Opinion dissidente de Sir Franklin Berman, juge ad hoc

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123-20050210-JUD-01-05-EN
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CERTAINS BIENS (OP. mss. BERMAN) 71

sur certaines questions. Cela ne suffirait pas en soi à motiver une opinion

dissidente, puisque jene crois pas qu'un juge ad hoc ait pour ainsi dire lede­
voir de faire savoirà un monde impatient de l'apprendre sur quels points
et en quoi ses conclusions diffèrent de celles de la majorité de la Cour.
Mes vues sur les devoirs et fonctions du juge ad hoc sont très proches
de celles que les juges ad hoc Lauterpacht et Franck ont exprimées, res­
pectivement, au stade des mesures conservatoires (nouvelle demande) en

l'al'l'arie relative à J'Application de la con1ion pour la prévention et la
répression du crime de génocide (mesures consen1atoires, ordonnance du
13 septembre 1993, Cr). Recuei/1993, p. 408-409), et au stade du fond
en l'affaire relativà la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
(Indonésie/Malaisie) (arrêt;Cl). Recuei/2002, p. 693-695).

2. Cela dit (ou pour cela même),puisque j'estime que la Cour s'est
sérieusementégarée dans sa recherche de la solution àdonner à cette affaire
à ce stade des exceptions préliminaires,il me faut expliquer pourquoi.
3. En l'espèce,la République fédéraled'Allemagne, l'Etat défendeur, a
soulevédevant la Cour pas moins de six exceptions prélîminaires pour
faire échec à la requêtedéposéecontre elle par la Principauté de Liech­

tenstein, l'Etat demandeur: il est préciséque trois de ces exceptions visent
la compétencede la Cour pour connaître de la requêtedu Liechtenstein et
que les trois autres constituent des motifs pour lesquels la Cour, à suppo­
ser qu'ellese déclarecompétente, doit néanmoins déclarer irrecevables les
demandes du Liechtenstein. Sans doute n'est-ce pas là en soi une question
qui appelle un commentaire de la part dujuge. Les Etats parties à un litige

devant la Cour sont libres de plaider leur cause comme ils l'entendent:
cette libertéest considéréecomme un des attributs de leur souveraineté,
sur lequel la Cour, dans des circonstances normales, n'a pas à empiéter.
4. Il n'en demeure pas moins vrai que les demandes formulées contre
l'Allemagne par le Liechtenstein, bien qu'elles soient incontesta blemen t

inhabituelles, sans précédentmanifeste et supposant une certaine créativi­
tédans le raisonnement juridique, sont, dans leur essence, des demandes
simples, sans ramifications ni complexités multiples. Le Liechtenstein
affirme que l'Etat allemand actuel a, depuis sa naissance, certaines obli­
gations vis-à-vis du Liechtenstein, en raison de la qualité d'Etat neutre
qui était reconnue àce dernier pendant la seconde guerre mondiale, qu'il
a manqué à ces obligations par un certain comportement qu'il a adopté

au cours des récentes années, et que ce manquement emporte donc les
conséquences prévues par le droit de la responsabilité des Etats. Mêmesi
l'on peut cornprendre dans une certaine mesure le désirde l'Allemagne de
renforcer sa position devant le juge, l'édificationd'une barricade faite de
trois exceptions d'incompétence et de trois exceptions d'irrecevabilité
pour faire échecà des demandes aussi simples donne l'impression d'un

sentiment d'indignation, pour ne pas dire d'outrage, devant le fait même
que ces demandes aient étéprésentées.Toutefois, comme je l'ai indiqué, il
n'y a pas là matière à commentaire de la part du juge - si ce n'est (dans
le cadre de la présente opinion) en tant que ce phénomène se rattache à
certains élémentsde l'affaire auxquels je vais revenir ci-après.

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5. Je n'ai rien à ajouter pour ma part sur la première exception préli­
minaire, laquelle postule l'inexistence d'un différendentre les Parties. Sur
ce point, je suis totalement en accord avec la Cour. L'exception n'est

guère fondée. L'Allemagne a elle-mêmereconnu, dans un cadre bilatéral
ofTiciel,qu'il existait entre les deux Etats un différend qui pourrait néces­
siter un réglement judiciaire.Etant donné cette constatation (que je ne
voudrais pas qualifier d'aveu, puisqu'elle ne fait que donner acte des faits
concrets), je serais prêtà aller plus loin que la Cour eà considérer que
l'Allemagne ne pouvait pas, pour des raisons élémentairesde bonne foi,

soulever en l'espécel'exception tiréede l'«inexistence» d'un différend.
6. Les questions sur lesquelles je suis en net désaccord avec la Cour
concernent. plutôt la deuxiémeexception préliminaire, au titre de laquelle
l'Allemagne affirme que, du fait de la limitationlione lemporis énoncée à
l'alinéaa) de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement

pacifique des différends,le litige qui oppose les Parties èchappe à la juridic­
tion de la Cour telle qu'acceptéear]' Allemagne. li est inutile de répéterici
les thèses opposéesdes Parties à cet égard, ou la jurisprudence antérieure
de la Cour concernant ce genre de questions: sur ces deux points, je n'ai
rien àredire àla synthèse contenue dans l'arrêt.Je me contenterai de faire

remarquer que, selon moi, la jurisprudence antérieure de la Cour et de sa
devancière, si difficile qu'il soit d'en concilier certains éléments,établit du
moins que, lorsqu'elle interprète les clauses de ce type, la Cour jouit d'une
certaine latitude ou d'un certain pouvoir d'appréciation discrétionnaire
pour déterminerquels faits ou situations doivent êtreconsidéréscomme ce

qu'elle appelle maintenant l'<~or iug a neause réelle» des différends
dont elle est saisie ne serait-ce que parce deux différendsinternationaux
ne sont jamais exactement semblables du point de vue des circonstances
qui les ont làit naître. Laur (au paragraphe 43 de l'arrêt)se penche sur
le fait que la limitation ralione lemporis invoquéeen l'espèceest énoncée
dans un instrument conventionnel relatif au règlement pacifique desdiffé­

rends, et non dans une déclaration unilatérale d'acceptation au titre de la
clause facultative, avant de juger qu'il s'agit pas là d'un élémentdèter­
minant. Je n'ai rienà redire à cette conclusion, du moins dans les circons­
tances particulières de l'espèce, bien que je n'exclue pas la possibilité
qu'une réponsedifférente soit indiquée dans d'autres circonstances. Tou­
jours est-il que, en la présente espèce, les Parties ont l'une et l'autre

reconnu à demi-mot la pertinence des trois afTaires principalement visées
(Phosphates du Maroc, Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie et
Droit de passage) et la que Cour est fondée à y voir un accord entre
ces deux Etats quant à la portéede leurs obligations conventionnelles mu­
tuelles, età donner à cet accord le poids qu'il mérite en application des

principes générauxde la convention de Vienne.
7. Plus à propos, toutefois, est le fait que, lorsqu'elle conclut (conclu­
sion quelque peu discrétionnaire, comme je l'ai indiqué plus haut) que les
faits ou situations essentiels que le présent différend« concerne» sont
antérieurs à 1980 - la date critique en vertu de la convention euro­
péenne -, la Cour se fonde sur l'argument selon lequel les tribunaux

70 CERTAINS BIENS (OP. mss. BERMAN) 73

allemands, en décidantde ne pas connaître de l'affaire du Tableau de Pie­
ter van Laer, n'ont fait que suivre leur jurisprudence antérieure cons­
tante. Je dis «se fonde sur l'argument », mais j'aurais tout aussi bien pu

dire «conclut», car cette question litigieuse, comme nous le verrons bien,
est un élémenttrès important, voire l'élémentclé,du raisonnement qui
amène la Cour, aux paragraphes 50 à 52 de son arrêt, à retenir la
deuxième exception préliminaire de l'Allemagne et, sur ce fondement, à
rejeter la requêtedu Liechtenstein.

8. Cet argument, bien sûr, a étévigoureusement défendu par l'Alle­
magne tant dans ses écritures qu'à J'audience. Ma déception découle de
la manière dont la Cour fait sien cet argument sans se poser de questions.
Tout d'abord, elle n'a pas distingué comme elle aurait dû le faire entre les
différentsélémentsqui le composent, puis elle a aggravécette omission en

ne soumettant pas ensuite ces éléments- pourtant de la plus haute
importance pour son raisonnement - à un examen suffisamment critique.
9. A mes yeux, l'argument selon lequel il n'y avait rien de nouveau
dans la position adoptée par l'Allemagne à l'égarddu tableau de Pieter
van Laer se ramène logiquement à trois propositions: premièrement, la

jurisprudence des tribunaux allemands sur les questions relatives à la
confiscation des avoirs allemands à l'étranger (du moins depuis l'entrée
en vigueur de la convention sur le réglement en 1955) était constante;
deuxiémement, la teneur de cette jurisprudence était dictéepar les termes

de la convention sur le règlement (autrement dit, les tribunaux allemands
n'avaient pas la liberte de prendre d'autres décisionsque celles qu'ils ont
prises); troisièmement, ce sont ces seules décisions qui ont eu pour effet
de faire naître le présent différend.
10. Après mûre reflexion, j'estime que chacune de ces propositions est

trèscontestable. Pour ce qui est de la première (lecaractère constant de la
jurisprudence), l'argumentation avancee par l'Allemagne relève plus de
l'affirmation que de la démonstration. L'Allemagne dit que ses tribunaux
ont constamment jugé, depuis une èpoque bien antérieure à la date cri­
tique, qu'ils n'avaient pas compétencepour examiner les réclamations por­
tant sur des biens confisqués en application des décrets BeneS et d'autres

mesureS similaires prises à l'étranger.Le Liechtenstein a réfutécette asser­
tion, notamment dans l'appendice 1de sesobservations écrites,qui contient
un tableau enumerant les principales affaires jugées en Allemagne entre
1953 et 1991 • On aurait pu souhaiter, on étaitmêmeen droit d'attendre,
que le Liechtenstein déploiedavantage d'efforts pour montrer en détail à

la Cour quelles étaient réellement les questions qui avaient éte portees
devant les tribunaux allemands et de quelle manière préciseelles avaient
etétranchées. Lorsque, comme j'ai essaye de le faire, on pousse jusqu'au

1 L'appendice contient égalementun compte rendLides vues expriméespar la doctrine
allemande, qui montre (s'ilest fiable) quemmentateurs les plus éminentsétaient très
loin de l'onvenir que la question de l"applicatioll de la convention sur le règlement aux
biens neutres avait ététranchée par la jurisprudence antérieure; tout au contraire.

71 CERTAINS BIENS (OP. mss. 'HERMAN) 74

bout l'analyse.de la jurisprudence allemande qui figure dans l'appendice l,
y compris des décisionsque ni l'une ni l'autre des Parties n'a jugébon de
traduire dans les langues officielles de la CourOn constate qu'il a fallu en

réalitéplusieurs annéesaux tribunaux allemands pour se mettre d'accord
sur le non possumus absolu qu'ils opposent systématiquement aujourd'hui,
ce qui porte à croire que cette position n'avait rien d'inévitable.Il ressort

clairement des premières décisionsprises par les plus hautes juridictions
(par exemple, l'arrêtAKU rendu en 1956,dont des extraits sont reproduits
à l'annexe 2 des exceptions préliminaires soulevées par le défendeur)
qu'elles avaient sciemment maintenu ouverte la possibilité de soutenir à

l'avenir, dans les affaires qui s'y prêteraient, que la convention sur le
règlement ne s'appliquait pas, et mêmequ'elle ne devait pas êtreappli­
quée Il.ressort clairement d'autres affaires contemporaines que les plus

hautes juridictions se sont reconnues parfaitement en droit de faire une
distinction entre différentsbienspour déterminersi le régimede la conven­
tion sur le règlement(ou, le cas échéant,l.e régimeantérieur instaurépar la

loi n° 63 du Conseil de la haute commission alliée)étaitou non pertinent
(voir, par exemple, les décisionsprises par trois cours suprêmesdifférentes
en 1955, 1957et 1958,portant les numéros 2, 4 et 5 dans le tableau qui se
trouve dans l'appendice susmentionné). En l'affaire du Tableau de Pieter

van Laer elle-même,dans les années 1990, la question des conditions
devant êtreréunies pour que s'applique la convention sur le règlement a 3
étéà plusieurs reprises examinéepar les juridictions inférieures(voir, par

exemple, Landgerù:ht Kain, mémoire, annexe 28, notamment p. A260 et
suiv. et A264 et suiv., et Oberlandesgerichl Kôfn, mémoire, annexe 29,
notamment p. A303 et suiv.). Mêmele rejet du recours formépar le prince

régnant devant la Cour constitutionnelle fédéraleétait fondé sur le fait
que lesjuridictions inférieuresavaient jugéque l'expropriation de son bien
étaitune mesure prise contre des avoirs allemands à l'étrangerau sens de
la convention sur le règlement (mémoire,annexe 32, p. A356). Et, dans le

mémoiredéposépar l'Allemagne auprès de la Cour européenne des droits
de l'homme, on retrouve encore une analyse des conditions. des fins et des
buts du chapitre sixième,qui réfutel'argument sans nuance selon lequel

les tribunaux allemands avaient les mains complètement liées(mémoire,
annexe 36, p. A423 et suiv.).

~ Dans del.lx arrêts rendus en juillet 1957 (qu'auel.lne des Parties n'a citésdevant la
Cour), la Cour fédéraleallemande de jl.lslice(Bundesgcrieht,hof) a décidéde ne pas appli­
quer l'article 3 du chapitre sixiémede la convention à certains élémentsdes confi>cations
opérées,respectivement, par les Pays-Bas el en application des décrets Benes. et précisé­
ment à des biens allemands, alors mêmeque l'article 3 était reconnu comme s'appliquam
al.lxavoirs allemands en Allemagne. Dans la seconde de ces déciSIons,la Cour fédérale
allemande dejuslice s'est expressément fondée sur sa propre ilppréciation des intentions
des puissances alliées occupantesà savoir que celles n-aaient pas entendu
régirla confiscationéciseen cause. Ces deux décisions peuvent êtrefacilement consul­
téesdans la revue InternlllLaw Reports,voL 24, p. 31 et 35, respectivement.
3 Ces conditions avaient entre-temps étéfixéesdéfinitivement par les accords conclus
en 1990 relatifs au règlement définitifconcernant l'Allemagne, sure vais revenir.

