Opinion dissidente de M. Kooijmans

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123-20050210-JUD-01-01-EN
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123-20050210-JUD-01-00-EN
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CERTAINS BIENS (OP. mss, KOOIJMANS) 30

lërend entre les Parties, doit êtrerejetée. Le Liechtenstein prétend que

l'Allemagne a manq ué aux obligations auxquelles celle-ci était tenue à
son égard en vertu du droit international; l'Allemagne rejette catégori­
quement cette allégation. Comme le relévela Cour, les revendications du
Liechtenstein se sont heurtéesà l'opposition manifeste de l'Allemagne, et
des élémentsconvaincants et dignes de foi montrent que, à diverses occa­
sions, l'Allemagne a reconnu l'existence d'un différend (arrêt,par. 25).

4. Le défendeur a reproché au Liechtenstein d'avoir artificiellement
transfOlmé en différend avec l'Allemagne celui, ancien, qui l'oppose à la
Tchécoslovaquie et aux Etats qui lui ont succédéau sujet de la confisca­
tion de biens liechtensteinois opéréeen application des décrets Benes:
l'illicéitéalléguéede cette confiscation n'est pas une question litigieuse

entre les deux pays. Cet argument ayant étésoulevé, il est d'autant plus
nécessairede déterminer l'objet du différend dont la Cour est saisie. En
l'affaire du Droit de passage, dans laquelle les parties divergeaient autant
qu'en la présentequant à l'objet du différendjuridique, la Cour a dit que,
«[plour apprécier [sa] compétence ..., il [fallait] considérer quel [était]
l'objet du différend» (Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt,

ClJ. Recueil 1960, p. 33) et, comme en la présente espèce, c'est effecti­
vement ce qu'a fait la Cour, avant d'examiner l'exception préliminaire
portant sur une limitation raliane ternporis.
5. Dans sa requête,le Liechtenstein indique que le différend porte sur
des

«décisions prises en 1998 et depuis lors par l'Allemagne qui tenden t
à traiter certains biens de ressortissants du Liechtenstein comme des
avoirs allemands ({saisis au titre des réparations ou des restitutions,

ou en raison de l'état de guerre» [ce libelléreprend celui employé
dans la convention sur le règlement de questions issues de la guerre
et de l'occupation de 1952, ci-après la ((convention sur le
règlementl>]..., sans prévoir d'indemniser leurs propriétaires pour la
perte de ces biens, et au détriment du Liechtenstein lui-même»
(requètedu Liechtenstein, par. J).

Si l'Allemagne soutient que ses tribunaux n'avaient d'autre choix que
d'appliquer l'article 3 du chapitre sixième de la convention sur le règle­
ment en j'affaire du Tahleau de Pieter van Laer (résuméeau para­

graphe 16 de l'arrêt),le Liechtenstein fait valoir que, ce faisant, ces tribu­
naux ont porté atteinte aux droits qui étaient les siens en vertu du droit
international général,engageant ainsi la responsabilité internationale de
l'Allemagne,
L'objet du différendn'est donc pas de savoir si l'Allemagne étaittenue,
en vertu d'un traité, d'appliquer les dispositions pertinentes de la conven­

tion sur le règlement à des biens confisquéspar les Etats alliéspendant ou
après la seconde guerre mondiale, mais si elle pouvait à bon droit les
appliquer à des biens confisqués appartenant à des ressortissants d'un
Etat resténeutre au cours de cette guerre et qui, au surplus, n'est pas par­
tieà cette convention.

28 CERTAINS BIENS (OP. mss. KOOlIMANS) 31

6. De même,la question qui se pose n'est pas de savoir si les tribunaux
allemands avaient l'obligation ou le droit, en vertu du droit international,
d'examiner la licéitéd'expropriations par la Tchécoslovaquie d'avoirs
ayant appartenu à des ressortissants liechtensteinois. Comme l'a dit le
conseil de l'Allemagne,

«abstraction faite de la convention sur le règlement, les juridictions
allemandes auraient appliqué les régIesdu droit international privé
etdu droit international en matière de confiscation, et elles auraient

rejetétoute demande concernant des biens meubles confisqués il y a
plus de cinquante ans» (CR2004124, p. 23, par. 75; voir également
exceptions préliminaires de l'Allemagne, p. 28-29, par. 91-95).

«Faire abstraction de la convention sur le règlement» transformerait
cependant le différend en un autre, totalement distinct, dont la Cour n'a
pas étésaisie. La question à laquelle celle-ci est priée de répondre est
de savoir si les autorités allemandes pouvaient à bon droit appliquer
la convention sur le règlement à des biens neutres ou - en d'autres

termes - sides biens neutres pouvaient être considérés comme des
~ ~voirs allemands à l'étranger ou des autres biens saisis au titre des
réparations ou des restitutions, ou en raison de l'état de guerre» aux
fins de l'application de la convention sur le règlement. De ce point de
vue, la question de la /iceitéou de l'ilIicéitéde la confiscation de biens
liechtensteinois en application des décrets Benes ne se pose pas, et la

Cour n'était d'ailleurs pas priéede l'examiner.
7. Pour ces raisons, je souscris à la définition de l'objet du différend
donnée par la Cour au paragraphe 26 de son arrêt.

B. LA LIMITATION RATlONE TEMPORIS

8. Une fois défini l'objet du différend, il devient p01;sible d'examiner si
celui-ci concerne des «faits ou situations antérieuàsl'entrée en vigueur»
de la convention européenne de 1957 sur le règlement des différends,
auquel cas, en application de l'alinéa) de l'article 27 de ce traité, le dif­
férend échapperait à la compétence de la Cour, comme l'Allemagne le

soutient dans sa deuxième exception préliminaire. La date critique à cet
égard est le 18 février 1980, date de l'entréeen vigueur de la convention
européenne entre les deux Parties.
9. Les Parties conviennent que le différend qui les oppose à l'heure
actuelle ne s'estpas élevéavant 1995. Toutefois, selon l'Allemagne, il
concerne des faits ou situations remontant à 1945- annéede promulga­

tion des décrets Benes -, ou 1955 - année d'entrée en vigueur de la
convention sur le règlement -, ou encore à l'époque où les tribunaux
allemands ont commencé à appliquer ce traité de manière constante -
toutes ces périodes étant antérieures àla date critique. Le Liechtenstein
soutient quant à lui que la limitation temporelle figurant à l'alinéaa) de
l'article 27 de la convention européenne sur le règlement des différends

29 CERTAINS BIENS (OP. OISS. KOOUMANS) 32

doit êtreinterprétéecomme visant les faits ou les situations à l'égarddes­
quels le différend est né:en d'autres termes, il conviendrait de rechercher

la «violation déjà parfaite du droit international, violation qui engage­
rait par elle-mêmeet immédiatement la responsabilité internationale})
(CR 2004/25, p. 25, par. 29). A cet égard, le Liechtenstein fait état d'une
position commune des Parties, dont les autorités allemandes se seraient
écartéesaprès 1990 (requêtedu Liechtenstein, par. 9).
10. J'estime qu'en procédant ainsi le Liechtenstein a embrouilléles ques­

tions pertinentes en l'espèce.Peut-êtrel'Allemagne et le Liechtenstein consi­
déraient-ils ou considèrent-ils toujours l'un et l'autre que les confiscations
de biens liechtensteinois opéréesen application des décrets Benes étaient
îllicites, maisette question, je le répète,ne se pose pas dans le cadre du
présentdifférend.Il n'y a jamais eu de position commune, ni mêmede posi­
tion unilatéraleadoptéeexpressémentou implicitement par l'Allemagne sur

la question de l'application de la convention Sur le règlement de 1952 aux
biens saisis ou confisqués appartenant à des ressortissants d'Etats neutres
(voir mémoiredu Liechtenstein, p. 62, par. 3.15 et3.16). 11n'existait dès
lors aucune position que les autorités allemandes, après 1990, auraient pu
modifier. La question ne s'est tout simplement pas posée.
Il. C'est donc fort justement que la Cour fait observer qu'elle

({ne dispose d'aucune base pour conclure que, avant les décisionsdes
juridictions a.llemandes dans l'affaire du Tableau de Pieter van Laer,
aurait existéentre le Liechtenstein et l'Allemagne une entente ou un

accord tel que les biens liechtensteinois saisis à l'étranger, en tant
qu'«avoirs allemands à l'étrangen" au titre des réparations ou en
raison de la guerre auraient échappéaux dispositions de la conven­
tion sur le règlement" (arrêt,par. 50).

Cependant, dans le mêmeparagraphe, la Cour, sans avancer beaucoup
d'arguments, dit que,

«[e]n outre, les juridictions allemandes ont toujours jugé que la
convention sur le règlement leur interdisait de se prononcer sur la
licéitéde toute confiscation de biens traités par l'Etat qui en était
l'auteur comme des biens allemands".

C'est dans ce passage que la Cour n'a pas bien appréciél'objet véritable
du différend: l'observation qu'elle fait ne prouve pas qu'il existait déjà
une jurisprudence au sujet de biens neutres saisis ou confisqués, ni une
position constante de l'Allemagne sur ce point.
12. L'Allemagne fait valoir qu'elle a constamment interprétél'article 3

du chapitre sixième de la convention sur le règlement comme faisant ob­
stacle à l'examen par les juridictions allemandes de la licéitéde toute
mesure prise contre des biens considéréscomme des biens allemands par
l'Etat qui les avait confisqués. A cet égard, l'Allemagne présente en par­
ticulier comme revêtantun caractère décisifla décision de la Cour fédé­
rale de justice du Il avril1960 (exceptions préliminaires de l'Allemagne,

p. 18, par. 20-21 ; annexe 3, p.46), dans laquelle celle-ci a considéréque

30 CERTAINS BIENS (OP. mss. KOOJJMANS) 33

c'était l'intention de l'autorité du pays étranger de confisquer le bien en
tant que bien allemand qui étaitdétenninante aux fins de l'application de
cet article de la convention sur le règlement. Selon l'Allemagne, les dé­
cisions des tribunaux en l'affaire du Tableau de Pieter )lan Laer n'ont

fait que confirmer cette jurisprudence (exceptions préliminaires de l'AHe­
magne, p. 54, par. 87). Le prétendu changement de position ne serait
donc qu'une invention du Liechtenstein.
13. Toutefois, l'élémentdécisif n'est pas que les tribunaux allemands
aient, en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, confirmé la jurispru­

dence antérieure, mais qu'ils l'aient appliquée - pour la première fois -
à des biens neutres, introduisant de ce fait un élémentnouveau. A cet
égard, il est important d'ana.lyser la décision de la Cour fédéralealle­
mande du 11 avril 1960 car, de toutes les décisions citées, c'est la plus

proche de celles prises en l'affairedu Tableau de Pieter van Laer. En
1960, voici ce que la Cour fédéralea dit:

«(m]éme si les conditions requises au paragraphe 3 de l'article 3
du chapitre sixième de la convention sur le règlement ne sont pas
réunies, les juridictions allemandes n'ont pas compétence pour
connai"tre d'une affaire dans laquelle la partie demanderesse
cherche à soulever une objection contre une mesure visée au

paragraphe 1 de J'article 3 du chapitre sixième de la convention sur
le règlement ... il suffit, pour que lesdites dispositions soient appli­
cables, que les avoirs aient étésaisis en tant qu'avoirs allemands»
(exceptions préliminaires de l'Allemagne, annexe 3, p. 47-48).

