Opinion individuelle de M. Guillaume, président (texte original français)

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. GUILLAUME, PRESIDENT

[Teste originul frurzçuisj

Conzp6tencc penrile des juridictions ~~utioncll-s Lieu cle comtni.ssion de
l'infructiot- autre.^critères(leruttcrclieme~~t ConzpPtrncr rrniver.sel-c
Absence.

1. Je souscris entièrement à l'arrêtrendu par la Cour. Je crois cepen-
dant utile de préciser ma position sur une question que l'arrêtn'a pas
abordée: celle de savoir si lejuge belge avait compétence pour délivrerle
11avril 2000 un mandat d'arrêtinternational à l'encontre de M. Yerodia

Ndombasi.
Cette question étaitsoulevée dansla requête introductive d'instance de
la République démocratique du Congo. Celle-ci soutenait en effet que le
mandat d'arrêtméconnaissait non seulement l'immunitéde M. Yerodia
Ndombasi en tant que ministre des affaires étrangères,mais encore «le

principe selon lequel un Etat ne peut exercer son pouvoir sur le territoire
d'un autre Etat)). Elle en déduisait que la compétence universelle que
1'Etat belge s'étaitattribuée par l'article 7 de la loi du 16juin 1993modi-
fiée le10février1999étaitcontraire au droit international et qu'il en était
par suite de mêmedu mandat d'arrêtlitigieux.

Au coursde la procédure orale, le Congo n'a pas développé cetteargu-
mentation et il ne l'a pas reprise dans ses conclusions finales. Dès lors, la
Cour ne pouvait statuer sur ce point dans le dispositif de son arrêt. Elle
aurait pu cependant aborder tel ou tel aspect de la question de la com-
pétence universelledans les motifs de sa décision(voir arrêt, par. 43).

Une telle démarche eût étélogique. En effet, la compétence des tribu-
naux est une question sur laquelle ceux-ci doivent se prononcer avant de
s'interroger sur l'immunité desjusticiables.On ne peut en d'autres termes

bénéficierde l'immunité dejuridiction que s'il y a juridiction. Par ailleurs
il s'agitë d'une question importanteet controversée que tous les Etats et
en particulier la Belgique auraient eu intérêtà voir clarifiée.Je pense utile
de le faire ici.
2. La loi belge du 16juin 1993, modifiéepar la loi du 10 février 1999,

a pour objet la répression des violations graves du droit international
humanitaire. Elle couvre certaines infractions aux conventions de Genève
du 12 août 1949 et aux protocoles additionnels no' 1et II à ces conven-
tions du 8 juin 1977. Elle vise également le crime contre l'humanité
qu'elle définitdans les termes retenus par la convention de Rome du

17juillet 1998. La loi ajoute en son article 7 que ((lesjuridictions belges
sont compétentes pour connaître des infractions prévues ila présenteloi.
indépendamment du lieu où celles-ci auront étécommises)).36 MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. GUILLAUME)

3. Le mandat d'arrêtattaqué inculpe M. Yerodia Ndombasi d'infrac-
tions graves aux conventions de Genèveet de crimes contre l'humanité. Il
rappelle que, aux termes de l'article 7 de la loi du 16juin 1993modifiée,

les auteurs de telles infractions ((relèventde la compétence des juridic-
tions belges, quelles que soient leur nationalité et celle des victimes)).Il
ajoute que «les juridictions belges sont compétentes mêmesi l'inculpé
(belge ou étranger) n'est pas trouvé en Belgique)). 11préciseque, «en
matière de droit humanitaire, le législateura voulu ainsi dérogerau prin-
cipe de territorialité du droit pénal dans la ligne des dispositions des
quatre conventions de Genèveet du protocole 1)).Il note que

«la convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [s'inscrit]
dans la mêmeoptique en reconnaissant la légitimitéd'une compétence
extra-territoriale en la matière et en consacrant le principe uut
ctr~trreuut judicare».

Sur ces bases, il conclut A la compétencedes juridictions belges.
4. En vue d'apprécierla validitéde ce raisonnement, il convient tout
d'abord de rappeler les principes fondamentaux régissant endroit inter-
national l'exercice par les Etats de leur compétencejuridictionnelle en
matière pénale.
Le droit pénala pour premier objet de permettre la répressiondans
chaque pays des infractions commises sur le territoire national. En effet,
c'est sur ce territoire que peuvent le plus souvent êtrerassembléesles
preuves de l'infraction. C'est là que cette dernièreporte généralementses

effets. C'est là enfin que la peine prononcée peut le plus naturellement
servir d'exemple. Aussi la Cour permanente de Justice internationale
a-t-elle constaté dès 1927 que «le principe de la territorialité du droit
pénal est a la base de toutes les législations»'.
La question s'est cependant toujours poséede savoir si d'autres Etats
que I'Etat territorial ont compétenceconcurrente pour engager des pour-
suites pénalescontre lesauteurs d'infractions. Un vaste débats'est engagé
a cet égarddès la constitution en Europe des grands Etats modernes. Cer-
tains auteurs, comme Covarruvias et Grotius, ont soulignéque la pré-
sence sur le territoire d'un Etat d'un criminel étrangerjouissant en paix
du fruit de ses crimes n'était pastolérable.Ils ont par suite soutenu que

les auteurs de certaines infractions particulièrement graves devaient pou-
voir êtrepoursuivis tant par 1'Etatsur le territoire duquel le crime a été
commis que dans le pays où ils ont tentéde trouver refuge. Ce pays serait
tenu d'une obligation d'arrestation, suivie d'extradition ou de poursuite,
selon la maxime uut dederc.aut judicure2.
Ce courant doctrinal favorable la répression universellese heurta

'
Lotus, urrPt no 9, 1927, C.P.J.I.Asn" IO,p. 20.
livre II. chap. XXI, 4;rvoir aussi li1,chap. V. no 7; Grotius, De,jur~bpu ci.^,37 MANDAT D'ARRET (OP. IND. GUILLAUME)

cependant à partir du XVIII' siècleêun autre mouvement d'idée hostile

à une telle répression, illustré notamment par Montesquieu, Voltaire et
Jean-Jacques Rousseau '.Leur penséetrouva sa traduction au plan pénal
dans les ouvrages de Beccaria qui, dès 1764, soulignait que «les juges ne
sont pas les vengeurs du genre humain en général ...Un crime ne peut être
puni que dans le pays où il a étécommis.))"
La philosophie des lumiéresinspira le législateur révolutionnaire et le

droit du XIX" siècle.Certains en poussèrent mêmela logique jusqu'à son
terme et Martens, en 1831, pouvait affirmer que «le pouvoir législatif
[s'étend]sur toutes les personnes et sur tous les biens qui se trouvent dans
l'Etat» et que «la loi ne s'étend point sur d'autres Etats ni sur leurs
sujetsn5. Un siècleplus tard, Max Huber lui faisait échoen rappelant en

1928, dans la sentence de L'île de Palniu.~,que 1'Etat a ((compétence
exclusive ... en ce qui concerne son propre territ~ire))~.
Dans la pratique, le principe de la souveraineté territoriale ne devait
pas supporter d'exception en ce qui concerne l'usage de la contrainte,
mais il n'en fut pas de mêmepour ce qui est des compétences législatives

et juridictionnelles. En particulier, le droit international classique n'exclut
pas que I'Etat puisse dans certains cas exercer sa compétencejuridiction-
nelle sur des infractions commises à l'étranger. Mais comme l'avait, la
encore, rappelé la Cour permanente dans l'affaire du Lotus, un tel exer-
cice n'est pas sans limites7. Dans le droit classique, un Etat ne peut nor-

malement connaître d'une infraction commise à l'étrangerque si le délin-
quant, ou à la rigueur la victime, a la nationalité de cet Etat ou si le crime
porte atteinte sa sûreté intérieure ou extérieure. Les Etats demeurent
d'ordinaire incompétents pour connaître d'infractions commises a l'étran-
ger entre étrangers.

5. Traditionnellement, le droit international coutumier admettait
cependant un cas de compétence universelle, celui de la piraterie. Plus
récemment,il a étépréciséà l'article 19 de la convention de Genèvesur la
haute mer du 29 avril 1958,puis à l'article 105de la convention de Mon-
tego Bay du 10 décembre 1982 que:

«Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de
la juridiction d'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate ...et

appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les
tribunaux de 1'Etat qui a opéréla saisie peuvent se prononcer sur les
peines à infliger.»

Montesquieu, L'ç.yrir de.sI0i.s.livre 26. chap. 16;Voltaire. Dic~~ionnoirhilo-
.voj~hiyurr,ubrique ((Crimcs et délitsde temps ct de lieu»: Rousseau, Bu c,oiirrut.c.ociol.
li''eTI .hap. 12.et livre III. chap. 18.
Beccaria. Trrritr;(/PTrii.1if.scjt(lesj~einr1.p,ar. 2
PI I'usuge, 1831.vol1.par. 85 et 86 (voir également par. 100).»/eoncii.sur les trcriti..~
('R~ecirc~iLl/L,..sFent<'ncesurhitr~l~~(le(;Nt~tion~.II. sentence du 4 avril 1928.
p. 838.
' Lotus. tirrPrno lY27, C'P.J.I. si.r.ieA n" 10. p. 19. Ainsi, dans ces conventions, la compétence universelle est acceptée
pour la piraterie du fait que celle-ciest perpétréeen haute mer, hors du
territoire d'un quelconque Etat. Toutefois, mêmeen haute mer, le droit
international classique se montre fort restrictif puisqu'il n'admet la com-
pétence universelleque pour la piraterie et non pour d'autres crimes ou
délitscomparables qui peuvent, eux aussi, êtrecommis hors de lajuridic-

tion des Etats côtiers, tels le trafic des esclaves8 ou celui des stupéfiants
ou de substances psychotropesy.
6. Les inconvénients d'une telle approche apparurent clairement au
début du XX"siècleen ce qui concerne le faux monnayage, et la conven-
tion du 20 avril 1929préparéeau sein de la Société desNations marqua
sur ce point une certaine évolution. En effet, elle permit aux Etats
d'étendre leurlégislation pénaleaux infractions de faux monnayage con-

cernant desmonnaiesétrangèresE . lleajouta que «lesétrangers qui ont com-
mis a l'étranger))l'une desinfractions prévuespar la convention «et qui
se trouvent sur le territoire d'un pays dont la législationinterne admet
comme règlegénéralele principe de la poursuite d'infraction commise à
l'étranger doivent être punisde la mêmemanière que si le fait avait été
commis sur le territoire de ce pays)). Mais elle subordonna cette obliga-
tion à diverses conditions Io.

Une approche comparable fut suivie par la convention unique sur les
stupéfiantsdu 30 mars 1961 '' et par la convention des Nations Unies du
21 février1971 l2 sur les substances psychotropes qui réservent«les dis-
positions constitutionnelles de chaque Partie, son systèmejuridique et sa
législationnationale)). Aucune de ces conventions, pas plus d'ailleurs que
les conventions de Genève de 1949,ne contient de dispositions régissant

la compétencedes tribunaux nationaux.
7. Un nouveau pas sera franchi en ce sens a partir de 1970 en vue de
lutter contre le terrorisme international. A cette fin, les Etats mirent en
effet sur pied un dispositif inconnu jusqu'alors: celui de la compétence
universelle obligatoire, encore que subsidiaire.
Cette innovation fondamentale fut le fait de la convention de La Haye
du 16décembre1970pour la répressionde la capture illicited'aéronefs 17.

