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CO~RINTERNA~~~ DN E AJU L SETICE
Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tel. 92 44 41.Telegr. Intercourt, La Haye.
Télex 32323.
Communiqué
-
pour publtcationimmédiate
No 87/12
Le 27 mai 1987
La Cour rend uin avis consultatif sur la Demande de réformation
du jugement no 333 du Tribunal administratif des Nations Unies
Le Greffe de la Cour internationale de Justice met à la disposition
de la presse les renseignements suivants :
Au-ourd'hui 27 mai 1987 la Cour a rendu son avis consultatif dans
l'affaire concernant la Demande de réformation du iueement no 333 du
Tribunal administratif des Nations Unies.
La Cour a décidé que, dans le jugement no 333, le Tribunal
administratif des Nations Unies n'a pas manqué d'exercer sa juridiction
et n'a pas commis d'erreur de droit concernant les dispositions de la
Charte.
Les questions posées à la Cour par le Comité des demandes de
réformation de jugements du Tribunal administratif étaient les suivantes :
"1) Dans son jugement no 333, du 8 juin 1984 (~~/DEc/333), le
Tribunal administratif des Nations Gnies a-t-il manqué d'exercer sa
juridiction en ne répondant pas à la question de savoir s'il
existait un obstacle juridique au renouvellement de l'engagement du
requérant à l'Organisation des Nations Unies après la venue à
expiration de son contrat le 26 décembre 19837
2) Le Tribunal administratif des Nations Unies, dans le même
jugement no 333, a-t-il commis une erreur de droit concernant les
dispositions de la Charte des Nations Unies?" La Cour s'est prononcée comme suit :
A. A l'unanimité, la Cour décide de donner suite à la requête pour
avis consultatif.
B. A l'unanimité, la Cour est d'avis que dans son jugement no 333
le Tribunal administratif des Nations Unies n'a pas manqué
d'exercer sa juridiction en ne répondant pas à la question de
savoir s'il existait un obstacle juridique au renouvellement de
l'engagement du requérant à l'organisation des Nations Unies
après la venue à expiration de son contrat de durée déterminée,
le 26 décembre 1983.
C. Par 11 voix contre 3, la Cour est d'avis que le Tribunal
administratif des Nations Unies, dans ledit jugement no 333,
n'a pas commis d'erreur de droit concernant les dispositions de
la Charte.
Pour : MM. Nagendra Singh, Mbaye, Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ag09
Sette-Camara, Bedjaoui, Ni Zhengyu, Tarassov.
Contre : M. Schwebel, sir Robert Jennings, M. Evensen.
La Cour était composée comme suit : M. Nagendra Singh, Président;
M. Mbaye, Vice-Président; MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ago, Sette-Camara,
Schwebel, sir Robert Jennings, MM. Bedjaoui, Ni Zhengyu, Evensen,
Tarassov, juges.
M. Lachs a joint à l'avis consultatif une déclaration.
MM. Elias, Oda et Ago
ont joint à l'avis consultatif des opinions individuelles.
M. Schwebel, sir Robert Jennings et M. Evensen
ont joi-nt à l'avis consultatif des opinions dissidentes.
*
w
Les juges intéressés définissent et expliquent dans ces opinions la
position qu'ils prennent sur divers points traités dans l'avis de la Cour
(on trouvera un bref aperçu de ces opinions en annexe).
Le texte imprimé de l'avis consultatif et des opinions sera
disponible dans quelques semaines (s'adresser à la Section de la
distribution et des ventes, Office des Nations Unies, 1211 Genève, 10, à
la Section des ventes, Nations Unies, New York, NY 10017; ou à toute
librairie spécialisée).
On trouvera ci-après une analyse de l'avis consultatif, établie par
le Greffe pour faciliter le travail de la presse; cette analyse n'engage
en aucune façon la Cour. Elle ne saurait être citée à l'encontre du
texte mêmede l'avis dont elle ne constitue pas une interprétation.
*
* *
Résumé. .. Résuméde l'avis consultatif
1. Qualités et exposé des faits (par. 1 à 22)
La Cour rappelle les étapes de la procédure suivie depuis qu'elle a
été saisie de l'affaire (par. 1 à 9) puis résume les faits de l'espèce
tels qu'ils ressortent: des attendus du jugement rendu le 8 juillet 1984
dans l'affaire Yakimet:~ c. le Secrétaire général de l'organisation des
Nations Unies et tels qu'ils sont exposés dans les documents présentés au
Tribunal (par. 10 à IO). On trouvera ci-après les faits indispensables à
la compréhension de la décision rendue par la Cour.
M. Vladimir Victorovitch Yakimetz (dénommédans l'avis "le
requérant") s'est vu octroyer un engagement à l'organisation des
Nations Unies pour une durée de cinq ans (1977-1982) en qualité de
reviseur au service russe de traduction. Il est muté en 1981 comme
administrateur de programmes au bureau de la planification et de la
coordination des progr:ammes. Fin 1982, son engagement est prolongé d'une
année jusqu'au 26 décembre 1983 et sa lettre de nomination indique qu'il
est "détaché de la fonction publique de ~'URSS". (Par. 10.)
Le 8 février 1983 le Sous-Secrétaire à la planification informe le
requérant qu'il a l'intention de demander une prolongation de son contrat
après sa venue à expiration le 26 décembre 1983. Le 9 février 1983 le
requérant demande asi1.e aux Etats-Unis, ce qu'il fait savoir le
10 février au représeritant permanent de l'URSS auprès de l'ONU en
annonçant qu'il démissionne de ses postes dans la fonction publique
soviétique. Il avise le mêmejour le Secrétaire général qu'il a
l'intention d'acquérir le statut de résident permanent aux Etats-Unis.
(Par. 11.)
