Opinion individuelle de M. le juge Skotnikov

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118-20150203-JUD-01-04-EN
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194

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

Compétence

1. Selon le paragraphe 129 de l’arrêt de 2008 (Application de la conven‑
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (▯Croatie

c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 460), la
Cour était censée procéder à un examen au fond avant de se phrononcer
sur les deux « questions indissociables » qu’étaient la compétence et la
1
recevabilité . Or, dans le présent arrêt, la Cour s’est prononcée sur sa h
compétence sans avoir examiné un quelconque élément de fond het en tra-i
tant séparément la question de la recevabilité. Je suis d’achcord avec cette

démarche. Il ressort en effet clairement de la jurisprudence bien éhtablie de
la Cour que les questions de compétence et de recevabilité sont mahnifes -
tement dissociables et que celle de la compétence doit être, et a htoujours

été, examinée d’abord. En second lieu, la Cour pouvait, dansh la présente
affaire, se prononcer sur sa compétence sans aborder le fond. En fait, elle
n’a invoqué dans l’arrêt aucun élément de fond pour seh déclarer compé -
tente. Il me semble également utile de noter que, en choisissant cette

démarche, la Cour a clairement manifesté que la question de l’attribution
selon les règles générales de la responsabilité de l’Etath ne pouvait être
confondue ni conjuguée avec celle de la compétence fondée sur lhe consen -
2
tement .
2. Bien que je souscrive à la démarche générale suivie par la Chour
à l’égard du paragraphe 129 de son arrêt de 2008, je ne puis m’associer à

1 Le paragraphe 129 de l’arrêt de 2008 se lit comme suit :

«De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilihté soulevées
par l’exception préliminaireatione temporis de la Serbie constituent, en la présente
affaire, deux questions indissociables. La première est celle de savoir si la Cour a
compétence pour déterminer si des violations de la convention sur hle génocide ont été
commises, à la lumière des faits antérieurs à la date à lhaquelle la RFY a commencé à
exister en tant qu’Etat distinct, ayant à ce titre la capacité hd’être partie à cet instru -
ment ; cela revient à se demander si les obligations en vertu de la Conventhion étaient
opposables à la RFY antérieurement au 27 avril 1992. La seconde question, qui porte
sur la recevabilité de la demande concernant ces faits, et qui a traiht à l’attribution,
est celle des conséquences à tirer quant à la responsabilitéh de la RFY à raison desdits

faits en vertu des règles générales de la responsabilité de hPour que la Cour
puisse se prononcer sur chacune de ces questions, elle devra disposer deh davantage
d’éléments.»
2 Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de génocide

(Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, opinion dissidente
de M. le juge Skotnikov, p. 547-548, par. 4.

195

7 CIJ1077.indb 387 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 195

sa conclusion sur la compétence. Au paragraphe 117 de l’arrêt, elle dit
que,

«[a]yant conclu dans son arrêt de 2008 que le présent différend rhele-
vait de l’article IX de la convention sur le génocide dans la mesure où
il se rapporte à des actes supposés avoir été commis aprèhs le

27 avril 1992, la Cour en vient à présent à la conclusion que le difféh-
rend entre également dans le champ dudit article dans la mesure où
il se rapporte à des actes qui seraient antérieurs à cette dateh [la date
à laquelle la RFY a commencé à exister], et qu’elle a compéhtence
3
pour connaître de la demande de la Croatie dans son ensemble » .
Toutefois, il ne suffit pas pour établir la compétence qu’il yh ait entre les

parties un différend relevant de l’article IX. L’existence d’un différend est
certes un élément indispensable de la compétence, mais, comme lha Cour
l’a dit à d’innombrables reprises, c’est le principe fondamehntal du consen -
tement qui forme l’assise de la compétence. L’arrêt fait comhplètement

abstraction de la question du consentement en confondant compétence et
droit applicable. Le paragraphe 115 du présent arrêt invoque le para -
graphe 149 de l’arrêt de 2007 en l’affaire de l’Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosn▯ie ‑Herzégo‑

vine c. Serbie‑et‑Monténégro) (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 105), même si le
paragraphe en question traitait du droit applicable en dehors de la
convention sur le génocide. Il y a certes là une question dont la hCour doit
s’occuper une fois qu’elle a établi sa compétence. C’est d’ailleurs précisé -

ment ce qu’elle fait dans le présent arrêt ; ayant conclu — erronément
selon moi — qu’elle a compétence, la Cour formule, au paragraphe 125,
un énoncé identique en substance à celui du paragraphe 149 de l’arrêt

de 2007, affirmant notamment que
«[e]n se prononçant sur des différends relatifs à l’interprétation, à

l’application ou à l’exécution de la Convention, y compris la respon -
sabilité d’un Etat en matière de génocide, la Cour s’appuie sur la
Convention mais également sur les autres règles pertinentes du drohit
international, en particulier celles régissant l’interprétation des trai -

tés et la responsabilité de l’Etat pour fait internationalementh illicite ».

3
La Cour, lorsqu’elle a examiné dans son arrêt de 2008 la premièhre exception préli -
minaire de la Serbie, s’est penchée non pas sur la question de savhoir si le différend entrait
dans le champ d’application de l’article IX de la convention sur le génocide, mais sur celle
de savoir si la Croatie avait légitimement introduit une instance conhtre la Serbie, confor -
mément à l’article 35 du Statut de la Cour, étant donné qu’elle n’était pas hmembre des
Nations Unies à la date du dépôt de la requête (Application de la convention pour la préven‑
tion et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2008 , p. 429-444, par. 57-92) et sur la question de savoir si la Serbie était
partie à la convention sur le génocide à cette même date (ibid.-455, par. 93-117). La
troisième exception préliminaire de la Serbie concernait la questihon de savoir si certaines
demandes de la Croatie, relatives à la traduction en justice de certahines personnes, à des
renseignements sur le sort des personnes portées disparues et à lah restitution de biens cult-u
rels, étaient devenues sans objet (ibid., p. 460-465, par. 131-144).

196

7 CIJ1077.indb 389 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 196

Cependant, déterminer le droit qui serait applicable si la Cour avaith com-
pétence ne saurait tenir lieu de décision sur la question de savoihr si la Cour
a effectivement compétence en vertu de l’article IX de la convention sur le
génocide. Dans le présent arrêt, la tâche qui incombait àh la Cour était

soit de déterminer par quel mécanisme juridique la RFY avait assumé lesh
obligations découlant de la convention sur le génocide avant d’avoir com -
mencé à exister, soit d’établir qu’aucun mécanisme jurhidique de cette
nature n’existait.
3. En fin de compte, la Cour ne fait ni l’un ni l’autre. Elle se cohntente

de laisser entendre que des obligations découlant de la convention suhr le
génocide pouvaient être opposables à la RFY pour des actes antéhrieurs au
27 avril 1992 en vertu, comme le soutenait la Croatie, de la succession de
la responsabilité. Elle transforme ensuite cette question préliminhaire en
question de fond (voir arrêt, par. 117), puis se demande si des actes
contraires à la convention sur le génocide ont été commis avhant le