Celle-cifait obligation a 1'Etatsur le territoire duquel l'auteur de l'infrac-
tion se réfugiede l'extrader ou d'engager despoursuites a son encontre.

Voir la convention de Genève du 25 septembre 1926relativà l'esclavageet la con-
vention supplémentairedes Nations Unies du 7 septembre 1956(textes dansde Martens,
Nouveuu recueil g6n6rul des troit, ' série, t.XIX, p. 303, et Colliard et Manin, Droit
international et histoire diplotnatique, t. 1,p. 220).
La convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiantset de puis-
sances psychotropes, signàeVienne le 20décembre1988,traite en son article 17du trafic
illicite en mer. Elle réservela compétencede 1'Etatdu pavillon (texte dans la Revue gén6-
rule de droit internutionul public, 198913,p. 720).
Io Recueil des truitéstle kr Socit.tt. des Nations. vol. 112, p. 371.
l2 Ibicl., vol. 1019.p. 175.tions Unies. vol. 520, p. 151.
'' Ibid., vol. 86p. 105.Mais un tel dispositif eût étéinsuffisant si en mêmetemps la convention
n'avait créépour les Etats parties une obligation d'établir à cette fin leur
compétencejuridictionnelle. Aussi l'article4, paragraphe 2, de la conven-
tion dispose-t-il que:

«Tout Etat contractant ...prend les mesures nécessairespour éta-
blir sa compétenceaux fins de connaître de l'infraction dans le cas
où l'auteur présuméde celle-cise trouve sur son territoire et où ledit
Etat ne l'extrade pas conformément à [la convention].»

Cetteformulation marquait un tournant dont la conférencede La Haye
a d'ailleurs étéconscienteI4. Désormaisl'obligation de poursuite n'était
plus subordonnée à l'existence d'une compétence, mais la compétence
elle-mêmedevait êtreprise pour permettre les poursuites.
8. Le système ainsi adoptéfut repris avec quelques variantes mineures
dans un grand nombre de conventions, à savoir la convention de Mon-
tréal du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés
contre la sécuritéde l'aviation civile; la convention de New York du
14décembre1973sur la préventionet la répression desinfractions contre

les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les
agents diplomatiques; la convention de New York du 17décembre1979
contre la prise d'otages; la convention de Vienne du 3 mars 1980sur la
protection physique des matiéres nucléaires;la convention de New York
du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants; le protocole de Montréal du
24 février1988relatif a certaines violences commises dans les aéroports;
la convention de Rome du 10 mars 1988pour la répressiond'actes illi-
cites contre la sécuritéde la navigation maritime; le protocole du iiîême
jour concernant la sécuritédes plates-formes fixes situéessur le plateau
continental; la convention de Vienne du 20 décembre1988contre le trafic

illicite des stupéfiantset des substances psychotropes; la convention de
New York du 15 décembre 1997pour la répressiondes attentats terro-
ristesà l'explosif; enfin la convention de New York du 9 décembre1999
pour la répressiondu financement du terrorisme.
9. Ainsi étaitmis conventionnellement sur pied un systèmecorrespon-
dant aux doctrines prônées autrefois par Grotius. Lorsque l'auteur de
l'une des infractions couvertes par ces conventions est trouvésur le ter-
ritoire d'un Etat, ce dernier est dans I'obligation de l'arrêter,puis de
l'extrader ou de le poursuivre. Il doit avoir au préalable conféré compé-
tence à ses tribunaux pour juger l'intéresséen l'absence d'extradition. De
la sorte est assurée une répression universelle desinfractions en cause,

leurs auteurs ne pouvant trouver refuge sur le territoire d'aucun Etat.
En revanche, aucun de ces textes n'a envisagél'établissement d'un ceom-

'Va conférence diplomatique de La Haye a en effet complétésur ce point le projet du
solution fut acquise sur proposition de l'Espagne par 34 voix contre2 absten-. Cette
tions (voirtlnutiirefiririqtiis c/e&oit ir~tcnicrp.49).,1970,pétencejuridictionnellepour connaître d'infractions commisesa l'étranger
par des étrangers à l'encontre d'étrangers lorsque I'auteur deces infrac-
tions ne se trouve pas sur le territoire de1'Etatintéressé. La compétence
universelle par défautest inconnue du droit international conventionnel.
10. Aussi bien, et faute de dispositions conventionnelles, la Belgique,

dans son mémoire écritcomme dans ses plaidoiries, se réfère-t-ellepour
l'essentiel sur ce point au droit coutumier international.
11. Dans cette perspective, la Belgique évoquele développement de la
justice pénale internationale. Mais ce développement a eu précisément
pour objet de pallier les insuffisances des justices nationales, et les règles
gouvernant la compétencedes juridictions internationales telles qu'éta-
blies par traitéou par le Conseil de sécuritésont bien entendu sans inci-
dence sur la compétencedes juridictions nationales.
12. Aussila Belgiquecherche-t-ellepour l'essentiel àjustifier saposition

en se référantà la pratique des Etats età leuropini ouris. Les législations
et jurisprudences nationales évoquées au dossierne vont cependant pas
dans le sens des thèsesbelgeset j'en fournirai quelques exemplestopiques.
En France, l'article 689-1 du code de procédurepénale disposeque:

((En application des conventions internationales viséesaux articles
suivantsI5, peut êtrepoursuivie et jugée par les juridictions fran-
çaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue
coupable hors du territoire de la République de l'une des infrac-
tions énuméréep sar ces articles.

Deux lois des 2 janvier 1995 et 22 mai 1996 relatives a certains crimes
commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda ont étendu la compétence
desjuridictions françaises à de tels crimes lorsque, là encore, l'auteur pré-
sumé de l'infractionest trouvéen territoire françaisLh.En outre la Cour
de cassation française a interprétérestrictivement l'article 689-1 en esti-
mant que, «en l'absence d'effet direct desdispositions des quatre conven-
tions de Genève relatives à la recherche et à la ~oursuite des auteurs

d'infractions graves, I'article 689 du code de procédure pénale nesaurait
recevoir application »en ce qui concerne les auteurs d'infractions gravesà
ces conventions trouvés en territoire français17.
En Allemagne, le Code pénal (Strafgesetzbuch)contient en son article 6,
paragraphes 1 et 9, et en son article7, paragraphe 2, des dispositions per-
mettant la poursuite dans certaines hypothèses de crimes commis à I'étran-
ger. Dans un cas de génocide (Tadit), la Cour suprême fédéraleallemande
(Bundesgerichtshof) a certes rappelé que: «la loi pénale allemandeest
applicable en vertu de l'article 6, paragraphe 1, à un crime de génocide

commis à l'étranger indépendammentmêmede la loi de 1'Etatterritorial

l5 A savoir les conventions internationales mentionnées aux paragraphes 7 et 8 de la
présente opinion auxquelles la France est partie.
Ih Pour l'application de cette dernière loi, voir Cour de cassation, chambre criminelle,
6 janvier 1998, Munyeshyuku.
l7 Cour de cassation, chambre criminelle, 26 mars 1996,no 132,Juvor.41 MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. GUILLAUME)

(principe de la compétence dite universelle)». Elle a toutefois ajouté
((qu'une condition préalableest que le droit international n'interdise pas
qu'il soit procédé de la sorte)); en outre, c'est seulement si,dans chaque

cas, il existe un «lien» légitimantdes poursuites en Allemagne «qu'il est
possible d'appliquer la loi pénaleallemande a la conduite d'un étranger à
l'étranger.En l'absenced'un tel lien avec 1'Etatdu for, des poursuites cri-
minellesviolent le principe de non-ingérenceselon lequelchaque Etat doit
respecter la souverainetédes autres Etats. »lX Au cas particulier, la Cour

fédérale estimaqu'un tel lienexistait du fait que l'accusérésidaitvolontai-
rement depuis plusieurs mois en Allemagne, qu'il y avait établilecentre de
ses intérêts et qu'il avait été arrêté en territoire allemand.
La Cour suprêmedes Pays-Bas (Hoge Raad) a eu à connaître de pro-
blèmescomparables dans l'affaire Bouterse. Elle a relevéque la Iégisla-

tion néerlandaiseadoptéepour l'application des conventions de La Haye
de 1970et de Montréal de 1971ne donnait compétenceaux juridictions
néerlandaisespour des infractions commises a l'étrangerque si ((l'accusé
étaittrouvé auxPays-Bas)). Elle en a déduitqu'il enétaitde mêmedans
le cas de la convention de 1984contre la torture, bien que cette précision

n'ait pas étéintroduite dans la législationportant application de ladite
convention. Elle a donc jugéque des poursuites aux Pays-Bas pour des
actes de torture commis a I'étrangern'étaientpossibles que

«si l'une des conditions de rattachement prévuepar la convention
pour l'établissementde la compétencejuridictionnelle étaitremplie,
par exemple si l'accuséou la victime était néerlandaisou devait être
regardécomme tel ou si l'accusése trouvait sur le territoire néerlan-

dais au moment de son arrestation))".

lnBundesgerichtshof, 13 février 1994, 1 BGs 100.94, dans Neue Zeil.sc./~rStruf-
rec/~t,1994, p. 232-233. Le texte original en allemand se lit comme suit:
((4u) Nach 56 Nr. 1StGB gilt deutsches Strafrecht für ein im Ausland begangenes
Verbrechen des Volkermordes (5220a StGB), und zwar unabhangig vom Recht des
Tatorts (sog. Weltrechtsprinzip). Vorraiissetzung ist alle-diüber den Wortlaut
der Vorschrifthinaus -, daB ein volkerrechtliches Verbot nicht entgegensteht und
auBerdem ein legitimierender Anknüpfungspunkt im Einzelfall einen unmittelbaren
Bezug derStrafverfolgung zum lnland herstellt; nur dann ist die Anwendung inner-
staatlicher (deutscher) Strafgewalt auf die Auslandstat eines Auslinders gerechtfertigt.
Fehlt ein derartiger Inlandsbezug, soerstoBt die Strafverfolgung gegen das sog.
Nichteinmischungsprinzip, das die Achtung der Souveranitit fremder Staaten gebietet
(BGHSt 27, 30 und 34, 334: Oehler JR 1977,424: Holzhausen NStZ 1992.268).)>
Dans le même sens, Düsseldorf Oberlandesgericht. 26 septembre 1997,Bundesgerichts-
hof, 30 avril 1999, Jorgit: Düsseldorf Oberlandesgericht. 29 novembre 1999, Bundes-
gerichtshof, 21 février2001, Sokolilii.
IyHoge Raad, 18septembre 2001, Boutersr. par. 8.5. Le texte original en néerlandaisse
lit comme suit:
((indien daartoe een in dat Verdrag genoemd aanknopingspunt voor de vestiging van
rechtsmacht aanwezig is, bijvoorbeeld omdat de vermoedelijke dader dan wel het
slachtoffer Nederlander is of daarmee gelijkgesteld moet worden, of omdat de-
moedelijke dader zich ten tijde van zijn aanhouding in Nederland bev».dt Les exemples pourraient êtremultipliéset le seul pays dont la législa-
tion et la jurisprudence semblent clairement en sens inverse est 1'Etat

d'Israël qui, en ce domaine, constitue a l'évidenceun cas très particulier.

