Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
19806
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
DÉLIMITATION TERRESTRE ET MARITIME ET SOUVERAINETÉ SUR DES ÎLES
(GABON/GUINÉE ÉQUATORIALE)
MÉMOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ÉQUATORIALE
VOLUME I
5 octobre 2021
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE 1. INTRODUCTION .............................................................................................................. 1
CHAPITRE 2. CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE DU PRÉSENT DIFFÉREND ................................................... 7
CHAPITRE 3. L’HISTOIRE COLONIALE ET LES TITRES JURIDIQUES ACQUIS PAR L’ESPAGNE ET
LA FRANCE .................................................................................................................................. 24
I. La période antérieure à la convention de 1900 ................................................................... 24
II. La convention de 1900 et les titres juridiques reconnus jusqu’à la fin de la période
coloniale ............................................................................................................................. 31
A. Mentions des dépendances de Corisco dans les archives historiques de la période
comprise entre 1900 et 1960 ......................................................................................... 31
B. Les documents historiques relatifs au titre juridique sur le territoire continental
après la convention de 1900 .......................................................................................... 38
C. La frontière terrestre dans le sud-ouest ......................................................................... 47
D. La frontière terrestre dans le nord-est ........................................................................... 53
III. État des titres juridiques des puissances coloniales sur les îles et sur le territoire
continental lors de l’accession du Gabon et de la Guinée équatoriale a l’indépendance
en 1960 et 1968 .................................................................................................................. 73
A. La situation des îles de la baie de Corisco .................................................................... 73
B. La situation du territoire terrestre continental ............................................................... 87
CHAPITRE 4. L’ORIGINE DU DIFFÉREND ENTRE LES PARTIES ......................................................... 101
CHAPITRE 5. LES EFFORTS DÉPLOYÉS ENTRE 1979 ET 2016 POUR RÉGLER LE DIFFÉREND
FRONTALIER ET TERRITORIAL ................................................................................................... 106
I. 1979-1984 : les négociations bilatérales visant à établir une zone de développement
conjoint ............................................................................................................................. 106
II. 1985-2001 : les négociations bilatérales menées en vue de régler les différends
concernant la souveraineté et les frontières ...................................................................... 107
A. 2003 : la poursuite des négociations bilatérales et la première mention, par le
Gabon, d’un accord prétendument conclu en 1974 ..................................................... 111
B. La médiation menée de 2003 à 2016 par l’Organisation des Nations Unies afin de
résoudre les différends ................................................................................................ 112
CHAPITRE 6. LES TITRES JURIDIQUES FAISANT DROIT ENTRE LES PARTIES CONCERNANT LA
SOUVERAINETÉ SUR MBANIÉ, COCOTIERS ET CONGA ET LA DÉLIMITATION DE LEURS
FRONTIÈRES TERRESTRE ET MARITIME COMMUNES .................................................................. 114
- ii -
I. La Guinée équatoriale et le Gabon tiennent les titres juridiques sur leurs territoires
insulaires et continentaux de ceux qu’ils ont acquis de l’Espagne et de la France par
voie de succession ............................................................................................................ 114
II. Le titre juridique sur les îles et îlots de la baie de Corisco au moment de l’accession à
l’indépendance ................................................................................................................. 116
A. L’Espagne a acquis le titre juridique sur les dépendances de Corisco en 1843 et l’a
conservé jusqu’à l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance en 1968 ..... 117
B. La Guinée équatoriale a succédé au titre juridique de l’Espagne sur les
dépendances de Corisco .............................................................................................. 118
C. Les actes entrepris par le Gabon depuis la naissance du différend en mars 1972
sont sans incidence sur le titre juridique de la Guinée équatoriale sur les
dépendances de Corisco .............................................................................................. 120
III. Les titres juridiques sur le territoire terrestre continental ................................................. 121
A. Les titres juridiques de l’Espagne et de la France sur le territoire terrestre situé
dans la zone de l’Outemboni ....................................................................................... 122
B. Les titres juridiques de l’Espagne et de la France sur le territoire terrestre situé
dans la zone du Kyé .................................................................................................... 123
IV. Les titres juridiques sur les eaux adjacentes aux côtes des Parties ................................... 125
A. La législation régissant les zones maritimes de la Guinée équatoriale ....................... 127
B. La législation régissant les zones maritimes du Gabon ............................................... 128
CHAPITRE 7. LA PRÉTENDUE CONVENTION DE 1974 QUE LE GABON A PRODUITE ET INVOQUÉE
POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 2003 N’ÉTABLIT PAS DE TITRE JURIDIQUE, PAS PLUS QU’ELLE
NE FAIT DROIT DANS LES RELATIONS ENTRE LES PARTIES ........................................................ 133
I. Selon son propre libellé, le document présenté en 2003 n’est pas un traité définitif ....... 136
II. Les Parties n’ont pas pris les mesures qui auraient été nécessaires pour mettre en
oeuvre les dispositions du document présenté en 2003 ..................................................... 137
III. Les Parties ont poursuivi les efforts en vue de régler leurs différends relatifs à la
souveraineté et aux frontières sur le fondement d’autres titres juridiques, sans se
référer au document présenté en 2003 .............................................................................. 138
IV. Le document présenté en 2003 n’a pas acquis force de droit entre les Parties
après 2003 ........................................................................................................................ 139
CONCLUSIONS ................................................................................................................................ 142
___________
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. La République de Guinée équatoriale soumet le présent mémoire conformément à
l’ordonnance rendue le 7 avril 2021 par la Cour, qui a fixé au 5 octobre 2021 et au 5 mai 2022,
respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dépôt du mémoire de la Guinée équatoriale
et du contre-mémoire de la République gabonaise. Comme elle l’a indiqué dans ladite ordonnance,
la Cour a été saisie du présent différend le 5 mars 2021, à réception de la notification officielle par
la Guinée équatoriale du « compromis entre la République gabonaise et la République de Guinée
équatoriale » conclu le 15 novembre 2016 (ci-après le « compromis »).
1.2. L’article premier du compromis définit le différend soumis à la Cour comme suit :
« Soumission à la Cour et objet du différend
1. La Cour est priée de dire si les titres juridiques, traités et conventions
internationales invoqués par les Parties font droit dans les relations entre la République
Gabonaise et la République de Guinée Équatoriale s’agissant de la délimitation de leurs
frontières maritime et terrestre communes et de la souveraineté sur les îles Mbanié,
Cocotiers et Conga.
À cette fin :
2. La République Gabonaise reconnaît comme applicables au différend la
Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans
l’Afrique Occidentale, sur la Côte du Sahara et sur la Côte du Golfe de Guinée du 27 juin
1900 (Paris) et la Convention délimitant les frontières terrestres et maritimes de la
Guinée Équatoriale et du Gabon du 12 septembre 1974 (Bata).
3. La République de Guinée Équatoriale reconnaît comme applicable au différend
la Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans
l’Afrique Occidentale, sur la Côte du Sahara et sur la Côte du Golfe de Guinée du 27 juin
1900 (Paris).
4. Chacune des Parties se réserve le droit d’invoquer d’autres titres juridiques. »1
1.3. La traduction anglaise de l’article premier établie par le greffe se lit comme suit :
« Submission to the Court and subject of the dispute
1. The Court is requested to determine whether the legal titles, treaties and
international conventions invoked by the Parties have the force of law in the relations
1 Compromis entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale en date du 15 novembre 2016
(texte français faisant foi versé au dossier), article premier. Le texte espagnol de l’article premier, qui fait également foi, se
lit comme suit :
« Se solicita a la Corte que determine si los títulos jurídicos, tratados y convenios internacionales
invocados por las Partes son aplicables en las relaciones entre la República Gabonesa y la República de
Guinea Ecuatorial en lo que se refiere a la delimitación de sus fronteras marítima y terrestre comunes y de
la soberanía sobre las islas de Mbañe, Cocoteros y Conga. Para este propósito: 2. La República Gabonesa
reconoce como aplicable a la controversia el Convenio especial para determinar los límites entre las
posesiones españolas y francesas del África Occidental… ».
- 2 -
between the Gabonese Republic and the Republic of Equatorial Guinea in so far as they
concern the delimitation of their common maritime and land boundaries and sovereignty
over the islands of Mbanié/Mbañe, Cocotiers/Cocoteros and Conga.
To this end:
2. The Gabonese Republic recognizes as applicable to the dispute the special
Convention on the delimitation of French and Spanish possessions in West Africa, on
the coasts of the Sahara and the Gulf of Guinea, signed in Paris on 27 June 1900, and
the Convention demarcating the land and maritime frontiers of Equatorial Guinea and
Gabon, signed in Bata on 12 September 1974.
3. The Republic of Equatorial Guinea recognizes as applicable to the dispute the
special Convention on the delimitation of French and Spanish possessions in West
Africa, on the coasts of the Sahara and the Gulf of Guinea, signed in Paris on 27 June
1900.
4. Each Party reserves the right to invoke other legal titles. »2
1.4. Le compromis définit le champ de compétence de la Cour, qui est chargée de déterminer
ceux des titres juridiques, traités et conventions internationales (ci-après les « titres juridiques »)
invoqués par l’une ou l’autre des Parties dans le compromis ou au cours de la présente instance qui
font droit entre elles. Au vu du texte espagnol du compromis, la Guinée équatoriale est d’avis qu’il
est possible de considérer que cela s’applique aux relations entre les Parties tout autant pour
déterminer la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga que pour délimiter leurs frontières
terrestre et maritime. Le terme « titres juridiques » employé au paragraphe 1 de l’article premier et
la possibilité d’invoquer d’« autres titres juridiques » visée au paragraphe 4 attestent que les Parties
conviennent que la Cour a pour mission de déterminer tous les titres juridiques faisant droit entre
elles, et pas seulement ceux qui émanent de certains traités et conventions.
1.5. S’agissant des traités et conventions, il ressort des paragraphes 2 et 3 de l’article premier
du compromis que, pour ce qui est des titres juridiques applicables au présent différend, les Parties
s’accordent sur le fait que la « convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et
espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur la côte du Sahara et sur la côte du Golfe de Guinée »
signée à Paris le 27 juin 1900 (ci-après la « convention de 1900 ») fait droit entre elles. Il ressort
également de ces dispositions que les Parties conviennent que la convention de 1900 — ainsi que
tout titre juridique invoqué par l’une d’elles et reconnu par la Cour en vertu du paragraphe 4 de
l’article premier — était applicable dans leurs relations territoriales i) à l’accession du Gabon à
l’indépendance vis-à-vis de la France en 1960 et ii) à l’accession de la Guinée équatoriale à
l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne en 1968, les deux États nouvellement indépendants ayant
hérité des titres juridiques détenus par leurs prédécesseurs coloniaux respectifs. D’après les mêmes
paragraphes de l’article premier, les Parties sont en désaccord sur le point de savoir si la « convention
délimitant les frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon signée à Bata
le 12 septembre 1974 », que le Gabon invoque, fait droit dans leurs relations. La Guinée équatoriale
estime que tel n’est pas le cas, pour les raisons qui seront exposées dans le détail au chapitre 7 du
présent mémoire.
1.6. Le différend que les Parties ont soumis à la Cour est né en 1972, 12 et quatre ans,
respectivement, après l’accession du Gabon et de la Guinée équatoriale à l’indépendance. Le Gabon
2 Special Agreement between the Gabonese Republic and the Republic of Equatorial Guinea (15 November 2016)
(traduction anglaise du Greffe versée au dossier), article 1.
- 3 -
a, cette année-là, revendiqué pour la première fois la petite île Mbanié située dans la baie de Corisco
et l’a ensuite occupée par la force. À la suite de protestations émises par la Guinée équatoriale, les
Parties se sont engagées dans des négociations bilatérales qui se sont poursuivies pendant 31 ans,
après quoi une médiation a été menée sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies pendant
une période supplémentaire de 13 ans. Les Parties ne sont pas parvenues à s’entendre ni sur la
souveraineté à l’égard de Mbanié, Cocotiers et Conga, ni sur la délimitation de leurs frontières
terrestre et maritime. Cependant, la médiation a été fructueuse en ce qu’elle a permis aux Parties de
conclure un compromis visant à soumettre à la Cour, en vertu du paragraphe 1 de l’article 36 de son
Statut, le différend défini à l’article premier du compromis.
1.7 Les Parties ont donné compétence à la Cour pour déterminer les titres juridiques qu’elles
peuvent appliquer pour régler la question de la souveraineté sur les trois îles litigieuses (Mbanié,
Cocotiers et Conga), ainsi que ceux qu’elles peuvent appliquer pour délimiter leurs frontières
terrestre et maritime. En conséquence, le présent mémoire s’articule autour de la détermination des
titres juridiques applicables pour régler ces questions. Le mémoire ne vise pas à examiner d’autres
questions en litige entre les Parties ni à dégager les conséquences possibles de l’arrêt de la Cour.
1.8. Après le présent chapitre introductif, le chapitre 2 présente le contexte géographique du
différend, notamment l’emplacement des îles visées dans le compromis, le point terminal de la
frontière terrestre situé sur la côte de la baie de Corisco à partir duquel la frontière maritime doit être
tracée, et les territoires terrestres adjacents des Parties, sur lesquels la délimitation de la frontière
terrestre doit en fin de compte être effectuée. Le chapitre 3 relate l’histoire coloniale de la Guinée
équatoriale et celle du Gabon, en mettant l’accent sur les éléments se rapportant à l’acquisition des
îles situées dans la baie de Corisco par l’Espagne, et à l’acquisition par l’Espagne et la France,
respectivement, des territoires terrestres qui constituent aujourd’hui les États souverains de la Guinée
équatoriale et du Gabon. Il ressort des faits qui y sont exposés qu’il existait une relation territoriale
et frontalière bien établie et stable entre la France et l’Espagne à la date de l’accession du Gabon à
l’indépendance en 1960, y compris à l’égard des îles situées dans la baie de Corisco, et que cette
relation est restée inchangée entre le Gabon et l’Espagne jusqu’à l’accession de la Guinée équatoriale
à l’indépendance huit ans plus tard. Le chapitre montre que la Guinée équatoriale et le Gabon
n’estimaient pas avoir hérité — et n’ont pas hérité — de différends territoriaux de l’Espagne et de la
France.
1.9. Le chapitre 4 traite de l’origine du présent différend et expose les faits relatifs à la décision
inattendue et soudaine du Gabon de formuler des revendications territoriales et maritimes visant à
modifier la situation territoriale établie, héritée des anciennes puissances coloniales. Le chapitre 5
présente les efforts déployés par les Parties au cours des quatre décennies suivantes pour régler le
différend né de ces revendications, y compris une initiative du Gabon qui, contre toute attente, a
invoqué en 2003 — après des décennies de négociations au cours desquelles il n’en avait jamais fait
état — un prétendu accord conclu en 1974, et le rejet de cet « accord » par la Guinée équatoriale.
1.10. Sur la base de ces faits historiques, pleinement étayés par les éléments de preuve figurant
dans le présent mémoire et les documents y annexés, le chapitre 6 décrit les titres juridiques de la
Guinée équatoriale et du Gabon qui font droit et peuvent être appliqués dans leurs relations pour
déterminer la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga situées dans la baie de Corisco et
délimiter leurs frontières terrestre et maritime communes. Comme l’expliquent les chapitres suivants,
l’Espagne avait acquis un titre sur les îles situées dans la baie de Corisco par l’effet i) du traité du
Pardo qu’elle avait conclu en 1778 avec le Portugal, ii) de sa déclaration de souveraineté sur l’île
Corisco faite en 1843 que nul n’avait contestée, iii) de la signature, en 1846, d’un procès-verbal
d’annexion avec I. Orejeck, roi de l’île Corisco, des îles Elobey et de leurs dépendances, et iv) de
son occupation incontestée et effective de ces îles pendant les 122 années suivantes. La Guinée
- 4 -
équatoriale a succédé à ce titre lorsqu’elle est devenue un État souverain indépendant et l’a conservé
depuis lors. La France n’a jamais détenu ni revendiqué de titre juridique sur ces îles, et le Gabon n’a
pas acquis un tel titre lors de son accession à l’indépendance ni par la suite.
1.11. Le chapitre 6 explique en outre que, pour ce qui est du territoire terrestre situé sur le
continent africain et de la frontière terrestre entre la Guinée équatoriale et le Gabon, les puissances
coloniales, à savoir l’Espagne et la France, ont procédé à la délimitation de cette frontière dans leur
convention de 1900, se reconnaissant mutuellement leurs titres respectifs sur les territoires situés de
part et d’autre de la frontière convenue entre elles. Cette frontière, décrite à l’article 4 de la
convention de 1900, a ensuite été modifiée par l’Espagne et la France en vertu de l’article VIII et de
l’annexe I de cet instrument. La frontière modifiée est celle qui était en vigueur, et dont le Gabon et
la Guinée équatoriale ont hérité, au moment où ils ont acquis par succession les titres territoriaux
français et espagnol, respectivement. La figure 1.1 ci-après montre (comme on le verra en détail dans
les divers chapitres du présent mémoire) le territoire qui appartenait à l’Espagne à la date de
l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance (12 octobre 1968) et illustre la relation
frontalière que l’Espagne entretenait avec la France à la date de l’accession du Gabon à
l’indépendance (17 août 1960) et avec ce dernier en 1968. Ces titres hérités — celui du Gabon de
son côté de la frontière existant à la date de son accession à l’indépendance et celui de la Guinée
équatoriale de l’autre côté de celle-ci — sont restés inchangés jusqu’à ce jour.
1.12. Enfin, le chapitre 6 montre que les titres juridiques applicables à la délimitation de la
frontière maritime entre la Guinée équatoriale et le Gabon sont i) ceux qui déterminent la
souveraineté sur les îles situées dans la baie de Corisco et le territoire terrestre continental en Afrique
et ii) ceux qui sont prévus par la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après la
« CNUDM »), à laquelle la Guinée équatoriale et le Gabon sont parties.
1.13. Le chapitre 7 explique pourquoi la prétendue « convention délimitant les frontières
terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon, signée à Bata le 12 septembre 1974 »,
que le Gabon a invoquée pour la première fois en 2003, n’est pas un titre juridique et ne fait pas droit
entre les Parties s’agissant de la souveraineté sur Mbanié et les autres îles situées dans la baie de
Corisco, ou de la délimitation de leurs frontières terrestre et maritime communes. Alors qu’il ne
l’avait jamais mentionné pendant les décennies de négociations menées après la date à laquelle cet
accord supposé aurait été signé, le Gabon a soudainement prétendu que cet instrument avait réglé
l’ensemble des questions sur lesquelles portaient les nombreuses réunions bilatérales tenues entre les
Parties pendant cette période, et notamment la question de la souveraineté sur les îles litigieuses et
celle du tracé des frontières terrestre et maritime. En 2003, le Gabon a produit non pas un exemplaire
original signé du document, mais une simple photocopie partiellement illisible montrant un prétendu
« accord » auquel manquaient de toute évidence certains éléments essentiels. Aucune copie de
l’original n’a été fournie au cours des dix-huit années suivantes. Lorsque le Gabon a tenté, pour la
première fois en 2004, de faire enregistrer l’accord allégué auprès de l’Organisation des
Nations Unies, celle-ci l’a rejeté pour cause d’illisibilité. Ce n’est qu’après le dépôt d’une version
redactylographiée du document (et non de l’original) que l’enregistrement a, en dépit des
protestations de la Guinée équatoriale, été effectué. Le comportement des Parties entre 1974 et 2003
montre clairement qu’elles n’estimaient ni l’une ni l’autre qu’il s’agissait d’un accord ayant force
obligatoire, et moins encore d’un accord portant règlement des questions mêmes sur lesquelles elles
ont continué à négocier pendant cette période de 30 ans.
1.14. Les conclusions de la Guinée équatoriale suivent le chapitre 7 et viennent clore le corps
du présent mémoire, qui correspond au volume I. Le mémoire comprend également six volumes
d’annexes. Le volume II reproduit les cartes et figures que la Guinée équatoriale entend verser au
- 5 -
dossier, tandis que les volumes III à VII contiennent les éléments de preuve produits à l’appui de ses
prétentions.
Figure 1.1
Territoire de l’Espagne au 12 octobre 1968
Légende :
Spain (Río Muni) = Espagne (Río Muni)
Cape San Juan = Cap San Juan
Muni = Muni
Utamboni = Outemboni
Elobey Chico = Elobey Chico
Elobey Grande = Elobey Grande
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Mbañe = Mbanié
- 6 -
Cocoteros = Cocotiers
Conga = Conga
Cameroon = Cameroun
Boundary undefined = Frontière non définie
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Area of inset above = Zone représentée dans l’encadré ci-dessus
Gabon = Gabon
- 7 -
CHAPITRE 2
CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE DU PRÉSENT DIFFÉREND
2.1. La Guinée équatoriale et le Gabon sont tous deux situés le long de la côte occidentale de
l’Afrique subsaharienne, comme le montre la figure 2.1 ci-après.
2.2. La Guinée équatoriale, qui a obtenu son indépendance de l’Espagne en 1968, est
constituée d’une partie insulaire et d’une partie continentale3. En 2019, sa population était estimée à
1 405 704 habitants4, vivant, pour environ 72 % d’entre eux, dans la région continentale5. Les
langues officielles sont l’espagnol, le français et le portugais6.
2.3. La région insulaire de la Guinée équatoriale comprend deux îles principales situées dans
la partie orientale de l’océan Atlantique. Il s’agit de l’île de Bioko, autrefois appelée Fernando Po ou
Fernando Póo, où se trouve la capitale, Malabo, et de l’île d’Annobón7. Les titres sur ces deux îles
ne sont pas en litige, les Parties et la communauté internationale reconnaissant que celles-ci font
partie de la Guinée équatoriale.
2.4. La région continentale de la Guinée équatoriale, communément appelée le Río Muni, du
nom du fleuve qui forme une partie de sa frontière méridionale8, couvre une superficie d’environ
26 000 kilomètres carrés9. Elle comprend les formations insulaires associées situées dans la baie de
Corisco. Il s’agit d’Elobey Grande, d’Elobey Chico, de l’île Corisco, et des îlots adjacents à celle-ci,
Mbanié, Cocotiers et Conga (ci-après les « dépendances de Corisco »)10. Le Río Muni est bordé au
sud et à l’est par le Gabon, au nord par la République du Cameroun et à l’ouest par la baie de Corisco,
qui fait partie du golfe de Guinée11. Il héberge la ville côtière de Bata, qui, avec 309 345 habitants,
est la ville la plus peuplée du pays12, ainsi que d’autres grandes agglomérations telles que Mongomo,
Ebebiyin et Evinayong. La région continentale de la Guinée équatoriale est représentée à la figure 2.2
ci-après.
3 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Equatorial Guinea in Figures (2019), p. 6 (vol. VI, annexe 195).
4 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Statistical Yearbook of Equatorial Guinea (2020), p. 7-8 (vol. VI,
annexe 196) ; Equatorial Guinea National Statistics Institute, Equatorial Guinea in Figures (2019), p. 9 (vol. VI,
annexe 195).
5 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Equatorial Guinea in Figures (2019), p. 10 (vol. VI, annexe 195).
6 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Statistical Yearbook of Equatorial Guinea (2020), p. 7 (vol. VI,
annexe 196).
7 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Equatorial Guinea in Figures (2019), p. 6 (vol. VI, annexe 195).
8 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Statistical Yearbook of Equatorial Guinea (2020), p. 6 (vol. VI,
annexe 196).
9 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Equatorial Guinea in Figures (2019), p. 8 (vol. VI, annexe 195).
Equatorial Guinea National Statistics Institute, Statistical Yearbook of Equatorial Guinea (2020), p. 7 (vol. VI,
annexe 196).
10 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Equatorial Guinea in Figures (2019), p. 7 (vol. VI, annexe 195).
11 Equatorial Guinea National Statistics Institute, Statistical Yearbook of Equatorial Guinea (2020), p. 7-8 (vol. VI,
annexe 196).
12 Ibid., p. 7.
- 8 -
2.5. Le Gabon, qui a obtenu son indépendance de la France en 1960, possède un territoire
terrestre d’une superficie approximative de 257 000 kilomètres carrés13. Outre la Guinée équatoriale,
il jouxte la République du Cameroun au nord, et la République du Congo à l’est et au sud. À l’été
2021, sa population était estimée à 2 285 000 habitants14. Sa capitale Libreville, la plus grande
agglomération du pays avec environ 845 000 habitants en 202115, est située sur la côte, à quelque
25 kilomètres au sud de la baie de Corisco. La langue officielle du Gabon est le français16.
13 “Gabon” CIA World Factbook, Central Intelligence Agency available at
www.cia.gov/the-world-factbook/countries/gabon/ (9 September 2021), p. 1-4 (vol. VII, annexe 244).
14 Ibid., p. 1-4.
15 Ibid.
16 Ibid.
- 9 -
Figure 2.1
La géographie de la République de Guinée équatoriale et de la République gabonaise
- 10 -
Légende :
Nigeria = Nigéria
Chad = Tchad
Cameroon = Cameroun
Cen. Afr. Republic = République centrafricaine
Gabon = Gabon
Equatorial Guinea (Rio Muni) = Guinée équatoriale (Río Muni)
Rep. Of The Congo = République du Congo
Dem. Rep. Of The Congo = République démocratique du Congo
Angola = Angola
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
200 M limit = Limite des 200 milles marins
12 M limit = Limite des 12 milles marins
Eq. Guinea = Guinée équatoriale
Cape San Juan = Cap San Juan
Elobey Chico = Elobey Chico
Elobey Grande = Elobey Grande
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Mbañe = Mbanié
Cocoteros = Cocotiers
Conga = Conga
- 11 -
Figure 2.2
La géographie de la région continentale de la Guinée équatoriale
Légende :
Gabon = Gabon
Equatorial Guinea (Rio Muni) = Guinée équatoriale (Río Muni)
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Muni = Muni
Utamboni = Outemboni
Cape San Juan = Cap San Juan
Elobey Chico = Elobey Chico
Elobey Grande = Elobey Grande
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Mbañe = Mbanié
Cocoteros = Cocotiers
Conga = Conga
2.6. Les îles sur lesquelles les deux Parties revendiquent le titre Mbanié, Cocotiers et
Conga se situent dans la baie de Corisco, comme le montre la figure 2.3 ci-après. L’île Corisco,
qui n’est pas en litige, est la plus grande formation de la baie du même nom. Elle se trouve à quelque
16 milles marins au sud-ouest de l’embouchure du fleuve Muni et s’étend sur environ 14 kilomètres
carrés. Elle a de tout temps été habitée, avant même l’arrivée des Européens dans la région, et compte
- 12 -
aujourd’hui une population permanente de 2 443 habitants17. Corisco possède d’importantes
infrastructures, dont un port commercial et un aéroport international. Le titre sur cette île n’est pas
contesté ; n’est pas non plus en litige le titre sur les îles Elobey Grande et Elobey Chico ou l’îlot
Leva, situés respectivement à 10, 11 et un milles marins de l’île Corisco. Comme cela sera montré
aux chapitres 3 et 6, la Guinée équatoriale a hérité de l’ensemble des îles et îlots situés dans la baie
de Corisco lorsqu’elle a accédé à l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne.
2.7. Les îlots litigieux Mbanié, Conga et Cocotiers se trouvent à cinq à six milles marins au
sud-est de l’île Corisco. Ces îlots, ainsi que plusieurs hauts-fonds découvrants Banco Laval à
l’ouest, Bancos del Este à l’est et, entre les deux, d’autres formations sans nom s’appuient sur le
banc de Mbanié, une formation immergée qui constitue le prolongement géologique des bas-fonds
entourant l’île Corisco. Le banc de Mbanié se termine au sud par un chenal qui le sépare des bancs
s’étendant au nord de la côte continentale du Gabon. Tous ces îlots et hauts-fonds découvrants sont
plus proches de l’île Corisco que de la côte gabonaise. L’île Corisco et ses dépendances sont
représentées sur la figure 2.4 ci-après.
2.8. Mbanié est la plus grande formation insulaire du banc du même nom, bien que sa
superficie ne soit que de 0,5 kilomètre carré à marée basse et de 0,07 kilomètre carré à marée haute ;
elle est pour l’essentiel recouverte d’une épaisse végétation. C’est aussi la seule formation de ce banc
qui, depuis 1800 au moins, a toujours été reconnue comme une formation découverte à marée haute
désignée par un nom18. Sur les toutes premières cartes de la région, Mbanié est identifiée comme
l’îlot Corisco19. Les cartes suivantes continuent de la représenter comme une formation découverte à
marée haute désignée par un nom. Ainsi de la Carta Esférica de la Bahía de Corisco, une carte
marine espagnole à grande échelle publiée en 1859 et reposant sur des levés effectués entre 1836 et
1838, sur laquelle Mbanié est indiquée sous le nom « I. Mbanya ». Un détail de cette carte est
reproduit à la figure 2.5 ci-après. Selon les époques et les sources, Mbanié est tantôt une île (isla)
tantôt un îlot (islote), mais, à l’instar de Leva, située juste au nord, elle est reconnue comme une
formation découverte à marée haute désignée par un nom sur toutes les cartes disponibles à partir de
la moitié des années 1800. Sur la plupart des cartes les plus anciennes, Mbanié et Leva sont les seules
formations désignées par un nom dans la baie, outre l’île Corisco et les îles Elobey20.
17 Republic of Equatorial Guinea, Ministry of Planning and Economic Development, General Census of Population
and Housing: General Status of Population (2002), p. 3 (vol. VI, annexe 194).
18 Voir, par exemple, la figure 2.5 (Hydrographic Direction, Madrid, Spain, Corisco Bay Spherical Chart (1859)).
19 Voir la figure 3.1 (D. Tomas Lopez, Geographer of His Majesty’s Domains, Spain, Gulf of Guinea (1778)).
20 Voir, par exemple, la figure 2.5 (Hydrographic Direction, Madrid, Spain, Corisco Bay Spherical Chart (1859)).
- 13 -
Figure 2.3
Îles de la baie de Corisco
- 14 -
Légende :
Gabon = Gabon
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Muni = Muni
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Cape San Juan = Cap San Juan
Cape Esterias = Cap Estérias
Cape Santa Clara = Cap Santa Clara
Mondah Bay = Baie de Mondah
Elobey Chico = Elobey Chico
Elobey Grande = Elobey Grande
Corisco Island = Île Corisco
Leva = Leva
Hoco = Hoco
Banco Laval = Banco Laval
Corisco Bay = Baie de Corisco
Mbañe = Mbanié
Cocoteros = Cocotiers
Conga = Conga
- 15 -
Figure 2.4
Île Corisco et ses dépendances
- 16 -
Légende :
Corisco Bay = Baie de Corisco
Corisco Island = Île Corisco
3 Fathoms = 3 brasses
Point Gueliba = Pointe Gueliba
Point Italo = Pointe Italo
Corisco International Airport = Aéroport international de Corisco
Point Ugoni = Pointe Ugoni
Point Hoco = Pointe Hoco
Point Lembue = Pointe Lembue
Point Ugonue = Pointe Ugonue
Hoco = Hoco
Leva = Leva
Mbañe Bank = Banc de Mbanié
Banco Laval = Banco Laval
Mbañe = Mbanié
Conga = Conga
Cocoteros = Cocotiers
Banco del Este = Banco del Este
- 17 -
Figure 2.5
Île Corisco et ses dépendances vers 1859
Source : Service hydrographique espagnol Madrid (1859). Extrait de carte, annotations ajoutées.
- 18 -
Légende :
Area enlarged = Zone agrandie
Corisco Island = Île Corisco
Leva = Leva
Baynya = Baynia [Mbanié]
Arenas Crown = Arenas Crown
2.9. Mbanié a une population intermittente venant de l’île Corisco, dont elle accueille
notamment les pêcheurs, qui l’utilisent aux fins de leurs activités. Compte tenu de sa taille réduite,
de sa proximité avec Corisco et de l’utilisation que les habitants de cette île en ont fait au cours de
l’histoire, Mbanié est et a toujours été considérée comme une dépendance de Corisco21.
2.10. Cocotiers se trouve à l’est de Mbanié, à l’extrémité orientale du banc du même nom. Cet
îlot, qui s’étend sur environ 0,1 kilomètre carré à marée basse et 0,003 kilomètre carré à marée haute,
est inhabité. Sur certaines cartes, les deux formations sont reliées, à marée basse, par une mince
langue de sable s’étendant sur 1,5 mille marin22. Cocotiers apparaît toutefois, la plupart du temps,
comme une formation distincte, à l’extrémité orientale d’un ensemble de bancs de sable
indépendants. Seule une petite partie de l’île, couverte de végétation, reste découverte à marée haute.
Sur d’anciennes cartes, la formation est représentée comme un haut-fond découvrant, parfois appelé
Crown Sands (Arenas Crown) (voir la figure 2.5), ou, dans certains cas, incluse dans le groupe de
hauts-fonds découvrants appelé Bancos del Este. Sur les cartes plus récentes, elle est représentée
comme une caye de sable et désignée comme un « îlot ». Cocotiers est traditionnellement considérée
comme une dépendance de l’île Corisco, pour les mêmes raisons que Mbanié.
2.11. Conga est une formation rocheuse située à environ un mille marin au sud-ouest de
Mbanié. Elle s’étend sur 1,6 kilomètre carré à marée basse et 0,003 kilomètre carré à marée haute,
mais est entourée par un banc de sable très étendu qui sèche à marée basse. Contrairement à
Cocotiers, Conga apparaît déjà sur les cartes anciennes comme une formation découverte à marée
haute, et c’est toujours ainsi qu’elle est représentée (voir la figure [2.4]). On ne sait pas bien quand
un nom lui a pour la première fois été attribué, mais les archives indiquent qu’elle a également été
désignée sous le nom de rochers de Mbanié. Conga est inhabitée et couverte d’une végétation
clairsemée. Elle est, elle aussi, considérée comme une dépendance de l’île Corisco.
2.12. La frontière terrestre entre la Guinée équatoriale et le Gabon, mentionnée à l’article
premier du compromis, a été établie entre l’Espagne et la France avant l’accession du Gabon à
l’indépendance en 1960, et est demeurée inchangée lorsque la Guinée équatoriale est à son tour
devenue indépendante, en 1968. Comme cela sera exposé en détail au chapitre 3 ci-après, cette
frontière est celle décrite à l’article IV de la convention de 1900, telle que modifiée par l’Espagne et
la France conformément à l’article VIII et à l’annexe I de ladite convention ainsi qu’au droit
international. Deux zones géographiques situées le long de la frontière terrestre revêtent une
importance particulière pour la détermination des titres juridiques applicables entre les Parties : celle
de la rivière Outemboni au sud-ouest et celle de la rivière Kyé au nord-est. Elles sont représentées à
la figure 2.6 ci-après.
21 Voir Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)),
arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 570, par. 356 (« L’exiguïté de Meanguerita, sa proximité de la plus grande île et le fait qu’elle
est inhabitée permettent de la qualifier de “dépendance” de Meanguera, au sens où il a été soutenu que le groupe des
Minquiers était une dépendance des îles de la Manche (C.I.J. Recueil 1953, p. 71). »).
22 U.S. National Imagery and Mapping Agency, Bahía de Corisco, 57181 6th ed. (1999) (vol. 2, annexe M3).
- 19 -
2.13. Comme le montre la figure 2.7 ci-après, la zone de l’Outemboni est celle qui s’étend
autour de ce cours d’eau et de ses affluents, dans le sud-ouest du Río Muni et dans la région côtière
du nord-ouest du Gabon qui donne sur la baie de Corisco. À la différence de sa partie occidentale,
de faible altitude, la partie orientale de cette zone est occupée par les monts de Cristal, une chaîne
montagneuse d’orientation nord-sud située entre la région équato-guinéenne du Río Muni et le
Gabon. L’Outemboni prend sa source dans ces massifs du Río Muni, puis traverse deux fois le
parallèle situé par 1 degré de latitude nord, avant de se jeter dans le fleuve Muni, à proximité de la
côte de la baie de Corisco.
2.14. Les grands centres démographiques de la zone de l’Outemboni sont les villes
équato-guinéennes d’Asobla, de Mibonde-Elon et de Midyobo. Selon les informations dont dispose
la Guinée équatoriale, la zone n’abrite aucune agglomération gabonaise importante.
Figure 2.6
Zones de la rivière Outemboni et de la rivière Kyé
Légende :
Cameroon = Cameroun
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Gabon = Gabon
Kie River Area = Zone du Kyé
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
- 20 -
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Corisco Bay = Baie de Corisco
Muni = Muni
Utamboni = Outemboni
Figure 2.7
Zone de la rivière Outemboni
Légende :
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Gabon = Gabon
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
2.15. Représentée à la figure 2.8 ci-après, la zone du Kyé s’étend de part et d’autre de cette
rivière, qui s’écoule vers le nord, dans le nord-est du Río Muni et le nord-ouest du Gabon. Le Kyé,
affluent du fleuve Ntem (également appelé Campo) au Cameroun, prend sa source au sud-est de la
ville de Mongomo. Il s’écoule vers le nord entre la Guinée équatoriale et le Gabon, avant de traverser
la frontière, non définie dans ce secteur, entre celle-ci et le Cameroun. Au nord de cette frontière, le
Kyé marque la frontière entre le Cameroun et le Gabon, conformément au traité franco-allemand de
1908, qui remplaça par des formations naturelles les frontières rectilignes décrites dans l’accord
franco-allemand de 1885. Entre sa source et la frontière camerounaise, le Kyé franchit au moins
quatre fois le 9e méridien est de Paris.
2.16. Ainsi que cela sera exposé en détail au chapitre 3, un certain nombre de villes et de
villages, d’abord espagnols puis équato-guinéens, sont établis de longue date sur la rive occidentale
du Kyé. Les plus importants sont Ebebiyin (actuel chef-lieu de la province du Kié-Ntem), Alen et
- 21 -
Mongomo (actuel chef-lieu de la province du Wele-Nzas). Simples villages au début du XXe siècle,
Ebebiyin et Mongomo furent transformés en postes militaires par l’Espagne, avant de devenir de
grandes villes de Guinée équatoriale bordées, à l’est, par le Kyé. Les grandes agglomérations
gabonaises les plus proches, Bitam et Oyem (actuel chef-lieu de la province gabonaise du
Woleu-Ntem), se situent à 20 à 25 kilomètres à l’est du Kyé.
- 22 -
Figure 2.8
Zone de la rivière Kyé
- 23 -
Légende :
Cameroon = Cameroun
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Gabon = Gabon
Boundary undefined = Frontière non définie
Kie = Kyé
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
- 24 -
CHAPITRE 3
L’HISTOIRE COLONIALE ET LES TITRES JURIDIQUES
ACQUIS PAR L’ESPAGNE ET LA FRANCE
3.1. Le présent chapitre retrace les étapes de l’acquisition, par l’Espagne et la France
respectivement, de la souveraineté sur les territoires qui constituent aujourd’hui la Guinée équatoriale
et le Gabon, y compris les parties continentales de ces territoires, ainsi que de l’acquisition et de
l’exercice par l’Espagne de la souveraineté sur les îles de la baie de Corisco. Il revient sur l’histoire
de la région avant 1900 (A), la convention de 1900 (B) et la relation territoriale entre l’Espagne et la
France jusqu’à l’indépendance du Gabon en 1960, et entre l’Espagne et le Gabon entre 1960 et 1968,
date à laquelle la Guinée équatoriale accéda à son tour à l’indépendance (C).
I. LA PÉRIODE ANTÉRIEURE À LA CONVENTION DE 1900
3.2. Les titres juridiques de l’Espagne sur le territoire de l’actuelle Guinée équatoriale trouvent
leur origine dans le traité du Pardo du 24 mars 1778 (ci-après le « traité de 1778 »)23. Le Portugal
céda à l’Espagne en échange de l’île de Santa Catalina et de la colonie de Sacramento (toutes
deux situées en Amérique du Sud) les îles de Fernando Póo (l’actuelle Bioko) et d’Annobón24. Le
Portugal céda également à l’Espagne le droit de se livrer à des activités commerciales dans le golfe
de Guinée entre le cap Formoso (situé à l’embouchure du fleuve Niger) et le Cap López (situé au sud
du fleuve Gabon). La zone géographique couverte par le traité de 1778 est représentée sur une carte
de l’époque reproduite à la figure 3.1 ci-après. L’Espagne prit possession de Fernando Póo et
d’Annobón peu après la signature de ce traité, ainsi que, par la suite, des îles de la baie de Corisco,
où elle établit des comptoirs commerciaux en vue de se livrer au négoce le long des fleuves se jetant
dans la baie de Corisco (Muni et Mondah), et du fleuve Gabon25. Il s’agissait notamment des îles
Elobey ainsi que de l’île Corisco et de ses dépendances, dont Mbanié. L’Espagne obtint également
le contrôle d’un petit segment de la côte continentale allant du sud de l’embouchure du fleuve Muni
à un point situé au nord du cap San Juan.
3.3. Les mentions les plus anciennes du titre de l’Espagne sur les dépendances de l’île Corisco
remontent aux années 1840. Après la destruction, en 1841, par un navire de guerre anglais,
d’installations commerciales lui appartenant sur l’île Corisco, l’Espagne y envoya, en 1843, une
expédition navale pour réaffirmer son contrôle souverain. Le chef de cette expédition, le capitaine
Juan José de Lerena, établit, le 16 mars 1843, une déclaration de souveraineté espagnole concernant
l’île Corisco (ci-après la « déclaration de Corisco »), qui, dans sa partie pertinente, indiquait ce qui
suit :
« Les Espagnols sont établis sur l’île Corisco depuis de nombreuses années sans
qu’aucune nation ait jamais contesté leur titre ou leurs droits … et l’ensemble de la
population a manifesté sa loyauté envers l’Espagne en reconnaissant la reine Isabel
comme sa souveraine…
23 Kingdom of Spain, Negotiations with France to Sign a Border Treaty Between the Spanish and French
Possessions on the West Coast of Africa, 1899-1900 No. 2 Report by the Political Section in Regard to the Foregoing Royal
Order (22 November 1899), p. 5 (vol. IV, annexe 53).
24 Traité d’amitié, de garantie et de commerce conclu entre les cours royales d’Espagne et de Portugal, fait au Pardo
(11 mars 1778), art. 13 (vol. III, annexe 1).
25 Kingdom of Spain, Negotiations with France to Sign a Border Treaty Between the Spanish and French
Possessions on the West Coast of Africa, 1899-1900 No. 2 Report by the Political Section in Regard to the Foregoing Royal
Order (22 November 1899), p. 5-6 (vol. IV, annexe 53).
- 25 -
JE DÉCLARE, à l’intention des commandants des navires de guerre de toute
nation qui pourraient se rendre sur cette île Corisco, dans les circonstances décrites et
au nom de la Régente du Royaume …, qu’il s’agit d’une île espagnole, faisant partie
intégrante de la monarchie. Il est interdit d’y faire flotter le drapeau de toute autre nation.
L’ensemble de ses habitants et tous les étrangers qui y commercent sont soumis, et tenus
de se conformer, aux lois régissant actuellement les colonies espagnoles et à celles
susceptibles d’être promulguées par la suite par le Parlement du Royaume. »26
Figure 3.1
Zone géographique couverte par le traité de 1778
Source : D. Tomas Lopez, géographe chargé des domaines de Sa Majesté (Espagne), Golfe de Guinée (1778), annotations
ajoutées.
