Opinion dissidente de Mme. le juge Donoghue

Document Number
124-20110504-JUD-01-05-EN
Parent Document Number
124-20110504-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

471

me
OpINION DISSIDENTE DE M LA JUGE DONOGHUE

[Traduction]

Désaccord avec la décision de rejeter la requête à fin d’▯intervention du Honduras
et l’approche adoptée par la Cour — Chevauchement entre les espaces maritimes
revendiqués et la zone en litige suffisant à établir un inté▯rêt d’ordre juridique
susceptible d’être affecté — Pratique des flèches témoignant de la conscience qu’a

la Cour que ses décisions « sont susceptibles d’affecter » les intérêts d’ordre
juridique d’Etats tiers — Rejet de l’intervention non justifié par l’idée que la ▯Cour
protégera par d’autres moyens les intérêts d’Etats tiers — Aucun lien juridictionnel
requis en cas d’intervention en tant que non‑partie — Caractère non déterminant
de l’opposition des Parties à l’intervention dès lors que le▯s critères énoncés à
l’article 62 sont remplis — Intervention en tant que partie produisant des effets

plus importants que ceux associés à l’intervention en tant que ▯non‑partie.
Conviction que le Honduras devrait être autorisé à intervenir e▯n tant que
non‑partie — Accord avec la Cour quant au fait que le Honduras interprète mal▯
l’autorité de la chose jugée dont est revêtu l’arrêt d▯e 2007 — Ligne bissectrice
tracée dans l’arrêt de 2007 dépourvue de point terminal précis — Accord avec la
Cour quant au fait que le traité entre la Colombie et le Honduras est▯ sans incidence

sur les droits des Parties en l’espèce — Intérêt d’ordre juridique susceptible d’être
affecté établi puisque les prétentions du Honduras débordent▯ sur la zone en litige
en l’espèce — Intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté▯ également établi
au vu d’une possible incidence sur l’interprétation de l’arr▯êt de 2007 — Accord
avec la décision de la Cour de rejeter la demande d’intervention d▯u Honduras en

tant que partie — Pratique de la Cour consistant à rejeter l’intervention tout ▯en
examinant les informations soumises se trouvant à l’origine d’u▯n moyen de
participation de facto des Etats tiers au détriment éventuel des parties.

table des matières

Paragraphes

I. Intervention en vertuo de l’article 62 du Statut de la Cour 4-38

A. Statut et Règlement de la Cour 4-9

B. Facteurs pertinents aux fins de l’examen d’une requête à fion
d’intervention 10-38

1. Question de savoir si l’Etat demandant à intervenir a un
«intérêt d’ordre juridique … en cause» 11-24

a) Sens de l’article 62 11-17
i) paragraphe 1 de l’article 62 11-16

ii) paragraphe 2 de l’article 62 du Statut 17
b) pratique de la Cour consistant à protéger les intérêts

d’Etats tiers «susceptibles d’être affectés» par un arrêt
relatif à une délimitation maritime 18-24

55

5 CIJ1020.indb 107 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 472

2. Objet de l’intervention 25-29
3. Lien juridictionnel 30
4. Vues des parties 31-33

5. Intervention en tant que non-partie et intervention en tant
que partie 34-38

II. Requête du Honduras 39-54

A. Le Honduras devrait être autorisé à intervenir en tant que
non-partie 39-53
B. La Cour a eu raison de ne pas admettre le Honduras à inter -

venir en tant que partie 54

Conclusion 55-59

*

1. Je ne souscris pas à la décision de rejeter la demande du Honduras

tendant à intervenir en tant que non-partie en la présente instance, étant
en désaccord non seulement avec la conclusion à laquelle est parvenue la
Cour, mais aussi avec l’approche qu’elle a adoptée quant à l’article 62 de
son Statut.

2. L’article 62 du Statut de la Cour permet l’intervention d’un Etat
tiers ayant démontré que, dans un différend, un « intérêt d’ordre juridique
[était] pour lui en cause », l’Etat en question devant en outre avoir spécifié
l’objet de son intervention. Je considère ce critère comme rempoli en l’es -

pèce. premièrement, le Honduras revendique des espaces maritimes qui
empiètent sur la zone en litige dans la procédure principale. Danso des
circonstances similaires, la Cour a eu pour pratique de définir la oligne

frontière en prenant acte de ce que ses décisions étaient «susceptibles d’af-
fecter» les intérêts d’Etats tiers. Je pense que la Cour aurait dûo admettre
la requête en l’espèce, comme elle l’a fait dans son plus récent précédent
impliquant un chevauchement avec les prétentions d’un Etat tiers (ovoir

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (▯Cameroun
c. Nigéria), requête à fin d’intervention, ordonnance du 21 octobre 1999,
C.I.J. Recueil 1999). Deuxièmement, dans l’un des cas de figure possibles
(la ligne proposée par la Colombie), la décision de la Cour inflouerait iné-

vitablement sur la manière dont son arrêt de 2007 en l’affaire du Différend
territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer de▯s
Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (▯II)) doit

être interprété et appliqué par le Honduras (et le Nicaraguoa). Dans cet
arrêt, la Cour a défini le tracé de la frontière maritime oentre le Honduras
et le Nicaragua sans fixer de point terminal, indiquant uniquement qu’oà
partir d’un point géographique déterminé la frontière «se poursuivra[it] le

long de la ligne d’azimut 70° 14΄ 41,25˝ jusqu’à atteindre la zone dans
laquelle elle risqu[ait] de mettre en cause les droits d’Etats tiers » (ibid.,
p. 760-763, par. 321). Une décision par laquelle la Cour fixerait une ligne

56

5 CIJ1020.indb 109 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 473

frontière conforme à celle proposée par la Colombie aurait précisément
pour effet de déterminer le point où la ligne tracée en 2007 « risque de

mettre en cause » les droits d’un Etat tiers (la Colombie) et paraîtrait
doter celle-ci d’un point terminal de facto. Je pense donc que le Honduras
aurait dû être admis à intervenir en tant que non-partie ; j’approuve tou-
tefois la décision de la Cour de rejeter sa demande d’interventiono en tant
que partie.

3. Dans la première partie de la présente opinion, j’analyserai leos fac -
teurs à prendre en compte aux fins de l’examen par la Cour d’oune demande
d’intervention; ce sont les mêmes que ceux sur lesquels je me fonde dans
mon opinion dissidente relative à la requête du Costa Rica. Dans la
seconde partie, je me pencherai sur les circonstances propres au cas du o

Honduras.

I. Intervention en vertuo de l’article62 du Statut de la Cour

A. Statut et Règlement de la Cour

4. Deux articles du Statut de la Cour traitent de la question de l’inter -
vention. Le Honduras a présenté sa requête au titre de l’artoicle 62, qui se
lit comme suit :

«1. Lorsqu’un Etat estime que, dans un différend, un intérêt
d’ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Couor une
requête à fin d’intervention.
2. La Cour décide. »

5. L’intervention est par ailleurs envisagée à l’article 63 du Statut, qui
autorise un Etat à intervenir dans une affaire s’il est partie ào une «conven -

tion» en cause dans celle-ci. Si l’Etat en question exerce cette faculté, « la
sentence est également obligatoire à son égard ».
6. Le paragraphe 2 de l’article 81 du Règlement requiert qu’une requête
à fin d’intervention fondée sur l’article 62 du Statut spécifie :

«a) l’intérêt d’ordre juridique qui, selon l’Etat demandant ào interve -
nir, est pour lui en cause ;
b) l’objet précis de l’intervention ;

c) toute base de compétence qui, selon l’Etat demandant à intervenir,
existerait entre lui et les parties. »
7. par ailleurs, l’article 84 du Règlement prévoit que la Cour statue

sur l’admission d’une requête à fin d’intervention « par priorité à moins
que, vu les circonstances de l’espèce, [elle] n’en décide auotrement ». Tou-
jours selon cette disposition, si, dans le délai fixé, une partioe fait objection
à une intervention, la Cour entend les parties ainsi que l’Etat désireux
d’intervenir.

8. Le Règlement traite des implications d’ordre procédural d’unoe déci -
sion d’autoriser l’intervention, en stipulant en son article 85 que l’Etat

57

5 CIJ1020.indb 111 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 474

intervenant reçoit accès aux pièces de procédure, et peut présenter une
déclaration écrite et participer à la procédure orale.

9. Ni le Statut ni le Règlement ne précisent les effets juridiques ode l’in-
tervention au titre de l’article 62 du Statut (alors qu’une décision rendue
au titre de l’article 63 du Statut est obligatoire à l’égard des Etats interve -
nants). par ailleurs, l’article 62 du Statut n’établit pas de distinction entre
l’intervention en tant que partie et l’intervention en tant que noon-partie,

et le Règlement non plus. Ce choix semble avoir été délibéré (voir Shabtai
Rosenne, The Law and Practice of the International Court (1920‑2005),
vol. III, sect. 356, p. 1443-1444). Toutefois, ces deux formes d’interven -
tion pouvant avoir pour les parties et l’Etat intervenant des implicaotions
très différentes, cette absence de distinction peut être souroce d’une cer -
taine confusion.

B. Facteurs pertinents aux fins de l’examen
d’une requête à fin d’intervention

10. Lorsqu’elle a examiné des requêtes à fin d’interventiono, la Cour a
tenu compte de divers facteurs (sans forcément leur accorder la mêome

importance dans chaque cas). Je vais les résumer ici, en prêtant oune atten -
tion toute particulière aux considérations pertinentes à la déolimitation
maritime et à la distinction entre l’intervention en tant que partoie et l’in -
tervention en tant que non-partie.

1. Question de savoir si l’Etat demandant à intervenir a un « intérêt d’ordre
juridique … en cause »

a) Sens de l’article 62

i) Paragraphe 1 de l’article 62

11. Il ressort clairement du Statut qu’un intérêt « d’ordre juridique »
doit être en cause. Un intérêt peut être motivé par des coonsidérations poli -
tiques ou économiques ou d’autres raisons d’opportunité, maios ces inté -
rêts non juridiques, en eux-mêmes, ne satisfont pas aux conditions énon-

cées à l’article 62. S’il est vrai que cette restriction peut jouer un rôle impor-
tant dans certains cas, elle ne risque toutefois guère d’être uon obstacle
majeur lorsque la demande d’intervention concerne un chevauchement
de revendications maritimes. Il n’est guère difficile de voir qu’oexprimer
une revendication sur une zone maritime fondée sur le droit international
revient à affirmer un intérêt « d’ordre juridique ». (Je note toutefois que la

Cour ne dit pas clairement si elle conclut à l’existence d’un « intérêt
d’ordre juridique » en l’espèce, traitant cette question conjointement avec
celle de savoir si cet intérêt est « en cause ».)
12. L’Etat demandant à intervenir doit également prouver que son
intérêt d’ordre juridique est « en cause », littéralement, qu’il est « suscep -

tible d’être affecté » par la décision de la Cour. Cette dernière expression
doit être interprétée à la lumière de l’article 59 du Statut, qui prévoit très

58

5 CIJ1020.indb 113 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 475

clairement que « [l]a décision de la Cour n’est obligatoire que pour les
parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». L’article 59 limitant

expressément la faculté qu’a un arrêt d’«affecter» un Etat tiers, l’effet visé
par l’article 62 est nécessairement en deçà de l’imposition d’obligatioons
juridiques contraignantes. Néanmoins, comme sir Robert Jennings l’a
relevé, l’article 59 «n’exclut en aucune façon l’autorité du précédent» (Pla‑
teau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête à fi▯n d’inter ‑

vention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, opinion dissidente du juge Jennings,
p. 157, par. 27). Ainsi, une décision de la Cour relative à une délimitatioon
maritime peut avoir une incidence — positive ou négative — sur l’intérêt
d’un Etat tiers si, dans le dispositif ou les motifs de son arrêt,o la Cour
paraît se prononcer sur la revendication avancée par cet Etat.
13. par ailleurs, en vertu de l’article 62, l’Etat demandant à intervenir

n’a pas besoin de démontrer que son intérêt « sera» ou « sera nécessaire -
ment» affecté (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Sal ‑
vador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990,
p. 117, par. 61). Le Statut lui impose uniquement de prouver qu’un inté -
rêt d’ordre juridique « est susceptible » de l’être. Il s’agit d’un critère rai -

sonnable à un stade de la procédure où la Cour ne s’est pas oencore
penchée sur le fond, et où l’Etat tiers ne peut, pas davantage oqu’elle-même,
préjuger de sa décision. Il n’est donc pas possible au stade deo l’interven -
tion de supputer la probabilité que l’intérêt d’ordre juroidique d’un Etat
tiers soit affecté. Cette exigence de l’article 62 — qu’un intérêt d’ordre

juridique « soit susceptible d’être affecté » — revêt une importance parti -
culière dans le cas des demandes d’intervention se rapportant ào des af -
faires de délimitation maritime, sur lequel je vais revenir.
14. S’il incombe certes à l’Etat demandant à intervenir de prouvoer que
son intérêt « est susceptible d’être affecté » et « d’établir de façon convain -
cante ce qu’il allègue » (ibid.), l’article 62 ne lui impose pas, en revanche,

d’établir que l’intervention est la seule manière de protéger cet intérêt.
Aujourd’hui, la Cour a exprimé la certitude de pouvoir protégero les inté -
rêts d’Etats tiers sans admettre ces derniers à intervenir. Mêome si cette
conclusion est fondée, je ne vois pas en quoi elle justifie de rejeoter l’inter -
vention s’il est par ailleurs satisfait aux critères de l’articole 62, ce qui me

semble être le cas en l’espèce.
15. La Cour a aussi clairement dit que l’intérêt de l’Etat chercohant à
intervenir était susceptible d’être «affecté» non seulement par le dispositif
d’un arrêt, mais également par « les motifs qui [en] constituent le support
nécessaire » (Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/

Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 596,
par. 47). Toutefois, se soucier tout simplement des « règles et principes
juridiques généraux pouvant être appliqués » par la Cour dans sa déci -
sion (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/
Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 124,
par. 76) ne saurait suffire. pour être susceptible d’être affecté par les inter -

prétations ou motifs avancés par la Cour, l’intérêt allégué ne doit pas
être « par trop étrang[er] » aux considérations juridiques en cause dans

59

5 CIJ1020.indb 115 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 476

la procédure principale (Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
(Indonésie/Malaisie), requête à fin d’intervention, arrê▯t, C.I.J. Recueil
1
2001, p. 604, par. 83) .
16. Qu’il faille que l’intérêt d’ordre juridique de l’Etato demandant à
intervenir soit « susceptible d’être affecté » n’impose donc pas à celui-ci

d’anticiper la décision de la Cour quant au fond. Il lui faut en roevanche
«montrer en quoi cet intérêt risque d’être affecté » (Différend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à▯ fin d’in ‑

tervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 118, par. 61) et par conséquent, a
priori, convaincre la Cour de l’existence d’un lien suffisant entre l’ointérêt
qu’il allègue et la décision qui sera rendue sur les questions oen cause.

Reste toutefois à éclaircir la nature précise du lien requis poour satisfaire
à l’exigence qu’existe un intérêt d’ordre juridique « susceptible d’être
affecté » 2. L’établissement d’un tel lien étant vraisemblablement trèos

tributaire des éléments de fait, un critère universel n’est opeut-être pas
envisageable. En matière de délimitation maritime, toutefois, la poratique
même de la Cour tend à indiquer qu’un Etat demandant à interovenir est

considéré comme s’étant acquitté de l’obligation de proouver que son
«intérêt d’ordre juridique» est «susceptible d’être affecté» s’il est parvenu

à démon3rer qu’il a des revendications maritimes empiétant sour la zone en
litige . Je reviendrai sur cette jurisprudence après quelques brèves obseor-
vations sur le sens du paragraphe 2 de l’article 62.

ii) Paragraphe 2 de l’article 62 du Statut

17. L’article 62 du Statut de la Cour précise les critères de l’interven -
tion en son paragraphe premier, puis stipule, en son paragraphe 2, que
«[l]a Cour décide ». Il a été argué que le paragraphe 1 ne conférait à la

1 Aujourd’hui, la Cour a semblé laisser entendre qu’un « intérêt d’ordre juridique »
devait être formulé en termes de droit faisant l’objet d’uneo «prétention ». L’accent mis

sur la prétention s’explique peut-être par une jurisprudence constituée essentiellement en
rapport avec des revendications maritimes. Toutefois, même s’il a oété conclu qu’un intérêt
d’ordre général vis-à-vis du contenu du droit international ne suffisait pas à constituer oun
«intérêt d’ordre juridique », je n’exclus pas qu’un Etat tiers puisse démontrer l’existence
d’un «intérêt d’ordre juridique » qu’il n’aurait pas présenté comme un droit faisant l’objoet
d’une «prétention ».
2 La Cour a indiqué, par exemple, qu’il pourrait ne pas exister de loien suffisant entre
l’intérêt d’ordre juridique allégué par un Etat tiers oet l’objet de la procédure principale

lorsque cet intérêt est «sensiblement plus spécifique et plus direct que celui des Etats-éotran
gers à cette région », tout en n’étant pas « par nature différent des intérêts d’autres Etats
dans la région » (Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à▯ fin d’in
tervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 19, par. 33).
3 Je ne cherche pas à dire ici que la Cour devrait protéger les reveondications mari -
times d’Etats tiers qui seraient apparemment infondées, mais le prooblème ne s’est pas posé
par le passé, ni ne se pose en l’espèce. Lorsque, dans des arrêots relatifs à une délimitation

maritime, la Cour a cherché à protéger les intérêts d’oEtats tiers, elle a parfois traité la
question en se référant à la zone dans laquelle « les droits d’Etats tiers » risquaient d’être
affectés. L’emploi du terme «droits » dans ce contexte ne signifie pas pour autant qu’elle se
prononce sur le bien-fondé des revendications de ces Etats.

