Résumé de l'ordonnance du 22 février 2023

Document Number
181-20230222-SUM-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2023/2
Date of the Document
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928 Site Internet Twitter YouTube LinkedIn Résumé Non officiel Résumé 2023/2 Le 22 février 2023 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Azerbaïdjan c. Arménie) Demande en indication de mesures conservatoires La Cour commence par rappeler que, le 23 septembre 2021, l’Azerbaïdjan a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre l’Arménie à raison de violations alléguées de la convention internationale du 21 décembre 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après la «CIEDR» ou la «convention»). Se référant à l’article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement, l’Azerbaïdjan a également présenté une demande en indication de mesures conservatoires (la «première demande»). La Cour a indiqué les mesures conservatoires suivantes dans l’ordonnance qu’elle a rendue le 7 décembre 2021 : «1) La République d’Arménie doit, conformément aux obligations que lui impose la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’incitation et l’encouragement à la haine raciale, y compris par des organisations ou des personnes privées sur son territoire, contre les personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise ; 2) Les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.» La Cour rappelle également que, le 4 janvier 2023, l’Azerbaïdjan, se référant à l’article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement, a présenté une nouvelle demande en indication de mesures conservatoires, dite «seconde demande» dans l’ordonnance. Dans sa seconde demande, l’Azerbaïdjan affirme que «de nouvelles preuves montrent que l’Arménie, contredisant les déclarations qu’elle a faites devant la Cour en 2021, a délibérément continué de poser des mines terrestres cette même année ou après, dans des zones civiles où les Azerbaïdjanais déplacés prévoient de revenir». Il ajoute que, en octobre 2022, il a également découvert, dans des habitations civiles, des pièges que les forces arméniennes avaient posés ou dont ils avaient facilité la pose. Selon le demandeur, «[à] ce jour, l’Arménie refuse de partager les informations dont elle dispose au sujet de l’emplacement des mines terrestres et des pièges posés dans les zones dont l’Azerbaïdjan a récemment repris le contrôle». L’Azerbaïdjan soutient que le comportement de l’Arménie est discriminatoire tant par son but que par son effet, et que, au regard du grave risque de préjudice irréparable qui continue de peser sur les droits que lui confère la CIEDR, sa seconde demande revêt un caractère urgent. - 2 - I. COMPÉTENCE PRIMA FACIE (PAR. 13) La Cour rappelle que, dans l’ordonnance en indication de mesures conservatoires qu’elle a rendue le 7 décembre 2021 en la présente affaire, elle a conclu que, «prima facie, elle a[vait] compétence en vertu de l’article 22 de la CIEDR pour connaître de l’affaire dans la mesure où le différend opposant les Parties concern[ait] «l’interprétation ou l’application» de la convention». Elle ne voit aucune raison de revenir sur cette conclusion aux fins de la présente demande. II. MESURES CONSERVATOIRES DEMANDÉES PAR L’AZERBAÏDJAN (PAR. 14-24) La Cour rappelle que, dans sa première demande en indication de mesures conservatoires, l’Azerbaïdjan l’avait priée d’indiquer notamment les mesures conservatoires suivantes : «a) l’Arménie doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre à l’Azerbaïdjan de procéder promptement, effectivement et en toute sécurité à l’enlèvement des mines terrestres posées en territoire azerbaïdjanais par l’armée arménienne ou d’autres groupes opérant sous la direction ou le contrôle, ou avec l’appui, de l’Arménie, notamment en fournissant sans délai une description complète et exacte de l’emplacement et des caractéristiques de ces mines ; b) l’Arménie doit immédiatement cesser et s’abstenir de mettre en danger des vies azerbaïdjanaises en posant des mines terrestres, ou en encourageant ou facilitant la pose de ces mines, en territoire azerbaïdjanais». Dans son ordonnance du 7 décembre 2021, la Cour a cependant décidé de ne pas indiquer les mesures susmentionnées. Dans sa seconde demande en indication de mesures conservatoires, l’Azerbaïdjan prie la Cour d’ordonner à l’Arménie de «prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à l’Azerbaïdjan d’entreprendre un déminage rapide, sûr et efficace des villes, villages et autres lieux où les civils azerbaïdjanais reviendront» et d’«immédiatement cesser et s’abstenir à l’avenir de poser des mines terrestres et des pièges, ou d’en encourager ou faciliter la pose, dans [c]es zones». L’Azerbaïdjan affirme que des faits nouveaux, dont il n’avait pas connaissance lorsqu’il a présenté sa première demande en indication de mesures conservatoires, montrent que l’Arménie pose des mines terrestres et des pièges visant spécifiquement des civils «azerbaïdjanais» (terme qu’il emploie dans le cadre de la présente procédure pour désigner des personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise). Le demandeur se réfère à la découverte alléguée sur son territoire, depuis août 2022, de plus de 2700 mines terrestres fabriquées en Arménie en 2021. Selon lui, plus de la moitié de ces mines terrestres ont été mises au jour dans des zones civiles que des déplacés et réfugiés azerbaïdjanais doivent