27 avril 1992. Ayant conclu par la négative, la Cour ne revient plus à la
question de la succession de la responsabilité.
4. Si elle avait traité cette question comme préliminaire, ainsi qu’helle
aurait dû le faire, la Cour, pour établir le consentement de la Sehrbie à sa
compétence, aurait eu à démontrer que la doctrine de la successhion de la

responsabilité faisait partie du droit international général auh moment de
la succession de la Serbie à l’égard de la convention sur le géhnocide le
27 avril 1992. C’eût été, bien entendu, une entreprise impossible, vuh que
pareille hypothèse n’est en rien étayée par la jurisprudenceh de la Cour ou
par la pratique des Etats.
5. De plus, la Cour a clairement indiqué qu’elle était encline à rejeter la

notion de succession de la responsabilité lorsqu’elle a décidéh, tant dans son
arrêt de 2007 en l’affaire bosniaque que dans son arrêt de 2008 sur les
exceptions préliminaires dans la présente espèce, que le Montéhnégro, Etat
successeur de la Serbie -et-Monténégro (prédécesseur de la RFY), n’avait
pas consenti à la compétence de la Cour et ne pouvait donc êtreh défen -
deur dans ces affaires (Application de la convention pour la prévention et

la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I) , p.75-76, par. 75-77; Applica‑
tion de la convention pour la prévention et la répression du crime▯ de génocide
(Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008,
p. 423, par. 32-33). De même, la RFY (Serbie actuelle) était un Etat suc -

cesseur de la RFSY. Comme le Monténégro à l’égard de la chommu -
nauté étatique de Serbie -et-Monténégro, la Serbie n’a pas hérité du
droit à la personnalité juridique internationale de la RFSY. Comme le
Monténégro encore, elle n’a pas, dans la présente affaire, ashsumé la
responsabilité de la conduite de l’Etat qui l’a précédéhe et n’a donc pas
consenti à la compétence de la Cour à l’égard de cet Etath. Malgré cela, la

Cour formule sans y voir aucun problème de compétence les questions
ci-après, qu’elle estime devoir examiner pour déterminer si la Serhbie peut
être tenue responsable des violations alléguées de la conventiohn sur le
génocide :

197

7 CIJ1077.indb 391 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 197

«1) si les actes [antérieurs à la date à laquelle la RFY a commencéh à
exister] allégués par la Croatie ont été commis et, le cas éhchéant,
s’ils contrevenaient à la Convention ;

2) dans l’affirmative, si ces actes étaient attribuables à la RFShY au
moment où ils ont été commis et ont engagé la responsabilitéh de
cette dernière ; et
3) à supposer que la responsabilité de la RFSY ait été engagéhe, si la

RFY a succédé à cette responsabilité » (arrêt, par. 112).
Le fait que la Cour se borne à répondre à la première questihon ne rend

pas cette « solution en trois étapes » plus acceptable. Je ne vois pas com -
ment ce raisonnement peut être justifié par l’observation d’hévidence
que fait la Cour, à savoir que la RFSY, dont elle se propose de détermhi -
ner la responsabilité ou l’absence de responsabilité, « a cessé d’exister … [,]
n’est plus titulaire d’aucun droit et n’a plus la capacité de donner ou de

refuser de donner son consentement à la compétence de la Cour » (ibid.,
par. 116).
6. En 2008, la Cour avait dit :

« [l]a première [question] est celle de savoir si la Cour a compétenhce
pour déterminer si des violations de la convention sur le génocideh ont
été commises, à la lumière des faits antérieurs à la date à laquelle la
RFY a commencé à exister en tant qu’Etat distinct, ayant à che titre

la capacité d’être partie à cet instrument ; cela revient à se demander
si les obligations en vertu de la Convention étaient opposables à la RFY
antérieurement au 27 avril 1992» (Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 460, par. 129 ;

les italiques sont de moi).
En 2015, la Cour, tout simplement, se dispense de cet examen qui lui parhais -

sait pourtant indispensable en 2008 pour traiter la question de la compé -
tence soulevée par la Serbie dans sa deuxième exception préliminaire. La
Cour faillit ainsi au devoir qui lui incombe de s’assurer de sa compéhtence
(voir, par exemple, Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Ita ‑

lie; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 118, par. 40).
7. Enfin, avant de passer au fond, je note ce qui suit : en 2004, dans les
affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force, la Cour a jugé que la
RFY n’avait pas qualité pour ester devant elle, étant devenue Mhembre de
l’Organisation des Nations Unies le 1 ernovembre 2000 et n’étant donc pas

partie au Statut de la Cour internationale de Justice le 29 avril 1999, date
du dépôt des requêtes (voir, par exemple, Licéité de l’emploi de la force
(Serbie‑et‑Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 310-311, par. 78-79). En 2007, en l’affaire Bosnie Her ‑
zégovine c. Serbie‑et‑Monténégro, la Cour a dit que, avant de statuer sur sa

compétence dans son arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires, elle
avait « nécessairement … [,] en toute logique », dû considérer la question
de la qualité de la RFY pour se présenter devant elle, même si ledit arrêt

198

7 CIJ1077.indb 393 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 198

ne contenait aucune mention à cet effet (Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Her ▯ zégovine

c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 98-102,
par. 132-140). Il ne peut y avoir qu’une seule interprétation « nécessaire»
de cette « logique» de 2007 : en 1996, la RFY était, aux yeux de la Cour,
un Etat partie au Statut de la Cour et un Etat Membre de l’Organisatihon

des Nations Unies à la date du dépôt de la requête introductive d’inshtance
pertinente, soit le 20 mars 1993 5. Dans son arrêt de 2008 sur les exceptions
préliminaires en la présente affaire, une idée nouvelle était avancée : peu
importait que la Cour n’ait été ouverte à la RFY qu’à hpartir du
er
1 novembre 2000, date de son admission à l’Organisation des
Nations Unies (Application de la convention pour la prévention et la répres‑
sion du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 444, par. 91), puisque la Croatie aurait sim -
plement pu déposer à nouveau sa requête du 2 juillet 1999 après le
1er novembre 2000 (ibid., p. 429-444, par. 57-92) . En d’autres termes, ce
qui était un obstacle insurmontable à la compétence de la Cour hdans les

affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force est devenu une question
de procédure mineure dans la présente affaire.
8. Ainsi, en examinant les affaires susmentionnées, issues d’événements

liés à la dissolution de la RFSY, la Cour a créé au moins trhois « univers
parallèles ». Dans l’un, la RFY n’était pas membre de l’Organisationh des
Nations Unies avant le 1 ernovembre 2000 (arrêt de 2004 sur les excep -
tions préliminaires, Licéité de l’emploi de la force). Dans le second, la

RFY était Membre de l’Organisation des Nations Unies bien avant cette
date (voir l’arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro ). Dans le troisième univers, l’appartenance de la RFY aux

Nations Unies à la date d’introduction de l’instance, ou plutôt, sa non -
appartenance, n’a aucune conséquence (voir l’arrêt de 2008 hsur les excep -
tions préliminaires, Croatie c. Serbie). En 2015, dans le présent arrêt, un
quatrième « univers parallèle», très particulier, a fait son apparition — un

univers où la Cour suspend son jugement sur la question de savoir si hla
RFY a pu être liée par des obligations découlant de la conventihon sur le
génocide avant de commencer à exister en tant qu’Etat ; cela n’empêche

cependant pas la Cour de se prononcer sur la partie de la demande de la
Croatie qui concerne la période pendant laquelle la RFY n’existaith pas.

4 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de géno ‑
cide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), déclara-
tion de M. le juge Skotnikov, p. 366-367.
5 Il ressort clairement des arrêts dans les affaires relativeLicéité de l’emploi

de la force que la Cour n’a examiné la question de la situation de la Serbie hvis-à-vis de
l’Organisation des Nations Unies pour la première fois qu’en 2004 (voir Licéité de
l’emploide la force (Serbie‑et‑Monténégro cBelgique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 310-311, par. 79).
6 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de géno ‑
cide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, opinion dissi -
dente de M. le juge Skotnikov, p. 546, par. 1.

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7 CIJ1077.indb 395 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 199

9. Je ne puis que me dire soulagé que le présent arrêt constitue lhe cha-
pitre final de cette étrange et passablement tortueuse succession dhe curieuses

constructions sur la compétence qui, pour reprendre les mots employéhs par
la Cour dans un contexte différent mais connexe, «ne laisse pas de susciter
des difficultés juridiques» (Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Yougoslavie
(Serbie‑et‑Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance dua8vril 1993,

C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 18; Application de la convention pour la pré‑
vention et la répression du crime de génocide (Bosnie ‑Herzégovine c. Serbie‑
et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 97-98, par. 130-131).

