment en question les arrangements établis de longue date à cet égard. Parmi les mesures mises en oeuvre figurent de violentes incursions répétées, y compris par des acteurs étatiques israéliens, dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, et l’imposition de restrictions d’accès aux fidèles musulmans42.
34. En outre, ainsi que l’indiquent des rapports de l’Organisation des Nations Unies43, les fouilles effectuées par Israël dans Jérusalem mettent en danger le caractère historique et religieux de la ville. L’Assemblée générale44, la Ligue des États arabes45 et l’Organisation de la coopération islamique46 ont condamné les travaux d’excavation menés par Israël, en particulier sur les sites religieux de la vieille ville de Jérusalem et aux alentours, et ont exprimé leurs plus vives préoccupations à cet égard. L’Assemblée générale a également noté avec inquiétude que les fouilles et transformations réalisées par Israël « mett[ai]ent gravement en danger les sites historiques, culturels et religieux de Jérusalem » et estimé que ces activités « constitu[ai]ent une violation flagrante des principes de droit international et des dispositions pertinentes de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949 »47. Le fait d’entreprendre, d’approuver ou de ne pas empêcher ces activités abusives, qui, toutes, nuisent gravement à l’intégrité des Lieux saints à Jérusalem, porte atteinte aux caractères islamique et chrétien de Jérusalem-Est. Les informations concernant des excavations programmées ou exécutées
41 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9021e séance, 25 avril 2022, doc. S/PV.9021.
42 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 21 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 36 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 18 juin 2021, doc. S/2021/584, par. 12-14 ; Assemblée générale, rapport du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, 31 août 2021, doc. A/76/35, par. 10 ; Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 18 juin 2021, doc. S/2021/584, par. 12.
43 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme de la population des territoires occupés, 27 octobre 1975, doc. A/10272, par. 27 d) ; rapport du Secrétaire général concernant la souveraineté permanente sur les ressources nationales dans les territoires arabes occupés, 3 novembre 1975, doc. A/10290, annexe V, par. 15 ; rapport du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, 16 octobre 1981, doc. A/36/35, par. 21 et 28 ; rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 25 août 2014, doc. A/69/348, par. 33 ; rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 5 octobre 2015, doc. A/70/406, par. 6 et 39 ; rapport du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, 6 octobre 2015, doc. A/70/35, par. 3.
44 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 69/23 du 25 novembre 2014, doc. A/RES/69/23, préambule ; 71/23 du 30 novembre 2016, doc. A/RES/71/23, préambule ; et 76/12 du 1er décembre 2021, doc. A/RES/76/12, préambule.
45 Voir, par exemple, League of Arab States, Summit Resolution 455 on Developments on the Palestinian question, 21st ordinary session, 30 March 2009, par. 8; League of Arab States, Resolution 8600 on Developments and Israeli violations in the occupied city of Jerusalem, 155th extraordinary session, 3 March 2021, par. 4.
46 Voir, par exemple, Organisation of Islamic Cooperation, Resolution No. 1/48-PAL on The Cause of Palestine, 48th session of the Council of Foreign Ministers, 22-23 March 2022, par. 23.
47 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 36/15 du 28 octobre 1981, doc. A/RES/36/15, préambule, par. 1.
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et des activités s’y rapportant menées à proximité des Lieux saints sont particulièrement inquiétantes à cet égard
48.
35. Outre qu’ils attestent du mépris d’Israël à l’égard de l’importance historique, religieuse et culturelle des Lieux saints et de la tutelle hachémite, les actes évoqués ci-dessus constituent une violation des obligations qui incombent à Israël au regard de l’article 27 de la convention du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (ci-après la « quatrième convention de Genève »). Cet article dispose que « [l]es personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au respect … de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes »49.
B. Israël a modifié ou tenté de modifier le statut et la composition démographique de Jérusalem-Est
36. Depuis l’occupation par Israël de Jérusalem-Est en 196750, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale n’ont eu de cesse de réaffirmer que le statut, le caractère et la composition démographique de la ville devaient être préservés51.
37. En modifiant ou en tentant de modifier le statut et la composition démographique de Jérusalem-Est occupée, Israël a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la quatrième convention de Genève et à son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
38. Dans son avis consultatif sur le mur, la Cour a examiné le caractère illicite du comportement d’Israël et sa qualification par le Conseil de sécurité. Ainsi qu’elle l’a constaté, « [à] partir de 1967, Israël a pris dans [les] territoires [occupés] diverses mesures tendant à modifier le statut de la ville de Jérusalem »52. Elle a reconnu que, en déclarant dans sa résolution 298 (1971) que
48 Par exemple, des projets récents prévoient la construction d’un ascenseur et d’un téléphérique reliant Jérusalem-Ouest au centre d’une organisation de colons à proximité d’une porte de la vieille ville. Voir UNESCO, Conférence générale, 41 C/16, 8 novembre 2021, par. 3 ; Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 15. Israël a également approuvé des travaux de construction dans un parc situé à proximité du cimetière musulman Youssoufia, et un tribunal israélien a rejeté une requête du waqf islamique visant à arrêter la construction après la découverte de restes humains déterrés lors des travaux. Voir Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 15 décembre 2021, doc. S/2021/1047, par. 41.
49 Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, art. 27.
50 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 167, par. 78.
51 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 252 (1968) du 21 mai 1968, doc. S/RES/252 (1968), par. 2-3 ; 267 (1969) du 3 juillet 1969, doc. S/RES/267 (1969), par. 3-5 ; 298 (1971) du 25 septembre 1971, doc. S/RES/298 (1971), préambule, par. 3-4 ; 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), préambule, par. 3-5 ; et 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), préambule, par. 3 ; Assemblée générale, résolutions 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967, doc. A/RES/2253 (ES-V), préambule, par. 1-2 ; 32/91 C du 13 décembre 1977, doc. A/RES/32/91, par. 6 ; 35/207 du 16 décembre 1980, doc. A/RES/35/207, par. 6 ; 36/120 E du 10 décembre 1981, doc. A/RES/36/120, préambule, par. 1 et 3 ; 42/209 B du 11 décembre 1987, doc. A/RES/42/209, par. 7 ; 49/87 A du 16 décembre 1994, doc. A/RES/49/87, préambule, par. 1 ; et 70/15 du 24 novembre 2015, doc. A/RES/70/15, préambule, par. 9 et 15.
52 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 166, par. 75.
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« toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, [étaient] totalement nulles et non avenues et ne p[ouvai]ent modifier le statut de la ville »53,
le Conseil de sécurité avait répondu aux actes d’Israël « de la façon la plus explicite »54.
39. Israël a néanmoins pris de nombreuses mesures visant à étendre et à développer son administration et sa législation à Jérusalem-Est, en violation de la quatrième convention de Genève55. En réponse, le Conseil de sécurité l’a maintes fois et instamment invité à rapporter toutes les mesures et dispositions déjà prises modifiant ou tendant à modifier le statut de Jérusalem-Est56.