14. Les faits relatifs à cette affaire (pour autant que j'aie pu les vérifier)
montrent bien que cette décision ne saurait étayer l'argument selon lequel
le différend dont la Cour est saisie concerne des faits ou situations anté­

rieurs à 1980. Dans l'affaire de 1960, la demanderesse, qui n'avait pas la
nationalité allemande, prétendait que la défenderesse n'était pas proprié­
taire des avoirs en question à l'époque où ils avaient ét~ai~ en sapplica­
tion d'une ordonnance d'envoi en possession américaine prise Sur la base
de la loi surle commerce avec l'ennemi. La demanderesse affirmait que

ces avoirs lui appartenaient et que, de ce fait, la défenderesse ne pouvait
engager d'action au civil à leur sujet. La Cour fédéralede justice alle­
mande rejeta la demande, en invoquant l'article 3 du chapitre sixième de
la convention sur le règlement: «c'est à l'Etat ayant saisi les avoirs qu'il
appartient exclusivement de décider si ... lesdits avoirs élaient allemands
ou étrangers» (ibid., p. 48).

15. Or, dans l'affaire de 1960, les avoirs avaient étésaisis en tant
qu'avoirs appartenant à un ressortissant allemand, et il y avait donc lieu
d'appliquer la convention sur le règlement puisque la saisie rentrait bel et
bien dans la définition énoncéeau paragraphe 1 de l'article 3. A cet

égard, peu importait qu'en réalitéles avoirs aient probablement appar­
tenu non pas à la défenderesse allemande, qui avait peut-être étéconsi­
dérée par erreur comme propriétaire, mais à une personne n'ayant pas la
nationalité allemande.

31iT

CERTAINS BIENS (or. DISS. KOOIJMANS) 35

21. Il est certes incontestable que, comme le dit la Cour, les décisions
des tribunaux aHemands en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer ne

peuvent êtreséparéesdes décrets Benes et de la convention sur le règle­
ment, qui sont tous antérieurs à la date critique de 1980, mais je doute
fort que l'on puisse en conclure que ces décisions (<nesauraient, en consé­
quence, êtreregardées comme étant à l'origine ou constituant la cause
réelledu différend entre le Liechtenstein et l'Allemagne» (arrêt, par. 51).
La Cour, avant de parvenir à cette conclusion, a analysé sa jurisprudence

et celle de sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale, en
matière de limitations temporelles de mêmetype figurant dans des décla­
rations faites au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut (arrêt,
par. 40-42).Je trouve cette analyse utile, mêmes'il faut admettre que, dans
ces diverses décisions, ce sont essentiellement les circonstances propres

à !'espèce qui sont examinées et qu'elles ne font dès lors pas ressortir
de politique généraleclaire. Je ne peux toutefois me rallier à la conclusion
que la Cour tire de cette analyse.
22. La Cour voit manifestement une analogie entre la présente affaire
et celle des Phosphates du Maroc. Dans cette affaire, la Cour permanente
de Justice internationale releva que 4dJes situations ou des faits posté­

rieurs à la [date critique de 1931] ne détermin[ai]ent la juridiction obliga­
toire que si c'[était]à leur sujet que s'[était] élevéle différend» (arrêt,
1938, c.P.J.!. sérieAIR nO 74, p. 24). Elle conclut ensuite qu'un certain
nombre de dahirs (actes législatifs), adoptés en 1920 et prétendument i1li­
cites, constituaient les faits essentiels qui étaient véritablementà l'origine

du diffërend. Ces «faits», en raison de leur date, échappaient à la com­
pétence de la Cour (ibid., p. 26).
L'Italie avait fait valoir en outre un déni de justice dont ses ressortis­
sants auraient étévictimes et qui serait devenu irrémédiable du fait de
certains actes postérieurs à la date critiq ue. La Cour fit cependant obser­
ver que ce volet de la demande ne pouvait êtreséparéd'une décision du

service des mines, fondée sur les dahirs de 1920 et prise en 1925; il était
donc impossible de procéder à l'examen de ce grief non plus sans élargir
la compétence de la Cour à un fait qui, en raison de sa date, èchappait à
celle-ci (ibid., p. 29).
23. J'interprète cette dernière partie de l'arrêtcomme signifiant que, si
la décision du service des mines avait étéprise après la date critique, la
Cour n'aurait pas jugé la limitation temporelle applicable à ce volet de la

demande de l'Italie, malgré le fait que cette décision fût fondée sur les
dahirs de 1920. Bien qu'il existe incontestablement des différences entre
un acte administratif et une décision juridictionnelle, cette situation est
comparable à celle de la présente espèce, dans laquelle la convention sur
le réglement, entrée en vigueur avant la date critique, a étéappliquée

pour la première fois à des biens neutres après la date critique.
24. Cette interprétation rapprocherait en outre le présent différend de
celui de l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie,
dans laquelle la Cour permanente de Justice internationale avait dit ce
qui suit:

33 CERTA!NS BIENS (01'. mss. KOOIJMANS) 36

«[iJIest vrai qu'un différend peut présupposer l'existence d'une situa­
tion ou d'un fait antérieur, mais il ne s'ensuit pas que le différend
s'éléveau sujet de cette situation ou de ce fait. Il faut que la situation
ou le fait au sujet duquel on prétend que s'est élevéle différend en

soit réellement la cause.» (Arrêt, 1939, c.P.J.J. série AIE n" 77,
p. 82.)

En la présente espèce, la «cause réelle» du différend, ou son «fait géné-.
rateur», est l'application par les autorités allemandes de la convention
sur le règlement à des avoirs de ressortissants d'un Etat qui était neutre
au cours de la seconde guerre mondiale.

25. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la conclusion s'impose à
moi que la deuxième exception préliminaire de l'Allemagne ne saurait
être retenue. Je me dissocie en particulier de la conclusion de la Cour
selon laquelle ([s]i ces décisions ont bien déclenchéle différend opposant

le Liechtenstein à l'Allemagne, ce sont la convention sur le règlement et
les décrets Benes qui sont à l'origine ou constituent la cause réelle de ce
différend» (arrêt, par. 52). Cette conclusion, selon moi, fait fi de la
«situa tian nouvelle» crééepar ces décisions de justice.

26. Bien entendu, la Cour aurait pu conclure, comme elle l'avait fait en
l'affaire du Droit de passage, qu'elle n'était pas en mesure à ce stade de
déterminer les faits ou situations pertinents, puisq u'illui aurait fallu alors
procéder à un examen plus ample de la convention sur le règlement

de 1952, de son interprétation et de son application, ce qui aurait «impli­
qu[é] le risque de préjuger certains points étroitement liés au fond»
(C.J.J. Recueil 1957, p. 152). Si, en conséquence, la conclusion de la Cour
avait étéque l'exception n'était pas de nature exclusivement préliminaire,
mon vote n'aurait certainement pas éténégatif. Malheureusement, la pré­

sente décision de la Cour ne me laisse pas le choix.

C. LES AUTRES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

27. Je vais à présent examiner - assez brièvement - les autres excep­

tions préliminaires. Je le fais par acquit de conscience et comme consé­
quence logique de mon désaccord avec la décision prise par la Cour au
sujet de la deuxième exception.
28. Dans sa troisième exception, l'Allemagne affirme que le différend
porte sur des questions '1ui, au regard du droit intern ational, relèvent

exclusivement de la compétence nationale des Etats et que, de ce fait, la
requête échappe à la compétence de la Cour en vertu de l'alinéa b) de
l'article 27 de la convention européenne sur le règlement des différends, qui
prévoit que ce texte ne s'applique pas aux «différends portan t sur des ques­

tians q)le le droit international laissà la compétence exclusive des Etats».
29. Dans leur argumentation, les Parties se sont l'une et l'autre
appuyées pour beaucoup sur des règles et des principes de droit interna­
tional. Le défendeur a lui-même constamment invoqué ses obligations

découlant des accords et arrangements internationaux. Le différend ne

:Il 34

1

1•[:

CERTAINS BIENS .(OP.mss. KOOUMANS) 37

peut dèslors êtrerésoluqu'en ayant recours au droit international, ce qui
fait sortir l'affaire du champ de la compétence nationale. Comme le
releva la Cour permanente de Justice internationale dans son avis consul­
tatif surles DécrelSde nationalité promulgués en Tunisie el au Maroc,

« [D]èsque les titres invoquéssont de nature à permettre la conclu­
sion provisoire qu'ils peuvent avoir une importance juridique pour le

différend soumis ,.. l'on sort du domaine exclusif de l'Etat pour
entrer dans le domaine régi par le droit international.» (1923,
c.P.J./. sérieB n° 4, p. 26; les italiques sont de moi.)

La troisième exception n'est donc pas fondée.
30. La quatrième exception ne l'est, selon moi, pas davantage: l'Alle­
magne soutient que les demandes du Liechtenstein ne sont pas suffisam­

ment ètayées;or, il ressort de ses arguments qu'elle semble en avoir par­
faitement saisi l'objet et la portée. Lors du second tour de plaidoiries,e
conseil du Liechtenstein n'a pas ménagéses efforts pour expliquer en
quoi consistaient les demandes, mêmesi, ce faisant, il s'est aventuré loin
dans le domaine du fond.

31. Le paragraphe 2 de l'article 38 du Règlement de la Cour dispose in
fine que la requête«indique ... la nature precise de la demande et contient
un exposésuccinct des faits et moyens sur lesquels cette demande repose».
Cette disposition reprend une formulation adoptée par le comitéconsul­
tatif de juristes en920:

«[d]es conclusions ne sont pas encore prise:. sous leur forme défini­
tive dans la requête,celle-ci ne devant donner qu'une indication

d'ordre généralsuffisante pour préciserle litige et permettre à l'ins­
tance de s'ouvrir» (G. Guyomar, Commentaire du Règlement de la
Cour internationale de Justice, 1983, p. 236).

