Opinion dissidente de Mme le juge Xue

Document Number
142-20111205-JUD-01-03-EN
Parent Document Number
142-20111205-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

712

OpINION dISSIdENTE dE m meLA JUgE XUE

[Traduction]

A mon grand regret, je ne souscris pas à la décision de la majoritké de la
Cour tendant à ce que celle‑ci exerce sa compétence en la présente espèce.
Cette décision touchant à l’interprétation des traités et à l’opportunité
judiciaire, j’expliciterai ma position ci‑après.

I. Le lien entre le paragkraphe1 de l’article 11
et le paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord intérimakire

Le différend soumis à la Cour, qui oppose l’ex‑République kyougoslave de
macédoine (le demandeur) à la grèce (le défendeur) au sujet du nom du
demandeur, a fait l’objet de longues négociations entre les parties sous les
auspices de l’Organisation des NationsUnies. Les positions respectives des
parties sur la question du nom, telles qu’elles ont été exprimékes au cours de

cette période — tant avant qu’après la conclusion de l’accord intérimaire —,
constituent une part importante des éléments de preuve qui ont ékté présen ‑
tés à la Cour. Toute interprétation des dispositions de l’ackcord ayant trait à
cette question devait donc tenir dûment compte du caractère intékrimaire de
l’instrument en question et du fait que les négociations entre lesk parties en

vue de régler la divergence au sujet du nom se poursuivent.
Aux termes du paragraphe 2 de l’article 21 de l’accord intérimaire, « [à]
l’exception de la divergence visée au paragraphe 1 de l’article 5, l’une ou
l’autre des parties peut saisir la Cour internationale de Justice de toute
divergence ou de tout différend qui s’élèvent entre elles ken ce qui concerne

l’interprétation ou l’exécution du présent accord intékrimaire ». Le terme
«divergence» employé dans cette disposition renvoie au différend qui
oppose les parties au sujet du nom du demandeur, tel que mentionné dans
les résolutions 817 (1993) et 845 (1993) du Conseil de sécurité des
Nations Unies. Aussi, la question essentielle qui se posait à la Cour aux

fins de déterminer si elle avait compétence en l’espèce éktait de savoir si
l’opposition du défendeur à l’admission du demandeur à l’kOrganisation
du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) lors du sommet de Buca ‑
rest de 2008 — opposition qui faisait l’objet du différend — avait trait à
l’interprétation ou à l’exécution du paragraphe 1 de l’article 11 de l’ac ‑

cord intérimaire, ou s’il s’agissait d’une question que le pkaragraphe 2 de
l’article 21 de ce même instrument exclut de la compétence de la Cour.
dans le présent arrêt, la Cour a, en se déclarant compétente,k fait une
interprétation plutôt restrictive du terme « différend» au sens du para ‑
graphe 1 de l’article 5. A cet égard, le paragraphe 35 de l’arrêt se lit comme

suit :

72

5 CIJ1026.indb 141 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 713

«dans les résolutions 817 et 845 (1993), une distinction a été éta ‑
blie entre le nom du demandeur, au sujet duquel est reconnue l’exis ‑

tence d’une divergence entre les parties que celles‑ci sont instamment
priées de régler par voie de négociation (ci‑après le « nom définitif»),
et l’appellation provisoire sous laquelle le demandeur devait êtrek
désigné à toutes fins utiles à l’Organisation des Natiokns Unies, en
attendant que soit réglée ladite divergence. Cette distinction est

reprise dans l’accord intérimaire, qui l’applique aux demandes d’ad ‑
mission et à la participation du demandeur à d’autres organisatkions
internationales. Le paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord intérimaire
prescrit donc aux parties de négocier au sujet de la divergence rela ‑
tive au nom définitif du demandeur, alors que le paragraphe 1 de
l’article 11 impose au défendeur de ne pas s’opposer aux demandes

d’admission et à la participation du demandeur à des organisations
internationales, à moins que celui‑ci n’y soit doté d’une apkpellation
différente de celle prévue dans la résolution 817 (1993). »

La Cour a en outre estimé que la « divergence» en question, que les
parties entendaient exclure de sa compétence, était celle qui concekrnait le
nom définitif du demandeur et qu’elle ne recouvrait pas les différends
relatifs à l’obligation que le paragraphe 1 de l’article 11 impose au défen ‑

deur.
C’est sur la base de cette interprétation du paragraphe 2 de l’article 21
de l’accord intérimaire que la Cour a jugé que tout lien éventuel entre un
différend et la divergence au sujet du nom ne suffisait pas à ekxclure ce
différend de sa compétence. Et la Cour de conclure que « [c]’est seulement

dans l’hypothèse où il [lui] serait demandé … de trancher spécifiquement
la divergence au sujet du nom, ou d’exprimer un quelconque avis sur cke
point particulier, que l’exception énoncée au paragraphe 2 de l’article 21
entrerait en jeu » (arrêt, par. 37). Le « différend» au sens du paragraphe 1
de l’article 5 se trouve ainsi réduit au règlement de la question du nom
définitif, auquel les parties doivent parvenir à l’issue des négociations.

Suivant cette interprétation, le paragraphe 1 de l’article 11 et le para ‑
graphe 1 de l’article 5 sont considérés comme des questions tout à fait
distinctes, n’ayant aucun lien substantiel l’une avec l’autre dku point de
vue de l’exécution de l’accord intérimaire. Selon moi, cettek interprétation
est contestable.

Compte tenu de la nature du différend qui oppose les parties au sujet
de la question du nom ainsi que de l’objet et du but de l’accord iknté‑
rimaire, le paragraphe 1 de l’article 11 et le paragraphe 1 de l’article 5
constituent deux des dispositions essentielles de l’accord.
La position de la Cour quant à la portée du terme « divergence»

procède, dans une large mesure, de l’interprétation qu’elle kfait du para ‑
graphe 1 de l’article 11. Celui‑ci est ainsi libellé :
«Lorsque le présent accord intérimaire sera entré en vigueur, lak

première partie [le défendeur] ne s’opposera pas à la demande d’ad ‑
mission de la seconde partie [le demandeur] dans des organisations et

73

5 CIJ1026.indb 143 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 714

institutions internationales, multilatérales ou régionales dont la pre ‑
mière partie est membre, non plus qu’à la participation de la seconde

partie à ces organisations et institutions; toutefois, la première partie
se réserve le droit d’élever des objections à une telle demaknde ou à
une telle participation si la seconde partie doit être dotée dans ces
organisations ou institutions d’une appellation différente que ckelle
prévue au paragraphe 2 de la résolution 817 (1993) du Conseil de

sécurité des Nations Unies ».
Il ressort clairement des éléments de preuve qui ont été préksentés à la

Cour que l’aspect essentiel du différend qui oppose les parties relative ‑
ment à cet article réside dans la « double formule », que préconiserait le
demandeur. Conformément au paragraphe 1 de l’article 11, le défendeur
convient que, tant que le demandeur sera doté de l’appellation prokvisoire
«ex‑République yougoslave de macédoine» à toutes fins dans des organi‑

sations internationales, il est tenu de n’élever aucune objection kà la
demande d’admission ou à la participation de celui‑ci aux organisations
internationales en question. Les termes conditionnels autorisant le dékfen‑
deur à élever des objections qui sont employés dans la seconde kpartie de
cette clause — tels que « si [et dans la mesure où] » ou « doté dans ces

organisations ou institutions d’une appellation» — font cependant l’objet
d’interprétations divergentes de la part des parties ; celles‑ci sont notam ‑
ment en désaccord sur le point de savoir si le demandeur peut employekr
son nom constitutionnel lorsqu’il se désigne lui‑même ou dans lke cadre de
ses relations avec des Etats tiers dans des organisations internationaleks.