40. En 1980, Israël a ainsi promulgué la loi fondamentale faisant de Jérusalem sa capitale « entière et unifiée »57. Après la présentation du projet de loi devant la Knesset, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 476 (1980) dans laquelle il déplorait « qu’Israël persist[ât] à modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de Jérusalem » et se disait « [g]ravement préoccupé par les mesures législatives entamées à la Knesset israélienne en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem »58. Affirmant une nouvelle fois que de telles mesures « constitu[ai]ent une violation flagrante » de la quatrième convention de Genève et qu’elles étaient « nulles et non avenues et d[evai]ent être rapportées », le Conseil de sécurité a instamment demandé à Israël « de se conformer à la … résolution [en question] et aux résolutions précédentes du Conseil de sécurité et de cesser immédiatement de poursuivre la mise en oeuvre de la politique et des mesures affectant le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem »59. Il a en outre annoncé que, « au cas où Israël ne se conformerait pas à la présente résolution », il examinerait, « conformément aux dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies, des moyens pratiques en vue d’assurer l’application intégrale de la … résolution »60.
41. Par la suite, quelques semaines après le vote de la loi par Israël, le Conseil de sécurité s’est dit profondément préoccupé par « le fait que la Knesset israélienne a[vait] adopté une “loi fondamentale” proclamant une modification du caractère et du statut de la Ville sainte de Jérusalem »61. Dans sa résolution 478 (1980), le Conseil de sécurité :
« 2. Affirme que l’adoption de la “loi fondamentale” par Israël constitue une violation du droit international et n’affecte pas le maintien en application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du
53 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, doc. S/RES/298 (1971), par. 3.
54 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 166, par. 75.
55 Quatrième convention de Genève, art. 47.
56 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 252 (1968) du 21 mai 1980, doc. S/RES/252 (1968), par. 3 ; 267 (1967) du 3 juillet 1969, doc. S/RES/267 (1969), par. 5 ; 298 (1971) du 25 septembre 1971, doc. S/RES/298 (1971), par. 4 ; et 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), par. 4.
57 The Basic Law: Jerusalem the Capital of Israel (accessible à l’adresse suivante : knesset.gov.il).
58 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), préambule.
59 Ibid., par. 3 et 5.
60 Ibid., par. 6.
61 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980, doc. S/RES/478 (1980), préambule.
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12 août 1949, dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis juin 1967, y compris Jérusalem;
3. Considère que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, qui ont modifié ou visent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem, et en particulier la récente “loi fondamentale” sur Jérusalem, sont nulles et non avenues et doivent être rapportées immédiatement;
4. Affirme également que cette action fait gravement obstacle à l'instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient;
5. Décide de ne pas reconnaître la “loi fondamentale” et les autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem et demande … [à] tous les États Membres d’accepter cette décision »62.
42. La loi fondamentale susmentionnée et les autres mesures législatives et administratives prises depuis par Israël pour tenter de modifier le caractère et le statut de Jérusalem-Est ont été largement et régulièrement condamnées par la communauté internationale parce qu’elles constituaient une violation du droit international63.
43. Le libellé sans équivoque de la décision adoptée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 478 (1980), lue à la lumière des précédentes résolutions de cet organe, notamment la résolution 476 (1980), ne laisse aucun doute possible quant au fait que cette décision était destinée à s’imposer juridiquement à Israël et à tous les autres États Membres de l’Organisation des Nations Unies. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, en présence d’une situation internationalement illicite de cette nature, telle que déclarée comme telle par le Conseil de sécurité, « on doit pouvoir compter sur les Membres des Nations Unies pour tirer les conséquences de la déclaration faite en leur nom »64. En conséquence, les décisions prises par le Conseil de sécurité dans sa résolution 478 (1980) étaient et sont toujours obligatoires pour tous les États Membres de l’ONU parce que « [n]e pas l’admettre serait priver cet organe principal des fonctions et pouvoirs essentiels qu’il tient de la Charte » 65.
44. Par conséquent, toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël dans le contexte de son occupation de Jérusalem-Est, qui modifient ou visent à modifier le statut de cette partie de la ville, constituent des violations du droit international, sont nulles et non avenues et n’ont aucun effet juridique sur ledit statut en droit international.
62 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980, doc. S/RES/478 (1980), par. 2-5.
63 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 36/120 E du 10 décembre 1981, doc. A/RES/36/120 ; 41/162 C du 4 décembre 1986, doc. A/RES/41/162 ; 46/82 B du 16 décembre 1991, doc. A/RES/46/82 ; 52/53 du 9 décembre 1997, doc. A/RES/52/53 ; 57/111 du 3 décembre 2002, doc. A/RES/57/111 ; 62/84 du 10 décembre 2007, doc. A/RES/62/84 ; 68/16 du 26 novembre 2013, doc. A/RES/68/16 ; et 73/22 du 30 novembre 2018, doc. A/RES/73/22 ; 76/12 du 1er décembre 2021, doc. A/RES/76/12.
64 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 52, par. 112.
65 Ibid., p. 53-54, par. 116.
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45. Outre la mise en oeuvre de ces mesures destinées à modifier le statut de Jérusalem-Est, Israël a continué de porter atteinte à l’identité arabe de celle-ci en modifiant sa composition démographique, au mépris des obligations lui incombant au regard du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
46. La Cour a déterminé par le passé que la construction du mur et l’établissement de colonies de peuplement israéliennes « dress[aient] … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination »66, conduisaient à des « modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé »67 et étaient « contraires au sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève et aux résolutions [446 (1979) du 22 mars 1979, 452 (1979) du 20 juillet 1979 et 465 (1980) du 1er mars 1980] du Conseil de sécurité »68.
47. Malgré l’avis consultatif sur le mur, Israël n’a pas cessé, dans les années qui ont suivi, ses pratiques illicites, qui se sont, de fait, intensifiées. Pas plus tard que le 21 juin 2023, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies notait, dans son rapport sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité portant sur la période comprise entre le 14 mars et le 14 juin 2023, que « les autorités israéliennes [avaient] présenté des plans pour la construction de 920 unités de logement dans Jérusalem-Est » et que des appels d’offres concernant près de 90 unités supplémentaires à Jérusalem-Est avaient été annoncés69.
48. Les manquements d’Israël à ses obligations internationales à raison de la construction illicite de colonies d’implantation sont examinés à la section IV du présent exposé écrit, mais certains points méritent d’être évoqués dans le contexte spécifique de Jérusalem-Est.
49. Premièrement, la construction et la consolidation continues de la « ceinture »70 de colonies entourant Jérusalem-Est emportent violation du sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève. En isolant, de fait, Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie71, ces implantations compromettent gravement la viabilité de cette ville en tant que capitale d’un État palestinien indépendant et, plus largement, la viabilité d’une Palestine indépendante et d’un seul
66 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122.
67 Ibid.
68 Ibid., p. 192, par. 134.
69 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 3.
70 Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 6 ; Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 15 décembre 2021, doc. S/2021/1047, par. 5 ; Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 1er octobre 2020, doc. A/75/376, par. 40-42 ; Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 18 juin 2020, doc. S/2020/555, par. 3.
71 Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 6 ; Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 15 décembre 2021, doc. S/2021/1047, par. 5 ; Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 1er octobre 2020, doc. A/75/376, par. 40-42 ; Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 18 juin 2020, doc. S/2020/555, par. 3.
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tenant. L’Assemblée générale a récemment déploré « la coupure de plus en plus marquée entre la ville et le reste du Territoire palestinien occupé »
72.
50. Deuxièmement, Israël a continué, en violation du premier alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, de déplacer les Palestiniens de Jérusalem-Est en conséquence de l’établissement de colonies de peuplement et de la confiscation de terrains palestiniens en vue d’y construire des infrastructures73.