Selon moi, la requêtedu Liechtenstein, telle que préci~ déans son
mémoire, remplit cette condition de manière satisfaisante, mêmesi ses
demandes ne sont pas pleinement étayées quant à la situation juridique
de chacun des ressortissants liechtensteinois mentionnés.

32. Dans sa cinquième exception, l'Allemagne soutient que, quand
bien mêmeelle conclurait à sa compétence, la Cour devrait s'abstenir de
l'exercer, au motif que la demande du Liechtenstein exigerait qu'elle se
prononce sur la licéitéou l'illicéitéd'actes d'un Etat tiers n'ayant pas
consenti à la présente instance (la République tchèque en sa qualité

d'Etat successeur de la Tchécoslovaquie).
En l'e:.pèce,la Cour devrait en conséquencestatuer conformément à sa
décisionen l'affaire de l'Or monétaire, lorsqu'elle a dit que les intérêts
juridiques d'un Etat tiers (l'Albanie) «seraient non seulement touchéspar
une décision, mais constitueraient l'objet mêmede ladite décision» (Or

monétaire pris à Rome en 1943, arrêt, c.rI. Recueil 1954, p. 32), éta­
blissant ainsice qu'il est convenu d'appeler le principe de la «tierce partie
indispensable».

35 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. KOOUMANS) 38

33. Le Liechtenstein conteste que l'ilJicéitéalléguéedes décrets Benes
soit «l'objet mêmedu différend». Selon lui, J'objet du différend est que
l'Allemagne a appliqué àdes avoirs liechtensteinois le régimedes répara­
tions prèvu àl'article 3 du chapitre sixièmede la convention sur le règle­
ment. La seule question à laquelle le Liechtenstein prie la Cour de ré­

pondre, c'est celle de savoir si J'AIJemagne avait le droit de le faire.
11est possible selon lui d'y répondre sans examiner la conformité des
décrets BeneS au droit international (CR 2004/25, p. 54-55, par. 15).

34. Comme je l'ai déjàindiq ué,dans sa demande, le Liechtenstein prie

la Cour de juger si l'Allemagne a agi illicitement en traitant, pour la pre­
mière fois en 1995, des avoirs liechtensteinois comme des avoirs alle­
mands à l'étranger aux fins de la convention sur le règlement, portant
ainsi atteinte à la neutralité et à la souveraineté du Liechtenstein. A
l'égard de cette demande-là, les décrets BeneS ne sont que de simples

faits, dont la licéitéou l'illicéiténe constitue pas l'objet du diftërend. La
Cour pouvait donc, selon moi, rendre un jugement déclaratoire sur la
demande du Liechtenstein.
11était bien sûr loisiblà la République tchèque d'adresser une requête
à fin d'intervention, conformément à l'article 62 du Statut. Mais, comme
l'a dit la Cour,

«l'absence d'une telle requêten'interdit nullement à la Cour de sta­
tuer sur les prétentions quilui sont par ailleurs soumises pour autant

que les intérêtsjuridiques de l'Etat tiers éventuellement affectés ne
constituent pas l'objet mêmede la décision sollicitée» (Certaines
terres à phosphates il Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préli­
minaires, arrét. CI. 1. Recueil 1992, p. 261, par. 54).

35. De la mêmemanière, les autres parties à la convention sur le règle­
ment de 1952 et à l'échangede notes des 27 et 28 septembre 1990, qui ont
maintenu en vigueur les dispositions de la convention pertinentes en
l'espèce,auraient pu intervenir en application de l'article 63 du Statut si

l'aflaire était parvenue au srade du fond. Toutefois, cela ne constituait
pas pour autant un motif permettant de retenir la cinquième exception
préliminaire.
36. Cependant, le Liechtenstein a demandé non seulement un juge­
ment déclaratoire, mais également réparation. Ce volet de la demande est
assez complexe, et il ne saurait être exclu qu'il eût fallu, pour l'examiner,

aborder la question de la licéitèdes décrets Benes. Mais tout cela relève
du fond. Il eût éténéanmoins prudent de faire alors observer, comme en
l'affaire Nauru, que la décision de la Cour au stade actuel de l'instance
~<n préjugerait]en rien le fond» (CI.l. Recueil 1992, p. 262, par. 56), ou

de joindre l'exception au fond au motif qu'elle n'avait pas un caractère
,' exclusivement préliminaire.
37. Enfin, ]'Allemagne soutient que la requêtedu Liechtenstein n'est
pas recevable parce que les ressortissants liechtensteinoisn'ont pas épuisé
les voies de recours internes.

36-'-1-'--'------------------------------ - --- -----

CERTAINS BIENS (OP. DISS. KOOIJMANS) 39

38. Les demandes formulées par le Liechtenstein dans sa requêtesont
«mixtes»), certaines étant présentéesen son nom propre et d'autres dans
l'exercice de sa protection diplomatique pour le compte de certains de ses
ressortissants. Dans la mesure où les demandes concernent la violation de
la souveraineté et du statut d'Etat neutre du Liechtenstein, l'épuisement

des voies de recours internes n'est pas requis puisque le demandeur pré­
sente ces demandes en son nom propre (Avena et autres ressortissants
mexicains (Mexique c. Etats-Unis d·Amérique). arrêt, c.l.l. Recueil
2004, p. 36, par. 40).

39. Pour ce qui est des demandes du Liechtenstein faites dans l'exer­
cice de la protection diplomatique à l'égardde ses ressortissants, on peut
affirmer sans risque que le prince régnant de l'époque avait épuisétoutes
les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes, puisqu'il a notam­

ment saisi la Cour européenne des droits de l'homme. La demande du
Liechtenstein présentéepour le compte du prince est donc recevable elle
aussi.
Quant à ses autres ressortissants, le Liechtenstein soutient qu'il n'y
avait pas lieu pour eux d'épuiser les voies de reCOurs internes, celles-ci

s'étant révéléefsutiles dans le cas du prince régnant de l'époque.

Cet argument a beau sembler convaincant, il ne répond pas aux ques­
tions sous-jacentes qui consistent à savoir pourquoi et sur quel fonde­

ment il faudrait s'attendre à ce que les autres ressortissants liechtenstei­
nois demandent réparation devant un tribunal allemand. A l'inverse du
prince, dont l'ancien bien - la toile de van Laer - se trouvait en terri­
toire allemand, ces autres ressortissants liechtensteinoîs ne sont aUCune­

ment fondésà saisir les tribunaux allemands,' leurs biens ne s'étantjamais
trouvés sous la juridiction nationale de l'Allemagne; en outre, il n'existe
aucune décision contre laquelle ils auraient pu fonner un recours.
40. Cette question est toutefois sans rapport avec la condition de
l'épuisement des voies de recours internes. Il s'agit tout simplement de

savoir si le moyen tirépar le Liechtenstein de la violation par l'Allemagne
de ses obligations envers ces autres ressortissants liechtensteinois peut
résister à l'examen juridique, mais c'est là une question de fond - celle
de savoir si l'Allemagne, du fait des décisions prises par ses tribunaux, a

manqué à ses obligations internationales envers ces personnes.
41. Puisque le Liechtenstein présente ses demandes en son nom propre
et aussi dans le cadre de l'exercice de sa protection diplomatique pour le
compte de j'un de ses ressortissants - le prince régnant de l'époque -
qui a épuisétoutes les voies de recours internes, la sixième exception de

l'Allemagne n'est pas fondée.
42. En conclusion, je réitèremon opinion, qui est que la Cour avait
compétence pour connaître de l'affaire et que la requête du Liechtenstein
était recevable.

(Signé) Pieter H. KOOIJMANS.

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DISSENTlNG OPINION OF JUDGE KOOIJMANS

Existence of a dispute -Subject-matter of the dispule.
Limitation ratione temporis - Facts and situations prior to critical date -
Whether Germany changed ilS position - Previous case laH!of German courlS
on application of Selliement Convention - Application of Conventionla seized
neu/ral asselS in Pieter van Laer Painting case eSlablished new situatiolt -
Jurisprudence of Permanenr CaurI of International Justice and International
Court of Justice - Objection on temporal limitation unfounded.

Other preliminary objec/ioTis without merit.

1. To my regret, 1 find myself unable to subscribe to the Court's find­
ing that Gerrnany's second preliminary objection must be upheld, and
that it thus has no jurisdiction to entertain Liechtenstein's Application.
In the following pages, 1will state the reasons for my disagreement with
the Court's conclusion. Since 1 am of the opinion that the Court has
jurisdiction and that Liechtenstein's Application is admissible, 1will sub­

sequently consider - albeit briefty - the preliminary objections raised
by Germany which have not been dealt with by the Court
2. The present case epitomizes the need to distinguish sharply between
preliminary issues and matters of substance. In their reasoning on the
preliminary objections, both Parties to this rather peculiar case have used
arguments which actually belong to the merits. That is perhaps unsur­

prising: the interpretation and application of the relevant provisions of
the 1952 Settlement Convention, which are at the centre of the dispute,
are a1so of relevance for the consideration of preliminary questions, in
particular those involved in the second and fifth objections. That makes
it ail the more important not to confuse preliminary or ma.inly procedural
matters and substantive issues.

In the following, 1 will try to confine myself strictly ta wha! 1consider
to be the preliminary issues. Whatever my views on the validity of Liech­
tenstein'sdaims may be, they are not relevant to the present stage of the
proceedings. Since the case will not reach the merits phase, 1 will refrain
from any comments in that respect.

A THE SUBJECT-MATIER OF THE DISPUTE

3. 1share the Court's view that Germany's first preliminary objection,
according to which there i8 no dispute between the Parties to the case,

27

130 CERTAIN PROPERTY (mss. oP, KOOIJMANS)

must be dismissed. Liechtenstein daims that Germany has breached obli­

gations owed to it under internationallaw; Germany emphatically denies
this daim. As the Court states, Liechtenstein's daim was positively
opposed by Germany, and there is credible and convîncing evidence that,
on various occasions, Germany recognized the existence of a dispute
(Judgment, para. 25).