Légende :
Cape Formoso = Cap Formoso
Fernando Pó = Fernando Póo
Cape López = Cap López
Annobón = Annobón
26 Kingdom of Spain, Royal Commissioner for the Islands Fernando Póo, Annobón and Corisco on the Coast of
Africa, Declaration of Corisco (16 March 1843) (vol. V, annexe 110).
- 26 -
3.4. Le jour suivant, dans le cadre de son administration coloniale de Corisco et de ses
dépendances, l’Espagne nomma le roi Baldomero Boncoro comme pilote de la baie de Corisco et
chef de la pointe méridionale de l’île Corisco27.
3.5. Le 18 février 1846, le successeur de Baldomero Boncoro, I. Orejeck (Boncoro II), roi de
l’île Corisco, des îles Elobey et de leurs dépendances, signa un document appelé « procès-verbal
d’annexion » avec l’inspecteur général des possessions espagnoles dans le golfe de Guinée28. Dans
ce document, le roi I. Orejeck reconnaissait que « l’île Corisco, les îles Elobey et leurs dépendances
telles qu’elles exis[taient alors] [étaient] espagnoles » et jurait allégeance aux lois de l’Espagne29.
S’appuyant sur ce document et la précédente déclaration de Corisco, l’inspecteur général espagnol
publia une « charte de citoyenneté espagnole donnée aux habitants de Corisco », dans laquelle il
affirmait que Corisco « et ses dépendances, parmi lesquelles l’îlot Elobey, [étaient] espagnoles », et
que « les habitants de Corisco et de ses dépendances joui[ssaient] de la même protection que les
résidents espagnols de la mère patrie »30.
3.6. La revendication par l’Espagne du titre juridique sur l’île Corisco et ses dépendances fut
réaffirmée dans une déclaration de possession souveraine espagnole, signée le 21 juillet 1858 par
Carlos Chacón, gouverneur général de Fernando Póo, d’Annobón et de Corisco et ses dépendances,
lors de son expédition à Corisco31. Aucun État européen ne contesta la souveraineté de l’Espagne.
3.7. À la fin des années 1800, la portion de la côte occidentale de l’Afrique visée par le traité
de 1778 entre l’Espagne et le Portugal était occupée non seulement par l’Espagne, mais également
par l’Allemagne, au nord, et la France, au sud32. En 1884, les trois puissances coloniales (l’Espagne,
la France et l’Allemagne) disposaient de comptoirs sur la côte s’étendant entre les zones détenues
par l’Allemagne au nord du fleuve Campo (ou Ntem) et celles détenues par la France, au sud de la
baie de Corisco.
3.8. En 1885, l’Allemagne conclut un traité frontalier avec la France, en vertu duquel elle lui
cédait ses possessions situées au sud de de la ligne suivant, à partir de la côte atlantique, « le fleuve
Campo jusqu’au 10e méridien, puis à partir du point d’intersection, le parallèle jusqu’au
27 Kingdom of Spain, Original Documents on the Annexation to Spain of Corisco, Elobey and their Dependencies
(17 March 1843), p. 2 (vol. V, annexe 111).
28 Kingdom of Spain, Ministry of State, Record of Annexation (18 February 1846) (vol. V, annexe 112).
29 Ibid., p. 2.
30 Kingdom of Spain, Ministry of State, Letter of Spanish Citizenship Given to the Inhabitants of Corisco, Elobey
and their Dependencies (18 February 1846), p. 2-3 (les italiques sont de nous) (vol. IV, annexe 47).
31 État espagnol, ministère d’État, lettre en date du 20 juillet 1958 réaffirmant que l’île Corisco était possession
espagnole (vol. IV, annexe 48).
32 Kingdom of Spain, Negotiations with France to Sign a Border Treaty Between the Spanish and French
Possessions on the West Coast of Africa, 1899-1900 No. 2 Report by the Political Section in Regard to the Foregoing Royal
Order (22 November 1899), p. 5 (vol. IV, annexe 53).
- 27 -
15e méridien »33. La zone située au sud du territoire allemand était également revendiquée par
l’Espagne34.
3.9. La même année, la France et l’Espagne constituèrent une commission mixte chargée de
départager leurs revendications territoriales concurrentes en Afrique occidentale. Celle-ci poursuivit,
entre 1886 et 1891, des négociations qui ont été désignées sous le nom de « conférence sur la
délimitation de l’Afrique de l’Ouest » (ci-après la « conférence »).
3.10. Au moment de la conférence, l’Espagne avait affirmé son titre sur la portion de côte
africaine située entre le fleuve Campo (Ntem), au nord, et le cap Santa Clara, au sud. Le territoire
revendiqué par l’Espagne s’étendait, vers l’intérieur des terres, jusqu’au 17e méridien est de
Greenwich. Il était limité, au nord, par la ligne de délimitation avec le territoire allemand, et au sud,
par « la ligne séparant les eaux du fleuve Mondah et celles du fleuve Gabon »35, ce qui créait une
vaste zone de chevauchement entre revendications espagnoles et françaises. La situation territoriale
entre l’Espagne, la France et l’Allemagne après 1885 est représentée à la figure 3.2 ci-après.
3.11. Il n’existait en revanche aucun différend au sujet de l’île Corisco ou des autres îles et
îlots de la baie de Corisco. La France reconnaissait que l’Espagne détenait le titre sur Corisco et ses
dépendances. À la réunion tenue le 17 décembre 1886 dans le cadre de la conférence, la délégation
française présenta un mémorandum en réponse aux arguments avancés par l’Espagne lors de réunions
précédentes concernant l’étendue des territoires que cette dernière avait acquis par l’effet de son
annexion de Corisco. Ce mémorandum précisait le sens de l’expression « dépendances de Corisco »
en indiquant que « [l]es dépendances géographiques de Corisco [étaient] Laval [Leva] et celle
nommée Baynia [Mbanié] »36. L’année suivante, lors d’une nouvelle réunion tenue le 26 décembre
1887 dans le cadre de la conférence, le chef de la délégation française, faisant référence à la
déclaration de Corisco établie par l’Espagne en 1843, indiqua que, « [e]n effet, l’acte de 1843 [était]
celui auquel l’Espagne [devait] l’annexion de Corisco et de ses dépendances naturelles, les îlots Laval
et Baynia, compris dans la zone des eaux territoriales de cette île »37.
3.12. La commission mixte conclut ses travaux à la dernière réunion tenue, en juillet 1891,
dans le cadre de la conférence sans être parvenue à départager les revendications concurrentes de
l’Espagne et de la France sur le territoire continental situé au nord du fleuve Muni38.
33 US Department of State, International Boundary Study No. 115, Cameroon – Gabon Boundary (24 September
1971), p. 4 (vol. VI, annexe 158), qui renvoie à l’accord concernant les possessions allemandes et françaises sur la côte
occidentale de l’Afrique, signé à Berlin le 24 décembre 1885 [ratifications échangées à Berlin, le 28 juillet 1886]. Edward
Hertslet, The Map of Africa by Treaty, 3 vols. 3rd Edition (London: Harrison and Sons, 1909) (vol. 2, p. 653-4).
34 Kingdom of Spain, Negotiations with France to Sign a Border Treaty Between the Spanish and French
Possessions on the West Coast of Africa, 1899-1900 No. 2 Report by the Political Section in Regard to the Foregoing Royal
Order (22 November 1899), p. 7-8 (vol. IV, annexe 53).
35 Ibid., p. 5.
36 Commission franco-espagnole, conférence sur la délimitation de l’Afrique de l’Ouest, archives du ministère
français des affaires étrangères, annexe au protocole no 17 (24 décembre 1886) [extrait], p. 2 (vol. III, annexe 11).
37 Commission franco-espagnole, conférence sur la délimitation de l’Afrique de l’Ouest, archives du ministère
français des affaires étrangères, protocole no 30, séance du 26 septembre 1887 entre le Royaume d’Espagne et la
République française [extrait], p. 13 (vol. III, annexe 3).
38 Kingdom of Spain, Negotiations with France to Sign a Border Treaty Between the Spanish and French
Possessions on the West Coast of Africa, 1899-1900 No. 2 Report by the Political Section in Regard to the Foregoing Royal
Order (22 November 1899), p. 11 (vol. IV, annexe 53). Rien n’indique que les membres de la commission mixte se soient
jamais rendus sur le territoire de Guinée qui faisait l’objet de leurs tractations, ni qu’ils aient eu connaissance de la situation
précise sur le terrain.
- 28 -
3.13. Les pourparlers visant à régler le différend reprirent en 1900. L’Espagne et la France
avaient entre-temps échangé, dans les années 1890, des documents supplémentaires et courriers
confirmant qu’elles s’entendaient sur le fait que l’Espagne détenait le titre juridique sur l’île Corisco
et l’île Mbanié, en tant que dépendance de celle-ci. En novembre 1895, l’Espagne reçut des
informations indiquant que la France pourrait envisager d’occuper Mbanié. Le gouverneur général
espagnol de Fernando Póo écrivit alors au ministre des possessions d’outre-mer à Madrid que
l’Espagne serait pleinement en droit de s’opposer à toute occupation française de Mbanié, puisque
l’île était « possession espagnole depuis des temps immémoriaux ». Il indiquait en outre qu’il était
entendu que Mbanié ne faisait pas partie des territoires en litige entre la France et l’Espagne39. Le
gouverneur général espagnol se rendit ensuite dans la zone pour empêcher les Français de « poser le
pied » sur Mbanié et défendre le titre de l’Espagne sur l’île40.
Figure 3.2
Positions respectives de l’Espagne et de la France avant 1900
Légende :
German Kamerun = Cameroun allemand
French-German Protocol of 24 December 1885 = Accord franco-allemand du 24 décembre 1885
Overlapping Spanish and French claimes = Zone de chevauchement entre les revendications
espagnole et française
French Congo = Congo français
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Campo River = Campo
Kie River = Kyé
Muni River = Muni
Munda = Mondah
Utamboni River = Outemboni
39 Kingdom of Spain, Letter No. 367 from the Governor-General of Fernando Póo to the Minister of Overseas
Possessions (2[1] November 1895), p. 3 (vol. IV, annexe 49).
40 Kingdom of Spain, Ministry of Overseas, Visit from the Governor-General of Elobey (1897) (vol. IV, annexe 52).
- 29 -
Cape Santa Clara = Cap Santa Clara
Gabon River = Gabon
3.14. Le gouverneur général espagnol envoya également une lettre au commissaire général du
Congo français en protestant contre certains comportements adoptés par des Français dans la baie de
Corisco. Au sujet de Mbanié, il écrivit ce qui suit :
« En outre, les pêcheurs de Corisco m’ont signalé que, alors qu’ils se trouvaient
sur l’îlot Embagna [Mbanié], situé à 6 milles au sud-est de l’île Corisco, pour y exercer
leur activité de pêche, un agent français leur a ordonné de quitter les lieux au motif que
la France projetait d’y établir un nouveau poste. Étant donné que Corisco appartient à
l’Espagne, Embagna [Mbanié] est une dépendance rattachée à elle. De plus, bien qu’il
ne puisse être établi de façon concluante que les habitants de Corisco résident à titre
permanent dans cette zone, on ne saurait contester que l’utilisation qu’ils en ont fait
depuis des temps immémoriaux équivaut à un droit de possession. L’’Espagne ne peut
renoncer à un tel droit, et moins encore consentir à ce qu’il soit supplanté par
l’occupation d’un agent français, ce qui constituerait une violation du statu quo. »41
3.15. Il importe de relever que le commissaire général français ne tenta pas de réfuter ou de
contester les affirmations par lesquelles le gouverneur général espagnol faisait valoir le titre de
l’Espagne sur Mbanié. Dans la réponse qu’il adressa le 4 février 1896, il se contenta de démentir les
informations concernant un supposé projet d’occupation française, déclarant que « [l]es informations
que [la lettre] mention[nait] au sujet de l’établissement d’un poste sur un îlot situé à 6 milles au
sud-est de Corisco [étaient] dénuées de fondement »42.
3.16. En outre, des cartes françaises de référence datant de cette période viennent elles aussi
confirmer que les puissances coloniales s’accordaient sur le fait que Mbanié appartenait à
l’Espagne43. D’après une carte tirée de l’Atlas des Colonies françaises de 1899, dont la partie
pertinente est représentée à la figure 3.3 ci-après, Corisco et « Baynia [Mbanié] » sont des territoires
espagnols, la mention « (E) » signifiant « Espagne »44. Une autre carte française de 1900 fait
apparaître l’île Corisco et la baie de Corisco comme une seule entité appartenant à l’Espagne45.
3.17. Ainsi, durant la période antérieure à la convention franco-espagnole de 1900, l’Espagne
et la France considéraient l’une et l’autre que la première détenait le titre juridique sur les
dépendances de Corisco en ce qu’elle les occupait et les possédait de fait « depuis des temps
immémoriaux ». Les deux États convenaient que l’îlot Mbanié était une dépendance de Corisco. Le
seul titre contesté entre l’Espagne et la France concernait le territoire continental, et non les îles.
41 Letter No. 368 from the Spanish Governor-General of Fernando Póo to the General Commissioner of the French
Congo (22 November 1895), p. 1-2 (vol. IV, annexe 50).
42 Lettre no 203 en date du 4 février 1896 adressée au gouverneur général espagnol de Fernando de Póo et ses
dépendances par le commissaire général du Gouvernement français au Congo français, , p. 1 (vol. IV, annexe 51).
43 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 583, par. 56 (où il est
souligné que les cartes fournissent des « preuves à caractère auxiliaire ou confirmatif »).
44 Figure 3.3 (Atlas des colonies françaises, carte du Congo (1899)).
45 Atlas Larousse, colonies d’Afrique, 1900 (vol. II, annexe M1).
- 30 -
Figure 3.3
Carte d’origine française représentant les dépendances de Corisco comme étant espagnoles (1899)
Source : Atlas des colonies françaises, 1899. Extrait de carte, annotations ajoutées.
- 31 -
II. LA CONVENTION DE 1900 ET LES TITRES JURIDIQUES RECONNUS
JUSQU’À LA FIN DE LA PÉRIODE COLONIALE
3.18. En novembre 1899, l’Espagne proposa de renouer les négociations avec la France
concernant les territoires africains des deux États. La France accepta la proposition en mars 190046.
3.19. Trois mois plus tard, le 27 juin 1900, des représentants espagnols et français signèrent la
convention de 1900, qui entra en vigueur le 27 mars 190147. La convention de 1900 reconnaissait le
titre détenu de longue date par l’Espagne sur l’île Corisco et les îles Elobey48. Bien que cet instrument
ne mentionnât pas expressément les dépendances de Corisco, sa signature ne modifia pas la situation
juridique de celles-ci, pas plus que celle des îles espagnoles Fernando Póo, Annobón et Corisco.
L’Espagne et la France continuèrent de manifester, par leur comportement ultérieur, leur entente sur
le fait que le titre de l’Espagne sur Corisco conférait également à cette dernière la souveraineté sur
ces dépendances. S’agissant du territoire continental, la convention de 1900 réglait le différend entre
les deux puissances coloniales sur la côte occidentale de l’Afrique en prévoyant la délimitation de
leur frontière terrestre commune, comme il est exposé plus en détail ci-après. L’article IV de la
convention prévoyait que le tracé de la frontière terrestre entre le territoire espagnol du Río Muni et
le Congo français suivait le thalweg du fleuve Muni et celui de la rivière Outemboni près de la côte,
puis le parallèle de 1 degré de latitude nord (ci-après le « 1er parallèle nord ») avant de bifurquer vers
le nord pour suivre le méridien de 9 degrés de longitude est de Paris (ci-après le « 9e méridien est de
Paris ») jusqu’à la frontière avec le Cameroun allemand. Il était prévu, à l’article VIII et à l’annexe I
de la convention, que la démarcation exacte de la frontière serait effectuée par les commissaires ou
délégués locaux des deux États, lesquels seraient autorisés à en modifier le tracé pour prendre en
considération les formations naturelles et les lieux d’implantation humaine.
A. Mentions des dépendances de Corisco dans les archives
historiques de la période comprise entre 1900 et 1960
3.20. Bien qu’étant des formations maritimes de très petite taille, les dépendances de Corisco
sont assez souvent mentionnées dans les archives historiques postérieures à 1900. En 1907, l’ancien
commissaire royal des possessions espagnoles d’Afrique occidentale constata, lors d’une visite dans
la baie de Corisco, que l’île Mbanié était « habitée par une famille dont le chef [était] investi d’un
pouvoir de représentation des autorités espagnoles »49.
3.21. En 1908, des lettres et des câbles ayant trait aux dépendances de Corisco furent
échangées entre le ministre d’État espagnol à Madrid, le gouverneur général de la Guinée espagnole
et le vice-gouverneur d’Elobey et ses dépendances. Le ministre d’État demanda que les autorités
locales de la Guinée espagnole vérifient la véracité de rumeurs concernant une possible occupation
française de l’île Mbanié. Le gouverneur et le vice-gouverneur conclurent l’un et l’autre que les
46 Voir Kingdom of Spain, Negotiations with France to Sign a Border Treaty Between the Spanish and French
Possessions on the West Coast of Africa, 1899-1900 No. 2 Report by the Political Section in Regard to the Foregoing Royal
Order (22 November 1899), p. 14-15, Ambassador of France to the President of Council of Ministers, 24 January 1900
(vol. IV, annexe 53) ; ibid., p. 15-16, President of Council of Ministers to Ambassador of France, 29 January 1900 (vol. IV,
annexe 53). Les deux États convinrent que les négociations se dérouleraient à Paris. Ibid., p. 17, Ambassador of France to
the President of Council of Ministers, 2 February 1900 (vol. IV, annexe 53).
47 Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur
la côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée conclue entre le Royaume d’Espagne et la République française (signée
le 27 juin 1900 et ratifiée le 27 mars 1901) (vol. III, annexe 4).
48 Ibid., art. 7.
49 D. Saavedra y Magdalena, Spain in West Africa (Rio de Oro and Guinea) (1910), p. 4 (vol. VII, annexe 222).
- 32 -
rumeurs étaient infondées et que la souveraineté espagnole sur cette île était « incontestable »50. Le
premier ordonna toutefois au second, par mesure de précaution, de poster des gardes espagnols sur
Mbanié et Leva :
« en ce qui concerne les îlots Mbanié et Leva à l’égard desquels notre souveraineté est
incontestable …, veillez immédiatement à ce qu’ils soient occupés et que notre glorieux
drapeau y soit hissé. À cet effet, je vous envoie par ce vapeur huit gardes, qui seront
stationnés au poste situé sur Corisco aux fins de cette occupation. Ces gardes devront
être en permanence placés en faction, individuellement ou par deux, sur chacun de ces
îlots, et relevés chaque semaine »51.
3.22. En 1911, un responsable espagnol se rendit sur l’île Corisco et d’autres territoires
espagnols de la baie du même nom. Le gouvernement général de Fernando Póo et ses dépendances
informa le ministre d’État que des agents espagnols étaient stationnés de manière permanente sur les
dépendances de Corisco. Voici ce qu’il écrivit : « Au sud-est de l’île [Corisco], on peut apercevoir
la petite île Bahia [Mbanié] où vivent deux personnes chargées de hisser le drapeau espagnol. Elles
se relayent continuellement et reçoivent un modeste salaire payé par le vice-gouverneur. »52
3.23. L’ancien gouverneur général des territoires espagnols de l’Afrique continentale fit, lui
aussi, état de ce déploiement continu d’agents espagnols sur les dépendances de Corisco, écrivant,
dans son ouvrage de 1912, que Mbanié était occupée « par un campement de la garde coloniale, dont
la mission [était] d’exercer la souveraineté [de l’Espagne] sur ce territoire »53.
3.24. Les archives historiques ne mentionnent aucun autre incident concernant Mbanié ou les
autres dépendances de Corisco jusqu’en décembre 1942, lorsque le Pierre Loti coula près de Mbanié.
Dans une communication de juin 1943 dans laquelle était évoqué le renflouage éventuel du navire,
un responsable britannique à Libreville reconnaissait que l’épave se trouvait dans le voisinage
immédiat du territoire espagnol, déclarant ce qui suit :
« [D]e l’avis des personnes se trouvant sur place (Mackenzie et Binge), à
Libreville, et comme le confirment plusieurs capitaines de remorqueurs “Empire” ayant
une grande expérience en matière de renflouage et qui ont récemment inspecté le navire,
il n’y a aucune possibilité de le renflouer et il est conseillé d’éviter de mettre en péril
d’autres bateaux présents dans ces eaux qui sont adjacentes à une colonie espagnole. »54
3.25. Dans une communication datée du 4 septembre 1954, le ministère espagnol de la Marine
conclut que le Pierre Loti se trouvait dans les eaux espagnoles en joignant un croquis qui plaçait le
navire à proximité immédiate de Mbanié. Ce croquis est reproduit dans la partie A de la figure 3.4
ci-après, et apparaît en surimpression, dans la partie B de cette même figure, sur une représentation
50 Letter from the Sub-Governor of Elobey to the Governor of Spanish Territories of the Gulf of Guinea (19 May
1908) (vol. IV, annexe 60) ; Letter of the Minister of State of the Kingdom of Spain (18 May 1908) (vol. IV, annexe 59).
51 Letter of the Minister of State of the Kingdom of Spain (18 May 1908), p. 2 (vol. IV, annexe 59).
52 Report from Spanish Official of the Kingdom of Spain to the Minister of State (18 November 1911), p. 46
(vol. IV, annexe 61).
53 L. Ramos-Izquierdo y Vivar, Geographical Description and Government, Administration and Colonization of
the Spanish Colonies of the Gulf of Guinea (1912), p. 3 (vol. VII, annexe 223).
54 The United Kingdom, Ministry of War Transport, Report on Libreville and Port Gentil (22 June 1943), p. 6
(vol. IV, annexe 80).
- 33 -
géographique exacte de ce secteur de la baie de Corisco55. L’épave du Pierre Loti n’a jamais été
repêchée et elle est, depuis, indiquée sur les cartes marines.
55 The Spanish State, Telegram No. 1001-2 from the Ministry of the Navy to the General Directorate of Morocco
and Colonies (4 September 1954) (vol. IV, annexe 82).
- 34 -
Figure 3.4
Emplacement de l’épave du Pierre Loti près de Mbanié
Source : Royaume d’Espagne, télégramme no 1001-2 en date du 4 septembre 1954 adressé à la direction générale du Maroc
et des colonies par le ministère de la Marine.
- 35 -
Légende :
A
Area surimposed on map below = Zone apparaissant en surimpression sur la carte
ci-dessous
R. Congüe = Rivière Congüe
Río Muni = Fleuve Muni
I. de Elobey Chico = Île Elobey Chico
I. de Elobey Grande = Île Elobey Grande
B
I. de Corisco = Île Corisco
Islote Hoco = Îlot Hoco
Islote Leva = Îlot Leva
5’2 millas = 5.2 milles
Corisco Bay = Baie de Corisco
Banco Laval = Banco Laval
Islote MBAÑE = Îlot Mbanié
Bancos del Este = Bancos del Este
Cocoteros = Cocotiers
* Pierre Loti
3.26. La mention suivante des dépendances de Corisco dans les archives historiques concerne
la construction d’une balise sur l’îlot Cocotiers en 1955. En 1953, le Gouvernement français demanda
à l’Espagne d’autoriser l’un de ses navires hydrographiques, le Beautemps-Beaupré, à pénétrer dans
les eaux espagnoles dans le cadre de l’étude technique qu’il réalisait dans la baie de Corisco56. En
1954, l’Espagne accorda au navire français la permission de placer des bouées et des balises sur son
territoire, à condition qu’il s’agisse d’installations temporaires et que les autorités espagnoles en
soient informées à l’avance57.
3.27. Le 17 février 1955, le gouverneur général espagnol écrivit au directeur général du Maroc
et des colonies à Madrid au sujet d’une communication qu’il avait reçue du vice-gouverneur espagnol
du district continental58. Le gouverneur général indiquait que, des membres de la population civile
locale ayant signalé que des travaux de construction étaient en cours sur l’îlot Cocotiers59, il avait
décidé de dépêcher la garde côtière coloniale afin de vérifier ces informations60.
3.28. Lorsqu’elle arriva sur place, la garde côtière coloniale espagnole constata qu’un groupe
de 11 personnes construisait, sous l’autorité de responsables du Congo français, une balise de
navigation sur l’îlot Cocotiers61. Le gouverneur général espagnol informa alors les autorités à Madrid
que la construction de cette balise n’avait pas été autorisée dans le cadre des permissions accordées
56 Letter No. 223 from the Embassy of the Republic of France to the Spanish State to the Spanish Ministry of
Foreign Affairs (7 May 1953) (vol. IV, annexe 79).
57 The Spanish State, Letter No. 87 from the Ministry of Foreign Affairs to the Department of Morocco and Colonies
(24 February 1954) (vol. IV, annexe 81) ; lettre en date du 22 mars 1955 adressée au haut-commissaire à l’Afrique
équatoriale française par le gouverneur général des territoires espagnols du golfe de Guinée, par. 1 (vol. IV, annexe 93).
58 État espagnol, lettre no 20-R en date du 17 février 1955 adressée au directeur général du Maroc et des colonies
par le gouverneur général de Santa Isabel (vol. IV, annexe 83).
59 Ibid.
60 Ibid.
61 Ibid.
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au Beautemps-Beaupré en 1954. Dans un télégramme, en date du 19 février 1955, adressé au
directeur général du Maroc et des colonies à Madrid, le gouverneur général espagnol écrivait ceci :
« [N]ous considérons que des travaux sont actuellement réalisés sur un territoire
relevant de la juridiction espagnole, et j’ordonne donc que l’administrateur de Puerto
Iradier[62] rencontre l’administrateur français de Coco-Beach[63] pour lui demander
d’expliquer pourquoi il n’a pas été demandé d’autorisation à cet égard en temps
opportun. »64
3.29. Dans une lettre ultérieure, datée du 22 février 1955, le gouverneur général espagnol
informa le directeur général à Madrid que l’administrateur territorial espagnol avait, conformément
aux instructions qui lui avaient été données, rencontré le chef du district français à Coco-Beach pour
discuter de la question. Ce dernier avait, selon le gouverneur général, indiqué qu’il n’avait pas
connaissance de ces travaux, qui étaient réalisés par les autorités navales de Brazzaville65. Dans un
télégramme codé du 26 février 1955, le directeur général espagnol du Maroc et des colonies autorisa
l’envoi de forces espagnoles à Mbanié66. Le 28 février, des soldats de la garde coloniale espagnole
acheminés par la canonnière Canovas del Castillo débarquaient sur l’île « sans incident »67.
3.30. Par la suite, le 8 mars 1955, le directeur général du Maroc et des colonies ordonna au
gouverneur général espagnol de prendre des mesures pour suspendre la construction par la France
d’une balise sur l’îlot Cocotiers68. La raison de cette décision était que les travaux semblaient
outrepasser l’autorisation donnée précédemment aux Français, et que, en ordonnant leur suspension,
l’Espagne affirmerait très clairement son titre sur Mbanié et Cocotiers69. Le 12 mars, le gouverneur
général espagnol fit savoir qu’il avait ordonné à l’administrateur territorial français de suspendre les
travaux, et que celui-ci s’était rendu en personne sur l’îlot Cocotiers pour informer le chef de l’équipe
française chargée des travaux qu’il devait y être mis fin et que l’île devait être évacuée. Ce dernier
informa l’administrateur territorial français qu’il venait de recevoir des instructions de ses supérieurs
suivant lesquelles un remorqueur français arriverait le 14 mars pour procéder à l’évacuation des
ouvriers et du matériel70.
62 Puerto Iradier, aujourd’hui dénommée Cogo, était une ville portuaire du Río Muni, située à l’embouchure du
fleuve Muni, où était établie l’administration coloniale espagnole.
63 Cocobeach est une ville située au nord-ouest du Gabon sur la rive méridionale de l’embouchure du fleuve Muni ;
Cocobeach était également le nom d’un district administratif sous le régime colonial français.
64 The Spanish State, Telegram No. 3 from the Governor of Spanish Territories of the Gulf of Guinea to the General
Directorate of Morocco and Colonies (19 February 1955), p. 2 (vol. IV, annexe 84).
65 The Spanish State, Letter from the Governor of Spanish Territories of the Gulf of Guinea to the General
Directorate of Morocco and Colonies (22 February 1955) (vol. IV, annexe 85).
66 The Spanish State, Telegram No. 8 from the Department of Morocco and Colonies to the Ministry of Foreign
Affairs (26 February 1955) (vol. IV, annexe 86).
67 The Spanish State, Telegram No. 6 from the Governor of Spanish Territories of the Gulf of Guinea to the General
Directorate of Morocco and Colonies (28 February 1955) (vol. IV, annexe 87).
68 The Spanish State, Telegram No. [ ]11 from the General Directorate of Morocco and Colonies to the Governor
of Spanish Territories of the Gulf of Guinea (8 March 1955) (vol. IV, annexe 88).
69 État espagnol, mémorandum no 436 en date du 10 mars 1955 adressé au département du Maroc et des colonies
(« la mesure de suspension des travaux est celle qui … est considérée comme la plus propice à renforcer la position de
l’Espagne s’agissant de l’affirmation de sa souveraineté sur l’îlot Mbanié susmentionné et les bancs de sable situés à l’est
de celui-ci » (vol. IV, annexe 90).
70 État espagnol, télégramme no 7 en date du 12 mars 1955 adressé au directeur général du Maroc et des colonies
par le gouverneur général des territoires espagnols du golfe de Guinée (vol. IV, annexe 91).
- 37 -
3.31. Le même jour, le haut-commissaire à l’Afrique équatoriale française adressa une lettre
au gouverneur général espagnol dans laquelle il indiquait qu’il croyait savoir que le commandant de
la canonnière espagnole Canovas del Castillo, ayant été informé des travaux, n’avait soulevé aucune
objection71, et demandait en conséquence que l’autorisation soit donnée de les poursuivre72. En
réponse, le gouverneur général réaffirma la souveraineté de l’Espagne sur Mbanié et Cocotiers,
précisant que les travaux étaient interrompus au motif qu’ils dépassaient le cadre de l’autorisation
initialement accordée, et que l’Espagne serait disposée à ce que la construction de la balise sur
Cocotiers soit terminée sous son autorité73. Le 17 mars 1955, l’administrateur territorial espagnol fit
savoir que l’ordre d’évacuer les ouvriers français de Cocotiers avait été exécuté74.
3.32. Une lettre du 6 mai 1955 adressée au ministre de la France d’Outre-mer par le ministre
français des affaires étrangères, établit clairement que la France reconnaissait le titre de l’Espagne
sur les dépendances de Corisco et n’avait pas de prétentions concurrentes sur celles-ci. Dans ce
courrier, le ministre des affaires étrangères admettait
« que l’îlot « Cocotier » [devait] être considéré comme suivant le sort de l’île Baynia
dont il [était] une dépendance géographique … [q]ue l’île Baynia [avait] été à plusieurs
reprises, au cours des cinquante dernières années, occupée par les Espagnols sans
protestation ou sans occupation alternée de [la] part [de la France],
[q]ue l’île Baynia [Mbanié] se trou[vait] située à l’intérieur des six milles marins
formant la limite des eaux territoriales espagnoles. … [et que] la situation de l’îlot à
l’intérieur des eaux territoriales de Corisco … pla[çait] [la France] dans une position
juridique de base désavantageuse »75.
3.33. Il ressort de documents ultérieurs que la balise fut finalement bâtie sur Cocotiers et
utilisée par le navire hydrographique français dans le cadre du levé qu’il réalisa de la zone en 1955,
le tout avec l’autorisation de l’Espagne. Plusieurs cartes de navigation montrent l’emplacement de la
balise, ou de ses vestiges, sur Cocotiers. Une carte de la baie de Corisco publiée en 1960 par le service
hydrographique français mentionne en référence des levés réalisés en 1955 et 1957 par les ingénieurs
du Beautemps-Beaupré76. Un article de 1958 paru dans un journal hydrographique français indique
les coordonnées de la balise bâtie sur Cocotiers et précise que cet îlot est espagnol77.
3.34. La législation de l’Espagne relative à ses territoires confirme elle aussi le titre juridique
de cet État à l’égard des dépendances de Corisco. Un projet de loi de 1958 sur la réorganisation des
territoires espagnols prévoyait que la province de Guinée « compren[drait] le territoire continental
du même nom, les îles Fernando Póo, Corisco, Elobey Grande, Elobey Chico et Annobón, ainsi que
71 Lettre en date du 14 mars 1955 adressée au gouverneur général des territoires espagnols du golfe de Guinée par
le haut-commissaire à l’Afrique équatoriale française (vol. IV, annexe 92).
72 Ibid.
73 Lettre en date du 22 mars 1955 adressée au haut-commissaire à l’Afrique équatoriale française par le gouverneur
général des territoires espagnols du golfe de Guinée (vol. IV, annexe 93).
74 The Spanish State, Letter from the Governor-General of the Spanish Territories of the Gulf of Guinea to the
General Directorate of Morocco and Colonies (17 March 1955) (vol. IV, annexe 89).
75 République française, lettre en date du 6 mai 1955 adressée au ministre de la France d’Outre-mer par le ministre
des affaires étrangères, p. 2-3 (vol. IV, annexe 94).
76 Service hydrographique de la Marine, carte marine no 6183, 1960 (vol. 2, annexe M2).
77 République française, service hydrographique de la Marine, Feux et signaux de brume, Manche [et]
océan Atlantique Est, no 212C (12 avril 1958), p. 294 (vol. V, annexe 132).
- 38 -
l’îlot Mbanié »78. Dans une version ultérieure de ce projet de loi, l’expression « l’îlot Mbanié » fut
remplacée par la mention « îlots adjacents »79. Cette modification garantissait que, outre Mbanié, les
îlots Cocotiers et Conga seraient compris dans la province. L’année suivante, le 12 mars 1959, le
chef d’État espagnol publia un décret réorganisant les districts de la Guinée espagnole. Celui de Río
Benito comprenait « le littoral de la Guinée continentale de l’embouchure du Tubana à la frontière
méridionale du territoire, ainsi que l’île Corisco, les îles Elobey et les îlots adjacents »80. Selon
d’autres États, l’expression « îlots adjacents » comprenait les dépendances de Corisco. Le
Royaume-Uni, par exemple, considérait que les « îlots adjacents » mentionnés dans la dernière
version du projet de loi englobaient Mbanié81.
3.35. Le 15 juin 1959, l’Espagne publia un arrêté ouvrant la concession de blocs d’exploration
et d’exploitation d’hydrocarbures sur son territoire, notamment dans le golfe de Guinée. L’un de ces
blocs couvrait « Elobey et Corisco, ainsi que leurs eaux juridictionnelles »82. En novembre de la
même année, l’Espagne accorda, sur la base de cet arrêté, une concession pétrolière et gazière à la
Spanish Gulf Oil Company et à la Compañía Española de Petróleos S.A.U. (ci-après la « CEPSA »)83.
Une carte établie en 1960 par la Spanish Gulf Oil Company et reproduite à la figure 3.5 ci-après,
représente Corisco, Mbanié et Conga comme des îles espagnoles, et fait apparaître ce qui semble être
la frontière maritime avec le Gabon suivant une ligne d’équidistance tracée à partir de points de base
espagnols placés sur ces îles84. Ni la France, avant 1960, ni le Gabon, après son accession à
l’indépendance, n’ont protesté contre cette concession.
B. Les documents historiques relatifs au titre juridique sur
le territoire continental après la convention de 1900
3.36. La convention de 1900 permit de régler les revendications territoriales de l’Espagne et
de la France le long de la côte occidentale de l’Afrique en délimitant les territoires voisins des deux
États en Afrique saharienne et subsaharienne. L’article IV de la convention de 1900, qui est pertinent
aux fins du différend porté devant la Cour, décrivait le tracé convenu de la frontière entre le territoire
espagnol du Río Muni et le territoire français voisin. Ainsi, la ligne commençait dans la baie de
Corisco, au point d’intersection du thalweg du fleuve Muni avec une ligne droite tirée de la pointe
Coco beach à la pointe Diéké. Elle remontait ensuite le thalweg du fleuve Muni vers l’est, puis celui
de la rivière Outemboni jusqu’à ce que celle-ci coupe pour la première fois le 1er parallèle nord, et
suivait ensuite ce parallèle vers l’est jusqu’au 9e méridien est de Paris. La ligne s’infléchissait alors
vers le nord et suivait ledit méridien jusqu’à rencontrer la frontière méridionale de ce qui était à
78 The Spanish State, Bill on Terms for Reorganization of the Spanish Territories of Guinea (4 March 1958) (vol. V,
annexe 131) ; The Spanish State, File D 474 Secret Document from the General Directorate of Morocco and African
Provinces to the Governor General of Santa Isabel (7 June 1958) (vol. IV, annexe 95).
79 The Spanish State, Bill of Terms for Administration and Governance of the Provinces of Guinea (22 June 1958),
Term Four (vol. V, annexe 133).
80 État espagnol, Journal officiel de la marine, (no 65), décrets 72-73 (12 mars 1959) (vol. V, annexe 134).
81 Royaume-Uni, lettre no 10132/14 en date du 4 août 1959 adressée à l’ambassade du Royaume-Uni auprès de
l’État espagnol par le ministère des affaires étrangères, p. 1 (« la Province de Rio Muni comprendra les territoires de la
Guinée continentale, ainsi que les îles Corisco, Elobey Grande, Elobey Chico et Mbañe ») (vol. IV, annexe 96).
82 The Spanish State, Decree 977/1959, of June 12, Approving the Regulation for Application of the Law on the
Legal Regime for the Exploration and Exploitation of Hydrocarbons (12 June 1959), p. 26 (vol. V, annexe 135).
83 H. D. Hedberg, “Summary of Wildcat Drilling in 1959” Petroleum Developments in Africa (1959) (vol. VII,
annexe 227).
84 Figure 3.5 (Spanish Gulf Oil Co., Map Showing the Zone of Interest Near the Boundary between Spanish Guinea
and Gabon (1961)). Circular No. 142 from the Ministry of Foreign Affairs of the State of Spain to the Ambassadors of the
Spanish State to the Republic of Equatorial Guinea, to The Gabonese Republic, to The Ethiopian Empire, The French
Republic, and the Permanent Representative at the United Nations (19 September 1972) (vol. VI, annexe 163).
- 39 -
l’époque la colonie allemande de Cameroun. Le tracé de cette frontière est illustré à l’annexe III de
la convention de 1900, reproduite à la figure 3.6 ci-après85.
3.37. À l’époque de la mise en oeuvre de la convention de 1900, l’Espagne et la France
n’avaient qu’une connaissance limitée de la géographie de la région qu’elles convenaient de se
partager. Cela ressort de la carte figurant sous l’annexe III de la convention de 1900, reproduite en
tant que figure 3.6 ci-après, qui révèle l’absence d’informations précises concernant l’arrière-pays,
largement inexploré, s’étendant à l’est. Si les puissances coloniales connaissaient bien le cours du
fleuve Muni et de la rivière Outemboni dans la zone côtière, elles étaient cependant moins au fait du
cheminement de ces cours d’eau à l’intérieur des terres. C’est la raison pour laquelle il était précisé
à l’annexe I de la convention que les cartes annexées à la convention ne fournissaient pas une
représentation « absolue [et] correcte » des lignes de démarcation, et qu’il serait nécessaire de réaliser
de nouveaux levés sur le terrain :
« Bien que le tracé des lignes de démarcation sur les cartes annexées à la présente
Convention (annexes numéros 2 et 3) soit supposé être généralement exact, il ne peut
être considéré comme une représentation absolue, correcte de ces lignes, jusqu’à ce qu’il
ait été confirmé par de nouveaux levés. »86
85 Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur
la côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée conclue entre le Royaume d’Espagne et la République française (signée
le 27 juin 1900 et ratifiée le 27 mars 1901), dont l’article VIII dispose que « [l]es frontières déterminées par
la … Convention sont inscrites sous les réserves formulées dans l’annexe numéro 1 à la … Convention, sur les cartes
ci-jointes (annexes numéros 2 et 3) » (vol. III, annexe 4). Ces annexes fournissent la seule représentation cartographique
de la frontière décrite à l’article IV qui soit comprise dans la convention de 1900 elle-même.
86 Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur
la côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée conclue entre le Royaume d’Espagne et la République française (signée
le 27 juin 1900 et ratifiée le 27 mars 1901), annexe I (vol. III, annexe 4).
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Figure 3.5
Carte de la Spanish Gulf Oil Company représentant les dépendances
de Corisco comme des territoires espagnols (1960)
Source : Spanish Gulf Oil Co., carte représentant la zone d’intérêt située à proximité de la frontière entre la Guinée
espagnole et le Gabon (1960). Annotations ajoutées.
Légende :
Area enlarged = Zone représentée dans l’encadré ci-dessus
Median line = Ligne médiane
- 41 -
Figure 3.6
Annexe 3 de la convention de 1900
Source : Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur la
côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée conclue entre le Royaume d’Espagne et la République française (signée le
27 juin 1900 et ratifiée le 27 mars 1901).
3.38. Afin de permettre et de faciliter les corrections qui pourraient devoir être apportées aux
lignes de délimitation, la convention prévoyait un processus simple de modification des lignes
décrites à l’article IV, fondé sur les travaux de commissaires ou délégués locaux. À cet égard,
l’annexe I se lisait comme suit :
« Il est donc convenu que les Commissaires ou Délégués locaux des deux Pays
qui seront chargés, par la suite, de délimiter tout ou partie des frontières sur le terrain,
devront se baser sur la description des frontières telle qu’elle est formulée dans la
Convention. Il leur sera loisible, en même temps, de modifier les dites lignes de
- 42 -
démarcation en vue de les déterminer avec une plus grande exactitude et de rectifier la
position des lignes de partage des chemins ou rivières, ainsi que des villes ou villages
indiqués dans les cartes susmentionnées. »87
3.39. L’annexe I indiquait en outre que « [l]es changements ou corrections proposés d’un
commun accord par les dits Commissaires ou Délégués se[raient] soumis à l’approbation des
Gouvernements respectifs »88.
3.40. Aux termes de l’article VIII de la convention, les parties convenaient de désigner des
commissaires chargés de délimiter la frontière sur le terrain et de proposer des modifications, comme
le prévoyait l’annexe I :
« Les deux Gouvernements s’engagent à désigner, dans le délai de quatre mois à
compter de la date de l’échange des ratifications, des Commissaires qui seront chargés
de tracer sur les lieux les lignes de démarcation entre les possessions espagnoles et
françaises, en conformité et suivant l’esprit des dispositions de la présente
Convention. »89
3.41. Par cette disposition, la France et l’Espagne soumettaient les lignes droites décrites à
l’article IV et tracées sur la carte figurant à l’annexe III aux réserves et corrections prévues à
l’annexe I. Elles convenaient en outre de désigner, dans un délai de quatre mois à compter de la date
de l’échange des ratifications, leurs commissaires respectifs qui seraient chargés de tracer, en tenant
compte de « l’esprit » de la convention, les lignes de démarcation sur le terrain et de faire des
propositions quant à la manière dont il convenait de modifier la frontière décrite à l’article IV.