60

5 CIJ1020.indb 117 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 477

Cour aucun pouvoir discrétionnaire, puisqu’il commence par l’exopression
«[l]orsqu’un Etat estime » (voir arrêt, par. 31). Cette interprétation ne me

semble pas convaincante, vu la précision expresse, au paragraphe 2, selon
laquelle la Cour décide, et la proximité des articles 62 et 63 (ce dernier
prévoyant expressément, contrairement à l’article 62, le droit d’interve -
nir). J’estime au contraire que le paragraphe 1 de l’article 62 précise les

critères que la Cour doit appliquer lorsqu’elle examine une requêote à fin
d’intervention. Cependant, j’admets que le paragraphe 2 de cette disposi -
tion ne confère pas à la Cour « une sorte de pouvoir discrétionnaire lui
permettant d’accepter ou de rejeter une requête à fin d’inotervention pour
de simples raisons d’opportunité » (Plateau continental (Tunisie/Jamahi ‑

riya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, ▯C.I.J. Recueil 1981,
p. 12, par. 17).

b) Pratique de la Cour consistant à protéger les intérêts d’▯Etats tiers
«susceptibles d’être affectés » par un arrêt relatif à une délimitation
maritime

18. La Cour a traité la question des intérêts d’Etats tiers danso un cer -

tain nombre de ses arrêts portant sur la délimitation de frontières mari -
times, notamment dans plusieurs affaires n’ayant pas fait l’objeot d’une
demande d’intervention. pour les raisons que j’exposerai ici, ces précé -
dents me portent à conclure que l’intérêt d’ordre juridiqoue d’un Etat tiers
«est susceptible d’être affecté » dans une affaire de délimitation dès lors

qu’il y a chevauchement entre la zone maritime revendiquée par l’oEtat en
question et la zone en litige dans la procédure principale.
19. Dans chacun des précédents que j’évoquerai ici, la zone en loitige
faisait également l’objet (du moins en partie) d’une ou plusioeurs revendi-

cations d’Etats tiers. Ces revendications pouvaient être fondéeos sur un
accord bilatéral liant l’Etat tiers, la décision d’une juridoiction internatio-
nale, l’expression d’une prétention de l’Etat tiers, ou encoore le constat par
les parties ou par la Cour que la géographie se prêtait à des porétentions de
la part de tel ou tel Etat tiers. Ainsi, les intérêts d’ordre jouridique allégués

ne présentent pas le même degré de précision ni les mêmeso chances de voir
leur existence reconnue par la Cour ou par les parties. En généralo, et en
dépit de ces différences, la Cour a procédé en s’abstenoant de déterminer le
point terminal définitif de la frontière maritime, indiquant, après avoir
fixé le dernier point d’inflexion en dehors de la zone faisanto l’objet de la

prétention d’un Etat tiers (que celle-ci ait été formulée ou non), que la
ligne frontière se prolongeait jusqu’à atteindre la zone dans loaquelle elle
risquait de mettre en cause les droits d’un Etat tiers. Cette approchoe a été
adoptée dans les affaires suivantes :

— Dans l’affaire relative au Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Honduras), la Cour a tracé la frontière jusqu’au « point F», au-delà

duquel elle se poursuivait le long d’une ligne d’un certain azimut jos«qu’à
atteindre la zone dans laquelle … les droits d’Etats tiers » risquaient

61

5 CIJ1020.indb 119 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 478

d’être affectés (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 763, par. 321). La Cour a relevé qu’aucune
des parties n’avait indiqué de «limite extérieure précise à leur frontière
maritime» et qu’elle « ne [pouvait] statuer sur une question si, pour ce
faire, les droits d’une tierce partie qui ne compara[issait] pas devaont elle
d[evaient] d’abord être déterminés» (ibid., p. 756, par. 312). Aucun Etat

tiers n’avait demandé à intervenir dans cette affaire. (Je roeviendrai sur
cet arrêt dans la seconde partie de mon opinion.)
— Dans l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire
(Roumanie c. Ukraine), la Cour a délimité la frontière entre les deux
parties, mais pris acte des intérêts de deux Etats tiers, précisoant que,
au-delà du dernier point d’inflexion, la frontière se poursuivait

«jusqu’à atteindre la zone où les droits d’Etats tiers p[ouvaoient] entrer
en jeu» (arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 131, par. 219). Aucun des Etats
tiers identifiés par la Cour n’avait demandé à intervenir,o mais celle-ci
a précisé que la délimitation serait effectuée « au nord de toute
zone qui pourrait impliquer des intérêts de tiers » (ibid., p. 100,

par. 112).
— Dans l’affaire relative à la Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), la Cour a tenu compte des intérêts de la Guinée
équatoriale (qui, comme je l’ai déjà dit, était intervenoue) et de Sao

Tomé-et-principe (qui n’avait pas demandé à intervenir) (arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 421, par. 238, et p. 424, par. 245). pour éviter de
porter atteinte aux droits d’un Etat tiers, la Cour a, au-delà du dernier
point d’inflexion, arrêté une frontière suivant une ligne od’équidistance
sans préciser de point terminal (ibid., p. 448, par. 307).
— Dans l’affaire de la Délimitation maritime et questions territoriales

(Qatar c. Bahreïn), la Cour n’a pas précisé l’emplacement exact de
l’un ou l’autre des points terminaux de la frontière maritime, oindiquant
que, de part et d’autre, la ligne se poursuivrait « jusqu’à ce qu’elle
rencontre la ligne de délimitation entre les zones maritimes respec-
tives» d’un Etat tiers nommément désigné (l’Iran au nord, et l’oArabie

saoudite au sud) et des deux parties (Délimitation maritime et questions
territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 116, par. 250). Ni l’Iran ni l’Arabie saoudite
n’avaient cherché à intervenir.
— Dans l’affaire relative au Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/

Malte), la Cour a eu recours à une autre formule pour prendre en
compte l’intérêt d’un Etat tiers. La Cour, qui avait rejetéo la requête à
fin d’intervention de l’Italie, a conclu dans son arrêt que soa décision
«ne d[evait] porter que sur la zone où … l’Italie n’émet[tait] pas de
prétentions sur le plateau continental » (Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 26,

par. 21). A cette fin, la Cour a défini la limite externe du plateau o
continental entre les parties en se fondant sur les limites précises que

62

5 CIJ1020.indb 121 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 479

l’Italie avait fait valoir dans le cadre de la procédure consacréoe à
l’intervention (C.I.J. Recueil 1985, p. 26-28, par. 21-22).

— Dans l’affaire relative au Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), après avoir défini le dernier point d’inflexion, la Cour o
n’a pas fixé de point terminal, déclarant que «la longueur de la ligne de
délimitation vers le nord-est [était] une question qui n’entr[ait] pas
dans la compétence de la Cour en l’espèce, étant donné qu’elle

dépendra[it] de délimitations à convenir avec des Etats tiers » (arrêt,
C.I.J. Recueil 1982, p. 94, par. 133) — il s’agissait en l’occurrence de
Malte, qui avait essayé en vain d’intervenir sur le fondement de
l’article 62.

20. La formule retenue par la Cour dans ses arrêts les plus récents a

donc consisté à définir une ligne frontière se poursuivant jusqu’à atteindre
la zone dans laquelle les droits d’Etats tiers risquaient d’être affectés. La
Cour a procédé ainsi dans trois cas de figure différents, ào savoir : 1) lors-
qu’elle n’était pas saisie d’une requête à fin d’ointervention, 2) lorsqu’elle y
avait fait droit, ou encore 3) lorsqu’elle avait rejeté une demande d’inter -
vention en tant que non-partie. Le recours à cette approche doit être

interprété à la lumière de l’article 59. parce qu’il ressort clairement de
cette disposition que des Etats tiers ne sauraient être liés par son arrêt,
l’effet dont la Cour a essayé de les mettre à l’abri ne peout être que de
moindre portée. par ailleurs, la formule employée par la Cour pour
protéger les intérêts d’Etats tiers lorsqu’elle procèdoe à une délimitation

maritime, qui consiste à dire que la ligne frontière s’étendo uniquement
jusqu’à la zone où elle risque de mettre en cause les droits deo tels Etats,
présente des similitudes frappantes avec le libellé de l’articloe 62, qui
ménage la possibilité d’intervenir lorsqu’« un intérêt d’ordre juridique
est … en cause »: ce faisant, la Cour n’a donc pas insisté sur la nécessité o

d’établir l’existence ou le contenu de « droits» d’Etats tiers, mais protégé
les « droits» que ceux-ci pourraient détenir dès lors qu’ils « risqu[aient]»
d’être affectés, et ce, qu’ils aient ou non fait l’objet d’une demande d’in -
tervention.
21. A la lumière de la pratique qui a été celle de la Cour dans leso

affaires de délimitation maritime où les prétentions d’Etaots tiers empié -
taient sur la zone en litige, d’aucuns pourront juger que, dans de teolles
circonstances, l’intervention n’a pas lieu d’être, la Cour ayant par ailleurs
les moyens de prendre en considération les intérêts de ces Etatos. Quant à
moi, j’en conclurai non pas que l’intervention n’a pas lieu d’oêtre mais, au

contraire, que les arrêts rendus par la Cour dans ce type de circonstoances
risquent d’affecter les droits et intérêts d’Etats tiers. C’est justement parce
qu’elle reconnaît que la délimitation à effectuer pourrait entraoîner cer -
taines conséquences pour l’Etat tiers que la Cour procède avec oautant de
prudence. Si un Etat tiers formule des prétentions qui empiètent sour celles
des parties, on peut s’attendre à ce que la Cour, au stade du fond, trace

une frontière qui se poursuivra uniquement jusqu’à atteindre lao zone dans
laquelle elle risque de mettre en jeu les droits d’Etats tiers. Lorsqoue, dans

63

5 CIJ1020.indb 123 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 480

de telles circonstances, la Cour doit statuer sur une demande d’interven -
tion, elle ne peut apprécier le bien-fondé des revendications des parties ni,

dès lors, avoir la certitude que la zone qu’elle finira par délimiter empié -
tera effectivement, ou simplement sera susceptible d’empiéter, sur les pré -
tentions de l’Etat tiers. L’article 62, toutefois, ne requiert pas que le
chevauchement soit certain, mais uniquement qu’un Etat tiers possèode un
intérêt d’ordre juridique risquant d’être affecté. En cas de chevauchement

de revendications, la Cour — pour peu qu’elle s’interroge sur la façon
dont elle envisagera le fond — dispose des éléments requis pour autoriser
l’intervention: l’Etat tiers (ayant fait valoir une prétention qui empiète
sur la zone en litige) possède un intérêt d’ordre juridiqueo que, comme
l’atteste sa pratique dans ce type de circonstances, son arrêt risque de
mettre en jeu. Les critères énoncés à l’article 62 n’interdisent pas à la

Cour d’admettre un Etat à intervenir pour la simple raison que, mêome
sans intervention, il lui est loisible de recourir à un tel procédoé.
22. L’arrêt rendu en l’affaire relative à la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria illustre la façon dont la Cour peut tenir
compte d’un chevauchement avec les prétentions d’Etats tiers, toant au

stade de l’intervention que dans sa décision au fond. Dans cette aoffaire, la
Guinée équatoriale avait fondé sa requête à fin d’inotervention en tant que
non-partie sur le fait qu’elle nourrissait des prétentions sur des zonoes
maritimes chevauchant la zone à délimiter entre le Cameroun et le oNigé -
ria. Au stade des exceptions préliminaires, le Nigéria avait appeloé l’atten-

tion de la Cour sur le fait que le prolongement de sa frontière maritoime
avec le Cameroun, telle que proposée par celui-ci, « finira[it] par atteindre
les zones maritimes dans lesquelles les droits et intérêts [des deoux parties]
chevaucher[aient] ceux d’Etats tiers » (Frontière terrestre et maritime entre
le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions pré▯liminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 324, par. 116). La Cour en déduisit que « les

droits et intérêts d’Etats tiers ser[aient], sembl[ait]-il, touchés » si la fron-
tière était ainsi prolongée (ibid.).
23. La Guinée équatoriale, l’un des Etats tiers expressément menotion -
nés par la Cour dans son arrêt de 1998, déposa donc une requête à fin
d’intervention, indiquant qu’elle avait des prétentions juridiqoues à l’égard

de certaines zones maritimes sur lesquelles empiétaient les revendications
du Cameroun et du Nigéria dans la zone à délimiter et, partant,o un intérêt
d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décoision de la Cour :
«[s]i la Cour en venait à déterminer une frontière maritime entre le Came-
roun et le Nigéria qui se prolongeait jusque dans les eaux de la Guinoée

équatoriale …, il serait porté atteinte aux droits et aux intérêts de lao Gui -
née équatoriale » (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), requête à fin d’interven▯tion, ordonnance du
21 octobre 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1032, par. 3). La Cour l’au -
torisa à intervenir, concluant que la Guinée équatoriale avait o« suffisam-
ment établi qu’elle a[vait] un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être

affecté par un arrêt que la Cour rendrait aux fins de déterominer la fron -
tière maritime entre le Cameroun et le Nigéria » (C.I.J. Recueil 1999 (II),

64

5 CIJ1020.indb 125 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 481

p. 1034, par. 13). Elle confirmait ainsi que la présence d’un chevauchement
de revendications pouvait suffire à établir l’existence d’uon intérêt d’ordre

juridique susceptible d’être affecté au sens de l’article 62, et ce, en dépit
du caractère bilatéral de la délimitation maritime, du principe res inter
alios acta et de la protection offerte à la Guinée équatoriale par l’article 59
du Statut. Elle était disposée à limiter l’étendue de la ofrontière qu’elle
allait tracer entre le Cameroun et le Nigéria en fonction de l’intoérêt de la

Guinée équatoriale.
24. Comme nous le verrons dans la seconde partie, il est difficile de
voir en quoi la situation à l’origine de la requête à fin od’intervention de la
Guinée équatoriale diffère de celle à l’origine de la roequête du Honduras,
lequel formule également des prétentions empiétant sur celles does parties

en litige, prétentions auxquelles il affirme qu’une délimitatioon de la fron-
tière maritime entre le Nicaragua et la Colombie pourrait porter atteointe
si cette frontière venait à se prolonger dans la zone qui en fait ol’objet.

2. Objet de l’intervention

25. L’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 81 du Règlement impose à
l’Etat demandant à intervenir de spécifier l’objet précois de son interven -
tion. L’examen par la Cour de la question de l’« objet » ayant toujours été
étroitement lié à celui de la question de savoir si le demandeuor avait établi
l’existence d’un intérêt d’ordre juridique pour lui en caouse, il est difficile
de voir en quoi cet « objet » pourrait être à lui seul déterminant pour

le sort d’une demande d’intervention donnée. Cela explique peut-être
pourquoi l’objet précis semble désormais présenté dans les requêtes à fin
d’intervention selon une formule standard :à savoir celle — retenue par la
Cour — utilisée dans la requête de la Guinée équatoriale en l’oaffaire
Cameroun c. Nigéria, elle-même en grande partie inspirée de la décision de

la Cour sur la requête à fin d’intervention du Nicaragua ; elle a en effet été
reprise en des termes similaires dans la requête des philippines — rejetée
en 2001 — et dans celles que la Cour examine aujourd’hui (voir Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.
Nigéria), requête à fin d’intervention, ordonnance du 21 octobre 1999,

C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1032, par. 4 ; Différend frontalier terrestre,
insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’▯intervention,
arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 108, par. 38 (requête du Nicaragua à fin d’in-
tervention) ; Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/
Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 580,

par. 7).
26. La question de l’objet de l’intervention mérite toutefois que l’on s’y
arrête quelque peu, parce que cet objet peut varier considérablemeont selon
qu’il s’agit d’une intervention en tant que partie ou en tant qoue non-
partie. Comme dans les affaires que nous venons de citer, l’objet doe
l’intervention en tant que non-partie pourra être d’isoler l’intérêt d’ordre

juridique d’un Etat tiers, autrement dit, d’empêcher la Cour deo rendre
une décision susceptible d’« affecter» cet intérêt. Dans une affaire de déli -

65

5 CIJ1020.indb 127 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 482

mitation maritime, il pourrait ainsi s’agir, pour un Etat intervenanto en
cette qualité, de fournir à la Cour toutes les informations voulueos pour

s’assurer que celle-ci ne préjuge pas de ses prétentions, ce qu’elle pourrait
faire par inadvertance si elle n’avait pas connaissance des vues de lo’Etat
tiers en question. Les prétentions seraient affectées non en ce osens que la
décision de la Cour lierait l’Etat tiers, ce que l’article 59 exclut, mais parce
qu’il serait implicitement admis que, en statuant, la Cour s’est porononcée

sur le bien-fondé des revendications de cet Etat. Le fait de disposer des
informations voulues pourrait aider la Cour, lorsqu’elle définito les coor -
données d’une frontière, à fixer un point d’inflexiono et/ou un point termi-
nal définitif et, ainsi, à éviter qu’il ne soit préjugéo des prétentions de l’Etat
intervenant. Ainsi, lorsque la Cour l’a autorisée à intervenir oen tant que
non-partie, la Guinée équatoriale n’est pas devenue partie à la oprocédure

principale ni liée par l’issue de cette procédure : en revanche, la possibilité
lui a été donnée d’informer la Cour de la manière dont les revendications
des parties « pourraient ou non » porter atteinte à ses droits légitimes et
à ses intérêts d’ordre juridique (Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), requête à fin d’interven ‑

tion, ordonnance du 21 octobre 1999, C.I.J Recueil 1999 (II), p. 1032,
par. 3).
27. L’objet d’une telle intervention en tant que non-partie diffère radica -
lement de celui de l’intervention en tant que partie, dans le cadre doe laquelle,
au contraire, l’Etat intervenant recherche nécessairement une décision dans

la procédure principale qui le lie et lie les parties originelles, eto qui, donc,
affectera son intérêt d’ordre juridique de manière tout à fait directe.
28. L’intervention ne saurait en tout état de cause avoir pour objet
d’introduire un nouveau différend. Une requête à fin d’ointervention est
une « procédure incidente » et « [u]ne procédure incidente ne saurait être
une procédure qui transforme [l’]affaire en une affaire diffoérente avec des

parties différentes» (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El
Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I ▯ .J. Recueil 1990,
p. 134, par. 98). Si un Etat tiers estime avoir un différend étroitement liéo
à la procédure principale, il lui est loisible d’introduire une instance dis -
tincte, qui pourra éventuellement être jointe, aux fins de la proocédure, à

l’instance initiale, ainsi que le prévoit l’article 47 du Règlement.
29. Une requête à fin d’intervention en tant que non-partie n’a toute -
fois guère de chance de se heurter à l’interdiction d’introdouire un nouveau
différend. Même s’il cherche à informer la Cour de l’existence d’intérêts
qui, autrement, ne lui auraient peut-être pas été soumis, un Etat deman -

dant à intervenir en tant que non-partie n’a pas qualité pour prier la Cour
de se prononcer sur son intérêt d’ordre juridique, connexe mais distinct,
ni, partant, ne peut greffer à l’affaire un nouveau difféorend. Un Etat
demandant à intervenir en tant que partie, en revanche, serait liéo par l’ar -
rêt que rendrait dans ce contexte la Cour (ou du moins par certaineso par-
ties de celui-ci): s’agissant de ce type d’intervention, il y a donc davantage

lieu de bien se demander si cet Etat ne cherche pas en réalité ào introduire
un nouveau différend.

66

5 CIJ1020.indb 129 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 483

3. Lien juridictionnel

30. La Cour a affirmé qu’un lien juridictionnel était requis lorsqou’un

Etat demande à intervenir en tant que partie, mais non lorsqu’il sollicite
de le faire en tant que non-partie (voir Souveraineté sur Pulau Ligitan et
Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), requête à fin d’interv▯ention, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 589, par. 35). Cette conclusion se comprend, dès
lors que les deux formes d’intervention affectent les droits et leso obliga -

tions juridiques des parties originelles de manière très difféorente : l’Etat
intervenant en tant que non-partie n’est pas lié par la décision de la Cour,
non plus que les parties ne le sont à son égard. A l’inverse, loa décision de
la Cour est obligatoire pour l’Etat intervenant en tant que partie (oaucune
demande d’intervention en tant que partie n’ayant été admiseo par la Cour,

il est difficile de savoir dans quelle mesure l’Etat intervenant seroait lié :
le serait-il par l’intégralité de la décision ou uniquement par la parotie de
celle-ci qui concerne spécifiquement ses intérêts ?).

4. Vues des parties

31. L’article 84 du Règlement ne prévoit la tenue d’audiences que si les
parties font objection. La Cour montre ainsi qu’elle accordera du poiods
aux vues des parties, ce qui est parfaitement normal, du reste, étanto donné
les implications pour celles-ci de la procédure d’intervention. Car — même
au stade de la simple demande d’intervention, que ce soit en tant queo

partie ou en tant que non-partie —, l’intervention entraîne inévitablement
des retards. Le Règlement accorde en effet à l’Etat autoriséo à intervenir
certains droits en matière de procédure ;par ailleurs, dans le cas de l’inter -
vention en qualité de partie, les conséquences de l’interventioon sont plus
importantes et substantielles.
32. Les vues des parties peuvent aider la Cour à déterminer si l’Etoat

demandant à intervenir a rempli les obligations que lui impose l’aorticle 62.
pour autant, l’article 84 du Règlement n’ajoute pas un critère substantiel
à l’article 62 du Statut. En d’autres termes, s’il est satisfait aux critèroes
énoncés à l’article 62, la Cour n’est pas, selon moi, fondée à rejeter une
requête à fin d’intervention pour la simple raison qu’une opartie, voire

les deux, s’y oppose. Ce sont les critères de l’article 62 qui sont détermi -
nants.
33. Il est une situation particulière où l’intervention peut êtroe justifiée
même si elle suscite l’opposition de l’une ou de l’autre deso parties, voire
des deux : celle dans laquelle l’intérêt d’ordre juridique de l’Etoat deman -

dant à intervenir « constituerai[t] l’objet même de la … décision » dans la
procédure principale (Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France,
Royaume‑Uni et Etats‑Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt,▯ C.I.J.
Recueil 1954, p. 32). L’intervention pourrait alors éviter à la Cour de
refuser de connaître de l’affaire du fait de l’absence d’uone partie indis-

pensable. plus généralement, si la Cour conclut que l’intérêt d’ordre juri -
dique d’un Etat tiers est susceptible d’être affecté par la décision qu’elle

67

5 CIJ1020.indb 131 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 484

rendra dans une affaire donnée, la possibilité qu’elle aura d’examiner les
vues de cet Etat et celle donnée aux parties d’y répondre permettront de

protéger tous les Etats en cause et de renforcer le bien-fondé et la légiti -
mité de son arrêt au fond.

5. Intervention en tant que non‑partie et intervention en tant que partie

34. En me penchant sur les facteurs que la Cour a pris en compte lors -
qu’elle a eu à se prononcer sur des requêtes à fin d’inotervention, j’ai relevé

des cas où l’analyse applicable à l’intervention en tant queo partie différait
de celle valant pour l’intervention en tant que non-partie. Je trouve donc
regrettable que le Règlement réserve un traitement unique à ceso deux
formes d’intervention. Leurs effets, en substance, ne sont pas les omêmes,
et il est dès lors fâcheux que la Cour ne soit pas plus libre d’oajuster les

procédures pour tenir compte de ces différences.