4. Germany has reproached Liechtenstein for artificially transforming
its long-standing dispute with Czechoslovakia and its succes&or State(s)
about the confiscation of Liechtenstein property under the Benes
Decrees - the alleged unlawfulness ofthis confiscation is not a matter of
dispute between Liechtenstein and Germany - into a dispute with Ger­

many. This contention makes itail the more necessary to determine the
subject-matter of the dispute which has been brought before the Court.
ln the Right of Passage case, where the parties were as much in disagree­
ment as to what the lega! dispute belore the Court was as in the present
case, the Court stated, "[i]n order to form a judgment as to the Court's
jurisdiction it is necessary to consider what is the subject of the dispute"

(Right of Passage over fndian Territory, Merits, ludgment, !.Cl. Reports
1960, p. 33); and, as in the present case, the Court did so, before dealing
with the preliminary objection concerning a limitation ralione temporis.
5. In its Application, Liechtenstein describes the dispute as concerning

"decisions of Germany, in and after 1998, to treat certain property
of Liechtenstein nationals as German assets having been 'seized for
the purposes of reparatiol1 or restitution, or as a result of the state of
war' [this wording reproduces that u&edin the 1952 Convention on

the Seulement of Matters Arising out of the War and the Occupa­
tion, hereinafter, "Settlement Convention"] ... without ensuring
any compensation for the loss of that property to its owners, and to
the detriment of Liechtenstein itself' (Application of Liechtenstein,
para. 1).

Whereas Germany contends that its courts had no choice but to apply
Article 3, Chapter Six, of the Seulement Convention in the Pierer Van
Laer Painting case (as described in paragraph !6 of the Judgment),
Liechtenstein maintains that by so doing they violated Liechtenstein's

rights under general internationallaw, thus engaging Germany's interna­
tianal responsi bility.

The subject-matter of the dispute is, therefore, not whether Germany
was under a treaty obligation ta apply the relevant provisions of the

Settlement Convention to property confiscated during or after the
Second World War by Allled States, but whether Germany could law­
fuHy apply it to confiscated property belonging to nationals of aState
which remained l1eutral during that war and which, moreover, is not a
party to that Convention.

28 CERTAINS BIENS (OP. mss, KOOIJMANS) 30

lërend entre les Parties, doit êtrerejetée. Le Liechtenstein prétend que

l'Allemagne a manq ué aux obligations auxquelles celle-ci était tenue à
son égard en vertu du droit international; l'Allemagne rejette catégori­
quement cette allégation. Comme le relévela Cour, les revendications du
Liechtenstein se sont heurtéesà l'opposition manifeste de l'Allemagne, et
des élémentsconvaincants et dignes de foi montrent que, à diverses occa­
sions, l'Allemagne a reconnu l'existence d'un différend (arrêt,par. 25).

4. Le défendeur a reproché au Liechtenstein d'avoir artificiellement
transfOlmé en différend avec l'Allemagne celui, ancien, qui l'oppose à la
Tchécoslovaquie et aux Etats qui lui ont succédéau sujet de la confisca­
tion de biens liechtensteinois opéréeen application des décrets Benes:
l'illicéitéalléguéede cette confiscation n'est pas une question litigieuse

entre les deux pays. Cet argument ayant étésoulevé, il est d'autant plus
nécessairede déterminer l'objet du différend dont la Cour est saisie. En
l'affaire du Droit de passage, dans laquelle les parties divergeaient autant
qu'en la présentequant à l'objet du différendjuridique, la Cour a dit que,
«[plour apprécier [sa] compétence ..., il [fallait] considérer quel [était]
l'objet du différend» (Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt,

ClJ. Recueil 1960, p. 33) et, comme en la présente espèce, c'est effecti­
vement ce qu'a fait la Cour, avant d'examiner l'exception préliminaire
portant sur une limitation raliane ternporis.
5. Dans sa requête,le Liechtenstein indique que le différend porte sur
des

«décisions prises en 1998 et depuis lors par l'Allemagne qui tenden t
à traiter certains biens de ressortissants du Liechtenstein comme des
avoirs allemands ({saisis au titre des réparations ou des restitutions,

ou en raison de l'état de guerre» [ce libelléreprend celui employé
dans la convention sur le règlement de questions issues de la guerre
et de l'occupation de 1952, ci-après la ((convention sur le
règlementl>]..., sans prévoir d'indemniser leurs propriétaires pour la
perte de ces biens, et au détriment du Liechtenstein lui-même»
(requètedu Liechtenstein, par. J).

Si l'Allemagne soutient que ses tribunaux n'avaient d'autre choix que
d'appliquer l'article 3 du chapitre sixième de la convention sur le règle­
ment en j'affaire du Tahleau de Pieter van Laer (résuméeau para­

graphe 16 de l'arrêt),le Liechtenstein fait valoir que, ce faisant, ces tribu­
naux ont porté atteinte aux droits qui étaient les siens en vertu du droit
international général,engageant ainsi la responsabilité internationale de
l'Allemagne,
L'objet du différendn'est donc pas de savoir si l'Allemagne étaittenue,
en vertu d'un traité, d'appliquer les dispositions pertinentes de la conven­

tion sur le règlement à des biens confisquéspar les Etats alliéspendant ou
après la seconde guerre mondiale, mais si elle pouvait à bon droit les
appliquer à des biens confisqués appartenant à des ressortissants d'un
Etat resténeutre au cours de cette guerre et qui, au surplus, n'est pas par­
tieà cette convention.

2831 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. KOOTJMANS)

6. Likewise, the relevant question is not whether the German courts
were obliged or entitled under internationallaw to apply a legality test to
Czechoslovak expropriations of assets of Liechtenstein nationals. Coun­
sel for Germany stated,

"[I]eaving aside the issue of the Settlement Convention, German
courts would have applied rules of private internationallaw and the
international law of confiscations. They would have rejected any

claim concerning movable property confiscated more than 50 years
ago." (CR 2004/24, p. 28, para. 75; see also Preliminary Objections
of Germany, pp. 56-59, paras. 91-95.)

"Leaving aside the Settlement Convention" would, however, transform
the dispute into a completely different one, which has not been submitted
ta the Court. The question the Court is asked to answer is whether the
German authorities could lawfully apply the Seulement Convention ta
neutral assets or - ta put it differently - whether neutral assets could be
considered as "German external assets or other property, seized fOf the

purpose of reparation or restitution, or as a result of the state of war" for
the purposes of applying the Seulement Convention. From this point of
view, the legality or illegality of the confiscation of Liechtenstein prop­
erty under the BeneS Decrees is irrelevant, and the Court is not asked to
consider that issue.

7. For these reasons, 1 agree with the Court's identil"ication of the
subject-matter of the dispute in paragraph 26 of the Judgment.

B. THE LIMITATION RAT/ONE TEMPORIS

8. Once the subject of the dispute has been defined, it becomes possible
ta consider whether that dispute relates "to facls or situations prior to the
entry into force" of the 1957 European Convention on Dispute Settle­
ment and th us, by virtue of ils Article 27 (a), is excluded from the juris­
diction of the Court, as Germany maintains in its second preliminary
objection. The critical date in this respect is18 February 1980, the date

on which the European Convention entered into force as between the two
States.
9. The Parties agree that the present controversy between them has
arisen not earlier than 1995. According to Germany, however, it relates
to facts or situations dating from 1945, the year when the Benes Decrees
were promulgated; or from 1955, the year of the entry into force of the

Settlement Convention; or from the consistent application 0f the latter
by the German courts - ailof which predate the critical date. Liechten­
stein, for its part, contendsthat the temporal limitation of Article 27 (a)
of the European Convention on Dispute Settlement must be interpreted
as referring to factsor situations with regard to which the dispute arose:

29 CERTAINS BIENS (OP. mss. KOOlIMANS) 31

6. De même,la question qui se pose n'est pas de savoir si les tribunaux
allemands avaient l'obligation ou le droit, en vertu du droit international,
d'examiner la licéitéd'expropriations par la Tchécoslovaquie d'avoirs
ayant appartenu à des ressortissants liechtensteinois. Comme l'a dit le
conseil de l'Allemagne,

«abstraction faite de la convention sur le règlement, les juridictions
allemandes auraient appliqué les régIesdu droit international privé
etdu droit international en matière de confiscation, et elles auraient

rejetétoute demande concernant des biens meubles confisqués il y a
plus de cinquante ans» (CR2004124, p. 23, par. 75; voir également
exceptions préliminaires de l'Allemagne, p. 28-29, par. 91-95).

«Faire abstraction de la convention sur le règlement» transformerait
cependant le différend en un autre, totalement distinct, dont la Cour n'a
pas étésaisie. La question à laquelle celle-ci est priée de répondre est
de savoir si les autorités allemandes pouvaient à bon droit appliquer
la convention sur le règlement à des biens neutres ou - en d'autres

termes - sides biens neutres pouvaient être considérés comme des
~ ~voirs allemands à l'étranger ou des autres biens saisis au titre des
réparations ou des restitutions, ou en raison de l'état de guerre» aux
fins de l'application de la convention sur le règlement. De ce point de
vue, la question de la /iceitéou de l'ilIicéitéde la confiscation de biens
liechtensteinois en application des décrets Benes ne se pose pas, et la

Cour n'était d'ailleurs pas priéede l'examiner.
7. Pour ces raisons, je souscris à la définition de l'objet du différend
donnée par la Cour au paragraphe 26 de son arrêt.

B. LA LIMITATION RATlONE TEMPORIS

8. Une fois défini l'objet du différend, il devient p01;sible d'examiner si
celui-ci concerne des «faits ou situations antérieuàsl'entrée en vigueur»
de la convention européenne de 1957 sur le règlement des différends,
auquel cas, en application de l'alinéa) de l'article 27 de ce traité, le dif­
férend échapperait à la compétence de la Cour, comme l'Allemagne le

soutient dans sa deuxième exception préliminaire. La date critique à cet
égard est le 18 février 1980, date de l'entréeen vigueur de la convention
européenne entre les deux Parties.
9. Les Parties conviennent que le différend qui les oppose à l'heure
actuelle ne s'estpas élevéavant 1995. Toutefois, selon l'Allemagne, il
concerne des faits ou situations remontant à 1945- annéede promulga­

tion des décrets Benes -, ou 1955 - année d'entrée en vigueur de la
convention sur le règlement -, ou encore à l'époque où les tribunaux
allemands ont commencé à appliquer ce traité de manière constante -
toutes ces périodes étant antérieures àla date critique. Le Liechtenstein
soutient quant à lui que la limitation temporelle figurant à l'alinéaa) de
l'article 27 de la convention européenne sur le règlement des différends

2932 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. KOOlJMANS)

"what is ... the 'definitive act which would, by itself, directly involvc
international responsibility'" (CR 2004/25, p. 25, para. 29). ln this respect,
Liechtenstein has referred to a common position of the Parties and a sub­
sequent change of position by the German authorities which allegedly
occurred in the years after 1990 (Application of Liechtenstein, para. 9).