51. Ces pratiques ont pour effet notable de modifier de manière irréversible la composition démographique de Jérusalem-Est. Depuis 2009, Israël a démoli plus de 1 900 structures palestiniennes, ce qui a entraîné le déplacement de 3 658 Palestiniens de Jérusalem-Est74. Ces mesures sont aggravées par des restrictions dues au régime de zonage, étant précisé que, depuis décembre 2017, seule une portion de 13 % de la ville de Jérusalem-Est est destinée aux logements palestiniens, qui sont, pour la plupart, déjà construits, et que, pour plus d’un tiers des habitations palestiniennes, les permis de construire, difficiles à obtenir auprès des autorités israéliennes, sont absents, exposant ainsi plus de 100 000 personnes au risque d’être déplacées75. À travers ces pratiques liées de déplacement forcé et d’extension des colonies de peuplement et infrastructures illicites, Israël continue de porter atteinte à l’identité arabe de Jérusalem-Est de manière illégitime.
52. L’effet cumulatif incontestable des violations, par Israël, du droit international est que les pratiques illicites continues de ce dernier modifient le statut, le caractère et la composition démographique de Jérusalem-Est. Ce faisant, elles menacent la viabilité d’une solution à deux États prévoyant un État palestinien indépendant dont Jérusalem-Est serait la capitale.
IV. LA CONSTRUCTION ET L’EXTENSION DES COLONIES DE PEUPLEMENT ISRAÉLIENNES DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ
53. Dans l’avis consultatif sur le mur, la Cour a conclu que le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme s’appliquaient tous deux à la situation d’occupation dans le Territoire palestinien occupé76. L’occupation continue, par Israël, du Territoire palestinien occupé et les activités de construction et d’extension des colonies de peuplement qu’il mène concomitamment sur ce territoire sont contraires aux principes établis du droit international, notamment celui relatif au caractère temporaire que doit avoir l’occupation d’un territoire. En outre, ces activités menacent et entravent gravement la création et la viabilité futures d’un État palestinien indépendant sur la base des frontières de 1967.
54. Dans sa résolution 77/126 du 12 décembre 2022, l’Assemblée générale a mis en avant l’impact sur la solution des deux États des violations du droit international résultant des activités
72 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 76/12 du 1er décembre 2021, doc. A/RES/76/12, préambule.
73 Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 13.
74 UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, Data on demolition and displacement in the West Bank, mis à jour le 19 juillet 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/data/demolition).
75 UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, West Bank-East Jerusalem: key humanitarian concerns, 21 December 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/content/west-bank-east-jerusalem-key-humanitarian-concerns).
76 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177, par. 101 ; p. 180-181, par. 112-113.
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israéliennes de peuplement, soulignant « qu’il [fallait] d’urgence inverser les tendances négatives sur le terrain, telles que la construction de colonies et la démolition d’habitations palestiniennes, qui mett[ai]ent en péril la viabilité de la solution des deux États »
77.
55. De la même manière, le Conseil de sécurité a régulièrement dénoncé l’implantation et l’expansion des colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé en les qualifiant de violation du droit international, et a aussi exprimé son inquiétude quant à l’effet de ces colonies sur la solution des deux États. Dans sa résolution 446 (1979), il a considéré « que la politique et les pratiques israéliennes consistant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 n’[avaient] aucune validité en droit et f[aisaient] gravement obstacle à l’instauration d’une paix générale, juste et durable au Moyen-Orient »78. Il a répété ce message en plusieurs occasions au cours des années qui ont suivi79.
56. Le Conseil de sécurité a plus récemment, dans sa résolution 2334 (2016), condamné le comportement d’Israël concernant la construction et l’extension des colonies de peuplement en réaffirmant
« que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a[vait] aucun fondement en droit et constitu[ait] une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable »80.
57. Le Conseil de sécurité est resté ferme dans sa position sur cette question. Dans la déclaration faite le 20 février 2023 par sa présidente81, il a exprimé « sa profonde préoccupation et sa consternation face à l’annonce par Israël, le 12 février 2023, de la poursuite de la construction et de l’expansion de colonies de peuplement et de la “légalisation” des avant-postes de colonies », et réaffirmé « que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met[tait] gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967 ». Il a également exprimé sa ferme opposition « à toutes les mesures unilatérales qui entravent la paix, notamment, entre autres, la construction et l’expansion de colonies de peuplement par Israël, la confiscation de terres palestiniennes et la “légalisation” des avant-postes de colonies, la destruction de maisons palestiniennes et le déplacement de civils palestiniens »82.
58. Les Émirats arabes unis partagent les inquiétudes exprimées par le Conseil de sécurité et ont toujours condamné la construction et l’extension continues, par Israël, de ses colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, ainsi que les efforts qu’il déploie pour légaliser celles-ci. À cet égard, les Émirats arabes unis ont souligné le caractère illicite de ces colonies de peuplement au regard du droit international, et demandé à Israël de cesser immédiatement toutes ses
77 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, par. 5.
78 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 446 (1979) du 22 mars 1979, doc. S/RES/446 (1979), par. 1.
79 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 452 (1979) du 20 juillet 1979, doc. S/RES/452 (1979), préambule ; et 465 (1980) du 1er mars 1980, doc. S/RES/465 (1980), par. 5.
80 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), par. 1.
81 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1.
82 Ibid., par. 3-5.
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activités de peuplement et d’inverser les tendances négatives sur le terrain
83. Ils ont également rappelé qu’ils rejetaient toutes les mesures prises par Israël visant à annexer des terres palestiniennes84.
A. Les activités de construction et d’extension des colonies de peuplement menées par Israël dans le Territoire palestinien occupé
59. Depuis 1967, Israël a programmé et facilité le transfert de ses ressortissants dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en installant et en soutenant un grand nombre de colonies de peuplement ou d’avant-postes dans ce territoire. Au cours de la dernière décennie, la construction et l’extension par Israël des colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé ont rapidement et régulièrement progressé, et ce, malgré leur condamnation sans équivoque par le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et plus largement la communauté internationale. Dans un souci de concision et d’efficacité, les Émirats arabes unis ne reviendront pas, dans la présente section, sur l’histoire des colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, mais s’intéresseront à certains des événements les plus récents qui permettent d’établir le contexte factuel pertinent aux fins des observations juridiques qu’ils formulent dans la suite du présent exposé.