35. L’intervention en qualité de partie entraînant, en substance, des
implications non négligeables pour les parties originelles, la Cour soe doit
de prêter à la demande qui lui est soumise à cet effet toute ol’attention

requise, notamment en tenant des audiences en cas d’objection d’une ou
plusieurs parties. La procédure s’en trouvera ralentie, conséquoence certes
regrettable, mais qui se justifie compte tenu de ce qu’implique la odécision
d’admettre une intervention. La décision d’autoriser un Etat à intervenir
en tant que non-partie, en revanche, a, quant au fond, des implications
moindres. Les parties originelles n’acquièrent pas à cet égard de droits ou

d’obligations supplémentaires à l’égard de l’Etat inteorvenant. Dans ce cas,
au retard que provoque un examen de la demande d’intervention qui
inclut la tenue d’audiences, s’ajoute le risque de voir les Etats oreprésentés
à celles-ci les utiliser pour défendre leurs arguments au fond. Une procé -
dure plus souple, n’imposant pas systématiquement la tenue d’auodiences,

pourrait être de mise. De même, il pourrait être bon de donner oà l’Etat
autorisé à intervenir en tant que non-partie moins d’occasions d’exprimer
ses vues qu’à l’Etat admis à intervenir en tant que partie —o en lui permet -
tant, par exemple, de présenter une communication écrite, mais pas auto -
matiquement de participer à une procédure orale.

*
* *

36. A propos de plusieurs des facteurs que j’ai examinés plus haut, j’ai
pu constater que l’article 62, en lui-même, offrait une certaine marge
d’appréciation. C’est ainsi que

— un Etat tiers peut être «affecté», même quand il n’est pas juridiquement
lié par l’issue de la procédure ;
— l’Etat demandant à intervenir doit uniquement montrer que son

intérêt d’ordre juridique est «susceptible» d’être affecté, et non qu’il le
« sera » effectivement ;

68

5 CIJ1020.indb 133 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 485

— l’Etat demandant à intervenir n’est pas tenu de démontrer quoe son
intérêt est susceptible d’être affecté par le dispositiof, pouvant se

contenter de montrer qu’il risque de l’être par les motifs ;
— l’obligation de spécifier l’objet d’une intervention ne s’oest pas révélée
être un obstacle majeur ;
— l’article 62 n’impose pas à l’Etat demandant à intervenir de prouver
que l’intervention est la seule manière qu’il ait de protéger son intérêt

d’ordre juridique; et
— la Cour a précisé qu’aucun lien juridictionnel n’était reoquis dans le cas
d’une intervention en tant que non-partie.

37. Ces éléments portent à croire que la Cour est encline à admeottre les
demandes d’intervention. Ce n’est toutefois pas ce qui ressort de osa juris -
prudence, tant s’en faut. La Cour n’a admis, dans son intégralioté, qu’une
seule requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62 (Frontière

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigé ‑
ria), requête à fin d’intervention, ordonnance du 21 octobre 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1028). Or, cette requête avait ceci de particu -
lier que les parties n’y avaient pas fait objection. La seule autre doemande
d’intervention admise le fut en partie seulement, par la Chambre de loa
Cour (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/

Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 137,
par. 105).
38. La requête de la Guinée équatoriale mise à part, la Cour a aoinsi
rejeté toutes les requêtes à fin d’intervention se rapportant à does ques -
tions de délimitation maritime (voir Plateau continental (Tunisie/Jamahi ‑

riya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, ▯C.I.J. Recueil
1981, p. 20, par. 37 ; Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 28,
par. 47 ; Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/
Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recu▯eil 1990, p. 137,

par. 105). Cette tendance se confirme dans les arrêts qu’elle a rendous
aujourd’hui.

II. Requête du Honduras

A. Le Honduras devrait être autorisé à intervenir

en tant que non‑partie

39. D’après l’arrêt de la Cour, l’intérêt d’ordre juridique revendiqué
par le Honduras se rapporte pour l’essentiel à deux questions : d’une part,
celle de savoir si l’arrêt rendu en 2007 en l’affaire du Différend territorial
et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbe▯s
(Nicaragua c. Honduras) (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 659) a fixé

dans son intégralité la frontière maritime séparant le Honduoras et le Nica -
ragua dans la mer des Caraïbes et, d’autre part, celle des effetos qu’aura, le

69

5 CIJ1020.indb 135 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 486

cas échéant, la décision de la Cour dans la procédure principale sur les
droits qui sont ceux du Honduras en vertu du traité de délimitation mari -
time qu’il a conclu avec la Colombie en 1986 (arrêt, par. 59).
40. A propos de la première question, la Cour examine ce qui constitue
une remise en question, par le Honduras, de l’autorité de la chose jugée

dont est revêtu son arrêt de2007. Dans cet arrêt, la Cour avait conclu qu’à
partir du point F (situé par 15° 16΄ 08˝ de latitude nord et 82° 21΄ 56˝
de longitude ouest) la ligne de délimitation entre le Honduras et le Niocara -
gua « se poursuivra[it] le long de la ligne d’azimut 70° 14΄ 41,25˝ jusqu’à
atteindre la zone dans laquelle elle risqu[ait] de mettre en cause les droits

d’Etats tiers » ( Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007 (II), p. 760-763, par. 321). Le Honduras en déduit que l’arrêt
de 2007 n’a pas délimité de frontière entre le Nicaragua et luio-même à l’est
e
du 82 méridien, au-delà duquel les droits d’un Etat tiers (la Colombie)
«risqu[aient] d[’être mis] en cause », comme le montre la position adoptée
par la Colombie en réponse au Nicaragua en l’espèce (voir CR 2010/18,
p. 37 (Wood) ;CR 2010/20, p. 31 (Kohen)). En d’autres termes, le Hondu -
ras considère que c’est par les seules affirmations de la Colombie en l’espèce

qu’est déterminé l’emplacement du point terminal de la frontière fixée dans
l’arrêt de 2007, point que la Cour elle-même n’avait pas souhaité arrêter.
41. Je conviens avec la Cour que le Honduras interprète de façon erro -
née l’effet de la chose jugée dont est revêtu l’arrêot de 2007. Comme il est

précisé dans l’arrêt rendu aujourd’hui, le tracé de lao bissectrice fixée par la
Cour en 2007 est clair et cette ligne s’étend potentiellement au-delà du
82e méridien. Il est également clair — et cette constatation est revêtue de
l’autorité de la chose jugée pour le Honduras et le Nicaragua — que la
ligne frontière s’achève lorsqu’elle « atteint la zone dans laquelle elle ris-

que de mettre en cause les droits d’Etats tiers». La seule chose à n’avoir pas
été fixée est l’emplacement exact du point terminal, questoion sur laquelle
je reviendrai plus loin.
42. Je conviens également de l’opportunité pour la Cour de précioser
qu’elle «ne se fondera pas » sur le traité de 1986 pour fixer une frontière

maritime entre la Colombie et le Nicaragua, dans la mesure où il s’oagit
ainsi de signifier qu’un traité entre une partie (la Colombie) et un Etat tiers
(le Honduras) ne saurait déterminer les droits des parties à la présente
affaire.

43. Je me dissocie toutefois de l’arrêt de la Cour parce que je pense o
malgré tout que le Honduras possède un « intérêt d’ordre juridique » qui
risque d’être affecté par la décision qui sera rendue danso la procédure
principale. Or, l’intérêt du Honduras découle du chevauchemeont entre les
espaces maritimes qu’il revendique et la zone en litige en l’espèoce. La

Colombie a demandé à la Cour de tracer une frontière maritime uonique
(représentée sur le croquis reproduit dans l’arrêt) sans fioxer de point ter -
minal au nord. Comme la Colombie le souligne à juste titre (CR 2010/20,
p. 26, par. 46 (Bundy)), le traité qu’elle a conclu en 1986 avec le Honduras
ne l’empêche pas de formuler des prétentions au nord du 15 eparallèle à

70

5 CIJ1020.indb 137 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 487

l’égard du Nicaragua. Ainsi, la zone que la Colombie revendique à l’égard
du Nicaragua en l’espèce empiète sur celle s’étendant au onord du 15paral- e
lèle et à l’ouest du 80 méridien, laquelle est elle-même revendiquée par le

Honduras vis-à-vis de la Colombie en vertu du traité de 1986. Les reven -
dications du Nicaragua à l’égard de la Colombie en l’espèce concernent
ces mêmes zones (voir observations écrites du Nicaragua sur la reoquête à
4
fin d’intervention du Honduras, 2 septembre 2010) .
44. J’ai déjà dit que l’existence d’un chevauchement de revendicationos
peut, de manière générale, donner à penser que sont réunies les circonstances
justifiant une intervention en tant que non-partie fondée sur l’article 62. S’il

n’est pas possible à ce stade de savoir si la Cour adoptera une liogne identique
ou semblable à celle proposée par la Colombie, il ressort clairemeont de sa
pratique que, le cas échéant, elle fixera l’extrémité noord de cette ligne fron -

tière de manière à tenir compte des droits que le Honduras pourorait se pr -é
valoir sur le fondement du traité qu’il a conclu avec l’une deso parties (la
Colombie) et de la décision de la Cour liant le Honduras et l’autore partie (le

Nicaragua). Ce sont précisément les raisons qui pousseraient la Coour à pro -
céder ainsi dans son arrêt qui m’amènent à considérer oque le chevauchement
entre les espaces qu’il revendique et la zone en litige en l’espèoce auraient

justifié d’admettre le Honduras à intervenir en qualité deo non-partie.
45. Indépendamment de cette situation de chevauchement de revendi -
cations, c’est pour une raison bien plus précise qu’un «intérêt d’ordre juri-

dique» du Honduras risque d’être affecté par l’arrêt qui osera rendu en
l’espèce. Cet intérêt découle de la frontière maritimeo proposée par la
Colombie, telle que représentée sur le croquis reproduit dans l’oarrêt.

Comme on peut le voir, cette frontière suit dans l’ensemble une diorection
nord-sud. Si elle devait se poursuivre vers le nord, cette ligne (terminée
sur le croquis par une flèche) rencontrerait la ligne en pointilléos qui repré -

sente la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua, telle oque
tracée par la Cour en 2007, laquelle suit dans l’ensemble une direction
est-ouest, et dont le point terminal n’a pas été fixé. A ce stoade de la pro -
cédure, la Cour n’a pas encore procédé à un examen au fonod des revendi-

cations des parties, ni pris la moindre décision quant au point terminal
septentrional de toute frontière qu’elle délimiterait en l’aoffaire.

4 A cet égard, l’analyse de l’intérêt de la Colombie faite opar la Cour dans son arrêt
de 2007 en l’affaire Nicaragua c. Honduras semble incomplète. La Cour avait alors conclu
que

«une éventuelle délimitation entre le Honduras et le Nicaragua qui ose prolongerait
vers l’est au-delà du 82méridien et au nord du 15 eparallèle (ce qui serait le cas de
la bissectrice retenue par la Cour) ne porterait en réalité pas poréjudice aux droits de
la Colombie, dans la mesure où les droits de cette dernière en verotu de ce traité ne
s’étendent pas au nord du 15 eparallèle » (Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758-759, par. 316).

Il est vrai que les droits reconnus à la Colombie à l’égard du Honduras en vertu du traité
de 1986 ne s’étendent pas au nord du 15parallèle, mais cela n’interdit pas à la Colombie de
formuler une revendication à l’égard du Nicaragua au nord dudito parallèle.

71

5 CIJ1020.indb 139 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 488

46. Une décision de la Cour tendant à retenir la ligne proposée par la
Colombie aurait des implications non négligeables pour le sens préocis de
l’arrêt de 2007 qui lie le Honduras et le Nicaragua et, partant, risquerait
d’affecter l’« intérêt d’ordre juridique » du Honduras. Avant d’en venir

aux raisons pour lesquelles je suis parvenue à cette conclusion, je rappel -
lerai que la question qui se pose à la Cour est de savoir si l’«o intérêt
d’ordre juridique » du Honduras « risque» (« may») d’être affecté. Dans
l’analyse qui suit, je m’attarderai particulièrement sur la ligone proposée

par la Colombie en ce qu’elle pourrait 5ouper la frontière fixéoe en 2007
entre le Nicaragua et le Honduras .
47. Lorsque la Cour a délimité la frontière entre le Honduras et leo
Nicaragua en 2007, elle a indiqué que, à partir du dernier point d’in -
flexion, le point « F», la ligne « se poursuivra[it] le long de la ligne d’azi -

mut 70° 14´ 41.25˝ jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risqu[ait] de
mettre en cause les droits d’Etats tiers » (Différend territorial et maritime
entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragu▯a
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 763, par. 321). La Cour

n’a donc pas fixé de point terminal précis, se conformant ào l’approche
qu’elle a, en règle générale, suivie à l’égard des ointérêts d’Etats tiers en
matière de délimitation de frontières sur une base bilatéraloe, approche
consistant à préserver le droit des Etats concernés.

48. En l’espèce, toutefois, la ligne s’étendant à partir du pooint F est
revêtue de l’autorité de la chose jugée vis-à-vis du Honduras et du Nica -
ragua, mais l’incertitude demeure quant au point où elle s’achèove, faute
de pouvoir situer avec précision l’endroit où elle rencontre unoe zone sur
laquelle un Etat tiers pourrait avoir des droits. La situation serait raodica -

lement différente si la Cour devait adopter la ligne proposée paor la Colom -
bie. Elle suivrait alors sans doute sa pratique habituelle lorsque sont oen
jeu les intérêts d’Etats tiers: après avoir fixé le dernier point d’inflexion au
nord, elle tracerait une ligne qui, à partir de ce point, serait largoement

orientée vers le nord et se poursuivrait jusqu’à atteindre la zoone où elle
risquerait d’affecter les droits d’un Etat tiers. A un endroit doonné, cette
ligne couperait celle tracée par la Cour dans son arrêt de 2007.
49. Ainsi, l’adoption de la ligne proposée par la Colombie — qui, une

fois de plus, n’est qu’une des issues possibles de la procédureo principale —
impliquerait, fondamentalement, une conclusion de la Cour quant à l’oem -
placement exact, sur la ligne tracée par elle en 2007, du point où les droits
d’un Etat tiers (la Colombie) « risque[nt] d’[être mis] en cause ». Ce nou-
vel éclairage de la Cour sur les droits d’un Etat tiers affecterait oinévita-

blement la manière dont le Honduras (et le Nicaragua) interpréteorait et
appliquerait l’arrêt de 2007, obligatoire pour ces deux Etats. En particu -
lier, la ligne de 2007 serait, semble-t-il, sans effet à l’est du point où les

5 Je m’arrête ici sur la ligne revendiquée par la Colombie, et noon par le Nicaragua,
parce que la première traverserait la zone dans laquelle le Honduras oprétend avoir un
intérêt, alors que la seconde se situe très nettement à l’est de cette zone — et non parce que
j’aurais tiré une quelconque conclusion quant au bien-fondé des revendications des deux
parties, que je n’ai pas cherché à évaluer.

72

5 CIJ1020.indb 141 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 489

deux lignes se rencontrent et, ainsi, se trouverait dotée d’un poiont termi -
nal de facto. La décision de la Cour en l’affaire opposant le Nicaragua et

la Colombie ne lierait pas le Honduras (par le jeu de l’article 59 du Sta -
tut), mais sa conclusion quant aux droits de la Colombie éclairerait d’un
jour nouveau, et préciserait, le sens du dispositif de l’arrêt ode 2007 et,
par conséquent, «mettr[ait] en cause l’intérêt d’ordre juridique » du Hon-
duras. Cette décision de la Cour aurait certainement, pour reprendre oles

termes, déjà cités, de sir Robert Jennings, l’« autorité du précédent ».
50. Il est fort possible que la Cour n’adopte pas la ligne proposée paor
la Colombie. Toutefois, l’incertitude quant à sa décision, loin de militer
contre l’intervention, met en évidence la prudence qu’il y a ào admettre à
intervenir en tant que non-partie un Etat tiers dont les revendications em-

piètent sur celles des parties dans une délimitation. C’est justement parce
que la Cour n’est pas en mesure d’examiner au fond ces revendications
que l’intervention est justifiée, puisque la Cour a pour pratiquoe de tenir
compte des revendications d’Etats tiers dans ce type d’affaires.o
51. Le Honduras s’est acquitté de la charge lui incombant d’étabolir
l’existence d’un intérêt d’ordre juridique susceptible d’oêtre affecté par l’a-

rêt que rendra la Cour. L’objet de la requête est conforme ào celui de l’in-
tervention en tant que non-partie, puisqu’il s’agit de s’assurer que la Cour
aura connaissance de ses vues quant à cet intérêt afin d’éoviter, lorsqu’elle
prendra sa décision, toute conclusion qui «pourrait affecter» celui-ci (voir
requête à fin d’intervention du Honduras, p. 11, par. 33).

52. Comme je l’ai déjà indiqué, le Honduras n’a pas besoin d’établir
une base indépendante de compétence à l’appui de sa demande od’inter -
vention en tant que non-partie.
53. En concluant que le Honduras devrait être autorisé à interveniro en
tant que non-partie, j’ai tenu compte des vues divergentes (du moins au

sujet de l’intervention en qualité de non-partie) des parties ainsi que de
leurs arguments juridiques. Le Nicaragua, en s’opposant à l’intoervention,
a fait part de ses préoccupations quant aux conséquences d’ordroe procé -
dural qu’aurait celle-ci. Si je ne suis pas insensible à ces préoccupations,
elles ne changent toutefois rien à ma conviction que l’Etat demandoant à

intervenir s’est acquitté de la charge qui lui incombe en vertu deo l’ar -
ticle 62 et que, partant, sa requête aurait dû être admise.

B. La Cour a eu raison de ne pas admettre le Honduras
à intervenir en tant que partie

54. Si j’avais souhaité que fût admise la demande d’interventiono du
Honduras en tant que non-partie, il n’en va pas de même en ce qui
concerne sa demande d’intervention en tant que partie. L’article 62 du
Statut ne faisant pas de distinction entre les deux formes d’intervenotion, il
peut, de prime abord, sembler étrange de ne juger fondée que l’oune d’entre
elles. Dans sa demande d’intervention en tant que partie, toutefois, ole

Honduras cherche expressément à joindre à la présente instance la ques -
tion de l’emplacement d’un « point triple » entre lui-même, la Colombie et

73

5 CIJ1020.indb 143 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 490

le Nicaragua (voir le paragraphe 41 de l’arrêt, ainsi que le paragraphe 22
(p. 7) de la requête à fin d’intervention du Honduras). par ailleurs, le

Honduras prie la Cour de placer ce point triple sur la ligne frontièroe éta-
blie par le traité qu’il a conclu avec la Colombie en 1986. En d’autres
termes, l’objet de cette demande est non pas d’empêcher tout effoet sur son
intérêt d’ordre juridique, mais bien de produire un tel effet, en obtenant
d’être lié, de même que le Costa Rica et le Nicaragua, par une décision

juridique que la Cour n’aurait autrement pas à rendre : la détermination
de l’emplacement d’un point triple entre ces trois Etats le long doe la ligne
frontière établie dans le traité de 1986 entre la Colombie et le Honduras.
L’intervention en tant que partie, dans les termes requis par le Hondouras
dans sa requête, reviendrait donc à greffer sur l’affaire uon différend nou -
veau, encore qu’étroitement lié à celui opposant les parties. Aussi suis-je

d’accord avec la décision de rejeter cette forme d’interventiono en l’espèce.

Conclusion

55. Au cas d’espèce, je conclus que l’Etat demandant à intervenir a

satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait et a établi qoue sa deman-
de satisfaisait aux critères de l’article 62. Le Honduras a des prétentions
qui empiètent sur la zone en litige en l’espèce et dont, d’aoprès sa pratique
constante, la Cour tiendra assurément compte dans son arrêt. Ainsio, un
«intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause ». Outre le chevauchement

de revendications, son intérêt est aussi susceptible d’être affecté pour une
autre raison, plus spécifique :si la Cour devait adopter une ligne conforme
à celle proposée par la Colombie, sa décision aurait d’imporotantes im-
plications pour le sens concret de l’arrêt rendu dans l’affaiore Nicaragua
c. Honduras, qui lie le Honduras en vertu de l’article 59.