Fond

10. Je maintiens le point de vue que j’ai exprimé dans ma déclaratihon
jointe à l’arrêt de 2007, à savoir que rien dans l’article IX de la convention

sur le génocide ne donne à penser que la Cour ait le droit d’alhler a -uelà du
règlement de différends concernant la responsabilité de l’Etaht en matière de
génocide et autres actes énumérés en son article III 7. Quant à savoir si le
crime de génocide ou d’autres actes visés à l’article III ont été commis, le
rôle de la Cour est limité par son défaut de compétence en mhatière pénale.

Pour cette raison, la Cour, par exemple, n’a pas capacité pour éhtablir l’ex -is
tence d’une intention génocidaire, car la convention sur le génhocide ne traite
de l’intention génocidaire que dans le contexte d’une procédure pénale, en
tant qu’élément psychologique nécessaire du crime de génohcide et d’autres
actes contraires à la Convention. L’intention génocidaire peut hcertes être

déduite d’un ensemble d’événements dénotant un certainh comportement,
mais pareille déduction demeure la prérogative d’un tribunal péhnal compé -
tent (le TPIY en l’occurrence). Le rôle de la Cour consiste à déterminer s’il
a été suffisamment démontré que des actes proscrits par la hconvention sur le
génocide ont été commis (voir le paragraphe14 ci-après). Lorsqu’elle a éta-

bli ce fait, la Cour doit alors poursuivre sa principale tâche, qui ehst d’exa-mi
ner la question de la responsabilité de l’Etat en matière de géhnocide.
11. Dans le présent arrêt, bien sûr, la Cour n’en vient jamais àh cette
question, puisqu’elle conclut qu’il n’y a pas eu de génocideh ni d’autres

actes visés à l’article III de la Convention. Je suis d’accord avec cette
conclusion, mais j’ai des doutes sur la manière dont la Cour y esth parve -
nue.
12. Lorsqu’elle se penche sur l’existence ou la non -existence de l’élé -
ment matériel (actus reus) et de l’intention spécifique (dolus specialis) du

crime de génocide, la Cour aborde des questions pour lesquelles elle hest
mal outillée. Il est curieux que, dans les parties de l’arrêt chonsacrées à
l’examen au fond de la demande principale et de la demande reconven -

7 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de géno ‑
cide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), déclara-
tion de M. le juge Skotnikov, p. 370-375.

200

7 CIJ1077.indb 397 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 200

tionnelle, il soit question du génocide plutôt que du crime de génocide. En
essayant ainsi de contourner le fait que le défaut de compétence dhe la

Cour en matière pénale, on ne saurait bien entendu « décriminaliser» le
génocide, qui reste un crime au regard de la convention sur le génhocide.
Certes, à propos de la responsabilité de l’Etat en matière dhe génocide, la
clause compromissoire de la Convention — l’article IX — ne contient pas

le terme « crime». Cependant, ce choix rédactionnel ne transforme certai -
nement par la « convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide » en quelque chose d’autre. Il indique plutôt qu’il est bienh
entendu que les Etats ne peuvent être tenus pénalement responsablehs.

13. En même temps, il est indéniable que les Etats peuvent être tenhus
responsables de génocide par le mécanisme d’attribution comme, hen géné -
ral, chaque fois que le droit international érige un acte en crime, uhn Etat
peut être tenu responsable si cet acte criminel est commis par des pehr -

sonnes dont le comportement est susceptible d’engager sa responsabilité.
Les règles relatives à la responsabilité de l’Etat à cet hégard sont assez
claires. Elles sont d’ailleurs citées comme droit applicable dans hle présent
8
arrêt (voir le paragraphe 125) .
14. Dans la présente affaire, pour déterminer si le crime de génocidhe et
d’autres actes énumérés à l’article III de la convention sur le génocide ont
été commis, la Cour, au lieu d’insister sur la capacité de mhener sa propre

enquête, aurait pu se borner à prendre acte de l’issue des procès qui ont
eu lieu devant le TPIY. Ces procès, certes, n’ont jamais porté sur des
accusations de génocide à l’égard d’événements survhenus en Croatie. Je
crois utile de rappeler ici que la Cour a reconnu que le TPIY était uhn tri-

bunal pénal international au sens de l’article VI de la convention sur le
génocide (Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 227, par. 445). Ainsi, dans la présente instance,

comme en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro, la Cour
était dans une situation « idéale», car, depuis maintenant près d’un quart
de siècle, il existe un tribunal pénal international ayant compéhtence à
l’égard de la région concernée et des Etats en cause 9. En fait, dans les

deux affaires, la Cour, pour déterminer si le crime de génocide et hd’autres

8
Heureusement, dans le présent arrêt, la Cour ne reprend pas la nothion assez artificielle
et inutile qu’elle avait retenue dans l’arrêt de 2007, à savoir que des crimes sanctionnés par
la convention sur le génocide pourraient être commis par les Etatsh eu-xmêmes (Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de g▯énocide (Bosnie‑Herzégovine
c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113-114, par. 166-169).
9 Il pourrait, théoriquement, se présenter des cas pour lesquels il n’existerait aucun tribunal
de ce genre mais où, par exemple, les parties conviendraient qu’unh génocide a effectivement été
commis ; des cas aussi où le génocide serait tellement patent qu’il n’hexigerait pas d’élucidation
plus poussée parce qu’il procéderait par exemple de la politiquhe affichée; ou encore
un scénario où les allégations de génocide seraient manifesthement inventées de toutes pièces.
Dans ces circonstances, la Cour pourrait examiner la question de la resphonsabilité de l’Etat,

ou son absence, sans risquer de s’immiscer dans le domaine de la culphabilité pénale. Cepe-n
dant, il vaut mieux laisser de telles hypothèses pour d’autres temhps qui, je l’espère sincèrement,
ne viendront jamais. En d’autres termes, j’espère qu’il ne she présentera jamais de situation qui
conduirait la Cour à examiner la responsabilité d’un Etat pour hun génocide commis par lui.

201

7 CIJ1077.indb 399 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 201

actes énumérés à l’article III de la Convention avaient été commis, s’est
amplement appuyée (plus, en fait qu’elle n’a voulu le reconnaîhtre) sur les
conclusions du TPIY, qu’elle n’a jamais contredites. Aujourd’huhi comme
en 2007, l’invocation de ces conclusions a été décisive lorsque la Cour a

formulé ses conclusions sur la commission d’actes génocidaires.h

(Signé) Leonid Skotnikov.

202

7 CIJ1077.indb 401 18/04/16 08:54

Bilingual Content

194

SEPARATE OPINION OF JUDGE SKOTNIKOV

Jurisdiction

1. According to paragraph 129 of the 2008 Judgment (Application of

the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide▯
(Croatiav. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008 ,
p. 460), the Court needed to assess the merits in order to determine the
1
two “inseparable issues” of jurisdiction and admissibility . Yet, in the
present Judgment, the determination that the Court has jurisdiction is
made prior to examining any element of the merits and is detached from

the issue of admissibility. I agree with this approach. It is clear fromh the
well-established jurisprudence of the Court that the issues of jurisdiction
and admissibility are undoubtedly separable and that jurisdiction must

be, and has always been, decided first. Secondly, the issue of jurisdihction
in the present case can be decided by the Court without examining the
merits. Indeed, the Judgment does not rely on any element of the merits

in order to determine jurisdiction. It is also worth noting that, in adohpt -
ing this approach, the Court makes it clear that the issue of attributiohn
under the general rules of State responsibility may not be conflated ohr
2
combined with the issue of consent -based jurisdiction .

