Opinion individuelle de M. Owada

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123-20050210-JUD-01-03-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction}

Détermination de l"objel du différend indispensable à une décision sur les
excepliolls préliminaires- Objel réeldu différendconsistant dans le traitement
réservépar I"Allemagne aux biens Iiechlensteinois - Applicabilité aux biens
liech/ens/einoisde la convention sur le réglement - Portée de la limita/ion
ratione temporis à la compétence de la Cour prévue à l'alinéaa) de rarlicle 27
de la convention européennesur le règlemenl pacifique des différends - Signi­
fication de l'expression «différends concernant desfàits ou sil1lations antérieurs

à l'entréeen vigueurJ!de la convention - Différence entre I"expression (dispu­
tes relating to faets or situations» el I"expression «(disputes with r10afaets
or situations» - Définiriondes Iifaits ou situations donnanl naissance audif~
férend» - Précédentscons/iluéspar les affaires des Phosphates du Maroc, de
la Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie et du Droit de passage sur
territoire indien -(1Changement de position» de I"Allemagne constituant l'ori­
gine réelledu différend - Exception fondée sur fa limitalion ratione temporis
devant êtrerejetée- Ensemble des aulres exceptions préliminaires soulevées
par l'Alfemagne devan 1 êtrerejetées- C0l11pélencede la Cour pour connaître
de la requêtedu Liechtenstein dellant êlrereconnue.

Je ne puis, à mon grand regret, m'associer à la conclusion à laquelle la
Cour est parvenue dans son arrêt, à savoir qu'elle n'a pas compétence
pour connaître de la présente affaire postulant à cet effet que la deuxième
exception préliminaire d'incompétence soulevéepar l'Allemagne doit être

retenue. Dans le souci de préciserles motifs de mon désaccord,je voudrais
exposer mes propres vues sur certaines des principales questions en cause.

1.NATURE FONDAMENTALE DU DIFFÉREND

1. Cette affaire a ceci d'unique que le demandeur et le défendeur sont

dans des logiques parfaitement antagonistes. Leurs thèses respectives
reposent sur des appréciations distinctes de l'objet du différend qui les
oppose et de la nature exacte du motif d'action du demandeur.
2. Cette différence dans la manière qu'ont les Parties de définir la
nature fondamentale du différendconstitue sans conteste l'un des aspects
majeurs en l'espèce, dans la phase préliminaire actuelle consacrée aux

exceptions soulevées par le défendeur. L'une des questions essentielles
que la Cour est appelée à trancher est donc, à ce stade, celle de savoir
quel est l'objet du différend - question pertinente pour la plupart, sinon
pour l'ensemble, des exceptions préliminaires soulevées par l'Allemagne

en l'espèce.Plus spécifiquement, la Cour doit définir sa position sur ce
point dans le cadre de l'examen des deux exceptions sur lesquelles elle a
choisi de se prononcer dans son arrêt:la première, relative à la question

45 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 48

de savoir s'il existe ou non un différend entre les Parties, et la deuxième,
qui concerne la limitation à sa compétence ratiOlle temporis.

3. Dans sa requête introductive d'instance, le Liechtenstein soutient
que:

«a) par sa conduite concernant des biens appartenant au Liechten­
stein [confisq uésen Tchécoslovaquie en application des «décrets

Benes» de 1945], l'Allemagne, en 1998 et depuis lors, n'a pas
respectéles droits du Liechtenstein à l'égarddes biens en ques­
tion;
b) en n'indemnisant pas le Liechtenstein et/ou ses ressortissants
pour les pertes qu'ils ont subies, ['Allemagne viole les règlesdu
droit international» (requêtedu Liechtenstein, par. 25).

4. A l'appui de cette affirmation, le demandeur avance entre autres les

argumen ts suivants:
«En droit international, compte tenu de la neutralité du Liech­

tenstein et de l'absence d'un quelconque lien entre le Liechtenstein et
la guerre menée par l'Allemagne, tout bien du Liechtenstein qui peut
avoir ététouché par les mesures d'une puissance alliée ne pouvait
pas êtreconsidérécomme «saisi au tjtre des réparations ou des res­
titutions, ou en raison de l'élat de guerre».» (Ibid., par. 9.)

«Après la conclusion de la convention sur le réglement [de 1952],
il était en conséquence entendu, entre l'Allemagne et le Liechten­
stein, que les biens appartenant au Liechtenstein n'étaient pas soumis

au régimede la convention.» (Ibid., par. 10.)
«La République fédéraled'Allemagne a changé d'attitude en 1998
à la suite d'une décision rendue le 28 janvier de cette année-là par la
Cour constitutionnelle fédérale[dans une affaire concernant une toile

de maître qui faisait partie des biens appartenant au Liechtenstein
saisis en 1945 en application des «décrets BeneS»].» (Ibid., par. 17.)
«Le Liechtenst.ein ... a protesté auprès de \'Allemagne en faisant
valoir que cette dernière traitait comme allemands des avoirs qui

appartenaient à des ressortissants du Liechtenstein ... L'Allemagne a
rejeté cette protestation ct, au cours de consultations ultérieures, il
est clairement apparu que l'Allemagne adopte désormais pour posi­
tion que les avairs du Liechtenstein dans leur ensemble ont été«sai­
sis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l'état

de guerre» au sens de la convention.»), (Ibid., par. 19.)
5. Le Liechtenstein soutient qu'(,[i]1existe par conséquent un diffërend

d'ordre juridique entre le Liechtenstein et l'Allemagne en ce qui concerne
les obligations de cette dernière vis-à-vis des biens appartenant au Liech­
tensteil1>)'et que «[crest ce différend qui fait l'objet de la ... requête»
(ibid., par. 20).

46 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. OWADA) 49

6. A l'appui de sa première exception préliminaire, selon laquelle il n'y

a pas de différend juridique l'opposant au Liechtenstein, le défendeur
plaide que le «changement de position allégué[par le Liechtenstein] et
présentécomme ayant conduit à un désaccord sur un point de droit n'a
jamais eu lieu» el qu'«on ne peut déceleraucun désaccord sur un point

de droit ou de fait entre l'Allemagne et le Liechtensteill) (CR 2004/24,
p. 21, par. 42). Evoquant la confiscation de certains biens liechtensteinois
par la Tchécoslovaquie, en application des «décrets Benes», le défendeur
soutient que

«[i]l n'y a pas de diftërend opposant le Liechtenstein et l'Allemagne

au sujet de la licéitédes saisies tchécoslovaques. Le différend oppose
plutôt le Liechtenstein et ]'Etat ou les Etats successeur(s)
de l'ancienne Tchécoslovaquie.» (Exceptions préliminaires de l'Alle­

magne, vol. 1,troisième partie, chap. 1,section 1,D, p. 42, par. 60.)

Le défendeur affirme «qu'il est impossible de formuler le prétendu diffé­
rend entre le Liechtenstein et l'Allemagne d'une façon qui parvienne
effectivement à le distinguer du véritabledifférendl'opposant à la Répu­
blique tchèque» (CR 2004124, p. 21, par. 43).

7. Le Liechtenstein allègue quant à lui que (d'Allemagne ... plaid[e]
une affaire qui n'est pas celle dont [la Cour est] saisi[e]», alors que sa
thèseconsiste à affirmer que

«l'Allemagne est internationalemen t responsable d'avoir violé la
neutralité et la souveraineté du Liechtenstein en permettant que des

avoirs de cet Etat soient, pOUf la première fois en 1995, traités
comme des avoirs allemands à l'étranger aux fins de la convention
sur le règlement» 1.

Le Liechtenstein soutient catégoriquement que l'objet de l'affaire ne

réside ({ni dans la licéitédes décrets Benes»,«ni dans le différend oppo­
sant le Liechtenstein à la Tchécoslovaquie ... au sujet de biens apparte­
nant au Liechtenstein et à ses ressortissants» (CR 2004/25, p. 12; les
italiques sont dans l'original).
8. Ainsi, dans l'exposé de leurs positions respectives concernant

«l'objet du différend)}en l'espèce,les Parties non seulement emploient
des termes dissemblables, mais, de surcroît, traitent de questions dis­
tinctes. Il n'est guère besoin de préciserque c'est à la Cour qu'il revient
en dernier lieu de définir l'objet des différends dont elle est saisie.

Néanmoins, il va de soi que l'Allemagne étant partie défenderesse
dans une affaire introduite à son encontre par le Liechtenstein, c'est

• Convention sur le règlement de questions issues de lal'occup~et dlgÎoen,
le 26 mai 1952 il Bonn par les Etats-Unis d'AmériRoy~ume-U nai,rance et la
République fédéraled'Allemagne (telle que modifiée par l'annexe IV au protocole sur la
cessation du régimed'occupation dans la République /ëdérale d'Allemagne, signéà Paris

le 23 octobre 1954) (ci-après dénomméela «convention sur le règlement»).

47 CERTAINS BIENS (or. mss. OWADA) 50

dans les conclusions de ce dernier qu'est à rechercher la formulation des
demandes sur lesquelles la Cour doit statuer (voir Droit de passage sur
territoire indien, fond,arrél, C./.l. Recueil 1960, p. 27).

9. Plus précisément, en l'affaire de la Compétence en matière de péche­

ries (Espagne c. Canada), dans laquelle les parties convenaient de l'exis­
tence entre elles d'un différend sans pour autant le qualifier de la même
manière, la Cour a indiqué ce qui suit:

«Aux fins d'identifier sa tâche dans toule inslance introduite par
un Eta! contre un aulre..la Cour commence par examiner la requête
(voir 1nterhandel, exceptions préliminaires, arrêt,C /.l. Recueil 1959,
p. 21; Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt,
C /.1. Recueil 1960, p. 27; et Essais nucléaires(Australie c.France),

arrêt,C/.l. Recueil 1974, p. 260, par. 24). Toutefois, il arrive que
des incertitudes ou des contestations surgissent quant à l'objet
réeldu différend dont la Cour est saisie ou à la nature exacte des de­
mandes qui lui sont soumises. En pareil cas, la Cour ne saurait s'en
tenir aux seuls termes de la requête ni, plus généralement, s'estimer

liéepar les affirmations du demandeur.

Il incombe à la Cour, tout en consacrant une attention particulière
li la formulation du dijjërend utilisée par le demandeur, de définir
elle-même, sur une base objective, le différend qui oppose les parties,
en examinant la position de l'une et de l'autre.» (Compétence de la
Cour, arrêl,Cl.l. Recueil 1998. p. 448, par. 29-30; les italiques sont

de moi.)
10. Un examen attentif, mené à la lumière du principe énoncédans ce
précédent, des définitions divergentes données de l'objet du différend par

le demandeur et le défendeur semble faire clairemenl ressortir que, en
l'espéce,le différend a pour objet la responsabilité internationale encou­
rue par l'Allemagne pour avoir assimilé des biens liechtensteinois à ,<des
avoirs allemands à l'étranger ou ... autres biens saisis au titre des répara­
tions ou des restitutions, ou en raison de l'éta t de guerre » (ci-après
dénommés«avoirs allemands à l'étranger ou autres biens») aux fins de la

convention sur le règlement. Sur ce point, je m'associe donc à la conclu­
sion de la Cour selon laquelle
«l'objet du différend est de savoir si, en appliquant l'article 3 du cha­

pitre sixième de la convention sur le règlement à des biens Iiechten­
steinois confisqués par la Tchécoslovaquie en 1945 au titre des décrets
Benes, l'Allemagne a violéles obligations qui lui incombaient envers
le Liechtenstein et, dans l'affirmative, de déterminer quelle serait la
responsabilité internationale de l'Allemagne» (arrêt, par. 26).

11. La question de savoir s'il est possible d'établir le bien-fondé de la
thèse du Liechtenstein telle que citéeau paragraphe 4 ci-dessus, et en par-

48 CERTAINS BIENS (OP. DJSS. OWADA) 51

ticulier de l'allégation selon laquelle l'Allemagne aurait opérédans ce

contexte un changement de position, reléve sans conteste du fond de
l'affaire. Lorsque la Cour constate que «les griefs formulés en fait et en
droit par le Liechtenstein contre l'Allemagne sont rejetés par cette der­
niére» et que, «[d]u fait de ce rejet, il existe un différend d'ordre juri­
dique» (arrêt,par. 25) entre les Parties, elle ne préjugepas du bien-fondé
de ces «griefs». La seule question que la Cour doive trancher, à cestade de

la procédure exclusivement consacré aux exceptions préliminaires soule­
véespar le défendeur, est celle de savoir si, aux fins de fonder sa compé­
tence,il existe bien un différendjuridique entre les Parties sur ce point.

II. LA QUESTION DES «DIFFÉRENDS CONCERNANT DES FAITS OU SITUATIONS»

12. S'étant ainsi prononcée sur la question de savoir s'il existe, en
l'espéce,un différendjuridique entre les Parties et quel en est l'objet, la
Cour doit, au moment d'examiner la question soulevéedans la deuxième

exception préliminaire du défendeur, s'en tenir à la définition de l'objet
du différendà laquelle elle est parvenue. La question ainsi soulevéeest de
savoir si le différend tel que l'a définila Cour relévede la cornpétence
ralùme temporis de celle-ci en vertu de l'alinéa a) de l'article 27 de la
convention européenne pour le règlement pacifique des différends du
29 avril 1957.

13. Préalablement à l'examen des faits en cause, il convient toutefois
d'analyser le sens de la disposition énoncéeà l'alinéaa) de J'article 27 de
la convention, qui soustrait à la compétence que cette dernière confère à
la Cour les «différends concernant des faits ou situations [rela ring to
lacts or si/ua/ions} antérieurs à l'entréeen vigueur de la[dite] convention
entre les parties au différend» (les italiques sont de moi).

14. La base de compétence est, dans toute affaire portée devant la
Cour, l'instrument juridique qui lui confèrecette compétence,qu'il s'agisse
d'une déclaration unilatérale d'acceptation de sa juridiction obligatoire
ou de la clause compromissoire d'un traité bilatéral ou multilatéral pré­
voyant que soit portédevant la Cour tout différendrelatif à son applica­
tion. Chaque instrument juridique invoqué comme base de compétence

de la Cour dans une affaire appelle un examen distinct.
15. La question peut aussi se poser de savoir si les termes employésà
l'alinéa a) de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement
pacifique des différends doivent s'interpréter différemment de l'expres­
sion plus courante utiliséedans certaines autres affaires soumises à la
Cour. A titre d'exemple, indiquons que, dans l'affaire des Phosphates du

Maroc portée devant la Cour permanente de Justice internationale, l'in­
strument juridique en question, la déclaration française d'acceptation de
la juridiction obligatoire de la Cour, en date de1930, employait l'expres­
sion «tous les différends qui s'élèveraientaprès la ratification de la pré­
sente déclaration au sujet des situations ou desfails [with regard ta situa-

49 CERTAINS BIENS (OP, DISS. OWADA) 52

lions or facts} postérieurs à cette ratification}) (Phosphates du Maroc,
arrêt, 1938. C P.J. 1, série AIB na 74, p. 22; les italiques sont de moi).
Dans l'atTaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia el de Bulgarie, éga­
lement examinée par la Cour permanente, l'instrument juridique était la
déclaration d'adhésion de la Belgique àla disposition facultative du Sta­

tut de la Cour, qui utilisait une formulation semblable: «tous les diffé­
rends qui s'élèveraient après la ratification de la présente déclaration au
sujet de situations ou de faits [wilh regard to sÎtuations or facts] posté­
rieurs à cette ratification»(Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulga­

rie.arrét, 1939, CP. J.!. sérieAIB n" 77, p, 81; les italiq ues sont de moi).
Dans une autre affaire qui, devant la présente Cour cette fois, soulevait
cette mêmequestion du champ d'application de la limitation ratione tem­
paris à la compétence de la Cour - l'affaire du DroÎt de passage -, l'in­

strument juridique était également une déclaration d'acceptation de la
juridiction de la Cour permanente de Justice internationale, celle de
l'Inde, en date du 28 février 1940. Là encore, le même libellé était
employé [dans la version anglaise], cette acceptation ne couvrant que les
«différends nésaprès le 5 février 1930, concernant des situations ou des

faits [\Vith regard to situations or facls] postérieurs à ladite date» (Droit
de passage sur territoire indien, exceptions préliminaires, arrêt,
C!.J. Recueil 1957, p. 151; les italiques sont de moi).
16. La formulation [employée dans la version anglaise] de"l'alînéa a)
de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique

des différends n'est, quant à elle, pas la même. Enonce sous la forme
d'une clause compromissoire d'un instrument multilatéral, l'article 27 de
la convention limite, à son alinéa a), le champ de compétence ratione
temporis de la Cour internationale de Justice dans les termes suivants:

«Les dispositions de la présente convention ne s'applîquent pas:

a) aux différends concernant des faits ou situations [relating to
faet.l· or situationsantérieurs àl'entrée en vigueur de la présente

convention entre les parties au différend.» (Les italiques sont de
moi.)

17. Un examen de la genèse de l'alînéa a) de l'article 27 de la conven­
tion au sein du Conseil de l'Europe, où elle fut finalement adoptée,
semble dès lors approprié, aux fins de déterminer si ses auteurs se sont dé­
libérémentécartésde la formulation plus usuelle employée dans d'autres

instruments dans le dessein de produire un effet juridique différent. Au
stade de la rédaction de la convention, la (~proposi dt a conmmission
des questions juridiques et administratives relatives à un acte européen de
règlement pacifique des différends» Zcornprenait une disposition relative
à la limitation ratione lemporis, appelée à êtreincorporée à l'acte en ques-

2 Contenu en annexe, partie D, de la recommandation 36 (1952) rdative à l'institution
d'une coureuropéennede justiet il'établissementd'un acte européen pour le règlement
pacifiquedes différends.

50 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. OWADA) 54

l'on puisse sans risque de se tromper conclure, ainsi que la Cour semble le

postuler - mais sans l'inférerd'une analyse détaillée- dans son arrêt,
que le libelléde la limitation ratione temporis employé dans ladite clause
de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends
doit êtreconsidérècomme èquivalant aux formulations analogues des
autres instruments juridiques examinès dans les trois précédentsarrêtsde
la Cour, qui forment désormais la jurisprudence en la matière.

III.LES (<FAITS OU SITUATIONS» PERTINENTS DANS LE CADRE DU DIFFÉREND

20. Ayant ainsi régléla question d'une éventuelledistinction, en droit,

entre les différentes formulations employées dans plusieurs instruments
juridiques s'agissant de la question de la limitation rmÎone temporis, la
Cour doit maintenant s'employer à examiner quels sont, en l'espèce,les
«faits ou situations ayant donné naissance au différend»,
21. Pour trancher la question de savoir quels sont les faits ou situa­

tions devant êtreconsidéréscomme ayant «donné naissance au diffé­
rend» dans les circonstances de l'espèce,il est impératif de s'appuyer sur
la définition de l'objet du différend telle que formulée par la Cour. J'ai
déjàindiqué,dans la première partie de mon opinion, que l'optique dans
laquelle il convient d'aborder la présenteaffaire, tout particulièrement eu
égard aux prétentions du demandeur telles qu'énoncéesdans sa requête,

consiste à poser que le différendqui nous occupe ici a pour objet le chan­
gement de position qu'aurait opérél'Allemagne dans les années 1990
- et qui ressortirait d'une sériede décisionsrendues par ses tribunaux -
sur la question du traitemen t des biens Iiechtensteinois en tant qu'({avoirs
allemands à l'étrangerou autres biens» aux fins du paragraphe 1 de j'ar­
ticle 3 du chapitre sixièmede la convention sur le règlement.

