Opinion dissidente de Mme la juge Sebutinde, vice-présidente

Document Number
192-20240524-ORD-01-01-EN
Parent Document Number
192-20240524-ORD-01-00-EN
Incidental Proceedings
Date of the Document
Document File

OPINION DISSIDENTE DE MME LA JUGE SEBUTINDE, VICE-PRÉSIDENTE
[Traduction]
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
I. INTRODUCTION ........................................................................................................................ 1-3
II. LE CONTEXTE PLUS GÉNÉRAL DE LA GUERRE DANS LA BANDE DE GAZA ............................... 4-8
III. LA SITUATION HUMANITAIRE DANS LA BANDE DE GAZA ...................................................... 9-19
IV. LES MESURES CONSERVATOIRES INDIQUÉES PAR LA COUR ................................................ 20-27
1. Réaffirmation des mesures indiquées dans les ordonnances du 26 janvier 2024 et du 28 mars 2024 ....................................................................................................................... 20
2. Mesure imposant à Israël d’arrêter son offensive militaire dans le gouvernorat de Rafah ...... 21
3. Mesure imposant à Israël d’arrêter « toute autre action » à Rafah qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique .......................................................................................... 22
4. Mesure imposant à Israël de maintenir ouvert le point de passage de Rafah ........................... 23
5. Mesure imposant à Israël de garantir l’accès sans entrave des missions d’établissement des faits ................................................................................................................................ 24-26
6. Mesure imposant à Israël de présenter un nouveau rapport ..................................................... 27
V. QUESTIONS DE PROCÉDURE ...................................................................................................... 28
I. INTRODUCTION
1. J’ai voté contre l’ordonnance car j’ai la ferme conviction que les mesures conservatoires indiquées précédemment et réaffirmées par la Cour sont adaptées à la situation actuelle dans la bande de Gaza, y compris à Rafah. Les opérations militaires que mène Israël à Rafah s’inscrivent plus largement dans le conflit déclenché le 7 octobre 2023 par l’attaque du Hamas contre le territoire israélien, dans le cadre de laquelle il a tué des citoyens et en a enlevé d’autres. Pour protéger les civils palestiniens de la bande de Gaza pris dans ce conflit, la Cour, à la demande de l’Afrique du Sud et sur le fondement des droits que celle-ci tient de la convention sur le génocide, a indiqué plusieurs mesures conservatoires contraignantes et effectives. Or, malgré les variations d’intensité et les déplacements fréquents des hostilités, la situation à Rafah ne constitue pas un « fait nouveau » qui nécessiterait la modification des mesures précédentes en application du paragraphe 1 de l’article 76 du Règlement de la Cour. Voilà le fondement de mon dissentiment avec la majorité. Pour maintenir son intégrité judiciaire, la Cour doit se garder de réagir à chaque changement dans le conflit et s’abstenir de toute ingérence dans les détails de la conduite des hostilités dans la bande de Gaza, y compris à Rafah. La présente demande, par laquelle l’Afrique du Sud prie la Cour d’indiquer de nouvelles mesures conservatoires ou de modifier celles qui ont déjà été prescrites, est la quatrième soumise en l’espace de quelques mois.
- 2 -
2. Une fois de plus, l’Afrique du Sud a invité la Cour à s’ingérer dans les détails de la conduite des hostilités entre Israël et le Hamas. Ces hostilités sont régies exclusivement par le droit de la guerre (le droit international humanitaire) et le droit international des droits de l’homme, à l’égard desquels la Cour n’a pas compétence en l’espèce. Malheureusement, les termes de l’alinéa a) du point 2 du dispositif (par. 57), dans lequel la Cour prescrit à Israël d’« arrêter … son offensive militaire … dans le gouvernorat de Rafah », peuvent prêter à ambiguïté et être compris ou interprétés à tort comme un ordre de cessez-le-feu unilatéral et de durée indéfinie par lequel la Cour déborderait le champ de sa compétence de façon indéfendable. À mon sens, l’objectif de la Cour est d’ordonner à Israël de suspendre son offensive militaire à Rafah seulement dans la mesure où cette suspension est nécessaire pour empêcher la création de conditions d’existence pouvant entraîner la destruction des Palestiniens de Gaza. Selon moi, la suspension de l’offensive militaire israélienne à Rafah, qu’elle soit temporaire ou de durée indéfinie, ne présente pas de lien avec les droits plausibles de l’Afrique du Sud ou avec les obligations qui incombent à Israël au titre de la convention sur le génocide, ce que requièrent pourtant l’article 41 du Statut de la Cour et la jurisprudence y relative. Cette mesure, qui pourrait être erronément interprétée comme ordonnant un cessez-le-feu unilatéral dans une partie de la bande de Gaza, s’apparente à une ingérence dans les détails de la conduite des hostilités à Gaza en ce qu’elle limite la capacité d’Israël de poursuivre ses objectifs militaires légitimes mais laisse à ses ennemis, y compris le Hamas, toute liberté de l’attaquer sans qu’il puisse riposter. Par cette mesure, la Cour ordonne également de façon implicite à Israël de faire litière de la sûreté et de la sécurité des plus de 100 otages toujours retenus captifs par le Hamas, organisation terroriste qui refuse de les libérer sans condition.