3.42. Conformément à ces engagements, l’Espagne et la France entreprirent, peu après la
ratification, de délimiter sur le terrain la frontière entre la Guinée espagnole et les territoires français
en désignant les membres d’une commission binationale appelée commission franco-espagnole de
délimitation (ci-après la « commission de 1901 »).
3.43. La commission de 1901 était présidée par Albert Bonnel de Mézières, côté français, et
Eladio Lopez Vilches, côté espagnol. Par lettre datée du 19 juin 1901, le ministre français des
colonies indiqua à Albert Bonnel de Mézières que les commissaires étaient « chargé[s] de procéder
à une délimitation des possessions franco-espagnoles du golfe de Guinée, en exécution de la
Convention du 27 Juin 1900 »90. Les membres de la commission de 1901 comprenaient que le
mandat qui leur était confié au titre de l’annexe I de la convention de 1901 consistait à proposer une
frontière qui soit, selon eux, « la plus conforme à l’esprit de la convention »91.
87 Ibid., annexe 1 (vol. III, annexe 4).
88 Ibid., annexe 1 (vol. III, annexe 4).
89 Ibid., article 8 (vol. III, annexe 4).
90 Lettre en date du 19 juin 1901 adressée à l’administrateur de la commission franco-espagnole de délimitation par
le ministre français des colonies, p. 1 (vol. IV, annexe 55).
91 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, projet de frontière (frontière méridionale)
(1er janvier 1902), p. 1 (vol. III, annexe 14).
- 43 -
3.44. Conformément à ce mandat, la commission présenta, en 1903, une proposition finale de
tracé complet de la frontière qui suivait des formations naturelles et constructions, représenté sur
deux cartes, dont l’extrait pertinent est reproduit sous la figure 3.7 ci-après.
3.45. La commission de 1901 commença ses travaux le 2 août 1901, en déterminant
l’emplacement du thalweg à l’embouchure du fleuve Muni sur la côte atlantique, conformément à
l’article IV de la convention de 1900. Partant de cette embouchure, les commissaires se dirigèrent
ensuite vers l’est et l’intérieur des terres en longeant la limite méridionale du territoire espagnol du
Río Muni et la limite septentrionale du Congo français92. Une première modification importante fut
proposée, consistant à ce que la frontière suive ensuite les rivières Outemboni et Mitombé, et non le
1er parallèle nord visé à l’article IV de la convention de 1900 :
« Les Commissaires proposent d’adopter comme frontière naturelle la ligne des
eaux qui passe à égale distance des terres françaises et espagnoles.
La frontière suivra de même, dans la rivière Utemboni (Outemboni) la ligne
située à égale distance des rives, jusqu’au confluent de la rivière Mitombé, en laissant à
la France l’île de Yingué (D’Jimbué).
À partir du confluent de la rivière Mitombé, la frontière naturelle remonterait la
ligne moyenne de cette rivière (définie comme ci-dessus) jusqu’à sa source. »93
92 Itinéraire suivi par la commission de délimitation du golfe de Guinée (1901), p. 2 (vol. III, annexe 12).
93 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, projet de frontière (frontière méridionale)
(1er janvier 1902), p. 2-3 (vol. III, annexe 14).
- 44 -
Figure 3.7
Frontière proposée par la commission de 1901
Source : Carte de la frontière entre le Congo français et la Guinée espagnole par la commission franco-espagnole de
délimitation, 1903 (extrait).
3.46. La décision de la commission de 1901 de suivre le cours des rivières Outemboni,
Mitombé et Miang, plutôt que le 1er parallèle nord, fut l’une des nombreuses modifications apportées
à la frontière décrite à l’article IV de la convention94, et s’inscrivait dans sa volonté d’établir une
délimitation conforme à l’esprit de la convention. La rivière Outemboni, expressément mentionnée
dans la convention de 1900, est, dans sa partie pertinente, à peu près parallèle à la ligne de 1 degré
nord, qu’elle traverse à deux reprises. La proposition tendant à ce que la frontière continue de suivre
l’Outemboni, offrant ainsi aux deux parties l’accès à cette importante voie de transport et de
communication, était dans l’intérêt de chacune d’elles et reflétait la pratique courante en matière de
délimitation des frontières coloniales en Afrique. Pour la même raison, la commission recommanda
que la frontière suive le Mitombé affluent de l’Outemboni qui coule à proximité du 1er parallèle
nord selon une orientation générale est-ouest et coupe celui-ci à environ 10 kilomètres de son point
de confluence avec l’Outemboni. Le segment de frontière situé dans la zone de l’Outemboni, tel que
proposé par la commission dans son rapport, est représenté sur une carte illustrant la géographie
exacte, à la figure 3.8 ci-après.
3.47. Dans le cadre de ses travaux, la commission de 1901 affecta la « nationalité » espagnole
ou française à un certain nombre de villages situés dans la zone de l’Outemboni . Elle attribua ainsi
à l’Espagne les villages d’Assang et de Mandung sur les rives droites (nord) des rivières Outemboni
et Mitombé, ainsi que ceux d’Anguma, d’Ebé et de Mebé plus à l’est, et à la France, les villages de
94 La commission de 1901 choisit également d’utiliser comme point terminal de la frontière terrestre le milieu de
la ligne droite tracée entre Coco beach et pointe Diéké plutôt que le point d’intersection de cette ligne droite avec le thalweg
du fleuve Muni.
- 45 -
Mitombé sur la rive gauche (sud) de la rivière du même nom, ainsi que le village de Masilé situé à
l’est de Mitombé95. Quoique non expressément cités, les villages de Kangañe, d’Asobla et d’Umvan,
également situés au nord de l’Outemboni, relevaient du territoire espagnol dans la proposition de la
commission. De même, les villages de M’Beto et d’Ekododo, situés au sud de l’Outemboni, bien que
n’ayant pas été expressément attribués à la France, furent placés sous souveraineté française par
l’effet de la frontière proposée. Ces villages sont indiqués sur la figure 3.8 ci-après.
3.48. Poursuivant vers l’est, la commission de 1901 continua de démarquer la frontière en
utilisant les cours d’eau, montagnes, sentiers et villages. Elle indiqua ainsi :
« Dans ce projet de frontière, les Commissaires se sont servis des cours d’eau
comme accidents naturels du sol, de préférence aux montagnes … Lorsqu’il n’y a pas
eu de cours d’eau, la Commission s’est servie des sentiers indigènes qui, reliant entre
eux les villages, présentent également un caractère de permanence et de notoriété parmi
les habitants. »96
3.49. De fait, la délimitation tracée par la commission suivait en grande partie les cours d’eau
dès lors que ceux-ci apparaissaient se trouver à proximité du 1er parallèle nord et s’écouler selon une
orientation générale est-ouest.
3.50. Lorsque la commission de 1901 atteint ce qu’elle pensait être l’angle sud-est du fleuve
Muni, à ce qu’elle prenait pour le point d’intersection entre le 9e méridien est de Paris et le
1er parallèle nord, elle bifurqua vers le nord et suivit ce qu’elle croyait être le méridien jusqu’à la
limite septentrionale du Río Muni espagnol avec le Cameroun allemand. La commission modifia là
encore la frontière décrite dans la convention de 1900 de sorte que son tracé respecte les formations
naturelles et éléments d’origine humaine, au lieu de suivre strictement une ligne droite. Comme elle
l’avait fait pour la frontière méridionale, la commission privilégia les cours d’eau pour définir la
frontière orientale.
95 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, tableau des villages reconnus par la
commission de délimitation de la Guinée espagnole avec les noms des chefs, des tribus et la nationalité d’après le projet de
frontière (frontière méridionale) (2 janvier 1902) (vol. III, annexe 15).
96 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, projet de frontière (frontière orientale)
(1er janvier 1902), p. 9-10 (vol. III, annexe 13).
- 46 -
Figure 3.8
Frontière proposée par la commission de 1901 (zone de l’Outemboni)
Légende :
Spanish towns = Localités espagnoles
French towns = Localités françaises
1901 Commission’s proposed boundary (approximate) = Frontière proposée par la commission de 1901
(approximation)
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
Yingué Island = Île de Yingué
3.51. Cependant, malgré tous les efforts déployés, les travaux de la commission étaient en
partie inexacts sur le plan géographique, ce qui rendait inopportunes certaines des propositions de
modification. En 1907, la France et l’Espagne estimèrent l’une et l’autre que la commission, ayant
bifurqué vers l’est à partir de la rivière Outemboni, puis vers le nord, longeant ce qu’elle croyait être
le 9e méridien est de Paris visé à l’article IV de la convention de 1900, avait, en substance, fait fausse
route, et s’était involontairement éloignée du méridien97. Les conclusions des commissaires étaient
97 Voir République française, lettre en date du 1er décembre 190[6] adressée au ministère des affaires étrangères
par le ministère des colonies (où il est question d’une erreur de démarcation de 50 kilomètres) (vol. IV, annexe 55bis) ;
Royaume d’Espagne, lettre du ministère d’État au sujet de la délimitation du Congo et de la Guinée équatoriale (20 avril
1907) (où sont constatées des différences considérables dans les travaux de démarcation effectués jusqu’alors et où il est
dit que les commissions allemande et française ont opéré une déviation vers l’ouest par rapport au 9e méridien est de Paris)
(vol. IV, annexe 58) ; Royaume d’Espagne, lettre en date du 20 avril 1907 de la section coloniale du ministère d’État
(mentionnant des incohérences observées lors des expéditions de délimitation et indiquant que les cartes d’Enrique Almonte
(utilisées par les Espagnols) furent écartées car elles n’étaient établies par aucune observation astronomique et contenaient
des masses terrestres qui s’étaient révélées être « $pure invention ») (vol. IV, annexe 56).
- 47 -
donc de plus en plus inexactes (par rapport aux conditions posées par la convention de 1900) à mesure
que ceux-ci se dirigeaient vers le nord dans le secteur de la frontière orientale. Lorsqu’ils atteignirent
le village de Mabentem, qui, selon eux, correspondait à peu près à l’extrémité nord-est du territoire
espagnol, les commissaires se trouvaient en réalité à 80 kilomètres à l’ouest du 9e méridien est de
Paris, les formations naturelles qu’ils avaient utilisées pour déterminer la frontière n’étant pas, en
réalité, celles situées dans les environs dudit méridien. Par conséquent, ils ne rencontrèrent jamais
les cours d’eau qui s’écoulaient le long et à proximité de cette ligne, comme la rivière Kyé, qui longe
ce méridien depuis sa source, près de la ville de Mongomo, en Guinée équatoriale, jusqu’à la frontière
avec le Cameroun et au-delà.
3.52. Ni l’Espagne ni la France ne s’opposaient à ce que la commission de 1901 utilisât des
formations naturelles pour démarquer la frontière, les deux puissances coloniales acceptant, de fait,
le postulat selon lequel la frontière devrait tenir compte de la géographie naturelle et humaine de la
région, tout en suivant la direction générale indiquée dans la convention. Ce qui posait problème était
l’utilisation par la commission de formations naturelles inopportunes aboutissant à une frontière
fort éloignée de celle décrite, de manière générale, dans la convention de 1900 pour délimiter la
frontière à l’est et jusqu’au Cameroun allemand, qui marquait l’extrémité septentrionale du territoire
délimité entre la France et l’Espagne à l’époque.
3.53. Ainsi et comme il est évoqué ci-après, pour ce qui est de la partie sud-ouest, où les erreurs
étaient assez mineures, les parties acceptèrent en pratique la frontière modifiée, telle que proposée
par la commission, qui longeait les rivières Outemboni, Mitombé et Miang, ainsi que la
« nationalité » attribuée aux villages situés à l’est du village espagnol de Mebé. À l’est, en revanche,
où les erreurs de la commission étaient plus substantielles, l’Espagne et la France décidèrent de
rejeter les propositions de la commission. Les deux États convinrent finalement, dans la partie
nord-est, d’une ligne frontière qui longeait la rivière Kyé, laquelle se trouve plus près du 9e méridien
est de Paris et suit la même direction, à partir du point où ce cours d’eau prend sa source, au sud-est
de Mongomo, et jusqu’à la limite méridionale du territoire camerounais. La carte reproduite à la
figure 3.9 ci-après représente la frontière décrite à l’article IV de la convention de 1900, à laquelle
ont été ajoutées, au sud-ouest et au nord-est, les modifications acceptées, de fait, par la France et
l’Espagne. Bien que conformes, de manière générale, aux termes de l’article IV, les nouveaux tracés
s’écartaient des lignes droites initialement définies, afin de respecter la géographie naturelle et
humaine des régions frontalières.
C. La frontière terrestre dans le sud-ouest
3.54. À la suite du rapport établi par la commission de 1901, l’Espagne administra le territoire
situé de son côté de la frontière la séparant des possessions coloniales françaises dans le sud-ouest
conformément aux propositions de la commission. Aucune contestation ne fut jamais formulée à cet
égard par la France, non plus que par l’Allemagne, qui exerça sa souveraineté sur le territoire français
dans cette région pendant une brève période.
- 48 -
Figure 3.9
Modifications apportées par les parties aux lignes définies à l’article IV
dans les zones de l’Outemboni et du Kyé
Légende :
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Germany = Allemagne
Boundary undefined = Frontière non définie
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
Corisco Bay = Baie de Corisco
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
3.55. Étaient en particulier placés sous administration espagnole les territoires situés dans la
zone de l’Outemboni, et notamment Asobla et Anguma, ses localités principales. En 1905, l’Espagne
avait déjà créé à Asobla un avant-poste, dont le chef espagnol faisait office de juge98. En 1907, Asobla
98 Royaume d’Espagne, ordonnance royale sur la justice, pouvoirs des représentants du gouvernement (27 juillet
1905) (vol. V, annexe 113).
- 49 -
devint un poste de douane espagnol99. La localité bénéficiait de services, d’infrastructures et
d’effectifs importants, comptant notamment une mission de représentation (et des logements pour
les membres de la délégation), un dispensaire doté d’une équipe médicale, une administration du
trésor et un service postal100. En outre, l’Espagne y déployait des forces de police, y percevait des
impôts et allouait des crédits budgétaires à la ville101. L’avant-poste d’Asobla fut particulièrement
important durant le mandat du gouverneur Angel Barrera (1908-1927), qui l’utilisait comme base
aux fins des tournées qu’il effectuait à l’intérieur du pays, avant de rentrer à Elobey en bateau à
moteur102. Asobla était aussi le chef-lieu d’une subdivision administrative du district d’Elobey103.
3.56. La France savait parfaitement que l’Espagne administrait ces localités situées du côté
espagnol de la frontière proposée par la commission de 1901 dans la zone de l’Outemboni. Les
membres de la section française de la commission franco-allemande ayant procédé au levé de la
frontière de la France avec le territoire allemand du Cameroun procédèrent également de manière
officieuse au levé de la frontière entre la France et l’Espagne, au retour de la mission de délimitation
conduite entre 1905 et 1908. Dans son rapport de 1911 sur l’expédition, le capitaine Cottes, chef de
ladite section, fit état de l’occupation par l’Espagne de la zone de l’Outemboni104. Il releva que
l’Espagne occupait, de fait, la rive droite (c’est-à-dire la rive nord) de l’Outemboni105, qui était moins
marécageuse et offrait, par conséquent, un accès plus aisé pour maîtriser cette voie de communication
essentielle pour les exportations. Il indiqua que la France gagnerait à prendre possession de cette
zone, car cela lui permettrait de contrôler (et de taxer) les échanges commerciaux plus efficacement
qu’elle ne pouvait le faire depuis Ekodo et M’beto, sur la rive gauche106. Malgré cette
recommandation, la France ne fit rien pour s’emparer de ce territoire espagnol ni contester
l’occupation ou l’administration de la zone par l’Espagne.
3.57. De 1911 à 1916 environ, l’Allemagne administra le territoire situé du côté français de la
frontière dans cette zone107 en vertu d’un traité en date du 4 novembre 1911 signé entre la France et
l’Allemagne. Sous l’administration allemande, ce territoire était baptisé « Neukamerun »
99 A. Barrera, « What They are and What They Should be: the Spanish Possessions in the Gulf of Guinea », General
Marine Review, Conference of the Royal Geographic Society (novembre 1907) (vol. IV, annexe 57) ; L. Martín y Peinador,
Estudios geográficos: Marruecos y plazas espanolas, Argelia, Túnez y Trípoli, Sahara y Sahara Español, Guinea continental
é insular española, problema marroquí (« Geographical Studies: Morocco and Spanish Places, Algeria, Tunisia and Tripoli,
Sahara and Spanish Sahara, Spanish Mainland and Island Guinea, Moroccan Problem » [traduction de la Guinée
équatoriale]) (1908), p. 6-7 (vol. VII, annexe 221).
100 A. Barrera, « What They are and What They Should be: the Spanish Possessions in the Gulf of Guinea »,
General Marine Review, Conference of the Royal Geographic Society (novembre 1907), p. 6 (vol. IV, annexe 57).
101 Royal Geographical Society, « Legislation and Provisions of the Central Administration », Magazine of Colonial
and Mercantile Geography, Espagne (1907), PDF p. 2-3 (vol. VII, annexe 220).
102 L. Martín y Peinador, Estudios geográficos: Marruecos y plazas espanolas, Argelia, Túnez y Trípoli, Sahara y
Sahara Español, Guinea continental é insular española, problema marroquí (« Geographical Studies: Morocco and Spanish
Places, Algeria, Tunisia and Tripoli, Sahara and Spanish Sahara, Spanish Mainland and Island Guinea, Moroccan
Problem » [traduction de la Guinée équatoriale] (1908) (vol. VII, annexe 221).
103 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Decree on Territorial Division, Official Bulletin (1 March 1907)
(vol. V, annexe 114).
104 Capitaine A. Cottes, La mission Cottes au Sud-Cameroun (1905-1908) — Exposé des résultats scientifiques,
d’après les travaux des divers membres de la section française de la commission de délimitation entre le Congo français
et le Cameroun (frontière méridionale) et les documents étudiés au muséum d’histoire naturelle (1911) (vol. III,
annexe 16).
105 Ibid., p. 81-82.
106 Ibid.
107 M. DeLancey, « Historical Dictionary of the Republic of Cameroon » 3rd. Ed., African Historical Dictionaries
No. 81 (2000), p. 3 (« Le Nouveau-Cameroun resta rattaché au Cameroun allemand jusqu’en 1916. À la suite de la défaite
subie par l’Allemagne lors de la campagne du Cameroun conduite durant la Première Guerre mondiale, ce territoire fut
restitué à la France et réintégré à l’Afrique équatoriale française ») (vol. VII, annexe 231).
- 50 -
(« Nouveau-Cameroun ») et rattaché à la colonie allemande du Cameroun. Reconnaissant que les
lignes droites décrites dans la convention de 1900 étaient des « lignes intangibles non établies sur le
terrain »108, l’Allemagne convint avec l’Espagne que celles-ci devaient être modifiées de telle sorte
qu’elles suivent « les limites naturelles, de préférence les cours d’eau ou, lorsqu’il n’en exist[ait]
aucun, les formations terrestres les plus remarquables »109.
3.58. Une commission hispano-allemande fut ainsi constituée en 1914 (ci-après la
« commission de 1914 ») en vue de procéder à la démarcation de la frontière en suivant les formations
naturelles110. Il était entendu que les levés réalisés deviendraient les frontières permanentes « une
fois approuvés par les gouvernements espagnol et allemand »111.
3.59. Bien que, au cours de la mission de reconnaissance de la zone menée par la commission
de 1914, le chef de sa section allemande, M. Olshausen, eût soulevé la question du contrôle exercé
par l’Espagne sur Asobla et des différences manifestes observées par rapport à la frontière décrite
dans le texte de l’article IV de la convention de 1900, il fut finalement décidé d’établir le tracé de la
frontière dans la zone de l’Outemboni selon la méthode employée par la commission de 1901,
c’est-à-dire en suivant les limites naturelles, en particulier les cours d’eau, et en attribuant à l’un ou
l’autre des deux États les villes situées dans ce secteur. Les membres de la commission traversèrent
la zone de l’Outemboni en allant vers l’est. Cependant, alors qu’ils atteignaient Acurenam, la
première guerre mondiale éclata, venant interrompre leurs travaux. S’ils ne purent achever leur
mission, qui consistait à établir une frontière suivant les limites naturelles pour l’ensemble du
territoire, leurs conclusions permettaient néanmoins d’attribuer certaines villes de la zone à l’Espagne
ou à l’Allemagne. La figure 3.10 ci-après représente les villes de la zone de l’Outemboni, attribuées
à chacun des deux États par la commission de 1914.
3.60. Comme on peut le voir sur la figure 3.10, quoique consciente de ce qu’Asobla,
N’sogodam, Anguma et Mebé se trouvaient au sud du 1er parallèle nord — soit la frontière décrite à
l’article IV de la convention de 1900 —, la commission de 1914 détermina que ces localités étaient
situées en territoire espagnol et le village de Mitombé, en territoire allemand (auparavant français)112.
Ainsi, pendant toute la période de souveraineté allemande sur le Nouveau-Cameroun, l’Espagne
continua d’administrer son territoire à partir d’Asobla. Elle réalisa plusieurs projets dans la ville,
108 Kingdom of Spain, Letter from the Minister of State to the Ambassador of Spain to the German Empire
(4 February 1914), p. 1 (vol. IV, annexe 62). Voir la convention de Vienne sur la succession d’États en matière de traités
(23 août 1978), RTNU, vol. 1946, p. 3, art. 11 (« Une succession d’États ne porte pas atteinte en tant que telle : a) à une
frontière établie par un traité ; ni b) aux obligations et droits établis par un traité et se rapportant au régime d’une
frontière »). Autre élément allant dans le même sens, après que la France eut repris possession du territoire de l’ancien
Neukamerun, l’Espagne et la France n’ont cessé, entre 1919 et la date critique, de réaffirmer la validité de la convention de
1900. Voir lettre no 212 en date du 16 août 1927 adressée au gouverneur général des territoires espagnols du golfe de
Guinée par le lieutenant gouverneur français du Gabon, p. 2 (« Sans doute, les limites déterminées dans la Convention
conclue entre la France et l’Espagne le 29 juin 1900 n’ont jamais été déterminées sur le terrain. Mais cette imprécision de
nos frontières ne justifie pas les empiétements ci-dessus signalés dans les villages dépendant manifestement de notre
Gouvernement. ») (vol. IV, annexe 76).
109 Kingdom of Spain, Letter from the Minister of State to the Ambassador of Spain to the German Empire
(4 February 1914), p. 2 (vol. IV, annexe 62).
110 The German Empire, Report No. 4, Imperial German Muni Expedition, Dr. Olshausen (16 June 1914) (vol. IV,
annexe 63).
111 Kingdom of Spain, Letter from the Minister of State to the Ambassador of Spain to the German Empire
(4 February 1914), p. 3 (vol. IV, annexe 62).
112 Décret signé le 18 août 1914 par l’Empire allemand et le Royaume d’Espagne concernant la délimitation entre
la Guinée équatoriale et le protectorat du Cameroun (18 août 1914) (vol. V, annexe 115).
- 51 -
dont la construction d’une résidence destinée au commandant du poste113. Un rapport des services de
renseignement de la marine britannique datant de 1916 indiquait que les Espagnols étaient les seuls
Européens résidant à Asobla à l’époque114. Selon un autre rapport de l’Amirauté britannique portant
sur la période de septembre 1914 à mai 1916, le poste militaire espagnol d’Asobla comptait un
sergent et entre 40 et 50 soldats115. L’Allemagne n’éleva jamais aucune protestation quant au fait que
les localités situées dans la zone de l’Outemboni se trouvaient sous administration espagnole.
Figure 3.10
Localités reconnues comme étant espagnoles par la commission hispano-allemande de 1914
Légende :
Germany = Allemagne
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Spain = Espagne
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
Germany (Neukamerun) = Allemagne (Nouveau-Cameroun)
Spanish towns = Localités espagnoles
German towns = Localités allemandes
3.61. À la fin de la première guerre mondiale, les territoires qui constituaient le
Nouveau-Cameroun repassèrent sous administration française. Cela n’eut pas d’incidence sur les
113 V. Rico, Report Presented to the Courts by the Minister of State Concerning the Political and Economic
Situation of the Spanish Possessions in West Africa in the Years 1916-1918 (1919) (vol. V, annexe 117).
114 C. Fuller, Naval Intelligence Notes (28 December 1916) (vol. V, annexe 116).
115 United Kingdom, Cameroon, Final Report: Enclosures Sept 1914 to May 1916 (3 October 1915), p. 10 (vol. IV,
annexe 64).
- 52 -
zones placées sous administration espagnole. L’Espagne continua d’occuper et d’administrer la zone
de l’Outemboni, dont Asobla, Anguma et d’autres localités, sans que la France élève la moindre
contestation. Comme en témoigne la photo de 1945 ci-dessous, Asobla devint une ville relativement
importante dans cette région reculée116.
Annexe P1
Image d’Asobla (1945)
3.62. Dans un rapport de 1925 portant sur la tuberculose et la maladie du sommeil en Afrique
équatoriale, l’Organisation d’hygiène de la Société des Nations faisait état de la présence endémique
de ces maladies à Asobla et Mbung. La Société des Nations considérait que ces deux localités étaient
situées en Guinée espagnole continentale et sur le « sol espagnol »117. En 1927, Asobla comptait une
école administrée par la garde coloniale espagnole118. Une loi pénale de 1953 applicable aux
populations indigènes dans les territoires espagnols du golfe de Guinée confirma que, en application
de l’ordonnance royale espagnole du 27 juillet 1905, les représentants du gouvernement en poste à
Asobla avaient « des pouvoirs en matière d’administration de la justice, agissant en tant que juges
locaux soumis aux règles juridiques de la colonie »119. L’Espagne continua, de la même manière,
d’administrer la localité d’Anguma, dont il avait été déterminé, en 1901 et 1914, qu’elle relevait du
territoire espagnol.
3.63. En 1942, l’Espagne organisa un recensement couvrant notamment le district de Cogo,
subdivision du Río Muni. Certaines des localités de ce district concernées par le recensement, parmi
lesquelles Akanabor (Abaiñ), Anguma, Asobla, Echuba, Elon (Yesuk), Michobo (Esembus), Ngabe,
116 Image d’Asobla, 1945 (vol. II, annexe P1).
117 Société des Nations, Organisation d’hygiène, rapport complémentaire sur la tuberculose et la maladie du
sommeil en Afrique équatoriale présenté par A. Balfour et al. (avril 1925) (vol. VII, annexe 224).
118 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la Conquista
de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et gardes civils.
Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole], 1914-1930 (2010), p. 103 (vol. VII, annexe 236).
119 F. Olesa Munido, « Criminal Law Applicable to Indigenous People in the Spanish Territories of the Gulf of
Guinea », Institute of African Studies, Superior Council of Scientific Research, Madrid (1953), note 33 (vol. VII,
annexe 226).
- 53 -
Nniefala, Sugocham (Esembus), Teck et Tom, étaient situées au sud du 1er parallèle nord120.
L’emplacement de ces localités apparaît à la figure 3.11 ci-après.
3.64. Le recensement de 1942 révèle en outre qu’un groupe de population placé sous
administration espagnole vivait dans une concession forestière dénommée « Miang » et aux environs
de celle-ci. Les membres de ce groupe furent enregistrés sous la dénomination « Miang
(explotación) », laquelle est indiquée sur la figure 3.11, à l’emplacement approximatif de cette
activité forestière121.
3.65. Un nouveau recensement organisé par l’Espagne dans le même district en 1950
mentionnait de nombreuses localités situées au sud du 1er parallèle nord, et notamment Akanabor
(Abé), Angume, Asobla, Binguala, Boo, Echuba, Elon, Enigabe, Michobo (Esembus), Ngambe,
Nniefala, Sugocham, Tek et Tom122. L’emplacement de ces localités est indiqué à la figure 3.12
ci-après. Le recensement confirme qu’il existait encore à cette date des personnes relevant de
l’administration espagnole qui vivaient à l’intérieur et aux alentours de la concession forestière de
Miang, laquelle avait depuis été cédée à une société espagnole d’exploitation forestière dénommée
Compania Vasco Africana S.A.123. Ce groupe de population fut enregistré sous la dénomination
« Miang (Vasco Africana) », zone représentée sur la figure 3.12 à l’emplacement approximatif de
cette activité forestière124. L’emplacement de la concession de la société Vasco Africana est
également indiqué sur une carte de l’armée espagnole datant de 1952, reproduite dans le présent
mémoire à la figure 3.13 ci-après.
3.66. Rien n’indique que la France ait jamais, pendant toute la période allant de la première
guerre mondiale à l’accession du Gabon à l’indépendance en 1960, protesté contre l’affirmation par
l’Espagne de sa souveraineté à l’égard d’Asobla et du reste de la zone de l’Outemboni, et les activités
administratives qu’elle y menait. La France n’a pas non plus cherché à entreprendre elle-même des
activités souveraines ou administratives du côté espagnol de la frontière proposée par la commission
de 1901.
D. La frontière terrestre dans le nord-est
3.67. Ayant appliqué, dans le sud-ouest, la convention de 1900 en traçant la frontière le long
de formations naturelles telles que l’Outemboni et d’éléments d’origine humaine, et non le
long du parallèle indiqué dans cet instrument, l’Espagne et la France adoptèrent la même approche
dans le nord-est. En particulier, au lieu de longer le 9e méridien est de Paris retenu dans la convention,
elles suivirent, sur une portion importante de la frontière, la limite naturelle formée par le Kyé. Cette
modification était conforme aux dispositions de l’article VIII et de l’annexe I de la convention, qui
autorisaient les commissaires et délégués locaux à proposer d’un commun accord des changements
120 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Statistical Summaries: Provinces of Fernando Poo and Rio Muni
1948-1949, Statistical Office of the General Government (1950), p. 4-11 (vol. V, annexe 127).
121 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Statistical Summaries: Provinces of Fernando Poo and Rio Muni
1948-1949, Statistical Office of the General Government (1950), p. 8 (vol. V, annexe 127).
122 Ibid., p. 45-56.
123 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Statistical Summaries: Provinces of Fernando Poo and Rio Muni
1958-1959, Statistics Delegation of the General Government (1960), p. 8 (vol. V, annexe 137) ; figure 3.13 (Geographic
Service to the Spanish Army, Topographic and Forestry Map of Guinea (April 1952)) ; The Spanish State, Order of
January 7, 1957 on Forest Tracts: Announcing Tender of State Lands for Forestry Exploitation, Official Bulletin of April 15
1957, Reprinted in A. Fraile Roman, Regional Legislation (7 January 1957), p. 1-2 (vol. V, annexe 130).
124 Figure 3.13 (service géographique de l’armée espagnole, carte topographique et forestière de la Guinée (avril
1952)).
- 54 -
à apporter aux frontières définies à l’article IV, à la lumière de leurs travaux sur le terrain. Ni la
commission de 1901, en raison de problèmes techniques, ni celle de 1914, du fait du déclenchement
de la première guerre mondiale, ne parvinrent à la zone du 9e méridien est de Paris, et ce n’est qu’en
1919 que fut établi le tracé modifié de la frontière orientale, en vertu d’un accord conclu entre le
gouverneur de l’Afrique équatoriale française et celui de la Guinée espagnole (ci-après l’« accord
des gouverneurs de 1919 »).
Figure 3.11
Localités couvertes par le recensement espagnol
de 1942 (zone de l’Outemboni)
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Spain = Espagne
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
France = France
- 55 -
Figure 3.12
Localités couvertes par le recensement espagnol de 1950 (zone de l’Outemboni)
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Spain = Espagne
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
France = France
- 56 -
Figure 3.13
Concession Miang de la société Vasco Africana (1952)
Source : service géographique de l’armée espagnole, carte topographique et forestière de la Guinée (avril 1952) (extrait,
annotations ajoutées).
Légende :
Area Enlarged = Zone représentée dans l’encadré
Miang Concession = Concession Miang
3.68. Le processus ayant abouti à l’accord des gouverneurs de 1919 avait commencé par une
expédition effectuée en 1912 par le gouverneur de la Guinée espagnole, Angel Barrera, en vue de
délimiter la frontière septentrionale de la Guinée espagnole avec la colonie allemande du
- 57 -
Cameroun125. À la suite de cette expédition, le gouverneur Barrera et le gouverneur allemand du
Cameroun proposèrent à leurs gouvernements respectifs une « frontière septentrionale naturelle »
longeant le Campo (Ntem)126. Le gouverneur Barrera porta ensuite son attention sur la frontière
orientale du Río Muni. Au nord-est, où celle-ci rencontrait la frontière avec le Cameroun allemand,
il serait parfaitement conforme à la convention franco-allemande de 1908 d’établir la frontière le
long du Kyé, qui formait, selon ladite convention, la portion la plus méridionale de la frontière entre
le Cameroun allemand et le Congo français127. L’Allemagne, après avoir examiné la proposition du
gouverneur Barrera, recommanda que le tracé définitif de la frontière fût établi le long de la rivière
Kyé. Le gouverneur Barrera ne put toutefois, comme il l’expliqua par la suite à son homologue
français, le gouverneur Estèbe, accepter la proposition allemande, craignant que cela aille à
l’encontre de la neutralité adoptée par l’Espagne pendant la première guerre mondiale128.
3.69. Dans une lettre adressée en novembre 1917 au gouverneur Estèbe, le gouverneur Barrera
proposa que le Kyé serve de frontière provisoire entre les territoires respectifs de l’Espagne et de la
France à l’est129. Comprenant que seule « une délimitation basée sur des frontières naturelles »
permettrait de résoudre la question de la frontière130, le ministère français des affaires étrangères
autorisa le gouverneur Estèbe à accepter cette proposition au nom de la France131. Ce dernier transmit
en conséquence l’assentiment de la France le 24 janvier 1919, indiquant qu’« [i]l [était] à présent
convenu que la nouvelle frontière … se[rait] déterminée par le cours du N’KYE entre 2° 10' 20" de
latitude nord et le point où cette rivière prend sa source »132. Dans sa lettre, il demandait au
gouverneur Barrera de lui faire savoir « s[’ils] [étaient] parvenus à un accord complet s’agissant de
l’adoption provisoire de ces nouvelles limites et, le cas échéant, de transmettre les instructions qu[’il]
estime[rait] nécessaires au personnel espagnol occupant les lieux »133. En mai 1919, le gouverneur
espagnol confirma l’accord en ces termes :
« En ce qui concerne votre lettre no 63 en date du 24 janvier, j’ai l’honneur de
vous confirmer mon accord sans réserve pour que le cours du N’kye constitue
125 Letter from Spanish Governor General Regarding the Establishment of the French-German Demarcation
(27 January 1920), p. 4-5 (vol. IV, annexe 69).
126 Ibid., p. 5.
127 Allemagne, France. Convention pour préciser les frontières entre le Cameroun et le Congo français signée à
Berlin le 18 avril 1908 (ratifications échangées le 28 juillet 1908), article 1 (« La frontière entre le Cameroun et le Congo
français à partir de la Guinée espagnole (El Muny) [Méridien 9° Est Paris, 11° 20’ E. Greenwich]), suit : la rivière Kyé
(Kje), depuis le confluent de la Mvézeu (Mwése) jusqu’à son confluent avec le Ntem (Campo) » (vol. III, annexe 5).
128 Lettre en date du 22 novembre 1917 adressée au gouverneur du Gabon français par le gouverneur général des
territoires espagnols d’Afrique, p. 2 (vol. IV, annexe 65).
129 Ibid., p. 2-3.
130 Lettre en date du 24 novembre 1919 adressée au ministre français des affaires étrangères par le ministre français
des colonies, p. 2 (vol. IV, annexe 68).
131 Lettre en date du 24 novembre 1919 adressée au ministre français des affaires étrangères par le ministre français
des colonies, p. 3 (« sur votre avis conforme, j’ai autorisé le 21 novembre 1918 le Gouverneur général de l’Afrique
équatoriale française à accepter un règlement provisoire, proposé par les autorités ibériques, qui fixe comme ligne de
démarcation entre les deux possessions à partir du 2° 10’ 20" de latitude nord le cours de la Kié jusqu’à la source de cette
rivière. ») (vol. IV, annexe 68).
132 Lettre no []3 en date du 24 janvier 1919 adressée au gouverneur général des territoires espagnols du golfe de
Guinée par le gouverneur général de l’Afrique équatoriale française, p. 1 (vol. IV, annexe 66). La France espérait en outre
que cette modification de la frontière orientale en faveur de l’Espagne amènerait le Gouvernement espagnol « à accorder,
spontanément aussi, des satisfactions équitables » à la Société d’explorations coloniales, société privée française à laquelle
la France avait attribué par erreur des concessions en territoire espagnol. Lettre en date du 24 novembre 1919 adressée au
ministre français des affaires étrangères par le ministre français des colonies, p. 2 (vol. IV, annexe 68).
133 Lettre no []3 en date du 24 janvier 1919 adressée au gouverneur général des territoires espagnols du golfe de
Guinée par le gouverneur général de l’Afrique équatoriale française (vol. IV, annexe 66).
- 58 -
provisoirement le segment de la frontière orientale du territoire espagnol allant du
parallèle situé par 2° 10' 20" de latitude nord à la source de cette rivière. »134
3.70. Ainsi, les deux gouverneurs coloniaux s’accordèrent, avec l’assentiment de leurs
gouvernements respectifs, pour considérer que le Kyé constituait la frontière entre la Guinée
espagnole et l’Afrique équatoriale française à l’est, comme le montre la figure 3.14 ci-après.
3.71. Conformément à l’accord des gouverneurs de 1919, l’Espagne administra la zone située
à l’ouest du Kyé, y compris les parties situées à l’est du 9e méridien est de Paris, la France
administrant, quant à elle, la zone située à l’est de la rivière, y compris les parties situées à l’ouest de
ce méridien. Était notamment sous administration espagnole le village qui correspond aujourd’hui à
la ville équato-guinéenne d’Ebebiyin, située en partie à l’est du 9e méridien est de Paris, mais à
l’ouest du Kyé.
3.72. En 1920, le gouverneur Barrera effectua, pour la première fois depuis la fin de la
première guerre mondiale, une tournée des territoires espagnols au cours de laquelle il élabora un
plan d’implantation définitive dans le Río Muni, désignant les localités dans lesquelles des
détachements militaires devraient être déployés le long de la frontière orientale135. Au début de 1921,
il décida d’établir un nouveau poste militaire à Akonangui, à l’extrême nord-est du pays136.
3.73. La France protesta peu après contre l’établissement du poste militaire à Akonangui,
arguant qu’il était situé sur le territoire du Cameroun français, au nord137. Ce poste militaire était
également situé à l’est du 9e méridien est de Paris. La France n’affirmait cependant pas que le poste
se trouvait trop à l’est, celui-ci faisant partie de la zone comprise entre le 9e méridien est de Paris et
le Kyé, laquelle, aux termes de l’accord des gouverneurs de 1919, relevait du territoire espagnol.
Bien que n’admettant pas les protestations de la France concernant l’emplacement du poste au nord,
l’Espagne informa cette dernière qu’elle déplacerait celui-ci vers le sud, « afin de préserver les
bonnes relations … avec les autorités françaises du Cameroun »138. En septembre 1922, elle transféra
le poste militaire d’Akonangui à Ebebiyin, qui, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, était en partie
située à l’est du 9e méridien est de Paris139. Le nouveau poste militaire fut officiellement inauguré en
134 Lettre en date du 1er mai 1919 adressée au gouverneur général de l’Afrique équatoriale française par le
gouverneur général de la Guinée espagnole, p. 7 (les italiques sont de nous) (vol. IV, annexe 67).
135 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la Conquista
de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et gardes civils.
Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930], 2010 (extraits), p. 46 (vol. VII, annexe 236).
136 Ibid., p. 47.
137 Lettre en date du 27 février 1921 adressée au ministre des colonies par le gouverneur des colonies, commissaire
de la République française dans les territoires du Cameroun (vol. IV, annexe 71) ; Letter from Spanish Minister of State to
the French Ambassador (24 November 1921) (vol. IV, annexe 72).
138 Kingdom of Spain, Letter from the Captain of the Ebolouwa District to the Governor-General of Spanish
Territories of the Gulf of Guinea (23 September 1922) (vol. IV, annexe 74) ; Letter from Spanish Minister of State to the
French Ambassador (24 November 1921) (vol. IV, annexe 72).
139 Kingdom of Spain, Letter from the Captain of the Ebolouwa District to the Governor-General of Spanish
Territories of the Gulf of Guinea (23 September 1922) (vol. IV, annexe 74) ; Kingdom of Spain, Letter from the
Governor-General of Spanish Territories of the Gulf of Guinea to the Advising Secretary-General (24 September 1922)
(vol. IV, annexe 75) ; Kingdom of Spain, Letter No. 884 Attachment from the Governor-General of Santa Isabel to the
Office of the Secretary (20 June 1922) (vol. IV, annexe 73).
- 59 -
octobre 1922140. Le nouvel emplacement accueillit 62 nouvelles constructions et la population de
plusieurs villages y fut relogée sans que les autorités françaises émettent la moindre protestation.
140 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la
Conquista de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et
gardes civils. Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930], 2010, p. 61 (vol. VII, annexe 236).
- 60 -
Figure 3.14
Frontière établie par l’accord des gouverneurs de 1919
- 61 -
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
Boundary undefined = Frontière non définie
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
France = France
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
Source of Kie = Source du Kyé
3.74. En décembre 1920, avant le transfert du poste militaire espagnol à Ebebiyin, le
gouverneur Barrera ordonna à l’officier militaire en chef d’Akonangui de construire une route le long
de la frontière orientale de la Guinée espagnole, telle que définie dans l’accord des gouverneurs de
1919. Ses instructions étaient assorties d’une liste détaillée de près de 70 villages que la route devait
longer141. Cette liste couvrait le territoire partant, au nord, des localités Akonangui et Ebebiyin,
situées « sur la rive gauche [ouest] du Kyé »142. La route proposée par le gouverneur Barrera et un
grand nombre des villages figurant sur sa liste sont représentés à la figure 3.15 ci-après. La
construction de cette route commença après que le poste militaire d’Akongagui eut été déplacé à
Ebebiyin en 1922. Les travaux étaient administrés par Nuñez de Prado, gouverneur général des
possessions espagnoles en Guinée de 1925 à 1931, et réalisés sur le terrain sous la direction du
capitaine Thomas Buiza143.
3.75. En juin 1926, le capitaine Buiza établit des détachements militaires à Alen et Mongomo.
Ces nouveaux postes étaient commandés par des soldats de la garde coloniale espagnole144. La
figure 3.16 ci-après montre les postes militaires espagnols situés sur la route du Kyé en 1926.
3.76. L’Espagne devait assurer l’entretien de la route du Kyé reliant Ebebiyin à Alen et
Mongomo jusqu’à l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance en 1968145. Le 27 novembre
1938, le ministère espagnol des travaux publics publia ainsi un rapport sur les projets réalisés depuis
le mois de mars de la même année. Ce rapport présentait plusieurs chantiers conduits le long de la
frontière orientale, parmi lesquels figuraient l’entretien de la route du Kyé et la construction de ponts
en bois le long de cette route146. De 1949 à 1955, l’Espagne apporta d’autres améliorations
importantes à la route. La figure 3.17 ci-après montre l’emplacement des ponts et d’autres ouvrages
de grande ampleur réalisés pendant cette période, ainsi que l’emplacement d’un important projet de
rectification de la route au kilomètre 52.