72 CERTAINS RIENS (OP. mss. BERMAN) 75

Il. Pour ce qui est de la deuxième question (la force contraignante de
la convention sur le règlement), on sait bien que la Constitution alle­
mande, à l'instar de celles de nombreux autres Etats, dispose que les trai­

tèsconclus en bonne ct due forme sont d'application directe et qu'il échet
aux tribunaux de les appliquer directement. Et c'est, selon toute appa­
rence, ce que les tribunaux allemands ont fait avec le chapitre sixième de
la convention sur le règlement ou du moins avec ses articles 2 et 3 - ils
semblent en effet avoir considérél'obligation énoncéeà l'article 5 (indem­

niser les propriétaires de biens confisqués), non pas comme ètant d'appli­
cation directe, mais comme nécessitant l'adoption d'une loi par le Parle­
ment et, comme il a étédit à la Cour lors des plaidoiries, cette loi a exclu
l'indemnisation des propriétaires non allemands. Malgré tout, et en
admettant que les articles 2 et 3 du chapitre sixième de la convention sur

le règlement aient étéd'application directe, le juriste averti a toujours du
mal à comprendre pourquoi il faudrait conclure d'une clause d'un traité
exigeant que soient respectées les «mesures ... prises à l'égard des avoirs
allemands à l'étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations
ou des restitutions» que cette clause s'applique également aux biens non
4
allemands ,ou (pour énoncer la proposition sous une forme plus déve­
loppée) pourquoi cette disposition obligerait les tribunaux allemands à
suivre, sans se poser la moindre question, la qualîfication donnée à une
confiscation par l'Etat qui en est l'auteur. Ou encore, même si l'on
accepte la proposition sous cette forme plus développée,pourquoi cette

disposition imposerait aux tribunaux allemands d'agir ainsi sans démon­
stration de la jtistesse de la qualification donnée aux biens par l'Etat
auteur de la confiscation, au motif que les tribunaux allemands n'auraient
pas eu compétence pour recevoir une telle démonstration (à supposer

qu'elle ait ètéfaite en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, ce qui n'est
pas le cas au vu du dossier: voir mémoire, annexe 28, p. A265 et suiv.).
12. Il a étédit et répétémaintes fois, pour justifier ce que j'ai appelé
plus haut ce non possumus absolu, que J'intention de la convention sur le
règlement (ou, selon la thèse de l'Allemagne, l'intention des trois puis­
sances occidentales en imposant la convention sur le règlement) était bien

celle-ci: empêchertoutes lesjuridictions ou autorités allemandes de s'inter­
roger de quelque manière que ce soit sur les confiscations. J'en arrive à
l'un des deux «grands silenceSH de notre affaire, silences qui, selon moi,
revêtent tous deux une grande importance pOUf un règlement correct en
l'espèce.

13. Que l'intention des trois puissances ait étéd'imposer de manière
universelle, à l'égardde tous, une interdiction de ce genre, cela n'est assu­
rément qu'une simple supposition. Aucune preuve que telle ait bien été
l'intention sous-tendant le chapitre sixième de la convention sur le règle­
ment n'a étéproduite devant la Cour. Mais ne serait-il pas fort singulier

4 La conséquenceétantque ces biens ne pouvaient en droit êtresaisis au titre des répa­
rations ou des restitutions.

73 CERTAINS BIENS (OP. mss. BERMAN) 76

de supposer que les trois puissances aient pu vouloir soustraire à tout exa­
men des confiscations qui manifestement ne relevaient pas du régime des
réparations qu'elles avaient instauré conjointement avec leurs alliés de
guerre, en particulier des confiscations opérées au détriment d'Etats
neutres, envers lesquels ces puissances avaient elles-mêmesles obligations ju­
ridiques découlant du statut de neutralité, et avec qui elles entretenaient des

relations amicales après la guerre? Et, à la lecture des décisions rendues
par les tribunaux allemands eux-mêmes, peut-on discerner le moindre
signe indiquant qu'un examen approfondi ait étéfait pour rechercher les
véritables intentions qui sous-tendaient la convention sur le règlement?
Pour ma part, je ne trouve dans aucune de ces procédures judiciaires

internes une quelconque indication que le Gouvernement allemand aurait
étéinvité à prendre position sur cette question, ou qu'il l'aurait fait. La
Cour n'a, a fortiori, pas davantage entendu ne serait-ce qu'une allusion
au fait que le Gouvernement allemand aurait, à un moment quelconque,
demandé (et reçu) de ses alliés et des autres parties à la convention la
confirmation de l'interprétation faite par l'Allemagne de ce traité qu'ils

avaient conclu ensemble, et en particulier au moment où s'est spécifique­
ment posée la question des biens neutres à propos du tableau de Pieter
van Laer. Rien n'indique non plus qu'une telle preuve des intentions (des
intentions communes) des Etats parties à la convention sur le règlement
ait été produite par les autorités allemandes devant leurs propres tribu­
naux à l'époque où la jurisprudence de ces derniers a pris forme.

14. Autrement dit, il est maintenant demandé à la Cour de se fonder
sur la proposition que, d'une part, les alliés victorieux, soucieux de
s'assurer que l'ennemi d'hier ne pourrait pas mettre en cause certaines
mesures prises par eux contre des biens ennemis, n'avaient cure du risque
que ce régime puisse s'appliquer au détriment de biens neutres (c'est-à­
dire non ennemis) et que, d'autre part, les trois alliésoccidentaux, de leur

côté, imposèrent exactement dix ans plus tard cette solution à une Alle­
magne (devenue ent'fe-temps la «République fédéraled'Allemagne )i) peu
enthousiaste. Voilà une proposition qui, c'est le moins que l'on puisse
dire, ne s'impose pas à l'esprit, et pourtant elle est avancée dans un cadre
judiciaire officiel et sans l'ombre d'une preuve concrète pour l'étayer! Il
est absolument certain que, si la question avait étéposée (sous sa forme

négative ou sous sa forme positive) aux trois puissances par exemple,
lorsqu'elles négociaient laconvention sur le règlement, la réponse aurait
étéévidente. Il faudrait dans le cas contraire supposer que les trois puis­
sances entendaient sciemment violer leurs propres oblîgations envers les
Etats dont elles avaient reconnu la neutralité durant la guerre.
15. En somme, à peine commence-I-on à gratter la surface de certaines

des propositions avancéesen l'espèceque l'on ne peut s'empêcherd'éprou­
ver la désagréable impression qu'un état de choses présenté à la Cour
comme la conséquence inévitable et inéluctable d'un régime imposé à
l'Allemagne comporte aussi plus que probablement des éléments d'un
choix conscient de la part des organes de l'Etat allemand. Je ne veux pas
dire, bien entendu, que ces choix aient étémauvais ou odieux, ni qu'il y

74 CERTAINS BIENS (or. mss. BERMAN) 77

ait eu en aUCune façon une intention délibéréede nuire aux intérêts
d'Etats tiers. Mais là n'est pas la question. La question, telle qu'elle se
présente en l'espèce, est de savoir ce qui aurait dû êtrefait une fois qu'il
était devenu clair que tel allait êtrele résultat des positions prises par

l'Allemagne. Et, au vu de l'ensemble des piècesverséesau dossier, y com­
pris de cellesque la Cour a choisies pour retenir la deuxième exception
préliminaire de l'Allemagne, ce résultat n'est apparu clairement qu'à par­
tir des années 1990, bien après la date critique aux termes de la conven­
tion européenne pour le règlement pacifique des différends.

16. J'en arrive ainsi à la derniére de mes trois questions - et par la
mêmeoccasion au second des grands silences de notre affaire.
17. La troisième question que j'ai posée au paragraphe 9 concerne le
point de savoir si les décisions prises au fil des ans par les tribunaux alle­
mands constituent à elles seules la cause réelledu différend dont la Cour

est saisie. Supposons un instant, pour les besoins de l'argumentation, que
(contrairement à ce que j'ai démontréci-dessus) les tribunaux allemands
n'aient en effet pas eu le choix lorsqu'ils furent saisis de l'affaire du
Tableau de Pieter van Laer. La question se pose alors: les choses doivent­
elles en rester là? Et la réponsà cette question ressort à l'évidencedu fait

que les griefs formulés par le Liechtenstein visent l'adoption de cette posi­
tion par le Gouvernement allemand dans ses relations internationales et
l'obstacle ainsi élevécontre toute possibilité d'indemnisation du Liech­
tenstein ou de ses ressortissants (voir les paragraphes 19 et 20 de la
requêtequi a introduit la présente instance). C'est ce que la Cour, fort

justement selon moi, reconnaît implicitement aux paragraphes 25 et 26 de
l'arrêt.Mais, ayant reconnu cela, la Cour ne va pas jusqu'au bout de son
·raisonnement. En effet, si le fait générateurdu différend a étéla prise de
conscience que l'Allemagne, contre toute attente, allait adopter pour
position que ses obligations conventionnelles envers les trois alliés lui

interdisaient, de manière absolue et définitive, d'indemniser les proprié­
taires de biens liechtensteinois confisqués, on se trouve alors devant un
état de choses U'évitedélibérémentl'expression problématique « fait ou
situation») qui, me semble-t-il, s'inscrit exactement dans le cadre de
l'arrêtrendu en l'affaire du Droil de passage, ce qui aurait dû au moins

amener la Cour à se garder de la conclusion - facile selon moi ~ que,
aux fins de l'application de l'alinéa a) de l'article 27 de la convention
européenne pour le règlement pacifique des différends, le présent diffé­
rend «concerne» les décrets BeneS. Rappelons que, en l'affaire du Droit
de passage, la Cour a conclu qu'elle n'étaitpas en mesure de se prononcer

sur ce qu'étaient les« situations ou faits» sur lesquels portait le différend
avant d'avoir entendu l'ensemble des arguments de fond, et qu'elle a
donc joint l'exception préliminaire au fond (Droit de passage sur terri­
toire indien, exceptions préliminaires, arrél,c.l.I. Recueil 1957, p. 125).
L'analogie est frappante entre le raisonnement tenu alors par la Cour

(ibid., p. 151-152) et les circonstances de la présente espèce.
18. Je marque ici une pause pour faire observer que les conc1m.ions
que je tire au paragraphe précédents'imposent, à mon avis, sans qu'il y

75 CERTAINS BIENS (OP. mss. HERMAN) 78

ait à déborder du contour généralde cette affaire. Elles ne dépendent en
aucune manière de j'existence d'une entente antérieure entre le Liech­
tenstein et l'Allemagne (au sujet des biens neutres) ou d'un «changement
de position» supposé de l'Allemagne. J'estime que ces deux propositions
ne font que brouiller les cartes, et le fait que ce soit le demandeur lui­
mêmequi les a introduites dans son argumentation n'y change rien.

C'est fort justement que la Cour les écarte- sur la base des faits. Mais,
là encore, elle ne va pas assez loin et n'examine pas avec suffIsamment
d'attention si la logique de la thèse du demandeur lui impose réellement
d'établir le bien-fondé de l'une de ces propositions, ou des deux, La
Cour admet bien, au paragraphe 49 de l'arrêt, qu'il serait possible au
Liechtenstein d'établir le bien-fondé de sa thèse rutione tempo ris en

démontrant que Ge cite intégralement) «les tribunaux allemands, en
appliquant pour la première fois à des biens liechtensteinois leur juris­
prudence antérieure fondée sur la convention sur le règlement, ont appli­
quéladite convention (<à une situation nouvelle» après la date critique»,
Mais j'ai le regret de dire que la signification de ces paroles sibyllines
m'échappe.