3. J’ai la ferme conviction qu’Israël a le droit de se défendre contre ses ennemis, dont fait partie le Hamas, et de poursuivre les efforts qu’il déploie pour secourir ses otages toujours captifs. Ces droits ne sont pas incompatibles avec ses obligations au regard de la convention sur le génocide. Israël peut continuer de poursuivre ses objectifs légitimes, à savoir la lutte contre le Hamas et la libération de ses otages, à condition qu’il respecte les obligations que lui fait la convention sur le génocide et les mesures conservatoires indiquées par la Cour. Dans la présente opinion dissidente, je rappellerai le contexte plus général de la guerre à Gaza, contexte dont j’estime que la présente ordonnance ne rend pas compte de façon exhaustive ou exacte. J’examinerai également avec plus de nuance la situation humanitaire actuelle dans la bande de Gaza, y compris les efforts déployés par Israël, depuis la dernière ordonnance rendue par la Cour le 28 mars 2024, pour limiter le nombre de victimes civiles. Enfin, j’expliquerai pourquoi je rejette les mesures conservatoires indiquées par la Cour dans la présente ordonnance.
II. LE CONTEXTE PLUS GÉNÉRAL DE LA GUERRE DANS LA BANDE DE GAZA
4. Comme il est mentionné plus haut, l’Afrique du Sud a soumis quatre demandes en indication de mesures conservatoires en autant de mois (le 29 décembre 2023, le 12 février 2024, le 6 mars 2024 et le 10 mai 2024). La situation a considérablement évolué en Israël et dans la bande de Gaza depuis que la Cour a rendu sa dernière ordonnance, le 28 mars 2024. Pour apprécier si des faits nouveaux se sont produits qui justifient de modifier les mesures conservatoires précédentes conformément au paragraphe 1 de l’article 76 du Règlement, il est essentiel de replacer dans leur contexte global les hostilités entre Israël et le Hamas à Rafah. Depuis le 7 octobre 2023, Israël est engagé dans un conflit armé sur de multiples fronts, essuyant de toutes parts des attaques menées par différents acteurs. Le Hamas continue de lancer des attaques depuis Gaza, y compris Rafah, et retient toujours plus de 100 otages israéliens bien que la Cour, le Conseil de sécurité de l’ONU et la
- 3 -
communauté internationale aient demandé qu’ils soient libérés sans condition. Plusieurs États jugent que la libération de ces otages aiderait considérablement à mettre fin au conflit à Gaza
1.
5. Selon Israël, depuis le début des hostilités, plus de 10 000 roquettes ont été tirées vers son territoire depuis Gaza, dont récemment plus de 1 000 de Rafah — notamment des environs du point de passage de Rafah2. Il y a peu, une roquette lancée de Rafah a touché une aire de jeux pour enfants3. Israël rappelle que Rafah abrite plusieurs bataillons du Hamas et de nombreux tunnels empruntés par les combattants de cette organisation4. L’Afrique du Sud n’a pas contesté ces faits. Une opération israélienne menée en février 2024 a abouti au sauvetage de deux otages et, plus récemment, les dépouilles de trois otages tués en captivité ont été récupérées à Rafah. Il est plausible que d’autres otages soient toujours tenus captifs dans cette zone. C’est pourquoi Israël a déclaré son intention de les localiser et de les ramener, morts ou vivants, à leurs familles. Il s’agit d’un droit dont la Cour ne peut priver ni Israël ni les otages.
6. Outre le Hamas, d’autres groupes armés dans la bande de Gaza et en Cisjordanie continuent de faire peser une menace sur les soldats et les civils israéliens. Parmi ces groupes figurent le Jihad islamique palestinien et les brigades des martyrs d’Al-Aqsa, qui mènent régulièrement, l’un comme l’autre, des attaques violentes contre militaires et civils israéliens. De plus, Israël est engagé dans un conflit de grande ampleur au nord de son territoire contre le Hezbollah, autre groupe armé basé au Liban. Le Hezbollah vise fréquemment des cibles israéliennes, y compris des zones civiles dans le nord d’Israël, au moyen de roquettes, de missiles et de drones, notamment d’armes sophistiquées telles que des missiles guidés et des drones lance-missiles5. Le chef du Hezbollah a salué les actions du Hamas, y compris les attaques du 7 octobre 2023, et a exprimé sa solidarité avec cette organisation, appelant ouvertement à anéantir Israël.