2. While I support the general approach of the Court in dealing with
paragraph 129 of the 2008 Judgment, I am unable to agree with its con -

1
Paragraph 129 of the 2008 Judgment provided as follows :
“In the view of the Court, the questions of jurisdiction and admissibhility raised
by Serbia’s preliminary objection ratione temporis constitute two inseparable issues
in the present case. The first issue is that of the Court’s jurisdihction to determine

whether breaches of the Genocide Convention were committed in the light hof the
facts that occurred prior to the date on which the FRY came into existenhce as a
separate State, capable of being a party in its own right to the Conventhion; this may
be regarded as a question of the applicability of the obligations under hthe Genocide
Convention to the FRY before 27 April 1992. The second issue, that of admissi -
bility of the claim in relation to those facts, and involving questions hof attribution,
concerns the consequences to be drawn with regard to the responsibility hof the FRY
forthose same facts under the general rules of State responsibility. In order to be in
a position to make any findings on each of these issues, the Court wilhl need to have

more elements before it.”
2Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Cr▯ime of Geno ‑
cide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008, dissenting
opinion of Judge Skotnikov, pp. 547-548, para. 4.

195

7 CIJ1077.indb 386 18/04/16 08:54 194

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

Compétence

1. Selon le paragraphe 129 de l’arrêt de 2008 (Application de la conven‑
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (▯Croatie

c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 460), la
Cour était censée procéder à un examen au fond avant de se phrononcer
sur les deux « questions indissociables » qu’étaient la compétence et la
1
recevabilité . Or, dans le présent arrêt, la Cour s’est prononcée sur sa h
compétence sans avoir examiné un quelconque élément de fond het en tra-i
tant séparément la question de la recevabilité. Je suis d’achcord avec cette

démarche. Il ressort en effet clairement de la jurisprudence bien éhtablie de
la Cour que les questions de compétence et de recevabilité sont mahnifes -
tement dissociables et que celle de la compétence doit être, et a htoujours

été, examinée d’abord. En second lieu, la Cour pouvait, dansh la présente
affaire, se prononcer sur sa compétence sans aborder le fond. En fait, elle
n’a invoqué dans l’arrêt aucun élément de fond pour seh déclarer compé -
tente. Il me semble également utile de noter que, en choisissant cette

démarche, la Cour a clairement manifesté que la question de l’attribution
selon les règles générales de la responsabilité de l’Etath ne pouvait être
confondue ni conjuguée avec celle de la compétence fondée sur lhe consen -
2
tement .
2. Bien que je souscrive à la démarche générale suivie par la Chour
à l’égard du paragraphe 129 de son arrêt de 2008, je ne puis m’associer à

1 Le paragraphe 129 de l’arrêt de 2008 se lit comme suit :

«De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilihté soulevées
par l’exception préliminaireatione temporis de la Serbie constituent, en la présente
affaire, deux questions indissociables. La première est celle de savoir si la Cour a
compétence pour déterminer si des violations de la convention sur hle génocide ont été
commises, à la lumière des faits antérieurs à la date à lhaquelle la RFY a commencé à
exister en tant qu’Etat distinct, ayant à ce titre la capacité hd’être partie à cet instru -
ment ; cela revient à se demander si les obligations en vertu de la Conventhion étaient
opposables à la RFY antérieurement au 27 avril 1992. La seconde question, qui porte
sur la recevabilité de la demande concernant ces faits, et qui a traiht à l’attribution,
est celle des conséquences à tirer quant à la responsabilitéh de la RFY à raison desdits

faits en vertu des règles générales de la responsabilité de hPour que la Cour
puisse se prononcer sur chacune de ces questions, elle devra disposer deh davantage
d’éléments.»
2 Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de génocide

(Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, opinion dissidente
de M. le juge Skotnikov, p. 547-548, par. 4.

195

7 CIJ1077.indb 387 18/04/16 08:54 195 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

clusion as to jurisdiction. In paragraph 117 of the Judgment, the Court
states that

“[h]aving concluded in its 2008Judgment that the present dispute falls
within Article IX of the Genocide Convention in so far as it concerns

acts said to have occurred after 27 April 1992, the Court now finds
that, to the extent that the dispute concerns acts said to have occurredh
before that date [the date on which the FRY came into existence], it

also falls within the scope of Article IX and that the Court therefo3e
has jurisdiction to rule upon the entirety of Croatia’s claim” .

However, it is not sufficient that there is a dispute between the Partihes
that falls within the scope of Article IX. The existence of a dispute is a

requisite element of jurisdiction. Yet, as the Court has stated on innumhe-r
able occasions, it is the fundamental principle of consent which forms the
basis of jurisdiction. The Judgment completely disregards the issue of
consent by confusing jurisdiction with applicable law. Paragraph 115 of

the present Judgment seeks to rely on paragraph 149 of the 2007 Judg-
ment in Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Monte ‑

negro) (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 105), even though this latter paragraph
dealt with the identification of the applicable law beyond the Genocidhe
Convention. This is undoubtedly a task which the Court must undertake
once it has established that it has jurisdiction. Indeed, this is precishely

what the Court does in the present Judgment ; having found, erroneously,
in my view, that it has jurisdiction, the Court goes on to make a state -
ment, in paragraph 125, which is identical in substance to that made in

paragraph 149 of the 2007 Judgment, stating, inter alia, that

“[i]n ruling on disputes relating to the interpretation, application hor
fulfilment of the Convention, including those relating to the respon -
sibility of a State for genocide, the Court bases itself on the Conven -
tion, but also on the other relevant rules of international law, in

particular those governing the interpretation of treaties and the
responsibility of States for internationally wrongful acts”.

3 The Court, in its 2008 Judgment, when considering Serbia’s first preliminary objec-
tion, dealt not with the issue of whether the dispute fell within ArIX of the Geno-
cide Convention, but rather with the question of whether Croatia had validly instituted
proceedings against Serbia, in accordance with Articl35 of the Statute of the Court,
given that the latter was not a Member of the United Nations as of the dhate of the filing
of the Application (Application of the Convention on the Prevention and Punishment of

the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia),Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 2008, pp. 429-444, paras. 57-92), and with the question of whether Serbia was
a party to the Genocide Convention at the date of the filing of the Aphplication (ibid.,
pp. 444-455, paras. 93-117). Serbia’s third preliminary objection related to whether certaihn
Croatian claims, concerning the submission of certain persons to trial, hinformation on
missing persons and the return of cultural property, had become moot (ibid., pp. 460-465,
paras. 131-144).

196

7 CIJ1077.indb 388 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 195

sa conclusion sur la compétence. Au paragraphe 117 de l’arrêt, elle dit
que,

«[a]yant conclu dans son arrêt de 2008 que le présent différend rhele-
vait de l’article IX de la convention sur le génocide dans la mesure où
il se rapporte à des actes supposés avoir été commis aprèhs le

27 avril 1992, la Cour en vient à présent à la conclusion que le difféh-
rend entre également dans le champ dudit article dans la mesure où
il se rapporte à des actes qui seraient antérieurs à cette dateh [la date
à laquelle la RFY a commencé à exister], et qu’elle a compéhtence
3
pour connaître de la demande de la Croatie dans son ensemble » .
Toutefois, il ne suffit pas pour établir la compétence qu’il yh ait entre les

parties un différend relevant de l’article IX. L’existence d’un différend est
certes un élément indispensable de la compétence, mais, comme lha Cour
l’a dit à d’innombrables reprises, c’est le principe fondamehntal du consen -
tement qui forme l’assise de la compétence. L’arrêt fait comhplètement

abstraction de la question du consentement en confondant compétence et
droit applicable. Le paragraphe 115 du présent arrêt invoque le para -
graphe 149 de l’arrêt de 2007 en l’affaire de l’Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosn▯ie ‑Herzégo‑

vine c. Serbie‑et‑Monténégro) (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 105), même si le
paragraphe en question traitait du droit applicable en dehors de la
convention sur le génocide. Il y a certes là une question dont la hCour doit
s’occuper une fois qu’elle a établi sa compétence. C’est d’ailleurs précisé -

ment ce qu’elle fait dans le présent arrêt ; ayant conclu — erronément
selon moi — qu’elle a compétence, la Cour formule, au paragraphe 125,
un énoncé identique en substance à celui du paragraphe 149 de l’arrêt

de 2007, affirmant notamment que
«[e]n se prononçant sur des différends relatifs à l’interprétation, à

l’application ou à l’exécution de la Convention, y compris la respon -
sabilité d’un Etat en matière de génocide, la Cour s’appuie sur la
Convention mais également sur les autres règles pertinentes du drohit
international, en particulier celles régissant l’interprétation des trai -

tés et la responsabilité de l’Etat pour fait internationalementh illicite ».