Pour conclure, je ne saurais faire mieux sur ce point que de citer lord
Slynn of Hadley qui, dans la premièreaffaire Pinochet, concluait (le texte
original en langue anglaise est reproduit ci-contre):

«Il ne ..semblepas qu'il ait étédémontréqu'il existe unepratique
étatique ou un consensus général - sans parler d'une convention
largement acceptée - selon lesquelstous lescrimes de droit interna-
tional devraient relever de la compétence desjuridictions nationales

en vertu du principe de la compétenceuniverselle ..Que lescrimes de
droit international devraient êtrejugésdevant des tribunaux inter-
nationaux ou dans 1'Etat de celui qui a perpétréle crime est une
chose; que des actions devraient êtreintentées à leur sujet auprèsdes
juridictions d'autres Etats, sans tenir compte d'une règle de droit
international coutumier établiede longue date, en est une autre ...
Mêmele fait qu'un acte soit reconnu comme un crime en droit inter-
national ne signifie pas que les juridictions de tous les Etats aient

compétencepour statuer sur un tel crime ..Il n'existe pas de compé-
tence universelle a l'égard descrimes de droit international ...»20

En d'autres termes, le droit international ne connaît qu'un seul cas
véritablede compétenceuniverselle: la piraterie. En outre, de nombreuses
conventions internationales prescrivent l'établissementd'une compétence
universelle subsidiaire en vue du jugement de certains délinquantsarrêtés
sur le territoire national et non extradésvers un pays étranger.La com-
pétence universellepar défauttelle que retenue dans la présente affaireest
inconnue du droit international.

13. Constatant que ni le droit conventionnel, ni le droit coutumier
international ne prévoient la possibilitépour un Etat de donner compé-
tence universelle à sestribunaux en l'absencede l'auteur del'infraction sur
son territoire, la Belgique soutient en dernier lieu que, même enl'absence
de tout traitéou de toute coutume en ce sens, ellejouissait d'une liberté
d'action totale. Elle invoque à cet effet l'arrêtrendu par la Cour perma-
nente de Justice internationale dans l'affaire du Lotus, selon lequel :

«Loin de défendre d'une manière généraleaux Etats d'étendre
leurs lois et leur juridiction à des personnes, des biens et des actes

hors du territoire, [ledroit international] leur laisse, à cet égard,une
large liberté,qui n'est limitéeque dans quelques cas par des règles
prohibitives ..»*'

House of Lords, 25 novembre 1998,R. v. Burtle; ex parte Pinoclzrt.
Lotus, urrit nY, 1927,C.P.J.1 s6rie'4 no10. p.19. Dès lors, et en l'absence de toute règle prohibitive, la Belgique aurait
pu, plaide-t-elle, s'attribuer une compétence universelle par défaut.
14. Cette argumentation ne paraît guère convaincante. En effet, la

Cour permanente elle-même,après avoir posé le principe général rap-
pelé par la Belgique, s'est interrogée sur la question de savoir «si les
considérations qui précèdent valent réellement pour la matière
pénale»". Elle a relevéque l'on pouvait soit envisager une telle applica-
tion, soit estimer que: «le caractère exclusivement territorial de la légis-

lation en cette matière constituerait un principe qui excluerait ipso
jùcto, sauf exceptions expresses, le droit pour les Etats d'étendreau-delà
de leurs frontières la juridiction pénale de leurs tribunaux))". Au cas
particulier, la Cour permanente n'estima pas nécessairede prendre parti
sur cette question. S'agissant de l'abordage d'un navire turc par un

navire français, elle se borna à constater que l'infraction reprochée avait
produit ses effets en territoire turc et que par suite les poursuites pénales
pouvaient «êtrejustifiées ... au point de vue du principe dit de la terri-
torialité~".
15. L'abstention de la Cour permanente était explicable en 1927,

compte tenu de la raretédu droit conventionnel existant alors. La situa-
tion est aujourd'hui, me semble-t-il, totalement différente. L'adoption de
la Charte des Nations Unies proclamant l'égalitésouveraine des Etats et
l'apparition sur la scène internationale des nouveaux Etats nés de la
décolonisation ont renforcé le principe de territorialité. Le droit pénal

international s'est lui-mêmeconsidérablement développé et constitue
aujourd'hui un corpus juridique impressionnant. Il reconnaît en de nom-
breuses circonstances la possibilité, voire l'obligation pour les Etats
autres que celui sur le territoire duquel l'infraction a étécommise, de
donner compétence a ses tribunaux pour poursuivre les auteurs de cer-

tains crimes lorsqu'ils se trouvent sur leur territoire. Des juridictions
pénales internationales ont été créées . ais à aucun moment il n'a été
envisagé de donner compétence aux tribunaux de tous les Etats du
monde pour poursuivre de tels crimes, quels qu'en soient les auteurs et
les victimes et quel que soit le lieu où se trouve le délinquant. Procéder

de la sorte risquerait d'ailleurs de créer le chaos juridictionnel le plus
total. Ce serait aussi promouvoir l'arbitraire au profit des puissants, cen-
sés agirau nom d'une ((Communauté internationale))aux contours indé-
terminés. Contrairerncnt à ce que préconise une partie de la doctrine,
une telle évolution marquerait non une progression, mais une régression

du droit.
16. Les Etats exercent avant tout leur compétence juridictionnelle
pénale sur leur territoire. Dans le droit international classique, ils ne
peuvent normalement connaître d'une infraction commise à l'étrangerque

-- Lotus. c~rrnlo Y1927,î P.J.I. .s&Ain" IO, p. 20.
l' Ihicl.si ledélinquantou, à la rigueur, la victime a leur nationalitéou si lecrime
porte atteinteà leur sûreté intérieureou extérieure. Ilsle peuvent en outre
en cas de piraterie et dans les hypothèses de compétenceuniverselle sub-
sidiaire prévues par diverses conventions si l'auteur de l'infraction se
trouve sur leur territoire. Mais en dehors de cescas, le droit international
n'admet pas la compétence universelle;il admet encore moins la compé-
tence universelle par défaut.
17. Passant au cas particulier, j'observerai que M. Yerodia Ndombasi

est accuséde deux types d'infraction, àsavoir de crimes de guerre graves
sanctionnés par les conventions de Genève et de crimes contre I'huma-
nité.
En ce qui concerne le premier chef d'accusation, je noterai que, selon
l'article49de la premièreconvention de Genève, l'article50de la deuxième
convention, l'article 129de la troisième convention et l'article46de la
quatrième convention :

«Chaque partie contractante aura l'obligation de rechercher les
personnes prévenuesd'avoir commis ou d'avoir ordonné de com-
mettre)) certainesinfractions graves la convention «et elledevra les
déférerà ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle
pourra, aussi, si elle lepréfère, et selonles conditions prévuespar sa

propre législation les remettre pour jugement à une autre Partie
contractante intéresséeà la poursuite .))

Cette disposition fait obligation à chaque partie contractante de
rechercher les intéresséset de les déférerses tribunaux (a moins qu'elle
ne préfèreles remettre a une autre partie). Les conventions de Genève
ne comportent cependant aucune disposition relative aux compétences
juridictionnelles comparable par exemple à l'article 4 de la convention
de La Haye précitée.Bien plus, elles ne créent aucune obligation de
recherche, d'arrestation ou de poursuite dans les cas où les personnes
prévenuesne se trouvent pas sur le territoire de1'Etatconcerné.Elles ne
sauraient donc et en tout étatde cause fonder une compétence univer-
selle par défaut. La Belgique n'a dès lors pu conférer unetelle compé-
tence à ses tribunaux sur la base de ces conventions et les poursuites

engagées en l'espèce contre M. Yerodia Ndombasi pour crimes de
guerre l'ont étépar un juge incompétent au regard du droit internatio-
nal.
Il en est de même ence qui concerne les poursuites pour crimes contre
l'humanité.En effet, aucune convention internationale, en dehors de la
convention de Rome du 17juillet 1998non entréeen vigueur, ne concerne
la répressionde ces crimes. Aussi bien lejuge belge, probablement cons-
cient de cette difficulté, a-t-il dans son mandat cru pouvoir viser la
convention du 10décembre1984contre la torture. Mais on ne saurait en
matière pénaleraisonner par analogie, ainsi que la Cour permanente de
Justice internationale l'a d'ailleurs rappelédans son avis consultatif du
4 décembre 1935 concernant la Computihilitk de certuins &crets-lois45 MANDAT D'ARRET (OP. IND. GUILLAUME)

durztzikois avec lu con.rtitution de la Ville libre25. Là encore, les pour-
suites engagées l'ont étépar un juge incompétent au regard du droit
international.

Si la Cour avait abordé ces questions, elle aurait donc dû, me semble-
t-il, constater que le juge belge s'était à tort reconnu compétent pour
poursuivre M. Yerodia Ndombasi en seprévalant d'une compétence uni-
verselle incompatible avec le droit international.

(Signe;) Gilbert GUILLAUME.

" Conzpntihilirc;riecerfcrinstii.crets-loiscsoeclrrconstitiitioi?ci.lr VilI(,libre,
uvis con.s~iltu;935,C.P.J.1. .sPrirAIB no65, p.etsuiv.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. GUILLAUME, PRESIDENT

[Teste originul frurzçuisj

Conzp6tencc penrile des juridictions ~~utioncll-s Lieu cle comtni.ssion de
l'infructiot- autre.^critères(leruttcrclieme~~t ConzpPtrncr rrniver.sel-c
Absence.

1. Je souscris entièrement à l'arrêtrendu par la Cour. Je crois cepen-
dant utile de préciser ma position sur une question que l'arrêtn'a pas
abordée: celle de savoir si lejuge belge avait compétence pour délivrerle
11avril 2000 un mandat d'arrêtinternational à l'encontre de M. Yerodia

Ndombasi.
Cette question étaitsoulevée dansla requête introductive d'instance de
la République démocratique du Congo. Celle-ci soutenait en effet que le
mandat d'arrêtméconnaissait non seulement l'immunitéde M. Yerodia
Ndombasi en tant que ministre des affaires étrangères,mais encore «le

principe selon lequel un Etat ne peut exercer son pouvoir sur le territoire
d'un autre Etat)). Elle en déduisait que la compétence universelle que
1'Etat belge s'étaitattribuée par l'article 7 de la loi du 16juin 1993modi-
fiée le10février1999étaitcontraire au droit international et qu'il en était
par suite de mêmedu mandat d'arrêtlitigieux.

Au coursde la procédure orale, le Congo n'a pas développé cetteargu-
mentation et il ne l'a pas reprise dans ses conclusions finales. Dès lors, la
Cour ne pouvait statuer sur ce point dans le dispositif de son arrêt. Elle
aurait pu cependant aborder tel ou tel aspect de la question de la com-
pétence universelledans les motifs de sa décision(voir arrêt, par. 43).