7. Depuis l’ordonnance du 28 mars 2024, Israël a également subi des attaques venues de plus loin. Les Houthis, qui constituent un autre groupe armé basé au Yémen et soutenu par l’Iran, ont pris pour cible des navires civils supposément liés à Israël qui croisaient dans la mer Rouge et ont attaqué des villes israéliennes au moyen de missiles balistiques de longue portée et de drones, en dépit des condamnations internationales et des efforts déployés pour apaiser la situation6. Les Houthis ont aussi exprimé leur solidarité avec le Hamas et ont ouvertement appelé à détruire Israël. Le 13 avril 2024, l’Iran a lancé une attaque de grande envergure contre Israël à l’aide de 200 drones, missiles de croisière et missiles balistiques7. Ces faits, que même l’Afrique du Sud ne conteste pas, sont pourtant omis dans la présente ordonnance alors qu’ils sont essentiels pour comprendre pourquoi Israël poursuit ses opérations militaires dans la bande de Gaza, y compris à Rafah.
8. Prises ensemble, ces menaces font peser un risque important sur la sûreté, la sécurité et le salut d’Israël et de ses citoyens. Si la communauté internationale est à juste titre préoccupée par la sûreté et la sécurité des civils palestiniens déplacés à Gaza, il importe tout autant d’avoir à l’esprit
1 Déclaration conjointe des dirigeants des États-Unis, de l’Argentine, de l’Autriche, du Brésil, de la Bulgarie, du Canada, de la Colombie, du Danemark, de la France, de l’Allemagne, de la Hongrie, de la Pologne, du Portugal, de la Roumanie, de la Serbie, de l’Espagne, de la Thaïlande et du Royaume-Uni appelant à la libération des otages détenus à Gaza, 25 avril 2024.
2 CR 2024/28, p. 10, par. 11 (Noam).
3 Ibid., p. 10, par. 15 (Noam).
4 Ibid., p. 10, par. 14-15 (Noam).
5 Associated Press News, “Hezbollah introduces new weapons and tactics against Israel as war in Gaza drags on”, 17 May 2024.
6 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2722 (2024).
7 UN News, “Secretary-General’s remarks to the Security Council on the situation in the Middle East”, 14 April 2024.
- 4 -
que le conflit qui continue d’opposer Israël au Hamas et au Hezbollah a déplacé 60 000 Israéliens de leurs foyers dans le sud du pays
8 et 60 000 autres dans le nord9. Israël a le droit de contrer ces menaces existentielles, qui sont liées entre elles et coordonnées. Ce faisant, il est tenu de se conformer à ses obligations internationales, y compris au regard du droit international humanitaire. Cependant, ni le droit international en général ni la convention sur le génocide en particulier ne prive Israël du droit de prendre des mesures nécessaires et proportionnées pour défendre ses citoyens et son territoire contre de telles attaques armées sur de multiples fronts. Si la Cour avait pris ce contexte plus large en considération lorsqu’elle a examiné la quatrième demande en indication de mesures conservatoires de l’Afrique du Sud, elle aurait pu aboutir à une conclusion plus nuancée qui ne porterait pas atteinte au droit d’Israël de se défendre et de défendre ses citoyens contre ses ennemis, et qui lui aurait évité de déborder le champ de sa compétence de manière indéfendable comme elle l’a fait dans certaines des mesures indiquées.
III. LA SITUATION HUMANITAIRE DANS LA BANDE DE GAZA
9. La situation humanitaire dans la bande de Gaza est en réalité bien plus complexe que l’Afrique du Sud ne le laisse entendre dans sa quatrième demande. La guerre à Gaza a sans nul doute eu des conséquences humanitaires dévastatrices pour les civils innocents, mais Israël ne porte pas seul la responsabilité de la souffrance des Palestiniens de Gaza, et on aurait tort d’affirmer qu’il n’a rien fait pour atténuer cette souffrance. Israël a dit et répété que, des membres du Hamas ayant pour tactique de combat de se fondre dans la population civile, il lui était souvent difficile de distinguer les civils innocents des cibles légitimes que sont les combattants. Citant la détérioration de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, et à Rafah en particulier, l’Afrique du Sud affirme que, depuis l’ordonnance de mars 2024, la situation a changé au point de nécessiter l’indication de mesures additionnelles10. Or, les faits montrent que la situation humanitaire à Gaza s’est progressivement améliorée depuis le prononcé de ladite ordonnance, ce qui atteste qu’Israël s’emploie à s’y conformer. Dans la semaine qui a suivi ce prononcé, le cabinet de sécurité israélien s’est réuni et a officiellement décidé de poursuivre et d’intensifier les efforts déployés pour faciliter la fourniture d’aide humanitaire à la population civile de Gaza11. Le Gouvernement israélien a alloué environ 52 millions de dollars des États-Unis à ces efforts12.