22. Il est vrai que cette allégation n'a pas étédéveloppéeen détail par
le demandeur à ce stade de l'instance, tandis que le défendeur nie pure­
ment et simplement l'existence d'un tel changement de position. En réa­
lité,cette question n'aurait pu êtredéfinitivement tranchée par la Cour
que lors d'un examen circonstancié des faits au stade du fond. Néan­
moins, d'après les documents pertinents et les plaidoiries des Parties

devant la Cour, il est difficile de ne pas reconnaître que cette prétention
du Liechtenstein est davantage qu'une allégation qui ne saurait manifes­
tement êtredéfendue, même primafacie, à la lumière des faits portés à la
connaissance de la Cour. Selon l'Allemagne, la jurisprudence de ses tri­
bunaux ne révèleaucun changement de position, ceux-ci ayant toujours
estimé que la convention sur le règlement faisait obstacle à ce qu'ils se

prononcent sur la licéitéde toute mesure de confiscation prise aux 6ns
indiquéesdans la convention sur le règlement (CR 2004/24, p. 15,par. 17).
Toutefois, un simple coup d'Œil à cette jurisprudence (voir les affaires
énuméréed sans lesobservations du Liechtenstein, annexe 1)nous apprend
que cette dernière affirmation pourrait ne pas êtreentièrement exacte.

52 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 55

Peut-être les tribunaux allemands se sont-ils toujours, dans les affaires
mettant en cause l'application de la convention sur le règlement, estimés
incompétents pour soulever le voile juridique jeté par les dispositions du

paragraphe 1 de l'article 3 du chapitre sixième de la convention sur le
règlement, et se sont-ils abstenus d'apprécier la licéitéde mesures appli­
quées à des biens qui étaient incontestablement des (ravoir.\"allemands à
l'étranger». Ainsi que l'admet le défendeur lui-même(CR 2004/24, p. 13,

par. Il), ]'affaire du Tableau de Pieter van Laer portée devant le tribunal
de Cologne fut la première à mettre en cause l'applicabilité me;ne de la
convention sur le règlement aux biens liechtensteinois en tant qu'<iavoirs
ou autres biens allemands à l'étrangef».

4
23. La décision rendue en l'affaire AKU citéedans ce contexte par le
défendeur pour étayer sa position (CR 2004/24, p. 15, par. 17) semble
pouvoir êtreinvoquée en tant que précédentétablissant que ~ ~l'article 3
du chapitre sixième de la convention sur Je règlement telle qu'amendée

par l'annexe IV du protocole de Paris en date du 23 octobre 1954] ne
confère ... pas [aux tribunaux allemands] le droit d'examiner cette ques­
tion [l'applicabilitéde la convention] conformément au droit allemand»
(International Law Report, vol. 23 (1956), p. 23). Toutefois, la conclusion
énoncéeen ces termes est précédée d'une clause restrictive notable, ainsi

libellée:

«La seule condition qui doit ... êtreremplie pour que la compé­
tence des tribunaux allemands soit exclue est que l'action en cause
concerne un avoir saisi aux fins des réparations ou à l'une des fins

énoncées au paragraphe 1 [de l'article 3].» (Ibid., p. 22.)

Il apparaît donc que la décision rendue en l'affaire AKU, assortie de
cette clause expresse, ne saurait faire jurisprudence sur le point ici en
cause, à savoir le fait que les juridictions allemandes auraient toujours

estimé que la convention sur le règlement leur interdisait d'examiner
l'applicabilité mêmede la convention sur le règlement à des avoirs neutres.
24. Dans cette mesure, à tout le moins, ilsemble donc indéniableque la
position des tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieter l'an
Laer, qu'incarnent la décisionprise par la plus haute juridiction civile allc-

.mande, le Bundesgerichtshor, et celle rendue ultérieurement, le14janvier
1998, par la Cour constitutionnelle fëdérale, laquelle, saisie d'un recours
constitutionnel, a conclu que les biens liechtensteinois entraient dans le
champ d'application de la convention sur le règlement, a eu pour effet de

créerune nouvelle jurisprudence en appliquant un principe qui étaitpeut­
êtreétablien ce qui concernait les biens constituant incontestablement des

4 Voir affaiAKU, arrêtde la Cour fédéraleallemande de justice (Bundesgerichtshof)
du 13 décembre 1956 (II ZR 86/54); voir aInternalirmal Law Reporvol. 23 (1956),
p. 21-24Neue Jurislische Wochenschrivol. 10, n° 6 (1957), p. 217.

53 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. OWADA) 56

«(Qvoirsallemands à l'étranger>Jsoumis au régime de guerre au au régime
des réparations de l'après-guerre par les puissances alliéesou autres à un
cas de figure nouveau mettant en jeu les biens neutres du Liechtenstein.
25. La question de savoir si cette thèse du Liechtenstein relative au

changement de position alléguè de l'Allemagne dans les années 1990
résisteraità un examen des élémentsde fait et de droit entrant enjeu dans
le cas du tableau de Pieter van Laer est bien sûr une question totalement
distincte, qui aurait dû faire l'objet d'une analyse scrupuleuse lors de
l'examen au fond de l'affaire. Qu'il suffiseà ce stade préliminaire, consa­

cré à la compétence, de constater qu'à tout le moins les élémentssont
suffisants pour permettre de conclure que le différend n'est pas une
construction artificielle mais a un objet réel A la vérité,ce «-change­
ment» allégué«(de position de la part de l'Allemagne» ou, plus précisé­
ment, l'assimilation des biens liechtensteinois à des biens entrant dans le

champ d'application de l'article 3 du chapitre sixièmede la convention du
règlement qu'aurait, à travers la décision de sa plus haute instance dans
les années1990,opéréel'Allemagne, et qui ne saurait êtreexaminéeen détail
qu'au stade du fond, est la question clédont l'analyse aurait permis de
trancher si c'est en cela que résident les «faits ou situations ayant donné

naissance au différend», auquel cas les conditions ratione temporis pré­
vues par la clause limitative de compétence de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends seraient satisfaites.

IV. JURISPRUDENCE DE LA COUR CONCERNANT LES «FAITS OU
SITUATIONS» AYANT DONNÉ LIEU AU DIFFÉREND

26. L'existence d'un différend enlre le Liechtenstein et l'Allemagne
ayant étéétablie dans le corps mêmede l'arrêt, il incombe ensuite à la
Cour de déterminer si ce différend entre ou non dans le champ de la com­
pétence qu'elle tire des clauses compromissoires de l'alinéa a) de l'ar­
ticle 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique des dif­
férends. Compte tenu de l'interprétation de l'expression «différends

concernan tdes faits ou situations» donnée ci-dessus (deuxième partie de
la présente opinion), la question qu'il incombe à la Cour d'examiner est
celle de savoirsi ce différend concerne «des faits ou situations antérieurs
à l'entréeen vigueur de la ... convention entre les parties».
27. L'analyse des trois affaires dans le cadre desquelles la Cour per­
manente de Justice internationale et la Cour internationale de Justice ont

étéappelées à déterminer quels étaient les «faits ou situations ayant
donné naissance au différend:»met, me semble-t-il, en lumière la coexis­
tence dans la jurisprudence de deux manières d'aborder le problème:

1) l'une consistant à s'intéresser aux faits et situations qui constituent
l'origine réelledu différend sans pour autant êtrela source des droits
sur lesquels repose celui-ci; et
2) l'autre revenant à considérer le différend comme l'((ensemble» d'une

54 CERTAINS RIENS (OP. mss. OWADA) 57

séquence d'événements,et à s'intéresser aux faits et situations qui, en
tant que derniers maillons de cette chaîne, cristallisent le différend.

La première de ces approches met l'accent sur une question qui touche au
fond et consiste à identifier la cause réelle du différend, tandis que la
seconde s'intéresseà l'aspect formel du processus de cristallisation du dif­
férend,en cherchant à déterminer à quel moment un fait ou une situation

en vient à constituer j'élémentcritique donnant, concrètement, naissance
à un différend.
28. Ces deux démarches ~eprésen ttutnftis deux manières de voir
une mêmesituation, et ne s'excluent donc pas l'une l'autre. En réalité,
toutes deux mettent en valeur l'importance du Jien à la fois direct et étroit
entre le différend et les faits ou situations qui lui ont donné naissance.

L'écheveau rattachant le différend aux faits et situations qui lui ont
donné naissance revêt une telle importance qu'une autorité sur cette
question a écrità ce propos:

«En définitive, cette distinction [entre la dateà laquelle le diffé­
rend a surgi et celle des faits et situations qui lui ont donné nais­
sance] semble n'avoir guère de signification, en pratique, à tout le

moins aux fins du processus de décision: une distinction entre date
d'un différend et date des faits et situations au sujet desquels s'est
élevéce différend peut n'êtreque formelle.» (Shabtai Rosenne, The
Time Factor and the Jurisprudence of the International Court of Jus­
tice,p.40.)

29. 11me revient donc d'analyser, au travers des trois précédentsmen­
tionnés,comment la jurisprudence démêle cet écheveau dans une situation

concrète, et de voir comment cette jurisprudence doit êtreappliquée aux
faits de l'espèce.Dans l'affaire des Phosphates du Maroc, l'Italie avait for­
mulédes griefs à l'encontre de la France, affirmant que celle-ci avait, par
une sériede décrets,privéde certains droits des ressortissants italiens dans
l'industrie des phosphates marocaine. Les dècrets étaient antèrieurs à la
date critique découlant de la déclaration faite par la France en vertu de la

clause facultative; toutefois, l'Italie avait fait valoir que l'on se trouvait en
présence d'une illicéités'étant perpétuée,laquelle ne s'étaitperfectionnée
qu'avec certains actes postérieurs à cette date. Ayant déclaréque «[des]
situations ou des faits postérieurà la ratification [de la déclaration faite
en vertu de la clause facultative] ne déterminent la juridiction obligatoire
que si c'est à leur sujet que s'est élevéle différend" (les italiques sont de

moi), la Cour permanente de Justice internationale a conclu que
(([o]n ne saurait reconnaître une telle relation entre un différend et

des élémentspostérieurs qui supposent l'existence ou qui ne com­
portent que la corifirmation ou le simple développement de situations
ou de faits antérieurs, alors que ceux-ci constituent les véritables élé­
ments générateursdu dJjjërend» (Phosphates du Maroc, arrêt,1938,
CPJ.!. sérieAIE n° 74, p. 24; les italiques sont de moi)"

55 CERTAINS RIENS (OP. mss. OWADA) 58

30. Se fondant sur ce dictum, l'Allemagne soutient en l'espèce que les

actes postérieurs à 1980, et notamment les décisions de ses tribunaux,
n'ont constitué que la confirmation ou le développement de situations ou
de faits remontant aux années 1940 et 1950, à savoir les décrets Benes
de 1945 et la convention sur le règlement de 1952.
31. Tlest toutefois établique la convention sur le règlement en tant que

telle, avec sa référenceaux «avoirs allemands à l'étrangef)), n'a engendré
aucun différend avec le pays neutre qu'était le Liechtenstein. li est égale­
ment établi que, avant de statuer en l'affaire du Tableau de Pie-
1er van Laer, les tribunaux allemands n'avaient jamais appliqué aux
avoirs liechtcnsteinois les dispositions de cette convention. C'est donc
dans le contexte d'un nouvel étatde fait survenu au cours des années 1990,

qui constituerait non pas une «confirmation ou [un] simple développe­
ment de situations ou de faits antérieurs» (Phosphates du Maroc, arrêt,
1938, C.P.J.I.sérieAIB nO74, p. 24), mais une «situation juridique nou­
velle), qu'est apparu un différend concret entre l'Allemagne ct le liech­
tenstein.
32. Dans l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie

soumise à la Cour permanente de Justice internationale, le défendeur, la
Bulgarie, invoquait la clause dite de «double exclusioll» (ou «fonnule
belge») de la déclaration tàite par la Belgique en vertu de la clause facul­
tative. Le défendeur soutenait que la situation à l'origine du différend
avait étécrééepar les sentences du Tribunal arbitral mixte belgo-bulgare,

et spécialement par la formule concernant la fixation des tarifs qu'avaient
établieces sentences, antérieures toutes dêux à la date critique de la décla­
ration. Les griefs formulés par le demandeur, la Belgiqüe; contre l'appli­
cation par les autorités bulgares de cette fonnule touchaient, selon lui, au
fonctionnement de ceBe-ci et la plaçaient au centre de la discussion.
33. La Cour a rejetél'argument du défendeur sur ce point en se réfé­

rant à ce qu'elle avait dit en l'affaire des Phosphates du Maroc, et en indi­
quant que
«[I]essituations au les raits qui doivent êtrepris en considération au

point de vue de la juridiction obligatoire acceptée dans les tennes de
la déclaration belge sont uniquement ceux qui doivent êtreconsidé­
rés comme générateursdu différend» (Compagnie d'électricitéde
Sofia et de Bulgarie, arrêt,1939, CP.]'/' sérieAIB n° 77, p. 82; les
italiquessont de moi).

La Cour a ajouté:

«lI est vrai qu'un différend peut présupposer l'existence d'une
situation ou d'un fait antérieur, mais il ne s'ensuit pas que le diffé­
rend s'élève au sujet de cette situation ou de ce fait. Il faut que la
situation ou le fait au sujet duquel on prétend que s'est élevéle dif­
férend en soit réellement fa cause,» (Ibid.;les italiques sont de moi.)

La Cour a ainsi estimé qu'étaient au centre de la discussion et devaient
êtreconsidéréscomme constituant les faits au sujet desquels le différend

56 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 59

s'était élevé(voir Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie, arrêt,
1939, CP.l./. sérieAIE nO 77) les actes ultérieurs reprochés par le Gou­
vernement belge aux autorités bulgares relativement à une application
particulière de la formule qui, en soi, n'avait jamais étécontestée - à
savoir la décision de 1934 de l'Administration des mines de l'Etat bulgare
et les sentences des tribunaux bulgares de 1936 et 1937.

34. La présente affaire affiche de toute évidence une forte similitude
avec celle de la Compagnie d'électricitéde Sofia el de Bulgarie, en ce qui
a trait aux paramètres permettant d'analyser et de définir ce qui constitue
le fait générateur dans les circonstances de l'espèce. Dans la présente ins­

tance, il ne fait aucun doute que les décrets Benes et la convention sur le
règlement sont des facteurs qui sous-tendent le différend et le concernent
au sens factuel; aussi pourrait-on dire que le différend présuppose leur
existence. Pour autant, il ne s'ensuit pas que le différend se soit élevéau
sujet de ces situations ou de ces faits. Ce n'est qu'au moment où l'Alle­
magne aurait adopté sa nouvelle position - ses tribunaux appliquant,

dans le cadre de leurs décisions, la convention sur Je règlement à des
avoirs liechtensteinois - que serait né,aux yeux du Liechtenstein, un dif­
férend l'opposant à l'Allemagne.
35. Dans l'affaire du Droil de passage, soumise à la présente Cour, le
demandeur -le Portugal- avait indiqué dans sa requêteque l'objet du
différend était l'opposition de vues surgie entre l'Inde et lui-mêmequand,

en 1954, l'Inde s'était opposée à J'exercice du droit de passage permettant
au Portugal d'accéder à certaines enclaves portugaises en territoire indien.
Le défendeur - l'Inde - faisait quant à lui valoir que la Cour n'avait
pas compétence du fait de la réserveratione remporis de sa déclaration en
vertu de la clause facultative, le différend étant la continuation d'un

conflit de vues sur ce droit de passage allégué reruon tant à 1818. Se
posaient également des questions d'interprétation de traités et de pratique
conventionnelle remontant à 1779. Ayant pris en considération ces fac­
teurs historiques complexes, la Cour est parvenue à la conclusion que
l'élément critique ayant donné naissance au différend était survenu en
1954, lorsque l'Inde s'était opposée à l'exercice du droit de passage du
Portugal. Ayant noté que le différend qui lui avait étésoumis avait un

triple objet - à savoir 1) l'existence contestée d'un droit de passage au
profit du Portugal; 2) le manquement que l'Jnde aurait commis, en 1954,
à ses obligations concernant ce droit de passage; 3) le redressement de la
situation illégale résultant de ce manquement -, la Cour a déclaréque
({[I]edifférend [qui lui était] soumis ... n'a[vait] pu naître que lorsq ue tous
ses élémentsconstitutifs [avaient] existé», et parmi eux, ({les obstacles

que l'Inde aurait, en 1954, apportés à l'exercice du passage par le Portu­
gal» (Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt, CIl. Recueil
1960, p. 34; les italiques sont de moi). A ce titre, la Cour a conclu que
«[l]e différend tel qu'il [lui était] soumis ... n'a[vait] donc pu naître qu'en
1954» (ibid., p. 34).

36. Appliquant le principe consistant à rechercher l'origine du diffé-

57 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 61

étayél'existence d'une telle entente entre lui et l'Allemagne. Toutefois,

l'objet du différend soumis à la Cour étant de savoir si l'Allemagne a
violéles obligations internationales qui étaient les siennes en appliquant
la convention sur le règlement réservéaux biens liechtensteinois, cette
conclusion de la Cour sur le changement de position alléguéne semble
pas en soi décisive s'agissant d'établir si c'est au sujet du nouvel état de
fait qui serait ainsi survenu que s'est élevé le différend. La question de

savoir si un tel«changement de position» s'est produit, autrement dit, de
savoir si l'Allemagne s'est écartéede la position qu'elle avait jusqu'alors
maintenue au sujet de l'applicabilité de la convention sur le règlement, et
sisa responsabilité internationale se trouve de ce fait engagée, devait bien
évidemment êtreexaminée avec attention en tant que point central de la

phase ultérieure de l'affaire, consacrée au fond.
39. Sur ce dernier point, la Cour relève toutefois, dans son arrêt, ex
cathedra et sans réellement le motiver, que:

«lorsqu'ils furent pour la première fois appelés à examiner une
affaire portant sur la confiscation de biens Iiechtensteinois consécu­
tive à la seconde guerre mondiale, les tribunaux allemands ne se
trouvèrent pas face à une ({situation nouvelle». La Cour considère
que cette affaire,comme celles qui l'avaient précédée et avaient trait
à la confiscation d'avoirs allemands cl l'étranger, était inextricable­

ment liée à la convention sur le règlement. La Cour estime que les
décisions rendues par les tribunaux allemands en l'affaire du Tableau
de Pieter van Laer ne sauraient êtredissociéesde la convention sur le
règlement ni des décrets BeneS, et qu'elles ne sauraient, en consé­
quence, être regardées comme étant à l'origine ou constituant la

cause réelle du diffërend entre le Liechtenstein et ]'Allemagne.»
(Arrêt,par. 51; les italiques sont de moi.)