3.77. En raison de la construction de la route et d’autres travaux publics, Ebebiyin connut une
croissance constante, tant en superficie que du point de vue de sa population. En 1927, la garde
141 Kingdom of Spain, Letter No. 527 from the Spanish Governor-General (8 December 1920) (vol. IV, annexe 70).
142 Ibid., p. 3.
143 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la
Conquista de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et
gardes civils. Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930], 2010, p. 96 (vol. VII, annexe 236).
144 Ibid., p. 98.
145 Republic of Spain, Order No. 328: Report on the Public Works Service of the Spanish Territories of the Gulf of
Guinea (1933), p. 91-92, 177-178 (vol. V, annexe 121).
146 Ibid.
- 62 -
coloniale administrait une école dans cette ville147. Dans les années 1930, l’Espagne y construisit
plusieurs installations publiques, notamment un campement de la garde coloniale, un hôpital et une
zone de peuplement autochtone148. En 1935, elle établit à Ebebiyin un bureau de poste équipé pour
offrir des services de radiotélégraphie149.
147 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la
Conquista de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et
gardes civils. Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930] (2010), p. 103 (vol. VII,
annexe 236).
148 Republic of Spain, Letter from the AT of Ebebiyin to the Governor-General of Spanish Territories of the Gulf
of Guinea (27 November 1938) (vol. IV, annexe 77). Le 9 juin 1939, l’ingénieur en chef auprès du gouverneur général
espagnol proposa que des crédits budgétaires d’un montant de 100 000 pesetas soient affectés aux travaux relatifs à la route
reliant Ebebiyin et Mongomo. Voir The Spanish State, Letter from the Lead Engineer to the Governor-General of Spanish
Territories of the Gulf of Guinea (9 June 1939) (vol. IV, annexe 78).
149 République française, « Synthèse des renseignements recueillis, à la date du 1er août 1937, sur la Guinée
espagnole (continentale et insulaire) [ainsi que] la situation et les agissements des Allemands au Cameroun sous mandat
britannique », archives historiques du ministère des armées, dossier R2 (1er août 1937), p. 9 (vol. V, annexe 123).
- 63 -
Figure 3.15
Route du Kyé proposée par le gouverneur Barrera en 1920
- 64 -
Légende :
France Cameroon = France (Cameroun)
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
Boundary undefined = Frontière non définie
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
France = France
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
- 65 -
Figure 3.16
Postes militaires espagnols situés sur la route du Kyé (1926)
- 66 -
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
Boundary undefined = Frontière non définie
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
France = France
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
- 67 -
Figure 3.17
Ouvrages réalisés sur la route du Kyé (1949-1955)
- 68 -
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
Boundary undefined = Frontière non définie
Tomo I River Bridge = Pont sur la rivière Tomo I
Tomo II River Bridge = Pont sur la rivière Tomo II
Maleme River Bridge = Pont sur la rivière Maleme
Bolo River Bridge = Pont sur la rivière Bolo
Abos River Bridge = Pont sur la rivière Abos
Alternate Road at Kilometer 52 = Route secondaire au kilomètre 52
KM 75 Culvert = Ponceau du kilomètre 75
Ateme River Bridge = Pont sur la rivière Ateme
Kie River road = Route du Kyé
1 Kilometer marker = Borne kilométrique
Large engineering Structure = Ouvrage de grande taille
France (Cameroon) = France (Cameroun)
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
France = France
3.78. En 1948, l’Espagne établit des écoles primaires et élémentaires à Ebebiyin150. Elle en
construisit également à Alen et à Mongomo, sur la route du Kyé151. Elle administrait en outre une
léproserie à Ebebiyin, qui prit en charge 332 patients en 1948 et en admit 120 de plus en 1949152. À
la même époque, l’Espagne réglementait la vente des produits de l’agriculture locale tels que cacao,
café et yucca, en administrant les marchés autochtones d’Alen et d’Ebebiyin153.
3.79. En 1942, les autorités espagnoles organisèrent un recensement, notamment dans le
district d’Ebebiyin, une subdivision du Río Muni. L’Espagne recueillit à cette occasion des
informations sur plusieurs localités situées à l’est du 9e méridien est de Paris, le long du Kyé, parmi
lesquelles figuraient Achap (Angok), Alen (Angok), Anongono, Ayabilon, Bibe, Edum, Ekok,
Ete-Ete, Malen (Nkoye), Masama (Esaben), Mban, Mbang (Onvang), Mbayop (Esatuk), Mbiralem,
Mboman, Mibang, Molo, Nfula, Ngomete, Nkoete, Nkombe, Ntu, Oveng (Esaben) et San Carlos154.
L’emplacement de ces localités est indiqué à la figure 3.18 ci-après.
3.80. L’Espagne effectua un nouveau recensement en 1950 dans le district d’Ebebiyin et celui,
nouvellement créé, de Mongomo, également situé dans le Río Muni. Elle répertoria à cette occasion
les localités situées à l’est du 9e méridien est de Paris le long du Kyé, et notamment, dans le district
d’Ebebiyin, Adyap (Angok), Alen (Angok), Anungon, Ayabilon, Bibeñ, Etete, Masama (Esabaiñ),
Mbiralem, Mbomang, Melo, Nfua, Ngomete, Nkoekie et Ntu155. Le recensement de 1950 couvrait
150 « Territorial Demarcations — School Districts 1949-1959 » Official Gazette of the Spanish Territories in the
Gulf of Guinea (15 November 1952), p. 2 (vol. V, annexe 128).
151 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Official Gazette of the Gulf of Guinea Territories (15 March 1948),
p. 3 (vol. VII, annexe 225).
152 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Statistical Summaries: Provinces of Fernando Poo and Rio Muni
1948-1949, Statistical Office of the General Government (1950), p. 32-33 (vol. V, annexe 127).
153 Ibid., p. 23-30.
154 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Statistical Summaries: Provinces of Fernando Poo and Rio Muni
1948-1949, Statistical Office of the General Government (1950), p. 12-21 (vol. V, annexe 127).
155 Ibid., p. 35-44.
- 69 -
également les localités visées ci-après, situées dans le district de Mongomo et à l’est du méridien :
Edum, Ekok, Mokom, Malen, Mbam, Mbayop, Mibang (Esaguong), Nvan (Omvang), Oveng et
San Carlos156. L’emplacement de ces localités est indiqué à la figure 3.19 ci-après.
3.81. Des documents des années 1930 et 1940 émanant du renseignement militaire français
attestent de ce que la France savait que l’Espagne administrait ces localités. Dans un rapport militaire
portant sur la période 1934-1937, il était indiqué que l’Espagne administrait un poste militaire situé
à Ebebiyin dont l’effectif se composait d’un lieutenant et de huit gardes157. Par la suite, un rapport
militaire français de 1940 fit état de ce que l’Espagne exploitait des équipements téléphoniques et
radiotélégraphiques dans les villages d’Ebebiyin et d’Alen158. Il était également indiqué dans ce
rapport que l’Espagne exploitait un aérodrome à Ebebiyin159.
3.82. Par la suite, Ebebiyin connut une croissance soutenue pendant plus d’une décennie. Au
cours de cette période, l’Espagne accorda une série de concessions foncières à Ebebiyin ou à
proximité160, favorisa la création de nouvelles zones de peuplement le long de la route du Kyé entre
Ebebiyin et Mongomo161 et entreprit divers projets de construction d’infrastructures dans cette
région162. Aujourd’hui, le centre d’Ebebiyin se situe sur le 9e méridien est de Paris. Toute la moitié
orientale de la ville se trouve à l’est de ce méridien et est délimitée par le Kyé à l’est, ainsi que le
montre l’image satellite contemporaine de la ville reproduite à la figure 3.30 ci-après.
156 Ibid., p. 45-56.
157 Capitaine Cottez, Guinée espagnole 1934-1937, archives historiques du ministère des armées (octobre 1934)
(vol. V, annexe 122).
158 République française, Plan de documentation — Territoires espagnols du golfe de Guinée, cartes et plans,
archives historiques du ministère des armées (19 mars 1940) (vol. V, annexe 124).
159 Ibid. ; voir également République française, « Synthèse des renseignements recueillis, à la date du 1er août 1937,
sur : la Guinée espagnole (continentale et insulaire [ainsi que] la situation et les agissements des Allemands au Cameroun
sous mandat britannique », archives historiques du ministère des armées, dossier R2, p. 8 et 9 (vol. V, annexe 123).
160 Spanish Territories in the Gulf of Guinea, Official Gazette of the Spanish Territories in the Gulf of Guinea No. 2,
Santa Isabel (15 January 1954), p. 1 (où sont publiées notamment une décision de la direction de la colonisation concernant
l’attribution d’une concession sur un terrain de 30 hectares, sollicitée en vertu de la loi du 23 décembre 1948 par
M. Antonio Longueira Sánchez en Guinée espagnole continentale dans la localité dénommée Enigakugu, à 51 km de la
route reliant Bata à Ebebyin, et une décision de la direction de la colonisation concernant l’attribution d’une concession sur
un terrain de 30 hectares, sollicitée en vertu de cette même loi par M. Miguel del Pino Hernandez en Guinée espagnole
continentale sur la route reliant Ebebiyin à Mongomo, à une distance d’environ 100 à 600 mètres entre les villages d’Abang
et d’Esong, selon des limites indiquées) (vol. V, annexe 129) ; The Spanish State, Legal Notices, Official Bulletin of
15 November 1960 (15 November 1960), p. 1 (où est publiée, notamment, une décision du département agronomique du
Río Muni concernant l’attribution d’une concession sur un terrain de 4 hectares, sollicitée en vertu de la loi du 4 mai 1948
par M. Enrique Eyegue, dans la localité d’Engong, située dans le district d’Ebebiyin) (vol. V, annexe 136) ; décision du
département agronomique du Río Muni concernant l’attribution d’une concession sur un terrain de 1 hectare 97 ares et
87 centiares, sollicitée en vertu de la loi du 4 mai 1948 par M. Martin Esono Ndongo, dans la localité de San Carlos, située
dans le district de Mongomo de Guadalupe, dont la route d’Ebebyin marquait une partie de la limite extérieure).
161 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Summaries of the Years 1942 and 1943, Statistical Office of the
General Government (1945) (Gouvernement général des territoires espagnols du golfe de Guinée, service des statistiques,
rapport sur les transactions relatives au cacao, au café et au manioc dans les différentes subdivisions territoriales entre 1942
et 1943. Parmi les localités incluses dans les limites territoriales d’Ebebiyin figurent Alen, Billabillan, Ebebiyin et
Mongomo) (vol. V, annexe 125) ; Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Summaries of the Years 1944 and 1945,
Statistical Office of the General Government (1947) (Rapport sur la population existante et les bâtiments construits dans
les localités et les zones de peuplement des districts d’Akurenan et de Nsok en 1942, rapport sur les transactions relatives
au cacao, au café, au manioc et au caoutchouc dans les différentes subdivisions territoriales entre 1944 et 1945. Parmi les
localités incluses dans les limites territoriales d’Ebebiyin figurent Alen, Biyabiyan, Ebebiyin et Mongomo) (vol. V,
annexe 126).
162 Spanish Equatorial Provinces of Fernando Póo and Rio Muni, Official Gazette of the Gulf of Guinea Territories
(15 November 1963) (où il est fait état de projets de construction d’une clôture pour le cimetière d’Ebebiyin et
d’installations relatives à l’approvisionnement en eau) (vol. V, annexe 139).
- 70 -
Figure 3.18
Localités couvertes par le recensement espagnol
de 1942 (zone du Kyé)
- 71 -
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
Boundary undefined = Frontière non définie
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
France = France
- 72 -
Figure 3.19
Localités couvertes par le recensement espagnol de 1950 (zone du Kyé)
- 73 -
Légende :
France (Cameroon) = France (Cameroun)
9°00’E of Paris = 9e méridien est de Paris
Boundary undefined = Frontière non définie
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Kie River Area = Zone du Kyé
Spain = Espagne
France = France
3.83. La France n’a jamais protesté contre ces activités, menées par l’Espagne à l’est du
9e méridien est de Paris, mais à l’ouest — soit en deçà — de la frontière fixée par l’accord des
gouverneurs de 1919 le long du Kyé. Elle n’a, de même, jamais administré la moindre partie du
territoire situé à l’ouest de cette frontière longeant le Kyé.
3.84. Si, en vertu de l’accord de 1919, le Kyé ne constituait qu’une frontière provisoire, aucune
date d’extinction n’avait toutefois été fixée pour cet accord et la frontière qu’il établissait, et l’un et
l’autre sont donc restés en vigueur pendant toute la période coloniale. Comme on le verra plus loin
au chapitre 6, les effectivités infra legem de l’Espagne fondées sur l’accord des gouverneurs de 1919
et l’acquiescement de la France à ces activités ont eu pour effet que, au moment de l’accession du
Gabon à l’indépendance en 1960, cette frontière provisoire était devenue définitive.
III. ÉTAT DES TITRES JURIDIQUES DES PUISSANCES COLONIALES SUR LES ÎLES ET SUR
LE TERRITOIRE CONTINENTAL LORS DE L’ACCESSION DU GABON ET DE
LA GUINÉE ÉQUATORIALE A L’INDÉPENDANCE EN 1960 ET 1968
A. La situation des îles de la baie de Corisco
3.85. Les documents historiques montrent qu’après l’accession du Gabon à l’indépendance le
17 août 1960, et jusqu’à celle de la Guinée équatoriale le 12 octobre 1968, l’Espagne continua
d’exercer sa souveraineté sur l’île Corisco et ses dépendances sans que la France, jusqu’au mois
d’août 1960, et, par la suite, le Gabon élèvent la moindre protestation.
3.86. Dans une résolution datée du 21 octobre 1961, le gouverneur général de la Guinée
espagnole procéda à la démarcation officielle de Corisco en incluant l’île proprement dite ainsi que
« les îlots Mbanye [Mbanié], Leva et Hoko »163. Dans sa loi fondamentale de 1963, l’Espagne réunit
les provinces de Fernando Póo et du Río Muni dans une entité unique dénommée Guinée
équatoriale164. Cette loi et les amendements qui lui furent apportés le 15 octobre 1966 prévoyaient
que le territoire du Río Muni comprendrait la région continentale ainsi que « les îles Corisco, Elobey
Grande, Elobey Chico et les îlots adjacents »165.
3.87. Des mémorandums internes espagnols datant des années qui suivirent immédiatement
l’indépendance du Gabon attestent, de la même manière, la souveraineté de l’Espagne sur ces îles et
îlots. Le 12 juillet 1966, le ministère espagnol de l’industrie établit un rapport confidentiel concernant
la délimitation des eaux de la baie de Corisco, dans lequel Mbanié et Cocotiers étaient considérés
163 The Spanish State, Official Bulletin of 15 November 1961 (15 November 1961) (vol. V, annexe 138).
164 The Spanish State, Law 191/1963, on Bases on the Autonomous Regime of Equatorial Guinea (30 December
1963), Base 1 (vol. V, annexe 140).
165 The Spanish State, Law Regarding the Separation and Legal System of Fernando Póo and Rio Muni (15 October
1966), art. 1 (vol. V, annexe 143).
- 74 -
comme des territoires espagnols sans que rien indique qu’il existait une revendication concurrente
du Gabon166. À la figure 3.20 ci-après est reproduite la carte jointe audit rapport, qui représente la
position de l’Espagne sur la délimitation des eaux de la baie de Corisco, et notamment les lignes de
construction tracées à partir des points de base espagnols situés sur Conga et Cocotiers et des points
de base gabonais situés sur la côte continentale du Gabon.
3.88. Le 26 juillet 1966, le bureau du conseiller juridique du ministère espagnol des affaires
étrangères publia un mémorandum similaire concernant la frontière maritime avec le Gabon, dans
lequel il était recommandé que l’Espagne « réserve ses droits à l’égard non seulement de la côte
continentale, des îles, des îlots et des hauts-fonds permanents, mais également des eaux territoriales
correspondantes, sur une distance de six milles marins mesurée à partir de la laisse de basse mer »167.
Le ministre espagnol de la marine établit un mémorandum allant dans le même sens le 23 juillet
1966168.
3.89. Le 17 octobre 1967, la commission hydrographique espagnole publia un mémorandum
sur la délimitation de la frontière maritime avec le Gabon. Ce document, comme le rapport antérieur
du ministère espagnol de l’industrie, envisageait cette frontière en partant du principe que le Gabon
n’avait aucun territoire insulaire dans la zone, et ne mentionnait aucune revendication de ce dernier
sur les dépendances de Corisco. Il y était énoncé ce qui suit :
« La ligne rouge représente grosso modo la délimitation entre les eaux espagnoles
et les eaux gabonaises qui résulterait de la méthode de la ligne médiane, en prenant en
considération 1) pour le Gabon, la laisse de basse mer déterminée à partir de ses côtes
et des lignes de base que le Gabon a établies dans la baie de Mondah et 2) pour
l’Espagne, la laisse de basse mer des côtes continentales, des îles et des îlots. »169
3.90. Aucun de ces mémorandums internes espagnols n’évoque de différend avec la France ou
le Gabon au sujet de Mbanié, Conga ou Cocotiers, et le Gabon n’a jamais contesté le titre juridique
de l’Espagne sur les dépendances de Corisco pendant les huit dernières années où celles-ci relevaient
de la souveraineté espagnole.
166 The Spanish State, Ministry of Industry, Confidential Report: Delimitation of Gabon’s Territorial Waters
(12 July 1966) (vol. IV, annexe 103).
167 The Spanish State, Ministry of Foreign Affairs, Gabon’s Extension of Mondah Bay Territorial Waters (26 July
1966), p. 4 (vol. IV, annexe 104).
168 The Spanish State, Letter No. 454 from the Ministry of the Navy to the Undersecretary of the Ministry of Foreign
Affairs (23 July 1966) (vol. IV, annexe 105).
169 The Spanish State, Letter No. 159 from the Hydrographic Division, Maritime Department of Cadiz to the
Technical Secretary-General of the General Commissariat of the Republic of Equatorial Guinea (17 October 1967), par. 1.5
(vol. IV, annexe 108).
- 75 -
Figure 3.20
Carte espagnole sur laquelle les dépendances de Corisco servent de points de base
espagnols aux fins du tracé de la ligne médiane (1966)
Source : Royaume d’Espagne, ministère de l’industrie, rapport confidentiel sur la détermination des eaux territoriales du
Gabon (12 juillet 1966).
- 76 -
3.91. La constitution du Gabon, au moment où celui-ci est devenu indépendant, ne comportait
aucune référence aux îles de la baie de Corisco170. La description détaillée du Gabon que fit le
représentant français devant le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies en vue du
vote qui devait s’y tenir quant à l’admission de cet État à l’ONU ne mentionnait aucune île
gabonaise171. De plus, lorsque le président Léon M’ba proclama l’indépendance du Gabon, il ne cita
que le traité d’alliance signé en 1839 entre la France et le roi Denis au sujet du territoire du Gabon172.
Contrairement à la déclaration de Corisco établie par l’Espagne en 1843 et au procès-verbal
d’annexion signé en 1846 avec le roi Orejeck de Corisco, le traité conclu avec la France n’incluait
pas d’île173.
3.92. Les activités du Gabon en matière de concessions pétrolières après l’indépendance
confirmaient elles aussi la souveraineté espagnole sur les îles et l’absence d’une quelconque
revendication du Gabon à cet égard174. Comme l’illustre la carte représentée à la figure 3.21 ci-après,
la zone couverte par le permis de Libreville sollicité par la Compagnie Shell de Recherche et
d’Exploitation au Gabon (ci-après « Shell » ou la « COSREG ») en 1964175 était délimitée au nord
par ce qui est clairement une ligne d’équidistance tracée à partir de points de base situés, pour ce qui
est de l’Espagne, sur les dépendances de Corisco. Cette carte était jointe à un aide-mémoire établi
par l’ambassadeur britannique à Brazzaville en avril 1965176.
3.93. Un an plus tard, le 27 septembre 1966, le Gabon publia un décret définissant le tracé de
la ligne de fermeture de la baie de Mondah — à laquelle il est fait référence dans le rapport espagnol
évoqué plus haut — qui délimitait ses eaux intérieures et servait de ligne de base à partir de laquelle
la largeur de sa mer territoriale était mesurée. Il convient de relever que le Gabon ne formulait aucune
prétention consistant à voir en Mbanié, Cocotiers ou Conga des territoires générant des eaux
territoriales. Cette ligne de fermeture est représentée à la figure 3.22 ci-après.
3.94. En réponse au décret relatif à la ligne de fermeture de la baie de Mondah promulgué par
le Gabon, l’Espagne fit savoir à ce dernier, par une note de son ambassade à Libreville, qu’elle
réservait ses droits et proposait d’engager des négociations177. Rien n’indiquait qu’un différend
existât au sujet des îles espagnoles de la baie de Corisco, les deux États s’accordant au contraire sur
le fait que le Gabon entendait délimiter sa frontière maritime en utilisant des points de base situés
sur son territoire terrestre continental et sa ligne de fermeture de la baie de Mondah nouvellement
établie.
170 République gabonaise, constitution, préambule (14 novembre 1960) (vol. VI, annexe 180).
171 Nations Unies, Conseil de sécurité, documents officiels, 890e séance (23 août 1960) (vol. III, annexe 17).
172 Ibid.
173 Convention passée entre le roi Denis, le lieutenant de vaisseau Édouard Bouët et le capitaine Broquant, délégué
de la chambre de commerce de Bordeaux signée au Gabon le 9 février 1839 (vol. III, annexe 2).
174 La répartition géographique des concessions pétrolières peut fournir des indications sur la position d’un État à
l’égard de titres territoriaux. Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée
équatoriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, par. 215 (« [C]ette communauté de vues entre les Parties se trouve
également reflétée par la répartition géographique des concessions pétrolières accordées par l’une et l’autre »).
175 La COSREG était la société d’exploitation qui représentait alors les intérêts du groupe Royal Dutch/Shell en
matière d’exploration au Gabon. Aide-Memoire on “Royal Dutch/Shell Group Exploration Venture in Gabon” for the
Ambassador of the United Kingdom to the Republic of the Congo (16 April 1965) (vol. IV, annexe 102).
176 Ibid.
177 The Spanish State, Ministry of Foreign Affairs, Informational Note: Delimitation of Gabon and Equatorial
Guinea’s Territorial Waters (14 November 1967) (vol. V, annexe 145).
- 77 -
3.95. Cela fut confirmé par un aérogramme du 26 février 1967 adressé au département d’État
des États-Unis par l’ambassade des États-Unis à Libreville, qui présentait la portée des
revendications du Gabon dans les termes suivants :
« Le Gabon semble avoir décidé de déclarer la baie de Mondah (bras de mer situé
au nord et à l’est de Libreville) comme une masse d’eau intérieure. En outre, le
Gouvernement gabonais soumet une proposition au Gouvernement espagnol concernant
une définition précise de la ligne délimitant les eaux territoriales du Gabon et celles de
la Guinée équatoriale à la frontière septentrionale du Gabon … Les eaux territoriales
gabonaises sont définies comme comprenant l’ensemble des espaces maritimes
s’étendant sur 12 milles marins à partir de la côte gabonaise, sauf lorsque cette
revendication empiète sur des zones situées dans les 12 milles marins des territoires
côtiers ou insulaires de la Guinée équatoriale. Dans ce cas, des lignes ont été tracées sur
une carte détaillée entre les différentes îles sous contrôle espagnol et les points les plus
proches de la côte continentale gabonaise adjacente. Les points situés à mi-chemin de
ces lignes ont été reliés. La ligne qui en résulte constitue la frontière proposée par le
Gabon entre ses eaux territoriales et celles de la Guinée équatoriale. »178
178 Airgram No. A-93 from the Embassy of the United States of America to the Gabonese Republic to the US
Department of State (26 February 1967) (vol. IV, annexe 106).
- 78 -
Figure 3.21
Limite septentrionale du permis marin de Libreville octroyé par le Gabon correspondant à une ligne
médiane tracée à partir de points de base espagnols placés sur les dépendances de Corisco (1964)
- 79 -
Légende :
Corisco Island = Île Corisco
Spanish Guinea = Guinée espagnole
Libreville Marin 1964 = Permis marin de Libreville de 1964
Libreville (Appplication made 7th September 64) = Libreville (demande de permis soumise le
7 septembre 1964)
(Spafe Operator) = (exploité par la SPAFE)
(Cosreg Operator) = (exploité par la COSREG)
Mayumba Grand fond (Application in process) = Mayumba grand fond (demande en cours)
Oil fields = Champs pétrolifères
1) Ile Mandji Land Fields (Spafe) = Gisements terrestres de l’île Mandji (SPAFE)
2) Anguille offshore field (Spafe) = Gisement marin d’Anguille (SPAFE)
General land permit of Spafe = Permis terrestre général de la SPAFE
100 % Spafe permits = Permis intégralement octroyés à la SPAFE
Spafe – Mobil association permits (from which Mobil
has now withdrawn)
= Permis octroyés à l’association SPAFE - Mobil (dont
Mobil s’est depuis retiré)
Spafe – Cosreg association = Association SPAFE - COSREG
100 % Cosreg application = Demande de permis pour exploitation exclusive de la
COSREG
Map of permit areas and oil fields of Gabon and Congo = Carte des permis et gisements du Gabon et du Congo
Source : Aide-mémoire on « Royal Dutch/Shell Group Exploration Venture in Gabon » for the Ambassador of the United
Kingdom to the Republic of the Congo (16 April 1965) (annotations ajoutées).
- 80 -
Figure 3.22
Ligne de fermeture de la baie de Mondah établie par le Gabon en 1966
- 81 -
Légende :
Cape San Juan = Cape San Juan
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Mondah Bay = Baie de Mondah
Mbañe = Mbanié
Conga = Conga
Cocoteros = Cocotiers
Buyumba Reef = Récif Buyumba
Pt. Buyumba = Pointe Buyumba
Point Bolokoboué = Pointe Bolokoboué
Cape Esterias = Cap Estérias
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Coastal Data : DMS chart 57181, 5th edition = Données côtières : carte DMA 57181, 5e édition
(transformed from Gabon 1951 datum) = (adapté à partir du système de référence de 1951 du
Gabon)
3.96. La proposition du Gabon telle qu’elle est décrite ici utilisait la même méthodologie que
celle employée par le ministère espagnol de l’industrie dans son rapport et aurait abouti à une ligne
similaire à celle représentée sur la carte du ministère (figure 3.20 ci-avant).
3.97. Un autre aérogramme de l’ambassade des États-Unis à Libreville, daté du 28 mai 1967,
confirme la manière dont les États-Unis comprenaient alors les revendications territoriales du Gabon.
Dans cette communication, l’ambassade faisait état d’informations fournies par des représentants de
la Gulf Oil Company, qui s’étaient vu indiquer par des responsables gabonais que le Gabon pourrait
revoir sa position et revendiquer pour la première fois « comme faisant partie de son territoire
plusieurs bancs de sable et récifs ou îlots inhabités situés au large »179. Le passage pertinent de
l’aérogramme du 28 mai 1967 se lit comme suit :
« Lors d’une des récentes visites qu’ils ont entreprises au Gabon pour conclure
des négociations portant sur des concessions d’exploration pétrolière en mer, Manuel
RIGO et Norman LEWIS, représentants de la Gulf Oil Company, ont été informés par
des responsables gabonais du fait que le Gabon revenait actuellement sur la position
souple qu’il avait jusqu’alors adoptée s’agissant de la frontière entre ses eaux
territoriales et celles du Río Muni (Guinée équatoriale). Le Gabon envisageait
auparavant d’accepter une frontière constituée par les points situés à mi-chemin de
lignes reliant les îles sous contrôle espagnol à des points situés sur la côte continentale
gabonaise (voir aérogramme cité en référence). Les représentants de la Gulf se sont vu
indiquer que le Gouvernement du Gabon revendiquerait désormais plusieurs bancs de
sable, récifs et îlots inhabités situés au large comme faisant partie du territoire
gabonais et demanderait, en conséquence, que le tracé de la frontière soit déterminé en
joignant les points situés à mi-chemin des lignes reliant les points placés sur les îles
revendiquées par l’Espagne à des points placés sur les bancs, récifs et îlots revendiqués
par le Gabon. Les responsables gabonais auraient confié aux représentants de la Gulf
que la proposition antérieure avait été reconsidérée parce qu’elle aurait placé la
frontière des eaux territoriales de la Guinée équatoriale largement plus au sud par
rapport à la frontière terrestre, et en conséquence bien trop loin du tracé acceptable
pour les Gabonais.
179 Airgram No. A-137 from the Embassy of the United States of America to the Gabonese Republic to the US
Department of State (28 May 1967) (vol. IV, annexe 107).
- 82 -
REMARQUE : La présence possible de gisements pétrolifères dans la zone
frontalière pourrait fort bien avoir joué un rôle important dans la décision du Gabon de
chercher à étendre ses revendications territoriales. Trois sociétés pétrolières, à savoir la
Gulf Oil Company, Shell et la Société des Pétroles d’Afrique (SPAFE), s’emploient
aujourd’hui activement à obtenir des concessions d’exploration pétrolière dans les zones
maritimes situées à l’ouest et au nord de Libreville. »180
3.98. Si ce document indique que le Gabon envisageait, dès 1967, de revendiquer certaines
des dépendances de Corisco, celui-ci n’avait toutefois formulé, à l’époque, aucune prétention en ce
sens. Il ne le fit que quatre ans après l’indépendance de la Guinée équatoriale, en 1972, date avant
laquelle ses actes avaient toujours indiqué une reconnaissance univoque et entière du titre juridique
de l’Espagne sur ces formations insulaires. Ainsi, le 2 août 1967, le Gabon octroya une concession
pétrolière, le « Permis marin de Libreville », aux sociétés Gulf Oil Company et Shell. Comme dans
le cas de la zone du permis demandé par la COSREG en 1964, la limite septentrionale du permis
marin de Libreville, tel qu’octroyé en 1967, correspondait à une ligne médiane entre la côte
continentale du Gabon et les possessions insulaires de l’Espagne, y compris Mbanié, Cocotiers et
Conga. L’étendue de cette concession est représentée à la figure 3.23 ci-après181. Le permis marin de
Libreville conserva la même limite septentrionale lorsque, après sa date d’expiration prévue, le
Gabon délivra aux groupes Gulf et Shell un nouveau permis pour la zone pour une période de cinq ans
à compter du 2 août 1969182. Les contours de la concession, tracés à partir des coordonnées et de la
superficie prévues par le décret portant renouvellement du permis de 1967 sont représentés à la
figure 3.24 ci-après.
3.99. D’autres sociétés pétrolières opérant dans la baie de Corisco dans le cadre de permis
accordés par le Gabon considéraient que les dépendances de Corisco relevaient de la souveraineté
espagnole. Ainsi, par lettres en dates des 22 et 28 décembre 1967 adressées à l’ambassadeur espagnol
à Libreville, le directeur général de la Gulf Oil Company of Gabon demanda que la société Western
Geophysical soit autorisée à conduire sur les « îles de Corisco et les rochers de Conga »183, présentés
comme étant des « îles de la Guinée espagnole »184, une étude sismique de la zone. Les autorités
espagnoles accédèrent à cette demande et les représentants de ladite société effectuèrent leurs travaux
sur les îles185.
3.100. La France, ancienne puissance coloniale de la souveraineté de laquelle relevait le
territoire gabonais, continua également de reconnaître la souveraineté de l’Espagne sur les
dépendances de Corisco, comme le montre une carte de 1968 établie par l’institut géographique
180 Ibid.
181 République gabonaise, Journal officiel no 20, « Propriété minière, forêts, domaines et conservation de la
propriété foncière » (15 septembre 1967), p. 3 (vol. VI, annexe 181). Cette interprétation de la limite septentrionale du
permis marin de Libreville est corroborée par une carte établie à l’époque par la société concessionnaire et annexée à un
aérogramme ultérieur daté du 18 juin 1968 de l’ambassade des États-Unis à Libreville, analysant les activités pétrolières
conduites au Gabon. Voir aussi Airgram from the Embassy of the United States to the Gabonese Republic to the US
Department of State (18 June 1968) (vol. VI, annexe 149).
182 République gabonaise, décret no 670/PR-MMERH-DMG (24 septembre 1969) (vol. VI, annexe 183).
183 Lettre en date du 22 décembre 1967 adressée à l’ambassadeur d’Espagne par le directeur général de la Gulf Oil
Company of Gabon (vol. VI, annexe 147).
184 Lettre en date du 28 décembre 1967 adressée à l’ambassadeur d’Espagne par le directeur général de la Gulf Oil
Company of Gabon (vol. VI, annexe 148).
185 Kingdom of Spain, Letter No. 408R from the Commissioner General of Equatorial Guinea, Santa Isabel to the
Commissioner-General, Bata (11 May 1968) (vol. IV, annexe 109).
- 83 -
national français qui indiquait que les îles Corisco et Mbanié faisaient partie de la Guinée
équatoriale186. Cette carte est reproduite à la figure 3.25 ci-après.
3.101. En résumé, lorsque la Guinée équatoriale accéda à l’indépendance le 12 octobre 1968,
le titre juridique de l’Espagne sur l’île Corisco et ses dépendances était reconnu par le Gabon, la
France et la communauté internationale. Rien n’indiquait que la France ou le Gabon pût avoir des
prétentions à l’égard de Mbanié, Cocotiers ou Conga, ni l’un ni l’autre de ces deux États n’ayant, du
reste, accompli d’actes souverains sur ces formations insulaires. L’Espagne, en revanche, avait
administré ces formations de façon continue depuis le milieu du XIXe siècle.
186 Figure 3.25 (France, Institut géographique national Paris, Libreville, République gabonaise (1968)).
- 84 -
Figure 3.23
Limite septentrionale du permis marin de Libreville octroyé par le Gabon correspondant à une ligne
médiane tracée à partir de points de base espagnols placés sur les dépendances de Corisco (1967)
- 85 -
Légende :
Area enlarged = Zone représentée dans l’encadré ci-contre
Corisco Island = Île Corisco
Libreville Marin 1967 = Permis marin de Libreville de 1967
Source : Airgram from the Embassy of the United States to the Gabonese Republic to the United States Department of
State, Enclosure No. 2, Shell Gabon, Petroleum Concessions and Fields in Gabon (18 June 1968) (annotations ajoutées).
Figure 3.24
Limite septentrionale du permis marin de Libreville octroyé par le Gabon correspondant
à une ligne médiane tracée à partir de points de base équato-guinéens
placés sur les dépendances de Corisco (1969)
Légende :
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Cape San Juan = Cap San Juan
Elobey Grande = Elobey Grande
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Cape Esterias = Cap Estérias
Gabon = Gabon
Point Ngombé = Pointe Ngombé
Gabon Estuary = Estuaire du Gabon
Libreville Marin 1969 = Permis marin de Libreville (1969)
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
- 86 -
Figure 3.25
Carte officielle française sur laquelle les dépendances de Corisco sont équato-guinéennes (1968)
- 87 -
Source : France, institut géographique national (Paris), Libreville, République gabonaise (1968) (extrait, annotations
ajoutées).
B. La situation du territoire terrestre continental
3.102. Au sud, l’Espagne continua d’administrer la zone de l’Outemboni après l’accession du
Gabon à l’indépendance, en 1960, et jusqu’à celle de la Guinée équatoriale en 1968. Le Gabon,
comme la France avant lui, accepta la souveraineté espagnole dans ces limites, ainsi que l’énoncerait
par la suite l’accord conclu en 1966 entre l’Espagne et le Gabon concernant la circulation et les
échanges transfrontaliers entre le Río Muni et ce dernier (ci-après l’« accord de 1966 »)187.
3.103. En décembre 1963, le Gabon invita l’Espagne à négocier en vue de ce qui deviendrait
l’accord de 1966188. En 1964, l’ambassadeur d’Espagne auprès du Gabon indiqua au ministre
espagnol des affaires étrangères que l’accord proposé « constituait une reconnaissance de
frontières »189. L’accord fut signé par l’Espagne et le Gabon le 11 juin 1966, mais n’est, semble-t-il,
jamais entré en vigueur190.
3.104. L’article 1 de l’accord de 1966 définit, aux fins du traité, une « zone frontalière » qui
s’étend sur 10 kilomètres de large de part et d’autre de la frontière terrestre entre les deux parties. Il
prévoit en outre que chacune des parties fournira à l’autre une note contenant une liste des
agglomérations situées sur son territoire et comprises dans cette région frontalière191. Pour ce qui est
de la zone de l’Outemboni, l’échange de notes reflète, à l’exception de deux villages figurant sur la
liste du Gabon, la situation territoriale au moment de l’accession du Gabon à l’indépendance en 1960,
telle que résultant de la convention de 1900, de la proposition de la commission de 1901 et de la
pratique ultérieure de l’Espagne et de la France192. La Guinée équatoriale n’a trouvé aucun élément
attestant que les deux localités en question auraient, de fait, été administrées par le Gabon (ou la
France avant lui). L’Espagne et le Gabon convinrent également de l’emplacement des points de
passage de leur frontière terrestre193, chacun d’eux étant définis par référence à deux localités situées
de part et d’autre de la frontière. L’Espagne proposa deux points de passage dans la zone de
187 Parlement de l’État espagnol, accord conclu entre l’État espagnol et la République gabonaise concernant la
circulation et les échanges transfrontaliers entre le Río Muni et le Gabon, Journal officiel no 931 (4 octobre 1966) (tel que
soumis pour ratification au Parlement espagnol) (vol. III, annexe 7).
188 Note verbale en date du 10 décembre 1963 adressée au ministère des affaires étrangères de l’Espagne par
l’ambassade du Gabon en Espagne (vol. IV, annexe 97).
189 État espagnol, lettre no 109 en date du 30 mai 1964 adressée au ministère espagnol des affaires étrangères par
l’ambassade du Royaume d’Espagne au Gabon, p. 1 (vol. IV, annexe 98).
190 État espagnol, lettre no 303 en date du 13 juin 1966 adressée au ministère espagnol des affaires étrangères par
l’ambassade du Royaume d’Espagne au Gabon (vol. IV, annexe 101). Voir Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 68, par. 89 (« La Cour observe que les
accords signés mais non ratifiés peuvent constituer l’expression fidèle des vues communes des parties à l’époque de la
signature. »).
191 Parlement de l’État espagnol, accord conclu entre l’État espagnol et la République gabonaise concernant la
circulation et les échanges transfrontaliers entre le Río Muni et le Gabon, Journal officiel no 931 (4 octobre 1966), art. 1
(vol. III, annexe 7).
192 Voir Convention between The Spanish State and The Gabonese Republic Concerning Cross-Border Exchanges
and Movement Between Rio Muni and Gabon, Appendix 2 Concerning the Towns or Urban Areas to be Included in the 10
KM Zone Referred to in the Convention (1966) (Spain’s list of towns in border zone) (vol. III, annexe 8) ; État espagnol,
lettre no 223 en date du 6 mai 1965 adressée au ministère espagnol des affaires étrangères par l’ambassadeur d’Espagne au
Rio Muni (portant transmission d’une lettre du vice-président du Gabon à laquelle était annexée la liste, établie par le
Gabon, des localités situées dans la zone frontalière) (vol. IV, annexe 99).
193 État espagnol, lettre no 383 en date du 20 octobre 1965 adressée au ministre espagnol des affaires étrangères par
la présidence du gouvernement (portant acceptation de la liste des points de passage de la frontière fournie par le Gabon)
(vol. IV, annexe 100).
- 88 -
l’Outemboni : l’un situé entre la localité espagnole de Niefala et la localité gabonaise d’Avloa, et
l’autre entre la localité espagnole d’Asobla et une localité gabonaise non spécifiée194. Le Gabon
recommanda quant à lui de ne pas établir de point de passage dans ce secteur, arguant de
l’insuffisance des ressources disponibles pour en assurer l’administration, mais ne s’opposa pas aux
localités désignées par l’Espagne pour ce qui est du territoire espagnol195. Les villages compris dans
la zone de l’Outemboni énumérés dans les notes échangées entre le Gabon et l’Espagne, ainsi que
les points de passage de la frontière proposés par cette dernière, sont représentés à la figure 3.26
ci-après. Les localités figurant sur la liste de l’Espagne apparaissent en orange et celles figurant sur
la liste du Gabon, en vert.
3.105. En 1964, l’Espagne prit un décret réservant provisoirement tous droits sur certaines
terres qui présentaient des affleurements bitumineux dans la province du Río Muni, confiant à
l’institut national espagnol de l’industrie les travaux d’exploration qui devaient y être effectués196.
La zone concernée couvrait la région côtière du Río Muni, du fleuve Campo (Ntem), au nord, à la
frontière avec le Gabon, au sud. Du côté oriental, elle était limitée par une ligne reliant un ensemble
de points définis, dont le plus méridional était la localité d’Anguma, dans la zone de l’Outemboni. À
partir d’Anguma, la limite « descend[ait] vers le sud le long du méridien jusqu’à la ligne frontière
avec le Gabon et sui[vait] ensuite celle-ci vers l’ouest jusqu’à la mer »197. La portion pertinente de la
zone contenant des gisements de bitume faisant l’objet de la réserve est représentée à la figure 3.27
ci-après. L’Espagne continua en outre d’administrer une école élémentaire à Asobla jusqu’en 1967,
soit un an seulement avant l’indépendance de la Guinée équatoriale198.
3.106. Le Gabon n’éleva aucune protestation contre l’exercice par l’Espagne de sa
souveraineté à Asobla, Anguma ou dans quelque autre partie de la zone de l’Outemboni, laquelle
relevait du territoire espagnol conformément à la proposition de la commission de 1901 et à la
pratique des États coloniaux.
3.107. Le Gabon ne contesta pas davantage la souveraineté espagnole au nord et à l’est, dans
les zones situées entre la frontière formée par le Kyé, établie par l’accord des gouverneurs de 1919,
et le 9e méridien est de Paris. L’Espagne poursuivit, presque immédiatement après l’accession du
Gabon à l’indépendance, les actes publics continus qu’elle avait accomplis pour confirmer son titre.
En 1961, l’année suivant cette indépendance, elle soumit ainsi au Comité des renseignements relatifs
aux territoires non autonomes des Nations Unies un rapport décrivant son territoire en Guinée
194 État espagnol, direction générale des territoires et provinces d’Afrique, étude relative à la frontière entre le
Gabon et le Río Muni Points de passage (1965) (vol. III, annexe 6).
195 État espagnol, lettre no 223 en date du 6 mai 1965 adressée au ministère espagnol des affaires étrangères par
l’ambassadeur d’Espagne au Rio Muni (portant transmission d’une lettre du vice-président du Gabon qui évoquait
l’insuffisance des ressources disponibles de son pays et à laquelle était annexée la liste des points de passage de la frontière
proposés par le Gabon) (vol. IV, annexe 99).
196 The Spanish State, Order of 7 January 1964 Establishing the Provisional Reserve of Land with Bituminous
Indications in the Río Muni Province, Entrusting the National Institute of Industry with Research Work, Official
Gazette (15 February 1964), p. 1 (vol. V, annexe 141).
197 Ibid.
198 Equatorial Guinea, Order Approving the Amendment of Remunerations of the Employees of Equatorial Guinea
Employed by the Office of the Commissioner-General (7 February 1967) (vol. V, annexe 144) ; Equatorial Guinea,
Government Officials: Assistant Teachers for the Elementary Teaching Service (“Official Bulletin”) (1 March 1964),
p. 162 (vol. V, annexe 142).