3
La Cour, lorsqu’elle a examiné dans son arrêt de 2008 la premièhre exception préli -
minaire de la Serbie, s’est penchée non pas sur la question de savhoir si le différend entrait
dans le champ d’application de l’article IX de la convention sur le génocide, mais sur celle
de savoir si la Croatie avait légitimement introduit une instance conhtre la Serbie, confor -
mément à l’article 35 du Statut de la Cour, étant donné qu’elle n’était pas hmembre des
Nations Unies à la date du dépôt de la requête (Application de la convention pour la préven‑
tion et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2008 , p. 429-444, par. 57-92) et sur la question de savoir si la Serbie était
partie à la convention sur le génocide à cette même date (ibid.-455, par. 93-117). La
troisième exception préliminaire de la Serbie concernait la questihon de savoir si certaines
demandes de la Croatie, relatives à la traduction en justice de certahines personnes, à des
renseignements sur le sort des personnes portées disparues et à lah restitution de biens cult-u
rels, étaient devenues sans objet (ibid., p. 460-465, par. 131-144).

196

7 CIJ1077.indb 389 18/04/16 08:54 196 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

However, identifying the law which would have been applicable if the
Court had jurisdiction is no substitute for establishing that the Court hhas
jurisdiction under Article IX of the Genocide Convention. The task

before the Court in the present Judgment was either to identify the legal
mechanism by which the FRY assumed obligations under the Genocide
Convention before it came into existence, or to determine that no such
legal mechanism existed.

3. Ultimately, the Court does neither. It merely suggests that obliga -
tions under the Genocide Convention might be applicable to the FRY
before 27 April 1992 by virtue, as Croatia argues, of succession to respon-
sibility. Then it transforms this preliminary issue into a question for hthe
merits (see Judgment, para. 117), and goes on to consider whether acts

contrary to the Genocide Convention took place prior to 27 April 1992.
After answering this question in the negative, the Court does not returnh
to the issue of succession to responsibility.

4. Had this issue been dealt with as a preliminary one, as it should

have been, in order to demonstrate Serbia’s consent to the Court’sh juris-
diction, the Court would have had to establish that the doctrine of sucches-
sion to responsibility was part of general international law at the timeh of
Serbia’s succession to the Genocide Convention on 27 April 1992. This is,
of course, an impossible task, since there is no jurisprudence or State h

practice to support this hypothesis.

5. Moreover, the Court clearly pointed towards rejection of the notion
of succession to responsibility when it decided, both in its 2007 Bosnia
Judgment and in its 2008 Judgment on preliminary objections in this case,

that Montenegro, a successor State to Serbia and Montenegro (formerly
the FRY), had not consented to the jurisdiction of the Court and could
not be a Respondent in the respective cases (Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports2007 (I),
pp. 75-76, paras. 75-77 A;plication of the Convention on the Prevention

and Punishment of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 423, paras. 32-33). Likewise,
the FRY (now Serbia) is a successor State to the SFRY. Like Monte -
negro, in respect of the State Union of Serbia and Montenegro, Serbia dihd
not inherit the right to the international legal personality of the SFRYh.

Like Montenegro, Serbia did not accept responsibility in the present cashe
for the conduct of its predecessor State, and thus did not consent to thhe
Court’s jurisdiction in respect of that State. In spite of this, the hCourt sees
no jurisdictional problems in identifying the following questions that
would need to be decided in order to determine whether Serbia is respon -

sible for the alleged violations of the Genocide Convention :

197

7 CIJ1077.indb 390 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 196

Cependant, déterminer le droit qui serait applicable si la Cour avaith com-
pétence ne saurait tenir lieu de décision sur la question de savoihr si la Cour
a effectivement compétence en vertu de l’article IX de la convention sur le
génocide. Dans le présent arrêt, la tâche qui incombait àh la Cour était

soit de déterminer par quel mécanisme juridique la RFY avait assumé lesh
obligations découlant de la convention sur le génocide avant d’avoir com -
mencé à exister, soit d’établir qu’aucun mécanisme jurhidique de cette
nature n’existait.
3. En fin de compte, la Cour ne fait ni l’un ni l’autre. Elle se cohntente

de laisser entendre que des obligations découlant de la convention suhr le
génocide pouvaient être opposables à la RFY pour des actes antéhrieurs au
27 avril 1992 en vertu, comme le soutenait la Croatie, de la succession de
la responsabilité. Elle transforme ensuite cette question préliminhaire en
question de fond (voir arrêt, par. 117), puis se demande si des actes
contraires à la convention sur le génocide ont été commis avhant le

27 avril 1992. Ayant conclu par la négative, la Cour ne revient plus à la
question de la succession de la responsabilité.
4. Si elle avait traité cette question comme préliminaire, ainsi qu’helle
aurait dû le faire, la Cour, pour établir le consentement de la Sehrbie à sa
compétence, aurait eu à démontrer que la doctrine de la successhion de la

responsabilité faisait partie du droit international général auh moment de
la succession de la Serbie à l’égard de la convention sur le géhnocide le
27 avril 1992. C’eût été, bien entendu, une entreprise impossible, vuh que
pareille hypothèse n’est en rien étayée par la jurisprudenceh de la Cour ou
par la pratique des Etats.
5. De plus, la Cour a clairement indiqué qu’elle était encline à rejeter la

notion de succession de la responsabilité lorsqu’elle a décidéh, tant dans son
arrêt de 2007 en l’affaire bosniaque que dans son arrêt de 2008 sur les
exceptions préliminaires dans la présente espèce, que le Montéhnégro, Etat
successeur de la Serbie -et-Monténégro (prédécesseur de la RFY), n’avait
pas consenti à la compétence de la Cour et ne pouvait donc êtreh défen -
deur dans ces affaires (Application de la convention pour la prévention et

la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I) , p.75-76, par. 75-77; Applica‑
tion de la convention pour la prévention et la répression du crime▯ de génocide
(Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008,
p. 423, par. 32-33). De même, la RFY (Serbie actuelle) était un Etat suc -

cesseur de la RFSY. Comme le Monténégro à l’égard de la chommu -
nauté étatique de Serbie -et-Monténégro, la Serbie n’a pas hérité du
droit à la personnalité juridique internationale de la RFSY. Comme le
Monténégro encore, elle n’a pas, dans la présente affaire, ashsumé la
responsabilité de la conduite de l’Etat qui l’a précédéhe et n’a donc pas
consenti à la compétence de la Cour à l’égard de cet Etath. Malgré cela, la

Cour formule sans y voir aucun problème de compétence les questions
ci-après, qu’elle estime devoir examiner pour déterminer si la Serhbie peut
être tenue responsable des violations alléguées de la conventiohn sur le
génocide :

197

7 CIJ1077.indb 391 18/04/16 08:54 197 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

“(1) whether the acts relied on by Croatia [prior to the date on which
the FRY came into existence] took place ; and, if they did, whether
they were contrary to the Convention ;

(2) if so, whether those acts were attributable to the SFRY at the time
that they occurred and engaged its responsibility ; and

(3) if the responsibility of the SFRY had been engaged, whether the

FRY succeeded to that responsibility” (Judgment, para. 112).
The fact that the Court limits itself to answering only the first queshtion

does not render this “three -step solution” any more tenable. I cannot see
how this construction could possibly be justified by the Court’s obhvious
observation that the SFRY, whose responsibility or lack thereof the
Court is prepared to determine, “no longer exists . . . no longer possesses
any rights and is incapable of giving or withholding consent to the jurihs -

diction of the Court” (ibid., para. 116).