60. Les organismes de l’ONU ont établi de nombreux rapports indépendants sur l’occupation israélienne qui attestent de l’expansion progressive des colonies de peuplement d’Israël dans le
83 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9309e séance, 25 avril 2023, doc. S/PV.9309, p. 11 (« nous appelons une nouvelle fois Israël à cesser immédiatement toutes ses activités de peuplement, à s’efforcer d’inverser les tendances négatives sur le terrain et à s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu du droit international, notamment du droit international humanitaire ») ; procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 13 (« Il est impératif qu’Israël mette un terme à toutes les activités de peuplement, qui constituent une violation flagrante du droit international et des résolutions du Conseil. ») ; procès-verbal provisoire de la 9263e séance, 20 février 2023, doc. S/PV.9263, p. 17 (« Premièrement, la désescalade est la clef. Cela doit passer par la cessation, en plus de la suspension, des actes unilatéraux tels que les activités de peuplement, qui compromettent les perspectives de la solution des deux États et constituent une violation manifeste du droit international et des résolutions du Conseil. ») ; procès-verbal provisoire de la 9224e séance, 19 décembre 2022, doc. S/PV.9224, p. 13 (« Premièrement, à l’occasion du présent débat consacré à la résolution 2334 (2016), nous exigeons de nouveau d’Israël qu’il arrête toutes ses activités de peuplement en cours dans le Territoire palestinien occupé, lesquelles constituent une violation du droit international et sapent les efforts de paix. ») Voir également procès-verbal provisoire de la 9139e séance, 28 septembre 2022, doc. S/PV.9139, p. 13 ; procès-verbal provisoire de la 9116e séance, 25 août 2022, doc. S/PV.9116, p. 13 ; procès-verbal provisoire de la 9099e séance, 26 juillet 2022, doc. S/PV.9099, p. 18 ; procès-verbal provisoire de la 9077e séance, 27 juin 2022, doc. S/PV.9077, p. 15 ; procès-verbal provisoire de la 9000e séance, 22 mars 2022, doc. S/PV.9000, p. 18 ; procès-verbal provisoire de la 8973e séance, 23 février 2022, doc. S/PV.8973, p. 13-14 ; procès-verbal provisoire de la 8950e séance, 19 janvier 2022, doc. S/PV.8950, p. 16.
84 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9224e séance, 19 décembre 2022, doc. S/PV.9224, p. 13.
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Territoire palestinien occupé
85. Parallèlement à cette expansion, un grand nombre de Palestiniens ont été déplacés86, et leurs biens, ainsi que des infrastructures essentielles, saisis et démolis87.
61. Une documentation abondante atteste en outre que l’expansion des colonies de peuplement israéliennes est de nature à modifier, et a effectivement modifié, la composition démographique du Territoire palestinien occupé88. Cela aggrave encore la détresse du peuple palestinien, qui subit d’incessants épisodes de violence impliquant des colons89 et se voit imposer des restrictions de circulation et d’accès aux services et ressources de base90.
62. La situation des Palestiniens continue de se détériorer. Dans son tout récent rapport du 21 juin 2023 sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, portant sur la période du 14 mars au 14 juin 2023, le Secrétaire général des Nations Unies a observé que « les autorités israéliennes [avaient] présenté des plans pour la construction de 920 unités de logement dans Jérusalem-Est et approuvé la construction de 1 890 autres dans la zone C, dont 45 % à l’intérieur de la Cisjordanie occupée »91 et indiqué qu’il restait « profondément préoccupé par l’expansion incessante des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, qui entrave l’accès des Palestiniens à leurs terres et à leurs ressources, transforme la géographie de la Cisjordanie occupée et menace la viabilité d’un futur État palestinien »92.
85 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 3 et 61 ; procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 2 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 9 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 14 décembre 2022, doc. S/2022/945, par. 3 ; Assemblée générale, rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 5 octobre 2015, doc. A/70/406, par. 11-12.
86 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 11 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 11 ; procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 2 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 14 décembre 2022, doc. S/2022/945, par. 4 et 9-10 ; procès-verbal provisoire de la 9139e séance, 28 septembre 2022, doc. S/PV.9139, p. 4.
87 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 14 décembre 2022, doc. S/2022/945, par. 4-5 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 11-12 et 17-18 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 7-9.
88 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9000e séance, 22 mars 2022, doc. S/PV.9000, p. 5-6 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 61 ; procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 2 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 190, par. 133 ; Conseil de sécurité, résolution 446 (1979), 22 mars 1979, doc. S/RES/446 (1979), par. 3.
89 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 14 décembre 2022, doc. S/2022/945, par. 12, 41-47 et 73 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 59-60 et 62-65.
90 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 9, 61 et 64 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 14 décembre 2022, doc. S/2022/945, par. 8, 68 et 70 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 93 et 95.
91 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 21 juin 2023, doc. S/2023/458, par. 3.
92 Ibid., par. 61.
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B. Le comportement d’Israël, qui construit et étend ses colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé constitue une violation du droit international
63. La construction et l’extension des colonies de peuplement auxquelles procède Israël dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967 constituent une violation grave et persistante des principes fondamentaux du droit international. Si les règles et principes de droit international mis en jeu par le comportement d’Israël concernant ses colonies de peuplement sont multiples, l’exposé écrit des Émirats arabes unis ne porte cependant que sur les violations des obligations erga omnes fondamentales qui sous-tendent le droit international humanitaire et le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même.
i) Le comportement d’Israël emporte violation du droit international humanitaire
64. Il est bien établi, y compris dans la jurisprudence de la Cour, que la quatrième convention de Genève s’applique à l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé93. À cet égard, le comportement d’Israël, qui construit et étend les colonies de peuplement dans ce territoire et y transfère des colons israéliens, constitue une violation grave et manifeste de la quatrième convention de Genève.
65. Le sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève dispose que « [l]a Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». Ainsi que le relevait le Comité international de la Croix-Rouge dans son commentaire sur la quatrième convention de Genève, cette disposition a pour objet et but de « s’oppose[r] à des transferts de population tels qu’en ont pratiqué, pendant la deuxième guerre mondiale, certaines Puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou dites colonisatrices, ont transféré des éléments de leur propre population dans des territoires occupés »94.
66. Le sixième alinéa de l’article 49 ne requiert pas que le transfert d’une population dans le territoire occupé présente un caractère obligatoire95. Outre le transfert direct de population, il est aussi possible de procéder indirectement, c’est-à-dire en prenant des mesures destinées à le favoriser96. Dans l’avis consultatif sur le mur, la Cour a observé que le sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève « prohib[ait] non seulement les déportations ou transferts forcés de population tels qu’intervenus au cours de la seconde guerre mondiale, mais encore toutes les mesures que p[ouvait] prendre une puissance occupante en vue d’organiser et de favoriser des transferts d’une partie de sa propre population dans le territoire occupé »97.
93 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177, par. 101. Voir également Theodore Meron, “The West Bank and International Humanitarian Law on the Eve of the Fiftieth Anniversary of the Six-Day War” dans American Journal of International Law, 111(2), (2017), p. 361-364.
94 Comité international de la Croix-Rouge, Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, commentaire de 1958, p. 283.
95 Theodore Meron, “The West Bank and International Humanitarian Law on the Eve of the Fiftieth Anniversary of the Six-Day War” dans American Journal of International Law, 111(2) (2017), p. 373-374.
96 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 183, par. 120. Voir Theodore Meron, “The West Bank and International Humanitarian Law on the Eve of the Fiftieth Anniversary of the Six-Day War” dans American Journal of International Law, 111(2) (2017), p. 373-374.
97 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 183, par. 120.
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67. Ainsi que la Cour l’a déjà conclu98, les pratiques et la politique d’Israël consistant à établir les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et à faciliter leur construction et leur expansion, constituent une violation flagrante du droit international humanitaire et plus particulièrement du sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève.