Au cours des années qui ont suivi la conclusion de l’accord intékrimaire,
les parties ont, en réaffirmant leurs positions respectives sur la question
du nom, toujours avancé des interprétations divergentes du libellék du
paragraphe 1 de l’article 11. Ainsi que les éléments de preuve présentés
par chacune d’elles le démontrent, le demandeur a insisté pour kemployer

son nom constitutionnel lorsqu’il se désignait lui‑même ainsi qkue dans le
cadre de ses relations avec des Etats tiers, tandis que le défendeur kadop ‑
tait une attitude de protestation systématique contre pareil emploi, fai ‑
sant valoir qu’il s’agissait d’une violation de la résolutiokn 817 et de
l’accord intérimaire.

La conclusion de l’accord intérimaire, ainsi que l’adoption des résolu ‑
tions 817 et 845 du Conseil de sécurité, constituent une reconnaissance
des intérêts juridiques des deux parties à l’égard de la question du nom.
L’arrangement temporaire relatif à la divergence sur cette questiokn,
énoncé au paragraphe 1 de l’article 11, offre aux parties le moyen de sor ‑

tir de l’impasse en ce qui concerne l’admission du demandeur à kdes orga‑
nisations internationales. Au vu de l’ambiguïté des termes conditionnels
employés dans cette disposition quant au point de savoir si, ou dans k
quelle mesure, le nom constitutionnel du demandeur peut être utilisék par
celui‑ci et des Etats tiers dans des organisations internationales, l’accord

intérimaire, en tant que mesure temporaire permettant de préserverk la
paix et des relations de bon voisinage dans la région et entre les parties,

74

5 CIJ1026.indb 145 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 715

exige toutefois que ces dernières fassent preuve d’une bonne foi ekt d’une
confiance mutuelle importantes aux fins de l’exécution de cet kinstrument.

Or, pareille incertitude ne peut s’expliquer et se justifier que pakr le carac‑
tère intérimaire de l’accord et le fait que la question du nom kn’a pas été
réglée. C’est pourquoi l’exécution du paragraphe 1 de l’article 11 est
intrinsèquement liée à l’obligation des deux parties de régler le différend
relatif au nom par voie de négociations, comme le prescrit le paragrakphe 1

de l’article 5. Toute question ayant trait au processus de négociation
devrait donc entrer dans le champ de cette dernière disposition.
La résolution 817 et l’accord intérimaire prévoyaient initialement
— ou, du moins, encourageaient — un règlement rapide de la divergence
relative au nom entre les parties. Au cours des treize années qui se sont
écoulées entre la conclusion de l’accord intérimaire et le sommet de Buca ‑

rest de 2008, les négociations sont cependant restées infructueuses. dans
le même temps, les tensions entre les parties suscitées par la pratique de
la double appellation — et, en particulier, l’argument de la « double for ‑
mule» — se sont accrues.
Ainsi que cela ressort de l’instance, la « double formule» désigne la for ‑

mule par laquelle l’appellation provisoire ne sera, en définitivke, utilisée
que dans les relations entre le défendeur et le demandeur, le nom consti ‑
tutionnel de celui‑ci étant employé dans ses relations avec tous lkes autres
Etats. Quoique la Cour ait considéré à juste titre que, par l’effet du para ‑
graphe 1 de l’article 11, la résolution 817 et l’accord intérimaire n’interdi ‑

saient pas au demandeur d’employer son nom constitutionnel pour se
désigner lui‑même dans des organisations internationales, les parties
n’avaient naturellement pas, lorsqu’elles ont conclu ledit instrumkent,
envisagé pareille « double formule », dont l’incidence sur les négociations
en cours ne semble pas négligeable. de plus, lorsque, comme il a été allé ‑
gué, l’adoption de cette formule est recherchée délibérékment, cela a, de

toute évidence, une incidence sur le règlement définitif de lka question du
nom. La question soulevée par la présente espèce avait donc, auk fond,
trait non pas à la position du défendeur relativement à l’adkmission du
demandeur à l’OTAN au regard du paragraphe 1 de l’article 11, mais à la
divergence qui fait l’objet du processus de négociation.

dans son arrêt, la Cour a estimé que,
«[s]i les parties avaient eu pour intention de ne [lui] conférer … que

la compétence limitée proposée par le défendeur, elles auraikent pu
exclure expressément l’objet du paragraphe 1 de l’article 11 de la
compétence qu’elles lui ont attribuée en vertu du paragraphe 2 de
l’article 21.» (par. 35.)

Cette hypothèse est certes logique, mais elle n’est pas convaincante. En
effet, ainsi que cela a été précisé ci‑dessus, les termes employés au para ‑
graphe 1 de l’article 11 ne sont pas aussi clairs qu’ils le paraissent. Leur
ambiguïté inhérente tient à la complexité de la question kdu nom. Cela ne

signifie pas que le défendeur pouvait invoquer unilatéralement n’importe
quelle excuse et faire obstacle à son gré à l’admission du dkemandeur à une

75

5 CIJ1026.indb 147 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 716

organisation internationale. Cette question demandait à être apprékciée
par la Cour aux fins de déterminer si elle relevait ou non de sa compé ‑

tence; autrement dit, si elle entrait dans le champ du paragraphe 1 de
l’article 11, ou du paragraphe 1 de l’article 5. En la présente espèce, il était
impossible, sans se pencher sur la question de la « double formule», d’ap ‑
précier pleinement les actes du défendeur au sommet de Bucarest, àk la
lumière de l’objet et du but de l’accord intérimaire. Or, pakreille apprécia ‑

tion, si elle avait été effectuée, aurait immanquablement conkduit la Cour
à examiner la « divergence» au sens du paragraphe 1 de l’article 5, et,
partant, à outrepasser sa compétence.
Aussi la Cour a‑t‑elle limité son examen au fait que le défendeur s’est
opposé à l’admission du demandeur à l’OTAN. Ce faisant, elle a isolé le
paragraphe 1 de l’article 11 du contexte de l’accord dans son ensemble,

ainsi que de son objet et de son but.
Les liens intrinsèques entre le paragraphe 1 de l’article 11 et le règle ‑
ment définitif du différend relatif au nom, qui fait l’objekt du paragraphe 1
de l’article 5, ont pourtant été clairement confirmés par m. Nimetz, l’en ‑
voyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation dkes Nations Unies,

qui a, de nombreuses années durant, été chargé de jouer le rkôle de média ‑
teur dans le cadre des pourparlers bilatéraux sur la question du nom.k
En 2007, après que le défendeur eut élevé des objections à lk’emploi du
nom constitutionnel du demandeur par le président de l’Assembléke géné ‑
rale, qui se trouvait être un national du demandeur, il a été dkemandé à

m. Nimetz d’exprimer son avis sur cet incident. Sa réponse a éték la sui ‑
vante: « ce qui s’est produit hier à l’Assemblée générale est lka preuve
qu’une solution permanente est nécessaire ». Cela en dit long sur le fait
que ce qui semble être une question relevant uniquement du paragraphek 1
de l’article 11 et se rapportant à l’emploi du nom du demandeur dans une
organisation internationale ne saurait être examiné isolément. kLorsque est

en cause le règlement de la question du nom définitif, cette diskposition ne
peut être dissociée du paragraphe 1 de l’article 5. Or, selon moi, les para ‑
graphes 133‑138 de l’arrêt ont trait à des questions qui entrent dans lke
champ du paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord intérimaire.

II. L’opportunité judicikaire

même si, sur la base d’une interprétation stricte du paragraphe 2 de l’ar ‑
ticle 21, la Cour a conclu qu’elle avait compétence en l’espèce, ukn certain

nombre de raisons relevant de l’opportunité judiciaire auraient nékanmoins,
à mon sens, dû la conduire à ne pas exercer cette compétencek. Ainsi qu’elle
l’a précisé dans l’affaire du Cameroun septentrional, même si la Cour, «une
fois saisie, estime avoir compétence, [elle] n’est pas toujours cokntrainte
d’exercer cette compétence. Il y a des limitations inhérentes àk l’exercice de
la fonction judiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours tenir

compte. » (Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume‑Uni), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 29.)