6. The Court decided in 2008 that :

“[t]he firstissue is that of the Court’s jurisdiction to determine whether
breaches of the Genocide Convention were committed in the light of
the facts that occurred prior to the date on which the FRY came into
existence as a separate State, capable of being a party in its own righth

to the Convention ; this may be regarded as a question of the applica ‑
bility of the obligations under the Genocide Convention to the FRY
before 27 April 1992” (Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Prelim ‑
inary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 460, para. 129;

emphasis added).
In 2015, the Court simply does not make this determination, which,

in 2008, it considered indispensable in order to address the question of
jurisdiction raised by Serbia as its second preliminary objection. Thus,h the
Court fails to fulfil its duty to satisfy itself that it has jurisdicthion (see, for
example, Jurisdictional Immunities of the State (Germany v. Italy : Greece

intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (I), p. 118, para. 40).
7. By way of a final observation before turning to the merits, I would
note the following i: 2004, in the Legality of Use of Force cases, the Court
determined that the FRY lacked the capacity to appear before the Court,
because it became a Member of the United Nations on 1 November 2000

and, thus, was not a State party to the Statute of the International Court of
Justice as of 29 April 1999, the date of the filing of the Applications (see,
for example, Legality of Use of Force (Serbia and Montenegrov. Belgium),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2004 (I), pp. 310-311,
paras. 78-79). In 2007, the Court found that, in its 1996 Judgment on pre -

liminary objections in the Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montene‑
gro case, before reaching its decision on jurisdiction, it must have addreshsed,
“as a matter of logical construction . . . by necessary implication”, the issue

198

7 CIJ1077.indb 392 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 197

«1) si les actes [antérieurs à la date à laquelle la RFY a commencéh à
exister] allégués par la Croatie ont été commis et, le cas éhchéant,
s’ils contrevenaient à la Convention ;

2) dans l’affirmative, si ces actes étaient attribuables à la RFShY au
moment où ils ont été commis et ont engagé la responsabilitéh de
cette dernière ; et
3) à supposer que la responsabilité de la RFSY ait été engagéhe, si la

RFY a succédé à cette responsabilité » (arrêt, par. 112).
Le fait que la Cour se borne à répondre à la première questihon ne rend

pas cette « solution en trois étapes » plus acceptable. Je ne vois pas com -
ment ce raisonnement peut être justifié par l’observation d’hévidence
que fait la Cour, à savoir que la RFSY, dont elle se propose de détermhi -
ner la responsabilité ou l’absence de responsabilité, « a cessé d’exister … [,]
n’est plus titulaire d’aucun droit et n’a plus la capacité de donner ou de

refuser de donner son consentement à la compétence de la Cour » (ibid.,
par. 116).
6. En 2008, la Cour avait dit :

« [l]a première [question] est celle de savoir si la Cour a compétenhce
pour déterminer si des violations de la convention sur le génocideh ont
été commises, à la lumière des faits antérieurs à la date à laquelle la
RFY a commencé à exister en tant qu’Etat distinct, ayant à che titre

la capacité d’être partie à cet instrument ; cela revient à se demander
si les obligations en vertu de la Convention étaient opposables à la RFY
antérieurement au 27 avril 1992» (Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 460, par. 129 ;

les italiques sont de moi).
En 2015, la Cour, tout simplement, se dispense de cet examen qui lui parhais -

sait pourtant indispensable en 2008 pour traiter la question de la compé -
tence soulevée par la Serbie dans sa deuxième exception préliminaire. La
Cour faillit ainsi au devoir qui lui incombe de s’assurer de sa compéhtence
(voir, par exemple, Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Ita ‑

lie; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 118, par. 40).
7. Enfin, avant de passer au fond, je note ce qui suit : en 2004, dans les
affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force, la Cour a jugé que la
RFY n’avait pas qualité pour ester devant elle, étant devenue Mhembre de
l’Organisation des Nations Unies le 1 ernovembre 2000 et n’étant donc pas

partie au Statut de la Cour internationale de Justice le 29 avril 1999, date
du dépôt des requêtes (voir, par exemple, Licéité de l’emploi de la force
(Serbie‑et‑Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 310-311, par. 78-79). En 2007, en l’affaire Bosnie Her ‑
zégovine c. Serbie‑et‑Monténégro, la Cour a dit que, avant de statuer sur sa

compétence dans son arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires, elle
avait « nécessairement … [,] en toute logique », dû considérer la question
de la qualité de la RFY pour se présenter devant elle, même si ledit arrêt

198

7 CIJ1077.indb 393 18/04/16 08:54 198 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

of the FRY’s capacity to appear before the Court, even though this wahs not
mentioned at all in the 1996 Judgment (Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze ‑

govina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I),
pp. 98-102, paras. 132-140). The “necessary implication” of this “logical
construction” of 2007 can be nothing other than that in 1996, the FRY, in
the eyes of the Court, was a State party to the Court’s Statute, and a Mem -

ber of the United Nations, at the time of the filing of the relevant Applica-
tion instituting proceedings, namely, 20 March1993 . In the 2008Judgment
on preliminary objections in the present case, a novel idea was advancedh,
namely that, although the Court was open to the FRY only as of 1Novem-

ber 2000, the date of its United Nations membership (Application of the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports2008,

p. 444, para. 91), this did not matter, since Croatia could simply have
refiled its Application of 2 July 1999 after 1 November 2000 (ibid.,
pp. 429 -444, paras. 57-92)6. In other words, that which was an insurmount -
able obstacle to the Court’s jurisdiction in the Legality of Use of Force cases

became a minor procedural issue in the present case.
8. Thus, while addressing the above -mentioned cases arising from
events related to the dissolution of the SFRY, the Court has created at h
least three “parallel universes”. In one, the FRY was not a Memberh of the

United Nations before 1 November 2000 (the 2004 Judgment on prelimi -
nary objections, Legality of Use of Force). In another, the FRY was a
Member of the United Nations well before that date (the 2007 Bosnia and

Herzegovina v. Serbia and Montenegro Judgment). In yet another, the
FRY’s membership of the United Nations at the time of the institution of
proceedings, or, rather, the lack of it, is devoid of any consequences (hthe
2008 Judgment on preliminary objections, Croatia v. Serbia). In 2015, in

the present Judgment, a fourth, very peculiar “parallel universe” hhas
emerged — one in which the Court is agnostic as to whether the FRY
may have been bound by obligations under the Genocide Convention
before it came into existence as a State ; this, however, does not prevent

the Court from ruling on the part of the Croatian claim relating to the h
period when the FRY did not exist.

4
See Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Cr▯ime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports
2005 (I), declaration of Judge Skotnikov, pp. 366-367.
It is clear from the Legality of Use of Force Judgments that the Court first addressed
the issue of Serbia’s UnitNations membership in 2004 only (see Legality of Use of
Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 2004 (I), pp. 310-311, para. 79).

6 See Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Cr▯ime
of Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. 2008,ts
dissenting opinion of Judge Skotnikov, p. 546, para. 1.