10. By so doing, Liechtenstein, in my view, has obscured the relevant
issues. Both Germany and Liechtenstein may have considered or still
consider the confiscation of Liechtenstein property under the BeneS

Decrees as unlawful, but this is a matter which - l repeat - is not rele­
vant to the present dispute. At no time was there a common position, or
even an explicit or implicit unilateral one on the part of Germany, on the
question of whether seized or confiscated property of nationals of neutral
States was covered by the 1952 Settlement Convention (see Memorial of

Liechtenstein, p. 62, paras. 3.15 and 3.16). Consequent!y, there was no
position which, in the years after 1990,could have been changed by the
German authorities. That issue simply had not presentcd itself.

II. Thc Court, thereforc, correctly observes that it

"has no basis for concluding that prior to the decisions of the
German courts in the Pieter lIan Laer Painting case, there existed
a common understanding or agreement between Liechtenstein

and Germany Ihat the Settlement Convention did not apply to the
Liechtenstein property seized abroad as 'German exteroal assets'
for the purposes of reparation as a result of the war" (Judgment,
para. 50).

In the same paragraph, however, the Court, without much argument,
states,

"[m]oreover, German courts have consistently held (hat the Settle­
men! Convention deprived them of jurisdiction to addres5 the legal­
ity of any confiscation of property treated as German property by
the coufiscating State".

It is this sentence which fails to appreciate properly the true subject­
matter of the dispute: the Court's observation does not constitute evidence

of already existing case law with regard to seized or confiscated neutral
pro pert y, nor of an unaltered position of Germany in this regard.
12. Germany argues that it has consistently interpreted Article 3,
Chapter Six, of the Seulement Convention as barring German courts
from looking Înto the lawfulness of any measures against property con­

sidered German property by the confiscating State. ln this respect, Ger­
many refers, in particular, to the decision of the Federal Court of Justice
of Il April 1960 (Preliminary Objections of Germany, p. 18, paras. 20-
21; Ann. 3, p. 46) as being pivotaI since, in that decision, the Court stated
that it is thin(en1ion of the authority of the foreign country to confiscate

30 CERTAINS BIENS (OP. OISS. KOOUMANS) 32

doit êtreinterprétéecomme visant les faits ou les situations à l'égarddes­
quels le différend est né:en d'autres termes, il conviendrait de rechercher

la «violation déjà parfaite du droit international, violation qui engage­
rait par elle-mêmeet immédiatement la responsabilité internationale})
(CR 2004/25, p. 25, par. 29). A cet égard, le Liechtenstein fait état d'une
position commune des Parties, dont les autorités allemandes se seraient
écartéesaprès 1990 (requêtedu Liechtenstein, par. 9).
10. J'estime qu'en procédant ainsi le Liechtenstein a embrouilléles ques­

tions pertinentes en l'espèce.Peut-êtrel'Allemagne et le Liechtenstein consi­
déraient-ils ou considèrent-ils toujours l'un et l'autre que les confiscations
de biens liechtensteinois opéréesen application des décrets Benes étaient
îllicites, maisette question, je le répète,ne se pose pas dans le cadre du
présentdifférend.Il n'y a jamais eu de position commune, ni mêmede posi­
tion unilatéraleadoptéeexpressémentou implicitement par l'Allemagne sur

la question de l'application de la convention Sur le règlement de 1952 aux
biens saisis ou confisqués appartenant à des ressortissants d'Etats neutres
(voir mémoiredu Liechtenstein, p. 62, par. 3.15 et3.16). 11n'existait dès
lors aucune position que les autorités allemandes, après 1990, auraient pu
modifier. La question ne s'est tout simplement pas posée.
Il. C'est donc fort justement que la Cour fait observer qu'elle

({ne dispose d'aucune base pour conclure que, avant les décisionsdes
juridictions a.llemandes dans l'affaire du Tableau de Pieter van Laer,
aurait existéentre le Liechtenstein et l'Allemagne une entente ou un

accord tel que les biens liechtensteinois saisis à l'étranger, en tant
qu'«avoirs allemands à l'étrangen" au titre des réparations ou en
raison de la guerre auraient échappéaux dispositions de la conven­
tion sur le règlement" (arrêt,par. 50).

Cependant, dans le mêmeparagraphe, la Cour, sans avancer beaucoup
d'arguments, dit que,

«[e]n outre, les juridictions allemandes ont toujours jugé que la
convention sur le règlement leur interdisait de se prononcer sur la
licéitéde toute confiscation de biens traités par l'Etat qui en était
l'auteur comme des biens allemands".

C'est dans ce passage que la Cour n'a pas bien appréciél'objet véritable
du différend: l'observation qu'elle fait ne prouve pas qu'il existait déjà
une jurisprudence au sujet de biens neutres saisis ou confisqués, ni une
position constante de l'Allemagne sur ce point.
12. L'Allemagne fait valoir qu'elle a constamment interprétél'article 3

du chapitre sixième de la convention sur le règlement comme faisant ob­
stacle à l'examen par les juridictions allemandes de la licéitéde toute
mesure prise contre des biens considéréscomme des biens allemands par
l'Etat qui les avait confisqués. A cet égard, l'Allemagne présente en par­
ticulier comme revêtantun caractère décisifla décision de la Cour fédé­
rale de justice du Il avril1960 (exceptions préliminaires de l'Allemagne,

p. 18, par. 20-21 ; annexe 3, p.46), dans laquelle celle-ci a considéréque

30 33 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. KOOlJMANS)

property as German property which is decisive for the application of this
Article of the Settlement Convention. According to Germany, this case
law has merely been confirmed by the court decisions in the Pieter van
Laer Painting case (Preliminary Objections of Germany, p. 54, para. 87).
The aHeged change of position i8, therefore, said ta be a fabrication by

Liechtenstein.

13. However, the pivotai issue is not that the German courts in the
Pieter van Laer Painting case confirmed the previous case law, but that
they applied it - for the first time - to neutral assets, and thus intro­

duced a new element ln this respect, it is important to analyse the deci­
sion of the German Federal Court of !! April 1960 since, of al! the
decisions cited, itis most analogous to the decisions in the Pieter van
Laer Painting case. In 1960, the Federal Court stated,

"[eJven if the conditions of Article 3 paragraph 3 of Chapter Six
Seulement Convention are not fulfil!ed, German courts lack jurisdic­
tion in a case in whîch the Plaintiff is trying to raise an objection

against measures mentioned in Article 3, paragraph 1of Chapter Six
Settlement Convention ... For the application of this provision itis
sufficient that the assets were seized aS German assets." (Preliminary
Objections of Germany, Ann. 3, pp. 47-48.)

14. The underlying facts (as far as 1 have been able to ascertain them)

make clear that this decision cannot support the argument that the
present dispute before the Court relates to facts and situations prior to
1980. ln the 1960 case, the plaintiff, a non-German national, claimed that
the defendant did not have tide to the assets at the time when thev were
seizedunder a United States Vesting Order based upon the Tradin-g with
the Enemy Act. The plaintiff claimed tha! these assets had belonged to

her and, therefore, that the defendant could not raise a civil claim con­
cerning them. The German Federal Court of Justice rejected the daim,
invoking Article 3, Chapter Six, of the Settlement Convention: "whether
the assets seized ... were in fact German or foreign assets is to be decided
exclusively by the State which has seized the assets" (ibid., p. 48),

15. However, in the 1960 case, the assets had been seized as assets
belonging to a German national, and thus the application of the Settle­
fllentCon ventian was appropriate since the seizure itself came squarely
withîn the definîtion of paragraph 1 of Article 3. In this respect, it was

not relevant that in actual fact the assets probably had not belonged to
. the German defendant, who had perhaps mistakenly been considered to
be the owner, but to a non-national of Germany.

31 CERTAINS BIENS (OP. mss. KOOJJMANS) 33

c'était l'intention de l'autorité du pays étranger de confisquer le bien en
tant que bien allemand qui étaitdétenninante aux fins de l'application de
cet article de la convention sur le règlement. Selon l'Allemagne, les dé­
cisions des tribunaux en l'affaire du Tableau de Pieter )lan Laer n'ont

fait que confirmer cette jurisprudence (exceptions préliminaires de l'AHe­
magne, p. 54, par. 87). Le prétendu changement de position ne serait
donc qu'une invention du Liechtenstein.
13. Toutefois, l'élémentdécisif n'est pas que les tribunaux allemands
aient, en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, confirmé la jurispru­

dence antérieure, mais qu'ils l'aient appliquée - pour la première fois -
à des biens neutres, introduisant de ce fait un élémentnouveau. A cet
égard, il est important d'ana.lyser la décision de la Cour fédéralealle­
mande du 11 avril 1960 car, de toutes les décisions citées, c'est la plus

proche de celles prises en l'affairedu Tableau de Pieter van Laer. En
1960, voici ce que la Cour fédéralea dit:

«(m]éme si les conditions requises au paragraphe 3 de l'article 3
du chapitre sixième de la convention sur le règlement ne sont pas
réunies, les juridictions allemandes n'ont pas compétence pour
connai"tre d'une affaire dans laquelle la partie demanderesse
cherche à soulever une objection contre une mesure visée au

paragraphe 1 de J'article 3 du chapitre sixième de la convention sur
le règlement ... il suffit, pour que lesdites dispositions soient appli­
cables, que les avoirs aient étésaisis en tant qu'avoirs allemands»
(exceptions préliminaires de l'Allemagne, annexe 3, p. 47-48).

14. Les faits relatifs à cette affaire (pour autant que j'aie pu les vérifier)
montrent bien que cette décision ne saurait étayer l'argument selon lequel
le différend dont la Cour est saisie concerne des faits ou situations anté­

rieurs à 1980. Dans l'affaire de 1960, la demanderesse, qui n'avait pas la
nationalité allemande, prétendait que la défenderesse n'était pas proprié­
taire des avoirs en question à l'époque où ils avaient ét~ai~ en sapplica­
tion d'une ordonnance d'envoi en possession américaine prise Sur la base
de la loi surle commerce avec l'ennemi. La demanderesse affirmait que

ces avoirs lui appartenaient et que, de ce fait, la défenderesse ne pouvait
engager d'action au civil à leur sujet. La Cour fédéralede justice alle­
mande rejeta la demande, en invoquant l'article 3 du chapitre sixième de
la convention sur le règlement: «c'est à l'Etat ayant saisi les avoirs qu'il
appartient exclusivement de décider si ... lesdits avoirs élaient allemands
ou étrangers» (ibid., p. 48).