76

5 CIJ1026.indb 149 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 717

Je souscris à la position de la Cour selon laquelle la question qui lkui était
posée n’était pas de savoir si la décision de l’OTAN pouvkait être attribuée

au défendeur, mais était de savoir si celui‑ci avait, par son propkre compor ‑
tement, manqué à l’obligation que lui impose l’accord intérimaire. La déc‑i
sion de la Cour de se prononcer uniquement sur la licéité de l’kopposition
du défendeur et de rejeter le surplus des conclusions du demandeur a ktou ‑
tefois pour conséquence que l’arrêt est dépourvu de tout effket sur la déci‑

sion de l’OTAN de différer le moment où le demandeur sera invkité à
devenir membre de l’Organisation. pour parvenir à cette décision, la Cour
s’est notamment fondée sur deux éléments. premièrement, elle a interprété
de manière restrictive la demande présentée par le demandeur. Akinsi est‑il
indiqué au paragraphe 50 de l’arrêt que « [l]e demandeur ne demande pas
à la Cour d’annuler la décision que l’OTAN a prise au sommetk de Buca ‑

rest ou de modifier les conditions d’adhésion à l’Alliance ». Or, dans son
troisième chef de conclusions, le demandeur priait clairement la Courk

«d’ordonner au défendeur de prendre immédiatement toutes les
mesures nécessaires afin que celui‑ci respecte les obligations que klui
impose le paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire et de
mettre fin et de renoncer à toute forme d’opposition, directe ouk indi ‑
recte, à l’admission du demandeur à l’Organisation du traiték de l’At‑

lantique Nord… ».
L’instance a clairement révélé à la Cour que la préocckupation princi ‑

pale du demandeur portait sur la décision de l’OTAN, qui peut être résu ‑
mée par la formule : « pas de règlement, pas d’invitation ». En ce qui
concerne l’admission du demandeur à l’OTAN, le fait que cette dkécision
demeure inchangée ne laisse à celui‑ci que deux possibilités pokur recou ‑
vrer son statut de candidat : le règlement par les parties de la question
relative au nom ou une annulation de la décision de l’Organisationk. Or, le

jugement déclaratoire de la Cour vise, semble‑t‑il, à exclure cettke dernière
possibilité.
Le second élément a trait aux jugements déclaratoires d’une kmanière
générale. Ainsi que la Cour l’a précisé en l’affairek du Différend relatif à des
droits de navigation et des droits connexes, « [e]n règle générale, il n’y a pas

lieu de supposer que l’Etat dont un acte ou un comportement a éték dé‑
claré illicite par la Cour répétera à l’avenir cet acte ou ce comportement,
puisque sa bonne foi doit être présumée » (Différend relatif à des droits de
navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, p. 267, par. 150). C’est pourquoi la Cour n’a pas jugé

nécessaire d’ordonner au défendeur, comme le demandeur l’en kpriait dans
son troisième chef de conclusions, de s’abstenir à l’avenir kde toute action
contraire à l’obligation que lui impose le paragraphe 1 de l’article 11 de
l’accord intérimaire, estimant que son prononcé à l’effket que le défendeur
a manqué à ladite obligation constituait une satisfaction approprikée.
Au sujet des jugements déclaratoires, la Cour a eu l’occasion de pkréciser

qu’ils étaient destinés à faire « reconnaître une situation de droit une fois
pour toutes et avec effet obligatoire entre les parties, en sorte que la situa‑

77

5 CIJ1026.indb 151 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 718

tion juridique ainsi fixée ne puisse plus être mise en discussiokn, pour ce qui
est des conséquences juridiques qui en découlent» (Interprétation des arrêts
n 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 20).
En la présente espèce, il est toutefois douteux que cet objectif pkuisse être
atteint au moyen d’un tel jugement. dès lors que la décision de l’OTAN

demeure valide, l’arrêt de la Cour n’aura aucun effet pratiquke sur le com‑
portement futur des parties en ce qui concerne l’admission du demandeur à
cette organisation. Or, dans l’affaire du Cameroun septentrional, la Cour a
précisé que sa décision « doit avoir des conséquences pratiques en ce sens

qu’[elle] doit pouvoir affecter les droits ou obligations juridiqueks existants
des parties, dissipant ainsi toute incertitude dans leurs relations jurikdiques
(affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume‑Uni), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil 1963, p. 34). Il ne semble pas qu’il ait été

satisfait à ce critère en la présente espèce.
L’observation qui précède me conduit à aborder un second aspkect de la
fonction judiciaire en matière de règlement des différends internationaux,
à savoir l’incidence éventuelle du présent arrêt sur le processus de négo ‑
ciation entre les parties. En vertu de la déclaration de Bucarest, les obli ‑

gations des parties relativement à l’admission et à la participation du
demandeur à l’OTAN ne sont plus les mêmes qu’aux termes du pkara ‑
graphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire. La Cour, qui a décidé de
ne pas faire droit aux autres réparations sollicitées par le demankdeur,

semble être consciente des conséquences que son arrêt pourrait kavoir sur
le processus de négociation. Il reste que cette décision peut êktre utilisée
par les parties pour durcir leurs positions dans les négociations.
Se référant à la question du nom, m. Nimetz a, lors d’une conférence

de presse qui faisait suite à une réunion avec les négociateursk des deux
parties tenue à ce sujet en mars 2008, précisé qu’«il s’agi[ssait] d’une ques‑
tion très importante pour la région … elle affecte la population des deux
pays et est profondément enracinée dans l’histoire … c’est un problème
ancestral, fort délicat ». La Cour n’a pas pu manquer de relever qu’un

aspect essentiel de la présente espèce était que les deux parties devaient
négocier et agir de bonne foi, et que l’état de fait existant nke devait pas
mettre en péril le processus de négociation. Aux termes de l’ackcord intéri‑
maire, ainsi que des résolutions du Conseil de sécurité, les parties se sont

engagées à trouver une solution rapide à cette divergence au sukjet du
nom. A cet égard, toute solution imposée par un tiers ou toute interven ‑
tion — directe ou indirecte — d’un tiers, fût‑ce la Cour, n’est pas souhai ‑
table. Ainsi que celle‑ci l’a précisé il y a fort longtemps,

«le règlement judiciaire des conflits internationaux, en vue duquel
la Cour est instituée, n’est qu’un succédané au règlementk direct et

amiable de ces conflits entre les parties ; … dès lors, il appartient à la
Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son Statut,
pareil règlement direct et amiable » (affaire des Zones franches de la
Haute‑Savoie et du Pays de Gex, ordonnance du 19 août 1929, C.P.J.I.
o
série A n 22, p. 13).

78

5 CIJ1026.indb 153 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 719

Alors qu’un règlement rapide de la question du nom est dans l’ikntérêt
des deux parties, l’exercice, par la Cour, de sa compétence judiciaire en lak

présente espèce risque, selon moi, de se révéler peu propicek à la réalisation
de cet objectif.

(Signé) Xue Hanqin.

79

5 CIJ1026.indb 155 20/06/13 08:42

Bilingual Content

712

dISSENTINg OpINION OF JUdgE XUE

To my deep regret, I dissent from the decision of the majority of the
Court to exercise jurisdiction in this case. Since the matter bears on tkreaty
interpretation and judicial propriety, I shall explain my position.

I. Relationship betweenk Article11, paragraph 1,
and Article 5, paragraph 1, of the Interim Accord

The dispute before the Court between the former Yugoslav Republic of
macedonia (the Applicant) and greece (the Respondent) over the name
of the Applicant involves a long history of negotiations between the par ‑
ties under the auspices of the United Nations. The parties’ respective
positions on the name issue during that period, both before and after thke

conclusion of the Interim Accord, constitute a substantial bulk of the ekvi ‑
dence submitted to the Court. Any interpretation of the provisions of the
Interim Accord in relation to the name issue should give due consider ‑
ation to the interim nature of the Accord and the ongoing negotiations
between the parties aimed at the settlement of the name difference.