Une telle démarche eût étélogique. En effet, la compétence des tribu-
naux est une question sur laquelle ceux-ci doivent se prononcer avant de
s'interroger sur l'immunité desjusticiables.On ne peut en d'autres termes

bénéficierde l'immunité dejuridiction que s'il y a juridiction. Par ailleurs
il s'agitë d'une question importanteet controversée que tous les Etats et
en particulier la Belgique auraient eu intérêtà voir clarifiée.Je pense utile
de le faire ici.
2. La loi belge du 16juin 1993, modifiéepar la loi du 10 février 1999,

a pour objet la répression des violations graves du droit international
humanitaire. Elle couvre certaines infractions aux conventions de Genève
du 12 août 1949 et aux protocoles additionnels no' 1et II à ces conven-
tions du 8 juin 1977. Elle vise également le crime contre l'humanité
qu'elle définitdans les termes retenus par la convention de Rome du

17juillet 1998. La loi ajoute en son article 7 que ((lesjuridictions belges
sont compétentes pour connaître des infractions prévues ila présenteloi.
indépendamment du lieu où celles-ci auront étécommises)). SEPARATE OPINION OF PRESIDENT GUILLAUME

[English Original 7;cictl

Criminul jurisdiction of' rzutionul courts-- Plue? qf' cornrnission uf'rlle
qfjbnce - Otlirr criteritr of'connect-on Universalji~ri.s -diAh.reoceoj.'

1. 1fully subscribe to the Judgment rendered by the Court. 1believe it
useful however to set out my position on one question which the Judg-
ment has not addre,ssed: whether the Belgian ju~ige had jurisdiction to
issue an international arrest warrant against Mr. Yerodia Ndombasi on
11 April 2000.

This question was raised in the Democratic R1:public of the Congo's
Application institutiiig proceedings. The Congo mxintained that the arrest
warrant violated noi. only Mr. Yerodia's immunicy as Minister for For-
eign Affairs but also "the principle that a Stat: may not exercise its
authority on the territory of another State". It accordingly concluded

that the universal jurisdiction which the Belgian State had conferred
upon itself pursuant to Article 7 of the Law of 16 June 1993, as amended
on 10 February 1999, was in breach of internat onal law and that the
same was therefore frue of the disputed arrest warrant.
The Congo did not elaborate on this line of argument during the oral

proceedings and dicl not include it in its final :ubmissions. Thus, the
Court could not rule:on this point in the operativ'r part of its Judgment.
It could, however, have addressed certain aspects of the question of
universal jurisdiction in the reasoning for its di:cision (see Judgment,
para. 43).

That would have been a logical approach; a court's jurisdiction is a
question which it must decide before considering the immunity of those
before it. In other words, there can only be imm'lnity from jurisdiction
where there is jurisdiction. Moreover, this is an 'mportant and contro-
versial issue, clarification of which would have be:n in the interest of al1

States, including Belgium in particular. 1 believe it worthwhile to provide
such clarification here.
2. The Belgian Law of 16 June 1993, as amended by the Law of 10
February 1999, aims at punishing serious violations of international
humanitarian law. It covers certain violations of tl-e Geneva Conventions

of 12August 1949and of Protocols 1and II of 8 June 1977additional to
those Conventions. It also extends to crimes ag,iinst humanity, which
it defines in the terrns used in the Rome Convention of 17 July 1998.
Article 7 of the Law adds that "[tlhe Belgian c3urts shall have juris-
diction in respect of the offences provided for in tlie present Law, where-

soever they may have been committed".36 MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. GUILLAUME)

3. Le mandat d'arrêtattaqué inculpe M. Yerodia Ndombasi d'infrac-
tions graves aux conventions de Genèveet de crimes contre l'humanité. Il
rappelle que, aux termes de l'article 7 de la loi du 16juin 1993modifiée,

les auteurs de telles infractions ((relèventde la compétence des juridic-
tions belges, quelles que soient leur nationalité et celle des victimes)).Il
ajoute que «les juridictions belges sont compétentes mêmesi l'inculpé
(belge ou étranger) n'est pas trouvé en Belgique)). 11préciseque, «en
matière de droit humanitaire, le législateura voulu ainsi dérogerau prin-
cipe de territorialité du droit pénal dans la ligne des dispositions des
quatre conventions de Genèveet du protocole 1)).Il note que

«la convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [s'inscrit]
dans la mêmeoptique en reconnaissant la légitimitéd'une compétence
extra-territoriale en la matière et en consacrant le principe uut
ctr~trreuut judicare».

Sur ces bases, il conclut A la compétencedes juridictions belges.
4. En vue d'apprécierla validitéde ce raisonnement, il convient tout
d'abord de rappeler les principes fondamentaux régissant endroit inter-
national l'exercice par les Etats de leur compétencejuridictionnelle en
matière pénale.
Le droit pénala pour premier objet de permettre la répressiondans
chaque pays des infractions commises sur le territoire national. En effet,
c'est sur ce territoire que peuvent le plus souvent êtrerassembléesles
preuves de l'infraction. C'est là que cette dernièreporte généralementses

effets. C'est là enfin que la peine prononcée peut le plus naturellement
servir d'exemple. Aussi la Cour permanente de Justice internationale
a-t-elle constaté dès 1927 que «le principe de la territorialité du droit
pénal est a la base de toutes les législations»'.
La question s'est cependant toujours poséede savoir si d'autres Etats
que I'Etat territorial ont compétenceconcurrente pour engager des pour-
suites pénalescontre lesauteurs d'infractions. Un vaste débats'est engagé
a cet égarddès la constitution en Europe des grands Etats modernes. Cer-
tains auteurs, comme Covarruvias et Grotius, ont soulignéque la pré-
sence sur le territoire d'un Etat d'un criminel étrangerjouissant en paix
du fruit de ses crimes n'était pastolérable.Ils ont par suite soutenu que

les auteurs de certaines infractions particulièrement graves devaient pou-
voir êtrepoursuivis tant par 1'Etatsur le territoire duquel le crime a été
commis que dans le pays où ils ont tentéde trouver refuge. Ce pays serait
tenu d'une obligation d'arrestation, suivie d'extradition ou de poursuite,
selon la maxime uut dederc.aut judicure2.
Ce courant doctrinal favorable la répression universellese heurta

'
Lotus, urrPt no 9, 1927, C.P.J.I.Asn" IO,p. 20.
livre II. chap. XXI, 4;rvoir aussi li1,chap. V. no 7; Grotius, De,jur~bpu ci.^, ARF1EST WARRANT (SEP. OP. GUILL.~UME)
3 6

3. The disputed arrest warrant accuses Mr. Yerodia of grave breaches
of the Geneva Convi:ntions and of crimes against ~~umanityI.t states that
under Article 7 of the Law of 16June 1993,as aniended, perpetrators of
those offences "fa11iunder the jurisdiction of the Belgian courts, regard-
less of their nationality or that of the victims". It adds that "the Belgian
courts have jurisdiction even if the accused (Be1:ian or foreign) is not
found in Belgium". It states that "[iln the matter ot'humanitarian law, the

lawmaker's intention was thus to derogate from the principle of the ter-
ritorial character of criminal law, in keeping witli the provisions of the
four Geneva Converitions and of Protocol 1".It tiotes that

"the Convention of 10 December 1984 agaiiist Torture and Other
Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment [is] to be
viewed in the same way, recognizing the legitimacy of extra-territo-
rialjurisdiction in the area and enshrining the principle of uut dederr
uut jz~dicare".

It concludes on these bases that the Belgian courts have jurisdiction.
4. In order to assess the validity of this reasoning, the fundamental
principles ofinternational law governing States' exerciseof their criminal
jurisdiction should first be reviewed.

The primary aim of the criminal law is to enatle punishment in each
country of offences committed in the national territory. That territory is

where evidence of the offence can most often be gathered. That is where
the offence generally produces its effects. Finally, that is where the pun-
ishment imposed can most naturally serve asan example. Thus, the Per-
manent Court of Int<:rnational Justice observed a: far back as 1927that
"in al1systems of law the principle of the territorial character of criminal
law is fundamental" '.
The question has. however, always remained open whether States
other than the territorial State have concurrent jurisdiction to prosecute

offenders. A wide debate on this subject began as carly as the foundation
in Europe of the major modern States. Some wr ters, like Covarruvias
and Grotius, pointed out that the presence on the territory of a State of
a foreign criminal peacefully enjoying the fruits oPhis crimes was intol-
erable. They therefore maintained that it should bi: possible to prosecute
perpetrators of certain particularly serious crinles not only in the State on
whose territory the crime was committed but also in the country where
they sought refuge. Iri their view, that country was under an obligation to

arrest, followed by extradition or prosecution, ir accordance with the
maxim uut cledere aut judicczre2.
Beginning in the eighteenth century however, this school of thought

' Covarr~iviasPrtrc.tic,rirutncllrcrc,Cihap. II, No. 7. Grotius, Dejurebelliiic
pcrcisBook II,Chap. XXI. para. 4; see also Book 1,Chap.\'.37 MANDAT D'ARRET (OP. IND. GUILLAUME)

cependant à partir du XVIII' siècleêun autre mouvement d'idée hostile

à une telle répression, illustré notamment par Montesquieu, Voltaire et
Jean-Jacques Rousseau '.Leur penséetrouva sa traduction au plan pénal
dans les ouvrages de Beccaria qui, dès 1764, soulignait que «les juges ne
sont pas les vengeurs du genre humain en général ...Un crime ne peut être
puni que dans le pays où il a étécommis.))"
La philosophie des lumiéresinspira le législateur révolutionnaire et le

droit du XIX" siècle.Certains en poussèrent mêmela logique jusqu'à son
terme et Martens, en 1831, pouvait affirmer que «le pouvoir législatif
[s'étend]sur toutes les personnes et sur tous les biens qui se trouvent dans
l'Etat» et que «la loi ne s'étend point sur d'autres Etats ni sur leurs
sujetsn5. Un siècleplus tard, Max Huber lui faisait échoen rappelant en

1928, dans la sentence de L'île de Palniu.~,que 1'Etat a ((compétence
exclusive ... en ce qui concerne son propre territ~ire))~.
Dans la pratique, le principe de la souveraineté territoriale ne devait
pas supporter d'exception en ce qui concerne l'usage de la contrainte,
mais il n'en fut pas de mêmepour ce qui est des compétences législatives

et juridictionnelles. En particulier, le droit international classique n'exclut
pas que I'Etat puisse dans certains cas exercer sa compétencejuridiction-
nelle sur des infractions commises à l'étranger. Mais comme l'avait, la
encore, rappelé la Cour permanente dans l'affaire du Lotus, un tel exer-
cice n'est pas sans limites7. Dans le droit classique, un Etat ne peut nor-

malement connaître d'une infraction commise à l'étrangerque si le délin-
quant, ou à la rigueur la victime, a la nationalité de cet Etat ou si le crime
porte atteinte sa sûreté intérieure ou extérieure. Les Etats demeurent
d'ordinaire incompétents pour connaître d'infractions commises a l'étran-
ger entre étrangers.

5. Traditionnellement, le droit international coutumier admettait
cependant un cas de compétence universelle, celui de la piraterie. Plus
récemment,il a étépréciséà l'article 19 de la convention de Genèvesur la
haute mer du 29 avril 1958,puis à l'article 105de la convention de Mon-
tego Bay du 10 décembre 1982 que:

«Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de
la juridiction d'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate ...et

appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les
tribunaux de 1'Etat qui a opéréla saisie peuvent se prononcer sur les
peines à infliger.»