68. Comme il a été relevé ci-dessus, Israël poursuit sans relâche, depuis 1967, sa politique consistant à établir des colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, et à faciliter et appuyer leur construction et leur expansion sans accorder la moindre considération aux nombreuses demandes tendant à ce qu’il y mette fin, formulées dans les résolutions du Conseil de sécurité. Il est à noter que les rapports du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité99 indiquent que, au cours des dernières années, les plans d’Israël visant à augmenter le nombre de colons et de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, au détriment de la Palestine et du peuple palestinien, n’ont cessé de progresser100. Que ce soit à Jérusalem-Est ou en Cisjordanie, Israël a continué de mettre en oeuvre des nouveaux projets de construction de logements et d’immeubles d’habitation. Très récemment, il a adopté une loi portant légalisation rétroactive de ces avant-postes et colonies de peuplement101. Il existe actuellement dans le Territoire palestinien occupé quelque 279 colonies de peuplement, qui représentent une population totale de 700 000 colons israéliens102. Jérusalem-Est compte 14 colonies de peuplement israéliennes, où vivent plus de 229 000 colons103.
69. La croissance continue des colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé s’inscrit dans la stratégie d’expansion et d’illicéité initiée en 1967. À la lumière du caractère systématique du comportement d’Israël, la conclusion formulée par la Cour dans l’avis consultatif sur le mur selon laquelle de telles activités constituent une violation du sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève s’applique a fortiori au comportement adopté par Israël depuis 2004 et qui se poursuit à ce jour, consistant à construire, à établir, à étendre et à soutenir les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé.
98 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 183, par. 120.
99 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), doc. S/2023/458, 21 juin 2023, par. 3 ; procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 2 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 22 juin 2022, doc. S/2022/504, par. 9 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 14 décembre 2022, doc. S/2022/945, par. 3 ; procès-verbal provisoire de la 9000e séance, 22 mars 2022, doc. S/PV.9000, p. 5-6 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 18 juin 2021, doc. S/2021/584, par. 48-49 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 12 décembre 2020, doc. S/2020/1234, par. 80 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 12 décembre 2019, doc. S/2019/938, par. 48-49 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 20 mars 2019, doc. S/2019/251, par. 54 ; rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016), 18 juin 2018, doc. S/2018/614, par. 61 ; procès-verbal provisoire de la 7977e séance, 20 juin 2017, doc. S/PV.7977, p. 2-3.
100 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 446 (1979) du 22 mars 1979, doc. S/RES/446 (1979), par. 3 ; 452 (1979) du 20 juillet 1979, doc. S/RES/452 (1979), par. 3 ; 465 (1980) du 1er mars 1980, doc. S/RES/465 (1980), par. 6 ; et 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), par. 1 ; déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, troisième à cinquième paragraphes.
101 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 2 ; déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, troisième paragraphe.
102 Nations Unies, Assemblée générale, Conseil des droits de l’homme, rapport annuel du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 15 mars 2023, doc. A/HRC/52/76, par. 5.
103 Ibid.
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70. De même, la destruction et la démolition des biens palestiniens, le déplacement forcé et les violences commises par les colons, qui portent atteinte à la vie et à l’intégrité physique des Palestiniens104, entraînent de nouvelles violations du droit international humanitaire. Ces actes et comportements emportent violation des obligations pertinentes contenues dans la quatrième convention de Genève applicables dans une situation d’occupation, notamment 1) l’obligation, au titre de l’article 27, de protéger les personnes civiles contre tout acte de violence ou d’intimidation ; 2) l’obligation, au titre du premier alinéa de l’article 49, de ne pas soumettre la population du territoire occupé à des transferts forcés ou à des déportations à l’intérieur ou hors dudit territoire105 ; et 3) l’obligation, au titre de l’article 53, de ne pas détruire les biens mobiliers.
ii) Le comportement d’Israël emporte violation de l’obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination
71. Le comportement d’Israël, lorsqu’il construit, établit, soutient et étend ses colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, emporte également violation des obligations qui lui incombent à l’égard du droit à l’autodétermination du peuple palestinien106. Consacré dans de nombreux instruments, et notamment dans la Charte des Nations Unies, à l’alinéa 2 de son article 1, et dans la déclaration sur les relations amicales107, le droit à l’autodétermination a le caractère de norme de droit international coutumier108 et garantit à tous les peuples la liberté, en particulier, de déterminer leur statut sans qu’une intervention extérieure puisse y porter atteinte109.
72. Dans son avis consultatif sur le mur, la Cour a conclu que la construction du mur par Israël constituait une violation du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, à la lumière, notamment, 1) du risque de modification de la composition démographique du Territoire palestinien occupé, en ce que cette construction contribue au départ des populations palestiniennes de certaines zones de ce territoire ; 2) des restrictions à la liberté de circulation et à l’accès aux services essentiels ; et 3) des répercussions négatives sur l’agriculture pratiquée dans la zone110.
104 Voir par. 60-61 ci-dessus.
105 Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I), 8 juin 1977 (ci-après le « protocole additionnel I »), paragraphe 4 a) de l’article 85 (« Outre les infractions graves définies aux paragraphes précédents et dans les Conventions, les actes suivants sont considérés comme des infractions graves au Protocole … : a) … la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire, en violation de l’article 49 de la IVe Convention ») (les italiques sont de nous).
106 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182-183, par. 118 (« S’agissant du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la Cour observera que l’existence d’un “peuple palestinien” ne saurait plus faire débat. »), p. 197, par. 149 (« Israël doit observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme. »).
107 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 portant sur la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
108 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 132, par. 152.
109 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 portant sur la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
110 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122 ; p. 189-191, par. 133.
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73. Ces éléments, analysés sur la période allant de 1967 à nos jours, s’appliquent a fortiori dans la présente procédure, établissent la violation causée par les colonies de peuplement israéliennes au droit à l’autodétermination du peuple palestinien. De fait, l’ampleur des violations découlant de la construction et de l’extension des colonies de peuplement israéliennes est bien plus importante que celle des violations constatées par la Cour dans son avis consultatif sur le mur, étant donné la portée plus restreinte de cette affaire.
74. Au fil des années, les pratiques et les politiques israéliennes ont eu un effet cumulé sur la composition démographique du Territoire palestinien occupé, la liberté de circulation (notamment par le transfert forcé de la population palestinienne), la sécurité du peuple palestinien, ainsi que son agriculture et son économie111. Ces circonstances, si on les envisage à la lumière de l’effet néfaste du comportement d’Israël relativement à ses colonies de peuplement sur la solution à deux États, ont mis en péril le droit à l’autodétermination du peuple palestinien pendant de nombreuses décennies, et rien n’indique que la situation tende à s’améliorer.
V. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE LA VIOLATION PAR ISRAËL DE SES OBLIGATIONS INTERNATIONALES
75. Les violations par Israël de ses obligations entraînent des conséquences juridiques en droit international pour Israël et produisent par ailleurs des obligations pour tous les autres États. Ces violations ont en outre des implications pour les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations Unies.
A. Les conséquences juridiques pour Israël
76. Étant donné qu’Israël se livre dans le Territoire palestinien occupé à des actes contraires aux obligations lui incombant en droit international, sa responsabilité internationale est engagée112.
77. En conséquence, si Israël est tenu de respecter les différentes obligations primaires auxquelles il a contrevenu et demeure lié par elles113, au vu de la persistance des violations concernées, il a cependant aussi l’obligation secondaire de mettre un terme à ces violations114.