56. Les critères essentiels de l’article 62 étant formulés de façon très
concise, ils prêtent à diverses interprétations. Toutefois, comome je l’ai déjà
dit, on ne saurait y lire une obligation faite à l’Etat demandant oà interve -
nir de démontrer que l’arrêt de la Cour est susceptible de l’oaffecter au
sens prévu par l’article 59. Dans sa jurisprudence relative à la délimita -

tion maritime, la Cour a maintes fois reconnu que ses arrêts étaient
susceptibles d’affecter les Etats tiers en cas de chevauchement de préten -
tions et a pris soin de rédiger ses arrêts de manière à ne poas empiéter sur
les zones dans lesquelles ils « risqu[aient] de mettre en cause » les droits
d’Etats tiers. Aussi ai-je suggéré ici que, d’une manière générale, les situa -

tions de chevauchement de revendications maritimes semblaient être deo
celles où l’intérêt d’ordre juridique d’un Etat tiers « risqu[ait] d’[être mis]
en cause » par un arrêt. Si l’un des plus récents précédents de la oCour qui
nous intéressent en l’espèce (autorisant l’intervention de ola Guinée équa -
toriale dans l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Came ‑
roun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale intervenant))

tend à le suggérer, force est de constater que d’autres — et notamment les
arrêts rendus ce jour par la Cour — donnent au contraire à penser qu’un

74

5 CIJ1020.indb 145 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 491

Etat demandant à intervenir en tant que non-partie dans une situation de
chevauchement de revendications ou d’intersection de frontières neo sera

pas autorisé à le faire à moins d’avoir pu démontrer que ol’arrêt de la Cour
est susceptible de l’affecter d’une manière que ne suffiraito pas à pallier la
perspective de voir la Cour tenir compte de sa prétention dans son arorêt.
Je ne sais pas exactement de quels éléments supplémentaires la oCour sou -
haiterait disposer. La présente requête ayant, à l’instar deo celle de la

Guinée équatoriale, été introduite dans une situation de chevauchement
de revendications maritimes, l’on serait également tenté de conoclure que
l’objection d’une seule partie peut faire échec à l’intervention, même si la
Cour ne l’a pas dit et même si cette approche ne serait pas conforme à
l’esprit de l’article 62. Ainsi que déjà relevé, la Cour a le pouvoir discré -
tionnaire de décider si, dans un cas donné, l’intérêt d’oordre juridique d’un

Etat tiers « est … en cause », ce pouvoir étant néanmoins circonscrit par
les termes de l’article 62.
57. Aujourd’hui, la Cour a réaffirmé que, même quand elle rejetote une
requête à fin d’intervention, elle peut, dans le cadre de sono arrêt, tenir
compte de toutes les informations soumises par l’Etat qui en est l’oauteur.

Je conviens que rien n’empêche la Cour de les prendre en considéoration,
mais ne trouve guère satisfaisante la situation qui s’ensuit. Si loa Cour tient
compte des arguments de l’Etat tiers lorsqu’elle délimite une forontière,
c’est nécessairement — semble-t-il — parce qu’elle juge l’intérêt d’ordre
juridique de cet Etat « en cause ». Dès lors qu’elle décide de rejeter une

requête à fin d’intervention, mais d’utiliser néanmoinso les informations
soumises par son auteur, la Cour crée un mécanisme de participatioon de
facto des Etats tiers que ne prévoient actuellement ni le Statut ni le Rèo-
glement. Dans l’affaire de la délimitation du plateau continentaol entre la
Libye et Malte (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte),
arrêt, C.I.J. Recueil 1985), par exemple, l’Italie n’avait pas été autorisée à

intervenir, mais la Cour s’est expressément fondée sur les revendicaotions
qu’elle avait formulées dans sa requête pour limiter la portéoe de sa déci -
sion afin de protéger ses intérêts (ibid., p. 25-26, par. 21-22).
58. La présente situation est problématique. Les Etats tiers disposent,
pour présenter leurs vues, d’un mécanisme qui n’est pas sanso attrait pour

eux (puisque, apparemment, la Cour prendra en considération ces vueso
indépendamment du sort qu’elle réservera à leur requête)o, mais ce méca -
nisme retarde inévitablement et considérablement la procédure aou détri -
ment de l’une des parties tout au moins. Ainsi, de par le scepticisme même
dont elle fait montre à l’égard de l’intervention, la Cour soemble para-

doxalement accorder insuffisamment de poids aux intérêts des partoies et
protéger au contraire ceux d’Etats tiers.
59. Etant moi-même issue d’un système judiciaire qui permet de sou -
mettre des mémoires à titre d’amicus curiae pour informer le juge de ses
vues sans devenir partie à une affaire, je ne suis guère gênéoe par la pers -
pective de voir la Cour prendre en compte les vues d’Etats tiers inteorve -

nant en tant que non-parties. Je pense toutefois qu’il vaudrait mieux le
faire de manière plus transparente et plus efficace. En rationalisant les

75

5 CIJ1020.indb 147 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 492

procédures d’examen de requêtes présentées en vue d’intervenir en cette
qualité et, par exemple, en limitant les droits procéduraux accordoés aux
Etats admis à ce faire, la Cour pourrait tenir compte de l’« intérêt d’ordre
juridique» d’un Etat tiers sans que celui-ci ne soit lié par son arrêt, en

réservant les procédures les plus lourdes aux requêtes à fion d’intervention
en tant que partie (qui, à ce jour, sont restées très rares).o L’on pourrait
aussi songer à mettre au point un autre mécanisme permettant aux Eotats
tiers de présenter leurs vues.

(Signé) Joan E. Donoghue.

76

5 CIJ1020.indb 149 14/06/13 11:47

Bilingual Content

471

DISSENTING OpINION OF JUDGE DONOGHUE

Disagreement with outcome and approach of the Court in rejecting Honduras’s
Application to intervene — Maritime claims overlapping area at issue sufficient to
show an interest of a legal nature that may be affected — Court’s practice of using
a directional arrow demonstrates its appreciation that its decisions “▯may affect”

the legal interests of third States — Prospect that the Court can protect third‑State
interests by other means not a reason to deny intervention — No jurisdictional link
required in case of non‑party intervention — Parties’ opposition to intervention not
dispositive when Article 62 criteria are met — Substantive effects in case of party
intervention greater than in case of non‑party intervention.

Honduras should be permitted to intervene as a non‑party — Agreement with
Court that Honduras misreads res judicata effect of 2007 Judgment — No precise
endpoint of bisector line established in 2007 Judgment — Agreement with Court
that treaty between Colombia and Honduras not determinative of Parties’▯ rights in
this case — Overlap of Honduras’s claims with area at issue between the Part▯ies

shows that Honduras has an interest of a legal nature that may be affect▯ed —
Possible impact on interpretation of 2007 Judgment also shows interest o▯f a legal
nature that may be affected — Agreement with Court’s decision to deny Honduras’s
intervention as a party — Court’s practice of rejecting intervention but considering
information submitted by third States gives rise to de facto means of third‑State

participation to the potential disadvantage of parties.

table of contents

Paragraphs

I. Intervention under Artoicl6 e2 of the Statute of the Courot 4-38

A. The Statute and Rules of Court 4-9

B. Factors relevant to consideration of an application to inter -
vene 10-38

1. Whether the Applicant to intervene has an “interest of a
legal nature” that “may be affected” by the decision 11-24

(a) The meaning of Article 62 11-17
(i) paragraph 1 of Article 62 11-16

(ii) paragraph 2 of Article 62 17
(b) The Court’s practice of protecting third States that

“may be affected” by judgments regarding maritime
boundaries 18-24

55

5 CIJ1020.indb 106 14/06/13 11:47 471

me
OpINION DISSIDENTE DE M LA JUGE DONOGHUE

[Traduction]

Désaccord avec la décision de rejeter la requête à fin d’▯intervention du Honduras
et l’approche adoptée par la Cour — Chevauchement entre les espaces maritimes
revendiqués et la zone en litige suffisant à établir un inté▯rêt d’ordre juridique
susceptible d’être affecté — Pratique des flèches témoignant de la conscience qu’a

la Cour que ses décisions « sont susceptibles d’affecter » les intérêts d’ordre
juridique d’Etats tiers — Rejet de l’intervention non justifié par l’idée que la ▯Cour
protégera par d’autres moyens les intérêts d’Etats tiers — Aucun lien juridictionnel
requis en cas d’intervention en tant que non‑partie — Caractère non déterminant
de l’opposition des Parties à l’intervention dès lors que le▯s critères énoncés à
l’article 62 sont remplis — Intervention en tant que partie produisant des effets

plus importants que ceux associés à l’intervention en tant que ▯non‑partie.
Conviction que le Honduras devrait être autorisé à intervenir e▯n tant que
non‑partie — Accord avec la Cour quant au fait que le Honduras interprète mal▯
l’autorité de la chose jugée dont est revêtu l’arrêt d▯e 2007 — Ligne bissectrice
tracée dans l’arrêt de 2007 dépourvue de point terminal précis — Accord avec la
Cour quant au fait que le traité entre la Colombie et le Honduras est▯ sans incidence

sur les droits des Parties en l’espèce — Intérêt d’ordre juridique susceptible d’être
affecté établi puisque les prétentions du Honduras débordent▯ sur la zone en litige
en l’espèce — Intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté▯ également établi
au vu d’une possible incidence sur l’interprétation de l’arr▯êt de 2007 — Accord
avec la décision de la Cour de rejeter la demande d’intervention d▯u Honduras en

tant que partie — Pratique de la Cour consistant à rejeter l’intervention tout ▯en
examinant les informations soumises se trouvant à l’origine d’u▯n moyen de
participation de facto des Etats tiers au détriment éventuel des parties.

table des matières

Paragraphes

I. Intervention en vertuo de l’article 62 du Statut de la Cour 4-38

A. Statut et Règlement de la Cour 4-9

B. Facteurs pertinents aux fins de l’examen d’une requête à fion
d’intervention 10-38

1. Question de savoir si l’Etat demandant à intervenir a un
«intérêt d’ordre juridique … en cause» 11-24

a) Sens de l’article 62 11-17
i) paragraphe 1 de l’article 62 11-16

ii) paragraphe 2 de l’article 62 du Statut 17
b) pratique de la Cour consistant à protéger les intérêts

d’Etats tiers «susceptibles d’être affectés» par un arrêt
relatif à une délimitation maritime 18-24

55

5 CIJ1020.indb 107 14/06/13 11:47 472 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

2. The object of the intervention 25-29
3. The jurisdictional link 30
4. The views of the parties 31-33
5. Non-party versus party intervention 34-38

II. The Application of Honduraos 39-54

A. Honduras should be permitted to intervene as a non-party 39-53

B. The Court was correct in deciding not to grant the applica -
tion to intervene as a party 54

Conclusion 55-59

*

1. I have dissented from the decision to reject Honduras’s Application
to intervene as a non-party in these proceedings. I part company with the
Court not only as to the result, but also as to its approach to Article 62

of the Statute of the Court.

2. Article 62 of the Statute of the Court provides for intervention of a
third State that demonstrates that it has an “interest of a legal natoure that

may be affected” by a decision in the case. It also requires the thoird State
to specify the object of its intervention. I conclude that the proposed o
intervention meets this standard. First, Honduras asserts claims to mario-
time areas that overlap the area at issue in this case. The Court’s poractice

in such situations has been to describe boundaries in a manner that rec -
ognizes that its decisions “may affect” third States. As it did oin the most
recent case in which a State with overlapping claims applied to intervenoe
(see Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cam ‑

eroon v. Nigeria), Application for Permission to Intervene, Order of
21 October 1999, I.C.J. Reports 1999), I believe that the Court should
grant the Application here. Second, under one possible outcome (the linoe

proposed by Colombia), the decision of this Court inevitably would affoect
the way that Honduras (and Nicaragua) would interpret and apply the
2007 decision of this Court in the case concerning Territorial and Mari ‑
time Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea

(Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II). That deci -
sion determined the maritime boundary between Honduras and Nicara -
gua, without an endpoint, by deciding only that the boundary line shall o
continue from a specified geographic point “along the line having tohe azi-

muth of 70° 14΄ 41,25˝ until it reaches the area where the rights of third
States may be affected” (ibid., pp. 760-763, para. 321). A decision in this
case to set a boundary based on that proposed by Colombia would spec -
ify the point at which a third State (Colombia) “may be affected”o by the

56

5 CIJ1020.indb 108 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 472

2. Objet de l’intervention 25-29
3. Lien juridictionnel 30
4. Vues des parties 31-33

5. Intervention en tant que non-partie et intervention en tant
que partie 34-38

II. Requête du Honduras 39-54

A. Le Honduras devrait être autorisé à intervenir en tant que
non-partie 39-53
B. La Cour a eu raison de ne pas admettre le Honduras à inter -

venir en tant que partie 54

Conclusion 55-59

*

1. Je ne souscris pas à la décision de rejeter la demande du Honduras

tendant à intervenir en tant que non-partie en la présente instance, étant
en désaccord non seulement avec la conclusion à laquelle est parvenue la
Cour, mais aussi avec l’approche qu’elle a adoptée quant à l’article 62 de
son Statut.

2. L’article 62 du Statut de la Cour permet l’intervention d’un Etat
tiers ayant démontré que, dans un différend, un « intérêt d’ordre juridique
[était] pour lui en cause », l’Etat en question devant en outre avoir spécifié
l’objet de son intervention. Je considère ce critère comme rempoli en l’es -

pèce. premièrement, le Honduras revendique des espaces maritimes qui
empiètent sur la zone en litige dans la procédure principale. Danso des
circonstances similaires, la Cour a eu pour pratique de définir la oligne

frontière en prenant acte de ce que ses décisions étaient «susceptibles d’af-
fecter» les intérêts d’Etats tiers. Je pense que la Cour aurait dûo admettre
la requête en l’espèce, comme elle l’a fait dans son plus récent précédent
impliquant un chevauchement avec les prétentions d’un Etat tiers (ovoir

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (▯Cameroun
c. Nigéria), requête à fin d’intervention, ordonnance du 21 octobre 1999,
C.I.J. Recueil 1999). Deuxièmement, dans l’un des cas de figure possibles
(la ligne proposée par la Colombie), la décision de la Cour inflouerait iné-

vitablement sur la manière dont son arrêt de 2007 en l’affaire du Différend
territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer de▯s
Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (▯II)) doit

être interprété et appliqué par le Honduras (et le Nicaraguoa). Dans cet
arrêt, la Cour a défini le tracé de la frontière maritime oentre le Honduras
et le Nicaragua sans fixer de point terminal, indiquant uniquement qu’oà
partir d’un point géographique déterminé la frontière «se poursuivra[it] le

long de la ligne d’azimut 70° 14΄ 41,25˝ jusqu’à atteindre la zone dans
laquelle elle risqu[ait] de mettre en cause les droits d’Etats tiers » (ibid.,
p. 760-763, par. 321). Une décision par laquelle la Cour fixerait une ligne

56

5 CIJ1020.indb 109 14/06/13 11:47 473 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

line drawn in 2007 and would appear to create the de facto endpoint of
that line. While I believe that Honduras should be permitted to intervenoe

as a non-party, I agree with the Court’s decision to deny intervention as
a party.

3. In part I of this opinion, I discuss the factors that are relevant to the
Court’s consideration of an application for intervention, which also opro -
vide a foundation for my dissenting opinion with respect to the Applica -
tion of Costa Rica. In part II, I turn to the specific circumstances of
Honduras.

I. Intervention under Artoicle62 of the Statute of the Courot

A. The Statute and Rules of Court

4. Two Articles of the Statute of the Court address intervention. This
Application is submitted under Article 62, which provides :

“l. Should a State consider that it has an interest of a legal natureo
which may be affected by the decision in the case, it may submit a
request to the Court to be permitted to intervene.
2. It shall be for the Court to decide upon this request.”

5. Intervention is also addressed in Article 63, which gives a State a
right to intervene in a case if it is a party to a “convention” thoat is “in

question” in the case. If it exercises this right, “the judgment woill be
equally binding upon it”.
6. Article 81 (2) of the Rules of Court requires an application for inter -
vention under Article 62 of the Statute of the Court to set out :

“(a) the interest of a legal nature which the State applying to intervene
considers may be affected by the decision in that case ;
(b) the precise object of the intervention ;

(c) any basis of jurisdiction which is claimed to exist as between the
State applying to intervene and the parties to the case.”
7. In addition, Article 84 of the Rules states that the Court shall decide

on applications to intervene “as a matter of priority unless in view oof the
circumstances of the case the Court shall otherwise determine”. Article 84
also requires the Court to hold a hearing on intervention if a party files a
timely objection to intervention, at which the Court hears from the par -
ties and the would-be intervenor.

8. The Rules address the procedural implications of a decision to per -
mit intervention, by specifying in Article 85 that the intervenor is allowed

57

5 CIJ1020.indb 110 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 473

frontière conforme à celle proposée par la Colombie aurait précisément
pour effet de déterminer le point où la ligne tracée en 2007 « risque de

mettre en cause » les droits d’un Etat tiers (la Colombie) et paraîtrait
doter celle-ci d’un point terminal de facto. Je pense donc que le Honduras
aurait dû être admis à intervenir en tant que non-partie ; j’approuve tou-
tefois la décision de la Cour de rejeter sa demande d’interventiono en tant
que partie.

3. Dans la première partie de la présente opinion, j’analyserai leos fac -
teurs à prendre en compte aux fins de l’examen par la Cour d’oune demande
d’intervention; ce sont les mêmes que ceux sur lesquels je me fonde dans
mon opinion dissidente relative à la requête du Costa Rica. Dans la
seconde partie, je me pencherai sur les circonstances propres au cas du o

Honduras.

I. Intervention en vertuo de l’article62 du Statut de la Cour

A. Statut et Règlement de la Cour

4. Deux articles du Statut de la Cour traitent de la question de l’inter -
vention. Le Honduras a présenté sa requête au titre de l’artoicle 62, qui se
lit comme suit :

«1. Lorsqu’un Etat estime que, dans un différend, un intérêt
d’ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Couor une
requête à fin d’intervention.
2. La Cour décide. »

5. L’intervention est par ailleurs envisagée à l’article 63 du Statut, qui
autorise un Etat à intervenir dans une affaire s’il est partie ào une «conven -

tion» en cause dans celle-ci. Si l’Etat en question exerce cette faculté, « la
sentence est également obligatoire à son égard ».
6. Le paragraphe 2 de l’article 81 du Règlement requiert qu’une requête
à fin d’intervention fondée sur l’article 62 du Statut spécifie :

«a) l’intérêt d’ordre juridique qui, selon l’Etat demandant ào interve -
nir, est pour lui en cause ;
b) l’objet précis de l’intervention ;

c) toute base de compétence qui, selon l’Etat demandant à intervenir,
existerait entre lui et les parties. »
7. par ailleurs, l’article 84 du Règlement prévoit que la Cour statue

sur l’admission d’une requête à fin d’intervention « par priorité à moins
que, vu les circonstances de l’espèce, [elle] n’en décide auotrement ». Tou-
jours selon cette disposition, si, dans le délai fixé, une partioe fait objection
à une intervention, la Cour entend les parties ainsi que l’Etat désireux
d’intervenir.

8. Le Règlement traite des implications d’ordre procédural d’unoe déci -
sion d’autoriser l’intervention, en stipulant en son article 85 que l’Etat

57

5 CIJ1020.indb 111 14/06/13 11:47 474 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

access to the pleadings and an opportunity to submit a written statemento

and to participate in oral proceedings.
9. The Statute and Rules do not specify the legal consequences of
intervention under Article 62 (in contrast to Article 63, which provides
that the resulting judgment binds the intervenor). Article 62 makes no
distinction between intervention as a party and intervention as a

non-party, nor do the Rules of Court. This apparently was deliberate (see
Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International Court
(1920‑2005), Vol. III, Sect. 356, pp. 1443-1444). The two types of inter -
vention are potentially quite different in their implications for the parties
and for an intervenor, however, so the lack of differentiation in the oStat -

ute and Rules can lead to some confusion.

B. Factors Relevant to Consideration
of an Application to Intervene

10. In considering applications to intervene, the Court has examined a
range of factors (without necessarily focusing equally on each factor ion
each case). I summarize those here, with particular attention to considoer -
ations relevant to maritime boundaries and to the distinction between
intervention as a party and intervention as a non-party.

1. Whether the Applicant to intervene has an “interest of a legal nature▯”
that “may be affected” by the decision

(a) The meaning of Article 62

(i) Paragraph 1 of Article 62
11. It is clear from the Statute that an interest “of a legal nature” ois

required. Such an interest may be animated by political, economic or
other policy interests, but these non-legal interests, taken alone, do not
meet the requirements of Article 62. This limitation could be significant in
certain cases, but is unlikely to be a major hurdle when an application for
intervention is based on overlapping maritime claims. An assertion of a o

claim to a maritime area under international law can easily be understoood
as an assertion of an interest “of a legal nature”. (I note, however, that
the Court today does not state clearly whether it finds an “interest of a
legal nature” in these proceedings, instead treating that question joointly
with the question whether such interest “may be affected”.)

12. The applicant must also prove that its interest of a legal nature
“may be affected” by the decision in the case. The phrase “maoy be
affected” must be read in light of Article 59 of the Statute, which states

quite clearly that a “decision of the Court has no binding force exceopt

58

5 CIJ1020.indb 112 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 474

intervenant reçoit accès aux pièces de procédure, et peut présenter une
déclaration écrite et participer à la procédure orale.