40. La logique qui méne à cette conclusion est difficileà suivre,
puisque laquestion à trancher pour déterminer cc qui aconstitué le fait gé­
nérateur du présent différend consiste précisémentil.savoir si une distinc­
tion peut être établie, en droit, entre, d'une part, l'applicabilité de la
convention sur le règlement à des biens devant incontestablement être
considérés comme des «avoirs allemands à l'étrange!") (élémentque le
demandeur ne conteste pas) et, d'autre part, son applicabilité il.des biens

neutres liechtensteinois en tant qu'«avoirs allemands il. l'étranger ou
autres biens» (un élémentfarouchement contesté par le demandeur -
cette contestation constituant la source de l'origine du différend).
41. li est indéniable, comme la Cour l'affinne à juste titre dans son
arrêt,que les décisions rendues par les tribunaux allemands dans l'affaire
du Tableau de Pieter van Laer ne sauraient êtredissociéesde la conven­

lion sur le règlement ni des décrets BeneS. Il est néanmoins impossible
d'en infërer, ainsi que le fait la Cour dans son arrêt, qu'«[e]lles ne sau­
raient, en conséquence, êtreregardées comme étant à l'origine ou consti­
tuant la cause réelledu différend entre le Liechtenstein et l'Allemagne»
(ibid., par. 51; les italiques sont de moi). Il est incontestable que les

59 ----- -------

CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 65

qu'il s'agisse pour lui de mieux établir les faits ou d'approcher les élé­
ments de droit à mêmede justifier la conclusion selon laquelle les déci­
sions des tribunaux allemands constituent un acte internationalement îIIi­
cite attribuable à l'Allemagne. Je n'en inférerais pas pour autant que la

requêtedu Liechtenstein n'a pas satisfait aux conditions minimales énon­
céesau paragraphe 1 de l'article 40 du Statut. La question de savoir si la
prétention du demandeur, étayée par les divers moyens de droit qu'il
invoque, aurait passéavec succès l'épreuve d'un examen rigoureux de la

Cour est une question entièrement distincte. Mais c'est là une question
sur laquelle la Cour n'étaitappelèe à se pencher de près qu'au stade du
fond.

La cinquième exception préliminaire concernant l'absence d'une
tierce partie

52. Dans sa cinquième exception préliminaire à la recevabilité de la
demande liechtensteinoise, l'Allemagne soulève la question de l'absence
d'une «tierce partie indispensable» et soutient que ce qui est au cŒur de

la requêtearticulée par le Liechtenstein, c'est
«la licéitéou l'illicéitédes décrets BeneS; c'est-à-dire de décretspris

par un Etat dont [on peut constater] que son successeur n'est pas,
aujourd'hui, présent à l'instance; ceci, non parce qu'il ne le pouvait
pas mais parce qu'il ne le voulait pas» (CR 2004/24, p. 48, p. 130; les
italiques sont dans l'original).

53. S'autorisant de la jurisprudence de ln Cour en l'affaire de \'01'
monétaire pris à Rome en 1943, de 1954 (ci-après dénomméel'affaire de
1'(Or monétaire))), l'Allemagne soutient que, afin de savoir si le Liech­

tenstein a droit à recevoir réparation au titre du préjudice qu'il aurait
subi, il faut d'abord déterminer si la Tchécoslovaquie a commis un fait
illicite à son égard. Pour cela, il faudrait -selon l'Allemagne - décider
si les décrets Benes étaient contraires au droit international. Sur la base
de cette règledite de la"tierce partie indispensable» telle qu'établiepar la

jurisprudence de l'Or monétaire, l'AUemagnecane/ut que "l'examen de la
licéitédes saisies opéréespar la Tchécoslovaquie constitue un préalable
indispensable à celui des faits illicites imputés par le Liechtenstein à
l'Allemagne» (CR 2004/24, p. 55, par. 144). Or, de son point de vue, la
Cour ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, connaître des de­
mandes du Liechtenstein, qui l'obligeraient à statuer sur les droits et obli­

gations de la République tchèq ueen son absence et sans son consentement.

54. Le Liechtenstein admet ne pas êtreen désaccord avec l'analyse de

la jurisprudence de la Cour proposée par l'Allemagne, d'où il ressort que,
«si les intérêtsjuridiques de l'Etat tiers constituent «l'objet même»du
différend dont la Cour e~ saisie et que J'Etat tiers est absent de la pro­
cédure, la Cour ne peut exercer sa compétence sur la question», et que

63 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 66

({[l]es intérêtsjuridiques d'un Etat tiers constituent l'objet mêmedu dif­
férend si ... la Cour n'est pas en mesure de se prononcer sur les demandes
qui lui sont adressées sans statuer au préalable sur les droits et obliga­

tions de l'Etat tiers») (CR2004/25, p. 51, par. 5).
55. Appliquant ce principe à la situation concrète de l'espèce,le Liech-
tenstein se dèmarque pourtant du défendeur en affirmant

({qu'il ... rèsulte aussi [de cette jurisprudence] que la Cour a non seu­
lement le droit, mais aussi le devoir de se prononcer sur la requête,
lorsque les droits d'un Etat tiers ne sont pas ({l'objet même»de l'arrêt

à intervenir, et quand bien mêmeles intérêtsde cet Etat tiers pour­
raient être «touchés» 5 ou un «intérêtd'ordre juridique» pourrait
êtrepour lui «en cause»6 ou si, comme dans l'affaire de Nauru, la
décision de la Cour risquait d'«avoir des incidences sur la situation

juridique des deux autres Etats concernés»7» (CR 2004/25, p. 51).
Selon le Liechtenstein, la présente instance relève de cette catégorie,

dans laquelle ni j'illicéitédes décrets BeneSni le droit de la Tchécoslova­
quie à des réparations de guerre ne sont en aucune manière «l'objet
mêmede la procédure». Si le Liechtenstein considère qu'il a étévictime
des décrets Benes de 1945, qui ont entraîné la confiscation injuste des

avoirs liechtensteinois assimilés à tort à des bien allemands, il n'en pré­
tend pas moins que le différend qui l'oppose aux Etats successeurs de la
Tchécoslovaquie est tout à fait distinct de celui qui fait l'objet de la pré­
sente procédure.

56. L'objet du différend tcl que déflnici-dessus (voir l'arrêt,par. 26)
étant de savoir si, en appliquant l'article 3 du chapitre sixième de la
convention sur le règlement il des biens liechtensteinois confisquès par la
Tchècoslovaquie en 1945 au titre des décrets Benes, l'Allemagne a violé

les obligations qui lui incombaient envers le Liechtenstein, la thèse selon
laquelle la requêteen question a trait il un différend dont les intérêtsjuri­
diq ues d'un Etat tiers constitueraient «j'objet même»se défend mala.isé­
ment. Si la moindre question se posait à cet ègard au vu de la nature
complexe des circonstances de l'espèce,elle aurait également pu êtreexa­

minée au fond conformément aux dispositions du paragraphe 7 de l'ar­
ticle79 du Règlement de la Cour.

La sixième exception préliminaire rdali)le à l'épuisement des recours
internes

57. Dans sa sixième et dernière exception à la recevabilité de la
demande Iiechtensteinoise, l'Allemagne soulève la question du non-

5 Or mané/airepris à ROIIIIen1943, arrêt,CIl. Recueil 1954, p. 32.
6 Timor oriental (Portugalc,Australie), arrêt,ClJ Recueil 1995,p. !O4,par. 34,
7 Certaines terrerphosphates rNauru (Nauru c. AI/slralie). excepliolll;préliminaires.
arrêt,CI}, Reweil/992, p. 261,par. 55.

64 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 67

épuisement des voies de recours internes. Elle fait plus précisémentvaloir
que «les ressortissants du Liechtenstein qui ont étévictimes de mesures
tchécoslovaques de confiscation n'ont pas épuisétoutes les voies de
recours internes en vue de recouvrer les biens dont ils ont étédépossédés
ou de réclamer une compensation» (CR 2004/24, p. 57). A cette al1é­
gation, le Liechtenstein oppose l'argumen t suivant leque] « [d]ans sa

requête, [il]a présentédes demandes à l'encontre de l'Allemagne en
son nom propre principalement, parce que la conduite de l'Allemagne a
directement porté atteinte aux droits du Liechtenstein en tant qu'Etat
souverain et en tant qu'Etat neutre pendant la seconde guerre mondiale»
(CR 2004/25, p. 43; les italiques sont de moi), et également «au nom de

ses citoyens) (ibid., p. 42).
58. Le Liechtenstein plaide que la règle de l'épuisement des voies de
reCours internes ne s'applique qu'aux affaires de protection diplomatique,
et n'intervient pas lorsqu'un Etat a subi directement une violation, de la
part d'un autre Etat, de ses droits en tant qu'Etat souverain. Cette dis­

tinction, confirmée par la Cour dans les affaires de l'lnterhandel et de
l'EletlronÎca Sicula Sp.A. (ELSI) , est admise en principe par l'Alle­
magne; contestant qu'elle s'applique en l'espèce, celle-ci affirme qu'«on
ne perçoit nulle part quelque ingérencedirecte que ce soit dans les droits
souverains du Liechtenstein comme Etat» (CR 2004/26, p. 24). JI ne fait

aucun doute que l'obligation d'épuiser les voies de recourS internes ne
saurait constituer un obstacle procédural au volet des prétentions du
Liechtenstein dans lequel celui-ci allègue avoir subi un préjudice direct
imputable à l'A!lemagne du fait de sa conduite.
59. En ce qui concerne les préjudices subis par des ressortissants du
Liechtenstein, l'Allemagne fait valoir que les intéressés(fl'ontpas défendu

leurs droits devant les tribunaux de la Tchécoslovaquie lorsque la straté­
gie de confiscation a étémise en Œuvre» (CR2004/24, p. 59, par. 151).
L'Allemagne affirme qu'elle est en droit d'invoquer, à sa décharge, cette
inaction des ressortissantsdu Liechtenstein concernés s'agissant de l'appli­
cation de la règled'épuisement des recours internes, «parce que les me­

sures tchécoslovaques ont étéles actes déterminants, privant les proprié­
taires de la jouissance de leursbiens» (ibid., p. 60, par. i 52).
60. Voilà, en vérité,une bien étrange défensede la part de l'Allemagne
sur la question du non-épuisement des voies de recours internes s'agissant
d'une demande motivéenon par la confiscation illicite d'avoirs de ressor­
tissants liechtensteinois opéréepar les autorités tchécoslovaques, mais par

l'action illicite qu'auraient commise les autorités allemandes en assimilant
ces avoirs de ressortissants d'un pays neutre à des «avoirs allemands à
l'étrangeret autres biens» aux fins des réparatians de l'Allemagne. Compte
tenu de la nature des griefs liechtensteinois, le principe de l'épuisementde
ce type de recours devrait êtreexaminé à la lumière de tous les recours

internes disponibles en Allemagne en la matière, el non de ceUXofferts en
Tchécoslovaquie en ce qui a trait aux mesures de confiscation.
61. Sur ce point, le fait que la décision rendue par la Cour constitu­
tionnelle fédéraleallemande en J'affaire du Tableau de Pieter van Laer

65 CERTAINS BIENS (or. mss. OWADA) 68

l'ait étéen dernier ressort, dans le système judiciaire allemand, semble
déterminant. Compte tenu de sa nature, cette décision de la plus haute
instance allemande devrait êtreinvoquée comme constituant l'élément
décisif permettant d'établir que les ressortissants liechtensteinois sont
effectivement forclos à épuiserles voies de recours internes pour se pour­

voir devant des juridictions allemandes au sujet de leurs biens, Ainsi,
cette affaire semblerait êtrede celles auxquelles s'applique la maxime
;(nul besoin d'épuiserles recours internes lorsqu'il n'existe aucun recours
à épUlsen;.

62. Pour l'ensemble de ces raisons, j'en viens à ma conclusion finale,
qui est que la Cour a compétence pour connaître de la requêtedéposée
par la Principauté de Liechtenstein le 1crjuin 2001. C'est pourquoi, avec
tout le respect dû à la Cour, j'ai votécontre les conclusions énoncéesdans
le présent arrêtà l'alinéab) du paragraphe 1 et au paragraphe 2 du dis­

positif.

(Signé) Hisashi OWADA.

66

Bilingual Content

47

DISSENTING OPINION OF JUDGE OWADA

Characterization 0/ subjal-matter 0/ the dispute crucialla deciding on pre­
liminary objections - Treatment 0/ Liechlel1Sleinproperty by Cemwny as the
real subject-mauer of the dispute - Applicability of the Seulement Convention
ta Liechtenstein properly - Scope oflimitation ratione temporisonjurisdiclion
under Arfide 27 (a)0/ the European Convention for Ihe Peaceful Seulement of
Disputes - Meaning of "dispu/es relating [0facts or situations prior ta Ihe
en/ry into force" of the Convention - Difference informulation berween "dis­
putes relating tafacts or situations" and "disputes with regarta factO'or situa­
tions" - Definition of "the facts or situalions giving rista Ihe dispute" -
Jurisprudence in Phosphates in Morocco, Electricity Company of Sofia and

Bulgaria and Right of Passageover Indian Territory cases - "Change of posi­
lion" by Germany as Ihe real source of the dispute - Objection based on Ihe
limitation ratione temporis ta be rejected - Ali other pre/iminary objections
raised by Germany ta be rejected - Jurisdiction of the Court ta entertain the
Application of Liechtenstein ta be upheld.

To my regret, 1 cannot associate myself with the conclusion of the
Judgment that the Court has no jurisdiction ta entertaîn the present case,

especially as it relates ta the finding that the second preliminary objection
of Gcrmany to the Court's jurisdiction is to be uphcld. 1 wish to set out
hereunder my own views on sorne of the salient issues involved with a
view ta c1arifying the bases for my dissent.

1. THE ESSENTIAL NATURE OF THE DISPUTE

l. This case is unique in the sense that the Applicant and the Respon­
dent are arguing their case at cross purposes. They base their respective
arguments on ditTerent understanding of what the dispute between the
Parties is about and what precisely the cause of action of the Applicant IS.
2. Clearly it is this difference in approach to the case between the

Parties in defining the essential nature of the dispute that forms a crucial
element in this case at the present stage of the preliminary proceedings on
objections raised by the Respondent. One critical question that the Court
has ta decide on in the present preliminary proceedings therefore is the
question of "what is the subject-matter of the dispute 7" This question has

its relevance to most, if not ail, of the preEminary objections raised by
Germany in the present proceedings; more specifically the Court is to
define its position on this point in dealing with the tirst preliminary objec­
tion relating to the existence vel non of a dispute between the Parties and

45 47

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction}

Détermination de l"objel du différend indispensable à une décision sur les
excepliolls préliminaires- Objel réeldu différendconsistant dans le traitement
réservépar I"Allemagne aux biens Iiechlensteinois - Applicabilité aux biens
liech/ens/einoisde la convention sur le réglement - Portée de la limita/ion
ratione temporis à la compétence de la Cour prévue à l'alinéaa) de rarlicle 27
de la convention européennesur le règlemenl pacifique des différends - Signi­
fication de l'expression «différends concernant desfàits ou sil1lations antérieurs

à l'entréeen vigueurJ!de la convention - Différence entre I"expression (dispu­
tes relating to faets or situations» el I"expression «(disputes with r10afaets
or situations» - Définiriondes Iifaits ou situations donnanl naissance audif~
férend» - Précédentscons/iluéspar les affaires des Phosphates du Maroc, de
la Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie et du Droit de passage sur
territoire indien -(1Changement de position» de I"Allemagne constituant l'ori­
gine réelledu différend - Exception fondée sur fa limitalion ratione temporis
devant êtrerejetée- Ensemble des aulres exceptions préliminaires soulevées
par l'Alfemagne devan 1 êtrerejetées- C0l11pélencede la Cour pour connaître
de la requêtedu Liechtenstein dellant êlrereconnue.

Je ne puis, à mon grand regret, m'associer à la conclusion à laquelle la
Cour est parvenue dans son arrêt, à savoir qu'elle n'a pas compétence
pour connaître de la présente affaire postulant à cet effet que la deuxième
exception préliminaire d'incompétence soulevéepar l'Allemagne doit être

retenue. Dans le souci de préciserles motifs de mon désaccord,je voudrais
exposer mes propres vues sur certaines des principales questions en cause.

1.NATURE FONDAMENTALE DU DIFFÉREND

1. Cette affaire a ceci d'unique que le demandeur et le défendeur sont

dans des logiques parfaitement antagonistes. Leurs thèses respectives
reposent sur des appréciations distinctes de l'objet du différend qui les
oppose et de la nature exacte du motif d'action du demandeur.
2. Cette différence dans la manière qu'ont les Parties de définir la
nature fondamentale du différendconstitue sans conteste l'un des aspects
majeurs en l'espèce, dans la phase préliminaire actuelle consacrée aux

exceptions soulevées par le défendeur. L'une des questions essentielles
que la Cour est appelée à trancher est donc, à ce stade, celle de savoir
quel est l'objet du différend - question pertinente pour la plupart, sinon
pour l'ensemble, des exceptions préliminaires soulevées par l'Allemagne

en l'espèce.Plus spécifiquement, la Cour doit définir sa position sur ce
point dans le cadre de l'examen des deux exceptions sur lesquelles elle a
choisi de se prononcer dans son arrêt:la première, relative à la question

4548 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. OWADA)

the second preliminary objection relating to the limitation ralione tempo­

ris on the jurisdiction of the Court, on both of which the present Judg­
ment has chosen to pronounce itself.
3. Liechtenstein in its Application to institute proceedings before the
Court daims that:

"( a) by its conduct with respect to the Liechtenstein property [which
had been conflscated in Czechoslovakia under the 'BeneS
Decrees' of 1945], in and since1998, Germany failed to respect
the rights of Lîechtenstein with respect to that property;

(b) by its failure to make compensation for losses suffered by
Liechtenstein and/or its nationals, Germany is in breach of the
mies of international law." (Application of Liechtenstein,
para. 25.)

4. In support of this claim, the Applicant contends, inter alia, as fol­
lows:

"Vnder internationallaw, having regard to Liechtenstein's neutral­
ity and the absenceof whatsoever links between Liechtenstein and the
conduct of the war by Germany, any Liechtenstein property that may

have been affected by measures of an Allied power could not be con­
sidered as 'seized for the purpose of reparation or restitution, or as a
resultof the state of war'." (Ibid., para. 9.)

"Subsequent to the conclusion of the Settlement Convention [of
1952J, it was accordingly understood, as between Germany and
Liechtenstein, that the Liechtenstein properly did not fall within the
régimeof the Conventian." (Jbid., para. 1O.)

"In 1998 the position of the Federal Republic of Germany
changed, as a resuh of the decision of the Federal Constitutional
Court of 28 January 1998 [in a case concerning a painting whiçh was
among the Liechtenstein property seized in 1945 under the 'Benes
Decrees']." (Ibid., para. 17.)