Under Article 21, paragraph 2, of the Interim Accord, “[a]ny difference
or dispute that arises between the parties concerning the interpretation or
implementation of this Interim Accord may be submitted by either of
them to the International Court of Justice, except for the difference k

referred to in Article 5, paragraph 1”. The “difference” referred to there
relates to the dispute between the parties over the Applicant’s name, as
addressed in United Nations Security Council resolutions 817 (1993) and
845 (1993). The essential issue for the Court, therefore, in determining ikts
jurisdiction, is whether the Respondent’s disputed objection to the Akppli ‑

cant’s membership in the North Atlantic Treaty Organization (NATO) kat
the 2008 Bucharest Summit relates to the interpretation or implementa ‑
tion of Article 11, paragraph 1, of the Interim Accord, or whether it is an
issue precluded from the jurisdiction of the Court by virtue of Article 21,
paragraph 2, of that treaty.

In its Judgment in the case, the Court, in establishing its jurisdictionk,
adopts a rather narrow interpretation of the term “difference” ikn Article 5,
paragraph 1. In that regard, paragraph 35 of the Judgment reads:

72

5 CIJ1026.indb 140 20/06/13 08:42 712

OpINION dISSIdENTE dE m meLA JUgE XUE

[Traduction]

A mon grand regret, je ne souscris pas à la décision de la majoritké de la
Cour tendant à ce que celle‑ci exerce sa compétence en la présente espèce.
Cette décision touchant à l’interprétation des traités et à l’opportunité
judiciaire, j’expliciterai ma position ci‑après.

I. Le lien entre le paragkraphe1 de l’article 11
et le paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord intérimakire

Le différend soumis à la Cour, qui oppose l’ex‑République kyougoslave de
macédoine (le demandeur) à la grèce (le défendeur) au sujet du nom du
demandeur, a fait l’objet de longues négociations entre les parties sous les
auspices de l’Organisation des NationsUnies. Les positions respectives des
parties sur la question du nom, telles qu’elles ont été exprimékes au cours de

cette période — tant avant qu’après la conclusion de l’accord intérimaire —,
constituent une part importante des éléments de preuve qui ont ékté présen ‑
tés à la Cour. Toute interprétation des dispositions de l’ackcord ayant trait à
cette question devait donc tenir dûment compte du caractère intékrimaire de
l’instrument en question et du fait que les négociations entre lesk parties en

vue de régler la divergence au sujet du nom se poursuivent.
Aux termes du paragraphe 2 de l’article 21 de l’accord intérimaire, « [à]
l’exception de la divergence visée au paragraphe 1 de l’article 5, l’une ou
l’autre des parties peut saisir la Cour internationale de Justice de toute
divergence ou de tout différend qui s’élèvent entre elles ken ce qui concerne

l’interprétation ou l’exécution du présent accord intékrimaire ». Le terme
«divergence» employé dans cette disposition renvoie au différend qui
oppose les parties au sujet du nom du demandeur, tel que mentionné dans
les résolutions 817 (1993) et 845 (1993) du Conseil de sécurité des
Nations Unies. Aussi, la question essentielle qui se posait à la Cour aux

fins de déterminer si elle avait compétence en l’espèce éktait de savoir si
l’opposition du défendeur à l’admission du demandeur à l’kOrganisation
du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) lors du sommet de Buca ‑
rest de 2008 — opposition qui faisait l’objet du différend — avait trait à
l’interprétation ou à l’exécution du paragraphe 1 de l’article 11 de l’ac ‑

cord intérimaire, ou s’il s’agissait d’une question que le pkaragraphe 2 de
l’article 21 de ce même instrument exclut de la compétence de la Cour.
dans le présent arrêt, la Cour a, en se déclarant compétente,k fait une
interprétation plutôt restrictive du terme « différend» au sens du para ‑
graphe 1 de l’article 5. A cet égard, le paragraphe 35 de l’arrêt se lit comme

suit :

72

5 CIJ1026.indb 141 20/06/13 08:42 713 application of interkim accord (diss. op. xuke)

“Resolutions 817 and 845 (1993) distinguished between the name
of the Applicant, in respect of which they recognized the existence of

a difference between the parties who were urged to resolve that dif ‑
ference by negotiation (hereinafter the ‘definitive name’), ankd the pr‑o
visional designation by which the Applicant was to be referred to for
all purposes within the United Nations pending settlement of that
difference. The Interim Accord adopts the same approach and extends

it to the Applicant’s application to, and membership in, other inter ‑
national organizations. Thus Article 5, paragraph 1, of the Interim
Accord requires the parties to negotiate regarding the difference over
the Applicant’s definitive name, while Article 11, paragraph 1, imposes
upon the Respondent the obligation not to object to the Applicant’s
application to, and membership in, international organizations, unless

the Applicant is to be referred to in the organization in question dif ‑
ferently than in resolution 817 (1993).”

The Court further takes the view that the “difference” referred to
therein, and which the parties intended to exclude from the jurisdiction of
the Court, is the difference over the permanent name of the Applicant,k
and not disputes regarding the Respondent’s obligation under Article 11,

paragraph 1.
It is based on this reading of Article 21, paragraph 2, of the Interim
Accord that the Court finds that any connection which a dispute may
have with the name difference is not sufficient to exclude that dispukte
from the jurisdiction of the Court. The Court concludes that “[o]nly if the

Court were called upon to resolve specifically the name difference, kor to
express any views on this particular matter, would the exception under
Article 21, paragraph 2, come into play” (Judgment, para. 37). Thus, the
“difference” under Article 5, paragraph 1, is reduced to the solution of the
final name, to be agreed on by the parties at the end of the negotiations.
Such an interpretation treats Article 11, paragraph 1, and Article 5, para ‑

graph 1, as entirely separate issues, with no substantive connection to
each other as regards the implementation of the Interim Accord. This
interpretation, in my view, is questionable.

given the nature of the dispute between the parties over the name issue
and the object and purpose of the Interim Accord, Article 11, para ‑
graph 1, and Article 5, paragraph 1, constitute two of the key provisions
in the agreement.
The Court’s view on the scope of the term “difference” is, tok a large

extent, determined by its reading of Article 11, paragraph 1, which pro ‑
vides that:
“Upon entry into force of this Interim Accord, the party of the

First part [the Respondent] agrees not to object to the application by
or membership of the party of the Second part [the Applicant] in

73

5 CIJ1026.indb 142 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 713

«dans les résolutions 817 et 845 (1993), une distinction a été éta ‑
blie entre le nom du demandeur, au sujet duquel est reconnue l’exis ‑

tence d’une divergence entre les parties que celles‑ci sont instamment
priées de régler par voie de négociation (ci‑après le « nom définitif»),
et l’appellation provisoire sous laquelle le demandeur devait êtrek
désigné à toutes fins utiles à l’Organisation des Natiokns Unies, en
attendant que soit réglée ladite divergence. Cette distinction est

reprise dans l’accord intérimaire, qui l’applique aux demandes d’ad ‑
mission et à la participation du demandeur à d’autres organisatkions
internationales. Le paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord intérimaire
prescrit donc aux parties de négocier au sujet de la divergence rela ‑
tive au nom définitif du demandeur, alors que le paragraphe 1 de
l’article 11 impose au défendeur de ne pas s’opposer aux demandes

d’admission et à la participation du demandeur à des organisations
internationales, à moins que celui‑ci n’y soit doté d’une apkpellation
différente de celle prévue dans la résolution 817 (1993). »

La Cour a en outre estimé que la « divergence» en question, que les
parties entendaient exclure de sa compétence, était celle qui concekrnait le
nom définitif du demandeur et qu’elle ne recouvrait pas les différends
relatifs à l’obligation que le paragraphe 1 de l’article 11 impose au défen ‑

deur.
C’est sur la base de cette interprétation du paragraphe 2 de l’article 21
de l’accord intérimaire que la Cour a jugé que tout lien éventuel entre un
différend et la divergence au sujet du nom ne suffisait pas à ekxclure ce
différend de sa compétence. Et la Cour de conclure que « [c]’est seulement

dans l’hypothèse où il [lui] serait demandé … de trancher spécifiquement
la divergence au sujet du nom, ou d’exprimer un quelconque avis sur cke
point particulier, que l’exception énoncée au paragraphe 2 de l’article 21
entrerait en jeu » (arrêt, par. 37). Le « différend» au sens du paragraphe 1
de l’article 5 se trouve ainsi réduit au règlement de la question du nom
définitif, auquel les parties doivent parvenir à l’issue des négociations.