10. En outre, Israël a multiplié les mesures concrètes pour faciliter la fourniture d’aide humanitaire à la population civile de Gaza depuis l’ordonnance de mars. Il a notamment ouvert trois points de passage terrestres supplémentaires. Une nouvelle route terrestre reliant Israël au nord de la bande de Gaza par la « porte 96 » est en service depuis son ouverture, en mars 202413. Le point de passage d’Erez-Est, attaqué et détruit par le Hamas le 7 octobre 2023, a été rouvert le 1er mai 202414, date à laquelle celui d’Erez-Ouest a également été ouvert15. Ces trois points de passage s’ajoutent à celui de Kerem Shalom, qui a été remis en service après avoir été contraint de suspendre ses activités
8 CR 2024/28, p. 10, par. 12 (Noam).
9 BBC, “Lebanon fears intensification of Israel’s Hezbollah offensive”, 13 May 2024.
10 Demande urgente tendant à la modification et à l’indication de mesures conservatoires conformément à l’article 41 du Statut de la Cour internationale de Justice et aux articles 75 et 76 de son Règlement, 10 mai 2024, par. 4.
11 Rapport établi par l’État d’Israël à l’intention de la Cour internationale de Justice, 28 avril 2024 (ci-après, le « rapport d’Israël du mois d’avril »), par. 10 et 19.
12 CR 2024/28, p. 24, par. 15 (Kaplan Tourgeman).
13 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 24 ; Reuters, “Israeli military says opening new aid routes into Gaza”, 22 March 2024.
14 Reuters, “Israel allows trucks from newly reopened Erez crossing into Gaza after US pressure”, 1 May 2024.
15 CR 2024/28. p. 24, par. 13 (Kaplan Tourgeman).
- 5 -
entre le 5 et le 8 mai 2024 à la suite d’un tir de roquettes du Hamas
16. Le point de passage de Rafah est actuellement fermé, mais Israël a affirmé, sans être contredit, que des discussions avec l’Égypte et d’autres acteurs concernés avaient été engagées en vue de sa réouverture17. En plus d’avoir créé de nouveaux points de passage, il est attesté qu’Israël a accru la capacité de celui de Kerem Shalom en allongeant ses horaires d’ouverture et en améliorant la circulation des camions d’aide humanitaire qui l’empruntent18. Il semble également que des efforts aient été faits pour permettre à un plus grand nombre de camions à destination de Gaza d’entrer en Israël au départ de la Jordanie19, ainsi que pour étendre les heures d’ouverture du point de passage de Nitzana, à la frontière avec l’Égypte20.
11. Israël a également facilité l’ouverture de nouvelles routes maritimes vers Gaza. Israël et Chypre sont convenus de créer un couloir maritime permettant l’acheminement direct d’aide humanitaire à Gaza. Des cargaisons d’aide ont été envoyées par cette voie en mars et avril 202421. En outre, une jetée flottante rattachée au littoral de Gaza, construite avec l’aide du Gouvernement des États-Unis, a été mise en service le 17 mai 2024 et, une fois pleinement opérationnelle, devrait permettre d’acheminer jusqu’à 150 camions d’aide humanitaire par jour22. Des largages aériens coordonnés par Israël se sont également poursuivis dans Gaza depuis l’ordonnance du 28 mars23.
12. Grâce à tous ces efforts, le volume d’aide humanitaire livrée à Gaza s’est sensiblement accru. Les chiffres du Gouvernement israélien montrent une augmentation constante du nombre de camions d’aide humanitaire entrant à Gaza depuis l’ordonnance de mars 202424. Il a été rapporté dans les médias que ce nombre avait atteint, au début du mois de mai, son niveau maximal depuis le commencement du conflit25. Les chiffres émanant du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, qui ne comptabilisent que l’aide qui transite par les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, et non celle qui emprunte d’autres routes ou points de passages, font aussi apparaître une augmentation du nombre de camions depuis l’ordonnance de mars26. Bien qu’il semble y avoir eu un ralentissement significatif de l’aide arrivant dans le sud de Gaza en conséquence de la fermeture du point de passage de Rafah et de la fermeture temporaire de celui de Kerem Shalom, selon des informations récentes, les transferts d’aide à grande échelle par Kerem Shalom ont repris27. Grâce à ces efforts plus intenses, des milliers de camions d’aide alimentaire sont entrés à Gaza, de nombreuses grandes boulangeries y ont rouvert, de plus grandes quantités de fourrage y ont été distribuées, des conduites hydrauliques ont été réparées et des pompes à eau ont été approvisionnées en carburant, des millions de litres de combustible ont pu y être livrés, et des vêtements et articles d’hygiène et d’assainissement ont été fournis aux civils gazaouis28.