Le 25 octobre 1983 le requérant adresse un memorandum au
Sous-Secrétaire à la planification où il exprime l'espoir que, compte
tenu de ses états de service, il sera possible de recommander le
renouvellement de son contrat à l'organisation ou "mieux encore sa
nomination à titre définitif." Le 23 novembre 1983, le chef adjoint des
services du personnel informe le requérant par lettre "sur instructions
du cabinet du Secrétaire général" que l'organisation n'a pas l'intention
de prolonger son engagement de durée déterminée au-delà de sa date
d'expiration, à savoir le 26 décembre 1983. Le 29 novembre le requérant
proteste contre cette décision et se réfère à ses droits acquis en vertu
du paragraphe 5 de la section IV de la résolution 371126 de l'Assemblée
générale aux termes duquel "lorsque des fonctionnaires nommés pour une
période déterminée auront accompli cinq années de service en donnant
satisfaction, leur cas sera pris équitablement en considération aux fins
d'une nomination de carrière". (Par. 13. )
Le 13 décembre le requérant demande au Secrétaire général de revoir
sa décision de ne pas prolonger son engagement au-delà de la date
d'expiration et invoqtie de nouveau le droit conféré par la
résolution 37/126 de l'Assemblée générale. Par lettre du
21 décembre 1983, le Sous-Secrétaire général aux services du personnel
répond à la lettre du requérant du 13 décembre et l'avise que, pour les
raisons qu'il indique, le Secrétaire général maintient sa décision
communiquée par lettre du 23 novembre 1983. (Par. 14.) Le 6 janvier 1984 le requérant dépose devant le Tribunal
administratif des Nations Unies la requête qui a donné lieu au jugement
no 333. (Par. 14.)
Le requérant dépose ensuite une nouvelle demande d'emploi à
l'organisation des Nations Unies. (Par. 15.)
La Cour relève que, lors d'une conférence de presse du
4 janvier 1984, le porte-parole du Secrétaire général a dit que "si
M. Yakimetz décidait de faire acte de candidature, son cas serait pris en
considération de mêmeque celui des autres candidats à ce poste". Elle
note aussi que le New York Times a publié à la mêmedate un article
consacré au non-renouvellement du contrat du requérant, d'après lequel
l'assistant exécutif du Secrétaire général aurait déclaré que "pour
pouvoir prolonger le contrat, l'assentiment soviétique était
essentiel ... mais les Soviétiques ont refusé". Commentant l'article en
question, dans une lettre au New York Times en date du 24 janvier 1984,
le Secrétaire général adjoint à l'administration et à la gestion a
rappelé qu'"une personne qui est prêtée doit retourner dans la fonction
publique de son pays à moins que le gouvernement intéressé n'accepte
qu'il en soit autrement". (Par. 16.)
Après avoir ainsi exposé les faits, l'avis présente le résumé des
principaux arguments du requérant et du défendeur tel qu'il a été établi
par le Tribunal et énumère les questions juridiques qui, selon le
Tribunal, étaient soulevées en l'espèce (par. 17 à 19). Il donne une
brève analyse du jugement no 333 qu'il examinera plus en détail par la
suite. (Par. 20 et 21).
II. Compétence de la Cour pour donner un avis consultatif et opportunité
de le faire (par. 23 à 27)
La Cour rappelle que sa compétence pour donner un avis consultatif à
la demande du Comité des demandes de réformation de jugements du Tribunal
administratif découle du jeu de plusieurs dispositions : l'article 11,
paragraphes 1 et 2 du statut du Tribunal, l'article 96 de la Charte et
l'article 65, paragraphe 1 du Statut de la Cour. Elle a déjà eu
l'occasion d'examiner la question de sa compétence en vertu de ces
textes, que la demande d'avis ait fait suite, comme en l'espèce, à une
requête d'un fonctionnaire (Demande de réformation du jugement no 158 du 'II*
Tribunal administratif des Nations Unies, affaire Fasla, 1973) ou qu'elle
ait fait suite à une requête d'un Etat Membre (Demande de réformation du
ugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, affaire
ortished, 1982). Elle a conclu dans ces deux cas a sa compétence. En
l'espèce elle est d'avis que les questions à elle adressées sont
manifestement des questions juridiques se posant dans le cadre de
l'activité du Comité. (Par. 23 et 24.)
Quant à l'opportunité de rendre un avis, il est bien établi, selon
la Cour, que le pouvoir que lui attribue l'article 65 du Statut a un
caractère discrétionnaire et aussi que la réponse de la Cour à une
demande d'avis consultatif constitue une participation de la Cour à
l'action de l'organisation des Nations Unies et qu'elle ne devrait pas en
principe être refusGe. Dans la présente affaire, elle considère en tout
état de cause qu'il existe de bonnes raisons, en droit, pour qu'elle
réponde.. .réponde aux deux quest:ions que le Comité lui a posées. Elle rappelle
qu'elle a procédé, dans son avis de 1973, à un examen critique du
mécanisme prévu par l'article 11 du statut du Tribunal administratif.
Tout en réitérant cert~aines des réserves qu'elle a formulées quant à la
procédure établie par cet article mais soucieuse d'assurer la protection
juridictionnelle des fonctionnaires, la Cour conclut qu'elle doit donner
un avis consultatif en l'espèce. (Par. 25 et 26.)
Dans ses avis consultatifs de 1973 et 1982, la Cour a posé le
principe selon lequel le r61e de la Cour, dans une instance de
réformation, n'est pas de "refaire le procès ni d'essayer de substituer
son opinion sur le fontd à celle du Tribunal". Ce principe doit continuer
à la guider dans la présente affaire. En particulier elle ne doit se
prononcer sur l'exactitude ou l'inexactitude des conclusions énoncées par
le Tribunal que dans 1.a mesure où cela est nécessaire pour qu'elle puisse
répondre aux questions qui lui sont posées. (Par. 27.)
III. première questior! (par. 28 à 58)
Le texte de la première question posée à la Cour est ainsi conçu :
"1. Dans son jugement no 333, du 8 juin 1984 (AT/DEC/~~~), le
Tribunal administlratif des Nations Unies a-t-il manqué d'exercer sa
juridiction en ne répondant pas à la question de savoir s'il
existait un obstacle juridique au renouvellement* de l'engagement du
requérant à 1'0rg:anisation des Nations Unies après la venue à
expiration de son contrat le 26 décembre 19831"
Dans sa requête d.evant le Tribunal administratif le requérant a
allégué qu' "il n'existait aucun obstacle juridique l'empêchant de
prétendre à un nouvel engagement d'une durée déterminée" ou à un
engagement qui déboucfie, après une période de stage, sur une nomination
de carrière. Il a soutenu qu'il était "légalement et moralement en droit
de s'attendre à être niaintenu en fonction à l'ONU et à ce que sa
candidature soit équit:ablement prise en considération aux fins d'une
nomination de carrière". Devant le Tribunal, le Secrétaire général a dit
qu'il n'existait pas d'obstacle juridique à l'octroi d'une nomination de
carrière et il a affirmé que la décision contestée avait été prise compte
tenu de toutes les cii:constances de l'affaire. Cela constituait selon
lui une "prise en considération équitable" au sens de la résolution
37/126 de l'Assemblée générale (voir plus haut, p. 41, étant entendu que
le requérant n'avait pas de "droit" à ce que "son cas soit pris
favorablement en considération pour une nomination de carrière". (Par. 29
et 30.)