19. A mon avis, il est tout à fait clair que la conclusion principale que
le Liechtenstein demande à la Cour de tirer ne suppose l'existence ni
d'une «entente antérieure», ni d'un «changement de position». Et même,
on pourrait trouver qu'il y a un certain paradoxe à soutenir que, pour
montrer que les faits générateursessentiels du difTërend sont postérieurs
à 1980, il fam d'abord établir qu'ils se rattachent à des événementsanté­

rieurs à cette mêmeannée. Selon moi, la démonstration du fait que c'est
seulement aprés 1980 que l'Allemagne a pris expressément position au
sujet des biens neutres en relation avec les confiscations d'après-guerre
suflit amplement pour que l'on applique à notre affaire le raisonnement
suivi par la Cour en l'affaire du Droit de passage. Dire, comme le fait la

Cour au paragraphe 51 de son arrêt,que la question examinée par les
tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieler van Laer «ne sau­
f[ait] êtredissocié[e] de la convention sur le règlement ni des décrets
Benes» est - en soi - sans aucun doute exact, mais ce n'est pas la ques­
1 tion qu'il faut se poser aux fins de déterminer si les faits de la présente
I! espèceentrent dans le cadre de cette jurisprudence antérieure de la Cour.
20. Et que dire alors du second grand silence? S'il faut soumettre à un
li
examen critique la réponse de l'Allemagne aux griefs du Liechtenstein, à
savoir qu'elle étaitun agent impuissant dans l'exécution d'une obligation
qui lui avait étéimposée par les trois puissances - et pour moi un tel
examen est manifestement nécessaire -, il faut d'abord en séparer les
deux élémentsconstitutifs. Pour ce faire, je vais devoir me livrer moi­
même à une nouvelle interprétation créative, puisque ni l'une ni l'autre

des Parties n'a fait valoir devant la Cour de véritable argument sur ce
point. Mais je me borne, je crois, à faire ressortir la logique interne de cet
argument en disant qu'il repose sur les deux propositions suivantes: pre­
mièrement, l'Allemagne pouvait (à bon droit) opposer ses obligations
(alléguées)découlant de la convention sur le règlement au Liechtenstein,

76 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. HERMAN) 79

alors que celui-ci n'était pas partieà cet instrument; deuxièmement, les
accords condus en 1990, qui ont conduit au règlement définitif concer­
nant l'Allemagne, ne constituaient pas un nOl/US acluS inlerl/eniens.
21. Il suffit d'énoncer ces deux propositions pour voir à quel point
elles sont l'une et l'autre contestables.
22. La première proposition se heurte à l'évidenceaux règles sur l'effet

relatif des traités énoncées aux artides 34 et 35 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, qui reHètent sans conteste le droit coutu­
mier en la matière. Pourtant, en guise d'argumentation devant la Cour,
l'Allemagne se contente de répèter mécaniquement qu'elle devait se
confonner à ses obligations (envers les trois puissances) découlant de la
convention sur le règlement, comme s'il allai! de soi (y compris, appa­

remment,. pour tous les Etats tiers) que l'Allemagne opposerait cette
convention aux Etats non parties, à leur détriment, et en faisant fi du
principe élémentaire selon lequel un Etat ne peut, en conduant un traité
avec un autre Etat, se soustraire aux obligations auxquelles il est tenu à
l'égard d'un Etat tiers (sur l'application de cette règle dans le domaine

des traités, voir l'artide 30 de la convention de Vienne). Et si la contra­
diction est assez flagrante en soi, combien davantage lorsque ce que l'on
cherche à imposer à l'Etat tiers n'est mêmepas ce que le traité, en son
sens naturel, semble dire!
23. C'est cependant la seconde proposition qui soulève les questions
les plus graves - du moins dans le cadre du prèsent arrêt. Il va sans dire

.que les dispositions conventionnelles pertinentes du chapitre sixième de la
convention sur le règlement ont fait l'objet d'une attention particulière,
sinon dans les négociations sur le traité Deux-plus-Quatre lui-même, du
moins certainement lorsque l'Allemagne et les trois puissances négo­
cièrent l'échangede lettres des 27 et 28 septembre 1990, puisque ces dispo­
sitions sont expressément reprises dans le paragraphe 3 de cet échange de

lettres. Cequi est capital, c'est que les dispositions de l'article 3 du cha­
pitre sixième qui font obstacle aux réclamations furent prorogées, et
mêmerendues définitives, alors que l'obligation d'indemnisation énoncée
à l'article 5 fut abolie, tout cela en dépit de la conclusion inévitable que
les alliés,à l'époque où ils avaient négociéla convention sur le règlement,
considéraient forcément l'obligation d'indemnisation énoncéeà J'article 5

comme la contrepartie nécessaire de l'article 3. Ni l'une ni l'autre des
Parties n'a donné à la Cour la moindre information permettant de com­
prendre pourquoi ou comment le sort de la convention sur le règlement
fut ainsi scellé: vraisemblablement, le demandeur n'avait pas accès àces
informations (à part les bribes d'explications que l'on trouve aux para­
graphes 3.54 et 5.56 du mémoire), mais en toute certitude le défendeur les

avait en sa possession. Quoi qu'il en soit, on voit mal pour quelle raison
cette métamorphose savamment calibrée du chapitre sixième serait due à
l'insistance des trois puissances. Si, auontraire, iy a des raisons de pen­
ser que la perpétuation d'une obligation et l'extinction de l'autre ont été
obtenues par l'Allemagne dans son propre intérêt,cela ne peut qu'avoir
des effets sensibles sur la manière de considérer l'affaire. D'une part,

77 CERTAINS BIENS (01). mss. BERMAN) 80

parce que, selon les intentions expresses des alliés, le régimeinstauré par

la convention sur le règlement n'étaitqu'un palliatif adopté dans l'attente
du règlement définitif de la question des réparations, comme il est dit à
l'article 1du chapitre sixième. D'autre part, parce que l'on ne peut vrai­
ment pas prétendre que l'Allemagne était encore en 1990 dans la position
d'impuissance qui, selon ses dires, était la sienne en 1952/1955 et qu'elle
avait donc dû accepter en serrant les dents tout ce que ses partenaires

occidentaux avaient jugé bon de lui imposer. Mais, dans le contexte très
particulier du présent arrêt,les effets des événementsde 1990 sont peut­
êtreplus que «sensibles»: ils sont sans doute décisifs, Pourquoi? Parce
que ces événementspeuvent conduire à une analyse toute différente de ce
qui constitue «l'origine ou la cause réelle» du présent différend, analyse
qui, sans aucun doute, sort du cadre de l'alinéa Ci) de l'article 27 de la

convention européenne pour le règlement pacifique des différends sur
lequel la Cour a choisi de fonder sa décision,
24, Quoi qu'il en soit, une bonne partie des remarques que j'ai faites
au paragraphe précédentne sont pour l'instant que des déductions ou des
suppositions, faute de preuves ou d'arguments adéquats sur ce qui s'est
réellement passé en 1990, Cela montre, une nouvelle fois, que la Cour

n'était pas en mesure, sur la base des pièces verséesau dossier à ce stade
de l'instance, dese prononcer en connaissance de cause sur le bien-fondé
de la deuxième exception préliminaire. Dans un cas comme celui-là, la
méthode consacrée serait de joindre l'exception au fond, comme le pré­
voit le paragraphe 9 de l'article 79 du Règlement

25. Puisque, pour ces raisons, je n'aurais pas retenu la deuxième
exception préliminaire comme faisant obstacle in !imine !itis à la compé­
tence de la Cour pour connaître de l'affaire, il m'appartient de dire un
mot des quatre autres exceptions. Je serai très bref Je ne dirai rien du
tout de la troisiéme, de la quatriéme et de la sixiéme: elles me semblent
entièrement dénuées de fondement. Mais la cinquième exception, qui

concerne l'absence devant la Cour d'une tierce partie indispensable, est
sérieuse, et la Cour aurait eu à y consacrer une grande attention pour
juger de la recevabilité de l'affaire, si elle avait conclà sa compétence
pour connaître de celle-ci,
26. Ce n'est pas ici le lieu pour faire de longs développements sur une
question qui, de toute façon, n'est évoquéenulle part dans l'arrêtde la
Cour. Quant à moi, je suis de ceux qui éprouvent quelque difficulté à sui­

vre le raisonnement de la Cour dans l'arrêtrendu en l'affaire de Certaines
terres à phosphate à Nauru. Je me contenterai cependant de dire que cet
arrêt-là, analysé conjointement avec ce qu'a dit plus classiquement la
Cour en l'affaire de l'Or monétaire,établit que le critère est de savoir si la
détermination des droits et obligations de l'Etat tiers absent serait une

«condition nécessaire» du règlement par la Cour du différend dont elle
est saisie. C'est un point sur lequel les Panies semblent s'accorder en
l'espèce, Il va toutefois sans dire que ce critère ne peut êtreappliqué
avant que l'objet du différend qui oppose les Parties ait étéétabli, La
Cour s'étant prononcée objectivement sur celui-ci (et je m'associe respec-

78 CERTAINS BIENS (OP. DISS. BERMAN) 81

tueusement à ce qu'elle a dit), il me semble dès lors évident que le règle­
ment de ce différend ne requiert en aucune manière que la Cour statue
d'abord sur la question de savoir si les décretsBeneSeux-mêmes,ou telle
ou telle confiscation opéréeen application de ceux-ci, étaient licites ou
non (plus précisément,s'ils portaient atteinte aux droits reconnus au
Liechtenstein en vertu des normes internationales). Si, cependant, on

pouvait penser que la réponse définitive à cette question n'était pas
encore suffisamment claire à ce stade de l'argumentation, cela suffirait à
montrer que l'exception n'étaitpas de caractère purement préliminaire et
devait donc êtrejointe au fond, au mêmetitre que la deuxième exception
préliminaire (voir paragraphe 23 ci-dessus).
27. Etant parvenu à ces conclusions, j'estime nécessaire d'ajouter

quelques observations /"inales.
28. Ma première observation, assez élémentaire,renvoie à ce que je
disais au paragmphe 4 ci-dessus: la décision de la Cour de se déclarer
incompétente pour connaître de l'affaire ne régieen rien le différend qui
oppose les deux Etats: au contraire, la Cour a maintenant conclu qu'il
existe un différend entre le Liechtenstein et l'Allemagne et qu'il s'agit

d'un différend juridique, dont elle a elle-mêmedéterminéobjectivement
la portée. Nul doute que ces conclusions revêtent dans une certaine
mesure l'autorité de la chose jugée.Il y a tout lieu de penser que l'affaire
n'en restera pas là. Le chef de la délégationallemande dans les négocia­
tions bilatérales de juin1999 a reconnu qu'une solution devait êtretrou­

vée,par la voie judiciaire ou autrement. Faire trancher par la Cour ce
différendnon résolu- indépendamment de son bien-fondé -, au besoin
en vertu d'un accord ad hoc par lequel les Parties au litige seraient conve­
nues de ne pas contester la compétence de la Cour, aurait étéune manière
de procéderparfaitement civilisée,conforme aux meilleures traditions des
deux Etats et, cela va sans dire, toutà fait dans l'esprit de la convention

européenne pour le règlement pacifique des différends. Mais d'autres
voies, tout aussi civilisées,leur restent encore ouvertes.

29. Ma deuxième observation risque d'êtrejugée un peu plus sévère,
c'est pourquoi j'insistetout de suite sur le fait que je ne la présente pas
dans un esprit critique. On ne peut lire le dossier de cette affaire sans
avoir le sentiment que, confrontés à la question indéniablement difficile et

éminemment délicate des décrets BeneS, les tribunaux allemands se sont
retranchés derrière la convention sur le règlement (et avant cela derrière
la loi n° 63 du Conseil de la haute commission alliée)et que le Gouver­
nement allemand s'estensuite retranché derrière ces tribunaux. Cette atti­
tude, si compréhensible qu'elle puisse êtres'agissant des confiscations de
biens allemands, n'est pas justifiéelorsqu'il s'agit de statuer sur la ques­

tion des biens neutres confisqués en tant que biens allemands. Il est bien
trop facile de présenter le chapitre sixièmede la convention sur le règle­
ment simplement comme un lourd fardeau imposé àson corps défendant
à l'Allemagne. La véritéest que le chapitre sixièmea aussi permis de pro­
tégerl'Etat allemand nouvellement crééen l'exonérant de sa coresponsa-

79 CERTAINS BIENS (Op, mss. I:lERMAN) 82

bilitépour les confiscations, et en exonérant en mêmetemps ses tribu­
naux de la tâche ingrate de statuer sur une avalanche de réclamations
formées par ses ressortissants au sujet du traitement subi par leurs biens
à l'étranger. Mais la contrepartie attendue de l'Allemagne - le complé­
ment indispensable de cette protection - étaittrès certainement l'obliga­

tion d'indemnisation qui est énoncée à l'article 5 de ce mêmechapitre (et
qui, on le notera, ne semble absolument pas limitée aux ressortissants
allemands). Se prévaloir de l'une tout en refusant l'autre es! assurément
une attitude qui demande à êtrerevisée. On ne peut qu'espérer qu'une
telle revision reste encore untant soit peu possible aujourd 'hui.

30. La dernière de mes observations renvoie à celle que je faisais au
début de mon opinion: la demande formulée par le Liechtenstein en
l'espèceest très inhabituelle et requiert, dirons-nous, une certaine créati­
vitéjuridique. C'est cependant une question qui relèvedu fond. JIest dif­
ficile de ne pas céderà la conclusion quele défendeur- et, oserons-nous
le dire, la Cour elle-mêmeà son tour - a laisséla difficultéqu'il avait à

apprécier si la demande pouvait êtrefondée en droit se transformer en
une question in limine litis. La cause, pour originale qu'ellesoit, méritait
d'êtreentendue, et c'est justement ce que la Cour aurait étéamplement
fondée à faire en joignant au fond les deuxième et cinquième exceptions.

(Signé) Franklin HERMAN.

80

Bilingual Content

70

DISSENTING OPINION OF JUDGE AD HOC BERMAN

DUI ies and funet ions of a judge ad hoc.

FirSI preliminary objection: lack of dispute - Germany precluded, by ordi­
nary considerations of good faith, from now arguing "no dispute".

Second preliminary objection ratione tempons - Court's margin of discre­
tiollillidentifying "source or real cause" of dispute - IlIterpretalion of limita­
tioll ratîone temporîs contained in treaty as opposed lOoptional clause declara­
tioll.
Seulement Convention - Centrati/y ofargument regarding "consistent juris­
prudence" of German cour l. A~rgument not established on the facts - Ger­

man courts relained for Ihemselyesfreedom ofmanŒuvre oyer how and \Vhen ta
apply the Convention - Improbable interpretation given 10 wording of Seltle­
ment Convention - No evidence of aClual intenlions of parties /0 Seulement
Convention - Obligations of Three Power.;'lowards neutral States.

Soürce of dispute Ilot solely in German court decisions - Aclions of German
Governmenl afler Pieter van Laer Painting case- Decision 10 apply Selllement
Convention 10 neutral property and deny compensation clearfy subsequent to

crilical date.

Case does not depend on German "change ofposition" - Sufficienl 10 show
Ihat Germany firsl lOok position regtlrding neufral asse/s after critical date -
That dispule connec/ed lVithSelflement Convention and Bend Decrees undeni­
able bu/ insuj)îdent - Seulement Convention not opposable 1O /lon-parly -
Pacta tertiifUIes ilArticles 34 and 35 of Ihe Vienna Convelllion on Ihe Law of
Treaties - Signifù;ance of obligation to pay compellsatioll - Modification oI
Seltlement Convemioll régime.apparent/y at German requesl, weil ajier crilù;al

date.