Montesquieu, L'ç.yrir de.sI0i.s.livre 26. chap. 16;Voltaire. Dic~~ionnoirhilo-
.voj~hiyurr,ubrique ((Crimcs et délitsde temps ct de lieu»: Rousseau, Bu c,oiirrut.c.ociol.
li''eTI .hap. 12.et livre III. chap. 18.
Beccaria. Trrritr;(/PTrii.1if.scjt(lesj~einr1.p,ar. 2
PI I'usuge, 1831.vol1.par. 85 et 86 (voir également par. 100).»/eoncii.sur les trcriti..~
('R~ecirc~iLl/L,..sFent<'ncesurhitr~l~~(le(;Nt~tion~.II. sentence du 4 avril 1928.
p. 838.
' Lotus. tirrPrno lY27, C'P.J.I. si.r.ieA n" 10. p. 19. ARliEST WARRANT (SEP. OP. GUILL~UME) 37

favouring universal punishment was challengecl by another body of
opinion, one opposed to such punishment and rxemplified notably by

Montesquieu, Voltaire and Jean-Jacques Rousse lu '. Their views found
expression in terms of criminal law in the works of Beccaria, who stated
in 1764 that "judges are not the avengers of humankind in general . . .A
crime is punishable only in the country where it %vas~ommitted."~
Enlightenment philosophy inspired the lawmakers of the Revolution

and nineteenth-century law. Some went so far as to push the underlying
logic to its conclusion, and in 1831 Martens cou d assert that "the law-
maker's power [extends] over al1 persons and Froperty present in the
State" and that "the law does not extend over other States and their sub-
je~ts"~. A century later, Max Huber echoed that assertion when he stated

in 1928. in the Award in the Island of Palmus case. that a State has
"exclusive competence in regard to its own territoryW6.
In practice, the principle of territorial soverei;;nty did not permit of
any exception in respect of coercive action, but t iat was not the case in
regard to legislative and judicial jurisdiction. In particular, classic inter-

national law does nat exclude a State's power in some cases to exercise its
judicial jurisdiction over offences committed abroad. But as the Perma-
nent Court stated, once again in the "Lotus" case, the exercise of that
jurisdiction is not without its limits7. Under the 12w as classically formu-
lated, a State normally has jurisdiction over an off;:nce committed abroad

only if the offender, or at the very least the victim, has the nationality of
that State or if the crime threatens its interna1 or :xternal security. Ordi-
narily, States are without jurisdiction over crime:, committed abroad as
between foreigners.

5. Traditionally, customary international law did, however, recognize
one case of universal jurisdiction, that of piracy. In more recent times,
Article 19 of the Geneva Convention on the Higk Seas of 29 April 1958
and Article 105 of the Montego Bay Convention of 10 December 1982
have provided :

"On the high seas, or in any other place outside the jurisdiction of
any State, every State may seize a pirate ship or aircraft . .. and

arrest the persons and seize the property on baard. The courts of the
State which carried out the seizure may decide upon the penalties to
be imposed."

Montesquieu, L'espritdeslois. Book 26. Chaps. 16 ancl 2;Voltaire, Dicrionnilire
p/~ilosop/zii~ueh.eading "Crimes et délits de temps et de lit:u": Rousseau, Du contrclt
sociril.Book II, Chap. 12, and Book III, Chap. 18.
G. F. de Martens. Prckis ilu tlroit (lesgens tnodernes (le 1Eirroprfondl sur les rruirc~s
et I'usiige. 1831. V1.paras. 85 and 86 (see also para. 100)
Wnited Nations. R<,norisof IrirurnutionulArhitriil Awurti.5(RIAA). Vol. 11.Award of
4 April 1928,p. 838.
' "Lo~II.~"J.uc/ginent ,%'1927, P.C:I.J., Series No. 'O.p. 19. Ainsi, dans ces conventions, la compétence universelle est acceptée
pour la piraterie du fait que celle-ciest perpétréeen haute mer, hors du
territoire d'un quelconque Etat. Toutefois, mêmeen haute mer, le droit
international classique se montre fort restrictif puisqu'il n'admet la com-
pétence universelleque pour la piraterie et non pour d'autres crimes ou
délitscomparables qui peuvent, eux aussi, êtrecommis hors de lajuridic-

tion des Etats côtiers, tels le trafic des esclaves8 ou celui des stupéfiants
ou de substances psychotropesy.
6. Les inconvénients d'une telle approche apparurent clairement au
début du XX"siècleen ce qui concerne le faux monnayage, et la conven-
tion du 20 avril 1929préparéeau sein de la Société desNations marqua
sur ce point une certaine évolution. En effet, elle permit aux Etats
d'étendre leurlégislation pénaleaux infractions de faux monnayage con-

cernant desmonnaiesétrangèresE . lleajouta que «lesétrangers qui ont com-
mis a l'étranger))l'une desinfractions prévuespar la convention «et qui
se trouvent sur le territoire d'un pays dont la législationinterne admet
comme règlegénéralele principe de la poursuite d'infraction commise à
l'étranger doivent être punisde la mêmemanière que si le fait avait été
commis sur le territoire de ce pays)). Mais elle subordonna cette obliga-
tion à diverses conditions Io.

Une approche comparable fut suivie par la convention unique sur les
stupéfiantsdu 30 mars 1961 '' et par la convention des Nations Unies du
21 février1971 l2 sur les substances psychotropes qui réservent«les dis-
positions constitutionnelles de chaque Partie, son systèmejuridique et sa
législationnationale)). Aucune de ces conventions, pas plus d'ailleurs que
les conventions de Genève de 1949,ne contient de dispositions régissant

la compétencedes tribunaux nationaux.
7. Un nouveau pas sera franchi en ce sens a partir de 1970 en vue de
lutter contre le terrorisme international. A cette fin, les Etats mirent en
effet sur pied un dispositif inconnu jusqu'alors: celui de la compétence
universelle obligatoire, encore que subsidiaire.
Cette innovation fondamentale fut le fait de la convention de La Haye
du 16décembre1970pour la répressionde la capture illicited'aéronefs 17.

Celle-cifait obligation a 1'Etatsur le territoire duquel l'auteur de l'infrac-
tion se réfugiede l'extrader ou d'engager despoursuites a son encontre.

Voir la convention de Genève du 25 septembre 1926relativà l'esclavageet la con-
vention supplémentairedes Nations Unies du 7 septembre 1956(textes dansde Martens,
Nouveuu recueil g6n6rul des troit, ' série, t.XIX, p. 303, et Colliard et Manin, Droit
international et histoire diplotnatique, t. 1,p. 220).
La convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiantset de puis-
sances psychotropes, signàeVienne le 20décembre1988,traite en son article 17du trafic
illicite en mer. Elle réservela compétencede 1'Etatdu pavillon (texte dans la Revue gén6-
rule de droit internutionul public, 198913,p. 720).
Io Recueil des truitéstle kr Socit.tt. des Nations. vol. 112, p. 371.
l2 Ibicl., vol. 1019.p. 175.tions Unies. vol. 520, p. 151.
'' Ibid., vol. 86p. 105. Thus, under these conventions, universal jurisdiction is accepted in

cases of piracy because piracy is carried out on tlie high seas, outside al1
State territory. However, even on the high seas, classic international law
is highly restrictive, iforit recognizes universaljuri,;diction only in cases of
piracy and not of other comparable crimes which might also be com-
mitted outside the jlurisdiction of coastal States. such as trafficking in
slaves8 or in narcotic drugs or psychotropic substances9.

6. The drawback:; of this approach became clcar at the beginning of

the twentieth century in respect of currency counierfeiting, and the Con-
vention of 20 April 1929,prepared within the Lea;:ue of Nations, marked
a certain development in this regard. That Convention enabled States to
extend theii-criminal legislation to counterfeiting crimes involving foreign
currency. It added that "[floreigners who have c~mmitted abroad" any
offence referred to iinthe Convention "and who are in the territory of a
country whose interna1 legislation recognises (1s a general rule the
principle of the prosecution of offences committed abroad, should be

punishable in the same way as if the offence had been committed in the
territory of that country". But it made that obligation subject to various
conditions Io.
A similar approach was taken by the Single Convention on Narcotic
Drugs of 30 March 1961 and by the United Nations Convention on
Psychotropic Substances of 21 February 1971 12,both of which make cer-
tain provisions subject to "the constitutional limitations of a Party, its
legal system and domestic law". There is no pi.ovision governing the

jurisdiction of national courts in any of these conventions, or for that
matter in the Geneva Conventions of 1949.
7. A further step was taken in this direction be,;inning in 1970in con-
nection with the fight against international terrori ;m. To that end, States
established a novel rnechanism :compulsory, albeit subsidiary, universal
iurisdiction.
This fundamental innovation was effected by ihe Hague Convention
for the Suppression of Unlawful Seizure of Aircraft of 16 Decem-

ber 19701'.The Corivention places an obligation on the State in whose
territory the perpetrator of the crime takes refuge to extradite or

See the Geneva Slavery Convention of 25 September 1926 and the United Nations
Supplementary Convention of 7 September 1956(French te:its in de Martens, Nour~uu
rccuc,ilgéni.i.uldr.~tiuiti.!;,3rd Series. Vol. XIX, p. 303, and Colliard and Manin. Droit
intcrnutionul rt liisrdiploniutique, Vol. 1, p. 220).
Article 17of the United Nations Convention against Illicit Traffic in Narcotic Drugs
and Psychotropic Substances, signed at Vienna on 20 Deceinber 1988, deals with illicit
traffic on the seas. It reserves the jurisdiction of the flag State (French text in Revue g<;iîc;-
rcd"'League of Nations, 'TreutySeries (LNTS), Vol. 112,p. 371.
''United Nations, Trruty Series IUNTS), Vol. 520, p. 151.
l2UNTS. Vol. 1019,p. 175.
l3UNTS. Vol. 860, p.105.Mais un tel dispositif eût étéinsuffisant si en mêmetemps la convention
n'avait créépour les Etats parties une obligation d'établir à cette fin leur
compétencejuridictionnelle. Aussi l'article4, paragraphe 2, de la conven-
tion dispose-t-il que:

«Tout Etat contractant ...prend les mesures nécessairespour éta-
blir sa compétenceaux fins de connaître de l'infraction dans le cas
où l'auteur présuméde celle-cise trouve sur son territoire et où ledit
Etat ne l'extrade pas conformément à [la convention].»

