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CommuniguéNo '33
C.I.J. Non-officiel
Les renseignements suivants, émanant du Greffe de la Cour
internation de~Justice, ont été mis à la disposition de la presse
Aujourd'hui 28 mai 1948, la Cour internationaie de Justice
a prononcé en séance publique son avis consultatif sur la question
des conditions de l'admission d'un Etat comme I"-~e debr Nations Unies
(article 4 de la Charte). Cette question, posée â la Cour par l'As
semblée générale des Nations Unies, est ainsi formulée (Résolution
de l'Assemblée générale du 17 novembre 1947) :
"Un Hembre de l'Organisation des Nations Unies appelé, en
vertu de l'article 4 de la Charte, à. se prononcer par son vote,
soit àu Conseil de Sécurité, soit à l'Assemblée générale, sur
l'admission d un Etat commelviembredes Nations Unies, est-il
juridiquement fondé à faire dépendre son consentement à
cette admission de conditions non expressément prévues à
l'alinéa I dudit ~rticle ? En particulier, peut-il, alors
qu'il reconnaît que les conditions prévues par ce texte sont
remplies par l'}xat en question, subordonner son vote affir
matif à la condition que, en mêm.teemps que l'Etat dont il
• s'agit, d'autres Etats soient également admis commeHembres
des Nations Unies ?"
Par neuf voix contre six, la Cour répond négativement à
la question. Les six juges dissidents ont joint à l'avis l'exposé des
motifs pour lesquels ils ne peuvent s'y rallier. Deux autres Hembres
de la Cour, tout en souscrivant à l'avis, y ont joint un exposé complé
mentaire.
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Dans son avis consultatif, la Cour relate d'abord les cir
constances de la ~!'océdure La demande d'avis a été notifiée à tous
les Etats signataires de la Charte, c'est-à-dire à tous les Membres des
Nations Unies, qui ont été avisés que la Cour était disposée à rece-
voir d eux des renseignements. C'est ainsi que des exposés écrits
furent envoyés.au nom du Gouvernement des Etats suivants : Chine, El
Salvador, Guatemala, Honduras, Inde, Canada, Etats-Unls d'Amérique,
Grèce, Yougoslavie, Belgique, Irak, Ukraine, Union des Hépubliques
socialiestes soviétiques, Australie, Siam; et des exposés oraux prononcés
par le. représentant du Secrétaire général des Nations Unies, et par les
représentants des Gouvernements français, yougoslave, belge,tchéco
slovaque et polonais.
La Cour fait ensuite des remarques préliminaires sur laquestion qui
lui est posée. Cette question, - bien que les l'.embrès aient le devoir de se con
former aux prescriptions de l'article 4, dans' les votes qu'ils émettent, -vise
[lon le V?te lui-mÊ-me·; dont l.ês motifs r~levan dt for int9rieur, échappent mari_
festement à tout contrôle, mais les déclarations faites par u..rMembre,
relativement au vote qu'il se propose d'émettre. La Cour n'est pas
appelée à définir le sens et la portée des conditions) 8noncées à l'ar-
ticle 4 de la Charte, a~xquelle lsadmission est subordonnée : elle
doit simplement dire si ces conditions sont limitatives. Si elles le
sont, un Membre n'est pas juridiquement fondé à faire dépendre l'admission
de conditions non expressément pré\~es à l'article. Il s ag~t donc de
fixer la portée d un texte conventionnel, c'est-à-dire d un problème
d'interprétation.
Néanmoins, on a prétendu que la queation n'était pas juridique,
mais politique. La Cour ne saurait attribuer un caractère politique à
une demande, libellée en termes abstraits, qui, en lui déférant l inter
prétat\on d'un texte conventionnel, 1 1invite·à remplir une fonction
essentiellement .... .•
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essentiellement judiciaire. Les mobiles qui ont pu inspirer la demande
échappent à la Cour gui n'a pas non plus à connaître des vues échangées
au Conseil de Sécurlte dans les divers cas concrets dont il s est oc
cupé. Par conséquent,· la Cour s estime compétente, et cela, même
s agissant dlinterpréter l'article 4 de la Charte : car on chercherait
en vain une disposition lui interdisant d, exercer à 1 égard de cette
clause d un traité multilatéral une fonction d'interprétation qui re
lève de l'exercice normal de ses attributions judiciaires.
La Cour passe ensuite à l analyse de l1article 4, paragre.phe 1,
de la Charte. Les candi ti ons qu ri l énumère sont au nombre de cinq : ·
il f:lUt 1) être un Etat; 2) être pacifique; 3) accepter les obligations
de la Charte; 4) être capable de remplir ces obligations; 5) être dis
posés à le faire. Toutes ces conditions sont soumises au jugement de
l'Organisation, c'est-à-dire du Conseil de Sécurité et de l Assernblée
générale, et, en dernière analyse, d"'s Membres de l'Organisation.