Other preliminary objections equalfy to be rejected - Fijth preliminary
objection (indispellsable third parly) - Dispute as defincd by Court clearly
capable of adjudication without determining lawfulness of Bend Decrees or COIl­
fiscations.
If available evidellce insufficielll, second and fifth pretiminary objections
should have been jOined /0 the merits.
Existence oIlegal dispute nolVdelermined by the Court - Content of dispute

likewise - Judgmellt does 1101bring dispute 10 an end - Setllement Convemion
(minus the ohliga/ion to pay compensation) not a proper way to deal with
neutral properly.
Unusual nature of claim 1101an issue in limine, but for the merits.

1. White there is much in the Court's decision, and in its reasoning,
with which l agree, l find myself in substantial disagreement over certain

6871 CERTAIN PRQPERTY (OISS. OP. BERMAN)

issues. That would not in itself be grounds for a dissenting opinion, since

1do not take the view that it is virtually incumbent on a judge ad hoc to
tell the waiting world where and how his conclusions differ from those of
the majority on the Court. My views as to the duties and functions of a
judge ad hoc are very much the same as those expressed by Judges ad hoc
Lauterpacht and Franck respectively at the provisional measures (further

request) phase of the case concerning the Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Provisional
Measures, Order of 13 September 1993, rCl. Repons 1993, pp. 408-
409), and the merits phase of the case concerning SO)lereignty o)lePu/au
Ligilan and Pu/au Sipadan (lndonesia/Malaysia) (Judgment, l. Cl.

Reports 2002, pp. 693-695).
2. Since, however (or therefore), 1 believe that the Court has gone
seriously astray in deciding how this case should be handled at this
preliminary objections phase, 1 must explain why.
3. ln this case, the Federal Republic of Germany, the respondent

State, has lodged with the Court no less than six preliminary objections
to the Application brought against it by the Principality of Liechtenstein,
as applicant State. Three of these objections are stated to go ta the juris­
diction of the Court ta hear Liechtenstein's Application, and the second
set of three are c1aimed to be reasons why the Court, assuming it holds

itself to have jurisdiction, should nevertheless dec1are Liechtenstein's
daims inadmissible. No doubt this is not in itself a matter for judicial
comment. Litigating States are free to argue their case before the Court
as they think best; that is regarded as one of their sovereign attributes, in
which the Court should not in normal circumstances interfere.

4. It remains truc ail the same that Lîechtenstein's daim against Ger­
many, though undoubtedly an unusual one, a daim without obvious
precedent, a daim which depends upon creative legal reasoning, is none­
theless in its essence a simple daim, without multifarious strands or com­
plexities. Liechtenstein asserts that the present-day German State has,
throughout its lifetime, owed certain duties 10 Liechtenstein, as a recog­

nized neutral in the Second World War, that those duties have been
breached by certain specified conduct in recent years, and that the breach
gives rise accordingly to the conseq uences provided for in the law of State
responsibility. Even allowing for an understandable degree of forensic
reinsurance, the interposition of a barricade of three jurisdictional plus

three "admissibility" objections against sa simple a daim creates the
impression of indignation, not to say outrage, that the c1aim should have
been brought in the first place. As indicated, however, this may not be fit
matter for judicial comment - except (in the context of the present
opinion) ta the extent that the phenomenon unites with certain features

of the case to which [ will return below.

69 CERTAINS BIENS (OP. mss. BERMAN) 71

sur certaines questions. Cela ne suffirait pas en soi à motiver une opinion

dissidente, puisque jene crois pas qu'un juge ad hoc ait pour ainsi dire lede­
voir de faire savoirà un monde impatient de l'apprendre sur quels points
et en quoi ses conclusions diffèrent de celles de la majorité de la Cour.
Mes vues sur les devoirs et fonctions du juge ad hoc sont très proches
de celles que les juges ad hoc Lauterpacht et Franck ont exprimées, res­
pectivement, au stade des mesures conservatoires (nouvelle demande) en

l'al'l'arie relative à J'Application de la con1ion pour la prévention et la
répression du crime de génocide (mesures consen1atoires, ordonnance du
13 septembre 1993, Cr). Recuei/1993, p. 408-409), et au stade du fond
en l'affaire relativà la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
(Indonésie/Malaisie) (arrêt;Cl). Recuei/2002, p. 693-695).

2. Cela dit (ou pour cela même),puisque j'estime que la Cour s'est
sérieusementégarée dans sa recherche de la solution àdonner à cette affaire
à ce stade des exceptions préliminaires,il me faut expliquer pourquoi.
3. En l'espèce,la République fédéraled'Allemagne, l'Etat défendeur, a
soulevédevant la Cour pas moins de six exceptions prélîminaires pour
faire échec à la requêtedéposéecontre elle par la Principauté de Liech­

tenstein, l'Etat demandeur: il est préciséque trois de ces exceptions visent
la compétencede la Cour pour connaître de la requêtedu Liechtenstein et
que les trois autres constituent des motifs pour lesquels la Cour, à suppo­
ser qu'ellese déclarecompétente, doit néanmoins déclarer irrecevables les
demandes du Liechtenstein. Sans doute n'est-ce pas là en soi une question
qui appelle un commentaire de la part dujuge. Les Etats parties à un litige

devant la Cour sont libres de plaider leur cause comme ils l'entendent:
cette libertéest considéréecomme un des attributs de leur souveraineté,
sur lequel la Cour, dans des circonstances normales, n'a pas à empiéter.
4. Il n'en demeure pas moins vrai que les demandes formulées contre
l'Allemagne par le Liechtenstein, bien qu'elles soient incontesta blemen t

inhabituelles, sans précédentmanifeste et supposant une certaine créativi­
tédans le raisonnement juridique, sont, dans leur essence, des demandes
simples, sans ramifications ni complexités multiples. Le Liechtenstein
affirme que l'Etat allemand actuel a, depuis sa naissance, certaines obli­
gations vis-à-vis du Liechtenstein, en raison de la qualité d'Etat neutre
qui était reconnue àce dernier pendant la seconde guerre mondiale, qu'il
a manqué à ces obligations par un certain comportement qu'il a adopté

au cours des récentes années, et que ce manquement emporte donc les
conséquences prévues par le droit de la responsabilité des Etats. Mêmesi
l'on peut cornprendre dans une certaine mesure le désirde l'Allemagne de
renforcer sa position devant le juge, l'édificationd'une barricade faite de
trois exceptions d'incompétence et de trois exceptions d'irrecevabilité
pour faire échecà des demandes aussi simples donne l'impression d'un

sentiment d'indignation, pour ne pas dire d'outrage, devant le fait même
que ces demandes aient étéprésentées.Toutefois, comme je l'ai indiqué, il
n'y a pas là matière à commentaire de la part du juge - si ce n'est (dans
le cadre de la présente opinion) en tant que ce phénomène se rattache à
certains élémentsde l'affaire auxquels je vais revenir ci-après.

6972 CERTAIN PROPERTY (DiSS. OP. BERMAN)

5. Ttis not necessary for me ta say anything of my own about the first
preliminary objection, the so-ca!led absence of a dispute between the

Parties. On it, l am in complete agreement with the Court. The objection
has little merit. Germany had itself recognized, in a formai bilateral con­
text, that there was a dispute between the two States which might have ta
be settled by judicial means. Tndeed, given this recognition (1 would be
disinclined to caH it an admission, as it amounted to nothing more than

a reflection of the objective facts), 1would be prepared ta go further than
the Court, and to hold that Gennany was precluded, by ordinary con­
siderations of good faith, from now raising an objection of" no dispute".
6. The issues on which 1 part company substantia!ly from the Court
relate rather ta the second preliminary objection, that under which Ger­
many claims that the dispute between the Parties falls outside Germany's

acceptance of the jurisdiction of the Court by virtue of the exception
ra/ione temporis contained in Article 27 (a) of the European Convention
for the Peaceful Settlement of Disputes. There is no need for me ta repeat
the opposing contentions of the Parties on this question, or the prior
jurisprudence of the Court on questions of this kiod; on bath aspects, T
have no quarre! with the summary given in the Court's Judgment. 1need

only remark that, in my view, the prior jurisprudence of this Court and
its predecessor, difficult as sorne aspects of it are to reconcile, at least
establishes that, in interpreting clauses of this kind, the Court enjoys a
certain latitude or discretion in determining what facts or situations
should be regarded as what the Court now refers ta as the "source or real

cause" of a dispute before it - if only because no one international dis­
pute exactly resembles another in the way in which it cornes into exist­
ence. The Court diseusses (in paragraph 43 of the Judgment) the fact that
the limitation ratione temporis re!ied upon in the present case is con­
tained in an agrecd trcaty instrument on the peaccful settlement of dis­
putes, not in a unilateral acceptance under the optional clause, and
decides that nothing material turns on that fact. With that conclusion 1

have no great difficulty, at least in the particular circumstances of this
case, though 1 would not exclude the possibility of a different answer
being appropriate in other circumstances. In the present case, at ail
events, each Party, in its pleadings, has half-expressly, half-implicitly
accepted the re!evance of the three cases primarily in question (Phos­
phates inMorocco, Elec/ricity Company of Sofia and Bulgoria, and Right

of Passage), and the Court is entitled ta treat that as an agreed under­
standing between these two Contracting States as to the extent of their
treaty obligation towards one another, and give weight ta ilaccordingly
under normal Vienna Convention principles.

7. More to the purpose is however the faet that the Court, in reaching
its conclusion (a somewhat discretionary conclusion, as 1 indicate above)
that the essential facts or situations to which the present dispute "relates"
are anterior to the critical date of 1980 under the European Convention,
bases itself on the argument that the German courts, in their decision not

70 CERTAINS BIENS (Op, mss. BERMAN) 72

5. Je n'ai rien à ajouter pour ma part sur la première exception préli­
minaire, laquelle postule l'inexistence d'un différendentre les Parties. Sur
ce point, je suis totalement en accord avec la Cour. L'exception n'est

guère fondée. L'Allemagne a elle-mêmereconnu, dans un cadre bilatéral
ofTiciel,qu'il existait entre les deux Etats un différend qui pourrait néces­
siter un réglement judiciaire.Etant donné cette constatation (que je ne
voudrais pas qualifier d'aveu, puisqu'elle ne fait que donner acte des faits
concrets), je serais prêtà aller plus loin que la Cour eà considérer que
l'Allemagne ne pouvait pas, pour des raisons élémentairesde bonne foi,

soulever en l'espécel'exception tiréede l'«inexistence» d'un différend.
6. Les questions sur lesquelles je suis en net désaccord avec la Cour
concernent. plutôt la deuxiémeexception préliminaire, au titre de laquelle
l'Allemagne affirme que, du fait de la limitationlione lemporis énoncée à
l'alinéaa) de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement

pacifique des différends,le litige qui oppose les Parties èchappe à la juridic­
tion de la Cour telle qu'acceptéear]' Allemagne. li est inutile de répéterici
les thèses opposéesdes Parties à cet égard, ou la jurisprudence antérieure
de la Cour concernant ce genre de questions: sur ces deux points, je n'ai
rien àredire àla synthèse contenue dans l'arrêt.Je me contenterai de faire

remarquer que, selon moi, la jurisprudence antérieure de la Cour et de sa
devancière, si difficile qu'il soit d'en concilier certains éléments,établit du
moins que, lorsqu'elle interprète les clauses de ce type, la Cour jouit d'une
certaine latitude ou d'un certain pouvoir d'appréciation discrétionnaire
pour déterminerquels faits ou situations doivent êtreconsidéréscomme ce

qu'elle appelle maintenant l'<~or iug a neause réelle» des différends
dont elle est saisie ne serait-ce que parce deux différendsinternationaux
ne sont jamais exactement semblables du point de vue des circonstances
qui les ont làit naître. Laur (au paragraphe 43 de l'arrêt)se penche sur
le fait que la limitation ralione lemporis invoquéeen l'espèceest énoncée
dans un instrument conventionnel relatif au règlement pacifique desdiffé­

rends, et non dans une déclaration unilatérale d'acceptation au titre de la
clause facultative, avant de juger qu'il s'agit pas là d'un élémentdèter­
minant. Je n'ai rienà redire à cette conclusion, du moins dans les circons­
tances particulières de l'espèce, bien que je n'exclue pas la possibilité
qu'une réponsedifférente soit indiquée dans d'autres circonstances. Tou­
jours est-il que, en la présente espèce, les Parties ont l'une et l'autre

reconnu à demi-mot la pertinence des trois afTaires principalement visées
(Phosphates du Maroc, Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie et
Droit de passage) et la que Cour est fondée à y voir un accord entre
ces deux Etats quant à la portéede leurs obligations conventionnelles mu­
tuelles, età donner à cet accord le poids qu'il mérite en application des

principes générauxde la convention de Vienne.
7. Plus à propos, toutefois, est le fait que, lorsqu'elle conclut (conclu­
sion quelque peu discrétionnaire, comme je l'ai indiqué plus haut) que les
faits ou situations essentiels que le présent différend« concerne» sont
antérieurs à 1980 - la date critique en vertu de la convention euro­
péenne -, la Cour se fonde sur l'argument selon lequel les tribunaux

7073 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. BERMAN)

to hear the Pieter van Laer Painting case, were doing no more than con­
tinuing their consistent line of jurisprudence. 1 say, "bases itself on the

argument", but 1 could equally well have said "concludes", because the
point at issue, it will readily be apparent, is a critical element, perhaps
even the crucial element, in the chain of reasoning that leads the Court, in
paragraphs 50-52 of the Judgrnent, to uphold Gerrnany's second prelimi­
nary objection, and on that basis ta dismiss Liechtenstein's Application.