Cetteformulation marquait un tournant dont la conférencede La Haye
a d'ailleurs étéconscienteI4. Désormaisl'obligation de poursuite n'était
plus subordonnée à l'existence d'une compétence, mais la compétence
elle-mêmedevait êtreprise pour permettre les poursuites.
8. Le système ainsi adoptéfut repris avec quelques variantes mineures
dans un grand nombre de conventions, à savoir la convention de Mon-
tréal du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés
contre la sécuritéde l'aviation civile; la convention de New York du
14décembre1973sur la préventionet la répression desinfractions contre

les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les
agents diplomatiques; la convention de New York du 17décembre1979
contre la prise d'otages; la convention de Vienne du 3 mars 1980sur la
protection physique des matiéres nucléaires;la convention de New York
du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants; le protocole de Montréal du
24 février1988relatif a certaines violences commises dans les aéroports;
la convention de Rome du 10 mars 1988pour la répressiond'actes illi-
cites contre la sécuritéde la navigation maritime; le protocole du iiîême
jour concernant la sécuritédes plates-formes fixes situéessur le plateau
continental; la convention de Vienne du 20 décembre1988contre le trafic

illicite des stupéfiantset des substances psychotropes; la convention de
New York du 15 décembre 1997pour la répressiondes attentats terro-
ristesà l'explosif; enfin la convention de New York du 9 décembre1999
pour la répressiondu financement du terrorisme.
9. Ainsi étaitmis conventionnellement sur pied un systèmecorrespon-
dant aux doctrines prônées autrefois par Grotius. Lorsque l'auteur de
l'une des infractions couvertes par ces conventions est trouvésur le ter-
ritoire d'un Etat, ce dernier est dans I'obligation de l'arrêter,puis de
l'extrader ou de le poursuivre. Il doit avoir au préalable conféré compé-
tence à ses tribunaux pour juger l'intéresséen l'absence d'extradition. De
la sorte est assurée une répression universelle desinfractions en cause,

leurs auteurs ne pouvant trouver refuge sur le territoire d'aucun Etat.
En revanche, aucun de ces textes n'a envisagél'établissement d'un ceom-

'Va conférence diplomatique de La Haye a en effet complétésur ce point le projet du
solution fut acquise sur proposition de l'Espagne par 34 voix contre2 absten-. Cette
tions (voirtlnutiirefiririqtiis c/e&oit ir~tcnicrp.49).,1970,prosecute him. But this would have been insufficient if the Convention
had not at the same time placed the States parties under an obligation to
establish their jurisdiction for thatpurpose. Thus, Article 4, paragraph 2,
of the Convention provides :

"Each Contracting State shall . ..take suzh measures as may be
necessary to establish its jurisdiction over the offence in the case
where the alleged offender is present in its territory and it does not
extradite him piursuant to [the Convention]."

This provision marked a turning point, of whicl-the Hague Conference
was moreover cons~ious'~.From then on, the obli:;ation to prosecute was
no longer conditional on the existence of jurisdict,on, but rather jurisdic-
tion itself had to be established in order to make prosecution possible.
8. The system as thus adopted was repeated viith some minor varia-
tions in a largenumber of conventions: the Montleal Convention for the
Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Civil Aviation of
23 September 1971; the New York Convention 3n the Prevention and
Punishment of Crimes against Internationally Prctected Persons, includ-

ing Diplomatic Agents, of 14December 1973;the New York Convention
against the Taking of Hostages of 17 December 1979;the Vienna Con-
vention on the Physical Protection of Nuclear Matxials of 3March 1980;
the New York Convention against Torture and Other Cruel, lnhuman or
Degrading Treatment or Punishment of 10December 1984;the Montreal
Protocol of 24 Febr~iary 1988concerning acts of biolence at airports; the
Rome Convention for the Suppression of Unlawful Acts against the
Safety of Maritime Navigation of 10 March 1988; the Protocol of the
same date concerning the safety of platforms loczted on the continental
shelf; the Vienna Coinventionagainst Illicit Traffic in Narcotic Drugs and

Psychotropic Substances of 20 December 1988; tlie New York Conven-
tion for the Suppression of Terrorist Bombings 3f 15 December 1997;
and finally the New York Convention for the Suppression of the Finan-
cing of Terrorism of 9 December 1999.

9. Thus, a system corresponding to the doctrines espoused long ago by
Grotius was set up by treaty. Whenever the persetrator of any of the
offences covered by these conventions is found in he territory of a State,
that State is under ,an obligation to arrest him, and then extradite or
prosecute. It must have first conferred jurisdiction 3n its courts to try him
if he is not extradited. Thus, universal punishment of the offences in

question is assured, issthe perpetrators are deniec refuge in al1States.

Bycontrast, none lofthese texts has contemplatcd establishing jurisdic-

l4The Diplomatic Conference at The Hague supplemented the ICA0 Legal Cornmittee
Spain's proposa1 by a vote of 34 to 17, with 12abstentions (see Awriuui.se droitidon
interi~<rtioriul1.p.4911.pétencejuridictionnellepour connaître d'infractions commisesa l'étranger
par des étrangers à l'encontre d'étrangers lorsque I'auteur deces infrac-
tions ne se trouve pas sur le territoire de1'Etatintéressé. La compétence
universelle par défautest inconnue du droit international conventionnel.
10. Aussi bien, et faute de dispositions conventionnelles, la Belgique,

dans son mémoire écritcomme dans ses plaidoiries, se réfère-t-ellepour
l'essentiel sur ce point au droit coutumier international.
11. Dans cette perspective, la Belgique évoquele développement de la
justice pénale internationale. Mais ce développement a eu précisément
pour objet de pallier les insuffisances des justices nationales, et les règles
gouvernant la compétencedes juridictions internationales telles qu'éta-
blies par traitéou par le Conseil de sécuritésont bien entendu sans inci-
dence sur la compétencedes juridictions nationales.
12. Aussila Belgiquecherche-t-ellepour l'essentiel àjustifier saposition

en se référantà la pratique des Etats età leuropini ouris. Les législations
et jurisprudences nationales évoquées au dossierne vont cependant pas
dans le sens des thèsesbelgeset j'en fournirai quelques exemplestopiques.
En France, l'article 689-1 du code de procédurepénale disposeque:

((En application des conventions internationales viséesaux articles
suivantsI5, peut êtrepoursuivie et jugée par les juridictions fran-
çaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue
coupable hors du territoire de la République de l'une des infrac-
tions énuméréep sar ces articles.

Deux lois des 2 janvier 1995 et 22 mai 1996 relatives a certains crimes
commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda ont étendu la compétence
desjuridictions françaises à de tels crimes lorsque, là encore, l'auteur pré-
sumé de l'infractionest trouvéen territoire françaisLh.En outre la Cour
de cassation française a interprétérestrictivement l'article 689-1 en esti-
mant que, «en l'absence d'effet direct desdispositions des quatre conven-
tions de Genève relatives à la recherche et à la ~oursuite des auteurs

d'infractions graves, I'article 689 du code de procédure pénale nesaurait
recevoir application »en ce qui concerne les auteurs d'infractions gravesà
ces conventions trouvés en territoire français17.
En Allemagne, le Code pénal (Strafgesetzbuch)contient en son article 6,
paragraphes 1 et 9, et en son article7, paragraphe 2, des dispositions per-
mettant la poursuite dans certaines hypothèses de crimes commis à I'étran-
ger. Dans un cas de génocide (Tadit), la Cour suprême fédéraleallemande
(Bundesgerichtshof) a certes rappelé que: «la loi pénale allemandeest
applicable en vertu de l'article 6, paragraphe 1, à un crime de génocide

commis à l'étranger indépendammentmêmede la loi de 1'Etatterritorial

l5 A savoir les conventions internationales mentionnées aux paragraphes 7 et 8 de la
présente opinion auxquelles la France est partie.
Ih Pour l'application de cette dernière loi, voir Cour de cassation, chambre criminelle,
6 janvier 1998, Munyeshyuku.
l7 Cour de cassation, chambre criminelle, 26 mars 1996,no 132,Juvor.tion over offences icommitted abroad by foreigners against foreigners
when the perpetrator is not present in the territory of the State in ques-
tion. Universal jurisdiction in ubsentiu is unknomn to international con-
ventional law.
10. Thus, in the absence of conventional provisions, Belgium, both in

its written Memorial and in oral argument, relies i:ssentiallyon this point
on international customary law.
11. In this connection, Belgium cites the development of international
criminal courts. But this development was precisely in order to provide a
remedy for the deficienciesof national courts, and the rules governing the
jurisdiction of international courts as laid down by treaty or by the Secu-
rity Council of course have no effect upon the jurisdiction of national
courts.
12. Hence, Belgium essentially seeks to justify its position by relying
on the practice of States and their opinio juris. However, the national
legislation and jurisprudence cited in the case f le do not support the

Belgian argument, and 1will give some topical eramples of this.
In France, Article 689-1of the Code of Criminal Procedure provides:
"Pursuant to the international conventions referred to in the
following articles", any person, if present in France, may be

prosecuted and tried by the French courts il'that person has com-
mitted outside the territory of the Republic one of the offences
specified in those articles."
Two Laws, of 2 January 1995 and 22 May 1996, concerning certain

crimes committed in the former Yugoslavia and iri Rwanda extended the
jurisdiction of the French courts to such crimes where, again, the pre-
sumed authoi-of the offence is found in French territory Ih.Moreover, the
French Court of C,assation has interpreted Artrcle 689-1 restrictively,
holding that, "in the absence of any direct effect o 'the four Geneva Con-
ventions in regard ta' searchand prosecution of the perpetrators of grave
breaches, Article 689 of the Code of Criminal Procedure cannot be
applied" in relation to the perpetrators of grave 1)reachesof those Con-
ventions found on French territory ''.
In Germany, the Criminal Code (Strafgesetzbucki)contains in Section 6,
paragraphs 1and 9, and in Section 7, paragraph 2, provisions permitting

the prosecution in certain circumstances of crimes committed abroad. And
indeed in a case of genocide (Tudik) the German IzederalSupreme Court
(Bundesgerichtshof) recalled that :"German criminiillaw is applicable pur-
suant to section 6, pxagraph 1, to an act of geno:ide committed abroad
independently of the law of the territorial State (principle of so-called

l5Namely the international conventions mentioned in pragraphs7 and 8 of the
present opinion to which France is party.
6 January 1998. Munyesliyako.his latter Law. see Court of Cajsation, Criminal Chamber,
IiCourt of Cassation, Criminal Chamber, 26 March 1996 No. 132,Javor.41 MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. GUILLAUME)

(principe de la compétence dite universelle)». Elle a toutefois ajouté
((qu'une condition préalableest que le droit international n'interdise pas
qu'il soit procédé de la sorte)); en outre, c'est seulement si,dans chaque

cas, il existe un «lien» légitimantdes poursuites en Allemagne «qu'il est
possible d'appliquer la loi pénaleallemande a la conduite d'un étranger à
l'étranger.En l'absenced'un tel lien avec 1'Etatdu for, des poursuites cri-
minellesviolent le principe de non-ingérenceselon lequelchaque Etat doit
respecter la souverainetédes autres Etats. »lX Au cas particulier, la Cour

fédérale estimaqu'un tel lienexistait du fait que l'accusérésidaitvolontai-
rement depuis plusieurs mois en Allemagne, qu'il y avait établilecentre de
ses intérêts et qu'il avait été arrêté en territoire allemand.
La Cour suprêmedes Pays-Bas (Hoge Raad) a eu à connaître de pro-
blèmescomparables dans l'affaire Bouterse. Elle a relevéque la Iégisla-

tion néerlandaiseadoptéepour l'application des conventions de La Haye
de 1970et de Montréal de 1971ne donnait compétenceaux juridictions
néerlandaisespour des infractions commises a l'étrangerque si ((l'accusé
étaittrouvé auxPays-Bas)). Elle en a déduitqu'il enétaitde mêmedans
le cas de la convention de 1984contre la torture, bien que cette précision

n'ait pas étéintroduite dans la législationportant application de ladite
convention. Elle a donc jugéque des poursuites aux Pays-Bas pour des
actes de torture commis a I'étrangern'étaientpossibles que

«si l'une des conditions de rattachement prévuepar la convention
pour l'établissementde la compétencejuridictionnelle étaitremplie,
par exemple si l'accuséou la victime était néerlandaisou devait être
regardécomme tel ou si l'accusése trouvait sur le territoire néerlan-

dais au moment de son arrestation))".