15. Or, dans l'affaire de 1960, les avoirs avaient étésaisis en tant
qu'avoirs appartenant à un ressortissant allemand, et il y avait donc lieu
d'appliquer la convention sur le règlement puisque la saisie rentrait bel et
bien dans la définition énoncéeau paragraphe 1 de l'article 3. A cet

égard, peu importait qu'en réalitéles avoirs aient probablement appar­
tenu non pas à la défenderesse allemande, qui avait peut-être étéconsi­
dérée par erreur comme propriétaire, mais à une personne n'ayant pas la
nationalité allemande.

3134 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. KOOJJMANS)

ln this decision, therefore, the Federal Court did not apply the Settle­

ment Convention to the confiscation or seizure of asset" which at the time
undoubtedly belonged to nationals of a neutral State.

16. rrespectfully disagree with the Court when it "points out that Ger­
man courts did not face any 'new situation' when dealing for the first
time with a case concerning the confiscation of Liechtenstein property as

a resultof the Second World War" and finds that "this case, like previous
ones on the confiscation of German external assets, was inextricably
linked to the Settlement Convention" (Judgment, para. 51).

17. In my view, this statement is beside the point, since it completely
ignores the issueofwhether the Settlement Convention can in any way be
considered as intended, at the time of its conclusion, to be applicable to
assets seized by the confiscating State as "German property for the pur­
pose of reparation or restitution, or as a result of the state of war",
whereas in actual fact these assets belonged to - and had belonged dur­

ing the whole peri ad of that state of war to - nation ais of a neutral
State. An affirmative answer ta that question - which would in any case
be part of the merits - would seriously affect the rights of neutrals under
international law, and such a decîsion had not been taken by German
courts previously.

18. My conclusion, therefore, can only be that the court decisions in
the Pieter van Laer Painting case applied the Seulement Convention ta
neutral assets for the very tirst time, and that this introduced the new cle­
ment 1 refcrred to earlier - or, to use the words of the Court, that the
German courts faced a "new situation".

19. For the present phase of the proceedings, it is also not relevant
that Germany contends that the then Reigning Prince's daim in the
Pieter van Laer Painting case would have been rejected anyhow, even
without the application of the Settlement Convention. Germany refers in
this respect to a decision of the Federal Court of Justice of 1991, where
the daim of the plaintiffs wus rejected on the basis of, inter alia, interna­

tional expropriation law (Preliminary Objections of Germany, pp. 56-57,
paras. 91-92; Ann. 4, p. 62; in that case, the Settlement Convention was
not applicable sinee it concerned expropriations carried out in the former
Soviet Zone of Occupation (East Germany) and thus not German exter­
nal assets).

20. As r stated previously, the question of whether Liechtenstein is
entitled to compensation by Germany, and, if sa, on what basis, is a mat­
ter for the merits and has no relation ta the question ofwhether the facts
or situations to which the dispute about the application of the Settlement
Convention relates are prior to the critical date.

3235 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. KOOlJMANS)

21. Jt is undou btedly true that, as the Court states, the decisions of the

German courts in the Pieter l'an Laer Painting case cannat be separated
from the Benes Decrees and the Settlement Convention, which ail pre­
date the 1980 critical date, but 1 have serious doubts as to whether this
justifies the conclusionthat "these decisions cannot consequently be con­
sidered as the source or real cause of the dispute" (Judgment, para. 51).
The Court, before coming to this conclusion, has analysed its case law

and that ofîts predecessor, the Permanent Court of International Justice,
concerning similar temporal limitations in declarations made under
Article 36, paragraph 2, of the Statute (Judgment, paras. 40-42). 1 con­
sider this analysis useful, even if it has to be admitted that the various
Court decisions are focused on the specifie case at hand and, therefore,

do not reHect a transparent general policy. 1 cannot, however, 5ubscribe
ta the conclusion the Court draws from this analysis.

22. The Court evidently sees an analogy between the present case and
the Phosphates in Morocco case. In that case, the Permanent Court of

International Justice noted that "situations or faets subsequent to [the
critical datein 1931] could serve ta found the Court's compulsory juris­
diction only if il was with regard to them that the dispute arase" (Judg­
ment, 1938, P.c.!.J., Series A/B, No. 74, p. 24). ft then found that a
number of dahirs (legislative aets), adopted in 1920 and which allegedly
were unlawful, constituted the essential facts which really gave rise to the

dispute. Such "facts", by reason of their date, fell outside the Court's
jurisdiction (ibid., p. 26).
Italy further relied on an alleged denial of justice to its nationals which
was said ta have become detinîtive as a result of certain acts subsequent
to the critical date. The Court, however, observed that that part of the
daim could not be separated from a decision of the Department of

Mines, based on the 1920 dahirs and taken in 1925; an examination of
that complaint, therefore, could not be undertaken either without extend­
ing the Court's jurisdiction ta a faet which, by reason of ils date, was not
subjeet thereto (ibid., p. 29).
23. 1 interpret this latter part of the Judgment as implying that, if the
decision of the Department of Mines had been taken after the critical

date, the Court would not have eonsidered the temporal limitation appli­
cable to that part of the ltalian daim, in spite of the fact that that deci­
sion had been based on the 1920 dahirs. While there are undoubtedly
differences between an administrative act and a court decision, that situa­
tion is comparable to the present dispute, where the Settlement Conven­

tion, which came into force prior to the critical date, was applied for the
tirst time to neutral assets after the critical date.
24. This reading would al80 bring the present dispute into line with
that of the Electricity Company of Sr!fia and Bulgaria case. In that case,
the Pennanent Court of International Justice stated,

33iT

CERTAINS BIENS (or. DISS. KOOIJMANS) 35

21. Il est certes incontestable que, comme le dit la Cour, les décisions
des tribunaux aHemands en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer ne

peuvent êtreséparéesdes décrets Benes et de la convention sur le règle­
ment, qui sont tous antérieurs à la date critique de 1980, mais je doute
fort que l'on puisse en conclure que ces décisions (<nesauraient, en consé­
quence, êtreregardées comme étant à l'origine ou constituant la cause
réelledu différend entre le Liechtenstein et l'Allemagne» (arrêt, par. 51).
La Cour, avant de parvenir à cette conclusion, a analysé sa jurisprudence

et celle de sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale, en
matière de limitations temporelles de mêmetype figurant dans des décla­
rations faites au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut (arrêt,
par. 40-42).Je trouve cette analyse utile, mêmes'il faut admettre que, dans
ces diverses décisions, ce sont essentiellement les circonstances propres

à !'espèce qui sont examinées et qu'elles ne font dès lors pas ressortir
de politique généraleclaire. Je ne peux toutefois me rallier à la conclusion
que la Cour tire de cette analyse.
22. La Cour voit manifestement une analogie entre la présente affaire
et celle des Phosphates du Maroc. Dans cette affaire, la Cour permanente
de Justice internationale releva que 4dJes situations ou des faits posté­

rieurs à la [date critique de 1931] ne détermin[ai]ent la juridiction obliga­
toire que si c'[était]à leur sujet que s'[était] élevéle différend» (arrêt,
1938, c.P.J.!. sérieAIR nO 74, p. 24). Elle conclut ensuite qu'un certain
nombre de dahirs (actes législatifs), adoptés en 1920 et prétendument i1li­
cites, constituaient les faits essentiels qui étaient véritablementà l'origine

du diffërend. Ces «faits», en raison de leur date, échappaient à la com­
pétence de la Cour (ibid., p. 26).
L'Italie avait fait valoir en outre un déni de justice dont ses ressortis­
sants auraient étévictimes et qui serait devenu irrémédiable du fait de
certains actes postérieurs à la date critiq ue. La Cour fit cependant obser­
ver que ce volet de la demande ne pouvait êtreséparéd'une décision du

service des mines, fondée sur les dahirs de 1920 et prise en 1925; il était
donc impossible de procéder à l'examen de ce grief non plus sans élargir
la compétence de la Cour à un fait qui, en raison de sa date, èchappait à
celle-ci (ibid., p. 29).
23. J'interprète cette dernière partie de l'arrêtcomme signifiant que, si
la décision du service des mines avait étéprise après la date critique, la
Cour n'aurait pas jugé la limitation temporelle applicable à ce volet de la

demande de l'Italie, malgré le fait que cette décision fût fondée sur les
dahirs de 1920. Bien qu'il existe incontestablement des différences entre
un acte administratif et une décision juridictionnelle, cette situation est
comparable à celle de la présente espèce, dans laquelle la convention sur
le réglement, entrée en vigueur avant la date critique, a étéappliquée

pour la première fois à des biens neutres après la date critique.
24. Cette interprétation rapprocherait en outre le présent différend de
celui de l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie,
dans laquelle la Cour permanente de Justice internationale avait dit ce
qui suit:

3336 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. KOOIJMANS)

"[i]t is true lhal a dispute may presuppose the existence of sorne
prior situati on or fact, but it does not follow tha t the dispute arises
in regard ta that situation or fact. A situation or fact in regard to
which a dispute is said to have arisen must be the real cause of the
dispute." (Judgmem, /939, P.CI.l., Series AIB, No. 77, p. 82.)

In the present case, the "real cause of the dispute" ("le fait générateur du

différend") is the application by the German authorities of the Seulement
Convention ta the assets of nationals of aState which was neutral during
the Second World War.
25. For all the above-mentioned reasons, 1 cannat but conclude that
Germany's second preliminary objection cannot be upheld. In particular,

1 dissociate myself from the Court's finding that "[w]hile these decisions
triggered the dispute between Liechtenstein and Germany, the source or
real cause of the dispute is ta be found in the Settlement Convention and
the Benes Decrees" (Judgment, para. 52). That conclusion, in my view,
ignores the "new situation" established by these Court decisions.

26. Of course, the Court could have concluded, as it did in the Right of
Passage case, that it is not, at this stage, in a position ta determine what
the relevant facts or situations are, since that requires a further considera­
tion of the 1952 Settlement Convention and its Interpretation or applica­

tion, which could "enta il the risk of prejudging sorne of the issues closely
connected with the merits" (Preliminary Objections, Judgmenl, 1.Cl.
Reports 1957, p. 152), Tfthe Court's finding had consequently been that
the objection does not have an exclusively preliminary character, 1
certain!y would not have cast a negative vote. Regrettably, the present

decision of the Court leaves me no choice.