8. The argument in question is, of course, one that was vigorously
advanced by Germany in bath the written and the oral pleadings. My

disappointment lies in the uncritical way in which the Court has adopted
this argument as its own. The Court has failed, on the one hand, properly
ta distinguish the argument into its component parts, and compounded
the lapse by then failing ta subject these component parts - crucial as
they are to its chain of reasoning - to adequate scrutiny.
9. As 1see h, the argument that there was nothing new in the position
taken by Germany in respect of the Pieter van Laer painting resolves
itself 10gicaHyinto these three propositions: first, that there has been con­

sistency in the jurisprudence of the German courts in respect of issues
relating to the confiscation of German external property (at least since
the entry into force of the Settlement Convention in 1955); second, that
the tenor of these decisions has been compelled by the terms of the
Seulement Convention (in other words, that the German courts have had
no option but to decide as they did); and third, that it is simply these
decisions of the German courts on their own that has served to generate

the present dispute.
10. ln my considered view, each one of those three propositions is
open to serious question. As ta the tirst issue (consistency of jurispru­
dence), the argument advanced by Germany before the Court has been
more a matter of assertion than of demonstration. Germa·nysays that its
courts have consistently held, since well before the critical date, that they
lacked the competence to hear daims in respect of property confiscated
under the Benes Decrees and similar foreign measures. Liechtenstein has
contested this assertion, notably in Appendix 1to the Liechtenstein WrÎl­
ten Observations, which contains a schedule I1sting the key court cases

heard in Germany in the period 1953-19911. One could have wished,
indeed one would have been entitled ta expect, that Liechtenstein had
been at greater pains ta show the Court in detail what issues the German
courts had actually been confronted with, and how exactly those issues
had been dealt with. An attempt of my own to follow through the court
decisions listed in Appendix l, including those which neither Party has

1 The Appendix also contain, an accollnl of the views expressed in the German scien­
tilic literature whicb (if tbe given is an accurate one) reveals anytbing but a settled
view among the leading commentators that tbe questionbe application of tbe Settle­
ment Convention toneutral properly bad been ,ettled by the earlier cour! decisions; quite
the contrary.

71 CERTAINS BIENS (OP. mss. BERMAN) 73

allemands, en décidantde ne pas connaître de l'affaire du Tableau de Pie­
ter van Laer, n'ont fait que suivre leur jurisprudence antérieure cons­
tante. Je dis «se fonde sur l'argument », mais j'aurais tout aussi bien pu

dire «conclut», car cette question litigieuse, comme nous le verrons bien,
est un élémenttrès important, voire l'élémentclé,du raisonnement qui
amène la Cour, aux paragraphes 50 à 52 de son arrêt, à retenir la
deuxième exception préliminaire de l'Allemagne et, sur ce fondement, à
rejeter la requêtedu Liechtenstein.

8. Cet argument, bien sûr, a étévigoureusement défendu par l'Alle­
magne tant dans ses écritures qu'à J'audience. Ma déception découle de
la manière dont la Cour fait sien cet argument sans se poser de questions.
Tout d'abord, elle n'a pas distingué comme elle aurait dû le faire entre les
différentsélémentsqui le composent, puis elle a aggravécette omission en

ne soumettant pas ensuite ces éléments- pourtant de la plus haute
importance pour son raisonnement - à un examen suffisamment critique.
9. A mes yeux, l'argument selon lequel il n'y avait rien de nouveau
dans la position adoptée par l'Allemagne à l'égarddu tableau de Pieter
van Laer se ramène logiquement à trois propositions: premièrement, la

jurisprudence des tribunaux allemands sur les questions relatives à la
confiscation des avoirs allemands à l'étranger (du moins depuis l'entrée
en vigueur de la convention sur le réglement en 1955) était constante;
deuxiémement, la teneur de cette jurisprudence était dictéepar les termes

de la convention sur le règlement (autrement dit, les tribunaux allemands
n'avaient pas la liberte de prendre d'autres décisionsque celles qu'ils ont
prises); troisièmement, ce sont ces seules décisions qui ont eu pour effet
de faire naître le présent différend.
10. Après mûre reflexion, j'estime que chacune de ces propositions est

trèscontestable. Pour ce qui est de la première (lecaractère constant de la
jurisprudence), l'argumentation avancee par l'Allemagne relève plus de
l'affirmation que de la démonstration. L'Allemagne dit que ses tribunaux
ont constamment jugé, depuis une èpoque bien antérieure à la date cri­
tique, qu'ils n'avaient pas compétencepour examiner les réclamations por­
tant sur des biens confisqués en application des décrets BeneS et d'autres

mesureS similaires prises à l'étranger.Le Liechtenstein a réfutécette asser­
tion, notamment dans l'appendice 1de sesobservations écrites,qui contient
un tableau enumerant les principales affaires jugées en Allemagne entre
1953 et 1991 • On aurait pu souhaiter, on étaitmêmeen droit d'attendre,
que le Liechtenstein déploiedavantage d'efforts pour montrer en détail à

la Cour quelles étaient réellement les questions qui avaient éte portees
devant les tribunaux allemands et de quelle manière préciseelles avaient
etétranchées. Lorsque, comme j'ai essaye de le faire, on pousse jusqu'au

1 L'appendice contient égalementun compte rendLides vues expriméespar la doctrine
allemande, qui montre (s'ilest fiable) quemmentateurs les plus éminentsétaient très
loin de l'onvenir que la question de l"applicatioll de la convention sur le règlement aux
biens neutres avait ététranchée par la jurisprudence antérieure; tout au contraire.

7174 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. HERMAN)

thought fit ta translate into the Court's official languages, suggests
strongly that in fact it took sorne years before the German courts settled
into the totally non possumus stance they now maintain, which in itself
implies that there was nothing inevitable about it. There are clear indi­

cations in early decisions by the highest courts (e.g., the AKU case of
1956, extracts from which are contained in Annex 2 to the Respondent's
Preliminary Objections) that room was consciously being \eft open for
the argument to be made in appropriate future cases that the Settlement
2
Convention did not apply, or even that it should not he applied . ln other
cases dating from the same peri ad , there are clear indications of the
highest courts recognizing that they were perfectly entitled to distinguish

between different items of property in order to determine whether the
régime of the Settlement Convention (or, as the case may be, its pre­
decessor, Allied High Commission Law No. 63) did or did not come ioto
play Ce.g.,the decisions of three separa te supreme courts of 1955, 1957

and 1958 listed as seriais 2,4 and 5 in the table in the Appendix referred
to above). Even in the proceedings in the Pieter van Laer Painting case
itself in the 1990s, there is repeated discussion in the \ower courts about
the preconditions that need to be met before the Sett\ement Convention 3

is applied (e.g., Landgericht K6ln, Memorial, Annex 28, esp. pp. A260 et
seq. and A264 et seq., and Oberlandesgericht Kô{n, Memorial, Annex 29,
esp. pp. A303 el seq.). Even the rejection ofthe Reigning Prince's appeal
by the Federal Constitutional Court is on the basis that the lower courts

had decided that the expropriation of his property was a measurc effected
against German external assets within the meaning of the Settlcment
Convention (Memorial, Annex 32, p. A356). And in the pleading by Ger­
many before the European Court of Human Rights one encounters once

again a discussion of the requirements, aims and purposes of Chapter Six
that belies the bald proposition that the hands orthe German courts were
simply tied in advance (Memorial, Annex 36, pp. A423 et seq.).

2 ln a pair ofjudgments handed down in July 1957 (which were not cited to the Court
by either Party) the Federal Supreme Court (Rundesgeriehtshol) decided not to apply
Article 3 of Chaptcr Six of the Conventioto certain clcments of confiscations carried
out, respectively, the Netherlands and undcr the Bend Decrees, specifically as German
property, notwithstandingthat Article 3 was recognized as applying to German assets in
Gennany. In the second of these dccisions, the court express!y bascd itsclf on its own
assessment of the intentions of the Allied Occupying Powers, i.c., that their intention was
not to covcr the particular confiscation in question. Both decisions are readily accessible
in Internatiollal Law Reports, Vol. 24, pp. 3\ and 35 respectively.

3 Which had by then been made permanent by the arrangements rcached in \990 on a
Final Settlement over Germany, of which more below.

72 CERTAINS BIENS (OP. mss. 'HERMAN) 74

bout l'analyse.de la jurisprudence allemande qui figure dans l'appendice l,
y compris des décisionsque ni l'une ni l'autre des Parties n'a jugébon de
traduire dans les langues officielles de la CourOn constate qu'il a fallu en

réalitéplusieurs annéesaux tribunaux allemands pour se mettre d'accord
sur le non possumus absolu qu'ils opposent systématiquement aujourd'hui,
ce qui porte à croire que cette position n'avait rien d'inévitable.Il ressort

clairement des premières décisionsprises par les plus hautes juridictions
(par exemple, l'arrêtAKU rendu en 1956,dont des extraits sont reproduits
à l'annexe 2 des exceptions préliminaires soulevées par le défendeur)
qu'elles avaient sciemment maintenu ouverte la possibilité de soutenir à

l'avenir, dans les affaires qui s'y prêteraient, que la convention sur le
règlement ne s'appliquait pas, et mêmequ'elle ne devait pas êtreappli­
quée Il.ressort clairement d'autres affaires contemporaines que les plus

hautes juridictions se sont reconnues parfaitement en droit de faire une
distinction entre différentsbienspour déterminersi le régimede la conven­
tion sur le règlement(ou, le cas échéant,l.e régimeantérieur instaurépar la

loi n° 63 du Conseil de la haute commission alliée)étaitou non pertinent
(voir, par exemple, les décisionsprises par trois cours suprêmesdifférentes
en 1955, 1957et 1958,portant les numéros 2, 4 et 5 dans le tableau qui se
trouve dans l'appendice susmentionné). En l'affaire du Tableau de Pieter

van Laer elle-même,dans les années 1990, la question des conditions
devant êtreréunies pour que s'applique la convention sur le règlement a 3
étéà plusieurs reprises examinéepar les juridictions inférieures(voir, par

exemple, Landgerù:ht Kain, mémoire, annexe 28, notamment p. A260 et
suiv. et A264 et suiv., et Oberlandesgerichl Kôfn, mémoire, annexe 29,
notamment p. A303 et suiv.). Mêmele rejet du recours formépar le prince

régnant devant la Cour constitutionnelle fédéraleétait fondé sur le fait
que lesjuridictions inférieuresavaient jugéque l'expropriation de son bien
étaitune mesure prise contre des avoirs allemands à l'étrangerau sens de
la convention sur le règlement (mémoire,annexe 32, p. A356). Et, dans le

mémoiredéposépar l'Allemagne auprès de la Cour européenne des droits
de l'homme, on retrouve encore une analyse des conditions. des fins et des
buts du chapitre sixième,qui réfutel'argument sans nuance selon lequel

les tribunaux allemands avaient les mains complètement liées(mémoire,
annexe 36, p. A423 et suiv.).

~ Dans del.lx arrêts rendus en juillet 1957 (qu'auel.lne des Parties n'a citésdevant la
Cour), la Cour fédéraleallemande de jl.lslice(Bundesgcrieht,hof) a décidéde ne pas appli­
quer l'article 3 du chapitre sixiémede la convention à certains élémentsdes confi>cations
opérées,respectivement, par les Pays-Bas el en application des décrets Benes. et précisé­
ment à des biens allemands, alors mêmeque l'article 3 était reconnu comme s'appliquam
al.lxavoirs allemands en Allemagne. Dans la seconde de ces déciSIons,la Cour fédérale
allemande dejuslice s'est expressément fondée sur sa propre ilppréciation des intentions
des puissances alliées occupantesà savoir que celles n-aaient pas entendu
régirla confiscationéciseen cause. Ces deux décisions peuvent êtrefacilement consul­
téesdans la revue InternlllLaw Reports,voL 24, p. 31 et 35, respectivement.
3 Ces conditions avaient entre-temps étéfixéesdéfinitivement par les accords conclus
en 1990 relatifs au règlement définitifconcernant l'Allemagne, sure vais revenir.

7275 CERTAIN PROPERTV (DTSS. OP. BERMAN)

II. As to the second issue (the constraining force of the SeUlement
Convention), one appreciates of course that under the German Constitu­
tion, as under those of many other States, treaties duly concluded are

self-executing and l'al!to be applied directly by the courts. This is, to ail
appearances, how the German courts have treated Chapter Six of the
Sett.lement Convention, or at least how they have treated its Articles 2
and 3, since the obligation in Article 5 (to compensate the owners of confis­
cated property) seems not to have been regarded as self-executing, but ta

have depended on parliamentary legislation; and, as the Court heard in
argument, the corresponding legislation excluded the payment of compen­
sation ta non-German owners. Al! that said, however, and granted the
proposition that Articles 2 and 3 of Chapter Six of the Settlement Con­
vention were intended to be self-executing, it remains hard for any

sophisticated jurist to understand why a treaty provision requiring respect
fOf "measures ... carried out with regard to German external assets or
other property, seized for the purpose of reparation or restitution" Com­
pels the conclusion that it applies equally to non-German propert 4; or
(to put the proposition in its more developed fonn) why it requires the

German courts to follow, without enquiry of any kind, the qualification
placed on a confiscation by the confiscating State. Or, even if one accepts
the proposition in that more developed form, why it requires the German
courts ta do what they do without any demonstration of the qualification
placed on the property by the confiscating State, because any such

demonstration (even if one had been available in the Pieter van Laer
Painting case, which on the evidence it was not: cf. Memorial, Annex 28,
pp. A265 er seq.)would have been 0utside the competence of the German
courts ta receive.

12. The justification for what 1 have caHed above this totally non pos­
sumus stance is stated over and over again to be that this was the inten­
tion behind the Settlement Convention (or, as the German argument has
it, of the Three Western Powers in imposing the Settlement Convention),

namely ta prevent any German court or authority from enquiring into
any confiscation in any manner whatsoever. That brings me however ta
the tirst of the two Great Silences in the case, bath of which 1 regard as
highly significant for its proper disposaI.

13. If it was the intention of the Three Powers to impose a universal
preclusion, against ail corners, of the kind described above, itcan surely
be a presumed intention only. No evidence was offered to this Court to
show that that was indeed the actual intention behind Chapter Six of the
Settlement Convention. But would it not be strange in the extreme ta

4 With the consequence that il cannot therefore have been lawfully seized for the pur­
posesof repara tion or restitution.