Le. ..
*L'avis indique une divergence entre le texte anglais et le texte
français et précise que les mots "obstacle juridique au renouvellement de
l'engagement" qui figurent dans la version française recouvrent à la fois
le cas de la pro1ongat:ion d'un contrat déjà existant et celui d'une
nomination distincte du rapport contractuel préexistant (par. 28). Le requérant n'a pas relevé, devant le Tribunal, que le Secrétaire
général avait reconnu l'absence d'obstacle juridique mais il a contesté
qu'il y ait pu y avoir "prise en considération équitable". Ii a fait
valoir en effet que si, comme le donnent à penser la lettre du
21 décembre 1983 et les déclarations de certains hauts fonctionnaires
(voir plus haut, p. 4 et 51, le Secrétaire général avait l'impression que
toute prolongation de l'engagement du requérant en l'absence de
l'assentiment du gouvernement ayant accordé le détachement dépassait ses
pouvoirs discrétionnaires, cela l'empêchait de prendre équitablement en
considération une nomination de carrière. Le requérant a donc prié le
Tribunal de déclarer que la position effectivement adoptée à ce moment-là
- à savoir que le détachement engendrait un obstacle juridique par
rapport à toute espèce de réengagement - était erronée de sorte qu'aucune
"prise en considération" effectuée sur cette base n'avait pu être
"équitable" au sens de la résolution 371126 et il l'a prié de dire qu'il
n'existait pas d'obstacle juridique au renouvellement de son engagement
après la venue à expiration de son contrat le 26 décembre 1983. Le
requérant a estimé que le Tribunal n'avait pas répondu à sa conclusion
sur ce point et la Cour est maintenant priée de dire s'il a à cet égard
manqué d'exercer sa juridiction. (par. 31 et 32.) -
Ii apparaft à la Cour que le Tribunal n'a pas été très clair sur la
question de l'"obstacle juridique". La raison en est, selon la Cour,
qu'il lui a fallu commencer par examiner d'autres allégations présentées
par le requérant. Le Tribunal a en bonne logique examiné d'abord si le
requérant était "en droit de s'attendre à être maintenu en fonction à
l'ONU" - en d'autres termes s'il existait une "expectative juridique" à
cet égard car s'il avait existé une telle expectative le Secrétaire
général aurait eu l'obligation de conserver le requérant au service de
l'ONU. Ii a conclu à l'inexistence d'une expectative juridique. D'une
part, pour que l'engagement antérieur, qui s'inscrivait dans le cadre
d'un détachement, fût renouvelé, l'assentiment de l'administration
nationale en catise aurait été nécessaire et, d'autre part, selon la
disposition 104. 12 b) du Règlement du personnel, les engagements d'une
durée déterminée n'autorisent pas leur titulaire à compter sur une
prolongation ou sur une nomination d'un type différent. Ii a estimé en
outre que le Secrétaire général avait pris équitablement en considération
le cas du requérant, conformément au paragraphe 5 de la section IV de la
résolution 37/126 de l'Assemblée générale, en omettant toutefois de le 1
dire explicitement. (Par. 33 à 37.)
De l'analyse du jugement il ressort donc que, pour le Tribunal, il
ne pouvait y avoir d'expectative juridique mais qu'aucun obstacle
juridique ne s'opposait non plus à la prise en considération équitable
d'une candidature à une nomination de carrière. Il n'y aurait eu selon
lui aucun obstacle juridique à une telle nomination si le Secrétaire
général, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, avait jugé bon
d'en offrir une. (Par. 38 à 41.)
La Cour note que le véritable reproche adressé par le requérant au
Tribunal est moins de ne pas avoir répondu à la question de savoir s'il
existait un obstacle juridique au renouvellement de son engagement que de
n'avoir pas accordé suffisamment d'attention aux indications selon
lesquelles le Secrétaire général avait pensé qu'il y avait un obstacle
juridique.. . juridique, de telle mainière que la "prise en considération équitable" n'a
jamais eu lieu ou était viciée par une présomption initiale - celle qu'il
y avait un obstacle - qui devait être reconnue inexacte.
A ce sujet la
Cour rappelle que, quaind il y a lieu, elle peut aller au-delà du libellé
de la question qui lui est posée (Interprétation de l'accord du
25 mars 1951 entre l'OMS et lfEgypte, 1980) à condition que cette
reformulation reste dains les limites des pouvoirs de l'organe qui demande
l'avis. En l'espèce, sans s'écarter du motif de contestation visé à
l'article 11 du Statut et retenu par le Comité (non exercice de la
juridiction), la Cour peut redéfinir le point sur lequel il est allégué
que le Tribunal a manqué d'exercer sa juridiction si cela peut lui servir
à faire la lumière sur les questions juridiques qui se posent
véritablement. C'est pourquoi la Cour estime essentiel de rechercher non
seulement si le Tribunal a omis d'examiner la question de l'obstacle
juridique à un nouvel engagement du requérant - comme il lui est
demandé - mais encore si le Tribunal a omis de rechercher quelle était la
conviction du Secrétaiice général à cet égard et quelles ont pu être les
répercussions de cette conviction sur l'aptitude du Secrétaire général à
"prendre équitablement en considération" une nomination de carrière.
S'il peut être établi en l'espèce avec assez de certitude que le Tribunal
a fait porter sa réflexion sur les éléments qui sous-tendent les thèses
du requérant, il n'a allors pas omis d'exercer sa juridiction à cet égard,
quoi qu'on puisse penser de la conclusion à laquelle il est parvenu au vu
des éléments dont 3.1 disposait. (Par. 42 à 47.)
Ia Cour se réfère d'abord au texte mêmedu jugement du Tribunal.
Celui-ci n'a pas traité spécifiquement la question de l'existence d'un
"obstacle juridique". Elle n'en déduit pas pour autant qu'il n'a pas
fait porter sa réflexion sur cette question. Le jugement indique en
effet que, pour le Tribunal, le Secrétaire général pouvait prendre la
décision d'offrir au requérant un engagement de carrière mais il n'était
pas tenu de le faire. Il en résulte que le Tribunal a nettement décidé,
encore qu'implicitement, qu'il n'existait pas d'obstacle juridique absolu
qui aurait inspiré la décision de ne pas offrir une nomination de
carrière au requérant. Ce faisant le Tribunal a donc répondu à la
demande du requérant visant à ce qu'il soit déclaré qu'il n'existait pas
d'obstacle juridique à son maintien en service. (Par. 48.)