"Liechtenstein ... protested to Germany that the latter was treat­
ing as German assets which belongcd to nationals of Liechtenstein ...
Germany rejected this protest and in subsequent consultations it
bccame clear that Gennany now adheres to the position that the
Liechtenstein assets as a wholc were 'seized for the purpose of repa­

ration or restitution, or as a result of the state of war' within the
meaning of the Convention." (Ibid., para. 19.)

5. Thus Liechtenstein submits that "[t]here is accordingly a legal
dispute between Liechtenstein and Germany as to the obligations of the
latter with respect to Liechtenstein property" and that "[i]t i5 this dis­
pute which is the subject of the present Application" (ibid., para. 20).

46 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 48

de savoir s'il existe ou non un différend entre les Parties, et la deuxième,
qui concerne la limitation à sa compétence ratiOlle temporis.

3. Dans sa requête introductive d'instance, le Liechtenstein soutient
que:

«a) par sa conduite concernant des biens appartenant au Liechten­
stein [confisq uésen Tchécoslovaquie en application des «décrets

Benes» de 1945], l'Allemagne, en 1998 et depuis lors, n'a pas
respectéles droits du Liechtenstein à l'égarddes biens en ques­
tion;
b) en n'indemnisant pas le Liechtenstein et/ou ses ressortissants
pour les pertes qu'ils ont subies, ['Allemagne viole les règlesdu
droit international» (requêtedu Liechtenstein, par. 25).

4. A l'appui de cette affirmation, le demandeur avance entre autres les

argumen ts suivants:
«En droit international, compte tenu de la neutralité du Liech­

tenstein et de l'absence d'un quelconque lien entre le Liechtenstein et
la guerre menée par l'Allemagne, tout bien du Liechtenstein qui peut
avoir ététouché par les mesures d'une puissance alliée ne pouvait
pas êtreconsidérécomme «saisi au tjtre des réparations ou des res­
titutions, ou en raison de l'élat de guerre».» (Ibid., par. 9.)

«Après la conclusion de la convention sur le réglement [de 1952],
il était en conséquence entendu, entre l'Allemagne et le Liechten­
stein, que les biens appartenant au Liechtenstein n'étaient pas soumis

au régimede la convention.» (Ibid., par. 10.)
«La République fédéraled'Allemagne a changé d'attitude en 1998
à la suite d'une décision rendue le 28 janvier de cette année-là par la
Cour constitutionnelle fédérale[dans une affaire concernant une toile

de maître qui faisait partie des biens appartenant au Liechtenstein
saisis en 1945 en application des «décrets BeneS»].» (Ibid., par. 17.)
«Le Liechtenst.ein ... a protesté auprès de \'Allemagne en faisant
valoir que cette dernière traitait comme allemands des avoirs qui

appartenaient à des ressortissants du Liechtenstein ... L'Allemagne a
rejeté cette protestation ct, au cours de consultations ultérieures, il
est clairement apparu que l'Allemagne adopte désormais pour posi­
tion que les avairs du Liechtenstein dans leur ensemble ont été«sai­
sis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l'état

de guerre» au sens de la convention.»), (Ibid., par. 19.)
5. Le Liechtenstein soutient qu'(,[i]1existe par conséquent un diffërend

d'ordre juridique entre le Liechtenstein et l'Allemagne en ce qui concerne
les obligations de cette dernière vis-à-vis des biens appartenant au Liech­
tensteil1>)'et que «[crest ce différend qui fait l'objet de la ... requête»
(ibid., par. 20).

4649 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

6. Tn support of its first prelîminary objection that there is no legal dis­
pute between Germany and Liechtenstein, the Respondent contends that

the "change of position [as alleged by Liechtenstein], which supposedly
led to a disagreement on a point of law, never occurred" and that "it is
impossible to disccrn any disagreement on a point of law or fact between
Germany and Liechtenstein" (CR2004/24, p. 21, para. 42). Referring to
the confiscation of certain Liechtenstein property by Czechoslovakia

under the "Benes Decrees", the Respondent daims that

"[b]etween Liechtenstein and Germany there exists no dispute con­
cerning the lawfulness of the Czechoslovak seizures. Rather, the dis­
pute is one between Liechtenstein and the successor(s) of former
Czechoslovakia." (Preliminary Objections of Germany, Vol. l,

Part III, Chap. r, Section I, D, p. 42, para. 60.)

ft argues that "itis impossible to formulate the alleged dispute between
Liechtenstein and Germany in a way which effectively distinguishes it
from the real dispute between Liechtenstein and the Czech Republic"
(CR2004/24, p. 21, para. 43).
7. Liechtenstein on the contrary daims that "Germany address[es] a

case that is not the case before [the Court]". According lo Liechtenstein,
its case is that

"Germany bears international responsibility for infringing Liechten­
stein's neutrality and sovereignty by allowing Liechtenstein assets to
be treated, for the first time in 1995, as German external assets for
purposes of the Settlement Convention"l.

lt caregorically states that "[t]his case is no! about the legality of the
BeneS Decrees", and that "[it] is not about Liechtenstein's dispute wÎth
Czechoslovakia ... over property belonging ta Liechtenstein and its
nationals" (CR 2004125,p. 12; emphasis in the original).

8. lt is clear that here the Parties are presenting their respective differ­
ent positions on the "subject-matter of the dispute" in the present case,
not only by employing different formulations but also by addressing dif­
fereut substances. Needless to say, the question of what constÎtutes the
dispute in a case before this Court in the final analysis has to be decided

by the Court. Nevertheless, it stands 10 reason that since the case has
been brought before the Court by Liechtenstein as Applicant against

l Convention on Ihe Setllement of Matters arising out of the War and the Occupation,
signedby the United States of America, the United Kingdom, Franee and the Federal
Republic of Gennany at Bonn on 26 May 1952 (as amended by ScheduleIV lOlhe Pro­
tocol on the Termination of the Occupation Régimein lhe Federal Republic of Germany,
signed at Paris on 23 October 1954) (hereinaftcr reftaas the "Setllement Conven­
tion").

47 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. OWADA) 49

6. A l'appui de sa première exception préliminaire, selon laquelle il n'y

a pas de différend juridique l'opposant au Liechtenstein, le défendeur
plaide que le «changement de position allégué[par le Liechtenstein] et
présentécomme ayant conduit à un désaccord sur un point de droit n'a
jamais eu lieu» el qu'«on ne peut déceleraucun désaccord sur un point

de droit ou de fait entre l'Allemagne et le Liechtensteill) (CR 2004/24,
p. 21, par. 42). Evoquant la confiscation de certains biens liechtensteinois
par la Tchécoslovaquie, en application des «décrets Benes», le défendeur
soutient que

«[i]l n'y a pas de diftërend opposant le Liechtenstein et l'Allemagne

au sujet de la licéitédes saisies tchécoslovaques. Le différend oppose
plutôt le Liechtenstein et ]'Etat ou les Etats successeur(s)
de l'ancienne Tchécoslovaquie.» (Exceptions préliminaires de l'Alle­

magne, vol. 1,troisième partie, chap. 1,section 1,D, p. 42, par. 60.)

Le défendeur affirme «qu'il est impossible de formuler le prétendu diffé­
rend entre le Liechtenstein et l'Allemagne d'une façon qui parvienne
effectivement à le distinguer du véritabledifférendl'opposant à la Répu­
blique tchèque» (CR 2004124, p. 21, par. 43).

7. Le Liechtenstein allègue quant à lui que (d'Allemagne ... plaid[e]
une affaire qui n'est pas celle dont [la Cour est] saisi[e]», alors que sa
thèseconsiste à affirmer que

«l'Allemagne est internationalemen t responsable d'avoir violé la
neutralité et la souveraineté du Liechtenstein en permettant que des

avoirs de cet Etat soient, pOUf la première fois en 1995, traités
comme des avoirs allemands à l'étranger aux fins de la convention
sur le règlement» 1.

Le Liechtenstein soutient catégoriquement que l'objet de l'affaire ne

réside ({ni dans la licéitédes décrets Benes»,«ni dans le différend oppo­
sant le Liechtenstein à la Tchécoslovaquie ... au sujet de biens apparte­
nant au Liechtenstein et à ses ressortissants» (CR 2004/25, p. 12; les
italiques sont dans l'original).
8. Ainsi, dans l'exposé de leurs positions respectives concernant

«l'objet du différend)}en l'espèce,les Parties non seulement emploient
des termes dissemblables, mais, de surcroît, traitent de questions dis­
tinctes. Il n'est guère besoin de préciserque c'est à la Cour qu'il revient
en dernier lieu de définir l'objet des différends dont elle est saisie.

Néanmoins, il va de soi que l'Allemagne étant partie défenderesse
dans une affaire introduite à son encontre par le Liechtenstein, c'est

• Convention sur le règlement de questions issues de lal'occup~et dlgÎoen,
le 26 mai 1952 il Bonn par les Etats-Unis d'AmériRoy~ume-U nai,rance et la
République fédéraled'Allemagne (telle que modifiée par l'annexe IV au protocole sur la
cessation du régimed'occupation dans la République /ëdérale d'Allemagne, signéà Paris

le 23 octobre 1954) (ci-après dénomméela «convention sur le règlement»).

4750 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

Germany as Respondent, itis in the Submissions of the Applicant that
the formulation of the daims on which the Court must adjudicate is to be
sought (cf. Right of Passage over Indian Territ ory, Mer its, Judgment,
1.C J. Reports 1960, p. 27).

9. More specifically, the Court in the case concerning Fisheries Juri.\"­
diction (Spain v. Canada), in which the parties, while accepting that
there existed a dispute between them, characterized the dispute differ­
ently, stated as follows:

"ln order to iden/ify its task in any proceedings il1stituted by one
SIGte agail1st wJOther, the Cauri must begin by examining the Appli­
cation (see lnterhandel, Preliminary Objections, Judgment, 1.Cl.

Reports 1959, p. 21; Righ! of Passage over Indian Terri/ory, Merits,
Judgment, 1.Cl. Reports 1960,' p. 27; Nuc/ear Tests (A ustralia v.
France), Judgmel1t, 1.Cl. Reports 1974, p. 260, para. 24). However,
it may happcn that uncertainties or disagreements arise with regard
to the real subject of the dispute with which the Court has been

seised, or to the exact nature of the daims submitted to it. In such
cases the Court cannot be restricted to a consideration of the terms
of the Application alone nor, more generally, can it regard itself as
bound by the daims of the Applicant.

Tt is for the Court itself, white giving particular allen/ion to the
formulation of the dispute chosen by the Applicant, to determine on
an objective basis the dispute dividing the parties, by examining the

position of both parties" (lurisdiction of the Court, Judgment, l.CJ.
Reports 1998, p. 448, paras. 29 and 30; emphasis added).

10. When the divergent characteriza tian of the subject-matter of the dis­
pute given by the Applicant and the Respondent in the present case Îs
closely examined in accordance with the principle enunciated by this juris­
prudence of the Court, il seems clear that the subject-matter of the dispute
in the present case Îs the que~ti of international responsibility of Ger­

many in its treatment of Liechtenstein property as "German external assets
or other property, seized for the purpose of reparation or restitution, or as
a result of the stare of war" (hereinafter referred to as "German external
assets or other properly") for purposes of the Settlement Convention. On
this point, therefore,1 concur with the Jlldgment in its conclusion that

"the subject-matter of the dispute is whether, by applying Article 3,
Chapter Six, of the Settlement Convention to Liechtenstein pro pert y

that had been confiscated in Czechoslovakia under the Benes Decrees
in 1945, Germany was in breach of the international obligations it
owed to Liechtenstein and, if so, what is Germany's international
responsibility" (Judgment, para. 26).

Il. Naturally the question of whether or not the allegation of Liech­
tenstein as quoted in paragraph 4 above, and especially the allegation that

48 CERTAINS BIENS (or. mss. OWADA) 50

dans les conclusions de ce dernier qu'est à rechercher la formulation des
demandes sur lesquelles la Cour doit statuer (voir Droit de passage sur
territoire indien, fond,arrél, C./.l. Recueil 1960, p. 27).

9. Plus précisément, en l'affaire de la Compétence en matière de péche­

ries (Espagne c. Canada), dans laquelle les parties convenaient de l'exis­
tence entre elles d'un différend sans pour autant le qualifier de la même
manière, la Cour a indiqué ce qui suit:

«Aux fins d'identifier sa tâche dans toule inslance introduite par
un Eta! contre un aulre..la Cour commence par examiner la requête
(voir 1nterhandel, exceptions préliminaires, arrêt,C /.l. Recueil 1959,
p. 21; Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt,
C /.1. Recueil 1960, p. 27; et Essais nucléaires(Australie c.France),

arrêt,C/.l. Recueil 1974, p. 260, par. 24). Toutefois, il arrive que
des incertitudes ou des contestations surgissent quant à l'objet
réeldu différend dont la Cour est saisie ou à la nature exacte des de­
mandes qui lui sont soumises. En pareil cas, la Cour ne saurait s'en
tenir aux seuls termes de la requête ni, plus généralement, s'estimer

liéepar les affirmations du demandeur.

Il incombe à la Cour, tout en consacrant une attention particulière
li la formulation du dijjërend utilisée par le demandeur, de définir
elle-même, sur une base objective, le différend qui oppose les parties,
en examinant la position de l'une et de l'autre.» (Compétence de la
Cour, arrêl,Cl.l. Recueil 1998. p. 448, par. 29-30; les italiques sont

de moi.)
10. Un examen attentif, mené à la lumière du principe énoncédans ce
précédent, des définitions divergentes données de l'objet du différend par

le demandeur et le défendeur semble faire clairemenl ressortir que, en
l'espéce,le différend a pour objet la responsabilité internationale encou­
rue par l'Allemagne pour avoir assimilé des biens liechtensteinois à ,<des
avoirs allemands à l'étranger ou ... autres biens saisis au titre des répara­
tions ou des restitutions, ou en raison de l'éta t de guerre » (ci-après
dénommés«avoirs allemands à l'étranger ou autres biens») aux fins de la

convention sur le règlement. Sur ce point, je m'associe donc à la conclu­
sion de la Cour selon laquelle
«l'objet du différend est de savoir si, en appliquant l'article 3 du cha­

pitre sixième de la convention sur le règlement à des biens Iiechten­
steinois confisqués par la Tchécoslovaquie en 1945 au titre des décrets
Benes, l'Allemagne a violéles obligations qui lui incombaient envers
le Liechtenstein et, dans l'affirmative, de déterminer quelle serait la
responsabilité internationale de l'Allemagne» (arrêt, par. 26).

11. La question de savoir s'il est possible d'établir le bien-fondé de la
thèse du Liechtenstein telle que citéeau paragraphe 4 ci-dessus, et en par-

4851 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. OWADA)

there has been a change in this respect in the position of Germany, can be
established is a question that obviously belongs ta the merits of the case.
In holding that there exists a situation in which "complaints of fact and
law formulated by Liechtenstein against Germany are denied by the
latler" and that "[bJy virtue of this denial, there is a legal dispute" (Judg­

ment, para. 25) between the Parties, the Court is not prejudging the valid­
ity of such "complaints of fact and law formulated by Liechtenstein". Ali
that the Court should pronounce upon at this stage of the proceedings,
where il is addressing strictly the preliminary objections raised by the
Respondent only, is whether there does exist a legal dispute between the

Parties on this point for the purposes of the jurisdiction of the Court.

11.THE ISSUE OF "DISPUTES RELA11NG TO FACTS OR SITUATIONS"

12. Having come ta its conclusion as stated above on the question of

whether there exists a legal dispute between the Parties in the present case
and what constitutes the subject-matter of this dispute, the Court has ta
adhere ta this characterization of the subject-matter of the dispute in
examining the question raised in the second preliminary objection of the
Respondent, Le., the question of whether the dispute thus formulated

will fall within the jurisdiction of the Court, rarione lemporis, under
Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful SeUlement
of Disputes of 29 April 1957.
13. Preliminary to proceeding ta the examination of the facts of the
case in this respect, however, the first issue to be analysed is the meaning

of the provision in Article 27 (a) of the Convention which excludes "dis­
putes relating 10 Jacls or situations prior ta the entry into force of this
Convention as bctween the parties to the dispute" (emphasis added) from
the scope of jurisdictiotl conferred upon the Court under this Article.
14. In every case before the Court, the basis of jurisdiction of the
Court is the 1egalinstrument that confers jurisdictiotl on the Court, be it

a unilateral dcclaration accepting the compulsory jurisdiction of the
Court or a compromissory provision in a bilateral or multilateral treaty
ta refer a dispute under the treaty ta the Court. Each case has ta be
assessed on its own by interpreting the legal instrument in question that
serves as the basis for jurisdiction.

15. From this point of view the question could arise as ta whether the
language employed in Article 27 (a) of the European Convention for the
Peaceful SeUlement of Disputes should he interpreted differently from
the more usual expression employed in sorne other cases that have come
before this Court. By way of illustrations, in the Phosphates in Morocco
case before the Permanent Court of International Justice, the legal instru­

ment in question, the French declaration of 1930 accepting the compul­
sory jurisdiction of the Court, employed the expression "any disputes
which may arise after the ratification of the present dedaration wilh
regard to situations or JaCls subsequent to this ratification" (Phosphates

49 CERTAINS BIENS (OP. DJSS. OWADA) 51

ticulier de l'allégation selon laquelle l'Allemagne aurait opérédans ce

contexte un changement de position, reléve sans conteste du fond de
l'affaire. Lorsque la Cour constate que «les griefs formulés en fait et en
droit par le Liechtenstein contre l'Allemagne sont rejetés par cette der­
niére» et que, «[d]u fait de ce rejet, il existe un différend d'ordre juri­
dique» (arrêt,par. 25) entre les Parties, elle ne préjugepas du bien-fondé
de ces «griefs». La seule question que la Cour doive trancher, à cestade de

la procédure exclusivement consacré aux exceptions préliminaires soule­
véespar le défendeur, est celle de savoir si, aux fins de fonder sa compé­
tence,il existe bien un différendjuridique entre les Parties sur ce point.

II. LA QUESTION DES «DIFFÉRENDS CONCERNANT DES FAITS OU SITUATIONS»

12. S'étant ainsi prononcée sur la question de savoir s'il existe, en
l'espéce,un différendjuridique entre les Parties et quel en est l'objet, la
Cour doit, au moment d'examiner la question soulevéedans la deuxième

exception préliminaire du défendeur, s'en tenir à la définition de l'objet
du différendà laquelle elle est parvenue. La question ainsi soulevéeest de
savoir si le différend tel que l'a définila Cour relévede la cornpétence
ralùme temporis de celle-ci en vertu de l'alinéa a) de l'article 27 de la
convention européenne pour le règlement pacifique des différends du
29 avril 1957.

13. Préalablement à l'examen des faits en cause, il convient toutefois
d'analyser le sens de la disposition énoncéeà l'alinéaa) de J'article 27 de
la convention, qui soustrait à la compétence que cette dernière confère à
la Cour les «différends concernant des faits ou situations [rela ring to
lacts or si/ua/ions} antérieurs à l'entréeen vigueur de la[dite] convention
entre les parties au différend» (les italiques sont de moi).