73 CERTAINS RIENS (OP. mss. BERMAN) 75

Il. Pour ce qui est de la deuxième question (la force contraignante de
la convention sur le règlement), on sait bien que la Constitution alle­
mande, à l'instar de celles de nombreux autres Etats, dispose que les trai­

tèsconclus en bonne ct due forme sont d'application directe et qu'il échet
aux tribunaux de les appliquer directement. Et c'est, selon toute appa­
rence, ce que les tribunaux allemands ont fait avec le chapitre sixième de
la convention sur le règlement ou du moins avec ses articles 2 et 3 - ils
semblent en effet avoir considérél'obligation énoncéeà l'article 5 (indem­

niser les propriétaires de biens confisqués), non pas comme ètant d'appli­
cation directe, mais comme nécessitant l'adoption d'une loi par le Parle­
ment et, comme il a étédit à la Cour lors des plaidoiries, cette loi a exclu
l'indemnisation des propriétaires non allemands. Malgré tout, et en
admettant que les articles 2 et 3 du chapitre sixième de la convention sur

le règlement aient étéd'application directe, le juriste averti a toujours du
mal à comprendre pourquoi il faudrait conclure d'une clause d'un traité
exigeant que soient respectées les «mesures ... prises à l'égard des avoirs
allemands à l'étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations
ou des restitutions» que cette clause s'applique également aux biens non
4
allemands ,ou (pour énoncer la proposition sous une forme plus déve­
loppée) pourquoi cette disposition obligerait les tribunaux allemands à
suivre, sans se poser la moindre question, la qualîfication donnée à une
confiscation par l'Etat qui en est l'auteur. Ou encore, même si l'on
accepte la proposition sous cette forme plus développée,pourquoi cette

disposition imposerait aux tribunaux allemands d'agir ainsi sans démon­
stration de la jtistesse de la qualification donnée aux biens par l'Etat
auteur de la confiscation, au motif que les tribunaux allemands n'auraient
pas eu compétence pour recevoir une telle démonstration (à supposer

qu'elle ait ètéfaite en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, ce qui n'est
pas le cas au vu du dossier: voir mémoire, annexe 28, p. A265 et suiv.).
12. Il a étédit et répétémaintes fois, pour justifier ce que j'ai appelé
plus haut ce non possumus absolu, que J'intention de la convention sur le
règlement (ou, selon la thèse de l'Allemagne, l'intention des trois puis­
sances occidentales en imposant la convention sur le règlement) était bien

celle-ci: empêchertoutes lesjuridictions ou autorités allemandes de s'inter­
roger de quelque manière que ce soit sur les confiscations. J'en arrive à
l'un des deux «grands silenceSH de notre affaire, silences qui, selon moi,
revêtent tous deux une grande importance pOUf un règlement correct en
l'espèce.

13. Que l'intention des trois puissances ait étéd'imposer de manière
universelle, à l'égardde tous, une interdiction de ce genre, cela n'est assu­
rément qu'une simple supposition. Aucune preuve que telle ait bien été
l'intention sous-tendant le chapitre sixième de la convention sur le règle­
ment n'a étéproduite devant la Cour. Mais ne serait-il pas fort singulier

4 La conséquenceétantque ces biens ne pouvaient en droit êtresaisis au titre des répa­
rations ou des restitutions.

73 CERTAIN PROPERlY (mss. OP.BERMAN)
76

suppose that the Three Powers could have intended to protect from ail
scrutiny confiscations that clearly went outside the scope of the repara­
tions régimelaid down by them jointly with their wartime Allies, espe­
cially confiscations carriedout at the expense of neutral States, towards

whom they themselves owed the legal obligations arising out of neutral­
ity,and with whom they maintained friendly relations after the War?
And, if one looks at the reported decisions of the German courts them­
selves, can one discern the slightest signf a detailed enquiry having been
made into what the actual intentions behind the Settlement Convention

were? 1, for my part, find no indication whatever of a prise de position
being sought From, or given by, the German Government on that ques­
tion in any of these domestic legal proceedings. Nor a fortiori has this
Court been given even a hint that the German Government had sought
(and received), at any point in time, confinnation from their Allies and

co-Contracting Parties of the Interpretation Gennany was giving ta their
common treaty, and specifically not when the issue of neutraf property
arose four-square in respect of the Pieter van Laer painting. Nor, by the
same token, is there any sign of any such evidence as to the intentions
(common intentions) of the Contracting Parties to the Settlement Con­
vention having been presented by the German authorities to their own

courts at the time when the jurisprudence of the latter was taking shape.

14. In other words, this Court is now being asked to proceed on the
basis of the proposition that the victorious Allies, in their eagemess to

ensure that their former enemy should not be in ·a position 10 question
measures taken by tllcm against enemy property, were completely indif­
ferent to any risk that this régimemight be applied to the detriment of
neutral (i.e., non-enemy) property; and that, a full ten years later, the
thrcc Western Allies, for their part, forced such a conclusion on a reluc­
tant Germany (by then "Federal Republic of Germany"). The proposi­

tion is, to put it mildly, counter-intuitive, and yet it is offered up in a
formaI judicial context without the slightest element of positive proof to
sustain it! Surely it must be the case that, if the question had been put (in
either its negativeor its positive form), say ta the Three Powers during
the negotiation of the Settlement Convention, the answer would have

been obvious. Anything else would carry with it the supposition that the
Three Powers consciously intended ta breach their own obligations
towards States whose neutrality they had recognized during the War.

15. In brief, no sooner does one proceed ta probe beneath the surface

of sorne of the propositions advanced in this case than one encounters the
uneasy feeling that what has been presented to the Court as the inevitable
and inescapable consequences of a régimeimposed on Germany in faet
seems more than Iikely to have contained along the way sorne elements of
conseious choice by organs of the German State. This is not - of
course - to say that the choiees made were bad or ignoble ones, or that

74 CERTAINS BIENS (OP. mss. BERMAN) 76

de supposer que les trois puissances aient pu vouloir soustraire à tout exa­
men des confiscations qui manifestement ne relevaient pas du régime des
réparations qu'elles avaient instauré conjointement avec leurs alliés de
guerre, en particulier des confiscations opérées au détriment d'Etats
neutres, envers lesquels ces puissances avaient elles-mêmesles obligations ju­
ridiques découlant du statut de neutralité, et avec qui elles entretenaient des

relations amicales après la guerre? Et, à la lecture des décisions rendues
par les tribunaux allemands eux-mêmes, peut-on discerner le moindre
signe indiquant qu'un examen approfondi ait étéfait pour rechercher les
véritables intentions qui sous-tendaient la convention sur le règlement?
Pour ma part, je ne trouve dans aucune de ces procédures judiciaires

internes une quelconque indication que le Gouvernement allemand aurait
étéinvité à prendre position sur cette question, ou qu'il l'aurait fait. La
Cour n'a, a fortiori, pas davantage entendu ne serait-ce qu'une allusion
au fait que le Gouvernement allemand aurait, à un moment quelconque,
demandé (et reçu) de ses alliés et des autres parties à la convention la
confirmation de l'interprétation faite par l'Allemagne de ce traité qu'ils

avaient conclu ensemble, et en particulier au moment où s'est spécifique­
ment posée la question des biens neutres à propos du tableau de Pieter
van Laer. Rien n'indique non plus qu'une telle preuve des intentions (des
intentions communes) des Etats parties à la convention sur le règlement
ait été produite par les autorités allemandes devant leurs propres tribu­
naux à l'époque où la jurisprudence de ces derniers a pris forme.

14. Autrement dit, il est maintenant demandé à la Cour de se fonder
sur la proposition que, d'une part, les alliés victorieux, soucieux de
s'assurer que l'ennemi d'hier ne pourrait pas mettre en cause certaines
mesures prises par eux contre des biens ennemis, n'avaient cure du risque
que ce régime puisse s'appliquer au détriment de biens neutres (c'est-à­
dire non ennemis) et que, d'autre part, les trois alliésoccidentaux, de leur

côté, imposèrent exactement dix ans plus tard cette solution à une Alle­
magne (devenue ent'fe-temps la «République fédéraled'Allemagne )i) peu
enthousiaste. Voilà une proposition qui, c'est le moins que l'on puisse
dire, ne s'impose pas à l'esprit, et pourtant elle est avancée dans un cadre
judiciaire officiel et sans l'ombre d'une preuve concrète pour l'étayer! Il
est absolument certain que, si la question avait étéposée (sous sa forme

négative ou sous sa forme positive) aux trois puissances par exemple,
lorsqu'elles négociaient laconvention sur le règlement, la réponse aurait
étéévidente. Il faudrait dans le cas contraire supposer que les trois puis­
sances entendaient sciemment violer leurs propres oblîgations envers les
Etats dont elles avaient reconnu la neutralité durant la guerre.
15. En somme, à peine commence-I-on à gratter la surface de certaines

des propositions avancéesen l'espèceque l'on ne peut s'empêcherd'éprou­
ver la désagréable impression qu'un état de choses présenté à la Cour
comme la conséquence inévitable et inéluctable d'un régime imposé à
l'Allemagne comporte aussi plus que probablement des éléments d'un
choix conscient de la part des organes de l'Etat allemand. Je ne veux pas
dire, bien entendu, que ces choix aient étémauvais ou odieux, ni qu'il y

7477 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. BERMAN)

there was any element of deliberate intention ta damage the interests of
third States. But that is not the issue. The issue, as it presents itself in this
case, is what steps ought to have followed once it became clear that this
was going to be the result of the positions that had been taken by Ger­
many. And that, on ail the evidence in the case, induding that marshalled

by the Court in support of the Respondent's second preliminary objec­
tion, did not become clear until the 19908, well after the critical date
under the European Convention for the Peaceful Seulement of Disputes.

16. It is that which brings me ta the last of my three issues - and at

the same time ta the second of the Great Silences in this case.
17. The third issue 1identify in paragra ph 9 above goes to the guestion
whether it is simply the decîsions by the German courts over the years
that were the real cause of the dispute which has been brought before this
Court. Let us assume for a moment, for the purposes of argument, that
(contrary ta what 1 have shown above) the German courts did in fact

have no other option open to them when the Pieter van Laer Painting
case came before them. The question is: does the matter stop there? And
the answer to that question appears plajnly from the fact that the com­
plaint by Liechtenstein i8 directed at the adoption of that position by the
German Government in its international relations, and its interposition

as a bar to any possibilityof paying compensation to Liechtenstein or its
citizens as a result(cf. paragraphs 19 and 20 of the Application institut­
ing these proceedings). That 1S something which the Court, guite cor­
rectly in my view, recognizes by implication in paragraphs 25 and 26 of
the Judgment. But, having recognized it, the Court fails to follow through.

For, if what triggered this dispute was the realization that Germany,
against all expectation, was going to tuke the position that its treaty obli­
gations to the Three Allies precluded, absolutely and permanently, com­
pensation for the confiscation of Liechtenstein property, then that was a
state of affairs (1 deliberately avoid the problematical phrase "fact or
situation") that - so it seems to me - falls exactly within the framework

of the Right of Passage Judgment, and ought at the least to have warned
the Court off what 1 regard as the facile conclusion that the present
dispute "relates ta" the BeneS Decrees, for the purposes of applying
Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful Settlemen t of
Disputes. It will be recalled that, in the Right of Passage case, the Court

found that it was not in a position ta pronounce on what were the "situa­
tions or facts" to which the dispute related until it had heard full argu­
ment on the substance, and accordingly joined the preliminary objection
to the merits (Right of Passage over /ndian Territory, Preliminary Objec­
tions, Judgment. I.CJ. Reports 1957, p. 125). The Court's reasoning for
so doing (ibid., pp. 151-152) bears a strong resemblance to the circum­

stances of the present case.

18. 1 pause at this point to observe that the conclusions 1 draw in the
preceding paragraph are ones that, in my view, impose themselves simply

75 CERTAINS BIENS (or. mss. BERMAN) 77

ait eu en aUCune façon une intention délibéréede nuire aux intérêts
d'Etats tiers. Mais là n'est pas la question. La question, telle qu'elle se
présente en l'espèce, est de savoir ce qui aurait dû êtrefait une fois qu'il
était devenu clair que tel allait êtrele résultat des positions prises par

l'Allemagne. Et, au vu de l'ensemble des piècesverséesau dossier, y com­
pris de cellesque la Cour a choisies pour retenir la deuxième exception
préliminaire de l'Allemagne, ce résultat n'est apparu clairement qu'à par­
tir des années 1990, bien après la date critique aux termes de la conven­
tion européenne pour le règlement pacifique des différends.