La Cour se réfère ensuite à :La déclaration du président du Tribunal
administratif, M. Ustor, jointe au jugement, et à l'opinio~ dissidente
d'un autre membre du TI-ibuaial, M. Kean, vice-président. Il ne lui semble
pas possible de conclure que le Tribunal n'a pas fait porter sa réflexion
sur les questions dont MM. Ustor et Kean ont dit expressément qu'elles
motivaient leur desaccord avec une partie du jugement et qui touchaient à
l'"obstacle juridique" et à la "prise en considération équitable". Le
Tribunal en tant qu'organe représenté par la ~ajorité qui a voté en
faveur du jugement doit: avoir tjr6 ses propres conclusions sur ces
questions, même sP ces conciusions n'ont pas ét6 énoncées dans le
jugement aussi clairemcmt qu'elles auraient diî l'être. (Par. 49 à 57.)
S'agissant de la question de savoir si le cas avait bien 6té "pris
équitablement en considération", Be Tribunal l'a tranchée par
l'affirmative. La Cour, considérant quselle n'est pas habilitée à
substituer son opinion à celle du Tribunal sur le fond de l'affaire,
n'estime pas admissible la thèse selon laquelle le Secrétaire général
n'aurait pas "pris &quitabLement en considération" le cas du requérant,
en application de La résolution 37/126, parce qu'il croyait qu'il
existait un "obstacle juridique".
La... La Cour estime, après avoir dûment examiné le texte du jugement
no 333 du tribunal, que le Tribunal n'a pas manqué d'exercer sa
juridiction en ne répondant pas à la question de savoir s'il existait un
obstacle juridique au renouvellement de l'engagement du requérant à l'ONU
après la venue à expiration de son contrat le 26 décembre 1983. Par
conséquent la Cour doit répondre par la négative à la première question
que le Comité lui a posée. (par. 58.)
IV. Deuxième question (par. 59 à 96)
Le texte de la question est ainsi libellé :
"2) Le Tribunal administratif des Nations Unies, dans
le mêmejugement no 333, a-t-il commis une erreur de droit
concernant les dispositions de la Charte des Nations Unies?"
Sur la nature de la tâche qui lui revient, la Cour rappelle que s'il
ne lui appartient pas d'interpréter en général le statut et le règlement
du personnel, il lui incombe de rechercher si l'interprétation ou
l'application particulière que le Tribunal en fait contredit une 'crr
disposition de la Charte des Nations Unies. Il lui est également
loisible de juger s'il y a contradiction entre l'interprétation que le
Tribunal a donné de tout autre texte pertinent, comme en l'espèce la
résolution 37/126 de l'Assemblée générale, et une quelconque disposition
de la Charte. (Par. 59 à 61.)
La première disposition de la Charte au sujet de laquelle le
requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit est
l'article 101, paragraphe 1, qui dispose "Le personnel [du Secrétariat]
est nommépar le Secrétaire général conformément aux règles fixées par
l'Assemblée générale. " plus-précisément , la critique di requérant porte
sur le r61e que le comité des nominations et des promotions aurait dO
jouer et qu'il n'a pu remplir parce qu'aucune proposition ne lui est
jamais parvenue et qu'il n'a donc jamais eu la possibilité d'examiner son
cas. Le requérant a présenté cela comme un aspect du refus de prendre
son cas 0equitablement en considération". Le Tribunal a jugé qu'il était
"loisible au défendeur de décider des modalités selon lesquelles le cas
d'un fonctionnaire doit être 'pris équitablement en considération' aux
fins d'une nomination de carrière" et que le défendeur avait "le pouvoir
exclusif de décider ce qui constituait une 'prise en considération 1
équitable'". Se fondant sur ce passage, le requérant soutient qu'il y a
là une question de droit concernant l'article 101, paragraphe 1, de la
Charte. (par. 62 à 69.)
La Cour interprete le passage cité plus haut comme voulant dire
qu'il appartenait au Secrétaire général de décider quel processus
constituait une "prise en considération équitable" et non pas que le seul
critère de l'équité était ce que le Secrétaire général considérait comme
équitable. Le Tribunal n'a d'ailleurs nulle part reconnu l'existence
d'un pouvoir discrétionnaire illimité au profit du Secrétaire général.
Il reste que le Tribunal a accepté l'affirmation du Secrétaire général
selon laquelle la "prise en considération équitable" requise par la
résolution 37/126 avait eu lieu et il l'a jugée suffisante. Il n'a pas
exigé que le Secrétaire général précise quand et comment elle avait eu
lieu, moins encore a-t-il demandé des preuves à cet effet. Vu le silence
des textes sur les modalités applicables en l'occurrence, la Cour ne peut
considérer à cet égard que l'interprétation de la résolution 37/126
adoptée par le Tribunal est en contradiction avec l'article 101,
paragraphe 1, de la Charte. (Par. 70 à 73.)
Le. .. Le Secrétaire général a affirmé aussi que la décision prise en
l'affaire avait été "légitimement motivée par l'intérêt de
l'organisation, tel que le voyait le Secrétaire général, considération
qu'il [avait] à juste titre fait prévaloir sur des intérêts
concurrents". Le Tribunal n'était pas tenu d'accepter telle quelle cette
dernière affirmation.
11 aurait pu considérer les déclarations de
certains hauts fonctionnaires comme des éléments prouvant que le problème
du détachement et l'absence de consentement du gouvernement concerné
avaient pesé d'un plus grand poids que le Secrétaire général n'était
disposé à l'admettre. Ce n'est pas la conclusion que le Tribunal a
tirée. Il a déclaré que le Secrétaire général avait "exercé son pouvoir
discrétionnaire de façon régulière". Qu'il y ait eu là erreur de
jugement de sa part ou non, ce qui est certain c'est qu'il n'y a pas eu
erreur de droit concerinant les dispositions de l'article 101,
paragraphe 1, de la Charte. Le point essentiel est que le Tribunal n'a
pas renoncé à vérifier la conformité de l'exercice du pouvoir
discrétionnaire du Secrétaire général avec les prescriptions de la
Charte. Au contraire :LI a réaffirmé la nécessité de s'assurer qu'il n'y
avait pas eu "exercice arbitraire ou capricieux" de ce pouvoir. (par. 74
et 75.)