9. Ni le Statut ni le Règlement ne précisent les effets juridiques ode l’in-
tervention au titre de l’article 62 du Statut (alors qu’une décision rendue
au titre de l’article 63 du Statut est obligatoire à l’égard des Etats interve -
nants). par ailleurs, l’article 62 du Statut n’établit pas de distinction entre
l’intervention en tant que partie et l’intervention en tant que noon-partie,

et le Règlement non plus. Ce choix semble avoir été délibéré (voir Shabtai
Rosenne, The Law and Practice of the International Court (1920‑2005),
vol. III, sect. 356, p. 1443-1444). Toutefois, ces deux formes d’interven -
tion pouvant avoir pour les parties et l’Etat intervenant des implicaotions
très différentes, cette absence de distinction peut être souroce d’une cer -
taine confusion.

B. Facteurs pertinents aux fins de l’examen
d’une requête à fin d’intervention

10. Lorsqu’elle a examiné des requêtes à fin d’interventiono, la Cour a
tenu compte de divers facteurs (sans forcément leur accorder la mêome

importance dans chaque cas). Je vais les résumer ici, en prêtant oune atten -
tion toute particulière aux considérations pertinentes à la déolimitation
maritime et à la distinction entre l’intervention en tant que partoie et l’in -
tervention en tant que non-partie.

1. Question de savoir si l’Etat demandant à intervenir a un « intérêt d’ordre
juridique … en cause »

a) Sens de l’article 62

i) Paragraphe 1 de l’article 62

11. Il ressort clairement du Statut qu’un intérêt « d’ordre juridique »
doit être en cause. Un intérêt peut être motivé par des coonsidérations poli -
tiques ou économiques ou d’autres raisons d’opportunité, maios ces inté -
rêts non juridiques, en eux-mêmes, ne satisfont pas aux conditions énon-

cées à l’article 62. S’il est vrai que cette restriction peut jouer un rôle impor-
tant dans certains cas, elle ne risque toutefois guère d’être uon obstacle
majeur lorsque la demande d’intervention concerne un chevauchement
de revendications maritimes. Il n’est guère difficile de voir qu’oexprimer
une revendication sur une zone maritime fondée sur le droit international
revient à affirmer un intérêt « d’ordre juridique ». (Je note toutefois que la

Cour ne dit pas clairement si elle conclut à l’existence d’un « intérêt
d’ordre juridique » en l’espèce, traitant cette question conjointement avec
celle de savoir si cet intérêt est « en cause ».)
12. L’Etat demandant à intervenir doit également prouver que son
intérêt d’ordre juridique est « en cause », littéralement, qu’il est « suscep -

tible d’être affecté » par la décision de la Cour. Cette dernière expression
doit être interprétée à la lumière de l’article 59 du Statut, qui prévoit très

58

5 CIJ1020.indb 113 14/06/13 11:47 475 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

between the parties and in respect of that particular case”. Because Arti-
cle 59 clearly limits the way in which a judgment can “affect” a thirod

State, Article 62 must extend to an effect that falls short of imposing
binding legal obligations on the third State. As Judge Sir Robert Jenninogs
noted, Article 59 “does by no manner of means exclude the force of per -
suasive precedent” (Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta),
Application for Permission to Intervene, I.C.J. Reports 1984, dissenting

opinion of Judge Jennings, p. 157, para. 27). For example, a maritime
delimitation decision by the Court may affect the interest of a third o
State — positively or negatively — if the Court, in the dispositif or in its
reasoning, appears to prejudge a claim of the third State.

13. In addition, under Article 62, the intervenor need not show that its

interest “will . . . be affected” (Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras), Application for Permission to Intervene, Judg ‑
ment, I.C.J. Reports 1990, p. 117, para. 61) or that its interest is “likely”
to be affected. The Statute only requires proof that the interest of ao legal
nature “may be affected”. This standard is sensible at the stageo in the

proceedings at which the Court has not assessed the merits, because nei -
ther the third State nor the Court is equipped at that stage to determinoe
the probability of a particular substantive outcome. Thus it is not possoi -
ble at the intervention stage to assess the likelihood of an effect ono the
interest of a legal nature of the third State. This requirement of Arti -

cle 62 — that the interest of a legal nature “may be affected” — has par -
ticular importance in proposed intervention in maritime boundary cases, o
which I shall discuss below.
14. The would-be intervenor bears the burden of proving that its inter -
est “may be affected” and must “demonstrate convincingly whato it
asserts” (ibid.). However, there is no requirement in Article 62 that the

applicant establish that intervention as the only means to protect its
“interest of a legal nature” that “may be affected”. Todayo, the Court
expresses confidence in its ability to protect third States without groanting
intervention. Even if that conclusion is well-founded, I see no reason that
it would defeat intervention if the criteria of Article 62 are otherwise met,

as I believe to be the case here.
15. The Court has also made clear that a would-be intervenor may be
“affected” not only by the dispositive portion of the Court’so decision in a
case, but also by “the reasons which constitute the necessary steps too the
dispositif” (Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipidan (Indonesia/

Malaysia), Application for Permission to Intervene, Judgment, I.C.JR . eports
2001, p. 596, para. 47). However, there must be more than a mere preoc -
cupation with “the general legal rules and principles likely to be apoplied”
by the Court in its decision (Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras), Application for Permission to Intervene,Judgment,
I.C.J. Reports 1990, p. 124, para. 76). In order to demonstrate that the

interest asserted may be affected by the reasoning or interpretations oof the
Court, that interest must not be “too remote” from the legalconsiderations

59

5 CIJ1020.indb 114 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 475

clairement que « [l]a décision de la Cour n’est obligatoire que pour les
parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». L’article 59 limitant

expressément la faculté qu’a un arrêt d’«affecter» un Etat tiers, l’effet visé
par l’article 62 est nécessairement en deçà de l’imposition d’obligatioons
juridiques contraignantes. Néanmoins, comme sir Robert Jennings l’a
relevé, l’article 59 «n’exclut en aucune façon l’autorité du précédent» (Pla‑
teau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête à fi▯n d’inter ‑

vention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, opinion dissidente du juge Jennings,
p. 157, par. 27). Ainsi, une décision de la Cour relative à une délimitatioon
maritime peut avoir une incidence — positive ou négative — sur l’intérêt
d’un Etat tiers si, dans le dispositif ou les motifs de son arrêt,o la Cour
paraît se prononcer sur la revendication avancée par cet Etat.
13. par ailleurs, en vertu de l’article 62, l’Etat demandant à intervenir

n’a pas besoin de démontrer que son intérêt « sera» ou « sera nécessaire -
ment» affecté (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Sal ‑
vador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990,
p. 117, par. 61). Le Statut lui impose uniquement de prouver qu’un inté -
rêt d’ordre juridique « est susceptible » de l’être. Il s’agit d’un critère rai -

sonnable à un stade de la procédure où la Cour ne s’est pas oencore
penchée sur le fond, et où l’Etat tiers ne peut, pas davantage oqu’elle-même,
préjuger de sa décision. Il n’est donc pas possible au stade deo l’interven -
tion de supputer la probabilité que l’intérêt d’ordre juroidique d’un Etat
tiers soit affecté. Cette exigence de l’article 62 — qu’un intérêt d’ordre

juridique « soit susceptible d’être affecté » — revêt une importance parti -
culière dans le cas des demandes d’intervention se rapportant ào des af -
faires de délimitation maritime, sur lequel je vais revenir.
14. S’il incombe certes à l’Etat demandant à intervenir de prouvoer que
son intérêt « est susceptible d’être affecté » et « d’établir de façon convain -
cante ce qu’il allègue » (ibid.), l’article 62 ne lui impose pas, en revanche,

d’établir que l’intervention est la seule manière de protéger cet intérêt.
Aujourd’hui, la Cour a exprimé la certitude de pouvoir protégero les inté -
rêts d’Etats tiers sans admettre ces derniers à intervenir. Mêome si cette
conclusion est fondée, je ne vois pas en quoi elle justifie de rejeoter l’inter -
vention s’il est par ailleurs satisfait aux critères de l’articole 62, ce qui me

semble être le cas en l’espèce.
15. La Cour a aussi clairement dit que l’intérêt de l’Etat chercohant à
intervenir était susceptible d’être «affecté» non seulement par le dispositif
d’un arrêt, mais également par « les motifs qui [en] constituent le support
nécessaire » (Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/

Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 596,
par. 47). Toutefois, se soucier tout simplement des « règles et principes
juridiques généraux pouvant être appliqués » par la Cour dans sa déci -
sion (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/
Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 124,
par. 76) ne saurait suffire. pour être susceptible d’être affecté par les inter -

prétations ou motifs avancés par la Cour, l’intérêt allégué ne doit pas
être « par trop étrang[er] » aux considérations juridiques en cause dans

59

5 CIJ1020.indb 115 14/06/13 11:47 476 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

at issue in the main proceedings (Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau
Sipidan (Indonesia/Malaysia), Application for Permission to Intervene,▯
Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 604, para. 83) . 1

16. Thus, the requirement that the third State’s interest of a legal
nature “may be affected” does not require the applicant to predict the o
decision of the Court on the merits, but necessarily requires the would-be

intervenor “to show in what way that interest may be affected” (Land,
Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras), Applica ‑
tion for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1990, p. 118,

para. 61). This suggests that it must persuade the Court of a sufficient
connection between the interest that it asserts and an eventual decisiono
relating to the subject-matter of the case. What remains unclear, however,

is precisely what sort of nexus is required to satisfy the requirement tohat
the interest of a legal nature “may be affected” 2. Because the assessment
of such a nexus is likely to be very fact-dependent, a generalized standard

may not be workable. In the case of maritime boundary delimitation,
however, the Court’s own practice supports a conclusion that an appli -
cant can meet its burden of showing that its “interest of a legal natoure

may be affected” if it demonstrates to the Court that it has maritiome
claims that overlap the area in dispute in the case 3. I shall turn to this
jurisprudence after commenting briefly on the meaning of paragraph 2 of

Article 62.

(ii) Paragraph 2 of Article 62

17. Article 62 of the Statute of the Court specifies the criteria for inter -

vention in paragraph (1) and then, in paragraph (2), states that “[i]t shall
be for the Court to decide upon this request”. It has been suggested othat

1
The Court today appears to suggest that an “interest of a legal naturoe” must be
framed as a “claim” of a legal right. The focus on claims may floow from a body of juris -
prudence derived from maritime claims. Nonetheless, although a generalizoed interest in the
content of international law has been found to be insufficient to comproise an “interest of a
legal nature”, I do not rule out the possibility of a third State demoonstrating an “interest of
a legal nature” without framing it as a “claim” of a legal righot.

2
The Court has suggested, for example, that there may not be a sufficient link between
the interest of a legal nature asserted by a third State and the subject-matter of the dispute
in the main proceedings where the third State’s interest is “somewohat more specific and
direct than that of States outside that region”, but is also “of tohe same kind as the interests
of other States within the region” (Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya),
Application for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1981, p. 19, para. 33).
3 I do not suggest here that the Court should protect maritime claims of ao third State

that appear baseless, but that has not been at issue in past cases, nor ois it a factor today.
In judgments in which the Court has protected the interests of third Staotes with respect
to maritime boundary delimitation, it sometimes has framed the issue witoh reference to
the area “where the rights of third States may be affected”. The use of the word “rights”
in this context does not mean that the Court is passing judgment on the omerits of those
third-State claims.

60

5 CIJ1020.indb 116 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 476

la procédure principale (Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
(Indonésie/Malaisie), requête à fin d’intervention, arrê▯t, C.I.J. Recueil
1
2001, p. 604, par. 83) .
16. Qu’il faille que l’intérêt d’ordre juridique de l’Etato demandant à
intervenir soit « susceptible d’être affecté » n’impose donc pas à celui-ci

d’anticiper la décision de la Cour quant au fond. Il lui faut en roevanche
«montrer en quoi cet intérêt risque d’être affecté » (Différend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à▯ fin d’in ‑

tervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 118, par. 61) et par conséquent, a
priori, convaincre la Cour de l’existence d’un lien suffisant entre l’ointérêt
qu’il allègue et la décision qui sera rendue sur les questions oen cause.

Reste toutefois à éclaircir la nature précise du lien requis poour satisfaire
à l’exigence qu’existe un intérêt d’ordre juridique « susceptible d’être
affecté » 2. L’établissement d’un tel lien étant vraisemblablement trèos

tributaire des éléments de fait, un critère universel n’est opeut-être pas
envisageable. En matière de délimitation maritime, toutefois, la poratique
même de la Cour tend à indiquer qu’un Etat demandant à interovenir est

considéré comme s’étant acquitté de l’obligation de proouver que son
«intérêt d’ordre juridique» est «susceptible d’être affecté» s’il est parvenu

à démon3rer qu’il a des revendications maritimes empiétant sour la zone en
litige . Je reviendrai sur cette jurisprudence après quelques brèves obseor-
vations sur le sens du paragraphe 2 de l’article 62.

ii) Paragraphe 2 de l’article 62 du Statut

17. L’article 62 du Statut de la Cour précise les critères de l’interven -
tion en son paragraphe premier, puis stipule, en son paragraphe 2, que
«[l]a Cour décide ». Il a été argué que le paragraphe 1 ne conférait à la

1 Aujourd’hui, la Cour a semblé laisser entendre qu’un « intérêt d’ordre juridique »
devait être formulé en termes de droit faisant l’objet d’uneo «prétention ». L’accent mis

sur la prétention s’explique peut-être par une jurisprudence constituée essentiellement en
rapport avec des revendications maritimes. Toutefois, même s’il a oété conclu qu’un intérêt
d’ordre général vis-à-vis du contenu du droit international ne suffisait pas à constituer oun
«intérêt d’ordre juridique », je n’exclus pas qu’un Etat tiers puisse démontrer l’existence
d’un «intérêt d’ordre juridique » qu’il n’aurait pas présenté comme un droit faisant l’objoet
d’une «prétention ».
2 La Cour a indiqué, par exemple, qu’il pourrait ne pas exister de loien suffisant entre
l’intérêt d’ordre juridique allégué par un Etat tiers oet l’objet de la procédure principale

lorsque cet intérêt est «sensiblement plus spécifique et plus direct que celui des Etats-éotran
gers à cette région », tout en n’étant pas « par nature différent des intérêts d’autres Etats
dans la région » (Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à▯ fin d’in
tervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 19, par. 33).
3 Je ne cherche pas à dire ici que la Cour devrait protéger les reveondications mari -
times d’Etats tiers qui seraient apparemment infondées, mais le prooblème ne s’est pas posé
par le passé, ni ne se pose en l’espèce. Lorsque, dans des arrêots relatifs à une délimitation

maritime, la Cour a cherché à protéger les intérêts d’oEtats tiers, elle a parfois traité la
question en se référant à la zone dans laquelle « les droits d’Etats tiers » risquaient d’être
affectés. L’emploi du terme «droits » dans ce contexte ne signifie pas pour autant qu’elle se
prononce sur le bien-fondé des revendications de ces Etats.

60

5 CIJ1020.indb 117 14/06/13 11:47 477 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

paragraph (1) leaves the Court no discretion, because it begins with the
phrase “[s]hould a State consider” (see Judgment, paragraph 31). I do not

find this interpretation persuasive, in light of the express statemento in
paragraph (2) of Article 62 that it is for the Court to decide, and given the
juxtaposition of Article 62 and Article 63 (which, unlike Article 62,
expressly provides a right to intervene). Instead, I understand Arti -

cle 62 (1) to specify criteria that the Court is to apply in considering an
application for intervention. At the same time, I agree that Article 62 (2)
does not confer upon the Court “any general discretion to accept or roeject
a request for permission to intervene for reasons simply of policy” (oCon‑
tinental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya), Application for Permi▯s ‑

sion to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1981, p. 12, para. 17).

(b) The Court’s practice of protecting third States that “may be aff▯ected”
by judgments regarding maritime boundaries

18. The Court has confronted the interests of third States in a number

of cases in which it has delimited maritime boundaries, including severaol
in which there was no request by a third State to intervene. For the reao -
sons discussed here, I believe that those cases support the conclusion tohat
the interest of a legal nature of a third State “may be affected”o in such a
case if that third State has a claim to a maritime area that overlaps thoe

area in dispute in the main proceedings.

19. In each of the cases that I discuss here, the area at issue in the case o
is also subject (at least in part) to one or more overlapping third-State

claims. Such claims may be predicated on a bilateral agreement of the
third State, a decision of an international court or tribunal, an assertoion
of a claim by the third State or an observation by the parties and/or thoe
Court that the geography may give rise to a claim by a particular third
State. Thus, these legal interests of third States vary as to their precoision

and as to the degree of certainty that the third-State claim would be
recognized by the Court, or by one or both parties to the case. In generoal,
and despite this variation, the Court has addressed the interests of thiord
States by declining to set a final endpoint of the maritime boundary. o
Instead, the Court has decided, after setting a final turning point ouotside

the area subject to the claim of a third State (whether or not that claoim
has been asserted), that the boundary line continues until the point ato
which it reaches the area in which the rights of a third State may be
affected. The following cases take such an approach :

— In the case concerning Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v.
Honduras), the Court defined the boundary to “point F” and there-

after along a specified azimuth “until it reaches the area where thoe rights
of third States may be affected” (Territorial and Maritime Dispute

61

5 CIJ1020.indb 118 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 477

Cour aucun pouvoir discrétionnaire, puisqu’il commence par l’exopression
«[l]orsqu’un Etat estime » (voir arrêt, par. 31). Cette interprétation ne me

semble pas convaincante, vu la précision expresse, au paragraphe 2, selon
laquelle la Cour décide, et la proximité des articles 62 et 63 (ce dernier
prévoyant expressément, contrairement à l’article 62, le droit d’interve -
nir). J’estime au contraire que le paragraphe 1 de l’article 62 précise les

critères que la Cour doit appliquer lorsqu’elle examine une requêote à fin
d’intervention. Cependant, j’admets que le paragraphe 2 de cette disposi -
tion ne confère pas à la Cour « une sorte de pouvoir discrétionnaire lui
permettant d’accepter ou de rejeter une requête à fin d’inotervention pour
de simples raisons d’opportunité » (Plateau continental (Tunisie/Jamahi ‑

riya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, ▯C.I.J. Recueil 1981,
p. 12, par. 17).

b) Pratique de la Cour consistant à protéger les intérêts d’▯Etats tiers
«susceptibles d’être affectés » par un arrêt relatif à une délimitation
maritime

18. La Cour a traité la question des intérêts d’Etats tiers danso un cer -

tain nombre de ses arrêts portant sur la délimitation de frontières mari -
times, notamment dans plusieurs affaires n’ayant pas fait l’objeot d’une
demande d’intervention. pour les raisons que j’exposerai ici, ces précé -
dents me portent à conclure que l’intérêt d’ordre juridiqoue d’un Etat tiers
«est susceptible d’être affecté » dans une affaire de délimitation dès lors

qu’il y a chevauchement entre la zone maritime revendiquée par l’oEtat en
question et la zone en litige dans la procédure principale.
19. Dans chacun des précédents que j’évoquerai ici, la zone en loitige
faisait également l’objet (du moins en partie) d’une ou plusioeurs revendi-

cations d’Etats tiers. Ces revendications pouvaient être fondéeos sur un
accord bilatéral liant l’Etat tiers, la décision d’une juridoiction internatio-
nale, l’expression d’une prétention de l’Etat tiers, ou encoore le constat par
les parties ou par la Cour que la géographie se prêtait à des porétentions de
la part de tel ou tel Etat tiers. Ainsi, les intérêts d’ordre jouridique allégués

ne présentent pas le même degré de précision ni les mêmeso chances de voir
leur existence reconnue par la Cour ou par les parties. En généralo, et en
dépit de ces différences, la Cour a procédé en s’abstenoant de déterminer le
point terminal définitif de la frontière maritime, indiquant, après avoir
fixé le dernier point d’inflexion en dehors de la zone faisanto l’objet de la

prétention d’un Etat tiers (que celle-ci ait été formulée ou non), que la
ligne frontière se prolongeait jusqu’à atteindre la zone dans loaquelle elle
risquait de mettre en cause les droits d’un Etat tiers. Cette approchoe a été
adoptée dans les affaires suivantes :

— Dans l’affaire relative au Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Honduras), la Cour a tracé la frontière jusqu’au « point F», au-delà

duquel elle se poursuivait le long d’une ligne d’un certain azimut jos«qu’à
atteindre la zone dans laquelle … les droits d’Etats tiers » risquaient

61

5 CIJ1020.indb 119 14/06/13 11:47 478 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 763, para. 321).

The Court noted that neither party had specified “a precise seaward
end to the boundary between them” and that it “will not rule on an
issue when in order to do so the rights of a third party that is not
before it, have first to be determined” (ibid., p. 756, para. 312). No
third State sought to intervene. (I discuss this Judgment in greater

detail in part II.)