14. La base de compétence est, dans toute affaire portée devant la
Cour, l'instrument juridique qui lui confèrecette compétence,qu'il s'agisse
d'une déclaration unilatérale d'acceptation de sa juridiction obligatoire
ou de la clause compromissoire d'un traité bilatéral ou multilatéral pré­
voyant que soit portédevant la Cour tout différendrelatif à son applica­
tion. Chaque instrument juridique invoqué comme base de compétence

de la Cour dans une affaire appelle un examen distinct.
15. La question peut aussi se poser de savoir si les termes employésà
l'alinéa a) de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement
pacifique des différends doivent s'interpréter différemment de l'expres­
sion plus courante utiliséedans certaines autres affaires soumises à la
Cour. A titre d'exemple, indiquons que, dans l'affaire des Phosphates du

Maroc portée devant la Cour permanente de Justice internationale, l'in­
strument juridique en question, la déclaration française d'acceptation de
la juridiction obligatoire de la Cour, en date de1930, employait l'expres­
sion «tous les différends qui s'élèveraientaprès la ratification de la pré­
sente déclaration au sujet des situations ou desfails [with regard ta situa-

4952 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. OWADA)

in Morocco, ludgment, 1938, P.C r.J., Series AIB, No. 74, p. 22; empha­
sis added). In the Electricity Company of Sofia and Bu/garia case, also
before the Permanent Court, the legal instrument in question was the BeI­
gian dedaration of adherence to the optional clause of the Court's Stat­

ute. That also used the formula "any disputes arising after the ratification
of the present declaration with regard to situations orfaels subseq uent to
this ratification" (Electricity Company of Sofia and Bu/garia, ludgmem,
1939, P.C!.J., Series AIB, No. 77, p. 82; emphasis added). In yet
another case in which the same issue of the scope of limitation rat/one

temporis on jurisdiction of the Court came before the present Court, i.e.,
Righi of Passage case, the Iegal instrument in question was al80 the
lndian declaration of acceptance of the jurisdiction of the Permanent
Court of international Justice of 28 February 1940. Here again the dec­

laration used the same formula of limiting the scope of acceptance ta
'''disputes arising after February 5th, 1930, with regard to situations or
fac!s subsequent ta the same date'" (Righl of Passage over Indian Terri­
tory, Preliminary Objections, Judgment, r.Cl. Reports 1957, p. 151;

emphasis added).

16. By contrast, the formula used in Article 27 (a) of the European

Convention for the Peaceful Settlement of Disputes is different. For­
mulated as a compromissory clause in a multilateral instrument,
Article 27 (a) of the Convention limits the scope of jurisdiction of the
International Court of Justice ratione temporis as follows:

"The provisions of this Convention shal1 not apply to:

(a) disputes relating tofacts or situations prior to the entry into
force of this Convention as between the parties to the dispute."

(Emphasis added.)

17. Tt therefore seems to be in arder ta engage in an examination of
the legislative history of Article 27 (a) of the Convention within the
Council of Europe where it was finally adopted, with a view ta ascertain­
ing whether this divergence from the more u:mal formulation employed

in theother instruments was an intended one with the express purpose of
producing a different legal eITeeton the part of the drafters of the instru­
ment. At the drafting stage of the Convention, "Proposais of the Com­
mittee on Legal and Administrative Questions l'Ofa European Act for the

Peaceful Seulement of Disputes"Z included the following provision relat-

2Contained in Appcl1dix, Part B, to Recommendali36 (1952) on the eSlablishment
of a European Court of Justice anofa European Act for the PeacefuJ Settlcmcnt of
Disputes.

50 CERTAINS BIENS (OP, DISS. OWADA) 52

lions or facts} postérieurs à cette ratification}) (Phosphates du Maroc,
arrêt, 1938. C P.J. 1, série AIB na 74, p. 22; les italiques sont de moi).
Dans l'atTaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia el de Bulgarie, éga­
lement examinée par la Cour permanente, l'instrument juridique était la
déclaration d'adhésion de la Belgique àla disposition facultative du Sta­

tut de la Cour, qui utilisait une formulation semblable: «tous les diffé­
rends qui s'élèveraient après la ratification de la présente déclaration au
sujet de situations ou de faits [wilh regard to sÎtuations or facts] posté­
rieurs à cette ratification»(Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulga­

rie.arrét, 1939, CP. J.!. sérieAIB n" 77, p, 81; les italiq ues sont de moi).
Dans une autre affaire qui, devant la présente Cour cette fois, soulevait
cette mêmequestion du champ d'application de la limitation ratione tem­
paris à la compétence de la Cour - l'affaire du DroÎt de passage -, l'in­

strument juridique était également une déclaration d'acceptation de la
juridiction de la Cour permanente de Justice internationale, celle de
l'Inde, en date du 28 février 1940. Là encore, le même libellé était
employé [dans la version anglaise], cette acceptation ne couvrant que les
«différends nésaprès le 5 février 1930, concernant des situations ou des

faits [\Vith regard to situations or facls] postérieurs à ladite date» (Droit
de passage sur territoire indien, exceptions préliminaires, arrêt,
C!.J. Recueil 1957, p. 151; les italiques sont de moi).
16. La formulation [employée dans la version anglaise] de"l'alînéa a)
de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique

des différends n'est, quant à elle, pas la même. Enonce sous la forme
d'une clause compromissoire d'un instrument multilatéral, l'article 27 de
la convention limite, à son alinéa a), le champ de compétence ratione
temporis de la Cour internationale de Justice dans les termes suivants:

«Les dispositions de la présente convention ne s'applîquent pas:

a) aux différends concernant des faits ou situations [relating to
faet.l· or situationsantérieurs àl'entrée en vigueur de la présente

convention entre les parties au différend.» (Les italiques sont de
moi.)

17. Un examen de la genèse de l'alînéa a) de l'article 27 de la conven­
tion au sein du Conseil de l'Europe, où elle fut finalement adoptée,
semble dès lors approprié, aux fins de déterminer si ses auteurs se sont dé­
libérémentécartésde la formulation plus usuelle employée dans d'autres

instruments dans le dessein de produire un effet juridique différent. Au
stade de la rédaction de la convention, la (~proposi dt a conmmission
des questions juridiques et administratives relatives à un acte européen de
règlement pacifique des différends» Zcornprenait une disposition relative
à la limitation ratione lemporis, appelée à êtreincorporée à l'acte en ques-

2 Contenu en annexe, partie D, de la recommandation 36 (1952) rdative à l'institution
d'une coureuropéennede justiet il'établissementd'un acte européen pour le règlement
pacifiquedes différends.

50 1
1

53 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. OWADA)

ing to the limitation ralione temporis ta be incorporated in the European
Act (which grew into the European Convention for the Peaceful Settle­
ment of Dispu tes of 1957):

"It shaH be deemed not ta apply ta disputes arising out of faets
which occurred prior ta the accession to the Act of Members parties
to such disputes ... " (Emphasis added.)

However, when these proposais were submitted to a Committee of

Experts who thenproduced a draft "Final Report of the Committee of
Experts on the Peaceful Settlement of Disputes and the Creation of a
European Court of Justice" of 18 May 1953 3, sorne change in the word­
ing of this part took place. Thus in the Final Report adopted of 22 May

1953, the then Article 1 (2) (which later became Article 27 (a) of the
draft Convention) came to include the following formula in relation to
the limitation ratione temparis on the jurisdiction of the Court:

"This undertaking shall not apply to disputes relaling 10 facts or
situations prior to the entry into force of this Convention as between
the parties ta the dispute." (Council of Europe doc. CM (53) 58;
A.12.822; TL.794!WM ; Appendix rI, p. 20; emphasis added.)

There is nothing in the relevant records available that can shed light on

the background for this change. On the contrary, the "Comments on the
Articles of the Preliminary Draft Convention" contained in the Final
Report states by way of a commentary on Article 1 (2) (i.e., present
Article 27 (a)) that:

"This paragraph sets a time-Jimit to the facls giving rise to a dis­
pute whîch may be submitted to the Court. It lays down that the
starting point shall be the date of the entry into force of the Conven­

tion." (Council of Europe doc. CM (53) 58; A.12.822; TL.794/WM,
p. 6; emphasis added.)

18. In the absence of any further documentary evidence to clarify this
point, it would seem reasonable to presume that the final change in word­
iog on this crucial part of the formulation in Article 27 (a) of the Con­

vention from "disputes arising out of facts" ta "disputes relating ta faets
or situations" did not signify any intentional modification on the scope of
the limitation ratione temporis, both being treated indiscriminately as
referring to "the facts giving rise ta a dispute".

19. Based on this analysis of the travaux préparatoires on the legisla­
tîve history of the compromissory provisions of the Convention, itwould

JCouncil of Europe doc. EXP/RPDIJU (53); A.12.379; TL.794fWM/U nrevised.

5154 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

seem safe to conclude, as the Judgment seems to assume without going
through a detailed analysis on this point,that the formulation of thelimi~
tation ralione temporis employed in the compromissory provisions of the
European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes should be

interpreted as being no different from the comparable formulations
employed in the other legal instruments which were the subject of scru­
tiny in the previous three judgments of the Court, which now form the
case law on this issue.

III. THE RELEVANT "FACTS OR SITUATIONS" IN RELATION TO THE DISPUTE

20. Having thus disposed of the issue of a possible distinction in law

between different formulations on the question of limitation ralione tem­
poris employed in different legal instruments, the next question that the
Court is ta examine is what are such "facts or situations giving rise to the
dispute" in the present case.

21. In determining the issue of which facts or situations are ta be
regarded as "factsor situations giving rise ta the dispute" in the context
of the present case, it is of cardinal importance that we base ourselves on
the characterization of the subject-matter of the dispute in the present

case as the Court has identified it. 1 have already stated in Part 1 of this
opinion that the proper way of looking at the present case, especially tak­
ing account of the claims of the Applicant as presented in its Application,
is to define the subject-matter of the present dispute as consisting in the
alleged change in the position of Germany in the 19908,through a series

of German court decisions, on the question of treaIment of Liechtenstein
property as "German external assets and other property" for the pur­
poses of Article 3, paragraph l, of Chapter Six of the Settlement Conven­
tion.
22. lt is true that this allegation has not been fully elaborated by the

Applicant at this stage of the proceedings, while the Respondent flatly
denies that there has been any such change of position by Germany. In
fact this question can only be determined definitively when the Court
enters into a thorough examination of the facts of the case at the merîts
stage of the case. Nevertheless, on the basis of the relevant documents

and the oral presentations both of the Applicant and of the Respondent
submitted to the Court, it is difficult to deny that this Liechtenstein daim
is something more than a sheer allegation which patently is not sustain­
able even on a prima facÎe basis of the facts made available ta the Court.

Germany daims that there has been no change of position in the juris­
prudence of the German courts; and that its courts have consistently held
that they are barred by the Settlement Convention from adjudicating on
the lawfulness of any confiscation measures for the purposes named by

the Settlement Convention (CR 2004/24, p. 15, para. 17). However, a
glance at the jurisprudence of the German courts (cf. cases listed in
Observations of Liechtenstein, Appendix 1) seems to reveal that this

52 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. OWADA) 54

l'on puisse sans risque de se tromper conclure, ainsi que la Cour semble le

postuler - mais sans l'inférerd'une analyse détaillée- dans son arrêt,
que le libelléde la limitation ratione temporis employé dans ladite clause
de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends
doit êtreconsidérècomme èquivalant aux formulations analogues des
autres instruments juridiques examinès dans les trois précédentsarrêtsde
la Cour, qui forment désormais la jurisprudence en la matière.

III.LES (<FAITS OU SITUATIONS» PERTINENTS DANS LE CADRE DU DIFFÉREND

20. Ayant ainsi régléla question d'une éventuelledistinction, en droit,

entre les différentes formulations employées dans plusieurs instruments
juridiques s'agissant de la question de la limitation rmÎone temporis, la
Cour doit maintenant s'employer à examiner quels sont, en l'espèce,les
«faits ou situations ayant donné naissance au différend»,
21. Pour trancher la question de savoir quels sont les faits ou situa­

tions devant êtreconsidéréscomme ayant «donné naissance au diffé­
rend» dans les circonstances de l'espèce,il est impératif de s'appuyer sur
la définition de l'objet du différend telle que formulée par la Cour. J'ai
déjàindiqué,dans la première partie de mon opinion, que l'optique dans
laquelle il convient d'aborder la présenteaffaire, tout particulièrement eu
égard aux prétentions du demandeur telles qu'énoncéesdans sa requête,

consiste à poser que le différendqui nous occupe ici a pour objet le chan­
gement de position qu'aurait opérél'Allemagne dans les années 1990
- et qui ressortirait d'une sériede décisionsrendues par ses tribunaux -
sur la question du traitemen t des biens Iiechtensteinois en tant qu'({avoirs
allemands à l'étrangerou autres biens» aux fins du paragraphe 1 de j'ar­
ticle 3 du chapitre sixièmede la convention sur le règlement.

22. Il est vrai que cette allégation n'a pas étédéveloppéeen détail par
le demandeur à ce stade de l'instance, tandis que le défendeur nie pure­
ment et simplement l'existence d'un tel changement de position. En réa­
lité,cette question n'aurait pu êtredéfinitivement tranchée par la Cour
que lors d'un examen circonstancié des faits au stade du fond. Néan­
moins, d'après les documents pertinents et les plaidoiries des Parties

devant la Cour, il est difficile de ne pas reconnaître que cette prétention
du Liechtenstein est davantage qu'une allégation qui ne saurait manifes­
tement êtredéfendue, même primafacie, à la lumière des faits portés à la
connaissance de la Cour. Selon l'Allemagne, la jurisprudence de ses tri­
bunaux ne révèleaucun changement de position, ceux-ci ayant toujours
estimé que la convention sur le règlement faisait obstacle à ce qu'ils se

prononcent sur la licéitéde toute mesure de confiscation prise aux 6ns
indiquéesdans la convention sur le règlement (CR 2004/24, p. 15,par. 17).
Toutefois, un simple coup d'Œil à cette jurisprudence (voir les affaires
énuméréed sans lesobservations du Liechtenstein, annexe 1)nous apprend
que cette dernière affirmation pourrait ne pas êtreentièrement exacte.

5255 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. OWADA)

latter statement does not seem to be entire!y accurate. It may be true that
in those cases where the application of the Seulement Convention was
involved, the German courts have consistently held that they lacked the
competence to penetrate the legal veil of the provisions of Article 3, para­

graph l, of Chapter Six of the Settlement Convention and refrained from
evaluating the lawfulness of the measures that had been applied to what
were unquestionably "German externat assets". As the Respondent itself
concedes (CR 2004/24, p. 13, para. 11), however, no concrete case had
arisen, until the Pieter van Laer Painting case was brought before the

court in Cologne in which the applicability ilself of the Seulement Con­
vention ta Liechtenstein property as "Gemmn external assets or other
property" was considered for the tirst time.
23. The AKU 4 case cited in this context by the Respondent as evidence
of the German position quoted above (CR 2004/24, p. 15,para. 17) might

appear ta serve as a precedent for holding that "[Article 3, Chapter Six,
of the Settlement Convention as amended by Schedule IV of the Paris Pro­
tocol of 23 October 1954J does not confer [upon German courts] a right
to examine this question [of applicability of the Convention] in accord­
ance with German law" (International Law Reports, Vol. 23 (1956),

p. 23). However, itis preceded by one important condition by way of a
proviso, which states as follows:

"The sole condition ... which must now be satislied in order that

the jurisdiction of the German Courts shall be excluded is that
the claim is concerned with an asset seized for the purpose of repara­
tion or one of the other purposes referred to in paragraph 1 [of
Article 3]." (Ibid., p. 22.)

ft would seem therefore that this decision, with this expressly stated pro~
viso, could not be an authority on the point at issue here, i.e., that the

German courts have consistently held that they were barred under the
Settlement Convention from examining the applicability itself of the
Settlement Convention toneutral assets.
24. To this extent at any rate, it thus seems undeniable that the posi­
tion of the German courts in the Pieter van Laer Painting case, culmi­

nating in the decision of the court of the final instance in civil matters,
i.e., the Bundesgerichtshof, followed by the decision of the Federal Con­
stîtutionalCourt of 14 January 1998 on a constitutional complaint which
held that Liechtenstein property fell within the scope of the Settlement
Convention, has had the effect of creating a new case law in applying the

principle - a principle that may weil have been consolidated in relation
{o uncontestably "German externat assets" fhat had been subjecl ta war-

4See AKU case, Judgment of the German Feueral Court of Justice (Bundesgerichlshol)
of 13December 1956 (II ZR 86/54): see aInternational Law ReportVol. 23 (1956),
pp. 21-24; Nel/e JI/ris/ise/le Wochen.Vol. 10, Issue 6 (1957), p. 217.

53 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 55

Peut-être les tribunaux allemands se sont-ils toujours, dans les affaires
mettant en cause l'application de la convention sur le règlement, estimés
incompétents pour soulever le voile juridique jeté par les dispositions du

paragraphe 1 de l'article 3 du chapitre sixième de la convention sur le
règlement, et se sont-ils abstenus d'apprécier la licéitéde mesures appli­
quées à des biens qui étaient incontestablement des (ravoir.\"allemands à
l'étranger». Ainsi que l'admet le défendeur lui-même(CR 2004/24, p. 13,

par. Il), ]'affaire du Tableau de Pieter van Laer portée devant le tribunal
de Cologne fut la première à mettre en cause l'applicabilité me;ne de la
convention sur le règlement aux biens liechtensteinois en tant qu'<iavoirs
ou autres biens allemands à l'étrangef».

4
23. La décision rendue en l'affaire AKU citéedans ce contexte par le
défendeur pour étayer sa position (CR 2004/24, p. 15, par. 17) semble
pouvoir êtreinvoquée en tant que précédentétablissant que ~ ~l'article 3
du chapitre sixième de la convention sur Je règlement telle qu'amendée

par l'annexe IV du protocole de Paris en date du 23 octobre 1954] ne
confère ... pas [aux tribunaux allemands] le droit d'examiner cette ques­
tion [l'applicabilitéde la convention] conformément au droit allemand»
(International Law Report, vol. 23 (1956), p. 23). Toutefois, la conclusion
énoncéeen ces termes est précédée d'une clause restrictive notable, ainsi

libellée:

«La seule condition qui doit ... êtreremplie pour que la compé­
tence des tribunaux allemands soit exclue est que l'action en cause
concerne un avoir saisi aux fins des réparations ou à l'une des fins

énoncées au paragraphe 1 [de l'article 3].» (Ibid., p. 22.)