Le requérant soutient que le Tribunal aurait commis une erreur de
droit le concernant au sujet de l'article 100, paragraphe 1, de la Charte
qui est ainsi conçu :
"Dans l'acconiplissement de leurs devoirs, le Secrétaire
général et le persionnel ne solliciteront ni n'accepteront
d'instructions dla.ucun gouvernement ni d'aucune autorité
extérieure à l'organisation. Ils s'abstiendront de tout
acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires
internationaux et ne sont responsables qu'envers
l'organisation."
Le requérant n'allègue pas qu'en lui refusant un nouvel engagement
le Secrétaire général n'a fait qu'exécuter les instructions d'un
gouvernement mais il estime qu'il ressort des déclarations des hauts
fonctionnaires mentionnés plus haut (voir p. 4 et 5) que le Secrétaire
général pensait qu'un nouvel engagement était impossible sans le
consentement du gouvernement du requérant - ce qui s'est révélé faux - et
que le Tribunal a conclu que telle était bien là la pensée du Secrétaire
général. La Cour n'estime pas pouvoir retenir cette thèse car elle ne
considère pas que le Tribunal ait conclu de la sorte. (Par. 76 à 78).
Le requérant invoque l'inobservation de l'article 101, paragraphe 3,
de la Charte, qui est ainsi conçu :
"La considération dominante dans le recrutement et la
fixation des conditions d'emploi du personnel doit être la
nécessité d'assurer à llGrganisation les services de
personnes possédant les plus hautes qualités de travail, de
Sera dament prise en
compétence et d'initégrité.
considération l'importance d'un recrutement effectué sur une
base géographique aussi large que possible". Il affirme que le jugement du Tribunal n'a pas mis en balance les
prescriptions impératives de cette disposition avec les autres facteurs
et qu'il a fait passer le mérite après d'autres considérations. Il est
évident que l'expression "la considération dominante" n'est pas synonyme
de l'expression "la seule considération"et c'est au Secrétaire général de
mettre en balance les diverses considérations. Il n'incombait pas au
Tribunal et il n'incombe pas non plus à la Cour de se substituer à lui
dans l'appréciation de la question. On ne saurait dire que le Secrétaire
général, en prenant sa décision, n'a pas respecté le caractère "dominant"
des considérations mentionnées à l'article 101, paragraphe 3, du simple
fait qu'il a pris en considération toutes les circonstances de l'affaire
afin de tenir compte de l'intérêt de l'organisation. (par. 79 à 82.)
En prenant sa décision, le Secrétaire général avait tenu compte
notamment "des événements intervenus le 10 février 1983" (date de la
communication par laquelle le requérant a avisé le Gouvernement
soviétique qu'il démissionnait de la fonction publique en URSS) "et par
la suite". Le Tribunal a examiné cet aspect de l'affaire dans le
contexte de la "nouvelle relation contractuelle" qui, selon le requérant,
s'était créée entre lui et l'organisation des Nations Unies à partir de W
cette date. De son côté le Secrétaire général a conclu que "le maintien
de rapports avec un gouvernement national n'est pas une obligation
contractuelle d'un fonctionnaire engagé pour une durée déterminée, qu'il
soit détaché ou non" et que le maintien en fonctions du requérant
n'impliquait pas qu'une nouvelle relation contractuelle eQt été créée.
Le Tribunal présente des remarques sur l'importance des liens nationaux
et en particulier désapprouve les observations ci-dessus du Secrétaire
général. Il ne les juge pas compatibles avec les idées émises peu avant
dans le jugement no 326 (Fischman) où il avait rappelé une "opinion
largement répandue" qui avait été formulée dans un rapport à la Cinquième
Commission de l'Assemblée générale et d'après laquelle les fonctionnaires
qui rompent les liens qui les unissent à leur pays ne peuvent plus
prétendre remplir les conditions qui régissent l'emploi à l'ONU. Le
Tribunal ajoute que cette position continue de jouer un r61e déterminant
à cet égard. La Cour fait observer à ce sujet que cette "opinion
largement répandue" traduit un point de vue exprimé à la Cinquième
Commission en 1953 par quelques représentants à la huitième session de
l'Assemblée générale, point de vue qui ne s'est jamais concrétisé dans
une résolution de celle-ci. (Par. 83 à 85.) W
La Cour relève aussi que le passage pertinent du jugement no 333
n'est certes pas un élément essentiel des motifs de la décision mais que
la Cour doit signaler toute "erreur de droit concernant les dispositions
de la Charte", que cette erreur affecte ou non la décision dans le cas
particulier. Cependant, ayant examiné le passage pertinent du jugement
(par. XII), elle ne s'estime pas en mesure de conclure que le Tribunal y
a commis une erreur de droit "concernant les dispositions de la Charte".
Pour le Secrétaire général le changement de nationalité était un acte
dépourvu de conséquences juridiques ou administratives particulières. Le
Tribunal a accepté la thèse principale du Secrétaire général, tout en
soulignant que, d'après une certaine opinion, le changement de
nationalité ne constituait pas nécessairement un tel acte mais un acte
qui, dans certaines circonstances, peut nuire aux intérêts de
l'organisation. Cela ne revient pas à dire qu'un changement de
nationalité ou une tentative de changement puisse être traité comme un
facteur l'emportant sur la considération "dominante" définie au
paragaphe 3.. .paragraphe 3 de l'article 101 de la Charte; c'est ce que le requérant
accuse le Secrétaire g6néral d'avoir fait mais le Tribunal ne l'a pas
suivi puisqu'il a 6tab:Li qu'il y avait eu "prise en considération
équitable". (Par. 86 à 92.)
Le requérant soutient que le Tribunal aurait commis une erreur de
droit au sujet de l'a-ticle 8 de la Charte qui est ainsi libellé :
"Aucune restriction ne sera imposée par l'organisation
à l'accès des homes et des femmes, dans des conditions
égales, à toutes les fonctions dans ses organes principaux
et subsidiaires."
Le requérant propose de cet article une interprétation nouvelle en
ce qu'il viserait "l'accès de toute personne". La Cour explique pourquoi
elle n'a pas à se prononcer sur la valeur de cette thèse de sorte que
l'article 8, mêmedans l'interprétation large que défend le requérant,
n'entre pas en ligne de compte. (Par. 93.)
Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit
concernant l'article 2, paragraphe 1, de la Charte aux termes duquel
"L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de
tous Ses Membres" et 1"article 100, paragraphe 2,-ainsi libellé :
"Chaque Membre de l'Organisation s'engage à respecter
le caractère excliisivement international des fonctions du
Secrétaire général et du personnel et à ne pas chercher
à les influencer dans l'exécution de leur tâche."