- 89 -
équatoriale coloniale, dans lequel il était indiqué que le « Kié … for[mait] la frontière naturelle avec
le Gabon »199.
3.108. Aux fins de la mise en oeuvre de l’accord de 1966 évoqué ci-dessus, l’Espagne et le
Gabon échangèrent des notes dans lesquelles ils désignaient leurs agglomérations respectives situées
dans un rayon de 10 km de la frontière dans la zone du Kyé, comme ils l’avaient fait pour la zone de
l’Outemboni. Nombre des plus de 100 villages des districts d’Ebebiyin et de Mongomo désignés par
l’Espagne étaient situés à l’est du 9e méridien est de Paris et à l’ouest de la frontière formée par le
Kyé (établie par l’accord des gouverneurs de 1919). Pour le district d’Ebebiyin, la liste de localités
situées dans le Río Muni établie par l’Espagne comptait notamment Ebebiyin, Ngong, Adyap, Melo,
Nfua, Alen (Campamento), Masaman, Anuguong, Acoelon et Mbiralen. Pour le district de
Mongomo, les localités citées étaient, en particulier, Ngomete, Edum, Mban, Melen, Macomo et
Mongomo. Cette dernière ville importante espagnole (aujourd’hui équato-guinéenne), l’une des
localités indiquées à titre de référence, est située à l’ouest du 9e méridien est de Paris, puisque le Kyé,
dont l’accord des gouverneurs de 1919 a établi qu’il constituait la frontière, coule à l’ouest dudit
méridien sur cette portion. L’Espagne proposa également que neuf de ces localités espagnoles soient
retenues, côté espagnol, pour définir l’emplacement des points de passage de la frontière sur le Kyé.
Le Gabon confirma, dans la proposition qu’il soumit lui-même concernant les points de passage
— laquelle fit consensus entre les parties — qu’Ebebiyin, Ngong, Alen, Anunguong, Ngomete,
Mibang et Mongomo étaient situées en territoire espagnol200. Ces localités espagnoles, les points de
passage de la frontière et les localités figurant sur la liste fournie par le Gabon pour ce qui est de son
territoire sont représentés à la figure 3.28 ci-après.
199 Nations Unies, rapport du Comité des renseignements relatifs aux territoires non autonomes, Documents officiels
de l’Assemblée générale, seizième session, Supplément no 15, 1er septembre 1961, doc. A/4785 (vol. III, annexe 18).
200 Letter from the Director General of African Cities and Provinces (Presidency of the Government of Spain) to
the Director General of African Affairs (Spanish Ministry of Foreign Affairs), attaching Annex I to Act No. 3 Concerning
the Obligatory Boundary Crossings Proposed by the Commission on the Common Boundary Between the Republic of
Gabon and Equatorial Guinea (19 October 1965) (vol. III, annexe 9).
- 90 -
Figure 3.26
Villages espagnols et gabonais et points de passage de la frontière (1966) (zone de l’Outemboni)
Légende :
Cameroon = Cameroun
Spain = Espagne
Gabon = Gabon
Utamboni River Area = Zone de l’Outemboni
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Spanish villages = Villages espagnols
Gabonese villages = Villages gabonais
Border crossings proposed by Spain = Points de passage de la frontière proposés par
l’Espagne
- 91 -
Figure 3.27
Concession accordée par l’Espagne pour l’exploitation du bitume (1964)
Légende :
Cameroon = Cameroun
Spain = Espagne
Gabon = Gabon
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Area of map = Zone représentée sur la carte
Eastern edge of Bitumen Concession = Limite orientale de la concession
3.109. Après avoir accédé à son indépendance, la Guinée équatoriale continua d’administrer
la zone du Kyé. Le Gabon, dont la position a varié au fil des années, a toutefois fini par reconnaître
la frontière coloniale suivant le Kyé comme étant la limite entre les deux États. En 2011, la Guinée
équatoriale a achevé la construction de deux ponts sur le Kyé reliant les villes équato-guinéennes
d’Ebebiyin et de Mongomo au Gabon, en établissant des postes-frontières du côté équato-guinéen.
Les ponts faisaient partie d’une série de projets de construction d’infrastructures qui devaient être
réalisés le long de la frontière orientale formée par le Kyé201. Non seulement le Gabon ne s’est-il pas
opposé à la construction de ces ponts, mais son président Ali Bongo Ondimba a de surcroît
201 « Inauguration des ponts de l’amitié entre le Gabon et la Guinée équatoriale », La lettre d’information,
bulletin d’information officiel de la Présidence de la République no 3, août 2011 (vol. VII, annexe 239).
- 92 -
officiellement assisté à leur inauguration. Le 4 août 2011, une publication gabonaise indiquait que le
président gabonais Ali Bongo et le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo
avaient assisté à l’inauguration du « pont sur la rivière Kyé, frontière naturelle entre les deux
pays »202.
3.110. Peu après l’inauguration du pont, le président gabonais a accordé un entretien au
magazine Jeune Afrique. Interrogé sur les désaccords frontaliers avec la Guinée équatoriale, il a
indiqué ce qui suit :
« Le président Obiang et moi-même étions fin juillet à la frontière de nos pays
pour inaugurer deux ponts qui vont augmenter nos échanges commerciaux et faciliter la
circulation des personnes. Existe-t-il meilleur symbole d’entente que la construction
d’un pont ? »203
3.111. La figure 3.29 ci-après montre l’emplacement de ces deux ponts sur une carte
représentant l’ensemble de la zone du Kyé. La figure 3.30 ci-après est une image satellite de la ville
d’Ebebiyin datant de 2020, sur laquelle on peut voir le 9e méridien est de Paris passant au centre de
la ville et le pont international du Kyé inauguré par les présidents en 2011 à l’extrême est de la ville.
La figure 3.31 ci-après est une image satellite de la ville équato-guinéenne de Mongomo, qui montre
l’autre pont international sur le Kyé, également inauguré par les présidents en 2011, à la limite
orientale de cette ville. La rivière Kyé, dont l’Espagne et la France ont établi qu’elle marquait la
frontière internationale entre leurs territoires coloniaux, continue donc d’être la frontière aujourd’hui.
202 « Ali Bongo Ondimba en Guinée-Equatoriale pour l’inauguration d’un pont », Bongo Doit Partir (4 août 2011),
p. 1 (« Le président gabonais Ali Bongo Ondimba s’est rendu jeudi en Guinée-Equatoriale pour inaugurer, avec son
homologue Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le pont sur la rivière Kyé, frontière naturelle entre les
deux pays ») (les italiques sont de nous) (vol. VII, annexe 237) ; « Deux ponts entre la Guinée équatoriale et le Gabon ont
été inaugurés », Bureau d’information et de presse de Guinée équatoriale (6 août 2011) (vol. VII, annexe 238).
203 « Ali Bongo Ondimba : “Tout le monde n’a pas compris que le Gabon avait changé” », Jeune Afrique
(6 septembre 2011) (vol. VII, annexe 240).
- 93 -
Figure 3.28
Villages espagnols et gabonais et points de passage de la frontière (1966) (zone du Kyé)
- 94 -
Légende :
Cameroon = Cameroun
Spain = Espagne
Gabon = Gabon
Kie River Area = Zone du Kyé
Boundary undefined = Frontière non définie
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
Spanish villages = Villages espagnols
Gabonese villages = Villages gabonais
Border crossings proposed by Spain = Points de passage de la frontière proposés par
l’Espagne
Agreed border crossings = Points de passage de la frontière convenus
- 95 -
Figure 3.29
Ponts internationaux sur le Kyé, inaugurés le 4 août 2011
- 96 -
Légende :
Cameroon = Cameroun
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Gabon = Gabon
Kie River Area = Zone du Kyé
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Boundary undefined = Frontière non définie
9°00’E (of Paris) = 9e méridien est de Paris
Ebebiyin-Mebogo Bridge = Pont Ebebiyin-Mebogo
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
Mongomo-Assok Bridge = Pont Mongomo-Assok
- 97 -
Figure 3.30
Ebebiyin, Guinée équatoriale (2020)
- 98 -
Légende :
Cameroon = Cameroun
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Gabon = Gabon
Area of map = Zone photographiée
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
9°00’E (of Paris) = 9e méridien est de Paris
Ebebiyin-Mebogo Bridge = Pont Ebebiyin-Mebogo
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
Source : Landsat 8, photographie prise le 26 janvier 2020.
- 99 -
Figure 3.31
Mongomo, Guinée équatoriale (2020)
- 100 -
Légende :
Cameroon = Cameroun
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Gabon = Gabon
Area of map = Zone photographiée
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
9°00’E (of Paris) = 9e méridien est de Paris
Mongomo-Assok Bridge = Pont Mongomo-Assok
1919 Governors’ Agreement = Accord des gouverneurs de 1919
Source : Landsat 8, photographie prise le 26 janvier 2020.
- 101 -
CHAPITRE 4
L’ORIGINE DU DIFFÉREND ENTRE LES PARTIES
4.1. Comme le montrent les archives historiques de la période coloniale, l’Espagne n’avait pas
de différend concernant la souveraineté ou des questions territoriales avec la France au moment de
l’accession du Gabon à l’indépendance en 1960. Elle n’en avait pas davantage avec le Gabon lorsque
la Guinée équatoriale accéda à son tour à l’indépendance en 1968. L’un et l’autre des deux États
la France, puis le Gabon reconnaissaient la souveraineté de l’Espagne sur l’île Corisco et ses
dépendances dans la baie du même nom ; ils reconnaissaient également le fait que, dans les zones de
l’Outemboni et du Kyé, la frontière terrestre entre la Guinée équatoriale et le Gabon épousait ces
deux cours d’eau et avait été tracée en fonction de l’emplacement des localités situées à proximité
immédiate du 1er parallèle nord et non en suivant strictement des lignes droites, conformément aux
recommandations de la commission de 1901 établie en exécution de la convention de 1900 et aux
dispositions de l’accord des gouverneurs de 1919. La relation territoriale qui existait lorsque la
Guinée équatoriale obtint son indépendance est représentée à la figure 1.1 du présent mémoire.
4.2. Cependant, à la fin des années 1960, l’attitude adoptée par le Gabon après l’indépendance
commença imperceptiblement à changer, en particulier à l’égard des îles de la baie de Corisco,
lorsque, prenant conscience de ce que les espaces maritimes pourraient abriter d’importantes
ressources en hydrocarbures, celui-ci envisagea d’étendre sa juridiction maritime. Ainsi que le
relevait l’ambassade des États-Unis à Libreville en 1967, « [l]a présence possible de gisements
pétrolifères dans la zone frontalière pourrait fort bien avoir joué un rôle important dans la décision
du Gabon de chercher à étendre ses revendications territoriales »204.
4.3. En 1970, soit deux ans après l’indépendance de la Guinée équatoriale, le Gabon élargit
unilatéralement de 1 500 kilomètres carrés la superficie de son permis marin de Libreville, accordé
aux sociétés Shell et Gulf en 1967, en en repoussant les limites septentrionales au-delà de la ligne
médiane séparant ses côtes des îles et îlots de la baie de Corisco, alors possessions espagnoles,
empiétant ainsi sur la mer territoriale de la Guinée équatoriale205. Cet acte du Gabon eut des effets
néfastes sur les permis d’exploration délivrés à Continental Oil, à Gulf et à la CEPSA par la Guinée
équatoriale206, le bloc le plus méridional des permis équato-guinéens se trouvant dès lors situé, à
hauteur de 50 à 60 %, dans un espace maritime nouvellement revendiqué par le Gabon207.
4.4. Cette mesure fut suivie, le 12 août 1970, par un décret du conseil des ministres gabonais
portant à 25 milles marins la limite des eaux territoriales du Gabon, initialement fixée à 12 milles
marins208. Quelques jours plus tard, le 20 août 1970, le Gabon informa le Secrétaire général de l’ONU
204 Airgram No. A-137 from the Embassy of the United States of America to The Gabonese Republic to the US
Department of State (28 May 1967), p. 1 (vol. IV, annexe 107).
205 République gabonaise, décret no 689/70 (14 mai 1970) (vol. VI, annexe 184).
206 Letter from the Spanish Embassy in Santa Isabel (22 June 1970), p. 1 (vol. VI, annexe 151) ; République de
Guinée équatoriale, mémorandum no 26R adressé au président par le ministère des industries et des mines (12 juin 1970),
p. 1 (vol. VI, annexe 185).
207 Airgram from the American Embassy in Santa Isabel to the Department of State (16 June 1970), p. 1 (vol. VI,
annexe 150).
208 Telegram from the US Embassy in Libreville to the US Department of State (13 August 1970), p. 1 (vol. VI,
annexe 152) ; Letter from the Ambassador of Spain in Libreville to the Spanish Ministry of Foreign Affairs (18 August
1970), p. 1 (vol. VI, annexe 153).
- 102 -
de l’adoption de son décret209, et, le 5 octobre de la même année, promulgua une ordonnance
présidentielle portant confirmation de cette extension territoriale210. Les États-Unis, le Royaume-Uni,
les Pays-Bas, l’URSS, la Guinée équatoriale et d’autres États élevèrent des protestations et refusèrent
de reconnaître l’extension que le Gabon entendait faire de sa mer territoriale211.
4.5. Le 24 septembre 1970, la Guinée équatoriale adopta le décret 17/1970, qui établissait « les
eaux juridictionnelles et la zone d’influence de la baie de Corisco et des îles adjacentes, dans le sud
de la province du Río Muni »212. Ce décret mentionnait la souveraineté de la Guinée équatoriale sur
Mbanié, Cocotiers et Conga et prévoyait que la frontière entre ces îles et le Gabon suivait la ligne
d’équidistance, ainsi que cela ressortait de la pratique suivie par les deux États avant 1970, telle
qu’elle est exposée au chapitre 3 ci-dessus.
4.6. En 1971, la Guinée équatoriale accorda à CONOCO-Gulf et à la CEPSA des concessions
d’exploration pétrolière en application du décret 17/1970213. Par une note adressée le 28 août 1971,
le Gabon protesta contre l’utilisation par la Guinée équatoriale de l’équidistance, destinée, selon lui,
à attribuer « à ces îlots un maximum possible de mer territoriale », avançant que cela « empiét[ait]
sur [son] plateau continental »214.
4.7. Le 5 janvier 1972, le Gabon promulguait l’ordonnance no 1/72/PR portant nouvelle
extension de la mer territoriale gabonaise, qui passait de 25 à 30 milles marins215. Les revendications
de plus en plus ambitieuses du Gabon sur les eaux de la baie de Corisco conduisirent les Parties à se
rencontrer du 25 au 29 mars 1972 à Libreville afin de tenter de trouver un compromis. C’est à cette
occasion que le Gabon revendiqua pour la première fois les dépendances de Corisco, formulant de
manière inopinée, et à la grande surprise de la Guinée équatoriale, des prétentions sur l’ensemble des
îles de la baie de Corisco, hormis les îles Corisco, Elobey Grande et Elobey Chico216. Les réunions
209 Cable from UN to Permanent Missions (14 September 1970), enclosing Communication from Mr. Mamadou
D’Niaye, Chargé d’Affaires of the Republic of Gabon to the Secretary-General of the United Nations Announcing the
Extension of Gabonese Territorial Waters by Presidential Decree (20 August 1970), p. 1 (vol. III, annexe 22) ; Airgram
from the US Department of State regarding Protest of Gabon’s Extension of Territorial Waters (12 November 1970), p. 1
(vol. VI, annexe 156).
210 République gabonaise, ordonnance no 55/70-PR-MTAC (5 octobre 1970), p. 1 (vol. VI, annexe 187).
211 Telegram from the US Embassy in Libreville to the US Department of State (13 August 1970), p. 1 (vol. VI,
annexe 152) ; Letter from the Permanent Mission of the Netherlands to the United Nations to the UN Secretary-General
(14 October 1970), p. 1 (vol. III, annexe 24) ; Airgram from US Embassy in Libreville to US Department of State
(28 November 1970), p. 1 (vol. VI, annexe 157) ; mission permanente de la République de Guinée équatoriale auprès de
l’Organisation des Nations Unies, déclaration de S. Exc. M. Jesus Alfonso Oyono Alogo devant le Conseil de sécurité
(septembre 1972) (extrait), p. 3 (vol. III, annexe 28).
212 Republic of Equatorial Guinea, Presidential Decree No. 17/1970 (24 September 1970), p. 1 (vol. VI,
annexe 186).
213 Lettre no 002967 en date du 28 août 1971 adressée au ministère des affaires étrangères de la République de
Guinée équatoriale par le ministère des affaires étrangères de la République gabonaise, p. 1 (vol. VI, annexe 154).
214 Ibid.
215 Airgram No. A-011 from the Embassy of the United States to the Gabonese Republic to the US Department of
State (8 February 1972), p. 1 (vol. VI, annexe 159) ; lettre en date du 1er mars 1972 adressée au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies par le représentant permanent de la République gabonaise auprès de l’ONU, p. 3 (vol. III,
annexe 25).
216 Procès-verbal dressé par la commission mixte Gabon-Guinée équatoriale à l’issue de la rencontre de Libreville
du 25 au 29 mars 1972, p. 1, 5 et 6 (vol. VII, annexe 199) ; Minutes Drawn up by the Gabonese-Equatoguinean Delegation
Following the Meeting in Libreville from March 25-29, 1972, Libreville (29 March 1972), p. 3 (vol. VII, annexe 197).
- 103 -
s’achevèrent sans que les Parties parviennent à s’entendre sur un règlement de leur différend217.
Celles-ci convinrent toutefois des points suivants : 1) la convention de 1900 constituerait le
document de base aux fins des négociations relatives aux frontières ; 2) les Parties fixeraient
conjointement le tracé de leurs frontières maritimes en s’appuyant sur une commission d’experts
issus des deux pays, qui établirait des rapports techniques et juridiques destinés à les guider aux fins
de cette délimitation ; et 3) les deux Parties s’engageaient à n’entreprendre, d’ici là, aucune action
unilatérale dans la zone litigieuse218.
4.8. En dépit de cet accord, le Gabon promulgua, le 16 juillet 1972, l’ordonnance no 58/72, par
laquelle il étendait unilatéralement sa mer territoriale — pour la troisième fois en moins de
deux ans — portant la limite de celle-ci à 100 milles marins219. La Guinée équatoriale éleva des
protestations contre cette mesure du Gabon220, comme le firent également les États-Unis221 et le
Royaume des Pays-Bas222.
4.9. Le mois suivant, le 26 août 1972 ou aux environs de cette date, l’îlot Mbanié fut investi
et occupé par les forces militaires gabonaises223. À cette occasion, quatre soldats de la garde nationale
équato-guinéenne furent arrêtés et roués de coups ; 24 pêcheurs équato-guinéens qui se trouvaient
sur l’îlot furent également arrêtés et torturés224. Le Gabon stationna ensuite des navires de guerre
dans l’estuaire du Muni et coula plusieurs bâtiments équato-guinéens chargés de
l’approvisionnement de l’île Corisco et de ses dépendances et de la liaison avec la partie continentale
de la Guinée équatoriale, causant la mort de leurs équipages225. Le Gabon maintint ses bâtiments
217 Procès-verbal dressé par la commission mixte Gabon-Guinée équatoriale à l’issue de la rencontre de Libreville
du 25 au 29 mars 1972, p. 1 (vol. VII, annexe 198) ; Minutes Drawn up by the Gabonese-Equatoguinean Delegation
Following the Meeting in Libreville from March 25-29, 1972, Libreville (29 March 1972), p. 1 (vol. VII, annexe 197) ;
compte rendu de conversation entre le chargé d’affaires de l’ambassade de France au Gabon et le représentant de
l’ambassade des États-Unis (5 avril 1972), p. 1 à 3 (vol. VI, annexe 160).
218 Procès-verbal dressé par la commission mixte Gabon-Guinée équatoriale à l’issue de la rencontre de Libreville
du 25 au 29 mars 1972, p. 3 et 8, points 2.1 et 8.2 (vol. VII, annexe 198).
219 Lettre en date du 28 août 1972 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par le
représentant permanent de la République gabonaise auprès de l’ONU, p. 1 (vol. VI, annexe 161) ; République gabonaise,
ordonnance no 58/72 portant à 100 milles marins la limite des eaux territoriales du Gabon (16 juillet 1972), p. 3, art. 1
(vol. VI, annexe 188) ; Telegram No. 546 from the Embassy of the United States to The Gabonese Republic to the US
Department of State (2 September 1972), p. 1 (vol. VI, annexe 162).
220 République gabonaise, ordonnance no 58/72 portant à 100 milles marins la limite des eaux territoriales du Gabon
(16 juillet 1972), p. 3 (vol. VI, annexe 188) ; Letter from the Permanent Mission of the Republic of Equatorial Guinea to
the United Nations to the Permanent Missions and Offices of Permanent Observers to the United Nations (5 September
1972) (vol. III, annexe 26).
221 Telegram No. 190230 from the US Department of State to the Embassies of the United States of America to
The Gabonese Republic, the United Kingdom, The French Republic, the Union of Soviet Socialist Republics, Japan, the
United Nations, and The United Republic of Cameroon (18 October 1972), p. 1 (vol. VI, annexe 170).
222 Telegram No. 282 from the Embassy of the United States of America to the Kingdom of the Netherlands to the
US Department of State (26 October 1972) (vol. VI, annexe 171).
223 Telegram No. 644 from the Embassy of the United States of America to The Gabonese Republic to the US
Department of State (11 September 1972), p. 1 (vol. VI, annexe 165).
224 Mission permanente de la République de Guinée équatoriale auprès de l’Organisation des Nations Unies,
déclaration de S. Exc. M. Jesus Alfonso Oyono Alogo devant le Conseil de sécurité (septembre 1972), p. 9 (vol. III,
annexe 28) ; Telegram from Equatorial Guinea’s Minister of Foreign Affairs to the Permanent Representative of the
Republic of Equatorial Guinea to the United Nations (11 September 1972) (vol. VI, annexe 164).
225 Telegram from Equatorial Guinea’s Minister of Foreign Affairs to the Permanent Representative of the Republic
of Equatorial Guinea to the United Nations (11 September 1972) (vol. VI, annexe 164) ; Memorandum from the Ministry
of Foreign Affairs of Spain summarizing President Macias’ September 8th Speech to the Diplomatic Corps (15 September
1972), p. 1 (vol. VI, annexe 173).
- 104 -
militaires stationnés dans l’estuaire du Muni, territoire relevant de la Guinée équatoriale, et continua
de couler tout bateau qui tentait de s’approcher de ces îles subitement devenues litigieuses226.
4.10. Le 11 septembre 1972, la Guinée équatoriale se plaignit auprès du Conseil de sécurité de
l’ONU des actes entrepris par le Gabon, affirmant que l’occupation par celui-ci de Mbanié constituait
une violation de sa souveraineté territoriale227. Afin d’éviter une intervention du Conseil de sécurité,
le Gabon accepta de tenter de régler le différend au niveau régional, sous les auspices de
l’Organisation de l’unité africaine (OUA)228. La première rencontre fut organisée, sous l’égide de
l’OUA, par les présidents du Congo et de ce qui s’appelait alors le Zaïre, le 17 septembre 1972 à
Kinshasa. Le président équato-guinéen, Francisco Macias Nguema, et le président gabonais, Albert
Bernard Bongo (qui prendrait par la suite le nom d’Omar Bongo Ondimba), convinrent de « régler
leur différend dans le cadre africain et par des voies pacifiques »229. Les quatre chefs d’État
s’accordèrent en outre pour établir une commission formée de représentants de leurs gouvernements
respectifs en vue d’étudier tous les aspects du problème230. À la suite de la rencontre de Kinshasa, la
commission se tourna vers les autorités françaises et espagnoles pour obtenir des informations utiles
se rapportant au différend231.
4.11. À son retour à Libreville, le président Bongo indiqua que les médiateurs lui avaient
demandé de retirer ses troupes de Mbanié dans l’attente du règlement du différend, ce à quoi il s’était
opposé, déclarant : « J’y suis. J’y reste. »232. Le 10 octobre 1972, le président gabonais se rendit sur
Mbanié et affirma que, si ce qu’il appelait les « menaces équato-guinéennes … ne cessaient pas, [il]
ordonne[rait] aux forces armées du Gabon d’occuper toutes les îles faisant face aux côtes
gabonaises ». De surcroît, le 3 novembre 1972, le Gabon proclama une zone de pêche de 50 milles
marins venant s’ajouter aux 100 milles marins d’eaux territoriales déjà revendiqués233.
4.12. Les travaux de la commission constituée sous les auspices de l’OUA prirent fin le
13 novembre 1972 à Brazzaville avec la signature par les présidents équato-guinéen et gabonais d’un
communiqué commun dans lequel ils convenaient d’assurer « la neutralisation de la zone litigieuse
226 Memorandum from the Ministry of Foreign Affairs of Spain summarizing President Macias’ September
8th Speech to the Diplomatic Corps (15 September 1972) (vol. VI, annexe 173).
227 Note verbale en date du 11 septembre 1972 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
par la mission permanente de la Guinée équatoriale auprès de l’ONU (vol. III, annexe 27) ; mission permanente de la
République de Guinée équatoriale auprès de l’Organisation des Nations Unies, déclaration de S. Exc. M. Jesus Alfonso
Oyono Alogo devant le Conseil de sécurité (septembre 1972) (vol. III, annexe 28).
228 Télégramme d’information no 434 adressé par Kinshasa (15 septembre 1972) (vol. VI, annexe 167) ; lettre en
date du 13 septembre 1972 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par le représentant
permanent de la République gabonaise auprès de l’ONU (vol. VI, annexe 166).
229 Conférence des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique centrale et orientale, Dar es Salaam, 7-9 septembre
1972, communiqué conjoint concernant les travaux de la conférence sur le règlement du différend entre la Guinée
équatoriale et le Gabon, tel qu’enregistré par l’ambassade des États-Unis au Zaïre (18 septembre 1972) (vol. VII,
annexe 200).
230 Ibid.
231 Circular No. 142 from the Ministry of Foreign Affairs of the State of Spain to the Ambassadors of the Spanish
State to the Republic of Equatorial Guinea, to The Gabonese Republic, to The Ethiopian Empire, The French Republic,
and the Permanent Representative at the United Nations (19 September 1972) (vol. VI, annexe 163).
232 Telegram from US Embassy in Libreville to US Department of State (19 September 1972), p. 2 (vol. VI,
annexe 168) ; Letter from the Embassy of Spain in Abidjan to the Minister of Foreign Affairs in Madrid (30 September
1972) (vol. VI, annexe 169) ; News Article, « Dateline Africa: Gabon Frontier Dispute Settled”, West Africa (29 September
1972) (vol. VII, annexe 229) ; « Gabon-Guinée équatoriale Prochaine concertation le 30 septembre », Fraternité matin,
le grand quotidien ivoirien, 20 septembre 1972 (vol. VII, annexe 228).
233 Telegram from US Embassy in Libreville to US Department of State, « Gabon’s November » (5 December
1972) (vol. VI, annexe 172).
- 105 -
dans la baie de Corisco » et de confier la délimitation de leurs frontières maritimes à une commission
ad hoc de l’OUA (le « communiqué de Brazzaville »)234. Le Gabon continua cependant d’occuper
Mbanié235 et la délimitation projetée ne fut jamais effectuée. Les troupes gabonaises se trouvent
encore sur l’île à ce jour.
Les présidents des Parties se réunirent à nouveau au mois de septembre 1974, à Bata. Comme il est
indiqué au chapitre suivant, ce n’est qu’en 2003, soit 29 ans plus tard, que le Gabon a soutenu pour
la première fois que la rencontre de 1974 avait donné lieu à un accord réglant entièrement tous les
points litigieux, et prévoyant notamment l’attribution au Gabon de la souveraineté sur Mbanié. La
Guinée équatoriale a rejeté cette prétention gabonaise dès sa première formulation et n’a cessé de le
faire à chaque fois qu’elle a été avancée par la suite. Un tel accord ne figure pas dans les archives
équato-guinéennes, et le texte fourni par le Gabon est contraire à l’article 7 de la Constitution de
1973 de la Guinée équatoriale. Ce document n’a jamais été publié, ni enregistré auprès d’une
quelconque instance internationale au cours des années qui ont suivi sa prétendue signature, et le
Gabon ne l’a jamais soumis au processus de ratification interne requis par la constitution nationale
alors en vigueur. Comme il est exposé ci-après, la Guinée équatoriale et le Gabon ont, au cours des
décennies suivantes, agi d’une manière indiquant qu’il n’existait pas d’accord entre eux sur les
questions prétendument réglées dans le document présenté par le Gabon, et poursuivi leurs
négociations aux fins de règlement du différend.
234 Conférence des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique centrale et orientale, deuxième session, communiqué
final concernant le différend entre la Guinée équatoriale et le Gabon (13 novembre 1972), p. 2 (vol. VII, annexe 201).
235 Telegram No. 526 from the Embassy of the United States of America to The Gabonese Republic to the US
Department of State (3 June 1973) (vol. VI, annexe 174).
- 106 -
CHAPITRE 5
LES EFFORTS DÉPLOYÉS ENTRE 1979 ET 2016 POUR RÉGLER
LE DIFFÉREND FRONTALIER ET TERRITORIAL
5.1. Le président équato-guinéen, M. Macias, a été destitué en 1979. Avec l’arrivée d’un
nouveau gouvernement en Guinée équatoriale, les Parties ont repris les négociations en vue de régler
les différends qui les opposaient, depuis l’accession de chacune d’elles à l’indépendance, au sujet de
la souveraineté sur les dépendances de Corisco et de la délimitation de leurs frontières terrestre et
maritime236. Elles ont poursuivi les négociations pendant près de quatre décennies, y compris dans le
cadre d’une médiation menée pendant 12 ans sous les auspices du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies. Le processus s’est achevé en 2016 sans que soient réglés les
différends relatifs à la souveraineté et aux frontières, la Guinée équatoriale et le Gabon parvenant
toutefois à conclure le compromis signé par leurs présidents respectifs le 15 novembre 2016, par
lequel le différend défini dans ce document a été soumis à la Cour237.
I. 1979-1984 : LES NÉGOCIATIONS BILATÉRALES VISANT À ÉTABLIR
UNE ZONE DE DÉVELOPPEMENT CONJOINT
5.2. Moins d’un mois après le changement de gouvernement intervenu en Guinée équatoriale
en 1979, les Parties ont entamé des négociations en vue d’établir une zone de développement conjoint
concernant le pétrole et le gaz dans la baie de Corisco, dans l’attente du règlement complet de leurs
différends238. Le 13 novembre 1979, le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema
Mbasogo, et celui du Gabon, Omar Bongo Ondimba, ont conclu un accord de coopération pétrolière
afin de créer une telle zone239.
5.3. En juillet 1980, le Gabon a proposé d’élargir le champ d’application de l’accord de
coopération pétrolière, ce à quoi la Guinée équatoriale s’est opposée240. L’année suivante, le
26 septembre 1981, les Parties ont constitué une commission ad hoc241, qui s’est réunie à Libreville
en mars 1982 afin d’examiner cet accord242, mais les Parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur
l’étendue que devait avoir la zone de développement conjoint243.
236 Minutes of the Second Session of the Ad Hoc Commission on the Review of the Oil Cooperation Agreement
Between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Malabo (10-13 September 1984), p. 3-5 (vol. VII,
annexe 205).
237 Compromis entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale en date du 15 novembre 2016.
238 Minutes of the Second Session of the Ad Hoc Commission on the Review of the Oil Cooperation Agreement
Between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Malabo (10-13 September 1984), p. 3-4 (vol. VII,
annexe 205).
239 Ibid. ; procès-verbal de la 1re session de la grande commission mixte Gabon-Guinée équatoriale (Malabo,
26-30 juillet 1980), p. 5 (vol. VII, annexe 202).
240 Procès-verbal de la 1re session de la grande commission mixte Gabon-Guinée équatoriale (Malabo, 26-30 juillet
1980), p. 3-4 (vol. VII, annexe 202).
241 Procès-verbal de la commission ad hoc portant révision de l’accord de coopération pétrolière entre la République
de Guinée équatoriale et la République gabonaise (Libreville, 26 septembre 1981) (vol. VII, annexe 203) ; The Gabonese
Republic, Spanish Minutes of the Ad Hoc Commission on the Revision of the Petroleum Cooperation Agreement between
the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Libreville (16-18 March 1982) (vol. VII, annexe 204).
242 Procès-verbal de la commission ad hoc portant révision de l’accord de coopération pétrolière entre la République
de Guinée équatoriale et la République gabonaise (Libreville, 26 septembre 1981), p. 1 (vol. VII, annexe 203).
243 Ibid., p. 4 ; voir aussi The Gabonese Republic, Spanish Minutes of the Ad Hoc Commission on the Revision of
the Petroleum Cooperation Agreement between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Libreville
(16-18 March 1982) (vol. VII, annexe 204).
- 107 -
5.4. Le 13 septembre 1984, la commission ad hoc constituée par les Parties s’est de nouveau
réunie pour tenter de parvenir à un accord sur la zone de développement conjoint244. Le Gabon a
proposé une zone qu’il estimait être « la mieux adaptée à un développement conjoint,
indépendamment de toute détermination des frontières maritimes entre les deux pays, détermination
qui se[rait] faite par d’autres autorités compétentes en temps voulu »245. Il considérait aussi qu’elle
était « la mieux adaptée à un développement conjoint » compte tenu de « l’existence de
revendications concurrentes quant à la souveraineté sur ces eaux » découlant des « principes
généraux de droit définis par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 »246.
5.5. La Guinée équatoriale a quant à elle proposé une zone plus au sud, qui se superposait
partiellement à celle préconisée par le Gabon247, expliquant qu’elle s’était, à cet égard,
« fond[ée] sur l’article 7 de [s]a constitution … aux termes duquel le territoire
national de la République de Guinée équatoriale se compos[ait], dans sa partie maritime,
des îles de Bioko, Corisco, Annobon, Elobey Grande, Elobey Chico, et des îlots
adjacents , ainsi que sur la récente convention sur le droit de la mer établie en
Jamaïque en 1982 »248.
5.6. En réponse, le Gabon, invoquant lui aussi la CNUDM, a rejeté la zone de développement
conjoint proposée par la Guinée équatoriale en indiquant que
« les principes généraux de droit définis par la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer de 1982 et invoqués par la partie équato-guinéenne pour réaffirmer sa
souveraineté sur la zone proposée par la partie gabonaise [étaient] les mêmes que ceux
sur lesquels [étaient] fondées les revendications gabonaises, ce qui donn[ait] lieu à un
conflit de souveraineté »249.
La réunion s’est achevée sans que les Parties parviennent à un accord250.
5.7. N’étant pas arrivées à s’entendre sur une zone de développement conjoint, les Parties ont,
après 1984, réorienté leurs négociations, s’attachant désormais à conclure un traité destiné à régler
leur différend relatif à la souveraineté sur les îles et à délimiter leurs frontières maritime et terrestre.
II. 1985-2001 : LES NÉGOCIATIONS BILATÉRALES MENÉES EN VUE DE RÉGLER
LES DIFFÉRENDS CONCERNANT LA SOUVERAINETÉ ET LES FRONTIÈRES
5.8. Du 10 au 16 novembre 1985, la commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale chargée
de la délimitation de la frontière maritime dans la baie de Corisco s’est réunie à Bata. Cette réunion
244 Minutes of the Second Session of the Ad Hoc Commission on the Review of the Oil Cooperation Agreement
Between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Malabo (10-13 September 1984), p. 1 (vol. VII,
annexe 205).
245 Ibid.
246 Minutes of the Second Session of the Ad Hoc Commission on the Review of the Oil Cooperation Agreement
Between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Malabo (10-13 September 1984), p. 3-5 (vol. VII,
annexe 205).
247 Ibid., p. 4.
248 Ibid.
249 Ibid., p. 5.
250 Ibid.
- 108 -
a été convoquée en raison de la persistance du différend, dont rien n’indiquait qu’il eût été réglé.
Dans des déclarations formulées à l’intention de la délégation gabonaise, la délégation
équato-guinéenne expliquait que la réunion visait notamment à procéder à la délimitation de la mer
territoriale dans la baie de Corisco et à régler le différend relatif à Mbanié, Conga, Leva, Hoco et
Cocotiers251. La Guinée équatoriale indiquait que, « [p]our des raisons historiques remontant » au
XIXe siècle, elle « a[vait] toujours considéré, et conti[nuait] de considérer, que les îles Corisco,
Elobey Grande, Elobey Chico et les îlots Mbanié, Conga, Leva, Hoco et Cocotiers [faisaient] partie
intégrante du territoire de l’État équato-guinéen »252.
5.9. Le Gabon a réfuté les allégations de la Guinée équatoriale, arguant que Mbanié et les îlots
Leva, Hoco, Conga et Cocotiers faisaient partie intégrante de son territoire253, sans toutefois affirmer
que la Guinée équatoriale eût jamais reconnu ou admis sa revendication.
5.10. Les Parties sont convenues d’une « série de principes et de critères de base » à appliquer
dans les négociations conduites entre elles. Aux termes du procès-verbal signé le 16 novembre 1985,
ces principes et critères étaient les suivants :
a) le principe de l’acceptation des frontières héritées des anciennes puissances coloniales, en
particulier au regard de la convention de 1900 ;
b) le principe de l’application des traités internationaux relatifs au droit de la mer ratifiés par les
Parties, et notamment la CNUDM ; et
c) le respect de la souveraineté de chaque État sur son territoire national254.
5.11. Du 17 au 19 janvier 1993, la commission ad hoc des frontières Gabon-Guinée
équatoriale s’est réunie à Libreville255. Une fois encore, les Parties ne sont pas parvenues à s’entendre
sur leurs frontières terrestre et maritime, ni à mettre fin au différend ayant trait aux îlots256. Les
négociations relatives à la frontière maritime ont échoué en raison de la persistance de ce différend
concernant Mbanié, Cocotiers et Conga. La Guinée équatoriale estimait que « Mbanié … fai[sait]
partie du territoire équato-guinéen », tandis que « [l]a partie gabonaise … réaffir[mait]
l’appartenance des îles Mbanié, Conga et Cocotiers au Gabon »257. Le Gabon a néanmoins souligné
251 Délégation de la République de Guinée équatoriale, discours d’ouverture adressé à la délégation de la
République gabonaise lors de la première réunion tenue par la commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale (4 novembre
1984), p. 1 (vol. VII, annexe 206).
252 Ibid., p. 1-2.
253 Minutes of the Guinean-Gabonese Ad Hoc Commission on the Delimitation of the Maritime Boundary in
Corisco Bay, Bata (10-16 November 1985), p. 5 (vol. VII, annexe 207) ; République de Guinée équatoriale, procès-verbal
français de la commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale chargée de la délimitation de la frontière maritime dans la
baie de Corisco entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale (Bata, 10-16 novembre 1985),
p. 4 (vol. VII, annexe 208).
254 Minutes of the Guinean-Gabonese Ad Hoc Commission on the Delimitation of the Maritime Boundary in
Corisco Bay, Bata (10-16 November 1985), p. 4-5 (vol. VII, annexe 207) ; République de Guinée équatoriale,
procès-verbal français de la commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale chargée de la délimitation de la frontière
maritime dans la baie de Corisco entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale (Bata,
10-16 novembre 1985), p. 4-5 (vol. VII, annexe 208).
255 Rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission ad hoc des frontières Gabon-Guinée équatoriale
(20 janvier 1993), p. 1 (vol. VII, annexe 210).
256 Ibid., p. 5-6.
257 Ibid., p. 6.
- 109 -
qu’il restait « dispo[sé] à négocier en vue de la délimitation de la frontière maritime entre les deux
pays »258 et les Parties sont convenues de poursuivre les discussions259.
5.12. S’agissant de la frontière terrestre, les Parties ont examiné des zones de peuplement
particulières dans les régions de l’Outemboni et du Kyé, ainsi que la question de savoir si ces zones
se trouvaient en territoire gabonais ou en territoire équato-guinéen260. Lors de leurs discussions, elles
ont considéré que la convention de 1900 et la délimitation frontalière effectuée par la commission de
1901 constituaient les instruments juridiques régissant leurs titres juridiques respectifs261. Le Gabon
a cependant affirmé pour la première fois, au sujet du segment de la frontière situé dans la région de
l’Outemboni, que « la frontière, telle qu’elle [était] représentée sur la carte de la Guinée équatoriale,
ne respect[ait] pas le tracé défini par la convention franco-espagnole du 27 juin 1900 sur la
délimitation des possessions françaises et espagnoles sur la côte du golfe de Guinée »262. La Guinée
équatoriale a contesté cette allégation en s’appuyant sur les cartes des deux Parties et les travaux de
la commission de 1901263.
5.13. À l’issue des réunions de janvier 1993, les Parties ont publié un communiqué commun
rédigé en des termes quasi identiques à ceux du procès-verbal commun de 1985, dans lequel elles
« réaffirm[aient] un certain nombre de principes et de critères devant servir de base à la
délimitation des frontières communes entre les deux pays, à savoir : [l]e respect des
frontières héritées de la colonisation conformément aux dispositions de la convention
franco-espagnole de 1900 ; [l]e respect des conventions internationales dont elles sont
signataires, et notamment la convention sur le droit de la mer ; [et] le respect de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État »264.
5.14. Le 6 mars 1999, la Guinée équatoriale a adopté le décret no 1/1999 proclamant une ligne
d’équidistance comme frontière avec le Gabon. Cette ligne avait été tracée à partir de points de base
situés sur Mbanié, Cocotiers et Conga265. Le 13 septembre 1999, le Gabon a protesté contre ce décret,
revendiquant, sur la base de sa législation interne,
« l’appartenance au Gabon de la zone Mbanie-Conga-Cocotiers conformément aux
lignes de base tel que fixées par le décret no 2066/PR daté du 04 décembre 1992
régulièrement communiqué à la partie équato-guinéenne lors de la commission ad hoc
258 Ibid., p. 6, point 2.3.
259 Ibid., p. 6.
260 Ibid., p. 2 ; Version française du rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission ad hoc des
frontières Gabon-Guinée équatoriale (20 janvier 1993) (vol. VII, annexe 209).
261 Rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission ad hoc des frontières Gabon-Guinée équatoriale
(20 janvier 1993), p. 3-4 (vol. VII, annexe 210).
262 Ibid.
263 Ibid.
264 Republic of Equatorial Guinea, Report of the Border Sub-Commission Following the Meetings of the Ad Hoc
Border Commission Gabon-Equatorial Guinea (20 January 1993), p. 2 (vol. VII, annexe 211).
265 République de Guinée équatoriale, décret-loi no 1/1999 du 6 mars 1999 définissant la ligne médiane comme
frontière maritime de la République de Guinée équatoriale (vol. VI, annexe 193).
- 110 -
des frontières Gabon-Guinée équatoriale réunie à Libreville du 17 au 20 janvier
1993 »266.