regagner, conformément à la déclaration du président de la République d’Azerbaïdjan, du premier ministre de la République d’Arménie et du président de la Fédération de Russie en date du 9 novembre 2020, dite «déclaration trilatérale», en particulier dans les districts de Latchine et de Kalbajar. L’Azerbaïdjan soutient que la pose de mines terrestres et de pièges dans des zones civiles où habitaient auparavant des Azerbaïdjanais et dans lesquelles ils devraient revenir, en application de la déclaration trilatérale, démontre que le comportement de l’Arménie relève de la discrimination raciale. - 3 - L’Azerbaïdjan affirme en outre que la pose d’explosifs à ces endroits ne pourrait servir aucun objectif militaire compte tenu de la distance par rapport à la frontière qui le sépare de l’Arménie et à l’ancienne «ligne de contact» entre les forces armées des Parties. * L’Arménie, pour sa part, soutient avoir «procédé à des opérations de minage uniquement à l’intérieur de son territoire et à des fins de légitime défense seulement». L’Arménie précise que la déclaration trilatérale prévoyait que trois districts — ceux de Kalbajar, d’Agdam et de Latchine — seraient restitués à l’Azerbaïdjan entre novembre et décembre 2020, et qu’ils se trouvent depuis lors sous le contrôle de celui-ci. Elle soutient que la présence de mines terrestres arméniennes dans ces districts, si tant est qu’elle soit établie, peut s’expliquer par le fait que, à la fin du conflit, il subsistait une «ligne de contact» au Haut-Karabakh et autour de celui-ci, et relève que la déclaration trilatérale n’empêchait pas les forces armées de prendre des mesures pour sécuriser leurs positions. En outre, l’Arménie soutient que les mines terrestres découvertes depuis août 2022 ne se trouvaient pas dans des «zones manifestement civiles». Pour ce qui est de la pose de pièges, l’Arménie commence par relever que ceux-ci ont été découverts uniquement dans des zones de peuplement de civils situées «à l’intérieur de l’ancien corridor de Latchine», zone dont l’Azerbaïdjan a été autorisé à prendre le contrôle, après la construction de la nouvelle route qui relie à présent le Haut-Karabakh à l’Arménie et se trouve sous le contrôle des forces russes de maintien de la paix. Par ailleurs, l’Arménie nie que ses propres forces armées aient recouru à des pièges, et fait observer que ces dispositifs pourraient avoir été mis en place par des particuliers contraints de quitter leur foyer. * * En ce qui concerne la plausibilité des droits que l’Azerbaïdjan prétend tenir de la CIEDR relativement au comportement présumé de l’Arménie s’agissant des mines terrestres, la Cour a précisé ce qui suit dans son ordonnance du 7 décembre 2021 concernant la première demande : «[L]a Cour rappelle que, selon l’Azerbaïdjan, le comportement en question s’inscrit dans le cadre d’une politique de nettoyage ethnique menée de longue date. Elle convient qu’une politique consistant à éloigner des personnes sur la base de leur origine nationale ou ethnique d’une région donnée, et à les empêcher d’y revenir, peut faire intervenir des droits garantis par la CIEDR, et qu’une telle politique peut être exécutée par divers moyens militaires. Cependant, elle ne considère pas que la CIEDR impose de manière plausible à l’Arménie une quelconque obligation de prendre des mesures pour permettre à l’Azerbaïdjan de procéder au déminage, ou de cesser définitivement ses opérations de minage. L’Azerbaïdjan n’a pas produit devant la Cour d’éléments de preuve démontrant que le comportement allégué de l’Arménie s’agissant des mines terrestres ait «pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité», des droits des personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise.» - 4 - Ayant examiné les éléments de preuve des Parties relatifs à la seconde demande, la Cour considère que la conclusion précitée s’applique également aux circonstances présentes, y compris pour les allégations concernant les pièges. A la lumière de ce qui précède, la Cour considère qu’elle n’a pas à rechercher si les autres conditions requises pour l’indication de mesures conservatoires sont réunies. III. CONCLUSION (PAR. 25-26) La Cour conclut de ce qui précède que les conditions pour l’indication de mesures conservatoires conformément à l’article 41 de son Statut ne sont pas réunies. La Cour relève que les mesures conservatoires indiquées dans son ordonnance du 7 décembre 2021 demeurent en vigueur. Elle réaffirme que la décision rendue en la présente procédure ne préjuge en rien la question de sa compétence pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune question relative à la recevabilité de la requête ou au fond lui-même. Cette décision laisse intact le droit des Gouvernements de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie de faire valoir leurs moyens en la matière. IV. DISPOSITIF (PAR. 27) Le texte complet du dispositif de l’ordonnance se lit comme suit : «Par ces motifs, LA COUR, A l’unanimité, Rejette la demande en indication de mesures conservatoires présentée par la République d’Azerbaïdjan le 4 janvier 2023.» * Mme la juge SEBUTINDE joint une déclaration à l’ordonnance ; Mme la juge CHARLESWORTH et M. le juge BRANT joignent une déclaration commune à l’ordonnance ; M. le juge ad hoc KEITH joint une déclaration à l’ordonnance. ___________

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Résumé de l'ordonnance du 22 février 2023

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