C. THE OTHER PRELlMINARY OBJECTIONS

27. Twill now deal- in a rather summary fashion - with the remain­
ing preliminary objections. T do sa pour acquis de conscience and as a
logical consequence of my disagreement with the Court's decision on the

second objection.
28. In its third objection, Germany claims that the dispute concerns
questions which, under international law, are sole!y within the domestÎc
jurisdiction ofStat ands~that the Application is thus excluded from the
Court's jurisdiction by Article 27 (b) of the European Convention on

Dispute Settlement, which provides that the Convention shall not apply
ta "disputes concernÎllg questions which by international law are solely
within the domestic jurisdiction of States".
29. Bath Parties have relied extensively in their arguments on rules

and principles of international law. The Respondent itself has consist­
ently invoked its obligations under internationalagreements and arrange­
ments, The dispute can, therefore, only be resolved by having recourse to

34 CERTA!NS BIENS (01'. mss. KOOIJMANS) 36

«[iJIest vrai qu'un différend peut présupposer l'existence d'une situa­
tion ou d'un fait antérieur, mais il ne s'ensuit pas que le différend
s'éléveau sujet de cette situation ou de ce fait. Il faut que la situation
ou le fait au sujet duquel on prétend que s'est élevéle différend en

soit réellement la cause.» (Arrêt, 1939, c.P.J.J. série AIE n" 77,
p. 82.)

En la présente espèce, la «cause réelle» du différend, ou son «fait géné-.
rateur», est l'application par les autorités allemandes de la convention
sur le règlement à des avoirs de ressortissants d'un Etat qui était neutre
au cours de la seconde guerre mondiale.

25. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la conclusion s'impose à
moi que la deuxième exception préliminaire de l'Allemagne ne saurait
être retenue. Je me dissocie en particulier de la conclusion de la Cour
selon laquelle ([s]i ces décisions ont bien déclenchéle différend opposant

le Liechtenstein à l'Allemagne, ce sont la convention sur le règlement et
les décrets Benes qui sont à l'origine ou constituent la cause réelle de ce
différend» (arrêt, par. 52). Cette conclusion, selon moi, fait fi de la
«situa tian nouvelle» crééepar ces décisions de justice.

26. Bien entendu, la Cour aurait pu conclure, comme elle l'avait fait en
l'affaire du Droit de passage, qu'elle n'était pas en mesure à ce stade de
déterminer les faits ou situations pertinents, puisq u'illui aurait fallu alors
procéder à un examen plus ample de la convention sur le règlement

de 1952, de son interprétation et de son application, ce qui aurait «impli­
qu[é] le risque de préjuger certains points étroitement liés au fond»
(C.J.J. Recueil 1957, p. 152). Si, en conséquence, la conclusion de la Cour
avait étéque l'exception n'était pas de nature exclusivement préliminaire,
mon vote n'aurait certainement pas éténégatif. Malheureusement, la pré­

sente décision de la Cour ne me laisse pas le choix.

C. LES AUTRES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

27. Je vais à présent examiner - assez brièvement - les autres excep­

tions préliminaires. Je le fais par acquit de conscience et comme consé­
quence logique de mon désaccord avec la décision prise par la Cour au
sujet de la deuxième exception.
28. Dans sa troisième exception, l'Allemagne affirme que le différend
porte sur des questions '1ui, au regard du droit intern ational, relèvent

exclusivement de la compétence nationale des Etats et que, de ce fait, la
requête échappe à la compétence de la Cour en vertu de l'alinéa b) de
l'article 27 de la convention européenne sur le règlement des différends, qui
prévoit que ce texte ne s'applique pas aux «différends portan t sur des ques­

tians q)le le droit international laissà la compétence exclusive des Etats».
29. Dans leur argumentation, les Parties se sont l'une et l'autre
appuyées pour beaucoup sur des règles et des principes de droit interna­
tional. Le défendeur a lui-même constamment invoqué ses obligations

découlant des accords et arrangements internationaux. Le différend ne

:Il 34

1

1•37 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. KOOlJMANS)

international law, which takes the matter out of the ambit of domestic
jurisdiction. As the Permanent Court of International Justice 0bserved in

its Advisory Opinion in the case concerning the NationalilY DeLTees
fssued in Tunis and Morocco:
"once it appears that the legal grounds relied on are such as to jus­

tifYthe provisional condusion that they are of judicial importance
for the dispute submitted ... the matter, ceasing to be one solely
within the domestic jurisdiction of the State, enters the domain gov­
erned by internationallaw" (1923, P.crJ., Series B, No. 4, p. 26;
emphasis added).

The third objection thus l'ails.
30. Just as unfounded, in my view, is Germany's fourth objection,

namely, that Liechtenstein's daims are not sufficiently substantiated.
Germany appears to be perfectly aware of the object and scope of Liech­
tenstein's daims, and this is shown by its arguments. In the second round
of the oral hearings, counse\ for Liechtenstein took great pains in eluci­
dating what was ta be understood by the daim, even if, in so doing, he
went deep into the merits.

31. The flna1sentellce of Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court
provides that the application shalI "specify the precise nature of the
daim, together with a succinct statement of the facts and grounds on
which the claim is based". This provision i8 based on a formula adopted
by the Advisory Committee of Jurists in 1920:

"Submissions are not presented in their final form in the applica­
tion, that document mere\y giving a general indication sufficient to
define the dispute and euable proceedings to be begun." (G. Guyo­

mar, Commentaire du Règlement de la Cour internationale de Jus­
tice, 1983, p. 236; trauslation by the Registry.)
In my view, Lieehtenstein's Application, as elaborated in its Memorial,

meets this requirement in a satisfactory way, even if its daims are not
fully substantiated with regard ta the legal position of each and every
Liechtenstein national mentioned.
32. In its fifth prelimînary objection, Germany submits that the Court,
if it found that it has jurisdiction, should have refrained from exercising
il,sinee Liechtenstein's daim would have made it necessary for the Court

to decide on the legality or i1legalityof acts of a third State which has not
given its consent to the present proceedings (the Czech Republic as the
successor State of Czechoslovakia).
In the present case, the Court should, therefore, apply its ruling in the
Monelary Gold case, where it stated that the legal interests of a third
State (Albania) would "not only be affected by a decision, but wou!d

form the very subject-matter of the decision" (Monetary Gold Removed
from Rome in 1943, Judgment, l. CJ. Reports 1954, p. 32), thus estab­
lishing the so-called "indispensable third party" principle.

35[:

CERTAINS BIENS .(OP.mss. KOOUMANS) 37

peut dèslors êtrerésoluqu'en ayant recours au droit international, ce qui
fait sortir l'affaire du champ de la compétence nationale. Comme le
releva la Cour permanente de Justice internationale dans son avis consul­
tatif surles DécrelSde nationalité promulgués en Tunisie el au Maroc,

« [D]èsque les titres invoquéssont de nature à permettre la conclu­
sion provisoire qu'ils peuvent avoir une importance juridique pour le

différend soumis ,.. l'on sort du domaine exclusif de l'Etat pour
entrer dans le domaine régi par le droit international.» (1923,
c.P.J./. sérieB n° 4, p. 26; les italiques sont de moi.)

La troisième exception n'est donc pas fondée.
30. La quatrième exception ne l'est, selon moi, pas davantage: l'Alle­
magne soutient que les demandes du Liechtenstein ne sont pas suffisam­

ment ètayées;or, il ressort de ses arguments qu'elle semble en avoir par­
faitement saisi l'objet et la portée. Lors du second tour de plaidoiries,e
conseil du Liechtenstein n'a pas ménagéses efforts pour expliquer en
quoi consistaient les demandes, mêmesi, ce faisant, il s'est aventuré loin
dans le domaine du fond.

31. Le paragraphe 2 de l'article 38 du Règlement de la Cour dispose in
fine que la requête«indique ... la nature precise de la demande et contient
un exposésuccinct des faits et moyens sur lesquels cette demande repose».
Cette disposition reprend une formulation adoptée par le comitéconsul­
tatif de juristes en920:

«[d]es conclusions ne sont pas encore prise:. sous leur forme défini­
tive dans la requête,celle-ci ne devant donner qu'une indication

d'ordre généralsuffisante pour préciserle litige et permettre à l'ins­
tance de s'ouvrir» (G. Guyomar, Commentaire du Règlement de la
Cour internationale de Justice, 1983, p. 236).

Selon moi, la requêtedu Liechtenstein, telle que préci~ déans son
mémoire, remplit cette condition de manière satisfaisante, mêmesi ses
demandes ne sont pas pleinement étayées quant à la situation juridique
de chacun des ressortissants liechtensteinois mentionnés.

32. Dans sa cinquième exception, l'Allemagne soutient que, quand
bien mêmeelle conclurait à sa compétence, la Cour devrait s'abstenir de
l'exercer, au motif que la demande du Liechtenstein exigerait qu'elle se
prononce sur la licéitéou l'illicéitéd'actes d'un Etat tiers n'ayant pas
consenti à la présente instance (la République tchèque en sa qualité

d'Etat successeur de la Tchécoslovaquie).
En l'e:.pèce,la Cour devrait en conséquencestatuer conformément à sa
décisionen l'affaire de l'Or monétaire, lorsqu'elle a dit que les intérêts
juridiques d'un Etat tiers (l'Albanie) «seraient non seulement touchéspar
une décision, mais constitueraient l'objet mêmede ladite décision» (Or

monétaire pris à Rome en 1943, arrêt, c.rI. Recueil 1954, p. 32), éta­
blissant ainsice qu'il est convenu d'appeler le principe de la «tierce partie
indispensable».

3538 CERTAIN PROPERTY (mss. OP. KOOIJMANS)

33. Liechtenstein denies that the alleged unlawfulness of the Benes
Decrees is "the very subject-matter of the dispute". ln its view, the sub­
ject-matter of the dispute is that Germany has brought Liechtenstein
assets under the reparations régime of Article 3, Chapter Six, of the
Settlement Convention. The only question Liechtenstein asks the Court

ta answer is to determine whether Germany was entitled to do sa. That
answer can be given without considering the question of whether the
Benes Decrees were in conformity with international law (CR 2004/25,
pp. 54-55, para. 15).
34. As l stated previously, the claim as brought by Liechtenstein asks

the Court ta determine whether Germany acted wrongfully by treating
Liechtenstein assets, for thetirst time in 1995, as German external assets
for the purposes of the Settlement Convention·, thereby infringing Liech­
tenstein's neutrality and sovereignty. With respect to this daim, the Benes
Decrees are mere facts, the legality or illegality of which are not the

subject-matter of the dispute. The Court could therefore, in my view,
have given a dedaratory judgment on Liechtenstein's daim.