Ce dont le requérant semble se plaindre, c'est qu'un certain gouvernement
aurait exercé sur le Secrétaire général des pressions de nature telles
qu'elles contreviendraient au paragraphe 2 de l'article 100. Même, s'il
avait été prouvé (et cela ne l'a pas été) qu'un Etat Membre avait violé
cette disposition, le Tribunal n'aurait pas été fondé à statuer sur ce
point et on ne pourrait donc pas lui reprocher de ne pas l'avoir fait.
En conséquence la Cour ne voit aucune possibilité d'une erreur de droit
concernant l'article 2 et l'article 100, paragaphe 2, de la Charte.
(Par. 94 à 96.)
Pour ce qui est de la seconde question qui lui a été posée en
l'espèce, la Cour concllut que, dans son jugement no 333, le Tribunal n'a
pas commis une erreur de droit concernant les dispositions de la Charte.
Elle doit donc répondre négativement à cette question. (Par. 96.)
On. ..On trouvera ci-après le texte complet du dispositif (par. 97) :
LA COUR,
A. A l'unanimité,
Décide de donner suite à la requête pour avis consultatif;
B. Est d'avis
1) concernant la question 1,
A l'unanimité,
Que, dans son jugement no 333 du 8 juin 1984 (AT/DEc/~~~), le
Tribunal administratif des Nations Unies n'a pas manqué d'exercer sa
juridiction en ne répondant pas à la question de savoir s'il
existait un obstacle juridique au renouvellement de l'engagement du
requérant à l'organisation des Nations Unies après la venue à
'J
expiration de son contrat de durée déterminée, le 26 décembre 1983;
2) concernant la question II,
Par onze voix contre trois,
Que le Tribunal administratif des Nations Unies, dans ledit
jugement no 333, n'a pas commis d'erreur de droit concernant les
dispositions de la Charte des Nations Unies.
POUR : M. Nagendra Singh, Président; M. Mbaye, Vice-Président;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ago, Sette-Camara, Bedjaoui, NI
et Tarassov, juges;
CONTRE : M. Schwebel, sir Robert Jennings et M. Evensen, juges. Annexe au communiqué de presse no 87/12
Aperçu de la déclaration et des opinions jointes
à l'avis consultatif
Déclaration de M. Lachs, juge
M. Lachs rappelle qu'en 1973, quand la Cour a eu pour la première
fois l'occasion de donner un avis consultatif sur un jugement du Tribunal
administratif des Nations Unies, il a joint à l'avis, en tant que
Président, une déclaration où il exprimait l'espoir que de nouvelles
procédures seraient adoptées afin d'améliorer et d'harmoniser la
protection administrative accordée aux fonctionnaires des organisations
internationales. Il a été pris note de ces observations tant à
l'Assemblée générale qu'à la Commission internationale de la fonction
publique de sorte que dles dispositions ont été prises en vue d'une
harmonisation des procé:dures suivies par le Tribunal administratif des
Nations Unies et le Tribunal administratif de l'organisation
internationale du Trava.il et de l'établissement à l'avenir d'un tribunal
unique compétent à 1'ég;ard de tout le personnel des institutions des
Nations Unies. Après a.voir noté avec satisfaction que les observations
d'un membre de la Cour ont commencé à porter leurs fruits, M. Lachs
exprime l'espoir que cette année l'Assemblée générale cessera de différer
l'examen du dernier raplport du Secrétaire général sur la question et
prendra des mesures con.crètes en vue d'atteindre le but envisagé.
Opinion individuelle de M. Elias, Juge
M. Elias invite l'Assemblée générale à reexaminer le système du
renvoi des décisions dui Tribunal administratif à la Cour pour
réformation. Après avoir étudié les textes et les affaires précédentes
du mêmegenre, il souligne la nécessité de prévoir une procédure flexible
pour permettre à la Cour de soulever toutes les questions juridiques
considérées comme pertinentes et nécessaires au bon règlement du problème
dont elle est saisie. Il esquisse un système possible qui comprendrait
un tribunal de première instance et comme instance d'appel le Tribunal
administratif dont il faudrait alors remanier le statut. M. FJias
présente aussi des observations sur la faculté que possède la Cour dans
les affaires consultatives de préciser le sens véritable des questions
auxquelles elle doit répondre et sur les problèmes soulevés en l'espèce
quant à une "prise en considération équitable" aux termes de la
résolution 37/126 de l'Assemblée générale dans des domaines de ce genre.
Opinion individuelle de M. Oda, juge
M. Oda pense que la question 1 a été formulée de façon à erronée à
cause de l'ambivalence qui est à l'origine de sa rédaction au Comité des
demandes de réformatton. Que le Tribunal administratif des Nations Unies
n'ait pas répondu à "la question de savoir s'il existait un obstacle
juridique au renouvellement" de l'engagement de M. Yakimetz à l'ONU, cela
lui paraît sans pertinence par rapport à la question de savoir si le
Tribunal a manqué d'exercer sa juridiction.
Pour ce qui est de la question II, M. Oda est d'avis que, s'agissant
de savoir si le Tribunal a conmis une erreur de droit concernant les
dispositions de la Charte, la Cour actuelle est censée statuer comme cour
d'appel par rapport au Tribunal, vu la manière dont le statut du Tribunala été amendé en 1955, et la Cour aurait dû examiner non seulement le bien
fondé du jugement en tant que tel mais aussi celui de la décision du
Secrétaire général de ne pas prolonger le contrat de M. Yakimetz. De ce
point de vue M. Oda estime que, étant donné le règlement du personnel et
les résolutions pertinentes de l'Assemblée générale, M. Yakimetz n'avait
pas d'expectative juridique quant à un maintien au service de l'ONU vers
la fin de 1983, à l'expiration de son contrat mais que l'incertitude de
son statut, résultant de sa demande d'asile aux Etats-Unis et de sa
démission de toute fonction au service du Gouvernement soviétique en
février 1983, avait pu être un facteur légitimement pris en considération
par le Secrétaire général dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui
est le sien pour ce qui est du choix du personnel des Nations Unies.
M. Oda dit que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit concernant
les dispositions de la Charte dans la mesure où il a en fait confirmé la
décision du Secrétaire général, laquelle peut se justifier étant donné la
latitude qui lui est laissée à cet égard.