199

7 CIJ1077.indb 394 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 198

ne contenait aucune mention à cet effet (Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Her ▯ zégovine

c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 98-102,
par. 132-140). Il ne peut y avoir qu’une seule interprétation « nécessaire»
de cette « logique» de 2007 : en 1996, la RFY était, aux yeux de la Cour,
un Etat partie au Statut de la Cour et un Etat Membre de l’Organisatihon

des Nations Unies à la date du dépôt de la requête introductive d’inshtance
pertinente, soit le 20 mars 1993 5. Dans son arrêt de 2008 sur les exceptions
préliminaires en la présente affaire, une idée nouvelle était avancée : peu
importait que la Cour n’ait été ouverte à la RFY qu’à hpartir du
er
1 novembre 2000, date de son admission à l’Organisation des
Nations Unies (Application de la convention pour la prévention et la répres‑
sion du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 444, par. 91), puisque la Croatie aurait sim -
plement pu déposer à nouveau sa requête du 2 juillet 1999 après le
1er novembre 2000 (ibid., p. 429-444, par. 57-92) . En d’autres termes, ce
qui était un obstacle insurmontable à la compétence de la Cour hdans les

affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force est devenu une question
de procédure mineure dans la présente affaire.
8. Ainsi, en examinant les affaires susmentionnées, issues d’événements

liés à la dissolution de la RFSY, la Cour a créé au moins trhois « univers
parallèles ». Dans l’un, la RFY n’était pas membre de l’Organisationh des
Nations Unies avant le 1 ernovembre 2000 (arrêt de 2004 sur les excep -
tions préliminaires, Licéité de l’emploi de la force). Dans le second, la

RFY était Membre de l’Organisation des Nations Unies bien avant cette
date (voir l’arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro ). Dans le troisième univers, l’appartenance de la RFY aux

Nations Unies à la date d’introduction de l’instance, ou plutôt, sa non -
appartenance, n’a aucune conséquence (voir l’arrêt de 2008 hsur les excep -
tions préliminaires, Croatie c. Serbie). En 2015, dans le présent arrêt, un
quatrième « univers parallèle», très particulier, a fait son apparition — un

univers où la Cour suspend son jugement sur la question de savoir si hla
RFY a pu être liée par des obligations découlant de la conventihon sur le
génocide avant de commencer à exister en tant qu’Etat ; cela n’empêche

cependant pas la Cour de se prononcer sur la partie de la demande de la
Croatie qui concerne la période pendant laquelle la RFY n’existaith pas.

4 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de géno ‑
cide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), déclara-
tion de M. le juge Skotnikov, p. 366-367.
5 Il ressort clairement des arrêts dans les affaires relativeLicéité de l’emploi

de la force que la Cour n’a examiné la question de la situation de la Serbie hvis-à-vis de
l’Organisation des Nations Unies pour la première fois qu’en 2004 (voir Licéité de
l’emploide la force (Serbie‑et‑Monténégro cBelgique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 310-311, par. 79).
6 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de géno ‑
cide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, opinion dissi -
dente de M. le juge Skotnikov, p. 546, par. 1.

199

7 CIJ1077.indb 395 18/04/16 08:54 199 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

9. I can only express my relief that this Judgment constitutes the con -
cluding chapter in this strange and somewhat strained tale of curious juhr-is

dictional constructions which, to borrow the words of the Court in a
different but related context, “[are] not free from legal difficultiehs” (ppli‑
cation of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of ▯
Genocide, (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Monte ‑
negro)), Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993,

p. 14, para. 18 ;pplication of the Convention on the Prevention and Punish‑
ment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and
Montenegro), Judgment, I.C.J.Reports 2007 (I), pp.97-98, paras.130-131).

Merits

10. I maintain the view which I expressed in my declaration appended
to the 2007 Judgment, that nothing in Article IX suggests that the Court

is empowered to go beyond settling disputes relating to State responsibihl -
ity for genocide and other acts enumerated in Article III of the Genocide
Convention 7. As to whether or not the crime of genocide or other Arti -
cle III acts have been committed, the Court’s role is limited by its lackh of
criminal jurisdiction. For this reason, the Court, for example, lacks thhe

capacity to establish the existence of genocidal intent, since the Genochide
Convention addresses genocidal intent solely in the context of a criminahl
procedure, as a necessary mental element of the crime of genocide and
other acts contrary to the Convention. Of course, genocidal intent may bhe
inferred from a pattern of events, yet this task remains one for a compeh -

tent criminal tribunal (the ICTY in the present case). The Court’s hrole is
to determine whether it has been sufficiently established that acts proh -
scribed by the Genocide Convention were committed (see paragraph 14
below). After making this determination, the Court must then continue to
deal with its primary task of addressing the question of State responsibhil-

ity for genocide.

11. In this Judgment, of course, the Court never comes to deal with
this issue, since it concludes that genocide and other punishable acts

referred to in Article III of the Convention did not take place. I agree
with this conclusion, but I have doubts about the way in which the Courth
arrives at this finding.
12. When engaging in the exercise of determining the existence or
non -existence of the actus reus and dolus specialis of the crime of geno -

cide, the Court deals with matters which it is ill -equipped to resolve. It is
curious that, in the sections devoted to consideration of the merits of hthe
principal claim and counter -claim, reference is made to genocide, rather

7 See Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Cr▯ime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports
2007 (I), declaration of Judge Skotnikov, pp. 370-375.

200

7 CIJ1077.indb 396 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 199

9. Je ne puis que me dire soulagé que le présent arrêt constitue lhe cha-
pitre final de cette étrange et passablement tortueuse succession dhe curieuses

constructions sur la compétence qui, pour reprendre les mots employéhs par
la Cour dans un contexte différent mais connexe, «ne laisse pas de susciter
des difficultés juridiques» (Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Yougoslavie
(Serbie‑et‑Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance dua8vril 1993,

C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 18; Application de la convention pour la pré‑
vention et la répression du crime de génocide (Bosnie ‑Herzégovine c. Serbie‑
et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 97-98, par. 130-131).

Fond

10. Je maintiens le point de vue que j’ai exprimé dans ma déclaratihon
jointe à l’arrêt de 2007, à savoir que rien dans l’article IX de la convention

sur le génocide ne donne à penser que la Cour ait le droit d’alhler a -uelà du
règlement de différends concernant la responsabilité de l’Etaht en matière de
génocide et autres actes énumérés en son article III 7. Quant à savoir si le
crime de génocide ou d’autres actes visés à l’article III ont été commis, le
rôle de la Cour est limité par son défaut de compétence en mhatière pénale.

Pour cette raison, la Cour, par exemple, n’a pas capacité pour éhtablir l’ex -is
tence d’une intention génocidaire, car la convention sur le génhocide ne traite
de l’intention génocidaire que dans le contexte d’une procédure pénale, en
tant qu’élément psychologique nécessaire du crime de génohcide et d’autres
actes contraires à la Convention. L’intention génocidaire peut hcertes être

déduite d’un ensemble d’événements dénotant un certainh comportement,
mais pareille déduction demeure la prérogative d’un tribunal péhnal compé -
tent (le TPIY en l’occurrence). Le rôle de la Cour consiste à déterminer s’il
a été suffisamment démontré que des actes proscrits par la hconvention sur le
génocide ont été commis (voir le paragraphe14 ci-après). Lorsqu’elle a éta-

bli ce fait, la Cour doit alors poursuivre sa principale tâche, qui ehst d’exa-mi
ner la question de la responsabilité de l’Etat en matière de géhnocide.
11. Dans le présent arrêt, bien sûr, la Cour n’en vient jamais àh cette
question, puisqu’elle conclut qu’il n’y a pas eu de génocideh ni d’autres

actes visés à l’article III de la Convention. Je suis d’accord avec cette
conclusion, mais j’ai des doutes sur la manière dont la Cour y esth parve -
nue.
12. Lorsqu’elle se penche sur l’existence ou la non -existence de l’élé -
ment matériel (actus reus) et de l’intention spécifique (dolus specialis) du

crime de génocide, la Cour aborde des questions pour lesquelles elle hest
mal outillée. Il est curieux que, dans les parties de l’arrêt chonsacrées à
l’examen au fond de la demande principale et de la demande reconven -

7 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime de géno ‑
cide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), déclara-
tion de M. le juge Skotnikov, p. 370-375.