Puisque la question a trait non au vote mais aux raisons qu un Hembre
fait valoir avant le vote, elle concerne bien l'attitude individuelle
de chaque Hembre appelé à se prononcer sur 1 tad.'1lission.
~ Ces conditions ont-elles le caractère limitatif ? Les textes
français et anglais de la disposition ont le mêmesens : établir une
réglementation juridique qui, en fixant les cord tiens de l 1admission,
déterminerait aussi les motifs dur efus d admission. Les mots 1Peuvent
devenir Membre:s des Nations Unies tous autres Etats pacifiques 11indiquent
que les Etats réunissant les conditions énuméréesont les titres voulus
pour être admis; la disposition perdrait sa valeur si d autres conditions
pouvaient être exigées. L énumération est donc limitative et non simple
ment énonciative ou exemplative, et les conditions énumérées sont non
seulement nécessaires, mais suf-fisant es.
On a prétendu que ces conditions représEJntaiEnt un mlnlmu;n
indispensable, en ce sens que des considérations politiques pourraient
s1y ajouter, et faire obstacle. à l admission. Cette interprétation ne
s'accorde pas avec le paragraphe 2 de l article, qui prévoit l'admission
de 1tout Etat remplis sant ces condi tians •" Elle conduirait à recon
naître aux Nembres un pouvoir discrétionnaire et sans limite dans
l'exigence de conditions nouvelles, pouvoir inconciliable avec le
caractère mêmed une réglementation qui, établissant un lien étroit entre
la qualité de Membre et l'observation des principes et obligations de la
Charte, constitue clairerrtent une réglementation juridique de la matière.
Si les auteurs de la Charte avaient entendu laisser la faculté de faire
appel à des considérations étrangères aux principes et obligations prévus
à la Charte, ils auraient rédigé différemment le texte pertinent. Et
ce texte est suffisamment clair pour que la Cour, en suivant la juris
prudence de la Cour permanente, juge inutile de recourir aux travaux
préparatoires pour en préciser le sens. àu surplus, l'interprétation que
donne la Cour avait déjà été adoptée par le Conseil de Sécurité ainsi
que le montre l article 60 de son Règlement intérieur provisoire.
Mais, tout en ayant le car.actère limitatif, 1 1article 4
n'exclut pas une appréciation discrétionnaire des circonstances de fait
de nature à permettre de vérifier l existence des conditions requises.
1
Il n'interdit pas la prise en considération d éléments de fait qui,
raisonnablement et en toute bonne foi, peuvent ~tre ramenés aux ~on
ditions énumérées: ces conditions, par leur caractère à l~ fois large
et souple, impliquent une telle prise en considération. AQcun élément
politique pertinent, c est-à-dire se rattachant aux conditions dfadmission,
n est donc écarté.
Les ••••
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Les conditions énumerees à l article 4 sont donc bien limi
tatives et on ne saurait pas· le contester en faisant appel aux termes
du paragraphe 2 de 1 1·"~r et,i-c lui se bornent à organiser la procédure
d o.dinission. - Non plus d1n.illeurs qu en invoquant le car act ère poli tique
des organes des Nations Unies.chargés des admissions,car ce caractère ne
peut les soustraire à l'observation des dispositions qui les régissent,
lorsque c1s dis1ositions constituent des limites à leur pouvoir; ce qui
montre qu il n y a aucune contradiction entre les fonctions des organes
politiques et le caractère limitatif des conditions prescrites.
La Cour passe ensuite à lad euxième partie de la question, qui
l'invite à dire si un Etat peut, alors qu'il reconnaît que les conditions
prévues à 1 article Lt-sont remplies par le candidat, subordonner son vote
affirmatif à l 8dmission mncomitante d autres Etats.
Jugée d après la règle que la Cour a dopte dans son interprétation
de l'article 4, il s'agirait là d une condition nouvelle, car elle est
sans rt:.pport aucun avec celles qui sont énoncées à 11article L,, Cette
condition se présente m§me dans un plan· tout différent, puisqu'elle fait
1
dépendre 1 admission non des conditions exigées des candidats, mais de
considérations extrinsèques concernant d'autres Etats, vrailleurs, elle
empêcherait que chaque demande d'admission soit examinée selon. ses .propres
mérites et fasse 11 objet d 1un vote individuel, ce qui serait contr.sire à
la lettre et à l'esprit de la Charte.
1
C est par ces motifs que la Cour répond négative;nent à la
question qui lui est posée.
La Haye, le 28 mai l9Lt-8,
Conditions de l'admission d'un Etat comme membre des Nations Unies (article 4 de la Charte) - Avis consultatif de la Cour