16 Ibid., p. 23, par. 9 (Kaplan Tourgeman) ; BBC, “Battles in east Rafah amid dispute over reopening of Kerem Shalom crossing”, 8 May 2024.
17 CR 2024/28, p. 23, par. 11 (Kaplan Tourgeman).
18 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 27 et 29.
19 Ibid., par. 28.
20 Ibid., par. 29.
21 Ibid., par. 34 ; CR 2024/28, p. 24, par. 18 (Kaplan Tourgeman).
22 CR 2024/28, p. 24, par. 17 (Kaplan Tourgeman) ; BBC, “US confirms first aid trucks arrive via Gaza pier”, 17 May 2024.
23 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 33.
24 Ibid., par. 38.
25 New York Times, “What We Know About Where Aid Can Enter Gaza”, 10 May 2024.
26 OCHA, Hostilities in the Gaza Strip and Israel — reported impact: Day 124, 17 May 2024.
27 CR 2024/28, p. 26, par. 26 (Kaplan Tourgeman).
28 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 41-55.
- 6 -
13. Cette amélioration dans la fourniture de l’aide a été reconnue par de tierces parties. La coordonnatrice principale de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza, Mme Sigrid Kaag, a noté les mesures prises par Israël depuis le 5 avril 2024 pour que davantage d’aide soit fournie, et a affirmé que les autorités israéliennes, y compris le cabinet de guerre, avaient « concouru de façon très constructive à sa mission »29. Des États tiers, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont également reconnu que la distribution de l’aide humanitaire s’était améliorée30.
14. En plus de s’être employé à accroître la quantité d’aide humanitaire entrant à Gaza, Israël a pris des mesures destinées à y améliorer l’accès aux soins médicaux. Les affrontements en cours ont naturellement considérablement compliqué la fourniture de soins médicaux adéquats. Depuis l’ordonnance de mars, Israël s’est attaché à remédier à cette situation, notamment en facilitant l’entrée de fournitures médicales, la construction d’hôpitaux de campagne et le déploiement de cliniques mobiles31. Israël a informé la Cour que huit hôpitaux de campagne étaient désormais en service à Gaza, qu’un autre devait ouvrir dans le courant de ce mois, et qu’il était envisagé d’en créer d’autres encore32. Il est également attesté qu’Israël a évacué des milliers de Gazaouis pour leur permettre d’être soignés à l’étranger, qu’il a facilité l’entrée d’ambulances supplémentaires à Gaza, et qu’il a continué d’approvisionner les hôpitaux, même pendant les combats actifs33.
15. Enfin, Israël a, tout au long du conflit, averti les Palestiniens de Gaza des opérations à venir et a demandé à maintes reprises l’évacuation des civils des zones de combat actif34. Qui agit ainsi ne peut avoir l’intention de détruire le groupe en question. Israël s’est également attaché à rendre des infrastructures disponibles dans des campements et a facilité la fourniture de matériel destiné à la construction d’abris à Gaza35.
16. Les efforts fournis par Israël jusqu’à présent n’ont certes pas entièrement résolu la crise humanitaire en cours dans la bande de Gaza. La guerre a inévitablement des conséquences tragiques pour la vie des civils. Pour autant, la guerre qu’Israël livre au Hamas n’en est pas intrinsèquement illégitime ou illicite, ni ne constitue un acte de génocide. De plus, Israël n’est pas seul responsable de la situation humanitaire à Gaza. De fait, il n’administre actuellement pas la bande de Gaza et n’exerce pas un contrôle total sur ce territoire, que la majorité des troupes israéliennes semble avoir quitté en avril 202436. À cet égard, la demande de l’Afrique du Sud a quelque chose de paradoxal en ce que celle-ci souhaite qu’Israël se retire de Gaza mais attend également de lui qu’il garantisse, sur le terrain, la livraison effective de l’aide humanitaire.