Suivant cette interprétation, le paragraphe 1 de l’article 11 et le para ‑
graphe 1 de l’article 5 sont considérés comme des questions tout à fait
distinctes, n’ayant aucun lien substantiel l’une avec l’autre dku point de
vue de l’exécution de l’accord intérimaire. Selon moi, cettek interprétation
est contestable.

Compte tenu de la nature du différend qui oppose les parties au sujet
de la question du nom ainsi que de l’objet et du but de l’accord iknté‑
rimaire, le paragraphe 1 de l’article 11 et le paragraphe 1 de l’article 5
constituent deux des dispositions essentielles de l’accord.
La position de la Cour quant à la portée du terme « divergence»

procède, dans une large mesure, de l’interprétation qu’elle kfait du para ‑
graphe 1 de l’article 11. Celui‑ci est ainsi libellé :
«Lorsque le présent accord intérimaire sera entré en vigueur, lak

première partie [le défendeur] ne s’opposera pas à la demande d’ad ‑
mission de la seconde partie [le demandeur] dans des organisations et

73

5 CIJ1026.indb 143 20/06/13 08:42 714 application of interkim accord (diss. op. xuke)

international, multilateral and regional organizations and institutions k
of which the party of the First part is a member; however, the party

of the First part reserves the right to object to any membership
referred to above if and to the extent the party of the Second part is
to be referred to in such organization or institution differently thank
in paragraph 2 of United Nations Security Council resolution 817
(1993).”

From the evidence before the Court, it is clear that the central issue okf

the dispute between the parties on this Article lies in the so‑called “dual
formula”, as allegedly pursued by the Applicant. In accordance with Akrti ‑
cle 11, paragraph 1, the Respondent agrees that, so long as the Applicant
is provisionally referred to as “the former Yugoslav Republic of macedo ‑
nia” for all purposes in international organizations, it is obliged nkot to

raise any objection to the application by or membership of the Applicantk
in such international organizations. The conditional terms in the secondk
part of the clause, which allow the Respondent to raise objections, suchk
as “if and to the extent” and “be referred to in such organizatkion or insti‑
tution”, however, are the subject of different interpretations by tkhe par ‑

ties; they particularly disagree as to whether the Applicant may use its
constitutional name when referring to itself or when dealing with third
States in international organizations.

In the years after the conclusion of the Interim Accord, the parties, in
maintaining their respective positions on the name issue, have consis ‑
tently held different interpretations of the terms of Article 11, para ‑
graph 1. As demonstrated by the evidence submitted by both parties, the
Applicant has insisted on using its constitutional name when referring tko

itself and when dealing with third States, while the Respondent has devekl ‑
oped a general pattern of protests against such use, alleging that it isk a
breach of resolution 817 and of the Interim Accord.

The conclusion of the Interim Accord between the parties, together
with Security Council resolutions 817 and 845, recognizes the legal inter ‑
ests of both parties in connection with the name issue. The temporary
arrangement in respect of the name difference, under Article 11, para ‑
graph 1, provides a means of ending the impasse between the parties over

the Applicant’s membership in international organizations. The ambiguk‑
ity of the conditional terms in Article 11, paragraph 1, with regard to
whether, or to what extent, the Applicant’s constitutional name can bke
used by the Applicant and third States in international organizations,
shows that the Interim Accord, as a temporary measure for maintaining

peace and good‑neighbourly relations both in the region and between the
parties, requires a great deal of good faith and mutual trust from both

74

5 CIJ1026.indb 144 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 714

institutions internationales, multilatérales ou régionales dont la pre ‑
mière partie est membre, non plus qu’à la participation de la seconde

partie à ces organisations et institutions; toutefois, la première partie
se réserve le droit d’élever des objections à une telle demaknde ou à
une telle participation si la seconde partie doit être dotée dans ces
organisations ou institutions d’une appellation différente que ckelle
prévue au paragraphe 2 de la résolution 817 (1993) du Conseil de

sécurité des Nations Unies ».
Il ressort clairement des éléments de preuve qui ont été préksentés à la

Cour que l’aspect essentiel du différend qui oppose les parties relative ‑
ment à cet article réside dans la « double formule », que préconiserait le
demandeur. Conformément au paragraphe 1 de l’article 11, le défendeur
convient que, tant que le demandeur sera doté de l’appellation prokvisoire
«ex‑République yougoslave de macédoine» à toutes fins dans des organi‑

sations internationales, il est tenu de n’élever aucune objection kà la
demande d’admission ou à la participation de celui‑ci aux organisations
internationales en question. Les termes conditionnels autorisant le dékfen‑
deur à élever des objections qui sont employés dans la seconde kpartie de
cette clause — tels que « si [et dans la mesure où] » ou « doté dans ces

organisations ou institutions d’une appellation» — font cependant l’objet
d’interprétations divergentes de la part des parties ; celles‑ci sont notam ‑
ment en désaccord sur le point de savoir si le demandeur peut employekr
son nom constitutionnel lorsqu’il se désigne lui‑même ou dans lke cadre de
ses relations avec des Etats tiers dans des organisations internationaleks.

Au cours des années qui ont suivi la conclusion de l’accord intékrimaire,
les parties ont, en réaffirmant leurs positions respectives sur la question
du nom, toujours avancé des interprétations divergentes du libellék du
paragraphe 1 de l’article 11. Ainsi que les éléments de preuve présentés
par chacune d’elles le démontrent, le demandeur a insisté pour kemployer

son nom constitutionnel lorsqu’il se désignait lui‑même ainsi qkue dans le
cadre de ses relations avec des Etats tiers, tandis que le défendeur kadop ‑
tait une attitude de protestation systématique contre pareil emploi, fai ‑
sant valoir qu’il s’agissait d’une violation de la résolutiokn 817 et de
l’accord intérimaire.

La conclusion de l’accord intérimaire, ainsi que l’adoption des résolu ‑
tions 817 et 845 du Conseil de sécurité, constituent une reconnaissance
des intérêts juridiques des deux parties à l’égard de la question du nom.
L’arrangement temporaire relatif à la divergence sur cette questiokn,
énoncé au paragraphe 1 de l’article 11, offre aux parties le moyen de sor ‑

tir de l’impasse en ce qui concerne l’admission du demandeur à kdes orga‑
nisations internationales. Au vu de l’ambiguïté des termes conditionnels
employés dans cette disposition quant au point de savoir si, ou dans k
quelle mesure, le nom constitutionnel du demandeur peut être utilisék par
celui‑ci et des Etats tiers dans des organisations internationales, l’accord

intérimaire, en tant que mesure temporaire permettant de préserverk la
paix et des relations de bon voisinage dans la région et entre les parties,

74

5 CIJ1026.indb 145 20/06/13 08:42 715 application of interkim accord (diss. op. xuke)

parties in its implementation. Such uncertainty can only be explained andk

justified by the interim nature of the treaty and the pending settlemeknt of
the name issue. Therefore, the implementation of Article 11, paragraph 1,
is intrinsically linked to the duty of the two parties to settle the name
dispute through negotiations, as required by Article 5, paragraph 1. Any
issue relating to the negotiation process should fall within the scope okf

Article 5, paragraph 1.