— In the case concerning Maritime Delimitation in the Black Sea
(Romania v. Ukraine), the Court delimited the boundary between the
two parties, but took note of the interests of two third States and thus
specified that, after the last turning point, the boundary continues “ountil

it reaches the area where the rights of third States may be affected”o
(Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 131, para. 219). Neither of the third
States identified by the Court sought to intervene, but the Court madeo
clear that the delimitation would occur “north of any area where thirod
party interests could become involved” (ibid., p. 100, para. 112).

— In the case concerning Land and Maritime Boundary between Cameron
and Nigeria (Cameroon v. Nigeria : Equatorial Guinea intervening),
the Court took account of the interests of Equatorial Guinea (which,
as previously noted, had intervened in the case) and Sao Tome and

principe (which had not sought to intervene) (Judgment, I.C.J. Reports
2002, p. 421, para. 238 and p. 424, para. 245) ; in order to avoid
affecting the rights of a third State, the Court, after the last turniong
point, defined a boundary proceeding along an equidistance line,
without specifying an endpoint (ibid., p. 448, para. 307).
— In the case concerning Maritime Delimitation and Territorial Questions

(Qatar v. Bahrain), the Court did not specify the precise location of
either endpoint of the maritime boundary, instead deciding that, at
each end, the boundary line would continue “until it meets the
delimitation line between the respective maritime zones” of a specifioed
third State (Iran to the north and Saudi Arabia to the south) and the o

two parties (Maritime Delimitation and Territorial Questions between
Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Merits, Judgment, I.C.J. Reports
2001, p. 116, para. 250). Neither Iran nor Saudi Arabia sought to
intervene.
— In the case concerning Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/

Malta), the Court used a different formulation to take account of the
interest of a third State. There, the Court had previously denied Italy’s
request to intervene. In its Judgment, the Court concluded that its
decision “must be confined to the area in which . . . [Italy] has no
claims to continental shelf rights” (Continental Shelf (Libyan Arab
Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985, p. 26, para. 21).

To that end, it defined the outer limit of the continental shelf
delimitation between the parties with reference to the specific limits

62

5 CIJ1020.indb 120 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 478

d’être affectés (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 763, par. 321). La Cour a relevé qu’aucune
des parties n’avait indiqué de «limite extérieure précise à leur frontière
maritime» et qu’elle « ne [pouvait] statuer sur une question si, pour ce
faire, les droits d’une tierce partie qui ne compara[issait] pas devaont elle
d[evaient] d’abord être déterminés» (ibid., p. 756, par. 312). Aucun Etat

tiers n’avait demandé à intervenir dans cette affaire. (Je roeviendrai sur
cet arrêt dans la seconde partie de mon opinion.)
— Dans l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire
(Roumanie c. Ukraine), la Cour a délimité la frontière entre les deux
parties, mais pris acte des intérêts de deux Etats tiers, précisoant que,
au-delà du dernier point d’inflexion, la frontière se poursuivait

«jusqu’à atteindre la zone où les droits d’Etats tiers p[ouvaoient] entrer
en jeu» (arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 131, par. 219). Aucun des Etats
tiers identifiés par la Cour n’avait demandé à intervenir,o mais celle-ci
a précisé que la délimitation serait effectuée « au nord de toute
zone qui pourrait impliquer des intérêts de tiers » (ibid., p. 100,

par. 112).
— Dans l’affaire relative à la Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), la Cour a tenu compte des intérêts de la Guinée
équatoriale (qui, comme je l’ai déjà dit, était intervenoue) et de Sao

Tomé-et-principe (qui n’avait pas demandé à intervenir) (arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 421, par. 238, et p. 424, par. 245). pour éviter de
porter atteinte aux droits d’un Etat tiers, la Cour a, au-delà du dernier
point d’inflexion, arrêté une frontière suivant une ligne od’équidistance
sans préciser de point terminal (ibid., p. 448, par. 307).
— Dans l’affaire de la Délimitation maritime et questions territoriales

(Qatar c. Bahreïn), la Cour n’a pas précisé l’emplacement exact de
l’un ou l’autre des points terminaux de la frontière maritime, oindiquant
que, de part et d’autre, la ligne se poursuivrait « jusqu’à ce qu’elle
rencontre la ligne de délimitation entre les zones maritimes respec-
tives» d’un Etat tiers nommément désigné (l’Iran au nord, et l’oArabie

saoudite au sud) et des deux parties (Délimitation maritime et questions
territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 116, par. 250). Ni l’Iran ni l’Arabie saoudite
n’avaient cherché à intervenir.
— Dans l’affaire relative au Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/

Malte), la Cour a eu recours à une autre formule pour prendre en
compte l’intérêt d’un Etat tiers. La Cour, qui avait rejetéo la requête à
fin d’intervention de l’Italie, a conclu dans son arrêt que soa décision
«ne d[evait] porter que sur la zone où … l’Italie n’émet[tait] pas de
prétentions sur le plateau continental » (Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 26,

par. 21). A cette fin, la Cour a défini la limite externe du plateau o
continental entre les parties en se fondant sur les limites précises que

62

5 CIJ1020.indb 121 14/06/13 11:47 479 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

that Italy had asserted as its claim during the incidental proceedings
on intervention (I.C.J. Reports 1985, pp. 26-28, paras. 21-22).

— In the case concerning Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab
Jamahiriya), after setting the final turning point, the Court did not
define an endpoint, instead stating that the “extension of this linoe
northeastwards is a matter falling outside the jurisdiction of the Court
in the present case, as it will depend on the delimitation to be agreed o

with third States” (Judgment, I.C.J. Reports 1982, p. 94, para. 133). In
that case, the third State in question was Malta, which had made an
unsuccessful attempt to intervene under Article 62.

20. The formulation used in the Court’s most recent Judgments defines

a boundary line that proceeds “until it reaches the area where the rioghts
of third States may be affected”. The Court has used an approach ofo this
sort in three circumstances : (1) when there was no application for inter -
vention; (2) when the Court had granted an application for intervention ;
and (3) when the Court had rejected an application for non-party inter -
vention. The use of this approach in all three situations must be under -

stood in light of Article 59. Because Article 59 makes clear that third
States cannot be bound by a judgment of the Court, the effect from whioch
the Court has sought to insulate the third States must necessarily be a o
lesser one. In addition, the formulation that the Court has used to protoect
the interests of third States with respect to maritime boundaries — i.e.,

that the prolongation of a boundary line extends only to the area in whioch
the rights of third States may be affected — bears striking similarity to
the language of Article 62, which provides for intervention based on
“interest of a legal nature” that “may be affected”. In safeguarding the
interests of third States as to maritime delimitation, the Court has noto

insisted on proof of the existence or content of the “rights of thirdo States”,
but rather has protected potential third-State “rights”, whether or not
raised in intervention proceedings, if those rights “may” be affoected.

21. In light of the Court’s practice in maritime boundary cases in which o

the claims of third States overlap the area at issue in the case, it mayo be
suggested that intervention in such cases is unnecessary, because the
Court has the means, absent intervention, to address the interests of third
States. My conclusion is not that the Court’s practice means that intoer -
vention should be denied in situations of overlapping third-State claims,

but rather that its practice demonstrates that its Judgments in such casoes
“may affect” the legal rights and interests of the third States.o It is because
the Court recognizes that its delimitation may affect the third State othat it
proceeds with such caution. If a third State asserts claims that overlapo
those of the parties, then we can expect the Court, when it reaches the o
merits, to delimit a boundary line that continues only “until it reaches the

area where the rights of third States may be affected”. If it is faoced with
an application for intervention in such a case, the Court cannot assess othe

63

5 CIJ1020.indb 122 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 479

l’Italie avait fait valoir dans le cadre de la procédure consacréoe à
l’intervention (C.I.J. Recueil 1985, p. 26-28, par. 21-22).

— Dans l’affaire relative au Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), après avoir défini le dernier point d’inflexion, la Cour o
n’a pas fixé de point terminal, déclarant que «la longueur de la ligne de
délimitation vers le nord-est [était] une question qui n’entr[ait] pas
dans la compétence de la Cour en l’espèce, étant donné qu’elle

dépendra[it] de délimitations à convenir avec des Etats tiers » (arrêt,
C.I.J. Recueil 1982, p. 94, par. 133) — il s’agissait en l’occurrence de
Malte, qui avait essayé en vain d’intervenir sur le fondement de
l’article 62.

20. La formule retenue par la Cour dans ses arrêts les plus récents a

donc consisté à définir une ligne frontière se poursuivant jusqu’à atteindre
la zone dans laquelle les droits d’Etats tiers risquaient d’être affectés. La
Cour a procédé ainsi dans trois cas de figure différents, ào savoir : 1) lors-
qu’elle n’était pas saisie d’une requête à fin d’ointervention, 2) lorsqu’elle y
avait fait droit, ou encore 3) lorsqu’elle avait rejeté une demande d’inter -
vention en tant que non-partie. Le recours à cette approche doit être

interprété à la lumière de l’article 59. parce qu’il ressort clairement de
cette disposition que des Etats tiers ne sauraient être liés par son arrêt,
l’effet dont la Cour a essayé de les mettre à l’abri ne peout être que de
moindre portée. par ailleurs, la formule employée par la Cour pour
protéger les intérêts d’Etats tiers lorsqu’elle procèdoe à une délimitation

maritime, qui consiste à dire que la ligne frontière s’étendo uniquement
jusqu’à la zone où elle risque de mettre en cause les droits deo tels Etats,
présente des similitudes frappantes avec le libellé de l’articloe 62, qui
ménage la possibilité d’intervenir lorsqu’« un intérêt d’ordre juridique
est … en cause »: ce faisant, la Cour n’a donc pas insisté sur la nécessité o

d’établir l’existence ou le contenu de « droits» d’Etats tiers, mais protégé
les « droits» que ceux-ci pourraient détenir dès lors qu’ils « risqu[aient]»
d’être affectés, et ce, qu’ils aient ou non fait l’objet d’une demande d’in -
tervention.
21. A la lumière de la pratique qui a été celle de la Cour dans leso

affaires de délimitation maritime où les prétentions d’Etaots tiers empié -
taient sur la zone en litige, d’aucuns pourront juger que, dans de teolles
circonstances, l’intervention n’a pas lieu d’être, la Cour ayant par ailleurs
les moyens de prendre en considération les intérêts de ces Etatos. Quant à
moi, j’en conclurai non pas que l’intervention n’a pas lieu d’oêtre mais, au

contraire, que les arrêts rendus par la Cour dans ce type de circonstoances
risquent d’affecter les droits et intérêts d’Etats tiers. C’est justement parce
qu’elle reconnaît que la délimitation à effectuer pourrait entraoîner cer -
taines conséquences pour l’Etat tiers que la Cour procède avec oautant de
prudence. Si un Etat tiers formule des prétentions qui empiètent sour celles
des parties, on peut s’attendre à ce que la Cour, au stade du fond, trace

une frontière qui se poursuivra uniquement jusqu’à atteindre lao zone dans
laquelle elle risque de mettre en jeu les droits d’Etats tiers. Lorsqoue, dans

63

5 CIJ1020.indb 123 14/06/13 11:47 480 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

merits of the parties’ claims and thus cannot be certain that the areoa of its
ultimate delimitation will, or even is likely to, overlap claims of the third

State. Article 62 does not require certainty of overlap, however, only that
the third State has an interest of a legal nature that may be affected. In a
situation of an overlapping claim, the Court — looking ahead to the way
that it will address the case on the merits — has the information it needs
to grant an intervention request, because the third State has an interest of

a legal nature (an assertion of a claim that overlaps the area that is othe
subject of the case) and, as demonstrated by the Court’s practice ino delim -
iting boundaries where there is overlap with a third State’s claim, souch a
claim “may be affected” by the Judgment. The criteria in Articleo 62 do
not preclude intervention simply because such a technique is available
even absent intervention.

22. The situation in Land and Maritime Boundary between Cameroon
and Nigeria illustrates a circumstance in which the Court took account of
overlapping third-State claims, both at the intervention phase and in its

decision on the merits. There, Equatorial Guinea based its Application too
intervene as a non-party on its assertion of claims to maritime areas that
overlapped the area subject to delimitation of the maritime boundary
between Cameroon and Nigeria. In the preliminary objections phase,
Nigeria had pointed out to the Court that the prolongation of the pro -

posed maritime boundary between Cameroon and Nigeria would “even -
tually run into maritime zones where the rights and interests of Camerooon
and Nigeria will overlap those of third States” (Land and Maritime
Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Prelimi ‑
nary Objections, I.C.J. Reports 1998, p. 324, para. 116). According to the
Court, this meant that it appeared that “rights and interests of thirod

States” would “become involved” if the boundary was extended, aos Cam -
eroon proposed (ibid.).
23. Equatorial Guinea, one of the third States to which the Court had
expressly referred in its 1998 Judgment, then submitted a request to intoer -
vene. It explained that because it had legal claims to maritime zones thoat

overlapped those of Cameroon and Nigeria in the area subject to delimi -
tation, it had an interest of a legal nature that would potentially be
affected by the Court’s decision : “If the Court were to determine a Cam -
eroon-Nigeria maritime boundary that extended into Equatorial Guinea
waters . . . Equatorial Guinea’s rights and interests would be prejudiced”

(Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon
v. Nigeria), Application for Permission to Intervene, Order of 21 Octo ‑
ber 1999, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1032, para. 3). The Court granted
Equatorial Guinea’s request to intervene. In doing so, it found that oEqua -
torial Guinea had “sufficiently established that it has an interest oof a legal
nature which could be affected by any judgment which the Court might

hand down for the purpose of determining the maritime boundary
between Cameroon and Nigeria” (I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1034,

64

5 CIJ1020.indb 124 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 480

de telles circonstances, la Cour doit statuer sur une demande d’interven -
tion, elle ne peut apprécier le bien-fondé des revendications des parties ni,

dès lors, avoir la certitude que la zone qu’elle finira par délimiter empié -
tera effectivement, ou simplement sera susceptible d’empiéter, sur les pré -
tentions de l’Etat tiers. L’article 62, toutefois, ne requiert pas que le
chevauchement soit certain, mais uniquement qu’un Etat tiers possèode un
intérêt d’ordre juridique risquant d’être affecté. En cas de chevauchement

de revendications, la Cour — pour peu qu’elle s’interroge sur la façon
dont elle envisagera le fond — dispose des éléments requis pour autoriser
l’intervention: l’Etat tiers (ayant fait valoir une prétention qui empiète
sur la zone en litige) possède un intérêt d’ordre juridiqueo que, comme
l’atteste sa pratique dans ce type de circonstances, son arrêt risque de
mettre en jeu. Les critères énoncés à l’article 62 n’interdisent pas à la

Cour d’admettre un Etat à intervenir pour la simple raison que, mêome
sans intervention, il lui est loisible de recourir à un tel procédoé.
22. L’arrêt rendu en l’affaire relative à la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria illustre la façon dont la Cour peut tenir
compte d’un chevauchement avec les prétentions d’Etats tiers, toant au

stade de l’intervention que dans sa décision au fond. Dans cette aoffaire, la
Guinée équatoriale avait fondé sa requête à fin d’inotervention en tant que
non-partie sur le fait qu’elle nourrissait des prétentions sur des zonoes
maritimes chevauchant la zone à délimiter entre le Cameroun et le oNigé -
ria. Au stade des exceptions préliminaires, le Nigéria avait appeloé l’atten-

tion de la Cour sur le fait que le prolongement de sa frontière maritoime
avec le Cameroun, telle que proposée par celui-ci, « finira[it] par atteindre
les zones maritimes dans lesquelles les droits et intérêts [des deoux parties]
chevaucher[aient] ceux d’Etats tiers » (Frontière terrestre et maritime entre
le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions pré▯liminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 324, par. 116). La Cour en déduisit que « les

droits et intérêts d’Etats tiers ser[aient], sembl[ait]-il, touchés » si la fron-
tière était ainsi prolongée (ibid.).
23. La Guinée équatoriale, l’un des Etats tiers expressément menotion -
nés par la Cour dans son arrêt de 1998, déposa donc une requête à fin
d’intervention, indiquant qu’elle avait des prétentions juridiqoues à l’égard

de certaines zones maritimes sur lesquelles empiétaient les revendications
du Cameroun et du Nigéria dans la zone à délimiter et, partant,o un intérêt
d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décoision de la Cour :
«[s]i la Cour en venait à déterminer une frontière maritime entre le Came-
roun et le Nigéria qui se prolongeait jusque dans les eaux de la Guinoée

équatoriale …, il serait porté atteinte aux droits et aux intérêts de lao Gui -
née équatoriale » (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), requête à fin d’interven▯tion, ordonnance du
21 octobre 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1032, par. 3). La Cour l’au -
torisa à intervenir, concluant que la Guinée équatoriale avait o« suffisam-
ment établi qu’elle a[vait] un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être

affecté par un arrêt que la Cour rendrait aux fins de déterominer la fron -
tière maritime entre le Cameroun et le Nigéria » (C.I.J. Recueil 1999 (II),

64

5 CIJ1020.indb 125 14/06/13 11:47 481 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

para. 13). The Court thus confirmed that the existence of overlapping
claims can be sufficient to establish an interest of a legal nature that may

be affected for purposes of Article 62, notwithstanding the bilateral nature
of maritime delimitation, the principle of res inter alios acta, and the pro -
tections provided to Equatorial Guinea by Article 59 of the Statute. It
was willing to limit the scope of the boundary that it delimited betweeno
Cameroon and Nigeria on the basis of Equatorial Guinea’s interest.

24. As discussed in part II, it is difficult to distinguish the situation
underlying the Application to intervene by Equatorial Guinea from that
of Honduras, which also asserts claims that overlap the claims of the par-
ties in this case and asserts that those claims may be prejudiced by a

delimitation of the maritime boundary between Nicaragua and Colombia
if that boundary extends into the area to which it asserts a claim.

2. The object of the intervention

25. Article 81 (2) (b) of the Rules of Court requires the would-be
intervenor to specify the precise object of the intervention. The Court’s
consideration of the “object” has been closely tied to the questioon whether
the applicant has established an interest of a legal nature that may be o
affected, so it is not clear how the “object” alone might be disopositive of
a particular request to intervene. This may explain why the question of o

the precise object of the intervention seems to have become one in whicho
applications have taken on a standard formulation. The formulation that o
was accepted in Equatorial Guinea’s intervention in the case between o
Cameroon and Nigeria, derived in large part from the earlier decision ono
Nicaragua’s Application to intervene, appeared in a similar format ino the

Application by the philippines that was rejected in 2001, and in the Appli-
cations that the Court considers today (see Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Application for Per‑
mission to Intervene, Order of 21 October 1999, I.C.J. Reports 1999 (II),
p. 1032, para. 4 ; Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salva ‑

dor/Honduras), Application for Permission to Intervene, Judgment,
I.C.J. Reports 1990, p. 108, para. 38 (Application by Nicaragua for per -
mission to Intervene) ; Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipidan
(Indonesia/Malaysia), Application for Permission to Intervene, Judgmen▯t,
I.C.J. Reports 2001, p. 580, para. 7).

26. The object of intervention is worthy of some additional discussion,
however, because the object of non-party intervention may differ signifi -
cantly from that of proposed intervention as a party. As the cases aboveo
illustrate, the object of intervention as a non-party may be to insulate the
interest of a legal nature of the third State, that is, to prevent the Coourt

from “affecting” such interest. In a case of maritime delimitatioon, for
example, the object of the application of a non-party intervenor might be

65

5 CIJ1020.indb 126 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 481

p. 1034, par. 13). Elle confirmait ainsi que la présence d’un chevauchement
de revendications pouvait suffire à établir l’existence d’uon intérêt d’ordre

juridique susceptible d’être affecté au sens de l’article 62, et ce, en dépit
du caractère bilatéral de la délimitation maritime, du principe res inter
alios acta et de la protection offerte à la Guinée équatoriale par l’article 59
du Statut. Elle était disposée à limiter l’étendue de la ofrontière qu’elle
allait tracer entre le Cameroun et le Nigéria en fonction de l’intoérêt de la

Guinée équatoriale.
24. Comme nous le verrons dans la seconde partie, il est difficile de
voir en quoi la situation à l’origine de la requête à fin od’intervention de la
Guinée équatoriale diffère de celle à l’origine de la roequête du Honduras,
lequel formule également des prétentions empiétant sur celles does parties

en litige, prétentions auxquelles il affirme qu’une délimitatioon de la fron-
tière maritime entre le Nicaragua et la Colombie pourrait porter atteointe
si cette frontière venait à se prolonger dans la zone qui en fait ol’objet.