17. Le Hamas est au moins partiellement responsable du salut des Palestiniens de Gaza. Il y conserve en effet le contrôle d’une grande partie de la vie civile, et imposerait apparemment aux
29 OCHA, Remarks to the Security Council by Sigrid Kaag, Senior Humanitarian and Reconstruction Coordinator for Gaza, 24 April 2024 ; YouTube, UN Senior Official on Gaza — Media Stakeout, 24 April 2024, https://www.youtube. com/watch?v=1Q-ds2CdjtQ&t=1s.
30 US Department of State, Press Briefing, Department Press Briefing — April 15, 2024, 15 April 2024 ; US Department of State, Press Briefing, Department Press Briefing — April 23, 2024, 23 April 2024 ; German Foreign Office, Auswärtiges Amt, @Auswartigesamt, Instagram 18 April 2024.
31 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 56-57.
32 CR 2024/28, p. 27, par. 28 (Kaplan Tourgeman).
33. Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 59-60 et 111 ; CR 2024/28, p. 27, par. 29 (Kaplan Tourgeman).
34 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 109 ; CR 2024/28, p. 28, par. 31 (Kaplan Tourgeman).
35 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 52-53.
36 Ibid., par. 89.
- 7 -
organisations humanitaires de coordonner leur action avec ses autorités civiles
37. Il a aussi, par sa conduite, empêché la livraison effective de l’aide. Il a tiré des roquettes sur des points de passage d’aide humanitaire et sur le chantier de la jetée flottante de Gaza38. Il est également établi que le Hamas a détourné de l’aide humanitaire pour son propre usage39.
18. L’Égypte, qui partage une frontière avec Gaza et contrôle une partie des installations des points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, est un autre acteur jouant un rôle clé dans la facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire. Comme Israël l’a relevé, les efforts déployés pour rouvrir le point de passage de Rafah nécessitent la coopération de l’Égypte40. Il a également été rapporté que l’Égypte avait empêché des camions d’aide humanitaire de circuler entre son territoire et Kerem Shalom41.
19. Enfin, des contraintes logistiques peuvent parfois faire obstacle à la livraison effective de l’aide humanitaire par des tiers, y compris des organisations internationales et non gouvernementales42. Par exemple, les États-Unis ont signalé qu’une pénurie de camions avait empêché l’ONU de distribuer l’aide humanitaire qui avait été livrée à Gaza43.
IV. LES MESURES CONSERVATOIRES INDIQUÉES PAR LA COUR
1. Réaffirmation des mesures indiquées dans les ordonnances du 26 janvier 2024 et du 28 mars 2024
20. J’ai voté contre le point 1 du dispositif de l’ordonnance (par. 57) car j’estime qu’il n’est pas nécessaire. De plus, il présuppose erronément que, d’une façon ou d’une autre, Israël ne met pas « effectivement … en oeuvre »44 les mesures conservatoires déjà indiquées, notamment celles qui « réaffirme[nt] »45 des mesures précédentes, conclusion que la Cour ne saurait tirer qu’au stade du fond. La Cour doit avoir foi dans les mesures qu’elle prescrit, lesquelles créent des obligations contraignantes pour les parties visées. Elle ne doit pas chercher à faire appliquer ses propres ordonnances, car ce n’est pas là la raison d’être de l’article 76 du Règlement, qui permet la modification de mesures conservatoires. La Cour entend-elle réaffirmer des mesures conservatoires précédemment indiquées chaque fois qu’une partie s’empressera d’alléguer que ces mesures n’ont pas été respectées ? Je ne peux le croire.
37 Ibid., par. 90-96.
38 CR 2024/28, p. 23-24, par. 9 et 17 (Kaplan Tourgeman).
39 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 94.
40 CR 2024/28, p. 23, par. 11 (Kaplan Tourgeman).
41 New York Times, “Actions by Israel and Egypt Squeeze Gaza Aid Routes”, 10 May 2024.
42 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 96.
43 US Department of State, Press Briefing, Department Press Briefing — April 23, 2024, 23 April 2024.
44 Voir l’ordonnance rendue par la Cour le 24 mai 2024, par. 52.
45 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), demande tendant à la modification de l’ordonnance du 26 janvier 2024 indiquant des mesures conservatoires, ordonnance du 28 mars 2024, point 1 du dispositif (par. 51) ; et décision de la Cour sur la demande en indication de mesures additionnelles présentée par l’Afrique du Sud, communiqué de presse no 2024/16 en date du 16 février 2024.