Il apparaît donc que la décision rendue en l'affaire AKU, assortie de
cette clause expresse, ne saurait faire jurisprudence sur le point ici en
cause, à savoir le fait que les juridictions allemandes auraient toujours

estimé que la convention sur le règlement leur interdisait d'examiner
l'applicabilité mêmede la convention sur le règlement à des avoirs neutres.
24. Dans cette mesure, à tout le moins, ilsemble donc indéniableque la
position des tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieter l'an
Laer, qu'incarnent la décisionprise par la plus haute juridiction civile allc-

.mande, le Bundesgerichtshor, et celle rendue ultérieurement, le14janvier
1998, par la Cour constitutionnelle fëdérale, laquelle, saisie d'un recours
constitutionnel, a conclu que les biens liechtensteinois entraient dans le
champ d'application de la convention sur le règlement, a eu pour effet de

créerune nouvelle jurisprudence en appliquant un principe qui étaitpeut­
êtreétablien ce qui concernait les biens constituant incontestablement des

4 Voir affaiAKU, arrêtde la Cour fédéraleallemande de justice (Bundesgerichtshof)
du 13 décembre 1956 (II ZR 86/54); voir aInternalirmal Law Reporvol. 23 (1956),
p. 21-24Neue Jurislische Wochenschrivol. 10, n° 6 (1957), p. 217.

5356 CERTAIN PROPERTY (DlSS. OP. OWADA)

lime or post-war reparution régime by alIied or other powers - ta anew
situation involving a neutral property of Liechtenstein.

25. Whether this contention of Liechtenstein concerning the alleged
change in the position of Germany in the 1990s can stand the test of scru­

tiny in terms of facts and law surrounding the situation involving the
painting of Pieter van Laer i5 of course an entîrely different matter. This
is an issue which has ta be scrupulously examined when the Court cames
to the merits stage of the case. Suffice it to sayat this preliminary stage
on jurisdiction that there is at least sufficient basis for holding that the

subject-matter of the dispute is real and not just artificially constructed.
ln fact, this alleged "change of position of Germany", or more precisely,
the treatment by Germany of Liechtenstein property as falling within the
scope of Article 3 of Chapter Six of the Settlement Convention embodied
in the decision of the highest German court in the 1990s, which can only
be examined in detail at the merits stage of the case, is the key ta defini­

tively determining whether this situation amounted to the "facts or situa­
tions which have given rise to the dispute", thus satisfying the condi­
tions ratione temporis prescribed by the compromissory provisions of the
European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes.

IV. JURISPRUDENCE OF THE COURT ON "FACTS OR SITUATIONS"
GIYING RISE TO THE DISPUTE

26. As the existence of a dispute between Liechtenstein and Germany
has been established in the Judgment itself, the next step for the Court is

to ascertain whether this dispute falls within or outside the scope of the
jurîsdîetion eonferred upon the Court by the compromissory provisions
of Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful Settlement
of Disputes. On the basis of the interpretation gîven above on the for­
mula "disputes relating to facts or situations" (Part II of this opinion),
the question for the Court to address Îs whether thi.\'dispute is one "relat­

ing ta facts or situations prior to the entry into force of [the] Convention
as between the parties" as interpreted above.
27. In my view, an analysis of the past three cases before the Perma­
nent Court of International Justice and the International Court of Jus­
tice, in which the issue of what are the "faets or situations giving rise ta

the dispute" was addresscd by the Court and its predecessor, reveals that
there appear ta be two Enes of approaeh in the case !aw of the Permanent
Court and this Court:

(1) the approach to look to those faets or situations which are the real
source of the dispute, but not the source of the rights whjch under/ie
the dispute; and
(2) the approaeh to take the dispute as "the whole" of a chain of events

54 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. OWADA) 56

«(Qvoirsallemands à l'étranger>Jsoumis au régime de guerre au au régime
des réparations de l'après-guerre par les puissances alliéesou autres à un
cas de figure nouveau mettant en jeu les biens neutres du Liechtenstein.
25. La question de savoir si cette thèse du Liechtenstein relative au

changement de position alléguè de l'Allemagne dans les années 1990
résisteraità un examen des élémentsde fait et de droit entrant enjeu dans
le cas du tableau de Pieter van Laer est bien sûr une question totalement
distincte, qui aurait dû faire l'objet d'une analyse scrupuleuse lors de
l'examen au fond de l'affaire. Qu'il suffiseà ce stade préliminaire, consa­

cré à la compétence, de constater qu'à tout le moins les élémentssont
suffisants pour permettre de conclure que le différend n'est pas une
construction artificielle mais a un objet réel A la vérité,ce «-change­
ment» allégué«(de position de la part de l'Allemagne» ou, plus précisé­
ment, l'assimilation des biens liechtensteinois à des biens entrant dans le

champ d'application de l'article 3 du chapitre sixièmede la convention du
règlement qu'aurait, à travers la décision de sa plus haute instance dans
les années1990,opéréel'Allemagne, et qui ne saurait êtreexaminéeen détail
qu'au stade du fond, est la question clédont l'analyse aurait permis de
trancher si c'est en cela que résident les «faits ou situations ayant donné

naissance au différend», auquel cas les conditions ratione temporis pré­
vues par la clause limitative de compétence de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends seraient satisfaites.

IV. JURISPRUDENCE DE LA COUR CONCERNANT LES «FAITS OU
SITUATIONS» AYANT DONNÉ LIEU AU DIFFÉREND

26. L'existence d'un différend enlre le Liechtenstein et l'Allemagne
ayant étéétablie dans le corps mêmede l'arrêt, il incombe ensuite à la
Cour de déterminer si ce différend entre ou non dans le champ de la com­
pétence qu'elle tire des clauses compromissoires de l'alinéa a) de l'ar­
ticle 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique des dif­
férends. Compte tenu de l'interprétation de l'expression «différends

concernan tdes faits ou situations» donnée ci-dessus (deuxième partie de
la présente opinion), la question qu'il incombe à la Cour d'examiner est
celle de savoirsi ce différend concerne «des faits ou situations antérieurs
à l'entréeen vigueur de la ... convention entre les parties».
27. L'analyse des trois affaires dans le cadre desquelles la Cour per­
manente de Justice internationale et la Cour internationale de Justice ont

étéappelées à déterminer quels étaient les «faits ou situations ayant
donné naissance au différend:»met, me semble-t-il, en lumière la coexis­
tence dans la jurisprudence de deux manières d'aborder le problème:

1) l'une consistant à s'intéresser aux faits et situations qui constituent
l'origine réelledu différend sans pour autant êtrela source des droits
sur lesquels repose celui-ci; et
2) l'autre revenant à considérer le différend comme l'((ensemble» d'une

5457 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. OWADA)

and looking to those faels or sÎlumions which crystallize the dispute
by completing the cycle of its constituent elements.

The first approach places emphasis on the substantive problem of deter­
mining the real cause of the dispute, while the second approach looks to
a formai aspect of the process of crystallization of the dispute by identi­
fying the point in time at which a fact or a situation cornes to constîtute

the critical factor which gives rise to a dispute in a concrete form.

28. These two hnes of approach, however, represent different angles
from which to look at the same situation, and therefore are not mutually
exclusive. Indeed, it is the importance of a nexus of close and direct Iink
between the dispute and the faets or situations which give rise to that dis­

pute that is emphasized in both of the two approaches. This nexus of
close and direct Iink connecting the dispute and the faets and situations
which give rise to it is so essential that an authority on this subject was
prompted to state that:

"lt is believed ... that in the long run there is httle praetical sig­
nificance in this distinction [between the date on which the dispute
arase and the date of the facts and situations which gave rise to it],

at least inso far as conceros what occurs in the process of reaching
the decision: a distinction between the date of a dispute, and the
date of the facts and situations regarding which that dispute exists,
may be one of fonn only." (Shabtai Rosenne, The Time Factor and
the Jurisprudence of the International Court of Justice, p. 40.)

29. It is thus incumbent upon me to analyse how the case law in each
of the three precedents works out this nexus in a concrete context and see
how the case law is to be applied to the faets of the present situation. ln

the Phosphates in Morocco case, Italy brought daims against France,
alleging that by a series of decrees the French had denied certain rights of
Italian nationals in the Moroccan phosphates industry. The decrees pre­
ceded the critieal date in the French optional clause declaration, but Italy
argued that there was a continuing illegality, whieh had only been eom­

pleted by certain acts subsequent to the date. After stating that "[s]itua­
tions or tacts subsequent to the ratification [of the optional clause decla­
ration] could serve to found the Court's compulsory jurisdiction only ifil
was with regard lo lhem that the dispute arase" (emphasis added), the
Permanent Court of Intemational Justice made the point that

"it would be impossible to admit the existence of 5uch a relationship

between a dispute and subsequent factors whieh either presume the
existence or are merely the confirmation or development of earlier
situations or faets constituting the real causes of the dispute" (Phos­
phates in Morocco, Judgment, 1938, P.CI.J., Series AlB, No. 74,
p. 24; emphasis added).

55 CERTAINS RIENS (OP. mss. OWADA) 57

séquence d'événements,et à s'intéresser aux faits et situations qui, en
tant que derniers maillons de cette chaîne, cristallisent le différend.

La première de ces approches met l'accent sur une question qui touche au
fond et consiste à identifier la cause réelle du différend, tandis que la
seconde s'intéresseà l'aspect formel du processus de cristallisation du dif­
férend,en cherchant à déterminer à quel moment un fait ou une situation

en vient à constituer j'élémentcritique donnant, concrètement, naissance
à un différend.
28. Ces deux démarches ~eprésen ttutnftis deux manières de voir
une mêmesituation, et ne s'excluent donc pas l'une l'autre. En réalité,
toutes deux mettent en valeur l'importance du Jien à la fois direct et étroit
entre le différend et les faits ou situations qui lui ont donné naissance.

L'écheveau rattachant le différend aux faits et situations qui lui ont
donné naissance revêt une telle importance qu'une autorité sur cette
question a écrità ce propos:

«En définitive, cette distinction [entre la dateà laquelle le diffé­
rend a surgi et celle des faits et situations qui lui ont donné nais­
sance] semble n'avoir guère de signification, en pratique, à tout le

moins aux fins du processus de décision: une distinction entre date
d'un différend et date des faits et situations au sujet desquels s'est
élevéce différend peut n'êtreque formelle.» (Shabtai Rosenne, The
Time Factor and the Jurisprudence of the International Court of Jus­
tice,p.40.)

29. 11me revient donc d'analyser, au travers des trois précédentsmen­
tionnés,comment la jurisprudence démêle cet écheveau dans une situation

concrète, et de voir comment cette jurisprudence doit êtreappliquée aux
faits de l'espèce.Dans l'affaire des Phosphates du Maroc, l'Italie avait for­
mulédes griefs à l'encontre de la France, affirmant que celle-ci avait, par
une sériede décrets,privéde certains droits des ressortissants italiens dans
l'industrie des phosphates marocaine. Les dècrets étaient antèrieurs à la
date critique découlant de la déclaration faite par la France en vertu de la

clause facultative; toutefois, l'Italie avait fait valoir que l'on se trouvait en
présence d'une illicéités'étant perpétuée,laquelle ne s'étaitperfectionnée
qu'avec certains actes postérieurs à cette date. Ayant déclaréque «[des]
situations ou des faits postérieurà la ratification [de la déclaration faite
en vertu de la clause facultative] ne déterminent la juridiction obligatoire
que si c'est à leur sujet que s'est élevéle différend" (les italiques sont de

moi), la Cour permanente de Justice internationale a conclu que
(([o]n ne saurait reconnaître une telle relation entre un différend et

des élémentspostérieurs qui supposent l'existence ou qui ne com­
portent que la corifirmation ou le simple développement de situations
ou de faits antérieurs, alors que ceux-ci constituent les véritables élé­
ments générateursdu dJjjërend» (Phosphates du Maroc, arrêt,1938,
CPJ.!. sérieAIE n° 74, p. 24; les italiques sont de moi)"

5558 CERTA!N PROPERTY (mss. OP. OWADA)

30. Relying on this dictum, Gennany in the present case contends that
the acts after 1980, inc1uding the decision of the German courts, were
merely a confirmation or development of facts or situations that took
place in the 1940s and the 1950s, Le., the Benes Decrees of 1945 and the

Seulement Convention of 1952.
31. Ttis a fact, however, that the Settlement Convention as such, with
its reference to"German external assets", created no dispute with neutral
Liechtenstein. Jt is also a fact that the Settlement Convention had never
before been applied to Liechtenstein assets by the German courts until

the decision in the Pieter van Laer Painting case. Thus it was in the con­
text of this new development of the 1990s which allegedly constituted a
"new legal situation" and not just a "confirmation or development of
earlier situations or tacts" (Phosphates in Maroeeo. Judgmenl, 1938.
P.CJ.J., Series AIB. No. 74, p. 24) that a concrete dispute arose between
Germany and Liechtenstein.

32. ln the Eleetrieity Company of Sofia and Bulgaria case before the
Permanent Court of lnternational Justice, the Respondent, Bulgaria,
relied on the so-called "double exclusion clause" (or the "Belgian for­

mula") in the Belgian optional clause declaration. The Respondent argued
that the situation underlying the dispute was created by the awards of the
Be\go-Bulgarian Mixed Arbitral Tribunal, and in particular by the for­
mula established by the awards for the fixing of the priee, bath of which
antedated the critical date of the declaration. The complaints made by

the Applicant, Belgium, concerning the application ofthis formula by the
Bulgarian authorities related ta the working of that formula and made it
the centre point of the dispute.
33. In rejecting the argument of the Respondent on this point, the
Court recalled what it said in the Phosphates in Morocco case, and stated
that

"[t]he oilly situations or facts which must be taken into account from
the standpoint of compulsory jurisdiction accepted in the terms of

the Belgian declaratioll are those which must be cOllsidered as being
the source of the dispute" (Eleclricily Company of Sofia and Bul­
garia, Judgment, 1939, P. C1.1., Series AIB, No. 77, p. 82; emphasis
added),

and concluded as follows:

"lt is true that a dispute may presuppose the existence of some
prior situation or fact, but it does not follow that the dispute àfises
in regard to that situation or fact. A situation or fact in regard to
which a dispute is said to have arisen must be the real cause of the
dispute." (Ibid. ; emphasis added.)

Thus the Court round that it was the subsequent acts with which the Bel­
gian Government reproaches the Bulgarian authorities with regard to a

56 CERTAINS RIENS (OP. mss. OWADA) 58

30. Se fondant sur ce dictum, l'Allemagne soutient en l'espèce que les

actes postérieurs à 1980, et notamment les décisions de ses tribunaux,
n'ont constitué que la confirmation ou le développement de situations ou
de faits remontant aux années 1940 et 1950, à savoir les décrets Benes
de 1945 et la convention sur le règlement de 1952.
31. Tlest toutefois établique la convention sur le règlement en tant que

telle, avec sa référenceaux «avoirs allemands à l'étrangef)), n'a engendré
aucun différend avec le pays neutre qu'était le Liechtenstein. li est égale­
ment établi que, avant de statuer en l'affaire du Tableau de Pie-
1er van Laer, les tribunaux allemands n'avaient jamais appliqué aux
avoirs liechtcnsteinois les dispositions de cette convention. C'est donc
dans le contexte d'un nouvel étatde fait survenu au cours des années 1990,

qui constituerait non pas une «confirmation ou [un] simple développe­
ment de situations ou de faits antérieurs» (Phosphates du Maroc, arrêt,
1938, C.P.J.I.sérieAIB nO74, p. 24), mais une «situation juridique nou­
velle), qu'est apparu un différend concret entre l'Allemagne ct le liech­
tenstein.
32. Dans l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie

soumise à la Cour permanente de Justice internationale, le défendeur, la
Bulgarie, invoquait la clause dite de «double exclusioll» (ou «fonnule
belge») de la déclaration tàite par la Belgique en vertu de la clause facul­
tative. Le défendeur soutenait que la situation à l'origine du différend
avait étécrééepar les sentences du Tribunal arbitral mixte belgo-bulgare,

et spécialement par la formule concernant la fixation des tarifs qu'avaient
établieces sentences, antérieures toutes dêux à la date critique de la décla­
ration. Les griefs formulés par le demandeur, la Belgiqüe; contre l'appli­
cation par les autorités bulgares de cette fonnule touchaient, selon lui, au
fonctionnement de ceBe-ci et la plaçaient au centre de la discussion.
33. La Cour a rejetél'argument du défendeur sur ce point en se réfé­

rant à ce qu'elle avait dit en l'affaire des Phosphates du Maroc, et en indi­
quant que
«[I]essituations au les raits qui doivent êtrepris en considération au

point de vue de la juridiction obligatoire acceptée dans les tennes de
la déclaration belge sont uniquement ceux qui doivent êtreconsidé­
rés comme générateursdu différend» (Compagnie d'électricitéde
Sofia et de Bulgarie, arrêt,1939, CP.]'/' sérieAIB n° 77, p. 82; les
italiquessont de moi).

La Cour a ajouté:

«lI est vrai qu'un différend peut présupposer l'existence d'une
situation ou d'un fait antérieur, mais il ne s'ensuit pas que le diffé­
rend s'élève au sujet de cette situation ou de ce fait. Il faut que la
situation ou le fait au sujet duquel on prétend que s'est élevéle dif­
férend en soit réellement fa cause,» (Ibid.;les italiques sont de moi.)

La Cour a ainsi estimé qu'étaient au centre de la discussion et devaient
êtreconsidéréscomme constituant les faits au sujet desquels le différend

5659 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

particular application of the fonnula - which in itself had never been
disputed - Le., the decision of the Bulgarian Administration of Mines of
1934 and the judgments of the Bulgarian courts of 1936 and 1937 -
which formed the centre point of the argument and must be regarded

as constituting the facts with regard to which the dispute arase (cf. Elec­
tricity Company of Sofia and Bu/garia, Judgment, 1939. P.CI.J.,
Series AIB, No. 77).
34. Ttseems c1ear that the present case has a close resemblance to the
Electricity Company of Sofia and Bulgaria'case in terms of how we define

and apply the test of what constitutes le fait générateurin the context of
the facts of the present situation. In the present case, the BeneSDecrees
and the Seulement Convention are no doubt underlying factors of the
dispute, and they relate to this dispute in the factual sense; it could thus
be said that the dispute presupposes their existence. It does not follow,

however, that the dispute therefore arase in regard to {hase situations or
facts. ft was not until the subsequent alleged position taken by Ger­
many - the German court decisions applying the Settlement Convention
to Liechtenstein property - that the dispute came into being in the eyes

of Liechtenstein as against Germany.

35. In the Righ! of Passage case before this Court, the Applicant, Por­
tugal, in its Application indicated that the subject of the dispute was the
conflict of views which arase between Portugal and India when, in 1954,

India opposed the exercise of Portugal's right of passage to certain Por­
tuguese enclaves in the lndian territory. The Respondent, India, argued
on the other hand that the Court was without jurisdiction under India's
own optional clause declaration with limitation ratfone ternporis,because
the dispute was the continuation of a contlict of views on this alleged
right of passage, going back as far as 1818. There were also questions of

treaty Interpretation and practice dating back to 1779. Against the back­
ground of these complex hîstorical factors, the Court came out with the
conclusion that the critical factor that gave rise to the dispute occurred in
1954, when India opposed the exercise of Portugal's right of passage.
After noting that the dispute submitted to the Court had a threcfold sub­

ject - i.e.,(1) the disputed existence of a right of passage in favour of
Portugal; (2) the alleged failure of India in 1954 to comply with its obli­
gations concerning that right of passage; and (3) the redre5s of the illegal
situation tlowing l'romthat failure - the Court stated that "[t]he dispute
before the Court, having this three-fold subject, could not arise until

aU its constituent elements had come into existence", in particular, the
obstacles which India was al!eged to have placed in the way of exercise
of passage by Portugal in 1954 (Right of Passage over lndian Territory,
Merits, Judgment, I.Cl. Reports 1960, p. 34; emphasisadded). On that

basis the Court concluded that "[t]he dispute therefore as submitted to
the Court could not have originated until 1954" (ibid., p. 34).