Opinion individuelle de M. Ago, juge
M. Ago explique dans son opinion individuelle pourquoi malgré I
certaines réserves il ne s'est pas dissocié de la réponse négative donnée
par la Cour tant à la première question qu'à la seconde. 11 explique les
raisons pour lesquelles il éprouve un sentiment de relative
insatisfaction dans le cas d'espèce comme chaque fois que la Cour est
requise de donner un avis consultatif dans le cadre d'une procédure de
réformation d'une décision d'un Tribunal administratif. Tout en
reconnaissant la nécessité en principe d'une procédure de réformation, il
ne pense pas que le système actuel réponde le mieux aux objectifs
poursuivis. Ce système fait appel à un comité dont la composition
extrêmement large et la procédure qu'il applique n'évoquent guère celles
d'un organe chargé d'exercer des fonctions judiciaires ou au moins quasi
judiciaires. Sa compétence est en outre limitée à certains points de
droit bien définis de sorte que les jugements du Tribunal administratif
échappent en réalité à toute véritable possibilité de réformation par la
voie judiciaire non seulement pour leurs aspects de droit mais surtout
pour leurs aspects de fait souvent très importants. On ne saurait donc
dire que le système actuel garantisse pleinement à la fois les exigences
de l'intérêt supreme de l'organisation et les positions juridiques
légitimes des fonctionnaires.
M. Ago est d'avis que le seul remède à cette situation est
l'introduction d'un deuxième degré de juridiction administrative
compétente pour revoir les décisions du Tribunal de première instance
sous tous les aspects de fait et de droit. Cette cour de deuxième degré
pourrait exercer sa compétence à l'égard de tous les tribunaux
administratifs existants et réaliser ainsi l'unité de juridiction qu'il a
paru difficile d'établir au premier échelon.
Opinion dissidente de M. Schwebel, juge
En se dissociant de l'avis de la Cour, M. Schwebel rejette la
position adoptée par celle-ci et selon laquelle il ne lui appartient pas,
dans une affaire de ce genre, de substituer son opinion sur le fond à
celle du Tribunal administratif. Au contraire, lorsque l'Assemblée
générale des Nations Unies a confié à la Cour le pouvoir de réformer les
jugements du Tribunal administratif pour erreur de droit concernant les
dispositions.. .dispositions de la Charte, elle a eu l'intention de faire trancher par la
Cour les points de fond et cela avec force obligatoire. L'Assemblée
générale a donné à la Cour l'autorité suprême quant à l'interprétation de
la Charte et des dispositions visant le personnel fondées sur elle.
L'une de ces dispositions, consacrée par la résolution 371126,
section IV, paragraphe 5, de l'Assemblée générale, était précisément en
cause en la présente espèce.
En vertu de cette disposition, le Secrétaire général était tenu de
"prendre équitablement en considération" le cas de M. Yakimetz aux fins
d'une nomination de carrière. En fait, une telle prise en considération
n'a pas eu lieu. Les termes de la correspondance de M. Yakimetz avec le
Secrétaire général démontrent qu'au moment pertinent le Secrétaire
général a estimé que la candidature de M. Yakimetz à une nomination de
carrière ne pouvait être prise en considération parce que"[son] contrat
était conclu sur la base d'un détachement de la fonction publique de
[son] pays" et qu'il ne pouvait par conséquent "compter ... sur une
nomination d'un type dif£érentW. Ainsi le cas de M. Yakimetz ne pouvait
être transmis pour qu'il "soit pris équitablement en considération aux
fins d'une nomination de carrière'" De l'avis de M. Schwebel, les
déductions que le Tribuinal administratif prétend tirer de cette
correspondance à l'appui de sa conclusion selon laquelle le Secrétaire
général n'en a pas moinls pris équitablement en considération le cas de
M. Yakimetz sont fantaisistes.
Deux circonstances soulignent combien la conclusion de Tribunal
administratif est insoutenable. Premièrement, peu après que M. Yakimetz
eut démissionné des postes qu'il occupait dans la fonction publique
soviétique, le Secrétaire général lui a interdit de pénétrer dans
l'enceinte de l'ONU. On a peine à croire que, d'un côté, M. Yakimetz se
soit VU interdire l'accès de son bureau, des couloirs et de la cafeteria
des Nations Unies, et que, de l'autre, son cas ait été équitablement pris
en considération aux fins d'une nomination de carrière à l'issue d'une
période durant laquelle il avait été exclu de l'enceinte de l'ONU.
Deuxièmement : le Secrétaire général n'a pas accusé réception de la
demande de nomination à un posée permanent que M. Yakimetz a présentée le
9 janvier 1984, peu de jours après l'expiration de son engagement de
durée déterminée; encore moins y-a-t-il donné suite. Cette absence de
réaction tend à indiquer que sa demande n'a pas été prise en
considération. S'il existe une autre explication à l'attitude du
Secrétaire-général, nul ne l'a fournie.
Les erreurs de droit commises sont au nombre de trois :
1. Le Secrétaire général avait l'obligation de prendre équitablement
en considération le cas de M. Yakimetz aux fins d'une nomination de
carrière, aux termes de la disposition de l'Assemblée générale qui
s'imposait à lui et qui avait ét& adoptée en vertu du pouvoir conféré à
l'Assemblée générale du fait que le personnel est nommé "conformément aux
règles fixées par l'Assemblée générale" (art. 101, par. 1 de la Charte).
Il ne l'a pas fait et le Tribunal a commis une erreur en constatant, sans
preuve factuelle, qu'il l'avait fait. En n'exigeant pas du Secrétaire
général qu'il agisse conformément à une norme déterninée, le Tribunal a
commis une erreur de droit concernant une disposition de la Charte.
2. Le.. . 2. Le Tribunal a indiqué que la tentative de M. Yakimetz pour
changer de nationalité soulevait la question de savoir s'il répondait aux
"conditions requises d'un fonctionnaire international". Il a attribué un
"r61e déterminant" à "l'opinion largement répandue" exprimée devant une
Commission de l'Assemblée générale selon laquelle les fonctionnaires
internationaux qui "choisissent de rompre les liens qui les unissent à
[leur] pays ne peuvent plus prétendre remplir les conditions qui
régissent l'emploi à l'ONU". Il reste que, selon l'article 101,
paragraphe 3, de la Charte, la considération dominante dans le
recrutement du personnel doit être la nécessité d'assurer les plus hautes
qualités de travail, de compétence et d'intégrité. La nationalité n'est
pas un critère posé par la Charte. En estimant que la tentative de
M. Yakimetz pour changer de nationalité a mis en question son aptitude à
être maintenu au service de l'organisation, le Tribunal a violé une
disposition de la Charte puisqu'il a conféré à la nationalité un
caractère dominant ou essentielqui contredit les termes de l'article 101,
paragraphe 3. Les vues émises devant des commissions de l'Assemblée
générale ne sont pas source de droit; encore moins peuvent-elles déroger
au libellé mêmede la Charte.