78. Dans l’avis consultatif sur le mur, la Cour a considéré que la violation par Israël de multiples obligations internationales lui incombant résultait à la fois de l’édification du mur et du régime qui lui est associé115. En conséquence, la Cour a considéré qu’Israël avait une obligation de cessation « impliqu[ant] le démantèlement immédiat des portions [du mur] situées dans le territoire
111 Voir par. 60-61 ci-dessus.
112 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 147 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 138, par. 177 ; voir également CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, Annuaire de la Commission du droit international (ci-après « ACDI »), 2001, vol. II, deuxième partie, p. 26, article premier.
113 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 149 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 178.
114 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 150 ; voir également CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, ACDI, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 28, art. 31.
115 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 195, par. 143 ; p. 198, par. 151.
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palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est », et que, sauf dans la mesure nécessaire pour assurer le versement d’une indemnisation aux propriétaires palestiniens pour les préjudices subis, « [l]’ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de son édification et de la mise en place du régime qui lui est associé [devaient] immédiatement être abrogés ou privés d’effet »
116.
79. De la même manière, Israël est tenu par des obligations de cessation s’agissant des violations de ses obligations internationales résultant des autres politiques, pratiques et faits illicites auxquels il continue de se livrer. Il a, entre autres, l’obligation de mettre fin aux violations causées par ses activités qui modifient le statut, le caractère et la composition démographique du Territoire palestinien occupé, notamment l’implantation de colonies de peuplement et le transfert de colons israéliens dans Jérusalem-Est et le reste du Territoire palestinien occupé, ainsi qu’à celles découlant de la confiscation de terres, de la démolition de maisons et du déplacement forcé de civils palestiniens dans le Territoire palestinien occupé.
80. Israël a en outre l’obligation de mettre fin aux violations de ses obligations internationales qui résultent des dispositions prises en vue de modifier le caractère, le statut et la composition démographique de Jérusalem-Est. En particulier, il est tenu, dans la mesure où ses actes aboutissent à des violations persistantes du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et de ses obligations au titre des articles 27, 49 et 53 de la quatrième convention de Genève, de mettre fin aux comportements donnant lieu à ces violations.
81. Enfin, étant donné qu’Israël continue de contrevenir aux obligations reconnues par la Cour dans l’avis consultatif sur le mur, et dans la mesure où il n’a pas, au fil des années qui ont suivi, assuré la cessation des violations résultant de l’édification du mur dans le Territoire palestinien occupé, les conséquences juridiques établies par la Cour en 2004 demeurent pleinement applicables.
B. Les conséquences juridiques pour tous les autres États et les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations Unies
82. Compte tenu du caractère et de l’importance des obligations violées, le comportement d’Israël entraîne aussi des conséquences juridiques pour tous les autres États. En particulier, aucun État ne saurait considérer comme licite la situation découlant du comportement illicite d’Israël, ni prêter aide ou assistance au maintien d’une telle situation. En outre, les États ont l’obligation de coopérer, notamment avec l’Organisation des Nations Unies, en vue de mettre fin, par des moyens licites, aux manquements graves d’Israël à ses obligations. Les violations d’Israël ont aussi des implications pour les organisations internationales, en particulier pour l’Organisation des Nations Unies et ses organes.
83. Ces conséquences, qui touchent tous les États, découlent du fait que, pour un certain nombre d’entre elles, les obligations violées par Israël ont un caractère erga omnes. Ainsi que l’a indiqué la Cour dans l’avis consultatif sur le mur, tel est notamment le cas de « l’obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination » et de certaines obligations découlant du droit international humanitaire117.
116 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 151.
117 Ibid., p. 199, par. 155.
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84. S’agissant des obligations pertinentes en droit international humanitaire, la Cour a observé que certaines d’entre elles « constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier » et que les règles en question « incorporent des obligations revêtant par essence un caractère erga omnes »118. Tel est tout particulièrement le cas des obligations énoncées aux articles 27, 49 et 53 de la quatrième convention de Genève, dont la violation constitue des infractions graves à la convention119.
85. Ainsi que la Cour l’a déjà relevé par le passé, il convient aussi de souligner à cet égard que, selon l’article premier commun aux différentes conventions de Genève, chaque État partie est lié par l’obligation primaire explicite de « respecter et … [de] faire respecter » les conventions en toute circonstance120.
86. S’agissant de l’obligation de respecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Cour en a, à de multiples reprises, confirmé le caractère erga omnes121. En outre, ainsi que l’indique la déclaration sur les relations amicales, cette obligation se double d’une obligation primaire selon laquelle
« [t]out Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d’autres Etats ou séparément, la réalisation du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, conformément aux dispositions de la Charte, et d’aider l’Organisation des Nations Unies à s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l’application de ce principe ».122
87. Dans son avis consultatif sur le mur, la Cour a souligné que, compte tenu de la nature et de l’importance des obligations concernées, tous les États sont tenus, au regard du droit international, de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la violation de ces obligations, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée et de prendre les mesures appropriées pour s’assurer qu’Israël respecte ses obligations123.
88. L’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite est étroitement liée  et donne effet, en pratique  à l’absence de validité et d’effet juridique, au regard du droit international, des mesures prises par Israël en violation de ses obligations internationales, et notamment de l’adoption
118 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 157.
119 Article 147 de la quatrième convention de Genève ; paragraphe 4 a) de l’article 85 du premier protocole additionnel. Les obligations énoncées à l’article 27 de la quatrième convention de Genève, notamment la protection de l’intégrité physique des personnes civiles, reflètent des garanties équivalentes fournies par les autres conventions de Genève aux catégories de personnes qu’elles protègent, à savoir l’article 12 de la première convention de Genève (blessés et malades), l’article 12 de la deuxième convention de Genève (blessés, malades et naufragés en mer), et les articles 13 et 14 de la troisième convention de Genève (prisonniers de guerre).
120 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), 199-200, par. 158.
121 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90, par. 29 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136, par. 156 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 95, par. 180.
122 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 portant sur la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
123 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
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de la législation en cause
124. Ainsi que cela a déjà été souligné, le Conseil de sécurité a, par exemple, déclaré que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucune validité en droit » et que « toutes les mesures qui ont modifié le caractère géographique, démographique et historique et le statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité »125.
89. En outre, dans la mesure où les obligations concernées découlent de normes impératives du droit international général (jus cogens) et où le comportement d’Israël constitue une violation grave de ces normes, les mêmes obligations s’appliquent à tous les États en vertu des principes reflétés aux articles 40 et 41 sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite126.
90. Du point de vue des Émirats arabes unis, il convient, à tout le moins, de considérer comme des normes impératives les règles principales du droit international humanitaire en cause (les obligations, au titre de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, de ne pas modifier la composition démographique de zones occupées, dont la violation constitue une infraction grave à la convention), étant donné, notamment, que la Cour les a, par le passé, qualifiées de « principes intransgressibles du droit international coutumier »127. Les Émirats arabes unis considèrent que cette conclusion s’applique de la même façon aux obligations énoncées aux articles 27 et 53 de la quatrième convention de Genève, qui visent à préserver la vie, l’intégrité physique et les biens des personnes protégées dans un territoire occupé, et dont la violation constitue, là encore, une infraction grave.