36. The conclusion that the Court arrived at as the real source of the

57 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 59

s'était élevé(voir Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie, arrêt,
1939, CP.l./. sérieAIE nO 77) les actes ultérieurs reprochés par le Gou­
vernement belge aux autorités bulgares relativement à une application
particulière de la formule qui, en soi, n'avait jamais étécontestée - à
savoir la décision de 1934 de l'Administration des mines de l'Etat bulgare
et les sentences des tribunaux bulgares de 1936 et 1937.

34. La présente affaire affiche de toute évidence une forte similitude
avec celle de la Compagnie d'électricitéde Sofia el de Bulgarie, en ce qui
a trait aux paramètres permettant d'analyser et de définir ce qui constitue
le fait générateur dans les circonstances de l'espèce. Dans la présente ins­

tance, il ne fait aucun doute que les décrets Benes et la convention sur le
règlement sont des facteurs qui sous-tendent le différend et le concernent
au sens factuel; aussi pourrait-on dire que le différend présuppose leur
existence. Pour autant, il ne s'ensuit pas que le différend se soit élevéau
sujet de ces situations ou de ces faits. Ce n'est qu'au moment où l'Alle­
magne aurait adopté sa nouvelle position - ses tribunaux appliquant,

dans le cadre de leurs décisions, la convention sur Je règlement à des
avoirs liechtensteinois - que serait né,aux yeux du Liechtenstein, un dif­
férend l'opposant à l'Allemagne.
35. Dans l'affaire du Droil de passage, soumise à la présente Cour, le
demandeur -le Portugal- avait indiqué dans sa requêteque l'objet du
différend était l'opposition de vues surgie entre l'Inde et lui-mêmequand,

en 1954, l'Inde s'était opposée à J'exercice du droit de passage permettant
au Portugal d'accéder à certaines enclaves portugaises en territoire indien.
Le défendeur - l'Inde - faisait quant à lui valoir que la Cour n'avait
pas compétence du fait de la réserveratione remporis de sa déclaration en
vertu de la clause facultative, le différend étant la continuation d'un

conflit de vues sur ce droit de passage allégué reruon tant à 1818. Se
posaient également des questions d'interprétation de traités et de pratique
conventionnelle remontant à 1779. Ayant pris en considération ces fac­
teurs historiques complexes, la Cour est parvenue à la conclusion que
l'élément critique ayant donné naissance au différend était survenu en
1954, lorsque l'Inde s'était opposée à l'exercice du droit de passage du
Portugal. Ayant noté que le différend qui lui avait étésoumis avait un

triple objet - à savoir 1) l'existence contestée d'un droit de passage au
profit du Portugal; 2) le manquement que l'Jnde aurait commis, en 1954,
à ses obligations concernant ce droit de passage; 3) le redressement de la
situation illégale résultant de ce manquement -, la Cour a déclaréque
({[I]edifférend [qui lui était] soumis ... n'a[vait] pu naître que lorsq ue tous
ses élémentsconstitutifs [avaient] existé», et parmi eux, ({les obstacles

que l'Inde aurait, en 1954, apportés à l'exercice du passage par le Portu­
gal» (Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt, CIl. Recueil
1960, p. 34; les italiques sont de moi). A ce titre, la Cour a conclu que
«[l]e différend tel qu'il [lui était] soumis ... n'a[vait] donc pu naître qu'en
1954» (ibid., p. 34).

36. Appliquant le principe consistant à rechercher l'origine du diffé-

5760 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

dispute in that case, applying the principle of looking for the origin of a
dispute through the process of fonnation of the dispute as "the whole", is
the following:

"It was only in 1954 that such a controversy [as to the title under
which passage was effected] arose and the dispute relates both to the
existence of a right of passage ... and to India's failure to comply
with obligations which, according to Portugal, were binding upon it

in this connection. It wasfrom ail of this that the dispute referred 10
the Court arose; iliswüh regard laal! of this fhm the diJpute exists,
This whole, whatever may have been the earlier origin of one of its
parts, came inlOexistence only after {the critical date as specified in
the optional clause declaration as the limitation ratione temporis on

jurisdiction]." (I. C 1. Reports 1960, p. 35; emphasis added,)
37. When the criterion enunciated by the Court in the Right of Pas­

sage case is applied to the present case, it seems clear that the decisive
conclusive event that gave rise to the "difference in the legal positions"
between Germany and Liechtenstein concerning the treatment of the
Liechtenstein property, giving a concrete shape ta the dispute as "the
whole", whatever may have been the earlier origin of the factors that

affected the destiny of Liechtenstein property, was the alleged decision by
the German courts which held that the Settlement Convention was appli­
cable to the Liechtenstein property in question as "German external
assets and other propert y" for the purposes of the Seulement Convention
and that therefore the German courts were barred from passing a judg­

ment on the legality of the measures referred to in Article 3 of Chapter Six
of the Settlement Convention, Whilc the validity of this aIJegatian has ta
be tested in light of the facts of the case, the jurisprudence of the Right of
Passage case definitely tilts towards a conclusion that it is this develop­
ment which, if proved, constitutes le fait générateurdu d!fférend which
arose,

38, The present Judgment, in addressing the issue of jurisdiction
ratione temporis contained in the second preliminary objection of Ger­
many, cornes out with the conclusion that

"the Court has no basis for concluding that prior to the decisions of
the German courts in the Pie/er van Laer Painting case, there existed
a common understanding or agreement between Liechtenstein and
Germany that the Seulement Convention did not apply ta the Liech­
tenstein propert y seized abroad as 'German external assets' for the

purpose of repara tion or as a.result of the war" (Judgment, para, 50),

While the Applicant in its Application stated that "[s]ubsequent to the
conclusion of the Settlement Convention, it was accordingly undcrstood,
as between Germany and Liechtenstein, that the Liechtenstein property
did not faHwithin the régimeof the Convention" (Application of Liech­
tenstein, p. 8, para, 10), it has not substantiated in the present proceed-

5861 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

ings such cornmon understanding between Liechtenstein and Germany.
However, since the dispute at issue before the Court is whether Gennany
was in breach of its international obligations by ifs trcatment of Liech­
tenstein property by applying the Settlement Convention ta the property
in question, this findingof the Court on the aHegedchange of position in

itself does not seem to be decisive in determining whether the dispute has
arisen with regard to this aHeged new development. Of course whether
such a "change of position", in the sense that Germany departed l'roma
previously held position concerning the applicability of the Settlement
Convention, thm incurring an international responsibility of Germany,

has indeed taken place or not is an issue that has to be closely examined
as the central issue of the merifs of the case in subsequent proceedings.

39. On this last point, however, the Judgment, ex cathedra and with-
out giving much substantive reasoning, declares as follows:

"the Court points out that German courts did not face any 'new
situation' when dealing for the first time with a case concerning the

confiscation of Liechtenstein property as a resuit of the Second
World War. The Court finds that this case, like previous ones on the
confiscation of German exlernaf assets, was inextricably linked to
the Seulement Convention. The Court further finds that the deci­
sions of the German courts in the Pieter van Laer Painting case can­

not be separated from the Seulement Convention and the Benes
Decrees, and that these decisions cannat consequently be considered
as the source or real cause of the dispute between Liechtenstein and
Germany." (Judgment, para. SI; emphasis added.)

40. Tt is difficult to understand the logic of this conclusion, since the
point at issue in the context of determining what constituted le fait

générateurof this dispute is precisely the issue of whether a legal distinc­
tion can be made between the applicability of the Settlement Convention
to what is undisputably to be regarded as "German external assets" (a
thesis not contested by the Applicant) and the applicability of the Settle­
ment Convention to neutral Liechtenstein property as "German external
assets or other property" (a thesis fiercely contested by the Applîcant,

thus forrning the fons el origo of the present dispute).

41. ft is indisputable, as the Judgment states correctly, that the deci­
sions of the German courts in the Pieter van Laer Painting case cannot be
separatedfrom the Seulement Convention and the Bend Decrees. It does

not follow, however, that "these decisions cannot consequemly be con­
sidered as the source or real cause of the dispute between Liechtenstein
and Germany" as the Judgment suggests (Judgment, para. 51; emphasis
added). The fact that the BeneS Decrees and the Settlement Convention
are even non-negligible factors that underlie, and thus constÎtute an

59 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 61

étayél'existence d'une telle entente entre lui et l'Allemagne. Toutefois,

l'objet du différend soumis à la Cour étant de savoir si l'Allemagne a
violéles obligations internationales qui étaient les siennes en appliquant
la convention sur le règlement réservéaux biens liechtensteinois, cette
conclusion de la Cour sur le changement de position alléguéne semble
pas en soi décisive s'agissant d'établir si c'est au sujet du nouvel état de
fait qui serait ainsi survenu que s'est élevé le différend. La question de

savoir si un tel«changement de position» s'est produit, autrement dit, de
savoir si l'Allemagne s'est écartéede la position qu'elle avait jusqu'alors
maintenue au sujet de l'applicabilité de la convention sur le règlement, et
sisa responsabilité internationale se trouve de ce fait engagée, devait bien
évidemment êtreexaminée avec attention en tant que point central de la

phase ultérieure de l'affaire, consacrée au fond.
39. Sur ce dernier point, la Cour relève toutefois, dans son arrêt, ex
cathedra et sans réellement le motiver, que:

«lorsqu'ils furent pour la première fois appelés à examiner une
affaire portant sur la confiscation de biens Iiechtensteinois consécu­
tive à la seconde guerre mondiale, les tribunaux allemands ne se
trouvèrent pas face à une ({situation nouvelle». La Cour considère
que cette affaire,comme celles qui l'avaient précédée et avaient trait
à la confiscation d'avoirs allemands cl l'étranger, était inextricable­

ment liée à la convention sur le règlement. La Cour estime que les
décisions rendues par les tribunaux allemands en l'affaire du Tableau
de Pieter van Laer ne sauraient êtredissociéesde la convention sur le
règlement ni des décrets BeneS, et qu'elles ne sauraient, en consé­
quence, être regardées comme étant à l'origine ou constituant la

cause réelle du diffërend entre le Liechtenstein et ]'Allemagne.»
(Arrêt,par. 51; les italiques sont de moi.)

40. La logique qui méne à cette conclusion est difficileà suivre,
puisque laquestion à trancher pour déterminer cc qui aconstitué le fait gé­
nérateur du présent différend consiste précisémentil.savoir si une distinc­
tion peut être établie, en droit, entre, d'une part, l'applicabilité de la
convention sur le règlement à des biens devant incontestablement être
considérés comme des «avoirs allemands à l'étrange!") (élémentque le
demandeur ne conteste pas) et, d'autre part, son applicabilité il.des biens

neutres liechtensteinois en tant qu'«avoirs allemands il. l'étranger ou
autres biens» (un élémentfarouchement contesté par le demandeur -
cette contestation constituant la source de l'origine du différend).
41. li est indéniable, comme la Cour l'affinne à juste titre dans son
arrêt,que les décisions rendues par les tribunaux allemands dans l'affaire
du Tableau de Pieter van Laer ne sauraient êtredissociéesde la conven­

lion sur le règlement ni des décrets BeneS. Il est néanmoins impossible
d'en infërer, ainsi que le fait la Cour dans son arrêt, qu'«[e]lles ne sau­
raient, en conséquence, êtreregardées comme étant à l'origine ou consti­
tuant la cause réelledu différend entre le Liechtenstein et l'Allemagne»
(ibid., par. 51; les italiques sont de moi). Il est incontestable que les

5962 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

important background of, the colourful destiny of the Pieter van

Laer painting is undeniable.In this sense it may be said that the decisions
of the German courts on the Pieter van Laer Painting case cannat be
separated from the Seulement Convention and, further, from the BeneS
Decrees. However, this historical fact in itselfcannot turn such "facts and
situations" into lesfaits générateursdu différend(Phosphates in Morocco,
Judgment, 1938, P.c.!.J., Series AIB, No. 74, p. 23), Le., something

which generates the dispute, constituting "the real source of the dispute",
unless it is shown that indeed these facts and situations, directly and
without further intervening events, gave rise to the dispute. It seems
evident that such was not the case with either the Benes Decrees or the
Settlement Convention.

42. Based on the deflllition of the subject-matter orthe dispute as iden­
tified earlier,nd in light of the analysis offered above on the jurispru­
dence of the Court concerning the question of the limitation ratione tem­
poris upon the Court's jurisdiction, the conclusion seems inescapable

that, at any rate as far as this preliminary stage of the case is concerned,
where the task of the Court is to be strictly confined to the examination
of the question of whether the Court has jurisdiction ta hear the case on
the merits, il i8 difficult to agree with the conclusion of the Court, when
itdeclares that

"[w]hile these decisions [of the German courts in the Pieter van
Laer Painting case] triggered the dispute between Liechtenstein
and Germany, the source or real cause of the dispute is to be found

in the Settlement Convention and the Benes Decrees" (Judgment,
para. 52).
43. For these reasons, l come ta the conclusion that the second pre­

liminary objection of Gennany has either ta he rejected together with the
first preliminary objection of Germany which has been rejected by the
Judgment, or ta he joined to the merits for rurther investigation, in
accordance with Article 73, paragraph 7, of the Rules of Court.
44. It might be added that as can be seen from what has been stated
above, 1 am not entirely in disagreement wilh the Judgment of the Court,

as far as its general legal analysis of the case law of the Court is coo­
cerned, on the issue of what constitutes "facts or situations giving rise to
the dispute" as represented by the three cases referred ta in the Judgment.
What 1 question is the manner in which this jurisprudence is applied to
the facts of the present case.

v. OTHER PRELIMINARY OBJECnONS

45. Ttwould follow l'romthis conclusion ofmine that the Court would
have to proceed further to the examination of four other preliminary

6063 CERTAIN PROPF.:RTY (mss. OP. OWADA)

objections of Germany relating to the jurisdiction of the Court and to the
admissibility of the daims of the Applican t, in order to determine whether
it should go to the merits stage of the case. The present Judgment, how­
ever, has arrived at the conclusion that "[h]aving dismissed thefirst pre­
liminary objection of Germany, but upheld its second, the Court finds
that itis not required to consider Germany's other objections and that it

cannot rule on Liechtenstein's daims on the merits" (Judgment, para. 53).
Given my position as stated above, nevertheless, it is incumbent upon me
to examine each and ail of the remaining objections of Germany, in order
to determine whether the Court has the competence ta proceed to hear
the case on the merits. Thus in the following paragraphs 1shall state my
views on the other preliminary objections raised by the Respondent; but

r shaH do sa only in a somewhat summary fashion. This is due to the
obvious point that there is no practical significance in 8uch an exercise,
seeing that the Judgment by majority has effectively terminated the
present case for ail purposes.

The Third Preliminary Objection relating to Domestic Jurisdiction

46. Germany contends that "the outcome of the German court pro­
ceedings would have been exactly the same even if the Settlement Con­

vention did not exist", since accordîng ta the applicable mIes of private
internationallaw and confiscation law as applied and recognized in Ger­
many, as in so many other countries in the world,

"[tJhe painting found on German territory for the exhibition would
have been returned ta the owner according to Czech law, the
museum, because Czechoslovakian law and now Czech law have
governed the law of property for that painting for the last 50 years"
(CR2004/24, p. 33, para. 94).

On this basis Germany argues that "the decisions of the German courts,
as ta their results, were not a matter of international law" and that

"as far as Liechtenstein is concerned, the matter was sole\y within the
domestic jurisdiction of Germany" (ibid., para. 95).
47. Ta this argument, Liechtenstein counter-argues that such an asser­
tion i8 clearly a matter for the merits. lt daims that in diplomatie con­
sultation on the present dispute Germany at no time argued that this was
a matter within its domestic jurisdiction, and further aIgu es that

"[t]he issue [then] was not whether this was a matter for Germany
alone, but whether neutral property seized as a result of a war could
be treated by German courts as 'German ex!ernal assets' whîch were
'seized for the purpose of reparation or restitution' as a result of the
Second World War" (CR 2004/25, p. 35, para. 12).

6164 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

48. A careful examination of the arguments of the two Parties on this
issue of domestic jurisdiction leads me to the following conclusions. First,
the German argument that the German courts were simply applying a
rule of priva te international law, accepted by the practice of States and
the doctrine of internationallaw, that the title ta property is governed by

[ex loci sirae rei seems to be misdirected, inasmuch as the Liechtenstein
cause of action in the present case is no! based on the alleged violation of
internationallaw by the German courts in recognizing the validity of the
Czechoslovak confiscation measures of 1945, but on their alleged viola­
tion in treating the neutral Liechtenstein property as "German external

assets and other property" for the purposes of the Seulement Conven­
tion. On this basis, the dispute cannat be said ta lie solely with the
domestic jurisdiction of Germany. Also Germany, as the second line of
del'ence on this objection has brought into its pleadings the argument
that the Settlement Convention in effect disposed of the question and

that Germany had no choice but to accept the terms of the Seulement
Convention in the circumstances of the situation. Whatever the validity
and the legal relevance of this argument, such a contention defeats the
very legal basis of the third preliminary objection of Germany by bring­
ing in the element of an international convention as relevant.

The Fourth PrelimÎnary Objection relating ta Article 40 of the Statute

49. On the admissibîlîty of the Liechtenstein claims before the Court,
Germany raises as its fourth objection the point that the Application is
tainted by such profound flaws that the minimal requirement set out in

Article 40, paragraph l, of the Statu!e and in more detail in Article 38,
paragraph 2, of the Rules of Court cannat be deemed to have been met.
More specifically, it claims that "the Applicant has failed sufficiently ta
substantiate its contention that Germany has incurred responsibility on
account of an internationally wrongful act" (CR 2004/24, p. 35. para. J01).

50. Liechtenstein counters this argument by stressing that Germany
reshaped the Liechtenstein case into one entirely different from the one
actually before the Court. Liechtenstein's point is that what is at issue in
this case is "Germany's treatment of Liechtenstein property as German
externa! assets under the Seulement Convention . .. which is the corner­

stone of the present dispute" (CR 2004/25, p. 38; emphasis added).
Liechtenstein further argues that "Article 40 (1) of the Statute and
Article 38 (2) of the Rules of Court do nol require an exhaustive state­
ment of facts and grounds on which the daim is based in the application,
but only a 'succinct' one" (ibid., p. 37) and that the Applicant has done

precisely that.

51. As has been stated earlier, some more substantiation may be
needed for establishing this point both in terrns of facts surrounding the

6265 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

Liechtenstein allegation, as weil as in terms of law that can \egally link
the German courts' judgments to an internationally wrongful act that is
attributable to Germany. This does not lead us to the conclusion, how­
ever, that therefore the Liechtenstein Application does not satisfy the
minimal conditions set out in Article 40, paragraph l, of the Statute. The

question of whether this claim of the Applicant, supported by the legal
grounds offered by the Applicant, will meet the test of rigorous scrutiny
by this Court is an entirely different matter. But this is a matter to be
closely examined when the Court cornes to the merits stage of the
proceedings.