16. J'en arrive ainsi à la derniére de mes trois questions - et par la
mêmeoccasion au second des grands silences de notre affaire.
17. La troisième question que j'ai posée au paragraphe 9 concerne le
point de savoir si les décisions prises au fil des ans par les tribunaux alle­
mands constituent à elles seules la cause réelledu différend dont la Cour

est saisie. Supposons un instant, pour les besoins de l'argumentation, que
(contrairement à ce que j'ai démontréci-dessus) les tribunaux allemands
n'aient en effet pas eu le choix lorsqu'ils furent saisis de l'affaire du
Tableau de Pieter van Laer. La question se pose alors: les choses doivent­
elles en rester là? Et la réponsà cette question ressort à l'évidencedu fait

que les griefs formulés par le Liechtenstein visent l'adoption de cette posi­
tion par le Gouvernement allemand dans ses relations internationales et
l'obstacle ainsi élevécontre toute possibilité d'indemnisation du Liech­
tenstein ou de ses ressortissants (voir les paragraphes 19 et 20 de la
requêtequi a introduit la présente instance). C'est ce que la Cour, fort

justement selon moi, reconnaît implicitement aux paragraphes 25 et 26 de
l'arrêt.Mais, ayant reconnu cela, la Cour ne va pas jusqu'au bout de son
·raisonnement. En effet, si le fait générateurdu différend a étéla prise de
conscience que l'Allemagne, contre toute attente, allait adopter pour
position que ses obligations conventionnelles envers les trois alliés lui

interdisaient, de manière absolue et définitive, d'indemniser les proprié­
taires de biens liechtensteinois confisqués, on se trouve alors devant un
état de choses U'évitedélibérémentl'expression problématique « fait ou
situation») qui, me semble-t-il, s'inscrit exactement dans le cadre de
l'arrêtrendu en l'affaire du Droil de passage, ce qui aurait dû au moins

amener la Cour à se garder de la conclusion - facile selon moi ~ que,
aux fins de l'application de l'alinéa a) de l'article 27 de la convention
européenne pour le règlement pacifique des différends, le présent diffé­
rend «concerne» les décrets BeneS. Rappelons que, en l'affaire du Droit
de passage, la Cour a conclu qu'elle n'étaitpas en mesure de se prononcer

sur ce qu'étaient les« situations ou faits» sur lesquels portait le différend
avant d'avoir entendu l'ensemble des arguments de fond, et qu'elle a
donc joint l'exception préliminaire au fond (Droit de passage sur terri­
toire indien, exceptions préliminaires, arrél,c.l.I. Recueil 1957, p. 125).
L'analogie est frappante entre le raisonnement tenu alors par la Cour

(ibid., p. 151-152) et les circonstances de la présente espèce.
18. Je marque ici une pause pour faire observer que les conc1m.ions
que je tire au paragraphe précédents'imposent, à mon avis, sans qu'il y

75 78 CERTA!N PROPERTY (mss. OP. BERMAN)

on the contours of the case. They do not in any sense depend either on
there having been a prior understanding between Liechtenstein and Ger­
many (with regard to neutral property) or on a supposed "change of
position" by Germany. Bath of these propositions 1 regard as red her­
rings, and the fact that they were Întroduced by the Applicant itself into

its argument does not make them any the less so. The Court is quite right
to disposeof them - on the facts. But the Court, once again, stops short
there, without going on ta look carefully enough at whether the logic of
the Applicant's case really does require it ta establish one or both of these
propositions. To be sure, the Court does admit, in paragraph 49 of the

Judgment, that Liechtenstein might be able to establish its case ralÎone
temporis by showing that crquote in full) "German courts, by applying
their earlier case law under the Settlement Convention for thefirst time
to Liechtenstein property, applied that Convention 'ta a new situation'
after the critical date". But l regret to say that the purport of that

Delphic utterance remains closed to me.

19. To my mind it is perfectly clear that the main conclusion which
Liechtenstein asks the Court to draw does not depend on either the
"prior understanding" or the "change of position" as a precondition.

Indeed, one might almost say that there was something of the perverse
in insisting that, in arderta show that the essential fads generating the
dispute are dated afler 1980, you must first establish their link to things
dating before 1980. ln my view it suffices entirely to show that Germany
first took an explicit position over neutral assets in relation to the post­

war confiscations after 1980, in order ta bring the case squarely within
the view taken by the Court in the RighI of Passage case. To say, as
the Court does in paragra ph 51 of the Judgment, lhat the issue addressed
by the German courts in the Pie ter van Laer Painting case "cannat be
separated from the Seulement Convention and the Benes Decrees" is
no doubt true - sa far as it goes - but it is not the question that arises

for the purpose of deciding whether the facts of the present case fit
this Court's prior jurisprudence.

20. What, then, of the second Great Silence? If the German answer to
the Liechtenstein daim, i.e. that it was the powerless agent of an obliga­
tion imposed upon it by the Three Powers, is to be subjected ta critical

exarnination - as in my opinion it manifestly must be - it has first to be
broken down into its two component parts. To do sa requires sorne
further creative Interpretation of my own, in the absence of any proper
argument on either point by either Party before the Court. But 1 believe
1do no more than tease out the inner logic when 1say that this argument

depends upon the following: (a) that Germany was entitled (i.e. legally
entitled) to oppose its obligations (i.e. its c1aimed obligations) under the
. Settlement Convention to Liechtenstein, which was not a party ta that
treaty; (h) that there was no novus actus interveniens in the arrange-

76 CERTAINS BIENS (OP. mss. HERMAN) 78

ait à déborder du contour généralde cette affaire. Elles ne dépendent en
aucune manière de j'existence d'une entente antérieure entre le Liech­
tenstein et l'Allemagne (au sujet des biens neutres) ou d'un «changement
de position» supposé de l'Allemagne. J'estime que ces deux propositions
ne font que brouiller les cartes, et le fait que ce soit le demandeur lui­
mêmequi les a introduites dans son argumentation n'y change rien.

C'est fort justement que la Cour les écarte- sur la base des faits. Mais,
là encore, elle ne va pas assez loin et n'examine pas avec suffIsamment
d'attention si la logique de la thèse du demandeur lui impose réellement
d'établir le bien-fondé de l'une de ces propositions, ou des deux, La
Cour admet bien, au paragraphe 49 de l'arrêt, qu'il serait possible au
Liechtenstein d'établir le bien-fondé de sa thèse rutione tempo ris en

démontrant que Ge cite intégralement) «les tribunaux allemands, en
appliquant pour la première fois à des biens liechtensteinois leur juris­
prudence antérieure fondée sur la convention sur le règlement, ont appli­
quéladite convention (<à une situation nouvelle» après la date critique»,
Mais j'ai le regret de dire que la signification de ces paroles sibyllines
m'échappe.

19. A mon avis, il est tout à fait clair que la conclusion principale que
le Liechtenstein demande à la Cour de tirer ne suppose l'existence ni
d'une «entente antérieure», ni d'un «changement de position». Et même,
on pourrait trouver qu'il y a un certain paradoxe à soutenir que, pour
montrer que les faits générateursessentiels du difTërend sont postérieurs
à 1980, il fam d'abord établir qu'ils se rattachent à des événementsanté­

rieurs à cette mêmeannée. Selon moi, la démonstration du fait que c'est
seulement aprés 1980 que l'Allemagne a pris expressément position au
sujet des biens neutres en relation avec les confiscations d'après-guerre
suflit amplement pour que l'on applique à notre affaire le raisonnement
suivi par la Cour en l'affaire du Droit de passage. Dire, comme le fait la

Cour au paragraphe 51 de son arrêt,que la question examinée par les
tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieler van Laer «ne sau­
f[ait] êtredissocié[e] de la convention sur le règlement ni des décrets
Benes» est - en soi - sans aucun doute exact, mais ce n'est pas la ques­
1 tion qu'il faut se poser aux fins de déterminer si les faits de la présente
I! espèceentrent dans le cadre de cette jurisprudence antérieure de la Cour.
20. Et que dire alors du second grand silence? S'il faut soumettre à un
li
examen critique la réponse de l'Allemagne aux griefs du Liechtenstein, à
savoir qu'elle étaitun agent impuissant dans l'exécution d'une obligation
qui lui avait étéimposée par les trois puissances - et pour moi un tel
examen est manifestement nécessaire -, il faut d'abord en séparer les
deux élémentsconstitutifs. Pour ce faire, je vais devoir me livrer moi­
même à une nouvelle interprétation créative, puisque ni l'une ni l'autre

des Parties n'a fait valoir devant la Cour de véritable argument sur ce
point. Mais je me borne, je crois, à faire ressortir la logique interne de cet
argument en disant qu'il repose sur les deux propositions suivantes: pre­
mièrement, l'Allemagne pouvait (à bon droit) opposer ses obligations
(alléguées)découlant de la convention sur le règlement au Liechtenstein,

7679 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. BERMAN)

ments in 1990 which brought about the Final Settlement with respect to
Germany.

21. These constituent propositions have only to be stated in order to
see how open to question both of them are.

22. Proposition (a) stands in obvious conflict with the pacta tertiis
rules in Articles 34 and 35 of the Vienna Convention on the Law of
Treaties, which certainly reflect the customary international law on the
subject. Yet the German argument before the Court simply parrots that
Germany had to follow its obligations (sc. towards the Three Powers)

under the Settlement Convention, as if it was obvious (including, presum­
ably, to ail third States) that Germany would oppose this Convention to
non-parties, to the detriment of the latter, and without regard to the
elementary proposition that aState cannot, by contracting with a second
State, absolve itself of its obligations towards a third State (for the appli­
cation of which rule in the treaties field, cf. Article 30 of the Vienna Con­

vention). And if the contradiction is glaring enough as it stands, how
much more glaring still must it be when what is sought to be imposed on
the third State is not even what the treaty, on its naturai meaning, seems
to say!

23. 1ttS however proposition (b) tha t raises the more profound ques­
tions - at least in the context of the present Judgment. The relevant
treaty provisions, Chapter Six of the Settlement Convention, were self­
evidently the subject of conscious attention, if not in the Four-plus-Two
ncgotiations themselves, then certainly when Germany and the Three

Powers negotiated the Exchange of Notes of 27/28 September 1990, since
they formed the explicit subject-matter of part of its paragraph 3. Of
utmost significance is the faet that those parts of Article 3 of Chapter Six
that preclude daims were prolonged, and in effect made permanent,
whereas the obligation in Article 5 to pay compensation was extin­
guished; this notwithstanding the inescapable conclusion that the Allies,

in negotiating the Seulement Convention at the time, must have regarded
the obligation to pay compensation in Article 5 as the necessary counter­
part ta Article 3. No evidence has been offered to the Court - by either
Party - as to how or why the Settlement Convention was dealt with in
this particular way; presumably evidence of that kind was not accessible
to the Applicant (other than the shreds in paragraphs 3.54 and 5.56 of the

Memorial), but the evidence must most certainly be in the possession of
the Respondent. Be that as il may, it is hard to imagine any possible
reason why this carefully calibrated metamorphosis of Chapter Six can
have been at the insistence of the Three Powers. If per con/ra there are
grounds for the assumption that the perpetuation of the one obligation

and the extinction of the other was procured by Germany, for its own
benefit, then that must surely have a substantial effeet on one's view of
the case. On the one hand, because the Allies had specifically intended the
régime of the Seulement Convention to be a temporary expedient only,

77 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. HERMAN) 79

alors que celui-ci n'était pas partieà cet instrument; deuxièmement, les
accords condus en 1990, qui ont conduit au règlement définitif concer­
nant l'Allemagne, ne constituaient pas un nOl/US acluS inlerl/eniens.
21. Il suffit d'énoncer ces deux propositions pour voir à quel point
elles sont l'une et l'autre contestables.
22. La première proposition se heurte à l'évidenceaux règles sur l'effet

relatif des traités énoncées aux artides 34 et 35 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, qui reHètent sans conteste le droit coutu­
mier en la matière. Pourtant, en guise d'argumentation devant la Cour,
l'Allemagne se contente de répèter mécaniquement qu'elle devait se
confonner à ses obligations (envers les trois puissances) découlant de la
convention sur le règlement, comme s'il allai! de soi (y compris, appa­

remment,. pour tous les Etats tiers) que l'Allemagne opposerait cette
convention aux Etats non parties, à leur détriment, et en faisant fi du
principe élémentaire selon lequel un Etat ne peut, en conduant un traité
avec un autre Etat, se soustraire aux obligations auxquelles il est tenu à
l'égard d'un Etat tiers (sur l'application de cette règle dans le domaine

des traités, voir l'artide 30 de la convention de Vienne). Et si la contra­
diction est assez flagrante en soi, combien davantage lorsque ce que l'on
cherche à imposer à l'Etat tiers n'est mêmepas ce que le traité, en son
sens naturel, semble dire!
23. C'est cependant la seconde proposition qui soulève les questions
les plus graves - du moins dans le cadre du prèsent arrêt. Il va sans dire

.que les dispositions conventionnelles pertinentes du chapitre sixième de la
convention sur le règlement ont fait l'objet d'une attention particulière,
sinon dans les négociations sur le traité Deux-plus-Quatre lui-même, du
moins certainement lorsque l'Allemagne et les trois puissances négo­
cièrent l'échangede lettres des 27 et 28 septembre 1990, puisque ces dispo­
sitions sont expressément reprises dans le paragraphe 3 de cet échange de

lettres. Cequi est capital, c'est que les dispositions de l'article 3 du cha­
pitre sixième qui font obstacle aux réclamations furent prorogées, et
mêmerendues définitives, alors que l'obligation d'indemnisation énoncée
à l'article 5 fut abolie, tout cela en dépit de la conclusion inévitable que
les alliés,à l'époque où ils avaient négociéla convention sur le règlement,
considéraient forcément l'obligation d'indemnisation énoncéeà J'article 5

comme la contrepartie nécessaire de l'article 3. Ni l'une ni l'autre des
Parties n'a donné à la Cour la moindre information permettant de com­
prendre pourquoi ou comment le sort de la convention sur le règlement
fut ainsi scellé: vraisemblablement, le demandeur n'avait pas accès àces
informations (à part les bribes d'explications que l'on trouve aux para­
graphes 3.54 et 5.56 du mémoire), mais en toute certitude le défendeur les

avait en sa possession. Quoi qu'il en soit, on voit mal pour quelle raison
cette métamorphose savamment calibrée du chapitre sixième serait due à
l'insistance des trois puissances. Si, auontraire, iy a des raisons de pen­
ser que la perpétuation d'une obligation et l'extinction de l'autre ont été
obtenues par l'Allemagne dans son propre intérêt,cela ne peut qu'avoir
des effets sensibles sur la manière de considérer l'affaire. D'une part,

7780 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. HERMAN)

pending a final regulation of the reparations question, as Article 1 of
Chapter Six recites. On the other hand, because il.can certainly not be
asserted that Germany was in the powerless position it claims la have
been in in 1952/1955, and thus to have hadto accept through gritted
teeth in 1990whatever its Western partners chose to impose upon it. But,
in the very specifie context of the present Judgment, the events of 1990

may be more than "substantial" in their effects; they may be decisive.
Why? Because they may suggest a wholly different analysis of what rep­
resents "the source or real cause" of this dispute, and one which, without
any doubt, does not fall within Article 27 (a) of the European Conven­
tion for the Peaceful Settlement of Disputes, on which the Court has
chosen to rest its decision.

24. At ail events, much of what 1 say in the preceding paragraph
remains, for the moment, at the level of Inference or supposition, in the
absence of proper evidence or argument about wha! did happen in 1990.