91. À cet effet, une violation grave d’une norme impérative est définie, au paragraphe 2 de l’article 40 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, comme « un manquement flagrant ou systématique à l’exécution de [l’]obligation » concernée128. À cet égard, la CDI relève, dans son commentaire de l’article 40, que,
« [p]our être considérée comme systématique, une violation doit avoir été commise de façon organisée et délibérée. En revanche, le terme “flagrante” renvoie à l’intensité de la violation ou de ses effets ; il dénote des violations manifestes qui représentent une attaque directe contre les valeurs protégées par la règle. … Au nombre des facteurs pouvant déterminer la gravité d’une violation, on citera l’intention de violer la norme ; l’étendue et le nombre des violations en cause et la gravité de leurs conséquences pour les victimes »129.
124 Voir par. 40-42 ci-dessus.
125 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), par. 3-4.
126 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, ACDI, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 29, art. 40-41.
127 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 157 citant l’avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79.
128 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, ACDI, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 29, art. 40, par. 2. Voir aussi Nations Unies, Assemblée générale, rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session, doc. A/77/10, 2022, chap. IV : Normes impératives du droit international général (jus cogens), projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général et commentaires y relatifs, conclusion 19, par. 3, et commentaire, p. 70.
129 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, ACDI, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 113.
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92. Étant donné le caractère systématique et persistant des actions menées par Israël et au vu de la portée de leurs effets sur la Palestine autant que sa population, il ne fait guère de doute que le comportement d’Israël atteint le niveau d’une violation grave.
93. Conformément aux principes consacrés à l’article 41 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, tous les États doivent coopérer pour mettre fin à la violation grave d’une norme impérative, et s’interdire de reconnaître la situation illicite résultant d’une telle violation et de prêter aide ou assistance au maintien de cette situation. L’existence de cette dernière obligation, énoncée au paragraphe 2 de l’article 41 (celle de ne pas reconnaître les situations résultant de violations graves et de ne pas prêter aide ou assistance à leur maintien) a été admise et reconnue par la Cour130.
94. Bien que tous les États soient tenus de se conformer à cette obligation et de coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à de telles violations, chaque État est libre de déterminer quel est le meilleur moyen d’atteindre cet objectif ; aucune mesure particulière n’est imposée.
95. Il existe un éventail de mesures qui peuvent être mises en oeuvre par les États pour contribuer à la réalisation des objectifs susmentionnés dans une situation donnée, en fonction des circonstances particulières et de leurs relations.
96. Parmi les moyens possibles figure le recours au dialogue et aux échanges politiques et diplomatiques directs, notamment au niveau bilatéral, en vue de favoriser le respect des obligations et la cessation du comportement illicite, ainsi que le dialogue et la confiance entre les parties. De telles méthodes peuvent être particulièrement efficaces lorsqu’elles sont mises en oeuvre par des pays qui exercent une influence particulière dans la situation concernée, que ce soit à titre individuel ou en coordination avec d’autres acteurs tout aussi influents. Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, l’engagement durable de certains petits groupes d’États s’est par le passé révélé bénéfique, comme c’est notamment le cas des efforts récemment déployés par le Royaume hachémite de Jordanie, la République arabe d’Égypte et les États-Unis pour encourager le dialogue entre les parties131. Le Conseil de sécurité a reconnu le rôle que les États peuvent jouer en exerçant leur influence en vue d’inciter à la cessation des actes illicites et au respect de ses résolutions132.
97. En ce qui concerne la participation des organisations internationales, même si, là encore, aucune méthode particulière ne leur est imposée133, la Cour a, dans des affaires similaires dont elle a eu à connaître par le passé, mis en évidence certaines mesures, qui, selon elle, pouvaient être prises de manière appropriée. Elle a, par exemple, dans son avis consultatif sur le mur, appelé l’attention de l’Assemblée générale sur la nécessité d’encourager les efforts
130 Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 140, par. 93. Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
131 Voir, par exemple, Aqaba Joint Communiqué, 26 February 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/aqaba-joint-communique/) ; Sharm-el-Sheikh Joint communiqué, 19 March 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://eg.usembassy.gov/joint-communique-from-the-march-19-meeting-in-sharm-el-sheikh/).
132 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 190 (1964) du 9 juin 1964, doc. S/RES/190 (1964), par. 2 ; 264 (1969) du 20 mars 1969, doc. S/RES/264 (1969), par. 7 ; 290 (1970) du 8 décembre 1970, doc. S/RES/290 (1970), par. 10 ; et 437 (1978) du 10 octobre 1978, doc. S/RES/437(1978), par. 4.
133 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
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« en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un État palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité »134.
98. Plus largement, la Cour a, dans le dispositif de son avis, affirmé ce qui suit : « L’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit … examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur »135.
99. Cependant, il revient aux organes en question et à leurs membres d’examiner les modalités et la portée selon lesquelles ces mesures et d’autres doivent être mises en oeuvre, conformément au mandat de l’organe concerné, en vue de mettre fin aux violations graves.
100. Les chapitres VI et VII de la Charte, qui portent spécifiquement sur le Conseil de sécurité, en tant qu’organe ayant la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, offrent à ce dernier un ensemble d’outils qu’il peut utiliser dans l’exercice de sa mission. Parmi eux figure, évidemment, l’adoption de décisions conformément à l’article 27 de la Charte, par lesquelles le Conseil de sécurité peut notamment exiger la cessation d’un comportement contraire à des obligations juridiques internationales. Les États Membres de l’Organisation des Nations Unies doivent appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la Charte136. À cet égard, les Émirats arabes unis soulignent la nécessité de mettre pleinement en oeuvre toutes les résolutions antérieures du Conseil de sécurité relatives au conflit israélo-palestinien137.
101. Au cours de leur mandat de membre élu du Conseil de sécurité, les Émirats arabes unis ont activement travaillé à ce que cet organe accorde toute l’attention nécessaire à la situation du Territoire palestinien occupé et prenne des mesures appropriées à cet égard, y compris en ce qui concerne les tensions et les violences qui se sont intensifiées depuis le début de l’année 2023 en réaction à un ensemble de déclarations provocatrices, d’actions violentes et d’incitations à la violence, et à la poursuite de l’expansion des colonies de peuplement. Ils ont notamment proposé l’adoption d’une décision138 et l’établissement de communications moins formelles par le Conseil de sécurité139, et sollicité la convocation de réunions en vue d’examiner la situation telle qu’elle pourrait
134 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 201, par. 162.
135 Ibid., p. 201, par. 163, point E.
136 Charte des Nations Unies, art. 25.
137 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9290e séance, 22 mars 2023, doc. S/PV.9290, p. 13.
138 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1.
139 Déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité sur le meurtre de la journaliste Shireen Abu Akleh, 13 mai 2022, doc. SC/14891. Des observations orales (« éléments de presse ») sur la situation en question ont été faites le 27 juin 2023 par la présidente du Conseil de sécurité Lana Zaki Nusseibeh (Émirats arabes unis), à l’issue des consultations informelles tenues le 23 juin 2023 par le Conseil de sécurité sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne.
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évoluer
140. Les Émirats arabes unis s’efforceront de veiller à ce que le Conseil de sécurité continue de prêter attention à la situation et prenne les mesures qui s’imposent.
VI. CONCLUSION
102. Les Émirats arabes unis considèrent que la Cour devrait rendre l’avis consultatif qui est demandé par l’Assemblée générale et qu’elle devrait confirmer les violations continues et persistantes par Israël des obligations que lui impose le droit international à l’égard du peuple palestinien et du Territoire palestinien occupé.