5.15. Le 21 décembre 2000, le ministre équato-guinéen des affaires étrangères a adressé une
note diplomatique à son homologue gabonais afin de protester contre l’octroi à Shell par le Gabon
d’une licence d’exploration et d’exploitation pétrolières pour les blocs désignés sous les noms de
« Mbanié » et « Mbanié ouest »267. La Guinée équatoriale affirmait que « ces permis empi[étai]ent
sur la zone maritime placée sous [s]a souveraineté »268 et qu’elle ne reconnaîtrait pas les actes
unilatéraux du Gabon. Elle invitait instamment ce dernier à poursuivre les négociations afin de régler
le différend relatif à la souveraineté et de procéder à la délimitation de la frontière maritime269.
5.16. Les Parties se sont de nouveau réunies à Libreville du 29 au 31 janvier 2001 sous les
auspices de la commission ad hoc des frontières Gabon-Guinée équatoriale270. Le chef de la
délégation gabonaise a ouvert la séance en déclarant que les Parties se devaient
« de travailler dans le respect des textes qui régissent le cadre juridique des travaux, à
savoir :
la convention franco-espagnole du 27 juin 1900 ;
la Charte des Nations Unies ;
la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine ;
la convention internationale sur le droit de la mer. »271
5.17. Le Gabon a de surcroît souligné que les deux États devaient s’appuyer sur le principe du
respect des frontières héritées lors de l’accession à l’indépendance272. Les Parties sont convenues de
poursuivre les négociations relatives à la frontière terrestre à la réunion bilatérale suivante. S’agissant
de la frontière maritime, elles sont également convenues d’établir des propositions en vue de la
réunion suivante273.
266 Note verbale en date du 23 septembre 1999 adressée au ministère des affaires étrangères et de la coopération
internationale de la République de Guinée équatoriale par l’ambassade de la République gabonaise en République de
Guinée équatoriale, p. 1-2 (vol. VI, annexe 178).
267 Note verbale en date du 21 décembre 2000 adressée au second vice-premier ministre de la République gabonaise
par le ministère des affaires étrangères, de la coopération internationale et de la francophonie de la République de Guinée
équatoriale, p. 1 (vol. VI, annexe 179).
268 Ibid.
269 Ibid., p. 2.
270 République gabonaise, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Gabon/Guinée-équatoriale
(Libreville, 29-31 janvier 2001) (vol. VII, annexe 212).
271 Ibid., p. 2 ; voir aussi E. M. Yolla, La politique étrangère du Gabon, Études Africaines (2003), p. 7 (vol. VII,
annexe 233).
272 République gabonaise, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Gabon/Guinée-équatoriale
(Libreville, 29-31 janvier 2001), p. 4 (vol. VII, annexe 212) ; voir aussi « Gabon/Guinée Équatoriale Frontières : litiges
bientôt réglés », La Lettre Afrique Expansion (12 février 2001) (vol. VII, annexe 232).
273 République gabonaise, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Gabon/Guinée-équatoriale
(Libreville, 29-31 janvier 2001), p. 5 (vol. VII, annexe 212).
- 111 -
A. 2003 : la poursuite des négociations bilatérales et la première mention,
par le Gabon, d’un accord prétendument conclu en 1974
5.18. La commission ad hoc des frontières Gabon/Guinée équatoriale s’est ensuite réunie le
23 mai 2003274. Selon l’ordre du jour convenu pour la séance, les Parties devaient poursuivre leurs
travaux afin de régler leur différend, l’accent étant mis sur la délimitation de la frontière maritime et
la création éventuelle d’une zone de développement conjoint. Or, lors de cette réunion, le Gabon a
pour la première fois invoqué ce qu’il prétendait être une « convention [démarquant] [les frontières]
terrestre et maritime entre la Guinée équatoriale et le Gabon, signée à Bata le 12 septembre 1974 »
(ci-après le « document présenté en 2003 »)275. À l’appui de sa position, il a fourni une photocopie
de la prétendue « convention », dont la qualité était si mauvaise que certaines parties du texte étaient
illisibles. Le document n’était absolument pas authentifié. Selon le Gabon, il s’agissait d’un accord
entre les deux Parties qui s’appliquait au différend persistant entre elles au sujet de la souveraineté
et des frontières.
5.19. Les membres de la délégation équato-guinéenne qui était présidée par M. Pastor
Micha Ondo Bile, ministre des affaires étrangères et président de la commission des frontières
nationales , totalement pris de cours, ont répondu qu’ils n’avaient jamais vu ce document ni
entendu parler de celui-ci et qu’ils n’avaient pas la moindre idée de son existence. Ainsi que cela a
été précisé plus haut, le Gabon n’avait jamais, ni depuis la reprise des négociations en 1979 ni avant
cette date, invoqué ou cité ce document, pas plus qu’il n’en avait mentionné l’existence. Soulignant
ce point, les représentants de la Guinée équatoriale en sont venus à remettre en question la bonne foi
du Gabon276.
5.20. Les représentants équato-guinéens ont demandé au Gabon de leur fournir les versions
originales espagnole et française de la supposée « convention » aux fins de l’authentifier, faisant
valoir que, puisque le document était censé avoir été signé à Bata, les documents originaux devaient
avoir été établis sur du papier à en-tête officiel de la Guinée équatoriale277. Le Gabon a répondu qu’il
ne possédait pas d’exemplaire original du document qu’il présentait278. La Guinée équatoriale a mis
en cause la légitimité du document et soutenu que le Gabon devait en produire une version originale
et authentifiée, ce que celui-ci n’a pas fait à l’époque, et pas davantage par la suite. À l’issue de la
réunion, les Parties sont convenues de reprendre les négociations à Libreville dans les 30 jours. Ce
faisant, elles ont « réaffirmé leur détermination à trouver une solution … [afin] d’établir une zone de
développement conjoint et à poursuivre les négociations en cours sur la délimitation de la frontière
maritime entre les deux pays frères »279. La commission ad hoc des frontières ne s’est toutefois jamais
plus réunie.
5.21. En juillet 2003, après trois décennies d’efforts, les Parties ont conclu que leurs différends
relatifs aux îles de la baie de Corisco ainsi qu’aux frontières maritime et terrestre ne pouvaient être
réglés au moyen de négociations bilatérales directes. Le 11 juillet 2003, elles sont convenues de faire
274 République de Guinée équatoriale, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Guinée
équatoriale-Gabon (Malabo, 23 mai 2003), p. 5 (vol. VII, annexe 213).
275 Ibid.
276 Ibid., p. 5-6.
277 Ibid., p. 6.
278 Ibid., p. 6 ; voir aussi lettre en date du 28 octobre 1974 adressée à l’ambassade de France au Gabon par le
président de la République gabonaise, S. Exc. M. Albert Bernard Bongo (vol. VI, annexe 176).
279 République de Guinée équatoriale, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Guinée
équatoriale-Gabon (Malabo, 23 mai 2003), p. 9 (vol. VII, annexe 213).
- 112 -
appel au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour les aider à résoudre leurs
différends par voie de médiation280.
B. La médiation menée de 2003 à 2016 par l’Organisation
des Nations Unies afin de résoudre les différends
5.22. Conformément aux termes convenus entre les Parties, le Secrétaire général a désigné
M. Yves Fortier en tant que médiateur281. Des réunions ont été organisées dans le cadre de cette
médiation en 2003 et le 19 janvier 2004282. Ainsi que cela était indiqué dans un article publié sur
ONU Info, les Parties « ont signé un communiqué exposant plusieurs étapes procédurales à suivre
dans les futurs pourparlers relatifs à la souveraineté sur les îles pétrolifères de Mbanié, Cocotiers et
Conga dans la baie de Corisco »283.
5.23. En juillet 2004, les présidents du Gabon et de la Guinée équatoriale, MM. Bongo et
Obiang, ont signé à Addis-Abeba un accord concernant le règlement des différends relatifs à la
souveraineté et à la frontière maritime qui, selon le Secrétaire général Kofi Annan, devait
« conduir[e] à l’exploration conjointe de l’île qui fai[sai]t l’objet du litige pendant que se
poursuivra[it] la démarcation des frontières »284. Les Parties sont convenues de « négocier la création
d’une zone commune de développement afin de partager les ressources exploitées tout en poursuivant
leurs efforts tendant à résoudre la question de la frontière litigieuse »285. Les deux États se sont en
outre « engagés à mettre un terme à leur différend souvent violent concernant la propriété d’une île
appelée Mbanié et des eaux qui l’entourent. M. Bongo a déclaré avoir bon espoir que les
revendications territoriales concurrentes seraient bientôt réglées »286. Selon un article de presse, « les
dirigeants des deux pays d’Afrique occidentale ont ensuite déclaré aux journalistes que, afin de lutter
contre la pauvreté dans leurs pays, ils avaient mis de côté leur désaccord persistant concernant les
îles de la baie de Corisco »287 et « que la médiation se poursuivrait afin de procéder à la délimitation
puis à la démarcation du territoire »288.
5.24. Le Secrétaire général Kofi Annan a déclaré qu’il avait, à Addis-Abeba,
« réuni … un mini-sommet au cours duquel deux États voisins, la Guinée équatoriale et
le Gabon, représentés par leurs présidents respectifs, [avaient] été les deuxièmes à
parvenir à un accord par la voie des négociations plutôt que par l’usage des armes. Un
différend frontalier concernant une île riche en ressources pétrolières oppose, comme
280 Lettre en date du 6 août 2003 adressée au président de la République de Guinée équatoriale par le Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies (vol. III, annexe 29).
281 « Gabon and Equatorial Guinea Set Terms of UN Mediation Over Disputed Islands », UN News (20 January
2004) (vol. III, annexe 30).
282 Ibid.
283 Ibid.
284 « Kofi Annan félicite les dirigeants du Gabon et de la Guinée équatoriale d’avoir accepté de résoudre leur
différend frontalier par des moyens pacifiques », ONU Info, 8 juillet 2004 (vol. III, annexe 35).
285 « Secretary-General’s Activities in Ethiopia 3-7 July », UN News (8 July 2004) (vol. III, annexe 33).
286 « Border Agreement Creates Model for Other African Nations », Voice of America (29 October 2009) (vol. III,
annexe 41).
287 « Neighbours to Explore Jointly for Oil in Disputed Waters », The New Humanitarian (7 July 2004) (vol. VII,
annexe 234).
288 Ibid.
- 113 -
vous le savez, les deux États, qui sont convenus d’exploiter conjointement ces
ressources et de continuer d’oeuvrer à la résolution de la question frontalière. »289
5.25. Malgré cet accord entre les deux présidents, les Parties ne sont pas parvenues à s’entendre
sur la définition de la zone devant faire l’objet d’un développement conjoint. Elles ont donc décidé,
en février 2006,
« de procéder immédiatement à la négociation de la délimitation définitive de leurs
frontières maritime et terrestre et de résoudre la question de souveraineté sur les îles de
Mbanié, Cocotier et Conga. À cet effet, elles ont convenu d’établir un calendrier visant
à résoudre les importantes questions en suspens avant la fin de cette année. »290
5.26. Cette phase de la médiation s’est toutefois achevée vers la fin de l’année 2006 sans
qu’aucun des différends soit réglé. Compte tenu de leur incapacité de parvenir à un accord, les Parties
sont convenues de soumettre la question à la Cour291.
5.27. En juin 2008, les Parties ont entamé une nouvelle phase de médiation visant à conclure
un compromis en vue de porter leur différend devant la Cour292. En juillet 2008, la Guinée équatoriale
et le Gabon ont établi un communiqué commun indiquant qu’ils avaient fait d’importants progrès en
ce sens293. Le 17 septembre 2008, le Secrétaire général Ban Ki-moon a désigné M. Nicolas Michel,
de nationalité suisse, en tant que conseiller spécial et médiateur chargé de l’assister aux fins du
règlement des désaccords subsistant entre la Guinée équatoriale et le Gabon294.
5.28. Entre 2009 et 2016, les Parties ont, dans le cadre de la médiation, poursuivi leurs efforts
pour établir un compromis afin de porter l’affaire devant la Cour, mais ont eu le plus grand mal à
s’entendre sur la définition de l’objet du différend à soumettre295.
5.29. En 2016, les Parties sont enfin parvenues à un accord pour saisir la Cour. Le compromis
a été signé par leurs présidents respectifs le 15 novembre 2016296.
289 Transcription de la conférence de presse donnée au siège de l’Organisation des Nations Unies, le 21 juillet 2004,
par le Secrétaire général Kofi Annan, service d’information des Nations Unies (22 juillet 2004) (vol. III, annexe 34).
290 Communiqué concernant le sommet tenu entre le Secrétaire général de l’ONU et les présidents du Gabon et de
la Guinée équatoriale sur le règlement du différend territorial opposant les deux pays, ONU Info, 28 février 2006, p. 2
(vol. III, annexe 38) ; J. Geslin, « L’îlot de la discorde », Jeune Afrique (7 mars 2006) (vol. VII, annexe 235).
291 Voir note du Secrétaire général adjoint L. Pascoe en préparation de la réunion devant se tenir le 18 mars 2010 à
New York entre le Vice-secrétaire général de l’ONU et les délégations de la Guinée équatoriale et du Gabon (15 mars
2010) (vol. III, annexe 42).
292 Ibid.
293 « Former UN Legal Chief to Mediate Dispute Between Equatorial Guinea, Gabon », UN News (17 September
2008) (vol. III, annexe 39).
294 Ibid.
295 Voir note du Secrétaire général adjoint L. Pascoe en préparation de la réunion devant se tenir le 18 mars 2010 à
New York entre le Vice-secrétaire général de l’ONU et les délégations de la Guinée équatoriale et du Gabon (15 mars
2010) (vol. III, annexe 42).
296 Compromis entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale en date du 15 novembre 2016.
- 114 -
CHAPITRE 6
LES TITRES JURIDIQUES FAISANT DROIT ENTRE LES PARTIES CONCERNANT LA SOUVERAINETÉ
SUR MBANIÉ, COCOTIERS ET CONGA ET LA DÉLIMITATION DE LEURS FRONTIÈRES
TERRESTRE ET MARITIME COMMUNES
I. LA GUINÉE ÉQUATORIALE ET LE GABON TIENNENT LES TITRES JURIDIQUES SUR LEURS
TERRITOIRES INSULAIRES ET CONTINENTAUX DE CEUX QU’ILS ONT ACQUIS
DE L’ESPAGNE ET DE LA FRANCE PAR VOIE DE SUCCESSION
6.1. La Guinée équatoriale tient les titres juridiques sur son territoire de ce qu’elle a succédé
aux titres juridiques que détenait l’Espagne à la date à laquelle la Guinée équatoriale est devenue
indépendante. De la même manière, le Gabon tient les titres juridiques sur son territoire de ce qu’il a
succédé aux titres juridiques que détenait la France à la date à laquelle il est devenu indépendant.
L’acquisition d’un titre juridique sur le territoire par voie de succession ne prête pas à controverse.
C’est le fondement de la souveraineté territoriale de tous les États qui se sont émancipés d’une
puissance coloniale, ainsi que des autres nouveaux États qui, en application du droit international,
sont devenus souverains territoriaux par voie de succession.
6.2. La succession des États nouvellement indépendants au titre juridique sur le territoire est
étroitement liée au principe de respect des frontières territoriales existant lors de l’accession à
l’indépendance. Ainsi que l’a souligné la chambre de la Cour en l’affaire Burkina Faso c. Mali,
« l’obligation de respecter les frontières internationales préexistantes en cas de
succession d’États découle sans aucun doute d’une règle générale de droit international,
qu’elle trouve ou non son expression dans la formule uti possidetis »297.
« [Le] but [de ce principe] est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des
nouveaux États ne soient mises en danger par … la contestation des frontières à la suite
du retrait de la puissance administrante. »298
6.3. Le respect des frontières territoriales existant au moment de la succession a été tout
particulièrement appliqué dans le contexte de la décolonisation de l’Afrique. Comme l’a exposé la
chambre de la Cour en l’affaire Burkina Faso c. Mali,
« [à] première vue en effet ce principe en heurte de front un autre, celui du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais en réalité le maintien du statu quo territorial en
Afrique apparaît souvent comme une solution de sagesse visant à préserver les acquis
des peuples qui ont lutté pour leur indépendance et à éviter la rupture d’un équilibre qui
ferait perdre au continent africain le bénéfice de tant de sacrifices. C’est le besoin vital
de stabilité pour survivre, se développer et consolider progressivement leur
indépendance dans tous les domaines qui a amené les États africains à consentir au
297 Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 566, par. 24.
298 Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 565, par. 20. Cette conclusion s’applique
aussi dans le cas où l’État successeur concerné ne succéderait pas autrement aux traités liant l’État prédécesseur. Elle va
en outre dans le sens de l’intérêt général de la communauté internationale à ce que soient garanties la stabilité et
l’inviolabilité des frontières. A. Zimmermann & J. Devaney, “State Succession in Treaties”, Max Planck Encyclopedia of
Public International Law (mis à jour en juillet 2019), par. 16 (vol. VII, annexe 243).
- 115 -
respect des frontières coloniales, et à en tenir compte dans l’interprétation du principe
de l’autodétermination des peuples. »299
6.4. Ainsi, les États africains, en particulier, ont accepté « une norme consistant à tracer les
frontières entre États décolonisés sur la base des démarcations territoriales, administratives et
internationales établies à l’ère coloniale »300.
6.5. À la conférence au sommet portant création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA),
tenue en mai 1963 à Addis Abeba, les représentants des États africains se sont exprimés en faveur
du maintien du statu quo, plutôt que d’un réajustement des frontières des États nouvellement
constitués. Ainsi que le soulignait un commentateur, « les représentants présents à cette conférence
ont, pour une grande majorité d’entre eux, estimé que, quels que soient les arguments moraux et
historiques susceptibles de justifier un réajustement des frontières nationales, tenter, en pratique, de
redessiner aujourd’hui la carte de l’Afrique pourrait fort bien se révéler désastreux »301. En
conséquence, les 32 pays signataires de la Charte de l’OUA, l’instrument constitutif ayant établi
l’organisation le 25 mai 1963, parmi lesquels figure le Gabon se sont engagés à
« [r]espect[er] … la souveraineté et … l’intégrité territoriale de chaque État et … son droit
inaliénable à une existence indépendante »302.
6.6. Un an après la création de l’OUA, les chefs d’État d’un certain nombre de pays africains
(dont le Gabon) se sont réunis au Caire du 17 au 21 juillet 1964 et ont adopté une résolution relative
aux « litiges entre États africains au sujet des frontières » (ci-après la « résolution du Caire »). La
résolution du Caire définit et souligne le principe de respect des frontières territoriales tel qu’il est
énoncé dans la Charte de l’OUA :
« Rappelant en outre que tous les États membres se sont engagés aux termes de
l’article VI de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine à respecter
scrupuleusement les principes énoncés au paragraphe 3 de l’article III de ladite Charte :
1) réaffirme solennellement le respect total par tous les États membres de l’OUA des
principes énoncés au paragraphe 3 de l’article III de la Charte de ladite
Organisation ;
2) déclare solennellement que tous les États membres s’engagent à respecter les
frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance. »303
299 Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 567, par. 25, et p. 586-587, par. 63.
300 G. Nesi, “Uti Possidetis Doctrine”, Max Planck Encyclopedias of International Law (February 2018), par. 4
(vol. VII, annexe 241).
301 Voir A. Oye Cukwurah, “The Organization of African Unity and African Territorial and Boundary Problems:
1963-1973”, The Indian Journal of International Law, vol. 13 (1973), p. 4, citant A. C. McEwan, International Boundaries
of East Africa, p. 23-24 (vol. VII, annexe 230).
302 Voir Organisation de l’unité africaine, Charte, 25 mai 1963, art. 3, par. 3. L’organisation qui lui a succédé,
l’Union africaine (UA), a par la suite adopté une formulation similaire. Voir Union africaine, Acte constitutif, 11 juillet
2000, art. 3 (« Les objectifs de l’Union sont les suivants … b) défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et
l’indépendance de ses États membres… ») (vol. III, annexe 45).
303 Organisation de l’unité africaine, résolutions adoptées par la première session ordinaire de la conférence des
chefs d’État et de gouvernement tenue du 17 au 21 juillet 1964 au Caire, (République arabe unie), p. 17 (les italiques sont
de nous) (vol. III, annexe 44).
- 116 -
6.7. Comme l’a observé la chambre de la Cour, ces affirmations ne visaient pas à « préconis[er]
un principe nouveau », mais bien plutôt à « reconna[ître] et confirme[r] » un principe existant en tant
que règle contraignante en droit international et d’application générale304.
6.8. Conformément à cette règle de droit international, la Guinée équatoriale et le Gabon ont
acquis, par voie de succession, les territoires et frontières de l’Espagne et de la France,
respectivement, lorsqu’ils ont accédé à l’indépendance (soit le 17 août 1960 pour le Gabon et le
12 octobre 1968 pour la Guinée équatoriale)305. Les deux États sont en outre devenus membres de
l’OUA — le Gabon, le 25 mars 1963 et la Guinée équatoriale, le 12 octobre 1968 et sont ainsi
l’un et l’autre liés par le principe du respect des frontières territoriales existant au moment de
l’accession à l’indépendance. Ils ont réaffirmé la valeur juridique de ce principe en devenant parties
à l’acte constitutif de l’Union africaine, qui, en son article 4, en fait l’un des principes fondamentaux
de l’Union, la Guinée équatoriale ayant adhéré à cet instrument le 26 décembre 2000 et le Gabon, au
mois de mai 2001.
6.9. Par conséquent, les titres juridiques de la Guinée équatoriale et du Gabon qui font droit
dans les relations bilatérales entre les deux pays s’agissant de la souveraineté sur les îles Mbanié,
Cocotiers et Conga et de la délimitation de leurs frontières terrestre et maritime communes sont ceux
qui existaient au moment de l’accession de chacun des deux États à l’indépendance.
II. LE TITRE JURIDIQUE SUR LES ÎLES ET ÎLOTS DE LA BAIE DE CORISCO
AU MOMENT DE L’ACCESSION À L’INDÉPENDANCE
6.10. En tant que puissance coloniale, l’Espagne avait acquis et conservé le titre juridique sur
les îles de la baie de Corisco, y compris ses dépendances Mbanié, Cocotiers et Conga, et la Guinée
équatoriale en a hérité par voie de succession lorsqu’elle a accédé à l’indépendance en 1968. Étant
donné que la France ne détenait aucun titre juridique sur ces îles à la date de l’accession du Gabon à
l’indépendance ni à aucun moment auparavant, le Gabon n’a pas acquis et ne pouvait acquérir
un tel titre sur ce territoire lorsqu’il est devenu un État indépendant. À titre de référence, la figure 2.4
représente les dépendances de Corisco.
304 Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 554, par. 24
(« À cet égard aussi, par conséquent, les nombreuses affirmations solennelles de l’intangibilité de
frontières qui existaient au moment de l’accession des États africains à l’indépendance, émanant tantôt
d’hommes d’États africains, tantôt d’organes de l’Organisation de l’unité africaine elle-même, ont
manifestement une valeur déclaratoire et non pas constitutive : elles reconnaissent et confirment un principe
existant et ne préconisent pas la formation d’un principe nouveau ou l’extension à l’Afrique d’une règle
seulement appliquée, jusque-là, dans un autre continent. »).
305 Dans le cas de la Guinée équatoriale, l’Organisation des Nations Unies a participé au processus d’indépendance
du pays, supervisant tant le référendum tenu le 11 août 1968 en Guinée espagnole que les élections générales du président
de la République de Guinée équatoriale qui se sont déroulées le 2 octobre 1968. La mission onusienne a certifié le caractère
libre et démocratique de ces suffrages. Assemblée générale, comité spécial de la décolonisation, rapport du Comité spécial
chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et
aux peuples coloniaux, Nations Unies, doc. A/7200/Rev.1, additif au point 23 de l’ordre du jour, annexes (novembre 1967)
(vol. III, annexe 20). Par son décret no 2467/1968 du 9 octobre 1968, l’Espagne a reconnu « [l]es résultats électoraux
publiés par la commission électorale de Guinée le 2 octobre de l’année en cours » et déclaré « le territoire de la Guinée
équatoriale … indépendant à compter du 12 octobre de l’année en cours à midi ». État espagnol, décret no 2467/1968 du
9 octobre portant octroi de l’indépendance à la Guinée équatoriale, Gazette officielle no 245 (9 octobre 1968) (vol. V,
annexe 146). Le décret no 2467/1968 prévoyait la tenue d’une cérémonie officielle de « passation des pouvoirs au président
élu de la République de Guinée équatoriale ». Ibid.
- 117 -
A. L’Espagne a acquis le titre juridique sur les dépendances de Corisco en 1843
et l’a conservé jusqu’à l’accession de la Guinée équatoriale
à l’indépendance en 1968
6.11. La « notion de titre » recouvre « tout moyen de preuve susceptible d’établir l’existence
d’un droit [et] la source même de ce droit »306. La Cour a reconnu que, pendant la période coloniale,
l’occupation d’un territoire était « un moyen originaire d’acquérir pacifiquement la souveraineté sur
un territoire, autrement que par voie de cession ou de succession »307 et souligné qu’« on voyait dans
[l]es accords avec les chefs locaux, interprétés ou non comme opérant une cession effective du
territoire, un mode d’acquisition dérivé »308.
6.12. Le titre juridique de l’Espagne sur les dépendances de Corisco naquit de la cession de
droits opérée en sa faveur par le Portugal en vertu du traité du Pardo de 1778 et de son occupation
pacifique originaire de ce territoire à partir de 1843. Ce titre fut ensuite confirmé par la déclaration
de Corisco de 1843, l’acte d’annexion signé en 1846 avec le roi Orejeck de Corisco, la charte
octroyant la citoyenneté espagnole aux habitants de Corisco, également datée de 1846, et la lettre de
1858 réaffirmant l’appartenance à l’Espagne de l’île Corisco, documents qui sont tous examinés au
chapitre 3 ci-dessus309. Par la suite, et jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’Espagne continua d’exercer
pacifiquement ses droits en tant que souverain sur les dépendances de Corisco. En 1886 et 1887, la
France — le seul autre État susceptible d’avoir un intérêt dans la baie de Corisco — reconnut
expressément le titre que détenait l’Espagne sur l’île Corisco et ses dépendances, dont Mbanié, sur
le fondement de la possession originaire qu’en avait celle-ci en 1843310. Ainsi, au moment de la
signature de la convention de 1900, le titre juridique de l’Espagne sur les dépendances de Corisco
était incontesté.
6.13. La souveraineté espagnole sur les îles de la baie de Corisco n’était donc pas litigieuse
durant les négociations qui aboutirent à la convention de 1900311. Aucun élément n’indique que la
France soit revenue sur sa reconnaissance de la souveraineté espagnole sur les dépendances de
Corisco, ni qu’elle ait elle-même formulé une quelconque revendication nouvelle sur ces îles. La
convention de 1900 n’eut donc aucune incidence sur le titre que détenait alors l’Espagne sur ces
dépendances.
6.14. La situation ne changea pas davantage après la conclusion de la convention de 1900.
L’Espagne continua de détenir le titre sur l’île Corisco et ses dépendances et d’y exercer sa
souveraineté sur le fondement de son titre juridique originaire, sans qu’aucune revendication
concurrente ou contestation soit formulée par la France, ni encore par l’Allemagne au cours de la
brève période où celle-ci administra le territoire situé au sud des terres espagnoles sur le littoral de
la baie de Corisco. En attestent l’occupation incontestée de Mbanié par l’Espagne, qui y stationna
des membres de sa garde coloniale pendant de nombreuses années à partir de 1908312, et l’incident
306 Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 564, par. 18. Voir, de même, Différend
frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992,
p. 388-389, par. 45.
307 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 39, par. 79.
308 Ibid., par. 80.
309 Voir supra, par. 3.3 à 3.6 et 3.90.
310 Protocole no 30, séance du 26 septembre 1887 entre le Royaume d’Espagne et la République française (vol. III,
annexe 3).
311 République française, lettre en date du 13 mars 1900 adressée au ministre des colonies par le ministère des
affaires étrangères (vol. IV, annexe 54).
312 Voir supra, par. 3.21.
- 118 -
lié à l’installation d’une balise de navigation sur Cocotiers en 1954 et 1955, à l’occasion duquel
l’Espagne ordonna à des ressortissants français de cesser leurs travaux et de quitter cette île, et
ceux-ci obtempérèrent. À cette date, cinq ans seulement avant l’indépendance gabonaise, l’Espagne
envoya de nouveau la garde coloniale à Mbanié, sans que la France émette la moindre protestation313.
Le traitement réservé à Mbanié et aux autres îlots adjacents de Corisco dans les lois territoriales
espagnoles de 1958 et 1959 ainsi que l’attribution par l’Espagne de permis d’exploration pétrolière
et gazière à cette période confirment eux aussi le titre juridique que détenait celle-ci à la veille de
l’accession du Gabon à l’indépendance, en 1960314.
6.15. La situation demeura inchangée après que le Gabon fut devenu indépendant. Entre 1960
et l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance en 1968, l’ensemble des lois territoriales de
l’Espagne, des lois maritimes du Gabon et des pratiques suivies par les deux États en matière d’octroi
de permis pétroliers et gaziers reflétaient le titre incontesté détenu par l’Espagne sur les dépendances
de Corisco depuis 120 ans315.
6.16. Il est ainsi bien établi que, entre 1843 à 1968, l’Espagne possédait le titre juridique sur
les dépendances de Corisco.
B. La Guinée équatoriale a succédé au titre juridique
de l’Espagne sur les dépendances de Corisco
6.17. Conformément aux règles de droit international relatives à la succession d’États, la
Guinée équatoriale a acquis par voie de succession le titre juridique de l’Espagne sur l’intégralité du
territoire colonial, comme un tout indissociable comprenant l’île Corisco et ses dépendances.
6.18. C’est ce qui ressort de la supervision exercée par l’Organisation des Nations Unies dans
le processus de décolonisation. La loi territoriale espagnole en vigueur au moment de l’accession de
la Guinée équatoriale à l’indépendance, mentionnait toujours expressément les dépendances de
Corisco, employant la formule « l’île Corisco, les îles Elobey Grande et Elobey Chico, et les îlots
adjacents », figurant dans ses lois de 1958 et de 1959316. Cette présentation du futur territoire de la
Guinée équatoriale comme comprenant les « îlots adjacents » de la baie de Corisco fut incorporée à
la résolution 2230 adoptée en 1966 par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui rappelait « la
déclaration, par la Puissance administrante [l’Espagne], de son intention d’accorder l’indépendance
à la Guinée équatoriale comme à une seule entité » et priait l’Espagne « de faire en sorte que le
territoire accède à l’indépendance en tant qu’entité politique et territoriale unique et qu’aucune
mesure ne soit prise qui pourrait compromettre l’intégrité territoriale de la Guinée équatoriale »317.
6.19. L’année suivante, l’Assemblée générale réitérait « sa demande à la Puissance
administrante [l’Espagne] de faire en sorte que le territoire accède à l’indépendance en tant qu’entité
politique et territoriale unique »318. Le Comité spécial de la décolonisation créé par l’Assemblée
313 Voir supra, par. 3.29.
314 Voir supra, par. 3.34 et 3.35.
315 Voir supra, par. 3.84 à 3.100.
316 Voir supra, par. 3.34.
317 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2230 (XXI) du 20 décembre 1966, Question de la Guinée
équatoriale, p. 2, par. 5 (vol. III, annexe 19).
318 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2355 (XXII) du 19 décembre 1967, Question de la Guinée
équatoriale, par. 4 (vol. III, annexe 21).
- 119 -
générale des Nations Unies affirma lui aussi « que la Guinée équatoriale devra[it] accéder à
l’indépendance en tant qu’entité politique et territoriale unique » et déclara « que toute action portant
atteinte à l’unité et à l’intégrité du Territoire sera[it] contraire aux dispositions de la Déclaration qui
figu[rait] dans la résolution 1514 (XV) et à la Charte des Nations Unies »319.
6.20. Deux mois avant l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance, le 12 octobre
1968, la Constitution équato-guinéenne fut approuvée par un référendum populaire. Son article 1
utilise également l’expression « îlots adjacents » pour désigner les dépendances de Corisco et dispose
comme suit :
« La République de Guinée équatoriale, composée des provinces du Río Muni et
de Fernando-Póo, est un État souverain indivisible, social et démocratique.
La province du Río Muni comprend, outre le territoire du même nom, les îles
Corisco, Elobey Grande et Elobey Chico, ainsi que les îlots adjacents. »320
6.21. À la lumière du titre juridique de l’Espagne examiné ci-avant, tel qu’il ressort des
mentions continues des îlots adjacents de la baie de Corisco faites dans la description du territoire
qui deviendrait la Guinée équatoriale, le territoire indivisible auquel celle-ci a succédé englobait les
îlots Mbanié, Cocotiers et Conga.
6.22. Après son accession à l’indépendance, la Guinée équatoriale a agi conformément à son
titre juridique et l’a confirmé. Dans le décret no 17/1970 promulgué le 24 septembre 1970, elle
mentionnait expressément Mbanié, Cocotiers et Conga comme faisant partie de son territoire, et,
conformément au permis marin de Libreville du Gabon selon sa configuration d’alors, telle qu’elle
apparaît sur les figures 3.23 et 3.24 ci-après, revendiquait une ligne médiane comme frontière
maritime entre ces îles et le Gabon321. La Guinée équatoriale transmit ce décret au Secrétaire général
de l’ONU, indiquant qu’il fixait « les limites des eaux territoriales guinéennes autour des îles Elobey
et Corisco, ainsi que des îlots Mbanié, Conga et Cocotiers, qui [faisaient] partie intégrante du
territoire national de la Guinée »322. Le 13 octobre 1970, l’ONU diffusa cette communication auprès
de toutes les missions permanentes, dont celle du Gabon323. Celui-ci n’émit alors, à la connaissance
de la Guinée équatoriale, aucune protestation.
6.23. En 1971, la Guinée équatoriale accorda des permis d’exploration pétrolière en
application du décret no 17/1970 aux sociétés CONOCO-Gulf et Compañia Española de Petróleos
319 Assemblée générale, comité spécial de la décolonisation, rapport du Comité spécial chargé d’étudier la situation
en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux,
Nations Unies, doc. A/7200/Rev.1, annexes, additif au point 23 de l’ordre du jour, résolution adoptée par le Comité spécial
à sa 594e séance, le 1er avril 1968 (1968), p. 189 (vol. III, annexe 20). Voir aussi Effets juridiques de la séparation de
l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019, p. 132, par. 152 (la résolution 1514 (XV)
« a un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que norme coutumière »).
320 République équatoriale de Guinée, Constitution de 1968 (11 août 1968), art. 1 (les italiques sont de nous)
(vol. VI, annexe 182).
321 Republic of Equatorial Guinea, Presidential Decree No. 17/1970 (24 September 1970) (vol. VI, annexe 186).
322 Cable from the UN to Permanent Missions (13 October 1970), enclosing Letter from Equatorial Guinea to UN
Secretary-General (8 October 1970) (vol. III, annexe 23).
323 Ibid. ; The United States, Airgram A-1798 from the US Mission to the United Nations to the US Department of
State (21 October 1970) (vol. VI, annexe 155).
- 120 -
S.A.U (la « CEPSA »)324. Le 28 août 1971, le Gabon lui adressa une note de protestation à cet égard,
sans pour autant contester la souveraineté de la Guinée équatoriale sur les dépendances de Corisco,
ni formuler la moindre revendication les concernant. Il relevait au contraire que le décret faisait
ressortir que Mbanié, Conga et Cocotiers « appart[enaient] à la République de Guinée équatoriale »,
et s’opposait uniquement à l’utilisation que celle-ci faisait de l’équidistance pour tirer avantage de
« ces îlots [auxquels il était attribué] un maximum possible de mer territoriale », ce qui « empiét[ait]
sur [le] plateau continental [du Gabon] »325.
6.24. Cependant, sept mois plus tard, le Gabon opéra un revirement complet. Au cours des
négociations bilatérales sur le tracé d’une frontière maritime qui se tinrent à Libreville du 25 au
29 mars 1972, il formula pour la première fois une revendication sur l’ensemble des îles situées dans
la baie de Corisco, hormis les îles Corisco et Elobey326. Cinq mois plus tard, le Gabon envoyait ses
forces militaires sur Mbanié pour s’emparer de ce territoire.
C. Les actes entrepris par le Gabon depuis la naissance du différend en mars 1972
sont sans incidence sur le titre juridique de la Guinée équatoriale
sur les dépendances de Corisco
6.25. Dans la mesure où le différend relatif aux dépendances de Corisco s’est cristallisé au
mois de mars 1972, les actes entrepris par le Gabon après cette date dont son recours illicite à la
force pour occuper Mbanié au mois d’août 1972 n’ont aucun effet sur le titre juridique que la
Guinée équatoriale a acquis par voie de succession lorsqu’elle a accédé à l’indépendance. La Cour a
énoncé que
« la date à laquelle le différend s’est cristallisé est importante. En effet, cette date permet
de faire la part entre les actes accomplis à titre de souverain avant la naissance du
différend, lesquels doivent être pris en considération pour déterminer ou vérifier la
souveraineté, et les actes postérieurs à la naissance du différend »327.
6.26. Les actes unilatéraux qui ont eu lieu après la date à laquelle un différend s’est cristallisé
« ne sont généralement pas pertinents en tant qu’ils sont le fait d’un État qui, ayant déjà à faire valoir
certaines revendications dans le cadre d’un différend juridique, pourrait avoir accompli les actes en
question dans le seul but d’étayer celles-ci »328. Étant donné que les activités du Gabon ont été
« entreprises en vue d’améliorer [s]a position juridique », la Cour ne peut prendre en considération
aucun des actes qu’il a accomplis depuis le mois de mars 1972 pour déterminer lequel des deux États
possède le titre sur les dépendances de Corisco329.
324 Lettre no 002967 en date du 28 août 1971 adressée au ministère des affaires étrangères de la République de
Guinée équatoriale par le ministère des affaires étrangères de la République gabonaise (vol. VI, annexe 154).
325 Ibid.
326 Procès-verbal dressé par la commission mixte Gabon-Guinée équatoriale à l’issue de la rencontre de Libreville
du 25 au 29 mars 1972 (Libreville, 25-29 mars 1972), p. 6-7 (vol. VII, annexe 199) ; Procès-verbal dressé par les
délégations gabonaise et équato-guinéenne à l’issue de la rencontre tenue à Libreville du 25 au 29 mars 1971[2] (Libreville,
29 mars 197[2]) (vol. VII, annexe 197).
327 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 652, par. 67.
328 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 697-698 par. 117.
329 Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 682,
par. 135 (la Cour « ne saurait prendre en considération des actes qui se sont produits après la date à laquelle le différend
entre les Parties s’est cristallisé, à moins que ces activités ne constituent la continuation normale d’activités antérieures et
pour autant qu’elles n’aient pas été entreprises en vue d’améliorer la position juridique des Parties qui les invoquent »).
- 121 -
III. LES TITRES JURIDIQUES SUR LE TERRITOIRE TERRESTRE CONTINENTAL
6.27. À leur accession à l’indépendance, le Gabon et la Guinée équatoriale ont succédé aux
titres juridiques que détenaient respectivement la France et l’Espagne sur leurs territoires terrestres
continentaux, de la même manière que la Guinée équatoriale a succédé aux titres de l’Espagne sur
les îles et îlots de la baie de Corisco. Qu’il s’agisse du territoire continental ou des îles, la succession
d’États est la source principale et directe des titres juridiques détenus par chacune des Parties à la
présente espèce.
6.28. La question qui se pose est la suivante : à quel territoire continental chacune des Parties
a-t-elle succédé en accédant à l’indépendance ? Pour y répondre, il est nécessaire de déterminer sur
quelles terres la France et l’Espagne avaient un titre juridique au moment où le Gabon et la Guinée
équatoriale sont devenus indépendants.
6.29. Les Parties reconnaissent que la convention de 1900 est une source régissant leurs titres
juridiques respectifs sur le territoire continental. Ainsi que cela est exposé au chapitre 3, l’article IV
de cette convention précise que la frontière terrestre entre les possessions coloniales de la France et
celles de l’Espagne au bord du golfe de Guinée court, en allant vers l’est, le long du thalweg du Muni,
puis du thalweg de l’Outemboni, avant de suivre le 1er parallèle de latitude nord jusqu’au 9e méridien
est de Paris ; de là, elle suit, vers le nord, le 9e méridien est de Paris jusqu’à la frontière avec la
colonie allemande du Cameroun.
6.30. Toutefois, les puissances coloniales, conscientes de ce qu’elles avaient une connaissance
insuffisante des terres qu’elles étaient en train de délimiter, avaient prévu, à l’article VIII et à
l’annexe I de la convention, la possibilité de modifier la frontière. Elles confièrent à cet effet à une
commission bilatérale, établie en application de l’annexe I de la convention, et à des délégués locaux
le soin de démarquer la frontière et de recommander des changements de caractère pratique à y
apporter, dans l’« esprit » de la convention, pour tenir compte des conditions réelles tenant à la
géographie physique et à la présence humaine dans l’arrière-pays encore inexploré. Ainsi qu’il est
exposé au chapitre 3, à l’issue de ses travaux sur le terrain, la commission de 1901 (ainsi appelée
parce que c’est cette année-là qu’elle vit le jour et entama ses travaux) conclut que la frontière devait
être tracée essentiellement le long de formations géographiques naturelles et reconnaissables, telles
que les cours d’eau, au lieu de suivre un parallèle abstrait, et recommanda d’ajuster la frontière
conformément à cette conclusion.
6.31. Les archives historiques, présentées au chapitre 3, attestent que la France et l’Espagne
acceptèrent toutes deux, en pratique, les recommandations faites par la commission de 1901, et
modifièrent le tracé de la frontière au sud-ouest, de telle sorte que celle-ci longe l’Outemboni et
d’autres cours d’eau, au lieu de suivre strictement le 1er parallèle de latitude nord. Ces archives
montrent également que la France, l’Allemagne et l’Espagne acceptaient le principe selon lequel la
frontière devait suivre les formations naturelles et les éléments d’origine humaine clairement
identifiables, et continuèrent d’ajuster, sur la base de ce principe, les lignes situées dans la zone de
l’Outemboni, décrites à l’article IV de la convention de 1900, en se référant à des agglomérations
précises relevant de la souveraineté des parties concernées. De même, au nord-est, les délégués de
l’Espagne et de la France, soit leurs gouverneurs coloniaux, convinrent, en 1919, que la frontière
devait suivre le cours du Kyé, plutôt que le 9e méridien est de Paris.
6.32. Conformément à ces accords et positions communes, l’Espagne exerça, de manière
régulière et continue, des effectivités infra legem de son côté des lignes frontière modifiées, en sa
qualité d’État souverain sur la zone du Muni située en Guinée espagnole, sans que la France élevât
- 122 -
de contestation. De même, celle-ci veilla généralement à limiter l’exercice de sa souveraineté aux
terres situées de son côté de la frontière modifiée. Cette situation perdura tout au long de la période
coloniale jusqu’à l’accession du Gabon et de la Guinée équatoriale à l’indépendance, respectivement
en 1960 et en 1968. Par conséquent, le titre juridique que la Guinée équatoriale a acquis de l’Espagne
par voie de succession englobait le territoire terrestre qui, en 1968, relevait de l’administration
exclusive de cette dernière, en tant que souverain.