lnBundesgerichtshof, 13 février 1994, 1 BGs 100.94, dans Neue Zeil.sc./~rStruf-
rec/~t,1994, p. 232-233. Le texte original en allemand se lit comme suit:
((4u) Nach 56 Nr. 1StGB gilt deutsches Strafrecht für ein im Ausland begangenes
Verbrechen des Volkermordes (5220a StGB), und zwar unabhangig vom Recht des
Tatorts (sog. Weltrechtsprinzip). Vorraiissetzung ist alle-diüber den Wortlaut
der Vorschrifthinaus -, daB ein volkerrechtliches Verbot nicht entgegensteht und
auBerdem ein legitimierender Anknüpfungspunkt im Einzelfall einen unmittelbaren
Bezug derStrafverfolgung zum lnland herstellt; nur dann ist die Anwendung inner-
staatlicher (deutscher) Strafgewalt auf die Auslandstat eines Auslinders gerechtfertigt.
Fehlt ein derartiger Inlandsbezug, soerstoBt die Strafverfolgung gegen das sog.
Nichteinmischungsprinzip, das die Achtung der Souveranitit fremder Staaten gebietet
(BGHSt 27, 30 und 34, 334: Oehler JR 1977,424: Holzhausen NStZ 1992.268).)>
Dans le même sens, Düsseldorf Oberlandesgericht. 26 septembre 1997,Bundesgerichts-
hof, 30 avril 1999, Jorgit: Düsseldorf Oberlandesgericht. 29 novembre 1999, Bundes-
gerichtshof, 21 février2001, Sokolilii.
IyHoge Raad, 18septembre 2001, Boutersr. par. 8.5. Le texte original en néerlandaisse
lit comme suit:
((indien daartoe een in dat Verdrag genoemd aanknopingspunt voor de vestiging van
rechtsmacht aanwezig is, bijvoorbeeld omdat de vermoedelijke dader dan wel het
slachtoffer Nederlander is of daarmee gelijkgesteld moet worden, of omdat de-
moedelijke dader zich ten tijde van zijn aanhouding in Nederland bev».dtuniversal jurisdictiori)". The Court added, howeve -, that "a condition pre-
cedent is that international law does not prohibit such action"; it is only,
moreover, where there exists in the case in questi,~na "link" legitimizing
prosecution in Germany "that it is possible to apply German criminal law

to the conduct of a foreigner abroad. In the absence of such a link with the
forum State, proseciltion would violate the principle of non-interference,
under which every Ljtate is required to respect tlie sovereignty of other
States." '' In that case, the Federal Court held that there was such a link by

reason of the fact that the accused had been volur tarily residing for some
months in Germany, that he had established his centre of interests there
and that he had been arrested on German territory.
The Netherlands Supreme Court (Hoge Raad) was faced with compa-

rable problems in the Bout~rsr case. It noted thôt the Dutch legislation
adopted to implement the Hague and Montreal Cmventions of 1970 and
1971 only gave the Dutch courts jurisdiction in respect of offences com-
mitted abroad if "the accused was found in the Netherlands". It con-
cluded from this thait the same applied in the case ~fthe 1984Convention

against Torture, everithough no such specificprovision had been included
in the legislation implementing that Convention. 1t accordingly held that
prosecution in the Netherlands for acts of torture committed abroad was

possible only
"if one of the. conditions of connection provided for in that

Convention for the establishment of jurisdiction was satisfied,
for example if the accused or the victim w.rs Dutch or fell to be
regarded as such, or if the accused was on Dutch territory at the
time of his arrest" ".

'"undesgerichtshof, 13 February 1994, 1 BGs 100.94, in Neur Zeit.~chri/t fur Srrufi
recllt1994, pp. 232-233. The original German text reads as follows:

"4CI)Nach $6 Nr. 1StGB gilt deutsches Strafrecht füi.ein im Ausland begangenes
Verbrechen des Volkermordes (5220a StGB). und zwar unabhingig vom Recht des
Tatorts (sog. Weltrechtsprinzip). Vorraussetzung ist alleidi-gsüber den Wortlaut
der Vorschrift hinaus -, daB ein volkerrechtliches Ver-lot nicht entgegensteht und
auBerdem ein legitimierender Anknüpfungspunkt im Eilîzelfall einen unmittelbaren
Bezug der Strafverfo'lgungzum Inland herstellt; nur dar n ist die Anwendung inner-
staatlicher (deutscher) Strafgewalt auf die Auslandstat (:inesAuslanders gerechtfer-
tigt. Fehlt ein derartiger Inlandsbezug, so verstoflt die Sti-afvcrfolgunggegen das sog.
Nichteinmischungspi-inzip, das die Actitung der Souve.initatfremder Staaten ge-
bietet (BGHSt 27, 30 und 34.334; Oehler JR 1977,424: Holzhausen NStZ 1992.2681."
Similarly. Düsseldorf Oberlandesgericht, 26 September 1997.Bundesgerichtshof, 30April
1999,Jorgit; I>üsseldorfOberlandesgericht, 29November 1995.Bundesgerichtshof, 21 Feb-
ruary 2001,Sokoleii..
''Hoge Rad, 18September 2001, Boi4tei.spara. 8.5. The original Dutch text reads as
follows:

"indien daartoe een in dat Verdrag genoemd aankopingjpunt voor de vestiging van
rechtsmacht aanwezig is, bijvoorbeeld omdat de vermtedelijke dader dan wel het
slachtoffer Nederlander is of daarmee gelijkgesteld moet worden, of omdat dever-
moedelijke dader zich ten tijde van zijn aanhouding in ?lederland bevindt". Les exemples pourraient êtremultipliéset le seul pays dont la législa-
tion et la jurisprudence semblent clairement en sens inverse est 1'Etat

d'Israël qui, en ce domaine, constitue a l'évidenceun cas très particulier.

Pour conclure, je ne saurais faire mieux sur ce point que de citer lord
Slynn of Hadley qui, dans la premièreaffaire Pinochet, concluait (le texte
original en langue anglaise est reproduit ci-contre):

«Il ne ..semblepas qu'il ait étédémontréqu'il existe unepratique
étatique ou un consensus général - sans parler d'une convention
largement acceptée - selon lesquelstous lescrimes de droit interna-
tional devraient relever de la compétence desjuridictions nationales

en vertu du principe de la compétenceuniverselle ..Que lescrimes de
droit international devraient êtrejugésdevant des tribunaux inter-
nationaux ou dans 1'Etat de celui qui a perpétréle crime est une
chose; que des actions devraient êtreintentées à leur sujet auprèsdes
juridictions d'autres Etats, sans tenir compte d'une règle de droit
international coutumier établiede longue date, en est une autre ...
Mêmele fait qu'un acte soit reconnu comme un crime en droit inter-
national ne signifie pas que les juridictions de tous les Etats aient

compétencepour statuer sur un tel crime ..Il n'existe pas de compé-
tence universelle a l'égard descrimes de droit international ...»20

En d'autres termes, le droit international ne connaît qu'un seul cas
véritablede compétenceuniverselle: la piraterie. En outre, de nombreuses
conventions internationales prescrivent l'établissementd'une compétence
universelle subsidiaire en vue du jugement de certains délinquantsarrêtés
sur le territoire national et non extradésvers un pays étranger.La com-
pétence universellepar défauttelle que retenue dans la présente affaireest
inconnue du droit international.

13. Constatant que ni le droit conventionnel, ni le droit coutumier
international ne prévoient la possibilitépour un Etat de donner compé-
tence universelle à sestribunaux en l'absencede l'auteur del'infraction sur
son territoire, la Belgique soutient en dernier lieu que, même enl'absence
de tout traitéou de toute coutume en ce sens, ellejouissait d'une liberté
d'action totale. Elle invoque à cet effet l'arrêtrendu par la Cour perma-
nente de Justice internationale dans l'affaire du Lotus, selon lequel :

«Loin de défendre d'une manière généraleaux Etats d'étendre
leurs lois et leur juridiction à des personnes, des biens et des actes

hors du territoire, [ledroit international] leur laisse, à cet égard,une
large liberté,qui n'est limitéeque dans quelques cas par des règles
prohibitives ..»*'

House of Lords, 25 novembre 1998,R. v. Burtle; ex parte Pinoclzrt.
Lotus, urrit nY, 1927,C.P.J.1 s6rie'4 no10. p.19. ARREST WARRANT (SEP. OP. GUILL %UME) 42

Numbers of other examples could be given, and the only country
whose legislation anldjurisprudence appear clearly to go the other way is
the State of Israel, which in this field obviously constitutes a very special
case.
To conclude, 1carinot do better than quote what Lord Slynn of Hadley

had to say on this point in the first Pinochet case:

"It does not seem . . . that it has been show11that there is any State
practice or general consensus let alone a witlely supported conven-
tion that al1crirnes against international law should be justiciable in
National court:^on the basis of the universality of jurisdiction . . .

That internatioinal law crimes should be tricd before international
tribunals or in the perpetrator's own state is one thing; that they
should be impleaded without regard to a long established customary
international law rule in the Courts of other s ates is another ... The
fact even that an act is recognised as a crime iinder international law

does not mean that the Courts of al1 States have jurisdiction to try
it ... There is nlouniversality of jurisdiction fsr crimes against inter-
national law .. ."20

In other words, international law knows only one true case of universal

jurisdiction: piracy. Further, a number of international conventions pro-
vide for the establishment of subsidiary universal jurisdiction for pur-
poses of the trial of certain offenders arrested on national territory and
not extradited to a foreign country. Universal jurisdiction in ubsentiu as
applied in the preserit case is unknown to interna~ional law.

13. Having found that neither treaty law nor international customary
law provide a State with the possibility of conferring universal jurisdic-
tion on its courts wl~erethe author of the offence is not present on its
territory, Belgium colntends lastly that, even in the absence of any treaty
or custom to this effect, it enjoyed total freedom cf action. To this end it
cites from the Judgmient of the Permanent Court of International Justice

in the "Lotus" case:

"Far from laying down a general prohibition to the effect that
States inay not extend the application of theii laws and the jurisdic-
tion of their couirts to persons, property and icts outside their terri-
tory, [international law] leaves them in this respect a wide measure of
discretion which is only limited in certain cases by prohibitive

rules . . .""