- 8 -
2. Mesure imposant à Israël d’arrêter son offensive militaire dans le gouvernorat de Rafah
21. J’ai voté contre l’alinéa a) du point 2) du dispositif de l’ordonnance (par. 57) car j’estime que la Cour y déborde le champ de sa compétence en l’absence de tout lien avec des droits plausibles que l’Afrique du Sud tiendrait de la convention sur le génocide. Comme je l’ai déjà expliqué, cette mesure n’interdit pas complètement à l’armée israélienne de mener des opérations à Rafah. Elle n’a pour effet que de limiter partiellement l’offensive d’Israël à Rafah dans la mesure où celle-ci porte atteinte aux droits reconnus par la convention sur le génocide. Toutefois, ainsi qu’il est exposé plus haut, cette mesure peut être comprise à tort comme un ordre de cessez-le-feu unilatéral à Rafah, et constitue une ingérence dans les détails de la conduite des hostilités à Gaza en ce qu’elle limite la capacité d’Israël de poursuivre ses objectifs militaires légitimes mais laisse à ses ennemis, notamment le Hamas, toute liberté de l’attaquer sans qu’il puisse riposter. Par cette mesure, la Cour ordonne en outre implicitement à Israël de faire litière de la sûreté et de la sécurité des plus de 100 otages toujours retenus captifs par le Hamas, organisation terroriste qui refuse de les libérer sans condition. Je réaffirme qu’Israël a le droit de se défendre contre ses ennemis, y compris le Hamas, et de continuer à s’efforcer de secourir ses ressortissants tenus en otage. Ces droits ne sont pas incompatibles avec les obligations que lui fait la convention sur le génocide.
3. Mesure imposant à Israël d’arrêter « toute autre action » à Rafah qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique
22. J’ai voté contre l’alinéa a) du point 2 du dispositif de l’ordonnance (par. 57), dans lequel la Cour prescrit à Israël d’« [a]rrêter immédiatement … toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle », car j’estime en outre que cette mesure n’est pas nécessaire au vu de celles qui ont été indiquées à l’alinéa d) du point 1 et aux points 2 et 4 (par. 86) de l’ordonnance du 26 janvier 2024 et réaffirmées dans l’ordonnance du 28 mars 2024. La nouvelle mesure ne fait que répéter mot pour mot ce qui figure déjà dans les ordonnances précédentes, qui sont contraignantes et applicables dans l’ensemble de la bande de Gaza, y compris à Rafah.
4. Mesure imposant à Israël de maintenir ouvert le point de passage de Rafah
23. J’ai voté contre l’alinéa b) du point 2 du dispositif de l’ordonnance (par. 57), dans lequel la Cour prescrit à Israël de « [m]aintenir ouvert le point de passage de Rafah pour que puisse être assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence », car j’estime que les mesures conservatoires précédentes sont suffisamment fermes et adaptées à la situation actuelle, y compris en ce qui concerne le point de passage de Rafah. En particulier, aux termes de la mesure indiquée au point 2 du dispositif de l’ordonnance du 28 mars 2024 (par. 51), Israël doit :
« [c]onformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions de vie auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza, en particulier de la propagation de la famine et de l’inanition :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
a) Prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite coopération avec l’Organisation des Nations Unies, à ce que soit assurée, sans
- 9 -
restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence, notamment la nourriture, l’eau, l’électricité, le combustible, les abris, les vêtements, les produits et installations d’hygiène et d’assainissement, ainsi que le matériel et les soins médicaux, aux Palestiniens de l’ensemble de la bande de Gaza, en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
b) Veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de l’un quelconque des droits des Palestiniens de Gaza en tant que groupe protégé en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, y compris en empêchant, d’une quelconque façon, la livraison d’aide humanitaire requise de toute urgence ».
En outre, comme indiqué plus haut, l’Égypte, qui partage une frontière avec Gaza et contrôle une partie des installations des points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, joue un rôle clé dans la facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire par le premier point. Il a été rapporté que l’Égypte avait empêché des camions d’aide humanitaire de circuler entre son territoire et Kerem Shalom46. Israël ne peut à lui seul « maintenir ouvert le point de passage de Rafah »47 car il a besoin de la coopération de l’Égypte, sans laquelle cette mesure prescrite par la Cour, qui vise Israël et non l’Égypte, serait inapplicable.