Resolution 817 and the Interim Accord originally envisaged, or at least k
encouraged, a speedy settlement of the name difference between the

parties. In the 13 years from the conclusion of the Interim Accord to
the 2008 Bucharest Summit, however, negotiations had still not come to
fruition. meanwhile, tensions between the parties over the dual‑name
practice, particularly the so‑called “dual formula”, were on the rkise.

The so‑called “dual formula”, as revealed in the proceedings, refekrs to
the formula whereby, ultimately, the provisional name will be used only k
between the Respondent and the Applicant, while the Applicant’s constki ‑
tutional name is used with all other States. Although the Court rightly k

concludes that, by virtue of Article 11, paragraph 1, the Applicant is not
precluded from using its constitutional name when referring to itself ink
international organizations under resolution 817 and the Interim Accord,k
such a “dual formula”, whose implication for the pending negotiatikons
does not seem immaterial, was obviously not contemplated by the parties

when they concluded the Interim Accord. Furthermore, when such a for ‑
mula is allegedly pursued intentionally, the matter clearly has a bearinkg
on the final settlement of the name issue. The question in the present case,
therefore, is in essence not about the Respondent’s position regarding the
Applicant’s membership in NATO under Article 11, paragraph 1, but

about the difference in the negotiation process.

In the Judgment, the Court states that:

“If the parties had intended to entrust to the Court only the limited
jurisdiction suggested by the Respondent, they could have expressly
excluded the subject‑matter of Article 11, paragraph 1, from the grant

of jurisdiction in Article 21, paragraph 2.” (para. 35.)

This assumption is logical, but not persuasive. As stated above, the
terms of Article 11, paragraph 1, are not as certain as they sound. The
inherent ambiguity lies in the complexity of the name issue. This does not
mean that the Respondent could unilaterally invoke any excuse and block k
at will the Applicant’s membership in an international organization. kThe

matter is subject to the determination of the Court, which decides whether

75

5 CIJ1026.indb 146 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 715

exige toutefois que ces dernières fassent preuve d’une bonne foi ekt d’une
confiance mutuelle importantes aux fins de l’exécution de cet kinstrument.

Or, pareille incertitude ne peut s’expliquer et se justifier que pakr le carac‑
tère intérimaire de l’accord et le fait que la question du nom kn’a pas été
réglée. C’est pourquoi l’exécution du paragraphe 1 de l’article 11 est
intrinsèquement liée à l’obligation des deux parties de régler le différend
relatif au nom par voie de négociations, comme le prescrit le paragrakphe 1

de l’article 5. Toute question ayant trait au processus de négociation
devrait donc entrer dans le champ de cette dernière disposition.
La résolution 817 et l’accord intérimaire prévoyaient initialement
— ou, du moins, encourageaient — un règlement rapide de la divergence
relative au nom entre les parties. Au cours des treize années qui se sont
écoulées entre la conclusion de l’accord intérimaire et le sommet de Buca ‑

rest de 2008, les négociations sont cependant restées infructueuses. dans
le même temps, les tensions entre les parties suscitées par la pratique de
la double appellation — et, en particulier, l’argument de la « double for ‑
mule» — se sont accrues.
Ainsi que cela ressort de l’instance, la « double formule» désigne la for ‑

mule par laquelle l’appellation provisoire ne sera, en définitivke, utilisée
que dans les relations entre le défendeur et le demandeur, le nom consti ‑
tutionnel de celui‑ci étant employé dans ses relations avec tous lkes autres
Etats. Quoique la Cour ait considéré à juste titre que, par l’effet du para ‑
graphe 1 de l’article 11, la résolution 817 et l’accord intérimaire n’interdi ‑

saient pas au demandeur d’employer son nom constitutionnel pour se
désigner lui‑même dans des organisations internationales, les parties
n’avaient naturellement pas, lorsqu’elles ont conclu ledit instrumkent,
envisagé pareille « double formule », dont l’incidence sur les négociations
en cours ne semble pas négligeable. de plus, lorsque, comme il a été allé ‑
gué, l’adoption de cette formule est recherchée délibérékment, cela a, de

toute évidence, une incidence sur le règlement définitif de lka question du
nom. La question soulevée par la présente espèce avait donc, auk fond,
trait non pas à la position du défendeur relativement à l’adkmission du
demandeur à l’OTAN au regard du paragraphe 1 de l’article 11, mais à la
divergence qui fait l’objet du processus de négociation.

dans son arrêt, la Cour a estimé que,
«[s]i les parties avaient eu pour intention de ne [lui] conférer … que

la compétence limitée proposée par le défendeur, elles auraikent pu
exclure expressément l’objet du paragraphe 1 de l’article 11 de la
compétence qu’elles lui ont attribuée en vertu du paragraphe 2 de
l’article 21.» (par. 35.)

Cette hypothèse est certes logique, mais elle n’est pas convaincante. En
effet, ainsi que cela a été précisé ci‑dessus, les termes employés au para ‑
graphe 1 de l’article 11 ne sont pas aussi clairs qu’ils le paraissent. Leur
ambiguïté inhérente tient à la complexité de la question kdu nom. Cela ne

signifie pas que le défendeur pouvait invoquer unilatéralement n’importe
quelle excuse et faire obstacle à son gré à l’admission du dkemandeur à une

75

5 CIJ1026.indb 147 20/06/13 08:42 716 application of interkim accord (diss. op. xuke)

it falls within its jurisdiction or not: in other words, whether it falls under
Article 11, paragraph 1, or Article 5, paragraph 1. In the present case,

without looking into the so‑called “dual formula”, it would be impkossible
to examine fully the Respondent’s actions at the Bucharest Summit in
light of the object and purpose of the Interim Accord. If conducted, howk ‑
ever, such an examination would inevitably have to address the “diffker ‑
ence” under Article 5, paragraph 1, thereby going beyond the jurisdiction

of the Court.

The Court confines its examination to the act of objection by the
Respondent to the Applicant’s membership in NATO. In doing so, it
isolates Article 11, paragraph 1, from the context of the treaty as a

whole, and from its object and purpose.
The intrinsic links between Article 11, paragraph 1, and the final settle ‑
ment of the name dispute, the subject‑matter of Article 5, paragraph 1, is
unmistakeably confirmed by mr. Nimetz, the Special Envoy of the United
Nations Secretary‑general, who was responsible for mediating the bilat ‑

eral talks on the name issue for many years. In 2007, following an objeck‑
tion by the Respondent to the use of the Applicant’s constitutional nkame
by the president of the general Assembly, who happened to be a national
of the Applicant, mr. Nimetz was asked for his opinion on the incident.
In reply, he made the remark that “what happened in the general Assem ‑

bly yesterday demonstrates why a permanent solution is needed”. This kis
telling. What seems to be purely a question of Article 11, paragraph 1,
concerning the use of the Applicant’s name in an international organikza ‑
tion, cannot be examined in isolation. Article 11, paragraph 1, cannot be
separated from Article 5, paragraph 1, when the settlement of the final
name is involved. Indeed, in my view, paragraphs 133‑138 of the Judg ‑

ment touch on matters falling under Article 5, paragraph 1, of the Interim
Accord.

II. Judicial propriety

Even if, by a strict interpretation of Article 21, paragraph 2, the Court
finds that it has jurisdiction in the case, in my view there are stillk good

reasons for the Court to refrain from exercising it, since it bears on tkhe
question of judicial propriety. As the Court pointed out in the Northern
Cameroons case, even if the Court, “when seised, finds that it has jurisdic ‑
tion, the Court is not compelled in every case to exercise that jurisdicktion.
There are inherent limitations on the exercise of the judicial function k
which the Court, as a court of justice, can never ignore.” (Northern Cam ‑

eroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1963, p. 29.)