2. Objet de l’intervention

25. L’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 81 du Règlement impose à
l’Etat demandant à intervenir de spécifier l’objet précois de son interven -
tion. L’examen par la Cour de la question de l’« objet » ayant toujours été
étroitement lié à celui de la question de savoir si le demandeuor avait établi
l’existence d’un intérêt d’ordre juridique pour lui en caouse, il est difficile
de voir en quoi cet « objet » pourrait être à lui seul déterminant pour

le sort d’une demande d’intervention donnée. Cela explique peut-être
pourquoi l’objet précis semble désormais présenté dans les requêtes à fin
d’intervention selon une formule standard :à savoir celle — retenue par la
Cour — utilisée dans la requête de la Guinée équatoriale en l’oaffaire
Cameroun c. Nigéria, elle-même en grande partie inspirée de la décision de

la Cour sur la requête à fin d’intervention du Nicaragua ; elle a en effet été
reprise en des termes similaires dans la requête des philippines — rejetée
en 2001 — et dans celles que la Cour examine aujourd’hui (voir Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.
Nigéria), requête à fin d’intervention, ordonnance du 21 octobre 1999,

C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1032, par. 4 ; Différend frontalier terrestre,
insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’▯intervention,
arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 108, par. 38 (requête du Nicaragua à fin d’in-
tervention) ; Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/
Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 580,

par. 7).
26. La question de l’objet de l’intervention mérite toutefois que l’on s’y
arrête quelque peu, parce que cet objet peut varier considérablemeont selon
qu’il s’agit d’une intervention en tant que partie ou en tant qoue non-
partie. Comme dans les affaires que nous venons de citer, l’objet doe
l’intervention en tant que non-partie pourra être d’isoler l’intérêt d’ordre

juridique d’un Etat tiers, autrement dit, d’empêcher la Cour deo rendre
une décision susceptible d’« affecter» cet intérêt. Dans une affaire de déli -

65

5 CIJ1020.indb 127 14/06/13 11:47 482 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

to provide the Court with complete information that would enable the
Court to ensure that the claims of the intervenor are not prejudiced,

which the Court might do inadvertently if it does not have access to theo
views of the third State. Such prejudice would not result from binding tohe
third State — which Article 59 would preclude — but rather from the
potential implication that the Court has made an assessment of the meritos
of a third State’s claims in rendering its judgment. Information abouot an

intervenor’s claims could help the Court, when it establishes the co-ordi -
nates of a boundary, to set a final turning point and/or endpoint in ao way
that avoids prejudice to the claims of the intervenor. Thus, the decisioon to
permit Equatorial Guinea to intervene as a non-party did not cause
Equatorial Guinea to become a party to the main case or to be bound by
the result there. Instead, it permitted Equatorial Guinea to advise the

Court on how the claims of the parties “may or may not” affect tohe legal
rights and interests of Equatorial Guinea (Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Application for
Permission to Intervene, Order of 21 October 1999, I.C.J. Reports
1999 (II), p. 1032, para. 3).

27. The object of such non-party intervention is in sharp contrast to
intervention as a party, in which an object of the would-be intervenor
must instead be to bind itself to the decision in the main case and to boind

the original parties to it and thus to affect its interest of a legal nature
quite directly.
28. One object of intervention that is unacceptable is that of introduc -
ing a new dispute into the case. A request to intervene is an “incideontal
proceeding”, and “[a]n incidental proceeding cannot be one which torans -
forms that case into a different case with different parties” (Land, Island

and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras), Application for ▯
Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1990, p. 134, para. 98).
If a third State considers that it has a dispute that is closely relatedo to the
case in chief, it can file a separate case, which could then potentialoly be
joined to the original case as a matter of procedure, pursuant to Arti -

cle 47 of the Rules of Court.

29. The bar on the introduction of a new dispute would seem to have
little bearing on an application for intervention as a non-party. Even if an
applicant for non-party intervention seeks to apprise the Court of inter -

ests that may not otherwise be before the Court, the non-party intervenor
is not in a position to ask the Court to decide on its related but distinct
interest and thus is not adding a new dispute to a case. By contrast, ano
applicant to intervene as a party would be bound by the resulting Judg -
ment (at least as to some parts of it), so there is more reason in theo con -
text of proposed intervention as a party to look closely at whether the o

would-be intervenor seeks to introduce a new dispute.

66

5 CIJ1020.indb 128 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 482

mitation maritime, il pourrait ainsi s’agir, pour un Etat intervenanto en
cette qualité, de fournir à la Cour toutes les informations voulueos pour

s’assurer que celle-ci ne préjuge pas de ses prétentions, ce qu’elle pourrait
faire par inadvertance si elle n’avait pas connaissance des vues de lo’Etat
tiers en question. Les prétentions seraient affectées non en ce osens que la
décision de la Cour lierait l’Etat tiers, ce que l’article 59 exclut, mais parce
qu’il serait implicitement admis que, en statuant, la Cour s’est porononcée

sur le bien-fondé des revendications de cet Etat. Le fait de disposer des
informations voulues pourrait aider la Cour, lorsqu’elle définito les coor -
données d’une frontière, à fixer un point d’inflexiono et/ou un point termi-
nal définitif et, ainsi, à éviter qu’il ne soit préjugéo des prétentions de l’Etat
intervenant. Ainsi, lorsque la Cour l’a autorisée à intervenir oen tant que
non-partie, la Guinée équatoriale n’est pas devenue partie à la oprocédure

principale ni liée par l’issue de cette procédure : en revanche, la possibilité
lui a été donnée d’informer la Cour de la manière dont les revendications
des parties « pourraient ou non » porter atteinte à ses droits légitimes et
à ses intérêts d’ordre juridique (Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), requête à fin d’interven ‑

tion, ordonnance du 21 octobre 1999, C.I.J Recueil 1999 (II), p. 1032,
par. 3).
27. L’objet d’une telle intervention en tant que non-partie diffère radica -
lement de celui de l’intervention en tant que partie, dans le cadre doe laquelle,
au contraire, l’Etat intervenant recherche nécessairement une décision dans

la procédure principale qui le lie et lie les parties originelles, eto qui, donc,
affectera son intérêt d’ordre juridique de manière tout à fait directe.
28. L’intervention ne saurait en tout état de cause avoir pour objet
d’introduire un nouveau différend. Une requête à fin d’ointervention est
une « procédure incidente » et « [u]ne procédure incidente ne saurait être
une procédure qui transforme [l’]affaire en une affaire diffoérente avec des

parties différentes» (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El
Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I ▯ .J. Recueil 1990,
p. 134, par. 98). Si un Etat tiers estime avoir un différend étroitement liéo
à la procédure principale, il lui est loisible d’introduire une instance dis -
tincte, qui pourra éventuellement être jointe, aux fins de la proocédure, à

l’instance initiale, ainsi que le prévoit l’article 47 du Règlement.
29. Une requête à fin d’intervention en tant que non-partie n’a toute -
fois guère de chance de se heurter à l’interdiction d’introdouire un nouveau
différend. Même s’il cherche à informer la Cour de l’existence d’intérêts
qui, autrement, ne lui auraient peut-être pas été soumis, un Etat deman -

dant à intervenir en tant que non-partie n’a pas qualité pour prier la Cour
de se prononcer sur son intérêt d’ordre juridique, connexe mais distinct,
ni, partant, ne peut greffer à l’affaire un nouveau difféorend. Un Etat
demandant à intervenir en tant que partie, en revanche, serait liéo par l’ar -
rêt que rendrait dans ce contexte la Cour (ou du moins par certaineso par-
ties de celui-ci): s’agissant de ce type d’intervention, il y a donc davantage

lieu de bien se demander si cet Etat ne cherche pas en réalité ào introduire
un nouveau différend.

66

5 CIJ1020.indb 129 14/06/13 11:47 483 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

3. The jurisdictional link

30. The Court has stated that a jurisdictional link is required in the case

of intervention as a party and not in the case of non-party intervention
(see Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipidan (Indonesia/Malay ‑
sia), Application for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports
2001, p. 589, para. 35). This result is sensible, given the very different ways
in which the two forms of intervention affect the legal rights and obloiga -

tions of the original parties. A non-party intervenor is not bound by the
decision, nor are the parties bound vis-à-vis the intervenor. By contrast, a
party-intervenor is bound by the decision (as there has been no successful
intervention as a party, it is not clear to what extent the intervenor woould
be bound, that is, whether to the entire decision or only to a part theroeof

that pertains especially to its interests).

4. The views of the parties

31. Article 84 of the Rules of Court provides for a hearing only if the
parties object and, in this way, signals that the Court will give weighto to
the parties’ views. Consideration of party views is only appropriate,o given
the impact that intervention has on the parties. Intervention (even proo -
posed intervention) leads inevitably to delay, whether the proposal is oto

intervene as a party or as a non-party. In addition, the Rules give a suc -
cessful intervenor certain procedural rights. In the case of interventioon as
a party, the consequences of intervention are more significant and moroe
substantive.

32. The views of the parties may help the Court decide whether the

applicant has met its burden under Article 62. That does not mean, how -
ever, that Article 84 of the Rules of Court add a new substantive criteroion
to Article 62 of the Statute. put another way, if the criteria in Article 62
are met, I do not see a basis for the Court to reject an application foro
intervention simply because one or both of the parties oppose it. The croi -

teria of Article 62 govern.

33. I note one particular situation that illustrates that intervention may
be warranted even when it is opposed by one or both parties. In a case ion
which the would-be intervenor’s interest of a legal nature “would form

the very subject-matter of the decision” in the main case (Monetary Gold
Removed from Rome in 1943 (Italy v. France, United Kingdom and United
States of America), Preliminary Question, Judgment, I.C.J. Reports 1954,
p. 32), intervention might avoid a decision by the Court to dismiss a caseo
due to the absence of an indispensable party from the proceedings. More o

generally, if the Court concludes that the interest of a legal nature ofo a
third State may be affected by the decision in the case before it, theo oppor -

67

5 CIJ1020.indb 130 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 483

3. Lien juridictionnel

30. La Cour a affirmé qu’un lien juridictionnel était requis lorsqou’un

Etat demande à intervenir en tant que partie, mais non lorsqu’il sollicite
de le faire en tant que non-partie (voir Souveraineté sur Pulau Ligitan et
Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), requête à fin d’interv▯ention, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 589, par. 35). Cette conclusion se comprend, dès
lors que les deux formes d’intervention affectent les droits et leso obliga -

tions juridiques des parties originelles de manière très difféorente : l’Etat
intervenant en tant que non-partie n’est pas lié par la décision de la Cour,
non plus que les parties ne le sont à son égard. A l’inverse, loa décision de
la Cour est obligatoire pour l’Etat intervenant en tant que partie (oaucune
demande d’intervention en tant que partie n’ayant été admiseo par la Cour,

il est difficile de savoir dans quelle mesure l’Etat intervenant seroait lié :
le serait-il par l’intégralité de la décision ou uniquement par la parotie de
celle-ci qui concerne spécifiquement ses intérêts ?).

4. Vues des parties

31. L’article 84 du Règlement ne prévoit la tenue d’audiences que si les
parties font objection. La Cour montre ainsi qu’elle accordera du poiods
aux vues des parties, ce qui est parfaitement normal, du reste, étanto donné
les implications pour celles-ci de la procédure d’intervention. Car — même
au stade de la simple demande d’intervention, que ce soit en tant queo

partie ou en tant que non-partie —, l’intervention entraîne inévitablement
des retards. Le Règlement accorde en effet à l’Etat autoriséo à intervenir
certains droits en matière de procédure ;par ailleurs, dans le cas de l’inter -
vention en qualité de partie, les conséquences de l’interventioon sont plus
importantes et substantielles.
32. Les vues des parties peuvent aider la Cour à déterminer si l’Etoat

demandant à intervenir a rempli les obligations que lui impose l’aorticle 62.
pour autant, l’article 84 du Règlement n’ajoute pas un critère substantiel
à l’article 62 du Statut. En d’autres termes, s’il est satisfait aux critèroes
énoncés à l’article 62, la Cour n’est pas, selon moi, fondée à rejeter une
requête à fin d’intervention pour la simple raison qu’une opartie, voire

les deux, s’y oppose. Ce sont les critères de l’article 62 qui sont détermi -
nants.
33. Il est une situation particulière où l’intervention peut êtroe justifiée
même si elle suscite l’opposition de l’une ou de l’autre deso parties, voire
des deux : celle dans laquelle l’intérêt d’ordre juridique de l’Etoat deman -

dant à intervenir « constituerai[t] l’objet même de la … décision » dans la
procédure principale (Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France,
Royaume‑Uni et Etats‑Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt,▯ C.I.J.
Recueil 1954, p. 32). L’intervention pourrait alors éviter à la Cour de
refuser de connaître de l’affaire du fait de l’absence d’uone partie indis-

pensable. plus généralement, si la Cour conclut que l’intérêt d’ordre juri -
dique d’un Etat tiers est susceptible d’être affecté par la décision qu’elle

67

5 CIJ1020.indb 131 14/06/13 11:47 484 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

tunity to consider the views of that third State and to permit the parties to
address them protects all of the affected States and enhances the sounod -

ness and legitimacy of the decision in the case.

5. Non‑party versus party intervention

34. Throughout the discussion of factors that the Court has considered
in weighing applications to intervene, I have noted situations in which the

analysis applicable to the proposed intervention as a party differs froom
the analysis suited to consideration of non-party intervention. In light of
these distinctions, I believe that it is unfortunate that the Rules of Coourt
treat non-party intervention and party intervention in the same way. Sub -
stantively, the effects of the two kinds of intervention are not the soame, so

it is regrettable that there is not more flexibility to adjust the proocedures
to account for the differences.
35. Because a proposal to intervene as a party has significant substan -
tive effects on the original parties, it is appropriate for the Court oto
inquire especially closely into the application, including through a heaor -

ing, if one or both of the original parties objects to the intervention.o
Delay is an unfortunate consequence of such a procedure, but one that iso
warranted by the implications of successful intervention. For non-party
intervention, however, the substantive implications of successful intervoen -
tion are fewer. The original parties acquire no additional substantive
rights or obligations vis-à-vis the intervenor. In that case, an examination

of an intervention application that includes a hearing not only leads too
delay, but also creates the risk that the States appearing in the proceeod -
ings will seek to use the hearing to press the substantive case. A more o
flexible procedure, one that does not always require a hearing in sucho
a case, might be appropriate. Equally, if an application to intervene

is granted, it may be appropriate to give the non-party intervenor more
limited opportunities to convey its views than are given to the party-
intervenor, for example, to make a written submission, without auto-
matically having an opportunity to participate in oral proceedings.

*
* *

36. In respect of several of the factors that I have discussed above, I
have noted the potential flexibility inherent in Article 62. For example :

— a third State may be “affected” even when not legally bound by tohe
outcome ;
— an applicant need only show that its interest of a legal nature “may”o

be affected, not that its interests “will” be affected ;

68

5 CIJ1020.indb 132 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 484

rendra dans une affaire donnée, la possibilité qu’elle aura d’examiner les
vues de cet Etat et celle donnée aux parties d’y répondre permettront de

protéger tous les Etats en cause et de renforcer le bien-fondé et la légiti -
mité de son arrêt au fond.

5. Intervention en tant que non‑partie et intervention en tant que partie

34. En me penchant sur les facteurs que la Cour a pris en compte lors -
qu’elle a eu à se prononcer sur des requêtes à fin d’inotervention, j’ai relevé

des cas où l’analyse applicable à l’intervention en tant queo partie différait
de celle valant pour l’intervention en tant que non-partie. Je trouve donc
regrettable que le Règlement réserve un traitement unique à ceso deux
formes d’intervention. Leurs effets, en substance, ne sont pas les omêmes,
et il est dès lors fâcheux que la Cour ne soit pas plus libre d’oajuster les

procédures pour tenir compte de ces différences.

35. L’intervention en qualité de partie entraînant, en substance, des
implications non négligeables pour les parties originelles, la Cour soe doit
de prêter à la demande qui lui est soumise à cet effet toute ol’attention

requise, notamment en tenant des audiences en cas d’objection d’une ou
plusieurs parties. La procédure s’en trouvera ralentie, conséquoence certes
regrettable, mais qui se justifie compte tenu de ce qu’implique la odécision
d’admettre une intervention. La décision d’autoriser un Etat à intervenir
en tant que non-partie, en revanche, a, quant au fond, des implications
moindres. Les parties originelles n’acquièrent pas à cet égard de droits ou

d’obligations supplémentaires à l’égard de l’Etat inteorvenant. Dans ce cas,
au retard que provoque un examen de la demande d’intervention qui
inclut la tenue d’audiences, s’ajoute le risque de voir les Etats oreprésentés
à celles-ci les utiliser pour défendre leurs arguments au fond. Une procé -
dure plus souple, n’imposant pas systématiquement la tenue d’auodiences,

pourrait être de mise. De même, il pourrait être bon de donner oà l’Etat
autorisé à intervenir en tant que non-partie moins d’occasions d’exprimer
ses vues qu’à l’Etat admis à intervenir en tant que partie —o en lui permet -
tant, par exemple, de présenter une communication écrite, mais pas auto -
matiquement de participer à une procédure orale.

*
* *

36. A propos de plusieurs des facteurs que j’ai examinés plus haut, j’ai
pu constater que l’article 62, en lui-même, offrait une certaine marge
d’appréciation. C’est ainsi que

— un Etat tiers peut être «affecté», même quand il n’est pas juridiquement
lié par l’issue de la procédure ;
— l’Etat demandant à intervenir doit uniquement montrer que son

intérêt d’ordre juridique est «susceptible» d’être affecté, et non qu’il le
« sera » effectivement ;

68

5 CIJ1020.indb 133 14/06/13 11:47 485 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

— the applicant need not demonstrate that it may be affected by the
disposif, but instead may show that its interest of a legal nature may

be affected by the reasoning ;
— the requirement to specify the object of an intervention has not proven o
to be a significant obstacle to intervention ;
— Article 62 does not require the applicant to show that intervention is
the only means to protect its interest of a legal nature ; and

— the Court has made clear that no jurisdictional link is required in the o
case of non-party intervention.

37. This summary might suggest that there has been a permissive atti -
tude towards intervention. The weight of the jurisprudence, however, is o
to the contrary. Only one application for intervention under Article 62
has been granted in its entirety (Land and Maritime Boundary between

Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Application for Permission
to Intervene, Order of 21 October 1999, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1028).
That case stands apart from others because the parties did not object
to the intervention. In one other case, a Chamber of the Court accepted
an intervention request in part but rejected it in part (Land, Island and
Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras), Application for

Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1990, p. 137, para. 105).

38. With the exception of the Application of Equatorial Guinea, the
Court has denied every request to intervene with respect to a question of
maritime delimitation (see Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jama ‑

hiriya), Application for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports
1981, p. 20, para. 37 ; Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta),
Application for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1984,
p. 28, para. 47 ; Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/
Honduras), Application for Permission to Intervene, Judgment,

I.C.J. Reports 1990, p. 137, para. 105). The Court’s Judgments today con -
tinue that trend.

II. The Application of Honduraos

A. Honduras Should Be Permitted to Intervene

as a Non‑Party

39. The Judgment characterizes Honduras’s asserted interest of a legal
nature as relating largely to two issues : whether the 2007 Judgment in the
case concerning Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and
Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras) (Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 659) settled the entire maritime boundary

between Honduras and Nicaragua in the Caribbean Sea and what effect,
if any, the decision of the Court in the pending proceeding would have oon

69

5 CIJ1020.indb 134 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 485

— l’Etat demandant à intervenir n’est pas tenu de démontrer quoe son
intérêt est susceptible d’être affecté par le dispositiof, pouvant se

contenter de montrer qu’il risque de l’être par les motifs ;
— l’obligation de spécifier l’objet d’une intervention ne s’oest pas révélée
être un obstacle majeur ;
— l’article 62 n’impose pas à l’Etat demandant à intervenir de prouver
que l’intervention est la seule manière qu’il ait de protéger son intérêt

d’ordre juridique; et
— la Cour a précisé qu’aucun lien juridictionnel n’était reoquis dans le cas
d’une intervention en tant que non-partie.

37. Ces éléments portent à croire que la Cour est encline à admeottre les
demandes d’intervention. Ce n’est toutefois pas ce qui ressort de osa juris -
prudence, tant s’en faut. La Cour n’a admis, dans son intégralioté, qu’une
seule requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62 (Frontière

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigé ‑
ria), requête à fin d’intervention, ordonnance du 21 octobre 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1028). Or, cette requête avait ceci de particu -
lier que les parties n’y avaient pas fait objection. La seule autre doemande
d’intervention admise le fut en partie seulement, par la Chambre de loa
Cour (Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/

Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 137,
par. 105).
38. La requête de la Guinée équatoriale mise à part, la Cour a aoinsi
rejeté toutes les requêtes à fin d’intervention se rapportant à does ques -
tions de délimitation maritime (voir Plateau continental (Tunisie/Jamahi ‑

riya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, ▯C.I.J. Recueil
1981, p. 20, par. 37 ; Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 28,
par. 47 ; Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/
Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recu▯eil 1990, p. 137,

par. 105). Cette tendance se confirme dans les arrêts qu’elle a rendous
aujourd’hui.