The Fifth Preliminary Objection relating 10 the Absence of
the Third Party

52. In the fifth preliminary objection relating to the admissibility of
the Liechtenstein daim, Germany raises the issue of the absence of a
"necessary third party" and contends that the core of the Application of
Liechtenstein is

"the legality or îllegality of the Benes Decrees, that is to say decrees
adopted by aState whose successor State is today visibly absent
from these proceedings before [the] Court - not because it could
not be present, but because it did not wish to be" (CR 2004/24, p. 48,

para. 130; emphasis in the original).
53. Relying as authority on the jurisprudence of this Court in the

Monetary Gohl RemO\led/rom Rome in 1943 case of 1954 (hereinafter
referred to as the "Afonelary Gold" case), Germany argues that in order
to determine whether Liechtenstein is entitled ta reparation on account
of the damage it has suffered, il is necessary first ta determine whether
Czechoslovakia has committed an international wrong against it. To do
that, according to Germany, it would be necessary to decide whether the

Benes Decrees were contrary to international law. On the basis of this
so-called "necessary party" fuie as established by the jurisprudence in the
Monetary Golrlcase, Germany condudes that "the review of the lawful­
ness of the expropriations effected by Czechoslovakia constitutes a pre­
requisite for an examination of the unlawful acts attributed by Liechten­

stein to Germany" (CR 2004/24, p. 52, para. 144). Vnder the circum­
stances of the present case, however, the Court cannot entertain
Liechtenstein's daims whîch would oblige the Court to rule on the rights
and obligations of the Czech Republic in its absence and without its con­
sent.
54. Liechtenstein accepts that there is no disagreement on the analysis

of jurisprudence of the Court offered by Germany that "[î]f ... the legal
interestsof a third State constitute the 'very subject-matter' of a dispute
brought ta the Court and this third State is absent from the proceedings,
the Court cannot exercise jurisdiction on the matter" and that "~]egal

63 ----- -------

CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 65

qu'il s'agisse pour lui de mieux établir les faits ou d'approcher les élé­
ments de droit à mêmede justifier la conclusion selon laquelle les déci­
sions des tribunaux allemands constituent un acte internationalement îIIi­
cite attribuable à l'Allemagne. Je n'en inférerais pas pour autant que la

requêtedu Liechtenstein n'a pas satisfait aux conditions minimales énon­
céesau paragraphe 1 de l'article 40 du Statut. La question de savoir si la
prétention du demandeur, étayée par les divers moyens de droit qu'il
invoque, aurait passéavec succès l'épreuve d'un examen rigoureux de la

Cour est une question entièrement distincte. Mais c'est là une question
sur laquelle la Cour n'étaitappelèe à se pencher de près qu'au stade du
fond.

La cinquième exception préliminaire concernant l'absence d'une
tierce partie

52. Dans sa cinquième exception préliminaire à la recevabilité de la
demande liechtensteinoise, l'Allemagne soulève la question de l'absence
d'une «tierce partie indispensable» et soutient que ce qui est au cŒur de

la requêtearticulée par le Liechtenstein, c'est
«la licéitéou l'illicéitédes décrets BeneS; c'est-à-dire de décretspris

par un Etat dont [on peut constater] que son successeur n'est pas,
aujourd'hui, présent à l'instance; ceci, non parce qu'il ne le pouvait
pas mais parce qu'il ne le voulait pas» (CR 2004/24, p. 48, p. 130; les
italiques sont dans l'original).

53. S'autorisant de la jurisprudence de ln Cour en l'affaire de \'01'
monétaire pris à Rome en 1943, de 1954 (ci-après dénomméel'affaire de
1'(Or monétaire))), l'Allemagne soutient que, afin de savoir si le Liech­

tenstein a droit à recevoir réparation au titre du préjudice qu'il aurait
subi, il faut d'abord déterminer si la Tchécoslovaquie a commis un fait
illicite à son égard. Pour cela, il faudrait -selon l'Allemagne - décider
si les décrets Benes étaient contraires au droit international. Sur la base
de cette règledite de la"tierce partie indispensable» telle qu'établiepar la

jurisprudence de l'Or monétaire, l'AUemagnecane/ut que "l'examen de la
licéitédes saisies opéréespar la Tchécoslovaquie constitue un préalable
indispensable à celui des faits illicites imputés par le Liechtenstein à
l'Allemagne» (CR 2004/24, p. 55, par. 144). Or, de son point de vue, la
Cour ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, connaître des de­
mandes du Liechtenstein, qui l'obligeraient à statuer sur les droits et obli­

gations de la République tchèq ueen son absence et sans son consentement.

54. Le Liechtenstein admet ne pas êtreen désaccord avec l'analyse de

la jurisprudence de la Cour proposée par l'Allemagne, d'où il ressort que,
«si les intérêtsjuridiques de l'Etat tiers constituent «l'objet même»du
différend dont la Cour e~ saisie et que J'Etat tiers est absent de la pro­
cédure, la Cour ne peut exercer sa compétence sur la question», et que

6366 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

interests of a third State do constitute the very subject-matter of a dispute
if... the Court cannot decide on the daims before il without prior deter­

mination as to the rights or obligations of the third State" (CR 2004/25,
p. 51, para. 5).
55. In applying this principle to the concrete situation of the present
case, however, Liechtenstein argues a contrario thal:

"it equally fo11owsthat the Court not only has the right, but also the
duty, to adjudicate on the application where the right:; of a third

State do not constitute 'the very subject-matter' of the judgment
sought, even if that State's interests might be 'affected'5, or [if] it has
an 'interest of a legal na ture' which might 'be affected' 6or [if], as in
the Nauru case, the Court's decision might 'have implications for the
legal situation of the [third] States concerned'7" (CR 2004/25, p. 51).

According to Liechtenstein, the present case falls in this category,
where neither the illega.lity of the Benes Decrees nor Czechoslovakia's
right to war reparation are in any sense the "very subject-matter" of the
present proceedings. While Liechtenstein considers thal it has been the

viclim of the Benes Decrees of 1945, which resulted in the unjust confis­
cation of Liechtenstein assets wrongly equated wilh German property,
it nevertheless daims thal the dispute between Liechtenstein and the
successor States of Czechoslovakia is completely separate from the one
which is the subjecl of the present proceedings.

56. In light of the nature of the subject-matter of the dispute as char­
acterized above (cf. Judgment, para. 26), i.e., the one consisting in the
question of whether, by applying Article 3, Chapter Six, of the Settlement
Convention to Liechtenstein property that has bccn confiscated in

Czechoslovakia under the Benes Decrees in 1945, Gem1any was in brcach
ofits obligations il owed to Liechtenstein, it would seem difficult to argue
that the Application in question relates to a case in which the legal inter­
ests of a Ihird State constitutes the "very subject-matter" of this dispute.
If there should be any question on this point in view of the complex

nature of the facts surrounding the case, this question could also be
joined to the merits in accordance with Article 79, paragraph 7, of the
Rules of Court.

The Sixrh Preliminary Objection relating to the Exhaustion of Local
Remedies

57. In the sixth and final objection relating to the admissibility of
Liechtenstein claim, Germany raises the issue of non-exhaustion of local

5 Monetary Gold Removed Jrom Rome in 1943,Judgment, ,.CJ. Reports 1954,p. 32.
6 Eust Timo!' (Porfugal v. AIISfralia), JudgmrCI, Reports 1995, p. 104, para. 34,
7 Certain Phosphale Lands in Nauru (Nauru v. AIIS!rO!iO), Prelimina!'y abjectiom'.
Judgmt:llt. CJ, Rt:ports 1992, p. 261, para. 55.

64 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 66

({[l]es intérêtsjuridiques d'un Etat tiers constituent l'objet mêmedu dif­
férend si ... la Cour n'est pas en mesure de se prononcer sur les demandes
qui lui sont adressées sans statuer au préalable sur les droits et obliga­

tions de l'Etat tiers») (CR2004/25, p. 51, par. 5).
55. Appliquant ce principe à la situation concrète de l'espèce,le Liech-
tenstein se dèmarque pourtant du défendeur en affirmant

({qu'il ... rèsulte aussi [de cette jurisprudence] que la Cour a non seu­
lement le droit, mais aussi le devoir de se prononcer sur la requête,
lorsque les droits d'un Etat tiers ne sont pas ({l'objet même»de l'arrêt

à intervenir, et quand bien mêmeles intérêtsde cet Etat tiers pour­
raient être «touchés» 5 ou un «intérêtd'ordre juridique» pourrait
êtrepour lui «en cause»6 ou si, comme dans l'affaire de Nauru, la
décision de la Cour risquait d'«avoir des incidences sur la situation

juridique des deux autres Etats concernés»7» (CR 2004/25, p. 51).
Selon le Liechtenstein, la présente instance relève de cette catégorie,

dans laquelle ni j'illicéitédes décrets BeneSni le droit de la Tchécoslova­
quie à des réparations de guerre ne sont en aucune manière «l'objet
mêmede la procédure». Si le Liechtenstein considère qu'il a étévictime
des décrets Benes de 1945, qui ont entraîné la confiscation injuste des

avoirs liechtensteinois assimilés à tort à des bien allemands, il n'en pré­
tend pas moins que le différend qui l'oppose aux Etats successeurs de la
Tchécoslovaquie est tout à fait distinct de celui qui fait l'objet de la pré­
sente procédure.

56. L'objet du différend tcl que déflnici-dessus (voir l'arrêt,par. 26)
étant de savoir si, en appliquant l'article 3 du chapitre sixième de la
convention sur le règlement il des biens liechtensteinois confisquès par la
Tchècoslovaquie en 1945 au titre des décrets Benes, l'Allemagne a violé

les obligations qui lui incombaient envers le Liechtenstein, la thèse selon
laquelle la requêteen question a trait il un différend dont les intérêtsjuri­
diq ues d'un Etat tiers constitueraient «j'objet même»se défend mala.isé­
ment. Si la moindre question se posait à cet ègard au vu de la nature
complexe des circonstances de l'espèce,elle aurait également pu êtreexa­

minée au fond conformément aux dispositions du paragraphe 7 de l'ar­
ticle79 du Règlement de la Cour.

La sixième exception préliminaire rdali)le à l'épuisement des recours
internes

57. Dans sa sixième et dernière exception à la recevabilité de la
demande Iiechtensteinoise, l'Allemagne soulève la question du non-

5 Or mané/airepris à ROIIIIen1943, arrêt,CIl. Recueil 1954, p. 32.
6 Timor oriental (Portugalc,Australie), arrêt,ClJ Recueil 1995,p. !O4,par. 34,
7 Certaines terrerphosphates rNauru (Nauru c. AI/slralie). excepliolll;préliminaires.
arrêt,CI}, Reweil/992, p. 261,par. 55.

6467 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

remedies. Specifically, it contends that "the Liechtenstein nationals who
had been victims of Czechoslovak confiscations had not exhausted ail the
local remedies with a view ta recovering the property of which they had
been dispossessed or to claiming compensation" (CR 2004/24, p. 57).
Against this contention, Liechtenstein argues that "[i]n its Application

lit] raises claims against Germany primarily on ifs own account, as
Germany's conduct directly violated Liechtenstein's own rights as a
sovereign State and as aState which was neutral during the Second
World War" (CR 2004/25, p. 43; emphasis added), and "additionally on
account of its citizens" (ibid., p. 42).

58. Liechtenstein argues that the local remedies rule is restricted ta
cases of diplomatie protection, but is not applicable to cases where a
State is directly injured in its State-to-State rights. This distinction,
endorsed by the Court in the Interhandel and Elettronica Sicula

Sp.A. (ELSl) cases, is accepted by Germany as a matter of general
principle; at the same time Germany, denying its application to the
present case, asserts that"itis impossible to find that there has been any
infringement whatsoever of the sovereign rights of Liechtenstein as a
State" (CR 2004/26, p. 24). As far as the Liechtenstein cla.im that il has

suffered a direct injury as aState from Germany by its conduct is COn­
cerned, it is clear that the requirement of exhausting 10caJremedies Can­
nat be a procedural bar to this part of the daims presented by Liechten­
stein.
59. As for injuries suffered by nationals of Liechtenstein, Germany

argues that "the Liechtenstein nationals concerned did not defend their
rights before the Czechoslovak courts when the confiscation strategy was
implemented" (CR2004/24, p. 59, para. 151). Germany daims that it is
entitled 10 invoke this inaction of the Liechtenstein nationals concerned
as a defence in the application of the rule of exhaustion of local remedies,
"because the Czechos10vak measures were the decisive acts, depriving the

owners of the enjoymenl of Iheir property" (CR 2004/24, p. 60, para. 152).

60. This is indeed a bizarre defence by the Respondent on the question
of non-exhaustion of local remedies in relation ta a daim whose cause of
action lies, not in the illegal confiscation of assets of Liechtenstein nation­

aIs carried out by Czechoslovak authorities, but in the alleged illegal
action by German authorities of treating these assets of neutral nationals
as "German external assets and other property" for reparation purposes
of Germany. Given this nature of the Liechtenstein daims, the principle
of exhaustion of local remedies should be examined in relation ta what­

ever local remedies avaîlable in Germany in relation ta this point, and
not in Czechoslovakia in relation ta the confiscation measures.

61. In this respect, the final character in the German judicial syslem of
the judgment of the Federal Constitutional Court of Germany in the

65 CERTAINS BIENS (OP. mss. OWADA) 67

épuisement des voies de recours internes. Elle fait plus précisémentvaloir
que «les ressortissants du Liechtenstein qui ont étévictimes de mesures
tchécoslovaques de confiscation n'ont pas épuisétoutes les voies de
recours internes en vue de recouvrer les biens dont ils ont étédépossédés
ou de réclamer une compensation» (CR 2004/24, p. 57). A cette al1é­
gation, le Liechtenstein oppose l'argumen t suivant leque] « [d]ans sa

requête, [il]a présentédes demandes à l'encontre de l'Allemagne en
son nom propre principalement, parce que la conduite de l'Allemagne a
directement porté atteinte aux droits du Liechtenstein en tant qu'Etat
souverain et en tant qu'Etat neutre pendant la seconde guerre mondiale»
(CR 2004/25, p. 43; les italiques sont de moi), et également «au nom de

ses citoyens) (ibid., p. 42).
58. Le Liechtenstein plaide que la règle de l'épuisement des voies de
reCours internes ne s'applique qu'aux affaires de protection diplomatique,
et n'intervient pas lorsqu'un Etat a subi directement une violation, de la
part d'un autre Etat, de ses droits en tant qu'Etat souverain. Cette dis­

tinction, confirmée par la Cour dans les affaires de l'lnterhandel et de
l'EletlronÎca Sicula Sp.A. (ELSI) , est admise en principe par l'Alle­
magne; contestant qu'elle s'applique en l'espèce, celle-ci affirme qu'«on
ne perçoit nulle part quelque ingérencedirecte que ce soit dans les droits
souverains du Liechtenstein comme Etat» (CR 2004/26, p. 24). JI ne fait

aucun doute que l'obligation d'épuiser les voies de recourS internes ne
saurait constituer un obstacle procédural au volet des prétentions du
Liechtenstein dans lequel celui-ci allègue avoir subi un préjudice direct
imputable à l'A!lemagne du fait de sa conduite.
59. En ce qui concerne les préjudices subis par des ressortissants du
Liechtenstein, l'Allemagne fait valoir que les intéressés(fl'ontpas défendu

leurs droits devant les tribunaux de la Tchécoslovaquie lorsque la straté­
gie de confiscation a étémise en Œuvre» (CR2004/24, p. 59, par. 151).
L'Allemagne affirme qu'elle est en droit d'invoquer, à sa décharge, cette
inaction des ressortissantsdu Liechtenstein concernés s'agissant de l'appli­
cation de la règled'épuisement des recours internes, «parce que les me­

sures tchécoslovaques ont étéles actes déterminants, privant les proprié­
taires de la jouissance de leursbiens» (ibid., p. 60, par. i 52).
60. Voilà, en vérité,une bien étrange défensede la part de l'Allemagne
sur la question du non-épuisement des voies de recours internes s'agissant
d'une demande motivéenon par la confiscation illicite d'avoirs de ressor­
tissants liechtensteinois opéréepar les autorités tchécoslovaques, mais par

l'action illicite qu'auraient commise les autorités allemandes en assimilant
ces avoirs de ressortissants d'un pays neutre à des «avoirs allemands à
l'étrangeret autres biens» aux fins des réparatians de l'Allemagne. Compte
tenu de la nature des griefs liechtensteinois, le principe de l'épuisementde
ce type de recours devrait êtreexaminé à la lumière de tous les recours

internes disponibles en Allemagne en la matière, el non de ceUXofferts en
Tchécoslovaquie en ce qui a trait aux mesures de confiscation.
61. Sur ce point, le fait que la décision rendue par la Cour constitu­
tionnelle fédéraleallemande en J'affaire du Tableau de Pieter van Laer

6568 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. OWADA)

matter of the Pieter van Laer Painting case would seem to be conclusive.

Given the nature of this pronouncement by the highest court in Ger­
many, this decision should serve as the conclusive evidence to establish
the point that the possibility for the Liechtenstein citizens concerned to
exhaust local remedies for pursuing their cases in relation to their prop­

erty before German courts is effectively foredosed to them. Thus tbis
case would seem to fall within the category to which the maxim "no need
ta exhaust local remedies where no remedies exist ta exhaust" is appli­
cable.
62. For ail these reasons, 1 come to my final conclusion that the Court

has jurisdiction to entertain the Application filed by the Principality of
Liech tenstein on 1June 2001. That is why 1 respectfully voted against the
cond usions of the present Judgmen t, as con tained in paragra phs (1) (h)
and (2) of the dispositif .

(Signed) Hisashi OWADA.

66 CERTAINS BIENS (or. mss. OWADA) 68

l'ait étéen dernier ressort, dans le système judiciaire allemand, semble
déterminant. Compte tenu de sa nature, cette décision de la plus haute
instance allemande devrait êtreinvoquée comme constituant l'élément
décisif permettant d'établir que les ressortissants liechtensteinois sont
effectivement forclos à épuiserles voies de recours internes pour se pour­

voir devant des juridictions allemandes au sujet de leurs biens, Ainsi,
cette affaire semblerait êtrede celles auxquelles s'applique la maxime
;(nul besoin d'épuiserles recours internes lorsqu'il n'existe aucun recours
à épUlsen;.

62. Pour l'ensemble de ces raisons, j'en viens à ma conclusion finale,
qui est que la Cour a compétence pour connaître de la requêtedéposée
par la Principauté de Liechtenstein le 1crjuin 2001. C'est pourquoi, avec
tout le respect dû à la Cour, j'ai votécontre les conclusions énoncéesdans
le présent arrêtà l'alinéab) du paragraphe 1 et au paragraphe 2 du dis­

positif.

(Signé) Hisashi OWADA.

66

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Owada

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