Of course, the Czech Republic could have asked permission ta inter­
vene in accordance with Artide 62 of the Statute. But, as the Court has

stated,
"the absence of such a request in no way precludes the Court from
adjudicating upon the daims submitted ta it, provided that the legal

interestsof the third State which may possibly be affected do not
form the very subject-matter of the decision that is applied for"
(Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia). Prelimi­
nary Objections. l. Cf. Reports 1992, p. 261, para. 54).

35. Likewise, theother parties ta the 1952 Settlement Convention and
to the Exchange or"Notes of 27 and 28 September 1990, which kept in
force the provisions orthe Convention relevant to the present case, could
have intervened undèr Artide 63 of the Statute if the case had come to

the merits. That issue would, however, have provided no reason for
upholding the fifth preliminary objection.

36. However, Liechtenstein asked not only for a declaratory judgment
but also for compensation. That part of the c1aim 1S rather complicated,

and lt cannot be excluded that, in dealing with Ihis question, the lawful­
ness of the BeneS Deèfees could not have been left unconsidered. That,
however, is part of the merits. Nevertheless, il would have been prudent
to observe, as was done in the Nauru case, that the Court's ruling in the
present stageof the proceedings "does not in any way prejudge the mer­

its" (1.Cl.Reports 1992, p. 262, para. 56), or ta have joined the objec­
tionta the merits as not possessing an exclusively preliminary character.
37. Finally, Germany contends that Liechtenstein's Application is not
admissible since the Liechtenstein nationals have not exhausted the avail­
able local remedies.

36 CERTAINS BIENS (OP. DlSS. KOOUMANS) 38

33. Le Liechtenstein conteste que l'ilJicéitéalléguéedes décrets Benes
soit «l'objet mêmedu différend». Selon lui, J'objet du différend est que
l'Allemagne a appliqué àdes avoirs liechtensteinois le régimedes répara­
tions prèvu àl'article 3 du chapitre sixièmede la convention sur le règle­
ment. La seule question à laquelle le Liechtenstein prie la Cour de ré­

pondre, c'est celle de savoir si J'AIJemagne avait le droit de le faire.
11est possible selon lui d'y répondre sans examiner la conformité des
décrets BeneS au droit international (CR 2004/25, p. 54-55, par. 15).

34. Comme je l'ai déjàindiq ué,dans sa demande, le Liechtenstein prie

la Cour de juger si l'Allemagne a agi illicitement en traitant, pour la pre­
mière fois en 1995, des avoirs liechtensteinois comme des avoirs alle­
mands à l'étranger aux fins de la convention sur le règlement, portant
ainsi atteinte à la neutralité et à la souveraineté du Liechtenstein. A
l'égard de cette demande-là, les décrets BeneS ne sont que de simples

faits, dont la licéitéou l'illicéiténe constitue pas l'objet du diftërend. La
Cour pouvait donc, selon moi, rendre un jugement déclaratoire sur la
demande du Liechtenstein.
11était bien sûr loisiblà la République tchèque d'adresser une requête
à fin d'intervention, conformément à l'article 62 du Statut. Mais, comme
l'a dit la Cour,

«l'absence d'une telle requêten'interdit nullement à la Cour de sta­
tuer sur les prétentions quilui sont par ailleurs soumises pour autant

que les intérêtsjuridiques de l'Etat tiers éventuellement affectés ne
constituent pas l'objet mêmede la décision sollicitée» (Certaines
terres à phosphates il Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préli­
minaires, arrét. CI. 1. Recueil 1992, p. 261, par. 54).

35. De la mêmemanière, les autres parties à la convention sur le règle­
ment de 1952 et à l'échangede notes des 27 et 28 septembre 1990, qui ont
maintenu en vigueur les dispositions de la convention pertinentes en
l'espèce,auraient pu intervenir en application de l'article 63 du Statut si

l'aflaire était parvenue au srade du fond. Toutefois, cela ne constituait
pas pour autant un motif permettant de retenir la cinquième exception
préliminaire.
36. Cependant, le Liechtenstein a demandé non seulement un juge­
ment déclaratoire, mais également réparation. Ce volet de la demande est
assez complexe, et il ne saurait être exclu qu'il eût fallu, pour l'examiner,

aborder la question de la licéitèdes décrets Benes. Mais tout cela relève
du fond. Il eût éténéanmoins prudent de faire alors observer, comme en
l'affaire Nauru, que la décision de la Cour au stade actuel de l'instance
~<n préjugerait]en rien le fond» (CI.l. Recueil 1992, p. 262, par. 56), ou

de joindre l'exception au fond au motif qu'elle n'avait pas un caractère
,' exclusivement préliminaire.
37. Enfin, ]'Allemagne soutient que la requêtedu Liechtenstein n'est
pas recevable parce que les ressortissants liechtensteinoisn'ont pas épuisé
les voies de recours internes.

3639 CERTAIN PROPERTY (DISS. OP. KOOIJMANS)

38. Liechtenstein's Applîcation contains a "mixed" daim, combining

claims in îts own f1ghtand also in the exercise of diplomatie protection of
sorne of its citizens. In so far as this claim refers to the infringement of its
sovereignty and neutral status, there 1Sno requirement of the exhaustion
of local remedies since that part of the claim is brought by the Applicant
in its own right (Avena and Other Mexican Nationals (MexÎco v. United
States of Americu), Judgment, 1Cf. Reports 2004, p. 36, para. 40).

39. In so far as Liechtenstein's claimis a daim in the exercisc of dip­
lomatie protection of its nationals, it can safely be maintained that the
then Reigning Prince has exhausted ail available local remedies, including

an appeal to the European Court of Human Rights. Liechtenstein's claim
on his behalf is thus also admissible.

With regard to the other Liechtenstein national8, Liechtenstein submits
that in their cases exhaustion of local remedies i8 not necessary, as these

have already been shown to be futile in the case of the then Reigning
Prince.
That argument may sound persuasive, but it does not answer the
underlying questions of why and on what ground the other Liechtenstein
nationals could have been expected ta seek redress from a German court.
Unlike the Prince, whose former property - the Van Laer painting -

was present on German territory, these other Liechtenstein nationals
have no cause for action in the German courts, since their property never
found itself within German national jurisdiction; and there is no decision
against which they could have appealed.

40. That issue, however, i8 not an issue with regard ta which the

requirement of the exhaustion of local remedies is relevant. The question
is simply whether Liechtensteîn's contention of a breach by Germany of
its obligations vis-à-vis those other Liechtenstein nationals can pass legal
scrutiny, but that is a matter for the merits, viz. whether Germany as a
result of the decisions of its courts has breached an international obliga­
tion towards them.

41. Since Liechtenstein claims in its own right and also in the exercise
of diplomatie protection on behalf of one of its citizens - the then
Reigning Prince - who has exhausted ail local remedies, Gem1any's
sixth preliminary objection has no merit.

42. In conclusion, 1 repeat my view that the Court has jurisdiction to
entertain the case and that Liechtenstein's Application is admissible.

(Signed) Pieter·H. KOOIJMANS.

37-'-1-'--'------------------------------ - --- -----

CERTAINS BIENS (OP. DISS. KOOIJMANS) 39

38. Les demandes formulées par le Liechtenstein dans sa requêtesont
«mixtes»), certaines étant présentéesen son nom propre et d'autres dans
l'exercice de sa protection diplomatique pour le compte de certains de ses
ressortissants. Dans la mesure où les demandes concernent la violation de
la souveraineté et du statut d'Etat neutre du Liechtenstein, l'épuisement

des voies de recours internes n'est pas requis puisque le demandeur pré­
sente ces demandes en son nom propre (Avena et autres ressortissants
mexicains (Mexique c. Etats-Unis d·Amérique). arrêt, c.l.l. Recueil
2004, p. 36, par. 40).

39. Pour ce qui est des demandes du Liechtenstein faites dans l'exer­
cice de la protection diplomatique à l'égardde ses ressortissants, on peut
affirmer sans risque que le prince régnant de l'époque avait épuisétoutes
les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes, puisqu'il a notam­

ment saisi la Cour européenne des droits de l'homme. La demande du
Liechtenstein présentéepour le compte du prince est donc recevable elle
aussi.
Quant à ses autres ressortissants, le Liechtenstein soutient qu'il n'y
avait pas lieu pour eux d'épuiser les voies de reCOurs internes, celles-ci

s'étant révéléefsutiles dans le cas du prince régnant de l'époque.

Cet argument a beau sembler convaincant, il ne répond pas aux ques­
tions sous-jacentes qui consistent à savoir pourquoi et sur quel fonde­

ment il faudrait s'attendre à ce que les autres ressortissants liechtenstei­
nois demandent réparation devant un tribunal allemand. A l'inverse du
prince, dont l'ancien bien - la toile de van Laer - se trouvait en terri­
toire allemand, ces autres ressortissants liechtensteinoîs ne sont aUCune­

ment fondésà saisir les tribunaux allemands,' leurs biens ne s'étantjamais
trouvés sous la juridiction nationale de l'Allemagne; en outre, il n'existe
aucune décision contre laquelle ils auraient pu fonner un recours.
40. Cette question est toutefois sans rapport avec la condition de
l'épuisement des voies de recours internes. Il s'agit tout simplement de

savoir si le moyen tirépar le Liechtenstein de la violation par l'Allemagne
de ses obligations envers ces autres ressortissants liechtensteinois peut
résister à l'examen juridique, mais c'est là une question de fond - celle
de savoir si l'Allemagne, du fait des décisions prises par ses tribunaux, a

manqué à ses obligations internationales envers ces personnes.
41. Puisque le Liechtenstein présente ses demandes en son nom propre
et aussi dans le cadre de l'exercice de sa protection diplomatique pour le
compte de j'un de ses ressortissants - le prince régnant de l'époque -
qui a épuisétoutes les voies de recours internes, la sixième exception de

l'Allemagne n'est pas fondée.
42. En conclusion, je réitèremon opinion, qui est que la Cour avait
compétence pour connaître de l'affaire et que la requête du Liechtenstein
était recevable.

(Signé) Pieter H. KOOIJMANS.

37

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Kooijmans

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