6.33. L’article IV de la convention de 1900 est l’une des sources du titre juridique de
l’Espagne, mais pas la seule. S’y ajoutent les changements proposés par la commission de 1901 et
les ajustements de la frontière convenus entre les gouverneurs coloniaux des parties, qui étaient, dans
les deux cas, conformes aux dispositions de la convention, et furent acceptés, en pratique, par les
parties, ainsi que les effectivités infra legem exercées par l’Espagne sur le territoire situé au sud du
1er parallèle nord et à l’est du 9e méridien est de Paris, sans rencontrer d’opposition de la part de la
France ni, après 1960, du Gabon.
6.34. Une carte montrant les modifications convenues dans ces deux zones peut être consultée
à la figure 3.9 ci-avant.
A. Les titres juridiques de l’Espagne et de la France sur le territoire
terrestre situé dans la zone de l’Outemboni
6.35. Comme le relate plus en détail le chapitre 3, dans la zone de l’Outemboni, la commission
de 1901 proposa, à l’issue d’un levé topographique réalisé pour démarquer la frontière, que le tracé
de celle-ci suive l’Outemboni, le Mitombé et le Miang, même si leur cours s’écartait du 1er parallèle
de latitude nord. À l’est de ces cours d’eau, les parties à la convention de 1900 telles que
concernées continuèrent de modifier la frontière conformément aux termes de cet instrument. En
1914, les délégués locaux de l’Espagne et de l’Allemagne, laquelle avait remplacé temporairement
la France en tant que puissance souveraine dans cette région, convinrent que certaines villes
relevaient de la souveraineté de l’un ou l’autre des deux États. Conformément à la proposition émise
par la commission de 1901 et aux travaux de la commission de 1914, l’Espagne administra ce
territoire jusqu’à l’indépendance de la Guinée équatoriale en 1968, sans que cela suscite la moindre
protestation de la France jusqu’en 1960, ni du Gabon par la suite. Ainsi, pendant quelque 67 années,
l’Espagne a, sans interruption et sans rencontrer la moindre objection, donné application et effet à la
proposition de la commission de 1901 et aux modifications ultérieurement apportées à la frontière
décrite à l’article IV de la convention de 1900 dans la zone de l’Outemboni, en exerçant
d’importantes effectivités infra legem de son côté de la frontière modifiée. Ces effectivités sont
notamment les suivantes :
Dès 1905, l’Espagne avait établi à Asobla un avant-poste, dont le chef espagnol exerçait des
fonctions judiciaires330.
En 1907, Asobla était devenue un poste douanier espagnol331. Elle disposait aussi de services,
d’infrastructures et d’effectifs importants, comptant notamment une mission de représentation
(et des logements pour les membres de la délégation), un dispensaire doté d’une équipe médicale,
330 Royaume d’Espagne, ordonnance royale sur la justice, pouvoirs des représentants du gouvernement (27 juillet
1905) (vol. V, annexe 113).
331 A. Barrera, “What They are and What They Should be: the Spanish Possessions in the Gulf of Guinea” General
Marine Review, Conference of the Royal Geographic Society (November 1907), p. 6-7 (vol. IV, annexe 57) ; B. Rodriguez,
“Geographical Studies: Morocco and Spanish Places, Algeria, Tunisia and Tripoli, Sahara and Spanish Sahara, Spanish
Mainland and Island Guinea, Moroccan Problem” (1908) (vol. VII, annexe 221).
- 123 -
une administration du trésor et un service postal332. L’Espagne avait, de surcroît, déployé une
force policière à Asobla, y percevait des impôts et allouait des crédits budgétaires à la ville333.
Asobla était également, dès 1907, le chef-lieu d’une subdivision administrative du district
d’Elobey334.
En 1925, un rapport de la Société des Nations sur la tuberculose et la maladie du sommeil en
Afrique équatoriale relevait la présence endémique de ces maladies dans les localités d’Asobla
et de Mbung, dont il était indiqué qu’elles étaient situées en Guinée continentale espagnole et
« en territoire espagnol »335.
À partir de 1927, la garde coloniale espagnole administrait une école à Asobla336.
En 1953, l’Espagne promulguait une loi énonçant les droits juridiques de la population indigène
de Guinée espagnole qui mentionnait spécifiquement la ville d’Asobla337.
En 1966, en application de l’accord conclu entre l’Espagne et le Gabon concernant la circulation
et les échanges transfrontaliers entre le Río Muni et le Gabon (ci-après l’« accord de 1966 »),
l’Espagne et le Gabon échangeaient des listes de villes et de villages situés sur leurs rives
respectives de l’Outemboni, que les deux États reconnaissaient comme marquant la frontière
dans cette région.
Pendant la période coloniale, l’administration par l’Espagne de la zone de l’Outemboni
conformément à la proposition de la commission de 1901 ne suscita jamais la moindre objection
de la part de l’État souverain voisin, soit la France, puis l’Allemagne, qui, en 1911 et pour une
brève période, remplaça celle-ci, et de nouveau la France, de la première guerre mondiale à 1960.
La France, tout comme le Gabon par la suite, avait parfaitement connaissance de ce que la zone
de l’Outemboni était administrée par l’Espagne, et ni l’un ni l’autre ne formula jamais aucune
revendication sur ce territoire avant l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance en
1968.
B. Les titres juridiques de l’Espagne et de la France
sur le territoire terrestre situé dans la zone du Kyé
6.36. La frontière située dans la zone du Kyé fut elle aussi modifiée par l’Espagne et la France,
comme l’expose en détail le chapitre 3. En 1919, les délégués locaux des deux puissances, à savoir
le gouverneur de la Guinée espagnole et le gouverneur général de l’Afrique équatoriale française,
conclurent un accord qui prévoyait que la moitié septentrionale de la frontière orientale entre le fleuve
espagnol Muni et le territoire colonial français serait provisoirement fixée le long du Kyé, au lieu de
332 A. Barrera, “What They are and What They Should be: the Spanish Possessions in the Gulf of Guinea” General
Marine Review, Conference of the Royal Geographic Society (November 1907), p. 6, 12, 16 (vol. IV, annexe 57).
333 Royal Geographical Society, “Legislation and provisions of the Central Administration”, Magazine of Colonial
and Mercantile Geography, Spain (1907), p. 2-3 (vol. VII, annexe 220).
334 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Decree on Territorial Division, Official Bulletin (1 March 1907)
(vol. V, annexe 114).
335 A. Balfour et al., Rapport complémentaire sur la tuberculose et la maladie du sommeil en Afrique équatoriale,
Organisation d’hygiène de la Société des Nations (avril 1925) (vol. VII, annexe 224).
336 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la
Conquista de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et
gardes civils. Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930] (2010), p. 103 (vol. VII,
annexe 236).
337 F. Olesa Munido, “Criminal Law Applicable to Indigenous People in the Spanish Territories of the Gulf of
Guinea”, Institute of African Studies, Superior Council of Scientific Research, Madrid (1953) (vol. VII, annexe 226).
- 124 -
suivre le 9e méridien est de Paris mentionné à l’article IV de la convention de 1900. Avant sa
signature, l’accord des gouverneurs fut soumis aux États souverains respectifs, l’Espagne et la
France, qui l’approuvèrent l’un et l’autre338.
6.37 L’Espagne commença aussitôt à administrer la région du Kyé, et exerça, là encore,
d’importantes effectivités infra legem de son côté de la frontière, et ce de façon continue et régulière,
et sans rencontrer la moindre opposition de la part de la France ou du Gabon entre 1919 et 1968.
Ainsi, elle entreprit notamment les actes d’administration suivants sans que cela suscite de
contestation :
En 1922, l’Espagne établissait un poste militaire à Ebebiyin339, laquelle comptait, en 1927, une
école administrée par la garde coloniale340. Dans les années 1930, l’Espagne y construisit divers
établissements publics, dont un campement de la garde coloniale et un hôpital, et procéda à des
travaux d’aménagement dans une zone de peuplement indigène341. En 1948, elle ouvrit plusieurs
écoles à Ebebiyin342.
Ebebiyin était en outre un district administratif343.
La principale intersection à Ebebiyin est située sur le 9e méridien est de Paris. La moitié orientale
de la ville se trouve donc intégralement à l’est de ce méridien, bordée à l’est par la rivière Kyé.
(Voir la figure 3.30 ci-avant.)
Entre 1926 et l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance en 1968, l’Espagne se
chargea de la construction et de l’entretien de la route du Kyé reliant Ebebiyin à Mongomo, qui
courait, sur l’essentiel de son tracé, à l’est du 9e méridien est de Paris, le long de la rivière.
L’Espagne assurait également l’administration de toutes les localités situées le long de la route
du Kyé sur sa rive de la rivière, bâtissant et entretenant des campements militaires et des écoles
à Alen et à Mongomo344.
6.38. Ainsi, l’Espagne a établi son titre juridique sur la région du Kyé, conformément à la
convention de 1900 et aux effectivités infra legem qu’elle a exercées de 1901 à 1968. La France a,
par son comportement et en application de l’accord des gouverneurs de 1919, reconnu le titre de
l’Espagne et établi son propre titre de son côté de la frontière délimitée par le Kyé. La situation n’a
pas changé après l’accession du Gabon à l’indépendance en 1960.
338 Voir supra, par. 3.67 à 3.69.
339 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles. Crónica de la
Conquista de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et
gardes civils. Chronique de la conquête des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930] (2010), p. 61 (vol. VII,
annexe 236).
340 Ibid., p. 103.
341 Republic of Spain, Letter from the AT of Ebebeyin to the Governor-General of Spanish Territories of the Gulf
of Guinea (27 November 1938) (vol. IV, annexe 77). Le 9 juin 1939, l’ingénieur en chef auprès du gouverneur-général
espagnol proposait d’allouer un budget de 100 000 pesetas à la construction d’une route entre Ebebiyin et Mongomo. Voir
The Spanish State, Letter from the Lead Engineer to the Governor-General of Spanish Territories of the Gulf of Guinea
(9 June 1939) (vol. IV, annexe 78).
342 “Territorial Demarcations – School Districts 1949-1959”, Official Gazette of the Spanisch Territories in the
Gulf of Guinea (15 November 1952), p. 2 (vol. V, annexe 128).
343 Voir supra, par. 3.78.
344 Spanish Territories of the Gulf of Guinea, Official Gazette of the Gulf of Guinea Territories (15 March 1948)
(vol. VII, annexe 225).
- 125 -
6.39. La situation n’a pas davantage changé après l’accession de la Guinée équatoriale à
l’indépendance en 1968, celle-ci ayant à tout moment depuis cette date administré la zone du Kyé.
En juillet 2011, par exemple, la Guinée équatoriale a achevé la construction du second des deux ponts
qui relient Ebebiyin et Mongomo au Gabon, de part et d’autre du Kyé, et établi des postes frontières
de son côté (voir les figures 3.29, 3.30 et 3.31 ci-avant). Le Gabon n’a élevé aucune contestation.
Bien au contraire, le 4 août 2011, une publication gabonaise indiquait que les présidents Bongo et
Obiang avaient assisté à l’inauguration « [du] pont sur la rivière Kyé, frontière naturelle entre les
deux pays »345. Peu après cette inauguration, le président Bongo, interrogé sur les désaccords
frontaliers existant avec la Guinée équatoriale, a indiqué ce qui suit :
« Le président Obiang et moi-même étions fin juillet à la frontière de nos pays
pour inaugurer deux ponts qui vont augmenter nos échanges commerciaux et faciliter la
circulation des personnes. Existe-t-il meilleur symbole d’entente que la construction
d’un pont ? »346
6.40. Il ressort donc des éléments versés au dossier que, tant dans la zone de l’Outemboni que
dans celle du Kyé, la frontière décrite à l’article IV de la convention de 1900 a, en pratique, été
modifiée sur le fondement des propositions faites par les commissaires et les délégués locaux (les
gouverneurs locaux) en application de l’article VIII et de l’annexe I de la convention de 1900, et par
l’effet des activités d’administration incontestées ou effectivités infra legem menées par
l’Espagne de son côté de la frontière modifiée. Ainsi que la Cour l’a précisé, un État peut acquérir le
titre sur un territoire terrestre lorsqu’il exerce de telles effectivités et que l’autre État y acquiesce347.
Il en est ainsi, en particulier, lorsque, comme en la présente espèce, le titre conventionnel sous-jacent
prévoit la possibilité de procéder sur le terrain à des ajustements territoriaux mutuellement
acceptables. Il s’ensuit que les effectivités exercées par l’Espagne jusqu’en 1968, et la Guinée
équatoriale par la suite, constituent en soi ou contribuent à établir des sources de titre juridique
sur le territoire terrestre situé dans les zones de l’Outemboni et du Kyé, du côté
espagnol/équato-guinéen de la frontière modifiée. De même, les effectivités que la France et le
Gabon ont exercées, sans susciter de contestation de l’Espagne ou de la Guinée équatoriale, du côté
français/gabonais de la ligne modifiée décrite dans le présent mémoire, constituent des sources de
titre juridique sur le territoire terrestre situé de ce côté-là de la frontière.
IV. LES TITRES JURIDIQUES SUR LES EAUX ADJACENTES AUX CÔTES DES PARTIES
6.41. Les Parties ne sont jamais parvenues à un accord sur une frontière délimitant leurs droits
maritimes respectifs dans le golfe de Guinée, notamment dans la baie de Corisco. Leurs
prédécesseurs coloniaux ne s’étaient pas davantage entendus sur ce point. Selon des principes bien
établis du droit international, reflétés dans la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de
1982 (la « convention sur le droit de la mer » ou « CNUDM ») à laquelle la Guinée équatoriale et le
Gabon sont parties, les droits maritimes découlent des territoires terrestres côtiers, îles comprises. La
mer suit la terre. En l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), la Cour
345 « Ali Bongo Odimba en Guinée-Equatoriale pour l’inauguration d’un pont », Bongo Doit Partir 4 août 2011,
p. 1 (« Le président gabonais Ali Bongo Ondimba s’est rendu jeudi en Guinée-Equatoriale pour inaugurer, avec son
homologue Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le pont sur la rivière Kyé, frontière naturelle entre les deux
pays ») (vol. VII, annexe 237) ; « Deux ponts entre la Guinée équatoriale et le Gabon ont été inaugurés », bureau
d’information et de presse de Guinée équatoriale (6 août 2011) (vol. VII, annexe 238).
346 « Ali Bongo Ondimba : “Tout le monde n’a pas compris que le Gabon avait changé” », Jeune Afrique,
6 septembre 2011, p. 7 et 8 (vol. VII, annexe 240).
347 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 353-355, par. 68 à 70 ; Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 401, par. 67, et p. 408-409, par. 80.
- 126 -
a ainsi rappelé, au sujet du droit à une zone économique exclusive (« ZEE ») et à un plateau
continental mais cela s’applique de la même manière à une mer territoriale , qu’
« [i]l est bien établi que “[l]e titre d’un État sur le plateau continental et la zone
économique exclusive est fondé sur le principe selon lequel la terre domine la mer du
fait de la projection des côtes ou des façades côtières” (Délimitation maritime en mer
Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 89, par. 77). Ainsi que la
Cour l’a dit dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord (République
fédérale d’Allemagne/Danemark) (République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), “la
terre est la source juridique du pouvoir qu’un État peut exercer dans les prolongements
maritimes” (arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 51, par. 96). De même, dans l’affaire du
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), la Cour a fait observer que
“c’est la côte du territoire de l’État qui est déterminante pour créer le titre sur les
étendues sous-marines bordant cette côte”. »348
6.42. En conséquence, les titres juridiques sur les zones maritimes s’étendant dans la baie de
Corisco et le golfe de Guinée émanent des titres sur des territoires terrestres continentaux et insulaires
qui sont définis et décrits dans les sections précédentes du présent chapitre. Les Parties ne semblent
pas, et cela est heureux, être en désaccord s’agissant des titres sur le territoire terrestre situé le long
des côtes continentales ; leur différend concerne le titre sur des territoires intérieurs et des formations
insulaires. Il est donc convenu que le point terminal de la frontière terrestre sur le littoral est tel que
précisé dans la convention de 1900 conclue entre l’Espagne et la France, dont l’article IV prévoit ce
qui suit : « La limite entre les possessions espagnoles et françaises sur la côte du Golfe de Guinée
partira du point d’intersection du thalweg de la rivière Mouni avec une ligne droite tirée de la pointe
Coco Beach à la pointe Diéké. »349
6.43. La ligne de séparation des espaces maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon part
nécessairement de ce point.
6.44. Le titre équato-guinéen sur les principales îles de la baie de Corisco, soit Corisco, Elobey
Grande et Elobey Chico, est lui aussi incontesté. La convention de 1900 reconnaît en son article VII
le titre préexistant de l’Espagne sur ces îles. Ni la France ni le Gabon n’ont revendiqué ces formations
ou contesté la souveraineté espagnole à leur égard, pas plus que le fait que la Guinée équatoriale a
succédé au titre de l’Espagne. La France a en outre reconnu la souveraineté de l’Espagne sur la
formation plus modeste de Leva, que le Gabon ne semble pas avoir revendiquée ; il apparaît donc
que l’accession, par voie de succession, de la Guinée équatoriale à la souveraineté précédemment
détenue par l’Espagne sur Leva est elle aussi non litigieuse.
6.45. S’agissant des trois autres formations insulaires de moindre taille Mbanié, Cocotiers
et Conga, collectivement désignées « dépendances de Corisco » , les archives historiques
examinées au chapitre 3 établissent le titre juridique de l’Espagne et le fait que la Guinée équatoriale
a succédé à ce titre lorsqu’elle a accédé à l’indépendance.
348 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 674, par. 140. Voir
aussi Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 40-41, par. 49 (« Le lien
juridique entre la souveraineté territoriale de l’État et ses droits sur certains espaces maritimes adjacents s’établit à travers
ses côtes. »).
349 Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur
la côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée du 27 juin 1900, conclue entre le Royaume d’Espagne et la République
française (signée le 27 juin 1900 et ratifiée le 27 mars 1901), art. IV (vol. III, annexe 4).
- 127 -
6.46. Quatre ans après l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance, soit en 1972, le
Gabon a, pour la première fois, formulé une revendication sur Mbanié, et a, peu de temps après,
confisqué manu militari ce territoire à la Guinée équatoriale. Les forces gabonaises sont, depuis,
restées à Mbanié pour asseoir la revendication du Gabon. La Guinée équatoriale considère que ni la
France ni le Gabon n’ont jamais eu de titre juridique sur l’une quelconque des formations insulaires
de la baie de Corisco, y compris Mbanié. Comme il a été indiqué, aucune prétention de cet ordre n’a
été formulée avant l’indépendance équato-guinéenne en 1968, et la confiscation de Mbanié par le
Gabon en 1972 ne saurait, selon les principes bien établis du droit international, constituer le
fondement d’un titre juridique.
6.47. En conséquence, le titre juridique sur les zones maritimes adjacentes aux côtes
continentales pertinentes de la Guinée équatoriale et du Gabon et les îles de la baie de Corisco doit
être établi conformément à la CNUDM et au principe selon lequel la terre domine la mer, énoncé
dans la jurisprudence de la Cour se rapportant à cette convention. Il s’ensuit que le titre couvre les
eaux s’étendant à partir du territoire continental de chacune des Parties, de son côté du point terminal
de la frontière terrestre fixé par la convention de 1900, et de l’ensemble des îles et des îlots de la baie
de Corisco qui relèvent du territoire de la Guinée équatoriale.
A. La législation régissant les zones maritimes de la Guinée équatoriale
6.48. La Guinée équatoriale a ratifié la convention des Nations Unies sur le droit de la mer le
21 juillet 1997. Avant même cette ratification, elle avait, en 1984, adopté des lois fixant les limites
de ses zones maritimes conformément aux termes de la convention. La loi no 15/1984, en particulier,
proclame une mer territoriale de 12 milles marins et une zone économique exclusive de 200 milles
marins, mesurée à partir des lignes de base côtières normales de la Guinée équatoriale350.
6.49. La législation équato-guinéenne de 1984 limite la largeur de la mer territoriale et de la
zone économique exclusive dans les espaces adjacents ou faisant face à un État tiers par une ligne
d’équidistance par rapport à la côte de l’État tiers351. Le 6 mars 1999, la Guinée équatoriale a
promulgué un décret fixant les coordonnées de ces limites352, telle qu’illustrées à la figure 6.1
ci-après353.
6.50. Le 7 mai 2009, conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM, la Guinée
équatoriale a communiqué à la Commission des limites extérieures du plateau continental des
informations préliminaires indicatives sur les limites extérieures de son plateau continental au-delà
350 République de Guinée équatoriale, loi no 15/1984 sur la mer territoriale et la zone économique exclusive de
la République de Guinée équatoriale (12 novembre 1984), art. 2 et 10 (vol. VI, annexe 191). Voir aussi Nations Unies,
Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (10 décembre
1982), art. 5.
351 République de Guinée équatoriale, loi no 15/1984 sur la mer territoriale et la zone économique exclusive de
la République de Guinée équatoriale (12 novembre 1984), art. 2 et 10 (vol. VI, annexe 191).
352 République de Guinée équatoriale, décret-loi no 1/1999 du 6 mars 1999 définissant la ligne médiane comme
frontière maritime de la République de Guinée équatoriale (vol. VI, annexe 193).
353 Le 26 juin 1999, la Guinée équatoriale et Sao Tomé-et-Principe ont signé un accord établissant leur frontière
maritime le long de la ligne médiane entre leurs côtes qui se font face, limitant ainsi l’étendue de la zone maritime
équato-guinéenne au large de son territoire dans la baie de Corisco et le Rio Muni. Voir The Republic of Equatorial Guinea,
Traité concernant la délimitation de la frontière maritime entre la République de Guinée équatoriale et la République
démocratique de Sao Tomé-et-Principe (26 juin 1999) (vol. III, annexe 10).
- 128 -
de 200 milles marins354. Cette prétention porte uniquement sur des espaces situés au-delà de
200 milles marins de l’île d’Annobón et n’empiète sur aucune revendication du Gabon.
B. La législation régissant les zones maritimes du Gabon
6.51. Le Gabon a ratifié la CNUDM le 11 mars 1998. Il a, avant cette ratification, en 1984,
adopté une loi instituant une ZEE de 200 milles marins355. En 1992, il a retiré sa prétention
concernant une mer territoriale de 100 milles marins en promulguant un décret qui fixait la largeur
de celle-ci à 12 milles marins, conformément aux dispositions de la CNUDM, et proclamait de
nouveau une ZEE s’étendant sur 200 milles marins356.
6.52. Le décret de 1992 a aussi établi les lignes de base à partir desquelles le Gabon entendait
mesurer ses zones maritimes dans la baie de Corisco et au-delà357. Ces lignes de base utilisent de
manière illégitime l’îlot de Mbanié comme point de base et ne sont pas tracées conformément à
l’article 7 de la convention. Les lignes de base droites revendiquées par le Gabon sont représentées
à la figure 6.2 ci-après.
6.53. Le 10 avril 2012, le Gabon a, en application du paragraphe 8 de l’article 76 de la
convention, communiqué des informations sur les limites extérieures de son plateau continental
au-delà de 200 milles marins358. La prétention ainsi formulée n’empiète sur aucune revendication de
la Guinée équatoriale.
354 United Nations Convention on the Law of the Sea 1982, Preliminary Information Presented by the Republic of
Equatorial Guinea on the Outer Limits of the Continental Shelf (7 May 2009), par. 3 (vol. III, annexe 40).
355 République gabonaise, loi no 9/84 du 12 juillet 1984 instituant une zone économique exclusive de 200 milles
marins (vol. VI, annexe 190).
356 République gabonaise, décret no 002066/PR/MHCUCDM du 4 décembre 1992 (vol. VI, annexe 192).
357 Ibid.
358 Soumission de la République gabonaise pour l’extension du plateau continental au-delà des 200 milles marins
aux termes de l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (10 avril 2012) (vol. III, annexe 43).
- 129 -
Figure 6.1
Frontière maritime revendiquée par la Guinée équatoriale en 1999
- 130 -
Légende :
12 M limit = Limite des 12 milles marins
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Cape San Juan = Cap San Juan
Elobey Grande = Elobey Grande
Leva = Leva
Hoco = Hoco
Mbañe = Mbanié
Banco Laval = Banco Laval
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Cape Esterias = Cap Estérias
Point Ngombé = Pointe Ngombé
Gabon Estuary = Estuaire du Gabon
Cape Lopez = Cap Lopez
Equatorial Guinea’s 1999 Maritime Claim = Frontière maritime revendiquée par la Guinée
équatoriale en 1999
- 131 -
Figure 6.2
Lignes de base droites établies par le Gabon en 1992
- 132 -
Légende :
12 M limit = Limite des 12 milles marins
Equatorial Guinea = Guinée équatoriale
Cape San Juan = Cap San Juan
Muni = Muni
Elobey Chico = Elobey Chico
Elobey Grande = Elobey Grande
Leva = Leva
Hoco = Hoco
Corisco Island = Île Corisco
Corisco Bay = Baie de Corisco
Banco Laval = Banco Laval
Mbañe = Mbanié
Conga = Conga
Cocoteros = Cocotiers
Mondah Bay = Baie de Mondah
Point Bolokoboué = Pointe Bolokoboué
Cape Esterias = Cap Estérias
Gabon = Gabon
Gulf of Guinea = Golfe de Guinée
Gabon’s 1992 Straight Baselines = Lignes de base droites établies par le Gabon en 1992
6.54. En cas de chevauchement des revendications maritimes des Parties, et en l’absence
d’accord, la délimitation de leurs espaces respectifs doit être effectuée conformément aux principes
énoncés aux articles 15, 74 et 83 de la CNUDM, lesquels doivent être interprétés et appliqués à la
lumière du corpus jurisprudentiel de la Cour relatif à la délimitation maritime. La délimitation est
subordonnée à la détermination des titres juridiques sur les côtes continentales et insulaires
pertinentes.
- 133 -
CHAPITRE 7
LA PRÉTENDUE CONVENTION DE 1974 QUE LE GABON A PRODUITE ET INVOQUÉE POUR
LA PREMIÈRE FOIS EN 2003 N’ÉTABLIT PAS DE TITRE JURIDIQUE, PAS PLUS
QU’ELLE NE FAIT DROIT DANS LES RELATIONS ENTRE LES PARTIES
7.1. Comme il a été exposé au chapitre 5, le 23 mai 2003, le Gabon a, de manière inattendue
et sans préavis, présenté pour la première fois à la Guinée équatoriale copie d’un instrument conclu,
selon lui, en 1974 (ci-après le « document présenté en 2003 »)359. Il a prétendu que le document en
question était la copie d’une convention signée par M. Macias, président de la Guinée équatoriale, et
M. Bongo, président du Gabon, qui avait réglé les différends opposant les Parties en ce qui concerne
la délimitation de la frontière terrestre, la délimitation de la frontière maritime et la souveraineté sur
l’îlot Mbanié. L’allégation formulée sur le fondement de ce document était en totale contradiction
avec le fait que les deux États venaient de passer plus de 20 ans à négocier au sujet des trois questions
en litige en partant du principe qu’ils n’étaient encore parvenus à s’entendre sur aucune d’elles.
7.2. Le Gabon n’a pas alors présenté le document original, pas plus qu’il ne l’a fait pas la suite.
En effet, lorsqu’il a soudainement produit le document en 2003, il n’a pu fournir que des photocopies
de mauvaise qualité des versions française et espagnole, la version espagnole étant, qui plus est,
incomplète et sensiblement différente, pour ce qui est de sa teneur, de la version française. Lorsque
la Guinée équatoriale lui a demandé de présenter les originaux, le Gabon a admis qu’il ne les
possédait pas360.
7.3. L’année suivante, la Section des traités du Bureau des affaires juridiques de l’Organisation
des Nations Unies, ayant reçu du Gabon deux photocopies pour enregistrement, a estimé que les
documents étaient illisibles et demandé que lui soient soumises des versions plus claires361. Le Gabon
n’a pas été à même de soumettre des photocopies de meilleure qualité, puisqu’il n’était pas en
possession des originaux. Au lieu de cela, il a manifestement fait redactylographier le prétendu
accord et soumis ces nouvelles versions lisibles.
7.4. Pour ce qui est du texte espagnol, la photocopie et la version redactylographiée présentent
des différences importantes. Premièrement, la dernière page de la photocopie, tronquée, a été
amputée d’une partie des signatures et du nom des signataires. Dans la version redactylographiée,
une ligne de signatures et le nom des signataires allégués ont été ajoutés. A également été ajouté,
dans la version espagnole, un nota bene, qui apparaît après la ligne des signatures sur la version
française, mais ne figure pas sur la photocopie espagnole initiale362.
359 République de Guinée équatoriale, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Guinée
équatoriale-Gabon (Malabo, 23 mai 2003), p. 5 (vol. VII, annexe 213).
360 Ibid., p. 6, 8.
361 Lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent de la République de Guinée équatoriale
auprès de de l’Organisation des Nations Unies par le Sous-secrétaire général de l’ONU, p. 1 (vol. III, annexe 32) ; voir
aussi Letter from the Director of the UN Division for Ocean Affairs and Law of the Sea to HE the Permanent Representative
of the Republic of Guinea Equatorial (13 April 2005), p. 1 (vol. III, annexe 37).
362 The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting the Land and Maritime
Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September 1974) (Spanish-language photocopy), p. 2 (vol. VII,
annexe 217) ; The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting the Land and
Maritime Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September 1974) (Retyped Spanish-language version, as
published in the UNTS), p. 3 (vol. VII, annexe 216) ; République de Guinée équatoriale et République gabonaise,
convention délimitant les frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (12 septembre 1974)
(version française photocopiée), p. 3 (vol. VII, annexe 215).
- 134 -
7.5. Deuxièmement, dans la version redactylographiée soumise à la Section des traités, le
libellé de l’article 4 relatif à la frontière maritime a été modifié par rapport à celui de la photocopie.
S’agissant des îles Elobey, l’article 4 de la photocopie espagnole comporte la mention « 1,3 mille à
l’ouest », contre « 1,5 mille vers la côte » [« 1.5 miles to the coast » selon la traduction anglaise des
termes « 1,5 millas al coste » établie par la Guinée équatoriale] dans la version espagnole
redactylographiée363. Pour ce qui est de l’île Corisco, la photocopie mentionne « 6 milles à l’ouest »,
contre « 6 milles vers la côte » [« 6 miles to the coast » selon la traduction anglaise des termes
« 6 millas al Coste » établie par la Guinée équatoriale] dans la version redactylographiée.
7.6. La Guinée équatoriale ne dispose pas d’information sur les circonstances dans lesquelles
les nouvelles versions dactylographiées ont été élaborées, par qui ou à quelle date, ni sous quelle
autorité. Néanmoins, des éléments semblent indiquer que ces versions ont été créées en 2004364.
7.7. Ni la Guinée équatoriale ni l’Organisation des Nations Unies n’ont jamais obtenu les
versions originales française ou espagnole de cette prétendue convention. Il incombe au Gabon, dans
la mesure où il cherche à invoquer devant la Cour le document présenté en 2003, d’en prouver
préalablement l’authenticité. Ainsi que la Cour l’a conclu en l’affaire relative à des Usines de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), « selon le principe bien établi onus probandi
incumbit actori, c’est à la partie qui avance certains faits d’en démontrer l’existence »365. L’existence
alléguée d’un accord international et l’authenticité de tout document présenté comme tel sont des
faits dont le Gabon est tenu d’apporter la preuve366.
7.8. Les éléments versés au dossier indiquent que, au-delà de la question de son authenticité,
le document présenté en 2003 ne fait pas droit et n’a jamais été considéré ou traité comme faisant
droit dans les relations entre les Parties pour ce qui est de la délimitation de leurs frontières
363 The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting the Land and Maritime
Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September 1974) (Spanish-language photocopy), art. 4, p. 2 (vol. VII,
annexe 217) ; The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting the Land and
Maritime Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September 1974) (Retyped Spanish-language version, as
published in the UNTS), art. 4, p. 3 (vol. VII, annexe 216).
364 Lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent de la République de Guinée équatoriale
auprès de de l’Organisation des Nations Unies par le Sous-secrétaire général de l’ONU, p. 1 (vol. III, annexe 32).
365 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 71,
par. 162. Voir aussi Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua c. États‑Unis
d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 437, par. 101 (« c’est … au plaideur qui cherche à
établir un fait qu’incombe la charge de la preuve ») ; Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 128, par. 204 (« En ce
qui concerne la charge de la preuve, il est constant que le demandeur est tenu d’étayer ses arguments, et qu’une partie qui
avance un fait est tenue de l’établir ») ; Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil
2009, p. 86, par. 68 (« Ainsi que la Cour l’a indiqué à plusieurs reprises, c’est à la partie qui avance un élément de fait à
l’appui de sa prétention qu’il incombe de l’établir ») ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République
démocratique du Congo), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 332, par. 15 (« en règle générale, c’est à la partie
qui allègue un fait à l’appui de ses prétentions qu’il appartient d’en démontrer l’existence »).
366 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua c. États‑Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 437, par. 101
(« [T]out arrêt au fond en la présente espèce se bornera à faire droit aux conclusions des Parties qui
auront été étayées par des preuves suffisantes des faits pertinents et que la Cour aura considérées comme
fondées en droit … [C]’est … au plaideur qui cherche à établir un fait qu’incombe la charge de la preuve ;
lorsque celle-ci n’est pas produite, une conclusion peut être rejetée dans l’arrêt comme insuffisamment
démontrée »).
Voir aussi Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 209, par. 91, p. 217, par. 123, p. 218-219, par. 128-130.
- 135 -
maritime et terrestre communes ou de la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, au
sens de l’article premier du compromis367. Ces éléments de preuve peuvent être résumés comme suit.
7.9. Le document présenté en 2003, dont le Gabon affirme qu’il a réglé les questions sur
lesquelles les Parties ont négocié pendant plusieurs décennies, était totalement absent des relations
entre les Parties durant cette période. À ce propos, des négociations bilatérales se sont tenues de 1979
à 2003 en vue de résoudre les points mêmes qui, selon le Gabon, ont été tranchés par ce document.
Tout au long de cette période, le chef d’État gabonais était S. Exc. M. Omar Bongo Ondimba,
signataire prétendu du document au nom du Gabon. Or, ce dernier n’a jamais mentionné le document
ni l’existence d’une convention portant sur les questions frontalières et de souveraineté qui faisaient
l’objet des négociations menées entre les Parties pendant cette période de 24 ans.
7.10. Selon les termes mêmes du document, des accords et mesures spécifiques visant à
délimiter les frontières terrestre et maritime devaient intervenir ultérieurement, ce qui indique que ce
document, quand bien même il serait authentique quod non , n’avait pas vocation à refléter un
accord définitif entre les Parties.
7.11. La Guinée équatoriale et le Gabon n’ont jamais pris aucune des mesures nécessaires pour
parachever la convention alléguée, conclure les accords additionnels qui s’imposaient, ni mettre en
oeuvre l’une quelconque des dispositions de fond énoncées dans le texte du document présenté en
2003.
7.12. L’accord présumé est daté du 12 septembre 1974, époque à laquelle la constitution du
Gabon exigeait que les traités ayant une incidence sur le territoire soient soumis à un vote populaire
et approuvés par le parlement sous la forme d’une loi. Or, entre 1974 et 2003, le Gabon n’a pas
soumis la prétendue convention à ce mécanisme ni à aucune autre procédure constitutionnelle, ce qui
contredit son assertion selon laquelle une telle convention avait été conclue.
7.13. Il est donc clair que les deux États — et le Gabon en particulier — se sont, pendant près
de 30 ans, fondés sur le postulat qu’ils n’avaient pas, en 1974, conclu d’accord faisant droit et réglant
les différends entre eux. Or en 2003, le Gabon a subitement affirmé que tous les différends considérés
comme en suspens et faisant l’objet de négociations avec la Guinée équatoriale avaient en réalité été
pleinement et définitivement réglés par un traité signé trois décennies plus tôt. Il estime que ce
document nouvellement mis au jour a profondément modifié les relations territoriales et frontalières
qui liaient auparavant la France et l’Espagne et dont les Parties ont hérité lors de leur accession à
l’indépendance, en opérant le transfert en sa faveur de la souveraineté sur l’île équato-guinéenne
Mbanié — peu après qu’il l’eut occupée illicitement — et en délimitant les frontières terrestre et
367 En 2003, lorsque le Gabon a présenté pour la première fois une photocopie de ce qu’il prétend être un traité
datant de 1974, la Guinée équatoriale a mis en doute l’authenticité de ce document et opposé que le Gabon ne pouvait, au
regard des principes établis du droit international, invoquer un « accord » pour la première fois 30 ans après sa conclusion
alléguée, période au cours de laquelle aucune des deux Parties n’y avait jamais fait la moindre référence. Pendant les
trente années qu’ont duré les négociations, le Gabon a adopté un comportement et fait des déclarations attestant d’une
manière claire et constante qu’il convenait qu’aucun accord n’était en vigueur ni n’avait été trouvé entre les Parties. La
Guinée équatoriale s’est fondée sur ce comportement du Gabon, adoptant une position qui reposait sur les vues formulées
par ce dernier des décennies durant. Il est possible d’inférer l’estoppel du comportement du Gabon : voir Plateau
continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark) (République fédérale
d’Allemagne/Pays‑Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 26, par. 30 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui‑ci (Nicaragua c. États‑Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 414-415,
par. 51.
- 136 -
maritime d’une manière qui consacrait les revendications nouvelles qu’il avait formulées une fois
devenu indépendant.
7.14. La Guinée équatoriale soutient que, compte tenu de l’importance particulière que
revêtent l’établissement des frontières et la souveraineté étatique sur un territoire, le document
présenté en 2003, même à supposer qu’il soit authentique quod non , n’est pas, au regard du
droit international, de nature à avoir des effets aussi radicaux sur des frontières terrestres et maritimes
et la souveraineté sur des îles. Comme la Cour l’a relevé en l’affaire du Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras, « [l]’établissement d’une frontière … permanente est
une question de grande importance, et un accord ne doit pas être présumé facilement »368. De même,
la Cour a jugé que « la souveraineté étatique sur un territoire ainsi que le caractère stable et certain
de cette souveraineté » revêtaient une « importance de premier plan … en droit international et dans
les relations internationales »369.
I. SELON SON PROPRE LIBELLÉ, LE DOCUMENT PRÉSENTÉ
EN 2003 N’EST PAS UN TRAITÉ DÉFINITIF
7.15. Le document présenté en 2003 ne constitue manifestement pas un règlement définitif des
différends entre les Parties. Il renferme des dispositions de fond imposant à celles-ci de prendre des
mesures supplémentaires en vue de résoudre certaines questions territoriales en suspens et d’établir
leurs frontières de manière définitive370. Aucune de ces mesures n’a jamais été mise en oeuvre,
comme le Gabon est contraint de le reconnaître.
7.16. Premièrement, si l’article 4 contient une définition de la frontière maritime371, le nota
bene qui suit les signatures dans la version française prévoit toutefois que les deux chefs d’État
« procéder[ont] ultérieurement à une nouvelle rédaction d[udit] article …, afin de le mettre en
conformité avec la Convention de 1900 »372. Dans la version espagnole, la partie de la page
comportant les signatures sur laquelle figure, dans la version française, le nota bene a été tronquée,
de sorte qu’il est impossible de savoir ce qui pouvait y être écrit373. Dans la marge gauche de la
version espagnole, une note manuscrite partiellement lisible semble mentionner la convention de
1900, mais cette note est elle aussi largement tronquée374. En tout état de cause, et indépendamment
des mentions supplémentaires qui pourraient avoir figuré dans la version espagnole, la réserve
formulée dans le texte français indique clairement qu’il n’y avait pas d’accord définitif sur le tracé
de la frontière maritime.
368 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 689, par. 87, p. 735, par. 253.
369 Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, p. 51, par. 122.
370 République de Guinée équatoriale et République gabonaise, convention délimitant les frontières terrestres et
maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (12 septembre 1974) (version française photocopiée) (vol. VII,
annexe 215).
371 Ibid., p. 2, art. 4.
372 Ibid., p. 3.
373 The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting the Land and Maritime
Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September 1974) (Spanish-language photocopy), p. 2 (vol. VII,
annexe 217).
374 Ibid.
- 137 -
7.17. S’agissant de la frontière terrestre, l’article premier est censé définir son tracé général en
des termes repris presque mot pour mot de la convention de 1900, faisant référence au 1er parallèle
nord et au 9e méridien est de Paris375. L’article 2 énonce, en des termes généraux, une dérogation au
tracé défini à l’article premier, prévoyant que la Guinée équatoriale « cède » au Gabon la portion du
district de Médouneu située au nord du 1er parallèle nord, et que le Gabon « cède » à la Guinée
équatoriale une partie du territoire se trouvant à l’est du 9e méridien est autour des localités de Ngong
et d’Alen376.
7.18. L’emplacement et la taille exacts des zones que les deux Parties se « cédaient »
réciproquement, ainsi que les modalités d’application du texte, devaient être convenus
ultérieurement, l’article 7 disposant que « [d]es protocoles d’accords se[raient] pris … pour
déterminer les superficies et les limites exactes de la portion de terre cédée à la République gabonaise
et de celle cédée à la République de Guinée-Equatoriale, et … pour préciser les modalités
d’application de la … Convention »377. Les Parties n’ont jamais mis en oeuvre ces mesures
nécessaires pour déterminer le territoire « cédé » par chacune d’elles et le tracé que devait suivre en
conséquence la frontière terrestre.
7.19. L’article 8 prévoit, de la même manière, que la frontière précise sera définie
ultérieurement par des représentants du Gabon et de la Guinée équatoriale, en disposant comme suit :
« La matérialisation des frontières sera faite par une équipe composée des
représentants des deux pays, en nombre égal, avec au besoin le concours ou la
participation de techniciens et observateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine ou
de tout autre organisme international, choisis d’un commun accord »378.
Cette définition ultérieure du tracé de la frontière prescrite par l’article 8 n’a jamais été effectuée.
7.20. Ainsi, le document présenté en 2003 ne constitue manifestement pas un traité définitif.
Il semble s’agir tout au plus d’un engagement à poursuivre les efforts en vue de parvenir à un accord
définitif. En conséquence, même à supposer qu’il soit authentique — quod non —, ledit document
ne fait pas droit entre les Parties « s’agissant de la délimitation de leurs frontières maritime et terrestre
communes et de la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga » au sens de l’article premier
du compromis.
II. LES PARTIES N’ONT PAS PRIS LES MESURES QUI AURAIENT ÉTÉ NÉCESSAIRES
POUR METTRE EN OEUVRE LES DISPOSITIONS DU DOCUMENT PRÉSENTÉ EN 2003
7.21. Après la date indiquée dans les textes français et espagnol, soit le 12 septembre 1974, les
Parties n’ont pris aucune des mesures qui auraient été requises en application des dispositions du
document. Comme il a été relevé, le nota bene figurant à la fin de la version française photocopiée
précise que les chefs d’État devront « procéder ultérieurement à une nouvelle rédaction de
l’article 4 », lequel traite du tracé de la frontière maritime. Cela n’a jamais été fait. De même, les
articles 7 et 8 prévoient qu’un accord supplémentaire devra être conclu pour déterminer la portion de
territoire « cédée » par chacune des Parties et le tracé de la frontière terrestre, et former une équipe
375 République de Guinée équatoriale et République gabonaise, convention délimitant les frontières terrestres et
maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (12 septembre 1974) (version française photocopiée), p. 1, art. premier
(vol. VII, annexe 215).