76

5 CIJ1026.indb 148 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 716

organisation internationale. Cette question demandait à être apprékciée
par la Cour aux fins de déterminer si elle relevait ou non de sa compé ‑

tence; autrement dit, si elle entrait dans le champ du paragraphe 1 de
l’article 11, ou du paragraphe 1 de l’article 5. En la présente espèce, il était
impossible, sans se pencher sur la question de la « double formule», d’ap ‑
précier pleinement les actes du défendeur au sommet de Bucarest, àk la
lumière de l’objet et du but de l’accord intérimaire. Or, pakreille apprécia ‑

tion, si elle avait été effectuée, aurait immanquablement conkduit la Cour
à examiner la « divergence» au sens du paragraphe 1 de l’article 5, et,
partant, à outrepasser sa compétence.
Aussi la Cour a‑t‑elle limité son examen au fait que le défendeur s’est
opposé à l’admission du demandeur à l’OTAN. Ce faisant, elle a isolé le
paragraphe 1 de l’article 11 du contexte de l’accord dans son ensemble,

ainsi que de son objet et de son but.
Les liens intrinsèques entre le paragraphe 1 de l’article 11 et le règle ‑
ment définitif du différend relatif au nom, qui fait l’objekt du paragraphe 1
de l’article 5, ont pourtant été clairement confirmés par m. Nimetz, l’en ‑
voyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation dkes Nations Unies,

qui a, de nombreuses années durant, été chargé de jouer le rkôle de média ‑
teur dans le cadre des pourparlers bilatéraux sur la question du nom.k
En 2007, après que le défendeur eut élevé des objections à lk’emploi du
nom constitutionnel du demandeur par le président de l’Assembléke géné ‑
rale, qui se trouvait être un national du demandeur, il a été dkemandé à

m. Nimetz d’exprimer son avis sur cet incident. Sa réponse a éték la sui ‑
vante: « ce qui s’est produit hier à l’Assemblée générale est lka preuve
qu’une solution permanente est nécessaire ». Cela en dit long sur le fait
que ce qui semble être une question relevant uniquement du paragraphek 1
de l’article 11 et se rapportant à l’emploi du nom du demandeur dans une
organisation internationale ne saurait être examiné isolément. kLorsque est

en cause le règlement de la question du nom définitif, cette diskposition ne
peut être dissociée du paragraphe 1 de l’article 5. Or, selon moi, les para ‑
graphes 133‑138 de l’arrêt ont trait à des questions qui entrent dans lke
champ du paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord intérimaire.

II. L’opportunité judicikaire

même si, sur la base d’une interprétation stricte du paragraphe 2 de l’ar ‑
ticle 21, la Cour a conclu qu’elle avait compétence en l’espèce, ukn certain

nombre de raisons relevant de l’opportunité judiciaire auraient nékanmoins,
à mon sens, dû la conduire à ne pas exercer cette compétencek. Ainsi qu’elle
l’a précisé dans l’affaire du Cameroun septentrional, même si la Cour, «une
fois saisie, estime avoir compétence, [elle] n’est pas toujours cokntrainte
d’exercer cette compétence. Il y a des limitations inhérentes àk l’exercice de
la fonction judiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours tenir

compte. » (Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume‑Uni), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 29.)

76

5 CIJ1026.indb 149 20/06/13 08:42 717 application of interkim accord (diss. op. xuke)

I agree with the Court’s position that the issue before it is not whekther
NATO’s decision may be attributed to the Respondent, but rather

whether the Respondent has breached its obligation under the Interim
Accord as a result of its own conduct. The Court’s decision to pronouknce
only on the lawfulness of the single act of the Respondent, and to rejeckt
all the other submissions of the Applicant, renders the Judgment devoid k
of any effect on NATO’s decision to defer its invitation to the Appklicant

to become a member of NATO. In its reasoning for this decision, the
Court relies on two considerations, among others. First, it gives a narrkow
construction of the Applicant’s request. It states in paragraph 50 of the
Judgment that: “The Applicant is not requesting the Court to reverse
NATO’s decision in the Bucharest Summit or to modify the conditions
for membership in the Alliance.” Notwithstanding that statement, the

Applicant, in its third submission, makes it clear that it is requestingk the
Court to

“order that the Respondent immediately take all necessary steps to
comply with its obligations under Article 11, paragraph 1, of the
Interim Accord, and to cease and desist from objecting in any way,
whether directly or indirectly, to the Applicant’s membership of the
North Atlantic Treaty Organization . . .”.

From the proceedings, it is evident to the Court that the Applicant’sk

major concern relates to NATO’s decision of “no settlement, no invkita ‑
tion”. As far as the Applicant’s membership in NATO is concerned, kwith
NATO’s decision unchanged, there are only two possible ways for the
Applicant to regain its status as a candidate for NATO: one is the settlke ‑
ment of the name issue between the parties; the other is a reversal of
NATO’s decision. The Court’s declaratory Judgment is apparently

intended to eschew the latter.

The second consideration is a general one with regard to declaratory
judgments. As the Court explained in the Navigational and Related Rights
case, “[a]s a general rule, there is no reason to suppose that a State whose

act or conduct has been declared wrongful by the Court will repeat that k
act or conduct in the future, since its good faith must be presumed” k
(Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v.
Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 267, para. 150). Therefore,
the Court does not consider it necessary to order the Respondent, as

requested in the Applicant’s third submission, to refrain from any fukture
conduct that violates its obligation under Article 11, paragraph 1, of the
Interim Accord. Its pronouncement that the Respondent has breached its
obligation constitutes appropriate satisfaction.

With regard to declaratory judgments, the Court states in its jurispru ‑

dence that such a judgment serves to ensure “recognition of a situatikon at
law, once and for all and with binding force as between the parties; so

77

5 CIJ1026.indb 150 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 717

Je souscris à la position de la Cour selon laquelle la question qui lkui était
posée n’était pas de savoir si la décision de l’OTAN pouvkait être attribuée

au défendeur, mais était de savoir si celui‑ci avait, par son propkre compor ‑
tement, manqué à l’obligation que lui impose l’accord intérimaire. La déc‑i
sion de la Cour de se prononcer uniquement sur la licéité de l’kopposition
du défendeur et de rejeter le surplus des conclusions du demandeur a ktou ‑
tefois pour conséquence que l’arrêt est dépourvu de tout effket sur la déci‑

sion de l’OTAN de différer le moment où le demandeur sera invkité à
devenir membre de l’Organisation. pour parvenir à cette décision, la Cour
s’est notamment fondée sur deux éléments. premièrement, elle a interprété
de manière restrictive la demande présentée par le demandeur. Akinsi est‑il
indiqué au paragraphe 50 de l’arrêt que « [l]e demandeur ne demande pas
à la Cour d’annuler la décision que l’OTAN a prise au sommetk de Buca ‑

rest ou de modifier les conditions d’adhésion à l’Alliance ». Or, dans son
troisième chef de conclusions, le demandeur priait clairement la Courk