5. Mesure imposant à Israël de garantir l’accès sans entrave des missions d’établissement des faits
24. J’ai voté contre la mesure imposant à Israël de faciliter l’accès sans entrave à Gaza des missions d’établissement des faits, des organismes ou agents mandatés par des organisations internationales, des enquêteurs et des journalistes. Il convient de noter, à cet égard, que plus d’un millier d’agents d’organisations internationales sont entrés à Gaza depuis novembre 202348. En outre, il est allégué que le Hamas a lui-même procédé à la destruction d’éléments de preuve49. Cette mesure fait suite à la demande formulée par l’Afrique du Sud en décembre 2023 et qui, bien qu’ayant été rejetée par la Cour dans son ordonnance de janvier, est réitérée dans la présente demande. En décembre, l’Afrique du Sud avait prié la Cour d’indiquer la mesure qui suit :
« L’État d’Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes relevant de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; à cette fin, il doit s’abstenir de refuser ou de restreindre l’accès à Gaza des missions d’établissement des faits, des titulaires de mandats internationaux et d’autres organismes chargés d’aider à la protection et à la conservation desdits éléments de preuve. »50
25. Dans son ordonnance du 26 janvier, la Cour a prescrit à Israël d’empêcher la destruction de preuves et de garantir la préservation de celles-ci, mais elle n’a pas exigé que l’accès soit donné à
46 New York Times, “Actions by Israel and Egypt Squeeze Gaza Aid Routes”, 10 May 2024.
47 CR 2024/28, p. 23, par. 11 (Kaplan Tourgeman).
48 Rapport d’Israël du mois d’avril, par. 124.
49 Ibid., par. 123.
50 Requête de l’Afrique du Sud, par. 144.
- 10 -
des missions d’établissement des faits ou d’autres organes semblables. Le principal problème que pose la demande de l’Afrique du Sud est qu’elle n’est pas suffisamment liée à des droits plausibles au titre de la convention sur le génocide. Si une mesure de portée générale concernant la conservation des preuves permet de préserver directement les droits en cause, le fait d’exiger qu’un accès soit donné à des missions d’établissement des faits impose une obligation bien plus large qui ne trouve guère de fondement dans le texte de la convention sur le génocide. L’Afrique du Sud n’a au demeurant présenté aucun élément probant qui montrerait qu’Israël procède à une destruction des preuves qui pourrait nécessiter l’indication de nouvelles mesures à cet égard. Par ailleurs, des raisons de sécurité légitimes pourraient expliquer que certaines personnes se voient refuser l’accès à Gaza pendant un conflit actif si leur sûreté ne peut être garantie.
26. De surcroît, la Cour n’a jamais imposé à un État souverain l’obligation de laisser des observateurs tiers entrer sur son territoire. Il convient de noter qu’en rejetant, en janvier, la précédente demande de l’Afrique du Sud, la Cour a suivi la même approche que dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar) et dans celle relative à l’Application de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Canada et Pays-Bas c. République arabe syrienne), dans lesquelles elle avait refusé d’accéder à des demandes semblables de la part des requérants concernant l’accès de mécanismes de contrôle indépendants. La Cour a également rejeté, en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan), une demande de l’Arménie tendant à ce que l’ONU et ses organismes aient accès à la population arménienne du Haut-Karabakh. Or les médias et la communauté internationale s’intéressent bien moins à la Syrie, au Myanmar et au Haut-Karabakh qu’à Gaza. La décision d’indiquer cette mesure particulière est donc difficilement conciliable avec l’approche adoptée par la Cour dans ces autres affaires. Pour les raisons exposées ci-dessus, j’ai voté contre cette mesure.
6. Mesure imposant à Israël de présenter un nouveau rapport
27. Enfin, j’ai voté contre la dernière mesure, qui impose encore à Israël de présenter un nouveau rapport. Au vu du nombre de rapports que la Cour a déjà exigés de la part d’Israël, cette mesure pourrait être vue comme une nouvelle tentative de la Cour de faire appliquer ses ordonnances précédentes, ce qui ne ressort pas de son pouvoir.
V. QUESTIONS DE PROCÉDURE
28. En dernier lieu, je dois faire part de ma profonde préoccupation en ce qui concerne la façon dont la Cour a traité la demande de l’Afrique du Sud et la procédure orale incidente, en conséquence de quoi Israël n’a pas eu suffisamment de temps pour soumettre ses observations écrites sur cette demande. La Cour aurait dû selon moi accepter de reporter la procédure orale à la semaine suivante, comme Israël l’en avait priée, afin de lui laisser un délai suffisant pour répondre de façon complète à la demande de l’Afrique du Sud et pour s’assurer d’être dûment représenté. Il est regrettable que, en raison de ce calendrier extraordinairement serré, Israël n’ait pas pu désigner les conseils de son choix, qui n’étaient pas disponibles aux dates fixées par la Cour. Il est tout aussi regrettable qu’Israël ait dû répondre à une question posée par un membre de la Cour pendant le shabbat juif. Les décisions de la Cour à cet égard ont une incidence sur l’égalité procédurale entre les parties et la bonne administration de la justice.
(Signé) Julia SEBUTINDE.
___________

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de Mme la juge Sebutinde, vice-présidente

Order
1
Links