376 Ibid., p. 3, art. 2.
377 Ibid., p. 3, art. 7.
378 Ibid., p. 3, art. 8.
- 138 -
composée de membres des deux Parties avec, au besoin, la participation de techniciens et
d’observateurs de l’Organisation de l’unité africaine en vue de la matérialisation de la frontière. Là
encore, rien de tout cela n’a été fait.
7.22. Le Gabon prétend que le document est un traité frontalier et territorial faisant droit entre
les Parties, mais aucun instrument de ce type n’a jamais été soumis au processus constitutionnel de
ratification gabonais. La constitution du Gabon en vigueur au moment de la conclusion alléguée du
document présenté en 2003 disposait que « [n]ulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire
n’[étai]t valable sans le consentement du peuple gabonais appelé à se prononcer par référendum,
après consultation des populations intéressées », et précisait que les « traités … comport[ant]
cession, échange ou adjonction de territoire … ne pren[ai]ent effet qu’après avoir été régulièrement
ratifiés » et « ne p[o]uv[ai]ent être ratifiés qu’en vertu d’une loi »379. La Cour a reconnu que les
dispositions constitutionnelles d’une telle nature revêtent une importance fondamentale380. Or, il est
incontestable que le Gabon ne s’est pas conformé à ces dispositions. Il n’a pris, à l’égard du document
présenté en 2003, aucune des mesures nécessaires de ratification qu’il aurait été tenu de prendre, au
regard de la constitution, s’il avait estimé avoir conclu un accord déterminant ou modifiant les
frontières nationales et la souveraineté territoriale.
7.23. De même, le Gabon n’a pris aucune des mesures requises au niveau international. La
Charte des Nations Unies exige que les États enregistrent les traités au Secrétariat de l’ONU « le plus
tôt possible »381. Loin d’avoir cherché à enregistrer le document auprès de l’Organisation « le plus
tôt possible », le Gabon ne l’a fait qu’en 2004, soit 30 ans après la signature alléguée de celui-ci. Si
un traité qui n’est pas enregistré n’en perd pas pour autant sa force de droit, à supposer qu’il ait
effectivement force de droit quod non , en revanche, le fait que, en la présente espèce, un traité
relatif aux frontières et à la souveraineté ne l’ait pas été pendant les trois décennies qui ont suivi sa
signature alléguée indique clairement que l’État qui présente le document ne considérait pas
jusqu’alors que cet instrument — si tant est qu’il ait seulement existé — revêtait la nature d’un traité
faisant droit entre les Parties.
III. LES PARTIES ONT POURSUIVI LES EFFORTS EN VUE DE RÉGLER LEURS DIFFÉRENDS
RELATIFS À LA SOUVERAINETÉ ET AUX FRONTIÈRES SUR LE FONDEMENT D’AUTRES
TITRES JURIDIQUES, SANS SE RÉFÉRER AU DOCUMENT PRÉSENTÉ EN 2003
7.24. Le mandat du président Macias en Guinée équatoriale a pris fin le 3 août 1979, cinq ans
après la conclusion alléguée du document présenté en 2003. Comme il a été relevé, au cours de ces
cinq années, les Parties n’ont pris aucune des mesures indiquées dans le texte de celui-ci pour
parachever ou mettre en oeuvre ses dispositions. Après l’établissement du nouveau gouvernement en
Guinée équatoriale, les Parties ont poursuivi les négociations en vue de régler leurs différends
frontaliers et de souveraineté, ceux-là mêmes dont le Gabon affirme aujourd’hui qu’ils ont été
pleinement et définitivement résolus en 1974382. Ces pourparlers n’avaient pas pour objectif
l’interprétation ou l’application du document présenté en 2003, que le Gabon n’a jamais invoqué.
Les intenses négociations bilatérales menées entre 1979 et 2003 portaient en réalité sur toutes les
questions prétendument traitées par le document en question, lequel ne fut même jamais mentionné.
379 République gabonaise, Constitution de la République gabonaise (29 juillet 1972), p. 153, art. 52 (vol. VI,
annexe 189).
380 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 430, par. 265.
381 Charte des Nations Unies, article 102.
382 Minutes of the Second Session of the Ad Hoc Commission on the Review of the Oil Cooperation Agreement
Between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Malabo (10-13 September 1984), p. 3-5 (vol. VII,
annexe 205).
- 139 -
Il s’agissait pour les deux Parties de régler leurs différends concernant la souveraineté sur les
dépendances de Corisco et la délimitation des frontières terrestre et maritime, différends que, comme
suffit à l’indiquer la longueur de ces négociations, l’une et l’autre estimaient subsister entre elles.
7.25 À partir de 1979, les Parties ont tenté de parvenir à ce qui, au sens des articles 74 et 83
de la CNUDM, aurait constitué un accord provisoire de caractère pratique dans l’attente de la
délimitation de leur frontière maritime383. Elles ont négocié pendant plusieurs années en vue de
conclure un accord de coopération pétrolière prévoyant une zone de développement conjoint qui
comprenait les eaux entourant Mbanié, Cocotiers et Conga384. L’objet de ces négociations a par la
suite été étendu au différend relatif au titre sur les dépendances de Corisco et au tracé de la frontière
terrestre entre les territoires continentaux385. Le Gabon et la Guinée équatoriale ont négocié
bilatéralement entre novembre 1979 et mai 2003. Les deux États ont constamment invoqué, fait
valoir et réaffirmé le principe du respect des frontières héritées de leurs prédécesseurs coloniaux,
l’applicabilité de la convention de 1900 et des modifications ultérieures, et la CNUDM comme étant
les fondements juridiques sur lesquels ils devaient régler leurs différends et déterminer leurs titres
respectifs386. De fait, en 2001, les Parties sont convenues qu’il y avait lieu d’appliquer le principe du
respect des frontières préexistantes, et de considérer que « [l]a Convention Franco-Espagnole du
27 juin 1990[, l]a Charte des Nations Unies[, l]a Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine [et l]a
Convention Internationale sur le Droit de la Mer » constituaient « tous les instruments juridiques et
historique nécessaires à la délimitation équitable de leur frontière »387. Au cours de cette période de
plus de 24 années de négociations, ni l’une ni l’autre des Parties n’a jamais allégué l’existence du
document présenté en 2003 ni n’y a fait la moindre référence ou allusion , et n’a, a fortiori,
jamais invoqué ce document pour fonder ses revendications de titre.
IV. LE DOCUMENT PRÉSENTÉ EN 2003 N’A PAS ACQUIS
FORCE DE DROIT ENTRE LES PARTIES APRÈS 2003
7.26. Lorsque le Gabon a présenté le document en 2003 lors d’une réunion de la commission
ad hoc des frontières, la Guinée équatoriale a répondu qu’elle « réfut[ait] et ni[ait] l’existence de la
convention hypothétique [concluant qu’elle] … n’admet[tait] pas l’existence de cette convention ni
sa validité »388. Elle a souligné que le Gabon n’avait jamais, au cours des négociations menées par
les deux États de 1979 à 2003, présenté ni mentionné un tel document389, et exigé qu’il produise les
originaux espagnol et français pour authentification. Le Gabon a admis qu’il ne possédait ni l’un ni
l’autre de ces originaux390.
383 Ibid.
384 Ibid.
385 Rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission ad hoc des frontières Gabon-Guinée équatoriale
(20 janvier 1993) (vol. VII, annexe 210).
386 Minutes of the Second Session of the Ad Hoc Commission on the Review of the Oil Cooperation Agreement
Between the Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Malabo (10-13 September 1984), p. 3-5 (vol. VII,
annexe 205) ; Délégation de la République de Guinée équatoriale, discours d’ouverture adressé à la délégation de la
République gabonaise lors de la première réunion tenue par la commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale (4 novembre
1984), p. 1-2 (vol. VII, annexe 206) ; Rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission ad hoc des frontières
Gabon-Guinée équatoriale (20 janvier 1993), p. 3-5 (vol. VII, annexe 210).
387 République gabonaise, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Gabon/Guinée-équatoriale
(Libreville, 29-31 janvier 2001), p. 4 (vol. VII, annexe 212).
388 République de Guinée équatoriale, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières Guinée
équatoriale – Gabon (Malabo, 23 mai 2003), p. 5 (vol. VII, annexe 213).
389 Ibid., p. 5-6.
390 Ibid., p. 6, 8.
- 140 -
7.27. Dans une lettre adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, le
ministre des affaires étrangères de la Guinée équatoriale a protesté contre les efforts déployés par le
Gabon en vue de faire enregistrer auprès de la Section des traités de l’Organisation le document
présenté en 2003391. Dans sa lettre, la Guinée équatoriale contestait l’authenticité du document, ce à
quoi l’ONU a répondu qu’il revenait à un tribunal d’apprécier cette question, et que la présentation
d’une copie certifiée conforme était l’unique condition en matière d’enregistrement392. Le Gabon,
qui ne possédait pas l’original et ignorait même s’il existait, a lui-même certifié que la version
redactylographiée qu’il avait soumise était une copie conforme et exacte de l’original393. Au surplus,
dans la communication qu’il a adressée à l’ONU, il a indiqué de manière erronée que les parties
n’avaient pas de réserve ou d’objection concernant le document présenté en 2003, alors même que
la Guinée équatoriale contestait son authenticité depuis qu’il avait cherché pour la première fois à le
présenter394.
7.28. Le 18 mars 2004, l’ONU a officiellement enregistré l’objection de la Guinée équatoriale
à l’enregistrement du document présenté en 2003395. Cette dernière a, le 7 avril 2004, soulevé une
seconde objection indiquant que les copies soumises pour enregistrement avaient été modifiées par
le Gabon par rapport à la version qu’il avait initialement produite :
« À l’origine, le Gabon a adressé quelques photocopies au Secrétariat et son
Ministre des affaires étrangères a certifié que ces photocopies étaient les copies
conformes des originaux. Mais il n’existe pas d’originaux et le Gabon n’a jamais
informé le Secrétariat qu’il ne disposait de rien d’autre que desdites photocopies qu’il
lui avait adressées. Lorsque le Secrétariat a refusé ces photocopies au motif qu’elles
étaient illisibles et que les textes en français et en espagnol ne correspondaient pas, le
Gabon a établi et adressé au Secrétariat de nouveaux documents, cette fois
dactylographiés … Lorsqu’il existait des différences entre la version espagnole du texte
photocopié et la version française, le Gabon a modifié le texte dactylographié en
espagnol et a même ajouté des morceaux de textes qui n’apparaissaient pas dans la
photocopie afin que le texte dactylographié en espagnol soit identique au texte en
français. »396
391 Letter from the Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Equatorial Guinea to the Secretary-General of the
United Nations (10 March 2004) (vol. III, annexe 31) ; voir aussi Letter No. 179/05 from the Permanent Mission of the
Republic of Equatorial Guinea to the United Nations to the Director of the United Nations Division of Ocean Affairs and
Law of the Sea (11 March 2005) (vol. III, annexe 36).
392 Lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent de la République de Guinée équatoriale
auprès de l’Organisation des Nations Unies par le Sous-secrétaire général de l’ONU, p. 1 (vol. III, annexe 32) ; voir aussi
Letter from the Director of the UN Division for Ocean Affairs and Law of the Sea to H.E. the Permanent Representative
of the Republic of Guinea Equatorial (13 April 2005), p. 3-4 (vol. III, annexe 37).
393 Letter from the Director of the UN Division for Ocean Affairs and Law of the Sea to HE the Permanent
Representative of the Republic of Guinea Equatorial (13 April 2005), p. 4 (vol. III, annexe 37) ; République de Guinée
équatoriale, procès-verbal de la commission ad hoc sur les frontières Guinée équatoriale-Gabon (Malabo, 23 mai 2003),
p. 8 (vol. VII, annexe 213).
394 Lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent de la République de Guinée équatoriale
auprès de l’Organisation des Nations Unies par le Sous-secrétaire général de l’ONU, p. 1 (vol. III, annexe 32).
395 République de Guinée équatoriale, objection relative à l’authenticité de la « convention délimitant les frontières
terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (Bata, 12 septembre 1974) », notifiée à l’Organisation des
Nations Unies le 18 mars 2004 (vol. VII, annexe 218) ; lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent
de la République de Guinée équatoriale par le Sous-secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, p. 3 (vol. III,
annexe 32).
396 République de Guinée équatoriale, deuxième objection relative à la « convention délimitant les frontières
terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (Bata, 12 septembre 1974) », notifiée à l’Organisation des
Nations Unies le 7 avril 2004, p. 7 (vol. VII, annexe 219).
- 141 -
7.29. En dépit de ces objections, l’Organisation des Nations Unies a enregistré le document le
25 mars 2005397. Cependant, l’enregistrement à l’ONU « ne confère[] pas à un instrument la qualité
de traité ou d’accord international si cet instrument n’a pas déjà cette qualité »398. Le document
présenté en 2003 n’avait pas cette qualité au moment de son enregistrement et ne l’a pas acquise par
la suite. Il ne constitue donc pas un titre juridique valable sur lequel l’une ou l’autre des Parties
pourrait fonder ses demandes.
397 Letter from the Director of the UN Division for Ocean Affairs and Law of the Sea to HE the Permanent
Representative of the Republic of Guinea Equatorial (13 April 2005), p. 5 (vol. III, annexe 37) ; The Republic of Equatorial
Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting the Land and Maritime Boundaries of Equatorial Guinea and
Gabon (12 September 1974) (Retyped Spanish-language version, as published in the UNTS) (vol. VII, annexe 216) ;
République de Guinée équatoriale et République gabonaise, convention délimitant les frontières terrestres et maritimes de
la Guinée équatoriale et du Gabon (12 septembre 1974) (version française redactylographiée, telle que publiée dans RTNU,
vol. 2248) (vol. VII, annexe 214).
398 Lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent de la République de Guinée équatoriale
auprès de l’Organisation des Nations Unies par le Sous-secrétaire général de l’ONU, p. 3 (citant Section des traités des
Nations Unies, Manuel des traités, par. 5.3.1, p. 27) (italiques omis) (vol. III, annexe 32).
- 142 -
CONCLUSIONS
Se réservant le droit de compléter ou de modifier ses demandes, la République de Guinée
équatoriale prie respectueusement la Cour de dire et juger que
les seuls titres juridiques, traités et conventions internationales qui font droit dans les relations
entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale s’agissant de la délimitation
de leurs frontières maritime et terrestre communes et de la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers
et Conga sont les suivants :
a) en ce qui concerne la délimitation de la frontière terrestre,
1) par voie de succession d’États, la convention spéciale sur la délimitation des possessions
françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur la côte du Sahara et sur la côte du
golfe de Guinée, signée à Paris le 27 juin 1900 (ci-après la « convention de 1900 »), telle
qu’appliquée par la France et l’Espagne jusqu’à l’accession du Gabon à l’indépendance, le
17 août 1960, puis par le Gabon et l’Espagne jusqu’à l’accession de la Guinée équatoriale à
l’indépendance, le 12 octobre 1968 ;
2) le titre juridique que la République de Guinée équatoriale a acquis en succédant à l’ensemble
des titres détenus par l’Espagne sur le territoire, en ce compris les limites de ce territoire,
compte tenu des modifications apportées à la frontière décrite à l’article IV de la convention
de 1900, conformément aux termes de cet instrument et au droit international, avant le
12 octobre 1968, date de l’accession de la République de Guinée équatoriale à
l’indépendance ; et
3) le titre juridique que la République gabonaise a acquis en succédant à l’ensemble des titres
détenus par la France sur le territoire, en ce compris les limites de ce territoire, compte tenu
des modifications apportées à la frontière décrite à l’article IV de la convention de 1900,
conformément aux termes de cet instrument et au droit international, avant le 17 août 1960,
date de l’accession de la République gabonaise à l’indépendance.
b) En ce qui concerne la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga,
1) le titre que la Guinée équatoriale a acquis, le 12 octobre 1968, par voie de succession au titre
juridique de l’Espagne sur Mbanié, Cocotiers et Conga, fondé sur 1) la cession par le
Portugal de l’intégralité de ses droits en vertu du traité du Pardo de 1778, 2) la déclaration
de souveraineté sur l’île Corisco faite par l’Espagne en 1843, 3) le procès-verbal d’annexion
signé en 1846 par celle-ci avec le roi Orejeck de Corisco, 4) la charte de 1846 par laquelle
l’Espagne accorda la citoyenneté espagnole aux habitants de Corisco, d’Elobey et de leurs
dépendances, et [5]) l’occupation incontestée, effective et publique de ces îles par l’Espagne
entre 1843 et 1968, date de l’accession de la Guinée équatoriale à l’indépendance.
c) En ce qui concerne le droit à des espaces maritimes et leur délimitation, compte tenu des
territoires respectifs des Parties tels que déterminés conformément aux points a) et b),
1) la convention de 1900, en ce qu’elle a placé le point terminal de la frontière terrestre dans
la baie de Corisco, et reconnu la souveraineté de l’Espagne sur les îles Corisco, Elobey
Grande et Elobey Chico ;
2) la convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée le 10 décembre 1982 à
Montego Bay ; et
- 143 -
3) le droit international coutumier, en ce qu’il établit que le titre d’un État sur des espaces
maritimes et la prétention que peut faire valoir celui-ci à cet égard découlent du titre qu’il
possède sur le territoire terrestre.
La République de Guinée équatoriale se réserve le droit de compléter ou de modifier en tant
que de besoin les présentes conclusions à la lumière de pièces de procédure ultérieures.
Respectueusement,
Le 5 octobre 2021.
L’agent de la République de Guinée équatoriale, Ambassadeur extraordinaire
et plénipotentiaire de la République de Guinée équatoriale auprès
du Royaume de Belgique, du Royaume des Pays-Bas,
du Royaume du Danemark et du Grand-Duché
de Luxembourg
(Signé) S. Exc. M. Carmelo NVONO-NCÁ.
___________
- 144 -
ATTESTATION
J’ai l’honneur de certifier que les annexes sont des copies conformes des documents originaux
et que les traductions fournies sont exactes.
Le 5 octobre 2021.
L’agent de la République de Guinée équatoriale, Ambassadeur extraordinaire
et plénipotentiaire de la République de Guinée équatoriale auprès
du Royaume de Belgique, du Royaume des Pays-Bas,
du Royaume du Danemark et du Grand-Duché
de Luxembourg
(Signé) S. Exc. M. Carmelo NVONO-NCÁ.
___________
VOLUME 1
FIGURES
Toutes les cartes sont fournies à seule fin d’illustration.
Page
Figure 1.1. Territoire de l’Espagne au 12 octobre 1968 ..................................................................... 5
Figure 2.1. La géographie de la République de Guinée équatoriale et de la République
gabonaise ....................................................................................................................................... 9
Figure 2.2. La géographie de la région continentale de la Guinée équatoriale ................................ 11
Figure 2.3. Îles de la baie de Corisco ............................................................................................... 13
Figure 2.4. Île Corisco et ses dépendances ....................................................................................... 15
Figure 2.5. Île Corisco et ses dépendances vers 1859 ...................................................................... 17
Figure 2.6. Zones de la rivière Outemboni et de la rivière Kyé ....................................................... 19
Figure 2.7. Zone de la rivière Outemboni ........................................................................................ 20
Figure 2.8. Zone de la rivière Kyé ................................................................................................... 22
Figure 3.1. Zone géographique couverte par le traité de 1778 ......................................................... 25
Figure 3.2. Positions respectives de l’Espagne et de la France avant 1900 ..................................... 28
Figure 3.3. Carte d’origine française représentant les dépendances de Corisco comme étant
espagnoles (1899) ....................................................................................................................... 30
Figure 3.4. Emplacement de l’épave du Pierre Loti près de Mbanié ............................................... 34
Figure 3.5. Carte de la Spanish Gulf Oil Company représentant les dépendances de Corisco
comme des territoires espagnols (1960) ...................................................................................... 40
Figure 3.6. Annexe 3 de la convention de 1900 ............................................................................... 41
Figure 3.7. Frontière proposée par la commission de 1901 ............................................................. 44
Figure 3.8. Frontière proposée par la commission de 1901 (zone de l’Outemboni) ........................ 46
Figure 3.9. Modifications apportées par les parties aux lignes définies à l’article IV dans les
zones de l’Outemboni et du Kyé ................................................................................................. 48
Figure 3.10. Localités reconnues comme étant espagnoles par la commission
hispano-allemande de 1914 ......................................................................................................... 51
Figure 3.11. Localités couvertes par le recensement espagnol de 1942 (zone de l’Outemboni) ..... 54
Figure 3.12. Localités couvertes par le recensement espagnol de 1950 (zone de l’Outemboni) ..... 55
Figure 3.13. Concession Miang de la société Vasco Africana (1952) ............................................. 56
- ii -
Figure 3.14. Frontière établie par l’accord des gouverneurs de 1919 .............................................. 60
Figure 3.15. Route du Kyé proposée par le gouverneur Barrera en 1920 ........................................ 63
Figure 3.16. Postes militaires espagnols situés sur la route du Kyé (1926) ..................................... 65
Figure 3.17. Ouvrages réalisés sur la route du Kyé (1949-1955) ..................................................... 67
Figure 3.18. Localités couvertes par le recensement espagnol de 1942 (zone du Kyé) ................... 70
Figure 3.19. Localités couvertes par le recensement espagnol de 1950 (zone du Kyé) ................... 72
Figure 3.20. Carte espagnole sur laquelle les dépendances de Corisco servent de points de base
espagnols aux fins du tracé de la ligne médiane (1966) .............................................................. 75
Figure 3.21. Limite septentrionale du permis marin de Libreville octroyé par le Gabon
correspondant à une ligne médiane tracée à partir de points de base espagnols placés sur
les dépendances de Corisco (1964) ............................................................................................. 78
Figure 3.22. Ligne de fermeture de la baie de Mondah établie par le Gabon en 1966 ..................... 80
Figure 3.23. Limite septentrionale du permis marin de Libreville octroyé par le Gabon
correspondant à une ligne médiane tracée à partir de points de base espagnols placés sur
les dépendances de Corisco (1967) ............................................................................................. 84
Figure 3.24. Limite septentrionale du permis marin de Libreville octroyé par le Gabon
correspondant à une ligne médiane tracée à partir de points de base équato-guinéens placés
sur les dépendances de Corisco (1969) ....................................................................................... 85
Figure 3.25. Carte officielle française sur laquelle les dépendances de Corisco sont
équato-guinéennes (1968) ........................................................................................................... 86
Figure 3.26. Villages espagnols et gabonais et points de passage de la frontière (1966) (zone
de l’Outemboni) .......................................................................................................................... 90
Figure 3.27. Concession accordée par l’Espagne pour l’exploitation du bitume (1964) ................. 91
Figure 3.28. Villages espagnols et gabonais et points de passage de la frontière (1966) (zone
du Kyé) ........................................................................................................................................ 93
Figure 3.29. Ponts internationaux sur le Kyé, inaugurés le 4 août 2011 .......................................... 95
Figure 3.30. Ebebiyin, Guinée équatoriale (2020) ........................................................................... 97
Figure 3.31. Mongomo, Guinée équatoriale (2020) ......................................................................... 99
Figure 6.1. Frontière maritime revendiquée par la Guinée équatoriale en 1999 ............................ 129
Figure 6.2. Lignes de base droites établies par le Gabon en 1992 ................................................. 131
___________
LISTE DES ANNEXES
[Seules les annexes traduites ou reproduites en français sont indiquées ci-dessous. Pour la liste
complète des annexes, veuillez consulter la pièce originale.]
Annexe
Volume III
Traités et instruments internationaux
1 Traité d’amitié, de garantie et de commerce conclu entre les cours royales d’Espagne et
de Portugal, fait au Pardo, le 1er mars 1778
2 Convention passée entre le roi Denis, le lieutenant de vaisseau Edouard Bouët et le
capitaine Broquant, délégué de la chambre de commerce de Bordeaux, signée au Gabon
le 9 février 1839
3 [Commission franco-espagnole, conférence sur la délimitation de l’Afrique de l’Ouest,
archives du ministère français des affaires étrangères,] Protocole no 30, séance du
26 septembre 1887 entre le Royaume d’Espagne et la République française [extrait]
4 Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans
l’Afrique occidentale, sur la côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée conclue
entre le Royaume d’Espagne et la République française (signée le 27 juin 1900 et ratifiée
le 27 mars 1901)
5 Allemagne, France. Convention pour préciser les frontières entre le Cameroun et le
Congo français, signée à Berlin le 18 avril 1908 (ratifications échangées le 28 juillet
1908)
6 État espagnol, direction générale des territoires et provinces d’Afrique, étude relative à
la frontière entre le Gabon et le Río Muni — Points de passage (1965)
7 Parlement de l’État espagnol, accord conclu entre l’État espagnol et la République
gabonaise concernant la circulation et les échanges transfrontaliers entre le Río Muni et
le Gabon, Journal officiel no 931 (4 octobre 1966)
10 Traité concernant la délimitation de la frontière maritime entre la République de Guinée
équatoriale et la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe (26 juin 1999)
Documents de la commission de délimitation
11 Commission franco-espagnole, conférence sur la délimitation de l’Afrique de l’Ouest,
archives du ministère français des affaires étrangères, annexe au protocole no 17
(24 décembre 1886) [extrait]
12 Itinéraire suivi par la commission de délimitation du golfe de Guinée (1901)
13 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, projet de frontière
(frontière orientale) (1er janvier 1902)
14 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, projet de frontière
(frontière méridionale) (1er janvier 1902)
15 Commission franco-espagnole de délimitation du golfe de Guinée, tableau des villages
reconnus par la commission de délimitation de la Guinée espagnole avec les noms des
chefs, des tribus et la nationalité d’après le projet de frontière (frontière méridionale)
(2 janvier 1902)
- ii -
Annexe
16 La mission Cottes au Sud-Cameroun, Exposé des résultats scientifiques, d’après les
travaux des divers membres de la section française de la commission de délimitation
entre le Congo français et le Cameroun (frontière méridionale) et les documents étudiés
au muséum d’histoire naturelle, 1911 [extrait]
Documents et communications afférents à l’ONU
17 Nations Unies, Conseil de sécurité, documents officiels, 890e séance (23 août 1960)
[extrait]
18 Nations Unies, rapport du Comité des renseignements relatifs aux territoires non
autonomes, Documents officiels de l’Assemblée générale, seizième session,
Supplément no 15, 1er septembre 1961, doc. A/4785 [extrait]
19 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2230 (XXI) du 20 décembre 1966,
Question de la Guinée équatoriale
20 Assemblée générale, comité spécial de la décolonisation, rapport du Comité spécial
chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur
l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Nations Unies,
doc. A/7200/Rev.1, annexes, additif au point 23 de l’ordre du jour (novembre 1967)
[extrait]
21 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2355 (XXII) du 19 décembre 1967,
Question de la Guinée équatoriale
25 Lettre en date du 1er mars 1972 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies par le représentant permanent de la République gabonaise auprès de
l’ONU
27 Note verbale en date du 11 septembre 1972 adressée au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies par la mission permanente de la Guinée équatoriale
auprès de l’ONU
28 Mission permanente de la République de Guinée équatoriale auprès de l’Organisation
des Nations Unies, déclaration de S. Exc. M. Jesus Alfonso Oyono Alogo devant le
Conseil de sécurité (septembre 1972) [extrait]
29 Lettre en date du 6 août 2003 adressée au président de la République de Guinée
équatoriale par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
32 Lettre en date du 22 mars 2004 adressée au représentant permanent de la République de
Guinée équatoriale auprès de l’Organisation des Nations Unies par le Sous-secrétaire
général de l’ONU
34 Transcription de la conférence de presse donnée au siège de l’Organisation des
Nations Unies, le 21 juillet 2004, par le Secrétaire général Kofi Annan, service
d’information des Nations Unies (22 juillet 2004)
35 « Kofi Annan félicite les dirigeants du Gabon et de la Guinée équatoriale d’avoir accepté
de résoudre leur différend frontalier par des moyens pacifiques », ONU Info, 8 juillet
2004
38 Communiqué concernant le sommet tenu entre le Secrétaire général de l’ONU et les
présidents du Gabon et de la Guinée équatoriale sur le règlement du différend territorial
opposant les deux pays, ONU Info, 28 février 2006
42 Note du Secrétaire général adjoint L. Pascoe en préparation de la réunion devant se tenir
le 18 mars 2010 à New York entre le Vice-secrétaire général de l’ONU et les délégations
de la Guinée équatoriale et du Gabon (15 mars 2010)
- iii -
Annexe
43 Soumission de la République gabonaise pour l’extension du plateau continental au-delà
des 200 milles nautiques aux termes de l’article 76 de la convention des Nations Unies
sur le droit de la mer (CNUDM), document de synthèse (10 avril 2012)
Documents et communications afférents à l’Organisation
de l’unité africaine et à l’Union africaine
44 Organisation de l’unité africaine, résolutions adoptées par la première session ordinaire
de la conférence des chefs d’État et de gouvernement tenue du 17 au 21 juillet 1964 au
Caire (République arabe unie) [extrait]
45 Union africaine, Acte constitutif, 11 juillet 2000 [extrait]
46 Union africaine, Rapport du président de la Commission sur les situations de conflit en
Afrique, Conseil exécutif, Cinquième session ordinaire, 25 juin-3 juillet 2004,
Addis-Abeba (Éthiopie), EX.CL/106 (V), 3 juillet 2004 [extrait]
Volume IV
Correspondance historique et documents officiels
de l’Espagne, de la France et d’États tiers
48 État espagnol, ministère d’État, lettre en date du 20 juillet 1958 réaffirmant que l’île
Corisco était possession espagnole
51 Lettre no 203 en date du 4 février 1896 adressée au gouverneur général espagnol de
Fernando Póo et ses dépendances par le commissaire général du Gouvernement français
au Congo français
54 République française, lettre en date du 13 mars 1900 adressée au ministre des colonies
par le ministère des affaires étrangères
55 Lettre en date du 19 juin 1901 adressée à l’administrateur de la commission
franco-espagnole de délimitation par le ministre français des colonies
55bis République française, lettre en date du 1er décembre 1906 adressée au ministère des
affaires étrangères par le ministère des colonies
56 Royaume d’Espagne, lettre en date du 20 avril 1907 de la section coloniale du ministère
d’État
58 Royaume d’Espagne, lettre du ministère d’État au sujet de la délimitation du Congo et
de la Guinée équatoriale (20 avril 1907)
65 Lettre en date du 22 novembre 1917 adressée au gouverneur du Gabon français par le
gouverneur général des territoires espagnols d’Afrique
67 Lettre en date du 1er mai 1919 adressée au gouverneur général de l’Afrique équatoriale
française par le gouverneur général de la Guinée espagnole
68 Lettre en date du 24 novembre 1919 adressée au ministre français des affaires étrangères
par le ministre français des colonies
71 Lettre en date du 27 juillet 1921 adressée au ministre des colonies par le gouverneur des
colonies, commissaire de la République française dans les territoires du Cameroun
76 Lettre no 212 en date du 16 août 1927 adressée au gouverneur général des territoires
espagnols du golfe de Guinée par le lieutenant-gouverneur français du Gabon
83 État espagnol, lettre no 20-R en date du 17 février 1955 adressée au directeur général du
Maroc et des colonies par le gouverneur général de Santa Isabel
- iv -
Annexe
90 État espagnol, mémorandum no 436 en date du 10 mars 1955 adressé au département du
Maroc et des colonies
91 État espagnol, télégramme no 7 en date du 12 mars 1955 adressé au directeur général du
Maroc et des colonies par le gouverneur général des territoires espagnols du golfe de
Guinée
92 Lettre en date du 14 mars 1955 adressée au gouverneur général des territoires espagnols
du golfe de Guinée par le haut-commissaire à l’Afrique équatoriale française
93 Lettre en date du 22 mars 1955 adressée au haut-commissaire à l’Afrique équatoriale
française par le gouverneur général des territoires espagnols du golfe de Guinée
94 République française, lettre en date du 6 mai 1955 adressée au ministre de la France
d’Outre-mer par le ministre des affaires étrangères
96 Royaume-Uni, lettre no 10132/14 en date du 4 août 1959 adressée à l’ambassade de
Grande-Bretagne en Espagne par le ministère des affaires étrangères
97 Note verbale en date du 10 décembre 1963 adressée au ministère des affaires étrangères
de l’Espagne par l’ambassade du Gabon en Espagne
98 État espagnol, lettre no 109 en date du 30 mai 1964 adressée au ministère espagnol des
affaires étrangères par l’ambassade du Royaume d’Espagne au Gabon
99 État espagnol, lettre no 223 en date du 6 mai 1965 adressée au ministère espagnol des
affaires étrangères par l’ambassadeur d’Espagne au Rio Muni
100 État espagnol, lettre no 383 en date du 20 octobre 1965 adressée au ministre espagnol
des affaires étrangères par la présidence du gouvernement (portant acceptation des points
de passage frontaliers fournie par le Gabon)
101 État espagnol, lettre no 303 en date du 13 juin 1966 adressée au ministère espagnol des
affaires étrangères par l’ambassade du Royaume d’Espagne au Gabon
Volume V
Législation, recensements et rapports officiels des autorités
coloniales de l’Espagne et de la France
113 Royaume d’Espagne, ordonnance royale sur la justice, pouvoirs des représentants du
gouvernement (27 juillet 1905)
115 Décret signé le 18 août 1914 par l’Empire allemand et le Royaume d’Espagne
concernant la délimitation entre la Guinée espagnole et le protectorat du Cameroun
122 Capitaine Cottez, Guinée espagnole 1934-1937, archives historiques du ministère des
armées (octobre 1934) [extrait]
123 République française, « Synthèse des renseignements recueillis, à la date du 1er août
1937, sur la Guinée espagnole (continentale et insulaire) [ainsi que] la situation et les
agissements des Allemands au Cameroun sous mandat britannique », archives
historiques du ministère des armées, dossier R2 [extrait]
124 République française, Plan de documentation — Territoires espagnols du golfe de
Guinée, cartes et plans, archives historiques du ministère des armées (16 février 1940)
[extrait]
132 République française, service hydrographique de la Marine, Feux et signaux de brume,
Manche [et] océan Atlantique Est, no 212C (12 avril 1958)
134 État espagnol, Journal officiel de la marine (no 65), décrets 72 et 73 (12 mars 1959)
- v -
Annexe
146 État espagnol, décret no 2467/1968 du 9 octobre portant octroi de l’indépendance à la
Guinée équatoriale, Gazette officielle no 245 (9 octobre 1968)
Volume VI
Correspondance et documents officiels de la Guinée équatoriale, du Gabon
et d’États tiers postérieurs à l’indépendance des Parties
147 Lettre en date du 22 décembre 1967 adressée à l’ambassadeur d’Espagne par le directeur
général de la Gulf Oil Company of Gabon
148 Lettre en date du 28 décembre 1967 adressée à l’ambassadeur d’Espagne par le directeur
général de la Gulf Oil Company of Gabon
154 Lettre no 002967 en date du 28 août 1971 adressée au ministère des affaires étrangères
de la République de Guinée équatoriale par le ministère des affaires étrangères de la
République gabonaise
160 Compte rendu de conversation entre le chargé d’affaires de l’ambassade de France au
Gabon et le représentant de l’ambassade des États-Unis (5 avril 1972)
161 Lettre en date du 28 août 1972 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies par le représentant permanent de la République gabonaise auprès de
l’ONU
166 Lettre en date du 13 septembre 1972 adressée au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies par le représentant permanent de la République gabonaise auprès de
l’ONU
167 Télégramme d’information no 434 adressé par Kinshasa (15 septembre 1972)
176 Lettre en date du 28 octobre 1974 adressée à l’ambassade de France au Gabon par le
président de la République gabonaise, S. Exc. M. Albert Bernard Bongo
178 Note verbale en date du 23 septembre 1999 adressée au ministère des affaires étrangères
et de la coopération internationale de la République de Guinée équatoriale par
l’ambassade de la République gabonaise en République de Guinée équatoriale
179 Note verbale en date du 21 décembre 2000 adressée au second vice-premier ministre de
la République gabonaise par le ministère des affaires étrangères, de la coopération
internationale et de la francophonie de la République de Guinée équatoriale
Législation, recensements et rapports officiels de la Guinée équatoriale
et du Gabon postérieurs à l’indépendance
180 République gabonaise, constitution, préambule, 14 novembre 1960 [extrait]
181 République gabonaise, Journal officiel no 20, « Propriété minière, forêts, domaines et
conservation de la propriété foncière » (15 septembre 1967)
182 République de Guinée équatoriale, Constitution de 1968 (11 août 1968) [extrait]
183 République gabonaise, décret no 670/PR-MMERH-DMG (24 septembre 1969)
184 République gabonaise, décret no 689/70 (14 mai 1970)
185 République de Guinée équatoriale, mémorandum no 26R adressé au président par le
ministère des industries et des mines (12 juin 1970)
187 République gabonaise, ordonnance no 55/70-PR-MTAC (5 octobre 1970)
188 République gabonaise, ordonnance no 58/72 portant à 100 milles marins la limite des
eaux territoriales du Gabon (16 juillet 1972)
- vi -
Annexe
189 République gabonaise, Constitution de la République gabonaise (29 juillet 1972)
190 République gabonaise, loi no 9/84 du 12 juillet 1984 instituant une zone économique
exclusive de 200 milles marins
191 République de Guinée équatoriale, loi no 15/1984 sur la mer territoriale et la zone
économique exclusive de la République de Guinée équatoriale (12 novembre 1984)
192 République gabonaise, décret no 002066/PR/MHCUCDM du 4 décembre 1992
193 République de Guinée équatoriale, décret-loi no 1/1999 du 6 mars 1999 définissant la
ligne médiane comme frontière maritime de la République de Guinée équatoriale
Volume VII
Documents relatifs aux activités de négociation et de médiation
197 Procès-verbal dressé par les délégations gabonaise et équato-guinéenne à l’issue de la
rencontre tenue à Libreville du 25 au 29 mars 1971[2] (Libreville, 29 mars 197[2])
198 Procès-verbal dressé par la commission mixte Gabon-Guinée équatoriale à l’issue de la
rencontre de Libreville du 25 au 29 mars 1972
199 Procès-verbal dressé par la commission mixte Gabon-Guinée équatoriale à l’issue de la
rencontre de Libreville du 25 au 29 mars 1972
200 Conférence des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique centrale et orientale, Dar es
Salaam, 7-9 septembre 1972, communiqué conjoint concernant les travaux de la
conférence sur le règlement du différend entre la Guinée équatoriale et le Gabon, tel
qu’enregistré par l’ambassade des États-Unis au Zaïre (18 septembre 1972)
201 Conférence des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique centrale et orientale,
deuxième session, communiqué final concernant le différend entre la Guinée équatoriale
et le Gabon (13 novembre 1972)
202 Procès-verbal de la 1ère session de la grande commission mixte Gabon-Guinée
équatoriale (Malabo 26-30 juillet 1980)
203 Procès-verbal de la commission ad hoc portant révision de l’accord de coopération
pétrolière entre la République de Guinée équatoriale et [la] République gabonaise
(Libreville, 26 septembre 1981)
206 Délégation de la République de Guinée équatoriale, discours d’ouverture adressé à la
délégation de la République gabonaise lors de la première réunion tenue par la
commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale (4 novembre 1984)
207 Procès-verbal de la commission ad hoc Gabon-Guinée équatoriale chargée de la
délimitation de la frontière maritime dans la baie de Corisco (Bata, 10-16 novembre
1985)
208 République de Guinée équatoriale, procès-verbal français de la commission ad hoc
Gabon-Guinée équatoriale chargée de la délimitation de la frontière maritime dans la
baie de Corisco entre la République gabonaise et la République de Guinée équatoriale
(Bata, 10-16 novembre 1985)
209 Version française du rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission
ad hoc des frontières Gabon-Guinée équatoriale (20 janvier 1993)
210 Rapport de la sous-commission « Frontières » de la commission ad hoc des frontières
Gabon-Guinée équatoriale (20 janvier 1993)
- vii -
Annexe
212 République gabonaise, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières
Gabon/Guinée équatoriale (Libreville, 29-31 janvier 2001) [extrait]
213 République de Guinée équatoriale, procès-verbal de la commission ad hoc des frontières
Guinée équatoriale-Gabon (Malabo, 23 mai 2003)
Versions du document présenté par le Gabon en 2003
et objections de la Guinée équatoriale
214 République de Guinée équatoriale et République gabonaise, convention délimitant les
frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (12 septembre
1974) (version française redactylographiée, telle que publiée dans RTNU, vol. 2248)
215 République de Guinée équatoriale et République gabonaise, convention délimitant les
frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon (12 septembre
1974) (version française photocopiée)
216 The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting
the Land and Maritime Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September
1974) (Retyped Spanish-language version, as published in the UNTS)
217 The Republic of Equatorial Guinea and The Gabonese Republic, Convention Delimiting
the Land and Maritime Boundaries of Equatorial Guinea and Gabon (12 September
1974) (Spanish-language photocopy)
218 République de Guinée équatoriale, objection relative à l’authenticité de la « convention
délimitant les frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon
(Bata, 12 septembre 1974) », notifiée à l’Organisation des Nations Unies le 18 mars
2004
219 République de Guinée équatoriale, deuxième objection relative à la « convention
délimitant les frontières terrestres et maritimes de la Guinée équatoriale et du Gabon
(Bata, 12 septembre 1974) », notifiée à l’Organisation des Nations Unies le 7 avril 2004
Articles de doctrine et communiqués de presse
224 Société des Nations, Organisation d’hygiène, rapport complémentaire sur la tuberculose
et la maladie du sommeil en Afrique équatoriale présenté par A. Balfour et al. (avril
1925) [extrait]
228 « Gabon-Guinée équatoriale : Prochaine concertation le 30 septembre », Fraternité
Matin : Le Grand Quotidien Ivoirien (20 septembre 1972)
232 « Gabon/Guinée équatoriale : Frontières : Litiges bientôt réglés », La Lettre Afrique
Expansion (12 février 2001)
233 E. M. Yolla, La politique étrangère du Gabon, Études africaines, 2003 [extrait]
235 J. Geslin, L’îlot de la discorde, Jeune Afrique (7 mars 2006)
236 Gustau Nerín, La última selva de España – Antropófagos, misioneros y guardias civiles.
Crónica de la Conquista de los Fang de la Guinea Española [La dernière forêt vierge
d’Espagne. Anthropophages, missionnaires et gardes civils. Chronique de la conquête
des Fang de la Guinée espagnole, 1914-1930] (2010) [extraits]
237 « Ali Bongo Ondimba en Guinée-Équatoriale pour l’inauguration d’un pont », Bongo
Doit Partir (4 août 2011)
238 « Deux ponts entre la Guinée équatoriale et le Gabon ont été inaugurés », bureau
d’information et de presse de Guinée équatoriale (6 août 2011)
- viii -
Annexe
239 « Inauguration des ponts de l’amitié entre le Gabon et la Guinée équatoriale », La lettre
d’information, bulletin d’information officiel de la Présidence de la République no 3,
août 2011
240 Ali Bongo Ondimba : « Tout le monde n’a pas compris que le Gabon avait changé» »,
Jeune Afrique (6 septembre 2011)
___________
Mémoire de la Guinée équatoriale