«d’ordonner au défendeur de prendre immédiatement toutes les
mesures nécessaires afin que celui‑ci respecte les obligations que klui
impose le paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire et de
mettre fin et de renoncer à toute forme d’opposition, directe ouk indi ‑
recte, à l’admission du demandeur à l’Organisation du traiték de l’At‑

lantique Nord… ».
L’instance a clairement révélé à la Cour que la préocckupation princi ‑

pale du demandeur portait sur la décision de l’OTAN, qui peut être résu ‑
mée par la formule : « pas de règlement, pas d’invitation ». En ce qui
concerne l’admission du demandeur à l’OTAN, le fait que cette dkécision
demeure inchangée ne laisse à celui‑ci que deux possibilités pokur recou ‑
vrer son statut de candidat : le règlement par les parties de la question
relative au nom ou une annulation de la décision de l’Organisationk. Or, le

jugement déclaratoire de la Cour vise, semble‑t‑il, à exclure cettke dernière
possibilité.
Le second élément a trait aux jugements déclaratoires d’une kmanière
générale. Ainsi que la Cour l’a précisé en l’affairek du Différend relatif à des
droits de navigation et des droits connexes, « [e]n règle générale, il n’y a pas

lieu de supposer que l’Etat dont un acte ou un comportement a éték dé‑
claré illicite par la Cour répétera à l’avenir cet acte ou ce comportement,
puisque sa bonne foi doit être présumée » (Différend relatif à des droits de
navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, p. 267, par. 150). C’est pourquoi la Cour n’a pas jugé

nécessaire d’ordonner au défendeur, comme le demandeur l’en kpriait dans
son troisième chef de conclusions, de s’abstenir à l’avenir kde toute action
contraire à l’obligation que lui impose le paragraphe 1 de l’article 11 de
l’accord intérimaire, estimant que son prononcé à l’effket que le défendeur
a manqué à ladite obligation constituait une satisfaction approprikée.
Au sujet des jugements déclaratoires, la Cour a eu l’occasion de pkréciser

qu’ils étaient destinés à faire « reconnaître une situation de droit une fois
pour toutes et avec effet obligatoire entre les parties, en sorte que la situa‑

77

5 CIJ1026.indb 151 20/06/13 08:42 718 application of interkim accord (diss. op. xuke)

that the legal position thus established cannot again be called in questkion
in so far as the legal effects ensuing therefrom are concerned” (Interpreta ‑

tion of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judgment No. 11,
1927, P.C.I.J., Series A, No. 13, p. 20). In the present case, it is doubtful
that such a judgment would be able to fulfil that goal. In so far as NkATO’s
decision remains valid, the Court’s decision will have no practical effect
on the future conduct of the parties with respect to the Applicant’s mem ‑

bership in that organization. In the Northern Cameroons case, the Court
stated that its decision “must have some practical consequence in thek
sense that it can affect existing legal rights or obligations of the pkarties,
thus removing uncertainty from their legal relations” (case concernikng the
Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objec ‑

tions, Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 34). That requirement does not
seem to have been met in the present case.
The above point leads me to a second aspect of the judicial function in
the settlement of international disputes, namely, the potential effectk of the
Judgment on the negotiation process between the parties. By virtue of the

Bucharest declaration, the parties’ obligations in respect of the Appli ‑
cant’s application to and membership in NATO are no longer the same aks
those under Article 11, paragraph 1, of the Interim Accord. In refraining
from granting the additional remedies requested by the Applicant, the
Court is apparently aware of the potential effect of its Judgment on tkhe

negotiation process. Even so, the Court’s decision is still likely tok be used
by the parties to harden their positions in the negotiations.

Referring to the name issue, mr. Nimetz pointed out in a press confer ‑
ence, following a meeting with the negotiators of the two parties on the

name issue in march 2008, “it’s a very important question for the
region . . . it affects the people of both countries and has a deep his ‑
tory . . . it’s a very deep issue and a serious issue”. The Court could notk
have failed to observe that an essential aspect of the case is that bothk par ‑
ties should negotiate and act in good faith, and that the current state kof

affairs should not jeopardize the negotiation process. Under the Interkim
Accord, and as also required by the Security Council resolutions, the par‑
ties committed themselves to finding a solution to this name differeknce in
a speedy manner. The imposition of a solution by a third party, or any
direct or indirect involvement, even from this Court, is undesirable in kthis

regard. As the Court pointed out long ago,

“the judicial settlement of international disputes, with a view to whkich
the Court has been established, is simply an alternative to the direct
and friendly settlement of such disputes between the parties; as con ‑
sequently it is for the Court to facilitate, so far as is compatible witkh
its Statute, such direct and friendly settlement” (case of the Free Zones

of Upper Savoy and the District of Gex, Order of 19 August 1929,
P.C.I.J., Series A, No. 22, p. 13).

78

5 CIJ1026.indb 152 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 718

tion juridique ainsi fixée ne puisse plus être mise en discussiokn, pour ce qui
est des conséquences juridiques qui en découlent» (Interprétation des arrêts
n 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 20).
En la présente espèce, il est toutefois douteux que cet objectif pkuisse être
atteint au moyen d’un tel jugement. dès lors que la décision de l’OTAN

demeure valide, l’arrêt de la Cour n’aura aucun effet pratiquke sur le com‑
portement futur des parties en ce qui concerne l’admission du demandeur à
cette organisation. Or, dans l’affaire du Cameroun septentrional, la Cour a
précisé que sa décision « doit avoir des conséquences pratiques en ce sens

qu’[elle] doit pouvoir affecter les droits ou obligations juridiqueks existants
des parties, dissipant ainsi toute incertitude dans leurs relations jurikdiques
(affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume‑Uni), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil 1963, p. 34). Il ne semble pas qu’il ait été

satisfait à ce critère en la présente espèce.
L’observation qui précède me conduit à aborder un second aspkect de la
fonction judiciaire en matière de règlement des différends internationaux,
à savoir l’incidence éventuelle du présent arrêt sur le processus de négo ‑
ciation entre les parties. En vertu de la déclaration de Bucarest, les obli ‑

gations des parties relativement à l’admission et à la participation du
demandeur à l’OTAN ne sont plus les mêmes qu’aux termes du pkara ‑
graphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire. La Cour, qui a décidé de
ne pas faire droit aux autres réparations sollicitées par le demankdeur,

semble être consciente des conséquences que son arrêt pourrait kavoir sur
le processus de négociation. Il reste que cette décision peut êktre utilisée
par les parties pour durcir leurs positions dans les négociations.
Se référant à la question du nom, m. Nimetz a, lors d’une conférence

de presse qui faisait suite à une réunion avec les négociateursk des deux
parties tenue à ce sujet en mars 2008, précisé qu’«il s’agi[ssait] d’une ques‑
tion très importante pour la région … elle affecte la population des deux
pays et est profondément enracinée dans l’histoire … c’est un problème
ancestral, fort délicat ». La Cour n’a pas pu manquer de relever qu’un

aspect essentiel de la présente espèce était que les deux parties devaient
négocier et agir de bonne foi, et que l’état de fait existant nke devait pas
mettre en péril le processus de négociation. Aux termes de l’ackcord intéri‑
maire, ainsi que des résolutions du Conseil de sécurité, les parties se sont

engagées à trouver une solution rapide à cette divergence au sukjet du
nom. A cet égard, toute solution imposée par un tiers ou toute interven ‑
tion — directe ou indirecte — d’un tiers, fût‑ce la Cour, n’est pas souhai ‑
table. Ainsi que celle‑ci l’a précisé il y a fort longtemps,

«le règlement judiciaire des conflits internationaux, en vue duquel
la Cour est instituée, n’est qu’un succédané au règlementk direct et

amiable de ces conflits entre les parties ; … dès lors, il appartient à la
Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son Statut,
pareil règlement direct et amiable » (affaire des Zones franches de la
Haute‑Savoie et du Pays de Gex, ordonnance du 19 août 1929, C.P.J.I.
o
série A n 22, p. 13).

78

5 CIJ1026.indb 153 20/06/13 08:42 719 application of interkim accord (diss. op. xuke)

While a speedy settlement of the name issue serves the best interests of
both parties, this judicial exercise, in my view, might render a service

which is not conducive to the achievement of this objective.

(Signed) Xue Hanqin.

79

5 CIJ1026.indb 154 20/06/13 08:42 application d’accorkd intérimaire (op. disks. xue) 719

Alors qu’un règlement rapide de la question du nom est dans l’ikntérêt
des deux parties, l’exercice, par la Cour, de sa compétence judiciaire en lak

présente espèce risque, selon moi, de se révéler peu propicek à la réalisation
de cet objectif.

(Signé) Xue Hanqin.

79

5 CIJ1026.indb 155 20/06/13 08:42

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de Mme le juge Xue

Links