200

7 CIJ1077.indb 397 18/04/16 08:54 200 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

than to the crime of genocide. This attempt to get around the fact that hthe
Court does not have criminal jurisdiction cannot, of course, “decrimihnal-

ize” genocide. It remains a crime under the Genocide Convention. Trueh,
when referring to State responsibility for genocide, the Convention’sh
compromissory clause — Article IX — does not mention the word
“crime”. However, such language certainly does not transform the “hCon-

vention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide”
into something else. Rather, if anything, this is indicative of the premhise
that States cannot be held criminally responsible.

13. At the same time, it is axiomatic that States can be held responsible
for genocide through the mechanism of attribution, as, in general, wher -
ever international law criminalizes an act, a State can be held responsible
if that criminal act is committed by individuals capable of engaging suchh

responsibility. The rules of State responsibility in this respect are rahther
straightforward. Indeed, they are referred to as applicable law in the phres -
ent Judgment (see paragraph 125) . 8

14. In the present case, in order to make a determination as to whether
the crime of genocide and other acts enumerated in Article III of the
Genocide Convention have been committed, instead of insisting on the

Court’s capacity to conduct its own enquiry to this end, it would havhe
been sufficient to have taken notice of the relevant proceedings of theh
ICTY. These proceedings, of course, have never involved any charges of
genocide in respect of events in Croatia. It is worth recalling that thihs

Court has recognized that the ICTY is an international penal tribunal inh
accordance with Article VI of the Genocide Convention (Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide▯
(Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J.

Reports 2007 (I), p. 227, para. 445). Thus, in these proceedings, as in the
Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro case, the Court was in
the “ideal” situation in that, for almost a quarter of a century nhow, there
has been an international penal tribunal possessing jurisdiction with
9
respect to the region in question and to the States involved . As a matter

8
Thankfully, the Court, in the present Judgment, does not return to the rhather artifi -
cial and unnecessary notion featured in the 2007dgment of States themselves commit -
ting crimes punishable under the Genocide Convention (Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herz▯egovina v. Serbia
and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 113-114, paras. 166-169).
9 Hypothetically, there may be circumstances where no such tribunal existsh but where,
for instance, the parties agree that genocide did indeed take ; or where the occur -
rence of genocide is so manifest as not to require further elucidation, hbeing, for example,
reflected in an open State policy; or where the claims of genocide are manifestly concocted.
In such circumstances, the Court could address the issue of State responsibility, or the lack
thereof, without the risk of foraying into the field of criminal culpahbility. However, these

and other hypotheticals should be left for another day, which, I sincerehly hope, will never
come. That is to say, I hope that no situation ever arises which would mhake this Court
address the responsibility of a State for genocide.

201

7 CIJ1077.indb 398 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 200

tionnelle, il soit question du génocide plutôt que du crime de génocide. En
essayant ainsi de contourner le fait que le défaut de compétence dhe la

Cour en matière pénale, on ne saurait bien entendu « décriminaliser» le
génocide, qui reste un crime au regard de la convention sur le génhocide.
Certes, à propos de la responsabilité de l’Etat en matière dhe génocide, la
clause compromissoire de la Convention — l’article IX — ne contient pas

le terme « crime». Cependant, ce choix rédactionnel ne transforme certai -
nement par la « convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide » en quelque chose d’autre. Il indique plutôt qu’il est bienh
entendu que les Etats ne peuvent être tenus pénalement responsablehs.

13. En même temps, il est indéniable que les Etats peuvent être tenhus
responsables de génocide par le mécanisme d’attribution comme, hen géné -
ral, chaque fois que le droit international érige un acte en crime, uhn Etat
peut être tenu responsable si cet acte criminel est commis par des pehr -

sonnes dont le comportement est susceptible d’engager sa responsabilité.
Les règles relatives à la responsabilité de l’Etat à cet hégard sont assez
claires. Elles sont d’ailleurs citées comme droit applicable dans hle présent
8
arrêt (voir le paragraphe 125) .
14. Dans la présente affaire, pour déterminer si le crime de génocidhe et
d’autres actes énumérés à l’article III de la convention sur le génocide ont
été commis, la Cour, au lieu d’insister sur la capacité de mhener sa propre

enquête, aurait pu se borner à prendre acte de l’issue des procès qui ont
eu lieu devant le TPIY. Ces procès, certes, n’ont jamais porté sur des
accusations de génocide à l’égard d’événements survhenus en Croatie. Je
crois utile de rappeler ici que la Cour a reconnu que le TPIY était uhn tri-

bunal pénal international au sens de l’article VI de la convention sur le
génocide (Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 227, par. 445). Ainsi, dans la présente instance,

comme en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro, la Cour
était dans une situation « idéale», car, depuis maintenant près d’un quart
de siècle, il existe un tribunal pénal international ayant compéhtence à
l’égard de la région concernée et des Etats en cause 9. En fait, dans les

deux affaires, la Cour, pour déterminer si le crime de génocide et hd’autres

8
Heureusement, dans le présent arrêt, la Cour ne reprend pas la nothion assez artificielle
et inutile qu’elle avait retenue dans l’arrêt de 2007, à savoir que des crimes sanctionnés par
la convention sur le génocide pourraient être commis par les Etatsh eu-xmêmes (Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de g▯énocide (Bosnie‑Herzégovine
c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113-114, par. 166-169).
9 Il pourrait, théoriquement, se présenter des cas pour lesquels il n’existerait aucun tribunal
de ce genre mais où, par exemple, les parties conviendraient qu’unh génocide a effectivement été
commis ; des cas aussi où le génocide serait tellement patent qu’il n’hexigerait pas d’élucidation
plus poussée parce qu’il procéderait par exemple de la politiquhe affichée; ou encore
un scénario où les allégations de génocide seraient manifesthement inventées de toutes pièces.
Dans ces circonstances, la Cour pourrait examiner la question de la resphonsabilité de l’Etat,

ou son absence, sans risquer de s’immiscer dans le domaine de la culphabilité pénale. Cepe-n
dant, il vaut mieux laisser de telles hypothèses pour d’autres temhps qui, je l’espère sincèrement,
ne viendront jamais. En d’autres termes, j’espère qu’il ne she présentera jamais de situation qui
conduirait la Cour à examiner la responsabilité d’un Etat pour hun génocide commis par lui.

201

7 CIJ1077.indb 399 18/04/16 08:54 201 application of genochide convention (sep. ohp. skotnikov)

of fact, the Court, in both cases, when making determinations as to

whether the crime of genocide and other acts enumerated in Article III of
the Convention have occurred, has largely relied on (indeed more than iht
has been prepared to acknowledge), and has never contradicted, the find -
ings of the ICTY. Both now and in 2007, this reliance was decisive for thhe

Court in reaching its conclusions as to whether or not genocidal acts wehre
committed.

(Signed) Leonid Skotnikov.

202

7 CIJ1077.indb 400 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. skotnikov) 201

actes énumérés à l’article III de la Convention avaient été commis, s’est
amplement appuyée (plus, en fait qu’elle n’a voulu le reconnaîhtre) sur les
conclusions du TPIY, qu’elle n’a jamais contredites. Aujourd’huhi comme
en 2007, l’invocation de ces conclusions a été décisive lorsque la Cour a

formulé ses conclusions sur la commission d’actes génocidaires.h

(Signé) Leonid Skotnikov.

202

7 CIJ1077.indb 401 18/04/16 08:54

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Skotnikov

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