3. Le Secrétaire général a agi apparemment avec la conviction que
M. Yakimetz ne pouvait être pris en considération aux fins d'une
nomination de carrière en l'absence du consentement du Gouvernement
soviétique et il a donc attribué à ce consentement un poids déterminant.
Il a par suite failli à l'obligation que lui impose l'article 100,
paragraphe 1, de la Charte de s'abstenir de tout acte incompatible avec
sa situation de fonctionnaire international qui n'est "responsable
qu'envers l'Organisationw car en fait il s'est reconnu responsable à cet
égard envers un "gouvernement" ou une "autorité extérieure à
l'Organisationw. Le fait que le Tribunal administratif n'a pas constaté
cette erreur constitue une erreur de droit concernant une disposition de
la Charte.
Opinion dissidente de sir Robert Jennings, juge :
Sir Robert Jennings exprime l'avis, dans son opinion dissidente, que
la question qui se pose vraiment en l'espèce est de savoir si le Tribunal
a eu raison de juger que le Secrétaire général avait pris équitablement
en considération la demande de M. Yakimetz tendant à une nomination de *
carrière aux Nations Unies, ainsi que le Secrétaire général a reconnu en
avoir l'obligation en vertu de la résolution 371126, section IV,
paragraphe 5, de l'Assemblée générale.
Sur la première question adressée à la Cour, sir Robert Jennings
admet qu'il est d'accord, ou du moins qu'il n'est pas en désaccord, avec
l'opinion de la majorité selon laquelle le Tribunal n'a pas manqué
d'exercer sa juridiction sur la question de savoir s'il existait un
obstacle juridique à l'engagement de M. Yakimetz - cela néanmoins pour la
raison que l'on peut avoir des idées différentes sur un problème aussi
abstrait et aussi conceptuel sans que l'on donne nécessairement une
réponse plutôt qu'une autre à la question que la Cour était véritablement
appelée à trancher.
Sur.. . Sur la deuxième qciestion posée à la Cour qui soulève directement le
problème central de l'affaire, sir Robert Jennings s'estime tenu
d'exprimer son dissentiment parce que, selon lui, le Tribunal a eu tort
de constater que le défendeur avait pris équitablement en considération
la question de la nomination de carrière de M. Yakimetz et cela pour deux
raisons. En premier lieu, le défendeur n'a ni fourni de preuve sur la
manière dont il avait pris sa décision, ni donné aucun motif de cette
décision. Se borner à accepter son affirmation que le cas avait été
dûment pris en considération, sans aucune preuve objective de ce qui
avait été fait, va à l'encontre d'un système de contrôle judiciaire du
pouvoir discrétionnaire de l'administration. En second lieu, les
éléments de preuve que l'on peut avoir vont dans l'autre sens car la
lettre du défendeur à M. Yakimetz en date du 21 décembre 1983 ne permet
tout simplement pas de déduire qu'une prise en considération équitable a
eu lieu; elle précise a,u contraire, à tort d'ailleurs, que du fait que
M. Yakimetz est détache par le Gouvernement de l'URSS il n'est pas
possible de prendre son cas en considération en vue d'une prolongation ou
d'un nouvel engagement sans l'accord de ce gouvernement.
Cela étant, en jugeant que le Secrétaire général a pris
équitablement en considération la possibilité d'une nomination de ce
genre, le Tribunal a commis une erreur concernant les dispositions de la
Charte des Nations Unies car la résolution 37/126 de l'kqsemblée générale
fait partie des normes juridiques qui visent à compléter les dispositions
de la Charte sur le statut et l'indépendance de la fonction publique
internationale.
Opinion dissidente de M. Evensen, juge :
Dans son opinion dissidente, M. Evensen expose qu'il approuve l'avis
consultatif pour ce qui est de la première question posée à la Cour par
le Comité des demandes de réformation. Le Tribunal administratif des
Nations Unies n'a pas nianqué d'exercer sa juridiction en ne répondant pas
à la question de savoir s'il existait un obstacle juridique au
renouvellement de- l'engagement du requérant.
S'agissant de la seconde question, M. Evensen est d'avis que, dans
son jugement no 333, le Tribunal administratif a commis une erreur de
droit concernant les dispositions de la Charte des Nations Unies. Bien
que le Secrétaire général de l'ONU exerce des pouvoirs discrétionnaires
quant au recrutement du personnel de l'Organisation, il est raisonnable
Parmi les conditions requises
que certains critères soient respectés.
figure celle qu'énonce la résolution 37/126 de l'Assemblée générale selon
laquelle lorsqu'un fonctionnaire a accompli cinq années de service en
donnant satisfaction, son cas sera "pris équitablement en considération
aux fins d'une nomination de carrière". Ch n'a pas non plus prêté
suffisamment d'attention aux exigences posées par le statut et le
règlement du personnel d'après lesquelles, lorsqu'il s'agit de pourvoir
des vacances, il convient de tenir le plus gand compte des qualifications
et de l'expérience des personnes déj6 au service des Nations Unies. Or
M. Yakimetz bénéficiait: de la recommandation sans réserve de son
supérieur en vue d'llne nomination de carrière. En dépit de cela
M. Yakimetz a 6t6 contre son gré mis cn congé indéfini. Il s'est vu
interdire l'accès 3u bfitiment rles Nations Unies. y compris à son bureau
et à la cafeteria alors qu'il était encore titulaire d'un contrat
d'engagement valable.
de. .. De l'avis de M. Evensen, le Tribunal administratif a commis une
erreur en acceptant que le Secrétaire général manque à l'observation des
règles et dispositions administratives qui s'imposaient à lui en vertu de
l'article 101, paragraphe 1, de la Charte. Le Tribunal a commis une
autre erreur en ne décidant pas que les mesures administratives adoptées
à l'encontre de M. Yakimetz étaient incompatibles avec l'article 100 de
la Charte. Il a commis une erreur concernant l'article 101,
paragraphe 3, de la Charte en estimant que - pour les nominations de
carrière au moins - le consentement du gouvernement est une considération
dominante .
La Cour rend un avis consultatif sur la Demande de réformation du jugement n° 333 du Tribunal administratif des Nations Unies