That in tum suggests, yet again, that the Court was not in a position
adequately to assess, on the material available ta it at the present stage of
the case, whether the second preliminary objection was, or was not, weB
founded. If sa, the accepted way ta deal with the situation would be ta
join the objection ta the merits, as foreseen in paragraph 9 of Article 79

of the Rules.
25. Since l would not therefore have upheld the second preliminary
objection as denying the Court in {imine the jurisdiction ta hear the case,
il is incumbent on me to say something about the remaining four pre­
liminary objections. This l can do very briefly. 1 do not propose to say
anything about the third, fourth and sixth objections;. they seem ta me
devoid of any substantial merit. The firth objection, however, relating ta

the absence before the Court of an indispensable third party, is a serious
one, and would have required the Court's serious attention, as a matter
going to the admissibilily of the case, had the Court upheld its jurisdic­
tian to hear il.
26. This is not the place for a lengthy excursus on a question which, in
the event, does not figure in the Judgment of the Court at ail. For my

part, 1am in the company of those who experience difficulty in following
the Court's reasoning in the case concerning Certain Phosphate Lands in
Nauru. ft is however enough ta say that that case, taken together with the
classic pronouncements of the Court in the Monetary Gold case, estab­
lishes that the testis whether the determination of the rights or obliga­

tions of the absent third State would be a "necessary precondition" to the
Court disposing of the dispute before il. This is something on which the
Parties in the present case appear ta be in agreement. ft goes without say­
ing, though, that that test cannot be applied until it is established what
the dispute is. The Court has now made its objective determination of the
subject-matter of the dispute between the Parties (a determination with

78 CERTAINS BIENS (01). mss. BERMAN) 80

parce que, selon les intentions expresses des alliés, le régimeinstauré par

la convention sur le règlement n'étaitqu'un palliatif adopté dans l'attente
du règlement définitif de la question des réparations, comme il est dit à
l'article 1du chapitre sixième. D'autre part, parce que l'on ne peut vrai­
ment pas prétendre que l'Allemagne était encore en 1990 dans la position
d'impuissance qui, selon ses dires, était la sienne en 1952/1955 et qu'elle
avait donc dû accepter en serrant les dents tout ce que ses partenaires

occidentaux avaient jugé bon de lui imposer. Mais, dans le contexte très
particulier du présent arrêt,les effets des événementsde 1990 sont peut­
êtreplus que «sensibles»: ils sont sans doute décisifs, Pourquoi? Parce
que ces événementspeuvent conduire à une analyse toute différente de ce
qui constitue «l'origine ou la cause réelle» du présent différend, analyse
qui, sans aucun doute, sort du cadre de l'alinéa Ci) de l'article 27 de la

convention européenne pour le règlement pacifique des différends sur
lequel la Cour a choisi de fonder sa décision,
24, Quoi qu'il en soit, une bonne partie des remarques que j'ai faites
au paragraphe précédentne sont pour l'instant que des déductions ou des
suppositions, faute de preuves ou d'arguments adéquats sur ce qui s'est
réellement passé en 1990, Cela montre, une nouvelle fois, que la Cour

n'était pas en mesure, sur la base des pièces verséesau dossier à ce stade
de l'instance, dese prononcer en connaissance de cause sur le bien-fondé
de la deuxième exception préliminaire. Dans un cas comme celui-là, la
méthode consacrée serait de joindre l'exception au fond, comme le pré­
voit le paragraphe 9 de l'article 79 du Règlement

25. Puisque, pour ces raisons, je n'aurais pas retenu la deuxième
exception préliminaire comme faisant obstacle in !imine !itis à la compé­
tence de la Cour pour connaître de l'affaire, il m'appartient de dire un
mot des quatre autres exceptions. Je serai très bref Je ne dirai rien du
tout de la troisiéme, de la quatriéme et de la sixiéme: elles me semblent
entièrement dénuées de fondement. Mais la cinquième exception, qui

concerne l'absence devant la Cour d'une tierce partie indispensable, est
sérieuse, et la Cour aurait eu à y consacrer une grande attention pour
juger de la recevabilité de l'affaire, si elle avait conclà sa compétence
pour connaître de celle-ci,
26. Ce n'est pas ici le lieu pour faire de longs développements sur une
question qui, de toute façon, n'est évoquéenulle part dans l'arrêtde la
Cour. Quant à moi, je suis de ceux qui éprouvent quelque difficulté à sui­

vre le raisonnement de la Cour dans l'arrêtrendu en l'affaire de Certaines
terres à phosphate à Nauru. Je me contenterai cependant de dire que cet
arrêt-là, analysé conjointement avec ce qu'a dit plus classiquement la
Cour en l'affaire de l'Or monétaire,établit que le critère est de savoir si la
détermination des droits et obligations de l'Etat tiers absent serait une

«condition nécessaire» du règlement par la Cour du différend dont elle
est saisie. C'est un point sur lequel les Panies semblent s'accorder en
l'espèce, Il va toutefois sans dire que ce critère ne peut êtreappliqué
avant que l'objet du différend qui oppose les Parties ait étéétabli, La
Cour s'étant prononcée objectivement sur celui-ci (et je m'associe respec-

788t CERTAIN PROPERTY (mss. OP. HERMAN)

which 1 respectfully agree), and, in the light of that determination, it

seems to me clear that the seulement ofthat dispute does not in any sense
require the Court tirst to pronounce on whether the Bene!; Decrees as
such, or particular confiscations undenaken pursuant ta any of those
Decrees, were or were not lawful (in the particular sense of infringing the
rights of Liechtenstein under international law). To the extent that it

might, however, be felt that the final answer to that question was not yet
sufficiently clearat this stage of the argument in the case, that would of
itself suggest that the objection was not one of an exclusively preliminary
character, and ought therefore to be joined ta the merits, as with the
second preliminary objection (para. 23 above).

27. Haying reached the aboye conclusions, 1 feel it necessary ta add
somefinal remarks.
28. The first of these is the fairly elementary observation, which harks
back to the remark in paragraph 4 aboye, that the decision by the Court
that it has no jurisdiction to hear this case does not of itself resolye the

dispute between the two States. Ta the contrary, the Court has now
found that Liechtenstein and Germany are in dispute with one another,
that the dispute is a legal dispute, and has made its own objective deter­
mination of what the subject-matter of the dispute is. Sorne element of
res judicata doubtless attaches to those findings. One may assume that
the matter will not rest there. The leader of the German delegation ta the

bilateral consultations in June 1999 recognized that a solution needed to
be found, whether by judicial decision or otherwise. Ta have had that
unresolved dispute - whateyer its merits or demerits - settled by deci­
sion of this Court, if necessary by some l'orm of ad hoc understanding
between the disputants not to contest jurisdiction, would have been an

entirely civilized way to handle the matter, one in accordancc with the
honourable traditions ofboth States, and, needless ta say, entirely within
the spirit of the European Convention for the Peaceful Settlement of Dis­
putes. But other methods, of an equally civilized character, remain open
to them as weil.
29. The second observation may be thought a little more pointed, so 1

preface it by saying with ail emphasis that it is not offered in a critical
spirit.One cannot read the papers in this case without the feeling that,
faced with the undoubtedly difficult and highly sensitive issue of the
Benes Decrees, the German courts have taken refuge behind the Settle­
ment Convention (and previously Allied High Commission Law No. 63),

and that then the German Government has taken refuge behind the Ger­
man courts. That position, understandable as it may be in relation to the
confiscation of German property, is not a proper way of dealing with the
question of neutral property confiscated as if it were German. It is aUtoo
easy to portray Chapter Six of the Settlement Convention as if it were

simply a heavy burden imposed upon an unwiUing Germany. But the
truth is that Chapter Six also served to protect the newly founded Ger­
man State by absolving it of co-responsibility for the confiscations, and
al the same time absolving its courts l'rom the invidious task of having to

79 CERTAINS BIENS (OP. DISS. BERMAN) 81

tueusement à ce qu'elle a dit), il me semble dès lors évident que le règle­
ment de ce différend ne requiert en aucune manière que la Cour statue
d'abord sur la question de savoir si les décretsBeneSeux-mêmes,ou telle
ou telle confiscation opéréeen application de ceux-ci, étaient licites ou
non (plus précisément,s'ils portaient atteinte aux droits reconnus au
Liechtenstein en vertu des normes internationales). Si, cependant, on

pouvait penser que la réponse définitive à cette question n'était pas
encore suffisamment claire à ce stade de l'argumentation, cela suffirait à
montrer que l'exception n'étaitpas de caractère purement préliminaire et
devait donc êtrejointe au fond, au mêmetitre que la deuxième exception
préliminaire (voir paragraphe 23 ci-dessus).
27. Etant parvenu à ces conclusions, j'estime nécessaire d'ajouter

quelques observations /"inales.
28. Ma première observation, assez élémentaire,renvoie à ce que je
disais au paragmphe 4 ci-dessus: la décision de la Cour de se déclarer
incompétente pour connaître de l'affaire ne régieen rien le différend qui
oppose les deux Etats: au contraire, la Cour a maintenant conclu qu'il
existe un différend entre le Liechtenstein et l'Allemagne et qu'il s'agit

d'un différend juridique, dont elle a elle-mêmedéterminéobjectivement
la portée. Nul doute que ces conclusions revêtent dans une certaine
mesure l'autorité de la chose jugée.Il y a tout lieu de penser que l'affaire
n'en restera pas là. Le chef de la délégationallemande dans les négocia­
tions bilatérales de juin1999 a reconnu qu'une solution devait êtretrou­

vée,par la voie judiciaire ou autrement. Faire trancher par la Cour ce
différendnon résolu- indépendamment de son bien-fondé -, au besoin
en vertu d'un accord ad hoc par lequel les Parties au litige seraient conve­
nues de ne pas contester la compétence de la Cour, aurait étéune manière
de procéderparfaitement civilisée,conforme aux meilleures traditions des
deux Etats et, cela va sans dire, toutà fait dans l'esprit de la convention

européenne pour le règlement pacifique des différends. Mais d'autres
voies, tout aussi civilisées,leur restent encore ouvertes.

29. Ma deuxième observation risque d'êtrejugée un peu plus sévère,
c'est pourquoi j'insistetout de suite sur le fait que je ne la présente pas
dans un esprit critique. On ne peut lire le dossier de cette affaire sans
avoir le sentiment que, confrontés à la question indéniablement difficile et

éminemment délicate des décrets BeneS, les tribunaux allemands se sont
retranchés derrière la convention sur le règlement (et avant cela derrière
la loi n° 63 du Conseil de la haute commission alliée)et que le Gouver­
nement allemand s'estensuite retranché derrière ces tribunaux. Cette atti­
tude, si compréhensible qu'elle puisse êtres'agissant des confiscations de
biens allemands, n'est pas justifiéelorsqu'il s'agit de statuer sur la ques­

tion des biens neutres confisqués en tant que biens allemands. Il est bien
trop facile de présenter le chapitre sixièmede la convention sur le règle­
ment simplement comme un lourd fardeau imposé àson corps défendant
à l'Allemagne. La véritéest que le chapitre sixièmea aussi permis de pro­
tégerl'Etat allemand nouvellement crééen l'exonérant de sa coresponsa-

7982 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. BERMAN)

sit in judgment on a flood of cornplaints from its citizens about the treat­
ment visited on their property abroad. Yet the counterpart ta this protec­
tion for Germany - the necessary element for its completion - must
surely have been, quite intentionally, the obligation to compensate laid
down in Article 5 of that same Chapter (with no apparent limitation, it

may be remarked, ta German citizens ai aH). To lay daim ta the one
while disclaiming the other is surely a positionthat requires re-examina­
tian.One can only hope that even now sorne such re-examination may be
possible.

30. My last observation of all goes back ta the remark at the begin­

ning of this opinion that Liechtenstein's claim in this case is a very
unusual one, requiring, shall we say, a degree of legal creativity. That is
however a question going to its mails. lt is hard ta resist the conclusion
that the Respondent - and, dare one say it, in due course the Court
itself - has allowed the difficulty it experiences in weighing the prospec­

tive legal merits of the claim ta become transmuted into an issue in
limine. However imaginative the claim, it deserved a hearing, and the
Court could with ample justification have achieved just that by joining
the second and fifth preliminary objections ta the merits.

(Signed) Franklin BERMAN.

80 CERTAINS BIENS (Op, mss. I:lERMAN) 82

bilitépour les confiscations, et en exonérant en mêmetemps ses tribu­
naux de la tâche ingrate de statuer sur une avalanche de réclamations
formées par ses ressortissants au sujet du traitement subi par leurs biens
à l'étranger. Mais la contrepartie attendue de l'Allemagne - le complé­
ment indispensable de cette protection - étaittrès certainement l'obliga­

tion d'indemnisation qui est énoncée à l'article 5 de ce mêmechapitre (et
qui, on le notera, ne semble absolument pas limitée aux ressortissants
allemands). Se prévaloir de l'une tout en refusant l'autre es! assurément
une attitude qui demande à êtrerevisée. On ne peut qu'espérer qu'une
telle revision reste encore untant soit peu possible aujourd 'hui.

30. La dernière de mes observations renvoie à celle que je faisais au
début de mon opinion: la demande formulée par le Liechtenstein en
l'espèceest très inhabituelle et requiert, dirons-nous, une certaine créati­
vitéjuridique. C'est cependant une question qui relèvedu fond. JIest dif­
ficile de ne pas céderà la conclusion quele défendeur- et, oserons-nous
le dire, la Cour elle-mêmeà son tour - a laisséla difficultéqu'il avait à

apprécier si la demande pouvait êtrefondée en droit se transformer en
une question in limine litis. La cause, pour originale qu'ellesoit, méritait
d'êtreentendue, et c'est justement ce que la Cour aurait étéamplement
fondée à faire en joignant au fond les deuxième et cinquième exceptions.

(Signé) Franklin HERMAN.

80

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Opinion dissidente de Sir Franklin Berman, juge ad hoc

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