103. Si, pour les raisons précédemment évoquées, les Émirats arabes unis s’intéressent essentiellement, dans le présent exposé écrit, à Jérusalem et à l’impact des colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, ils reconnaissent néanmoins qu’il existe bien d’autres questions juridiques à examiner dans le cadre de la présente procédure. Dans ce contexte plus large, les Émirats arabes unis tiennent à rappeler que les Palestiniens ont un droit au retour141 et à souligner que, au regard du droit international, l’occupation n’a pas entraîné et ne saurait entraîner de transfert de souveraineté sur une partie quelconque du Territoire palestinien occupé, et que ni les politiques et pratiques adoptées par Israël ni la durée de l’occupation, ne sont susceptibles d’avoir un impact quelconque sur le statut du Territoire palestinien occupé142.
104. Les actes, politiques et pratiques d’Israël qui emportent violation de ses obligations internationales fragilisent les fondements mêmes de la solution des deux États.
105. L’expansion continue des colonies de peuplement israéliennes, ainsi que le transfert des colons israéliens et l’appui qui leur est fourni offrent un moyen de consolider l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé. De telles actions risquent de compromettre la perspective d’un État palestinien indépendant viable.
140 Nations Unies, Conseil de sécurité, séances officielles : par exemple, séance publique tenue le 8 août 2022 à la demande de la Chine, de la France, de l’Irlande, de la Norvège et des Émirats arabes unis (procès-verbal provisoire de la 9107e séance, 8 août 2022, doc. S/PV.9107) ; séance publique tenue le 5 janvier 2023 à la demande de la Chine, de la France, de Malte et des Émirats arabes unis (procès-verbal provisoire de la 9236e séance, 5 janvier 2023, doc. S/PV.9236). Consultations plénières informelles : par exemple, consultations organisées le 19 avril 2022 à la demande de la Chine, de la France, de l’Irlande, de la Norvège et des Émirats arabes unis pour examiner la situation à Jérusalem (lettre datée du 16 novembre 2022 adressée au président du Conseil de sécurité par la représentante permanente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès de l’Organisation des Nations Unies, 17 novembre 2022, doc. S/2022/868, annexe, p. 8).
141 Voir par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 35/169 du 15 décembre 1980, doc. A/RES/35/169, par. 2.
142 Voir, en ce sens, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, par. 7 (« Souligne que l’occupation d’un territoire doit être un état de fait provisoire, par lequel la Puissance occupante ne peut ni revendiquer la possession de ce territoire ni exercer sa souveraineté sur le territoire qu’elle occupe, rappelle à cet égard le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et donc le caractère illégal de l’annexion de toute partie du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui constitue une violation du droit international, compromet la viabilité de la solution des deux États et remet en cause les perspectives d’un règlement pacifique, juste, durable et global, et se dit gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé. »). Voir, de même, Conseil de sécurité, résolutions 478 (1980) du 20 août 1980, doc. S/RES/478 (1980) ; 681 (1990) du 20 décembre 1990, doc. S/RES/681 (1990) ; et 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016).
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106. Les actes, politiques et pratiques d’Israël compromettent aussi la perspective d’une Palestine vivant à l’intérieur de « frontières sûres et … reconnues »143 fondées sur les lignes de 1967. Elles font en outre obstacle à la concrétisation d’un État palestinien indépendant d’un seul tenant en Cisjordanie. De fait, les colonies de peuplement ont morcelé et disloqué le territoire de la Palestine, et, ce faisant, séparé les Palestiniens de leurs terres et isolé les communautés palestiniennes les unes des autres144.
107. Les colonies de peuplement qui entourent Jérusalem-Est ont pour effet d’isoler la ville du reste de la Cisjordanie, remettant ainsi en cause sa viabilité en tant que capitale145.
108. Parallèlement aux actes destinés à isoler physiquement Jérusalem-Est de la Cisjordanie, les politiques et mesures d’Israël visant à modifier le statut, le caractère et la composition démographique de la ville, constituent, elles aussi, une tentative de briser les liens existant entre Jérusalem-Est et le reste de la Palestine. Ces mesures risquent, au fil du temps, de modifier considérablement le caractère culturel et religieux de Jérusalem-Est en accentuant la séparation entre la ville et le reste de la Palestine et sa population.
109. Les Émirats arabes unis sont profondément préoccupés par les mesures prises unilatéralement par Israël, dont les effets sur le terrain pourraient devenir à la fois irréversibles et irrémédiables, et mettre gravement en péril la viabilité de la solution des deux États146.
110. La position des Émirats arabes unis à cet égard va dans le sens de celle du Conseil de sécurité147, notamment en ce qui concerne ses appels répétés invitant les parties à reprendre les négociations afin de progresser dans la recherche d’une solution à la situation actuelle.
111. Les Émirats arabes unis se réfèrent à cet égard au paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, qui dispose que tous les Membres de l’Organisation ont l’obligation de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix, la sécurité et la justice internationales ne soient pas mises en danger. L’article 33 de la Charte vient compléter et renforcer cette disposition en énonçant que « [l]es parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens
143 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, premier paragraphe.
144 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, préambule.
145 Voir également Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 6.
146 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 9263e séance, 20 février 2023, doc. S/PV.9263.
147 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), préambule (« Constatant avec une vive préoccupation que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967 »), par. 3-4 ; Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, quatrième paragraphe (« Le Conseil réaffirme que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967. ») ; résolutions 1073 (1996) du 28 septembre 1996, doc. S/RES/1073 (1996), par. 3 (« Demande que les négociations reprennent immédiatement sur la base convenue dans le cadre du processus de paix du Moyen-Orient ») ; 476 (1980) du 30 juin 1980, doc. S/RES/476 (1980), préambule, par. 3-5 ; et 478 (1980) du 20 août 1980, doc. S/RES/478 (1980), préambule, par. 3 et 5.
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pacifiques de leur choix ». Tel est le cadre général dans lequel les États sont tenus, au regard du droit international, de se comporter aux fins du règlement de leurs différends internationaux
148.
112. Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler qu’Israël est tenu de négocier sérieusement, de bonne foi et d’une manière n’ayant pas pour effet d’aggraver ou d’étendre le différend. Or, il impose au contraire des politiques unilatérales et des « faits accomplis » qui contreviennent à cette obligation, et ce, dans une plus large mesure que les faits qui étaient examinés dans l’avis consultatif sur le mur.
113. Le Conseil de sécurité a souligné à maintes occasions la nécessité d’un processus négocié. En réponse aux violations commises par Israël, il a rappelé que « la poursuite des activités de peuplement israéliennes met[tait] gravement en péril la viabilité de la solution des deux États »149 ; il a en outre demandé « l’adoption immédiate de mesures énergiques afin d’inverser les tendances négatives sur le terrain, qui mettent en péril la solution des deux États »150 et invité « toutes les parties à continuer … de déployer collectivement des efforts pour engager des négociations crédibles sur toutes les questions relatives au statut final dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient »151. Du point de vue des Émirats arabes unis, telle est en effet la voie qu’il convient d’emprunter.
___________
148 Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex‑République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 685, par. 132.
149 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, quatrième paragraphe.
150 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), par. 4. Voir également la déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, quatrième paragraphe (« Le Conseil réaffirme que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967. »).
151 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), par. 8. Voir également résolution 1073 (1996) du 28 septembre 1996, doc. S/RES/1073 (1996), par. 3.

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Exposé écrit des Émirats arabes unis

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