House of Lords. 25 November 1998, R. v. Burtlr; ex parte Pir~oclirt.
'' "Lorus".Jt<c[qrnenItV9, 1927. P.C.I..I., SeA, No. 10, p. 19. Dès lors, et en l'absence de toute règle prohibitive, la Belgique aurait
pu, plaide-t-elle, s'attribuer une compétence universelle par défaut.
14. Cette argumentation ne paraît guère convaincante. En effet, la

Cour permanente elle-même,après avoir posé le principe général rap-
pelé par la Belgique, s'est interrogée sur la question de savoir «si les
considérations qui précèdent valent réellement pour la matière
pénale»". Elle a relevéque l'on pouvait soit envisager une telle applica-
tion, soit estimer que: «le caractère exclusivement territorial de la légis-

lation en cette matière constituerait un principe qui excluerait ipso
jùcto, sauf exceptions expresses, le droit pour les Etats d'étendreau-delà
de leurs frontières la juridiction pénale de leurs tribunaux))". Au cas
particulier, la Cour permanente n'estima pas nécessairede prendre parti
sur cette question. S'agissant de l'abordage d'un navire turc par un

navire français, elle se borna à constater que l'infraction reprochée avait
produit ses effets en territoire turc et que par suite les poursuites pénales
pouvaient «êtrejustifiées ... au point de vue du principe dit de la terri-
torialité~".
15. L'abstention de la Cour permanente était explicable en 1927,

compte tenu de la raretédu droit conventionnel existant alors. La situa-
tion est aujourd'hui, me semble-t-il, totalement différente. L'adoption de
la Charte des Nations Unies proclamant l'égalitésouveraine des Etats et
l'apparition sur la scène internationale des nouveaux Etats nés de la
décolonisation ont renforcé le principe de territorialité. Le droit pénal

international s'est lui-mêmeconsidérablement développé et constitue
aujourd'hui un corpus juridique impressionnant. Il reconnaît en de nom-
breuses circonstances la possibilité, voire l'obligation pour les Etats
autres que celui sur le territoire duquel l'infraction a étécommise, de
donner compétence a ses tribunaux pour poursuivre les auteurs de cer-

tains crimes lorsqu'ils se trouvent sur leur territoire. Des juridictions
pénales internationales ont été créées . ais à aucun moment il n'a été
envisagé de donner compétence aux tribunaux de tous les Etats du
monde pour poursuivre de tels crimes, quels qu'en soient les auteurs et
les victimes et quel que soit le lieu où se trouve le délinquant. Procéder

de la sorte risquerait d'ailleurs de créer le chaos juridictionnel le plus
total. Ce serait aussi promouvoir l'arbitraire au profit des puissants, cen-
sés agirau nom d'une ((Communauté internationale))aux contours indé-
terminés. Contrairerncnt à ce que préconise une partie de la doctrine,
une telle évolution marquerait non une progression, mais une régression

du droit.
16. Les Etats exercent avant tout leur compétence juridictionnelle
pénale sur leur territoire. Dans le droit international classique, ils ne
peuvent normalement connaître d'une infraction commise à l'étrangerque

-- Lotus. c~rrnlo Y1927,î P.J.I. .s&Ain" IO, p. 20.
l' Ihicl. ARREST WARRANT (SEP. OP. GUILLAUME) 43

Hence, so Belgiuni claimed, in the absence of any prohibitive rule it

was entitled to confer upon itself a universal jurisdiction in ubsentia.
14. This argument: is hardly persuasive. Indeed the Permanent Court
itself, having laid down the general principle cited I)yBelgium, then asked
itself "whether the foregoing considerations really apply as regards crimi-

na1juri~diction"~~. Iitheld that either this might t~ethe case, or alterna-
tively, that: "the exc:lusivelyterritorial character of law relating to this
domain constitutes a principle which, except as oiherwise expressly pro-
vided, would, ipsjo ucto, prevent States from extending the criminal juris-
diction of their courts beyond their frontiersW2'. In the particular case

before it, the Permanent Court took the view that it was unnecessary to
decide the point. Given that the case involved the collision of a French
vessel with a Turkish vessel, the Court confined itself to noting that the
effects of the offencc: in question had made theuselves felt on Turkish

territory, and that consequently a criminal prosecution might "be justi-
fied from the point of view of this so-called territorial prin~iple"'~.

15. The absence of a decision by the Permanelit Court on the point

was understandable in 1927, given the sparse treaty law at that time. The
situation is different .today, it seems to me - totally different. The adop-
tion of the United Niitions Charter proclaiming thz sovereign equality of
States, and the appearance on the international scene of new States, born
of decolonization, have strengthened the territo~ial principle. Interna-

tional criminal law has itself undergone considerlble developnient and
constitutes today an impressive legal corpus. It recognizes in many situa-
tions the possibility, corindeed the obligation, for itState other than that
on whose territory thseoffence was committed to cclnferjurisdiction on its

courts to prosecute the authors of certain crimes where they are present
on its territory. International criminal courts hav,: been created. But at
no time has it been envisaged that jurisdiction should be conferred upon
the courts of every State in the world to prosecutc such crimes, whoever

their authors and vici.imsand irrespective of the pl*cewhere the offender
is to be Sound. To do this would, nloreover, risk creating total judicial
chaos. It would also be to encourage the arbitrar), for the benefit of the
powerful, purportedly acting as agent for an ill-defined "international
community". Contrary to what is advocated by certain publicists, such a

development would represent not an advance iii the law but a step
backward.

16. States primaril y exercise their criminal jurisdiction on their own

territory. In classic international law, they normally have jurisdiction in
respect of an offence committed abroad only if tEe offender, or at least

" "Lotirs",J~rcig~neito.9, 1927. P.CIJ.. Srric..~No. IO. p20.
23 1/1i~I,
'"I~irl.p.23.si ledélinquantou, à la rigueur, la victime a leur nationalitéou si lecrime
porte atteinteà leur sûreté intérieureou extérieure. Ilsle peuvent en outre
en cas de piraterie et dans les hypothèses de compétenceuniverselle sub-
sidiaire prévues par diverses conventions si l'auteur de l'infraction se
trouve sur leur territoire. Mais en dehors de cescas, le droit international
n'admet pas la compétence universelle;il admet encore moins la compé-
tence universelle par défaut.
17. Passant au cas particulier, j'observerai que M. Yerodia Ndombasi

est accuséde deux types d'infraction, àsavoir de crimes de guerre graves
sanctionnés par les conventions de Genève et de crimes contre I'huma-
nité.
En ce qui concerne le premier chef d'accusation, je noterai que, selon
l'article49de la premièreconvention de Genève, l'article50de la deuxième
convention, l'article 129de la troisième convention et l'article46de la
quatrième convention :

«Chaque partie contractante aura l'obligation de rechercher les
personnes prévenuesd'avoir commis ou d'avoir ordonné de com-
mettre)) certainesinfractions graves la convention «et elledevra les
déférerà ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle
pourra, aussi, si elle lepréfère, et selonles conditions prévuespar sa

propre législation les remettre pour jugement à une autre Partie
contractante intéresséeà la poursuite .))

Cette disposition fait obligation à chaque partie contractante de
rechercher les intéresséset de les déférerses tribunaux (a moins qu'elle
ne préfèreles remettre a une autre partie). Les conventions de Genève
ne comportent cependant aucune disposition relative aux compétences
juridictionnelles comparable par exemple à l'article 4 de la convention
de La Haye précitée.Bien plus, elles ne créent aucune obligation de
recherche, d'arrestation ou de poursuite dans les cas où les personnes
prévenuesne se trouvent pas sur le territoire de1'Etatconcerné.Elles ne
sauraient donc et en tout étatde cause fonder une compétence univer-
selle par défaut. La Belgique n'a dès lors pu conférer unetelle compé-
tence à ses tribunaux sur la base de ces conventions et les poursuites

engagées en l'espèce contre M. Yerodia Ndombasi pour crimes de
guerre l'ont étépar un juge incompétent au regard du droit internatio-
nal.
Il en est de même ence qui concerne les poursuites pour crimes contre
l'humanité.En effet, aucune convention internationale, en dehors de la
convention de Rome du 17juillet 1998non entréeen vigueur, ne concerne
la répressionde ces crimes. Aussi bien lejuge belge, probablement cons-
cient de cette difficulté, a-t-il dans son mandat cru pouvoir viser la
convention du 10décembre1984contre la torture. Mais on ne saurait en
matière pénaleraisonner par analogie, ainsi que la Cour permanente de
Justice internationale l'a d'ailleurs rappelédans son avis consultatif du
4 décembre 1935 concernant la Computihilitk de certuins &crets-loisthe victim, is of their nationality, or if the crime threatens their interna1
or external security. Additionally, they may exerc\se jurisdiction in cases
of piracy and in the situations of subsidiary uni ersa lurisdiction pro-
vided for by various conventions if the offender i:,present on their terri-

tory. But apart from these cases, international law does not accept
universal jurisdiction; still less does it accept uiiversal jurisdiction in
ahsentiu.
17. Passing now to the specific case before us 1 would observe that
Mr. Yerodia Ndomibasi is accused of two typ:s of offence, namely
serious war crimes. punishable under the Geneva Conventions, and
crimes against humanity.

As regards the first count, 1 note that, under 4rticle 49 of the First
Geneva Convention, Article 50 of the Second Convention, Article 129 of
the Third Convention and Article 146 of the Fourth Convention:

"Each High Contracting Party shall be under the obligation to

search for persons alleged to have committed, or to have ordered to
be committed, [certain] grave breaches [of the Convention], and shall
bring such pers'ons, regardless of their naticjnality, before its own
courts. It may also, if it prefers, and in accordance with the provi-
sions of its own legislation, hand such persons over for trial to
another High Clontracting Party concerned . . ."

This provision rec~uireseach contracting party to search out alleged
offenders and bring them before its courts (unlrss it prefers to hand
them over to another party). However, the Geneva Conventions do
not contain any provision on jurisdiction comparable, for example, to

Article 4 of the Hague Convention already citecl. What is more, they
do not create any obligation of search, arrest O- prosecution in cases
where the offenders are not present on the terri ory of the State con-
cerned. They accordingly cannot in any event fcund a universal juris-
diction in ahsentiu. Thus Belgium could not ccnfer such jurisdiction
on its courts on the basis of these Conventions, and the proceedings
instituted in this case against Mr. Yerodia Ndombasi on account of

war crimes were brought by a judge who was not competent to do so
in the eyes of international law.

The same applies as regards the proceedings for crimes against human-
ity. No international convention, apart from the Rome Convention of

17 July 1998. which is not in force, deals with tke prosecution of such
crimes. Thus the Belgian judge, no doubt aware of this problem, felt him-
self entitled in his warrant to cite the Convention against Torture of
10 December 1984. 13ut it is not permissible in ci.iminal proceedings to
reason by analogy, as the Permanent Court of International Justice
indeed pointed out in its Advisory Opinion of 4 Dccember 1935 concern-
ing the Consistency cf Certain Danzig Legislutive Decrees ivith the Con-45 MANDAT D'ARRET (OP. IND. GUILLAUME)

durztzikois avec lu con.rtitution de la Ville libre25. Là encore, les pour-
suites engagées l'ont étépar un juge incompétent au regard du droit
international.

Si la Cour avait abordé ces questions, elle aurait donc dû, me semble-
t-il, constater que le juge belge s'était à tort reconnu compétent pour
poursuivre M. Yerodia Ndombasi en seprévalant d'une compétence uni-
verselle incompatible avec le droit international.

(Signe;) Gilbert GUILLAUME.

" Conzpntihilirc;riecerfcrinstii.crets-loiscsoeclrrconstitiitioi?ci.lr VilI(,libre,
uvis con.s~iltu;935,C.P.J.1. .sPrirAIB no65, p.etsuiv..stitutiotl oJ'tlze Free CitjlZ5. There too, proceedin,;~ were instituted by a
judge not competent in the eyes of international IIW.

If the Court had atidressed these questions, it sec:msto me that it ought
therefore to have found that the Belgian judge was wrong in holding
himself competent to prosecute Mr. Yerodia Ndc~mbasiby relying on a

universal jurisdiction incompatible with internaticnal law.

(Signed) Gilbert GUILLAUME.

" C'onsistetrc:,of Certriin Dufizig Legisl~itivrDcc,ree.sihc,('on.stiririiot~oftFiw
Ci-., A(li3i.sov.Ol~ir~i,935. P.C.IJ., Seric)AIB, No. 65. rp. 41 ~t .sçc/.

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Opinion individuelle de M. Guillaume, président (texte original français)

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