II. Requête du Honduras

A. Le Honduras devrait être autorisé à intervenir

en tant que non‑partie

39. D’après l’arrêt de la Cour, l’intérêt d’ordre juridique revendiqué
par le Honduras se rapporte pour l’essentiel à deux questions : d’une part,
celle de savoir si l’arrêt rendu en 2007 en l’affaire du Différend territorial
et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbe▯s
(Nicaragua c. Honduras) (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 659) a fixé

dans son intégralité la frontière maritime séparant le Honduoras et le Nica -
ragua dans la mer des Caraïbes et, d’autre part, celle des effetos qu’aura, le

69

5 CIJ1020.indb 135 14/06/13 11:47 486 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

Honduras’s rights under the 1986 Maritime Delimitation Treaty betweeno
Colombia and Honduras (Judgment, para. 59).

40. As to the first of these issues, the Judgment examines the Hondu -
ran challenge to the res judicata effect of the 2007 Judgment. In its
2007 Judgment, the Court determined that from point F (located at the
co-ordinates 15° 16´ 08˝ N and 82° 21´ 56˝ W), the line of delimitation

between Honduras and Nicaragua “shall continue along the line having o
the azimuth of 70°14´ 41.25˝ until it reaches the area where the rights of
third States may be affected” (Territorial and Maritime Dispute between
Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 760-763, para. 321). Honduras
interprets this language to mean that the 2007 Judgment did not delimit o

any boundary between itself and Nicaragua to the east of the 82nd meri-
dian, because it is at that point that a third State (Colombia) “maoy
be affected”, as demonstrated by the position taken by Colombia in
its response to Nicaragua in this case (see CR 2010/18, p. 37 (Wood) ;
CR 2010/20, p. 31 (Kohen)). In other words, Honduras takes the position

that Colombia’s assertions in this case establish the endpoint of the
boundary set by the 2007 Judgment — an endpoint that the Court itself
was not willing to fix.
41. I agree with the Court that Honduras misreads the res judicata
effect of the 2007 Judgment. As today’s Judgment explains, the courose of

the bisector line drawn by the Court in 2007 is clear and that line poteon -
tially extends beyond the 82nd meridian. It is also clear — and is res
judicata for Honduras and Nicaragua — that the line ends when it
“reaches the area where the rights of third States may be affected”o. All
that is left open is the precise endpoint, an issue to which I return beolow.

42. I also accept the Court’s statement that it will place “no reliancoe”
on the 1986 Treaty in establishing a maritime boundary between Colom -
bia and Nicaragua, in so far as that statement is intended to mean that oa

treaty between one party (Colombia) and a third State (Honduras) can -
not determine the rights of the parties to this case.

43. I dissent, however, because I nonetheless believe that Honduras
has an “interest of a legal nature” that “may be affected”o by the decision

in this case. The interest of Honduras results from the fact that its cloaim
to maritime areas overlaps the area at issue in this case. Colombia has o
asked the Court to establish a single maritime boundary (depicted on thoe
sketch-map attached to the Judgment) without an endpoint in the north.
As Colombia correctly points out (CR 2010/20, p. 26, para. 46 (Bundy)),
its 1986 Treaty with Honduras does not preclude it from asserting claimso

against Nicaragua north of the 15th parallel. Thus, the area that Colom -
bia claims vis-à-vis Nicaragua in this case overlaps the area located north

70

5 CIJ1020.indb 136 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 486

cas échéant, la décision de la Cour dans la procédure principale sur les
droits qui sont ceux du Honduras en vertu du traité de délimitation mari -
time qu’il a conclu avec la Colombie en 1986 (arrêt, par. 59).
40. A propos de la première question, la Cour examine ce qui constitue
une remise en question, par le Honduras, de l’autorité de la chose jugée

dont est revêtu son arrêt de2007. Dans cet arrêt, la Cour avait conclu qu’à
partir du point F (situé par 15° 16΄ 08˝ de latitude nord et 82° 21΄ 56˝
de longitude ouest) la ligne de délimitation entre le Honduras et le Niocara -
gua « se poursuivra[it] le long de la ligne d’azimut 70° 14΄ 41,25˝ jusqu’à
atteindre la zone dans laquelle elle risqu[ait] de mettre en cause les droits

d’Etats tiers » ( Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007 (II), p. 760-763, par. 321). Le Honduras en déduit que l’arrêt
de 2007 n’a pas délimité de frontière entre le Nicaragua et luio-même à l’est
e
du 82 méridien, au-delà duquel les droits d’un Etat tiers (la Colombie)
«risqu[aient] d[’être mis] en cause », comme le montre la position adoptée
par la Colombie en réponse au Nicaragua en l’espèce (voir CR 2010/18,
p. 37 (Wood) ;CR 2010/20, p. 31 (Kohen)). En d’autres termes, le Hondu -
ras considère que c’est par les seules affirmations de la Colombie en l’espèce

qu’est déterminé l’emplacement du point terminal de la frontière fixée dans
l’arrêt de 2007, point que la Cour elle-même n’avait pas souhaité arrêter.
41. Je conviens avec la Cour que le Honduras interprète de façon erro -
née l’effet de la chose jugée dont est revêtu l’arrêot de 2007. Comme il est

précisé dans l’arrêt rendu aujourd’hui, le tracé de lao bissectrice fixée par la
Cour en 2007 est clair et cette ligne s’étend potentiellement au-delà du
82e méridien. Il est également clair — et cette constatation est revêtue de
l’autorité de la chose jugée pour le Honduras et le Nicaragua — que la
ligne frontière s’achève lorsqu’elle « atteint la zone dans laquelle elle ris-

que de mettre en cause les droits d’Etats tiers». La seule chose à n’avoir pas
été fixée est l’emplacement exact du point terminal, questoion sur laquelle
je reviendrai plus loin.
42. Je conviens également de l’opportunité pour la Cour de précioser
qu’elle «ne se fondera pas » sur le traité de 1986 pour fixer une frontière

maritime entre la Colombie et le Nicaragua, dans la mesure où il s’oagit
ainsi de signifier qu’un traité entre une partie (la Colombie) et un Etat tiers
(le Honduras) ne saurait déterminer les droits des parties à la présente
affaire.

43. Je me dissocie toutefois de l’arrêt de la Cour parce que je pense o
malgré tout que le Honduras possède un « intérêt d’ordre juridique » qui
risque d’être affecté par la décision qui sera rendue danso la procédure
principale. Or, l’intérêt du Honduras découle du chevauchemeont entre les
espaces maritimes qu’il revendique et la zone en litige en l’espèoce. La

Colombie a demandé à la Cour de tracer une frontière maritime uonique
(représentée sur le croquis reproduit dans l’arrêt) sans fioxer de point ter -
minal au nord. Comme la Colombie le souligne à juste titre (CR 2010/20,
p. 26, par. 46 (Bundy)), le traité qu’elle a conclu en 1986 avec le Honduras
ne l’empêche pas de formuler des prétentions au nord du 15 eparallèle à

70

5 CIJ1020.indb 137 14/06/13 11:47 487 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

of the 15th parallel and west of the 80th meridian that Honduras claims

vis-à-vis Colombia by virtue of the 1986 Treaty. Nicaragua’s claims
vis-à-vis Colombia in the present case encompass those same areas (see
Written Observations of Nicaragua on Application for permission to
Intervene by Honduras, 2 September 2010) . 4

44. I have stated above that I believe that situations of overlapping

claims are suggestive of circumstances that would provide a basis for noon-
party intervention under Article 62. While there is no way to determine at
this point whether the Court would adopt a line that is identical or cloose
to the line proposed by Colombia, its practice makes clear that, if it woere

to do so, it would define the northern end of that boundary in a manneor
that takes account of the rights that Honduras could assert based on itso
treaty with one party (Colombia) and the decision of the Court with

respect to Honduras and the other party (Nicaragua). For the same rea -
sons that the Court would follow this approach in its future judgment, Io
believe that Honduras’s overlapping claims provide a basis to grant its

Application to intervene as a non-party.

45. Apart from the situation of overlapping claims, there is a more
specific reason that Honduras has an “interest of a legal nature”o that

“may be affected” by the Judgment in this case. This interest iso triggered
by the maritime boundary proposed by Colombia, shown on the
sketch-map attached to the Judgment. As can be seen, the maritime

boundary claimed by Colombia proceeds in a largely north-south direc -
tion. This line (shown on the map with a directional arrow) would, if oit
continued north, intersect with the dashed line that depicts the course oof
the Honduras-Nicaragua maritime boundary, as determined by this

Court in 2007, which proceeds largely in an east-west direction, without a
fixed endpoint. At this stage of the proceedings, the Court has not consid -
ered the merits of the parties’ claims nor has it made any decision as to

the northern endpoint of any boundary that it will delimit in this case.o

4
In this regard, the Court’s 2007 analysis of Colombia’s interest ion relation to the
Court’s 2007 Judgment in the Nicaraguav. Honduras case appears to be incomplete. There,
the Court stated that
“any delimitation between Honduras and Nicaragua extending east beyonod the
82nd meridian and north of the 15th parallel (as the bisector adopted by the Court

would do) would not actually prejudice Colombia’s rights because Coloombia’s rights
under this Treaty do not extend north of the 15th parallel” (Territorial and Mari
time Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicar▯agua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 758-759, para. 316).

It is true that Colombia’s rights vis-à-vis Honduras under the 1986 Treaty do not extend

north of the 15th parallel, but this does not preclude Colombia from asserting a claim
against Nicaragua that extends north of the 15th parallel.

71

5 CIJ1020.indb 138 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 487

l’égard du Nicaragua. Ainsi, la zone que la Colombie revendique à l’égard
du Nicaragua en l’espèce empiète sur celle s’étendant au onord du 15paral- e
lèle et à l’ouest du 80 méridien, laquelle est elle-même revendiquée par le

Honduras vis-à-vis de la Colombie en vertu du traité de 1986. Les reven -
dications du Nicaragua à l’égard de la Colombie en l’espèce concernent
ces mêmes zones (voir observations écrites du Nicaragua sur la reoquête à
4
fin d’intervention du Honduras, 2 septembre 2010) .
44. J’ai déjà dit que l’existence d’un chevauchement de revendicationos
peut, de manière générale, donner à penser que sont réunies les circonstances
justifiant une intervention en tant que non-partie fondée sur l’article 62. S’il

n’est pas possible à ce stade de savoir si la Cour adoptera une liogne identique
ou semblable à celle proposée par la Colombie, il ressort clairemeont de sa
pratique que, le cas échéant, elle fixera l’extrémité noord de cette ligne fron -

tière de manière à tenir compte des droits que le Honduras pourorait se pr -é
valoir sur le fondement du traité qu’il a conclu avec l’une deso parties (la
Colombie) et de la décision de la Cour liant le Honduras et l’autore partie (le

Nicaragua). Ce sont précisément les raisons qui pousseraient la Coour à pro -
céder ainsi dans son arrêt qui m’amènent à considérer oque le chevauchement
entre les espaces qu’il revendique et la zone en litige en l’espèoce auraient

justifié d’admettre le Honduras à intervenir en qualité deo non-partie.
45. Indépendamment de cette situation de chevauchement de revendi -
cations, c’est pour une raison bien plus précise qu’un «intérêt d’ordre juri-

dique» du Honduras risque d’être affecté par l’arrêt qui osera rendu en
l’espèce. Cet intérêt découle de la frontière maritimeo proposée par la
Colombie, telle que représentée sur le croquis reproduit dans l’oarrêt.

Comme on peut le voir, cette frontière suit dans l’ensemble une diorection
nord-sud. Si elle devait se poursuivre vers le nord, cette ligne (terminée
sur le croquis par une flèche) rencontrerait la ligne en pointilléos qui repré -

sente la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua, telle oque
tracée par la Cour en 2007, laquelle suit dans l’ensemble une direction
est-ouest, et dont le point terminal n’a pas été fixé. A ce stoade de la pro -
cédure, la Cour n’a pas encore procédé à un examen au fonod des revendi-

cations des parties, ni pris la moindre décision quant au point terminal
septentrional de toute frontière qu’elle délimiterait en l’aoffaire.

4 A cet égard, l’analyse de l’intérêt de la Colombie faite opar la Cour dans son arrêt
de 2007 en l’affaire Nicaragua c. Honduras semble incomplète. La Cour avait alors conclu
que

«une éventuelle délimitation entre le Honduras et le Nicaragua qui ose prolongerait
vers l’est au-delà du 82méridien et au nord du 15 eparallèle (ce qui serait le cas de
la bissectrice retenue par la Cour) ne porterait en réalité pas poréjudice aux droits de
la Colombie, dans la mesure où les droits de cette dernière en verotu de ce traité ne
s’étendent pas au nord du 15 eparallèle » (Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758-759, par. 316).

Il est vrai que les droits reconnus à la Colombie à l’égard du Honduras en vertu du traité
de 1986 ne s’étendent pas au nord du 15parallèle, mais cela n’interdit pas à la Colombie de
formuler une revendication à l’égard du Nicaragua au nord dudito parallèle.

71

5 CIJ1020.indb 139 14/06/13 11:47 488 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

46. A decision of this Court that accepts the line proposed by Colom -
bia would have a significant impact on the precise meaning of the 2007o
decision that binds Honduras and Nicaragua and thus “may affect”o the
“interest of a legal nature” of Honduras. Before turning to the reoasons

that I reach this conclusion, I recall that the question before the Courot is
whether Honduras’s interest of a legal nature “may” be affected. In the
discussion that follows, I focus on the line proposed by Colombia, whicho
potentially intersects with the 2007 Nicaragua-Honduras boundary line 5.

47. When the Court delimited the Honduras-Nicaragua boundary in
2007, it decided that, from the last turning point, which it called “pointF”,
the line “shall continue along the line having the azimuth of 70° 14´ 41.25˝

until it reaches the area where the rights of third States may be affected”
(Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the
Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports
2007 (II), p. 763, para. 321). Thus, the Court did not fix a precise end -

point, consistent with its general approach to the interests of third States
with respect to the delimitation of a boundary on a bilateral basis — the
preservation of third-State rights.

48. At present, therefore, the line emanating from point F is res judi ‑
cata for Honduras and Nicaragua, but is subject to uncertainty about the
point at which the boundary ends because it is unclear exactly where theo
line reaches an area to which a third State may have rights. This situatoion
would change significantly if the Court adopted the line proposed by

Colombia. If that were to occur, we can expect the Court to follow its
usual practice with respect to third-State interests. Thus, the Court, after
setting the final turning point in the north, would describe a line prooceed -
ing from that turning point largely in a northerly direction that continoues

until it meets the area where the rights of a third State may be affecoted. At
some point, the prolongation of that line would intersect the line drawno
by the Court in the 2007 Judgment.
49. Thus, a decision that adopts the line proposed by Colombia —

which, again, is merely one possible outcome of the main proceedings —
would reflect, in essence, a conclusion by this Court about the exact point
on the line that it drew in 2007 at which the rights of a third State —
Colombia — “may be affected”. This new clarity from the Court about
the rights of a third State inevitably would affect the way that Honduoras

(and Nicaragua) would interpret and apply the 2007 Judgment to which
they are bound. In particular, it would appear that the 2007 line would obe
without effect east of the point at which the two lines intersect, giving rise

5I address here the claim of Colombia, and not the claim of Nicaragua, beocause the
line claimed by Colombia would cross into the area in which Honduras claoims an interest,
whereas the line claimed by Nicaragua lies well to the east of that areao. My focus on the
line claimed by Colombia does not suggest any conclusion about the meritos of the claims
asserted by the two parties, which I have not examined.

72

5 CIJ1020.indb 140 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 488

46. Une décision de la Cour tendant à retenir la ligne proposée par la
Colombie aurait des implications non négligeables pour le sens préocis de
l’arrêt de 2007 qui lie le Honduras et le Nicaragua et, partant, risquerait
d’affecter l’« intérêt d’ordre juridique » du Honduras. Avant d’en venir

aux raisons pour lesquelles je suis parvenue à cette conclusion, je rappel -
lerai que la question qui se pose à la Cour est de savoir si l’«o intérêt
d’ordre juridique » du Honduras « risque» (« may») d’être affecté. Dans
l’analyse qui suit, je m’attarderai particulièrement sur la ligone proposée

par la Colombie en ce qu’elle pourrait 5ouper la frontière fixéoe en 2007
entre le Nicaragua et le Honduras .
47. Lorsque la Cour a délimité la frontière entre le Honduras et leo
Nicaragua en 2007, elle a indiqué que, à partir du dernier point d’in -
flexion, le point « F», la ligne « se poursuivra[it] le long de la ligne d’azi -

mut 70° 14´ 41.25˝ jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risqu[ait] de
mettre en cause les droits d’Etats tiers » (Différend territorial et maritime
entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragu▯a
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 763, par. 321). La Cour

n’a donc pas fixé de point terminal précis, se conformant ào l’approche
qu’elle a, en règle générale, suivie à l’égard des ointérêts d’Etats tiers en
matière de délimitation de frontières sur une base bilatéraloe, approche
consistant à préserver le droit des Etats concernés.

48. En l’espèce, toutefois, la ligne s’étendant à partir du pooint F est
revêtue de l’autorité de la chose jugée vis-à-vis du Honduras et du Nica -
ragua, mais l’incertitude demeure quant au point où elle s’achèove, faute
de pouvoir situer avec précision l’endroit où elle rencontre unoe zone sur
laquelle un Etat tiers pourrait avoir des droits. La situation serait raodica -

lement différente si la Cour devait adopter la ligne proposée paor la Colom -
bie. Elle suivrait alors sans doute sa pratique habituelle lorsque sont oen
jeu les intérêts d’Etats tiers: après avoir fixé le dernier point d’inflexion au
nord, elle tracerait une ligne qui, à partir de ce point, serait largoement

orientée vers le nord et se poursuivrait jusqu’à atteindre la zoone où elle
risquerait d’affecter les droits d’un Etat tiers. A un endroit doonné, cette
ligne couperait celle tracée par la Cour dans son arrêt de 2007.
49. Ainsi, l’adoption de la ligne proposée par la Colombie — qui, une

fois de plus, n’est qu’une des issues possibles de la procédureo principale —
impliquerait, fondamentalement, une conclusion de la Cour quant à l’oem -
placement exact, sur la ligne tracée par elle en 2007, du point où les droits
d’un Etat tiers (la Colombie) « risque[nt] d’[être mis] en cause ». Ce nou-
vel éclairage de la Cour sur les droits d’un Etat tiers affecterait oinévita-

blement la manière dont le Honduras (et le Nicaragua) interpréteorait et
appliquerait l’arrêt de 2007, obligatoire pour ces deux Etats. En particu -
lier, la ligne de 2007 serait, semble-t-il, sans effet à l’est du point où les

5 Je m’arrête ici sur la ligne revendiquée par la Colombie, et noon par le Nicaragua,
parce que la première traverserait la zone dans laquelle le Honduras oprétend avoir un
intérêt, alors que la seconde se situe très nettement à l’est de cette zone — et non parce que
j’aurais tiré une quelconque conclusion quant au bien-fondé des revendications des deux
parties, que je n’ai pas cherché à évaluer.

72

5 CIJ1020.indb 141 14/06/13 11:47 489 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

to a de facto endpoint to the 2007 line. The Court’s decision in this case
between Nicaragua and Colombia would not bind Honduras (due to the

operation of Article 59 of the Statute), but the Court’s decision as to
Colombia’s rights would provide new and specific content to the meaoning
of the 2007 dispositif and would therefore, “affect the interest of a legal
nature” of Honduras. In the words of Judge Sir Robert Jennings cited
earlier, such a decision by this Court would surely serve as “persuasoive

precedent”.
50. It is entirely possible that the Court will not accept the line pro -
posed by Colombia. Uncertainty about the outcome, however, does not
counsel against intervention, but rather underscores the prudence of pero-
mitting non-party intervention in delimitation cases in which the claims

of a third State overlap the claims of the parties. It is precisely becaouse
the Court is not able to assess the merits of such overlapping claims that
intervention is warranted, given the practice of the Court of taking into
account third-State claims in delimitation cases.
51. Honduras has met its burden of establishing that it has an interest
of a legal nature that may be affected by the Court’s future judgmeont. It

has an object that is consistent with non-party intervention, that of enosur -
ing that the Court has Honduras’s views about its interest of a legal
nature, such that the Court, in crafting its judgment, may avoid an out -
come that “may affect” Honduras’s interest of a legal nature o(see Applic-a
tion for permission to Intervene by Honduras, p. 11, para. 33).

52. As previously noted, Honduras need not establish an independent
basis for jurisdiction in order to support its Application for non-party
intervention.
53. In concluding that Honduras should be permitted to intervene as a
non-party, I have taken into account the parties’ arguments on the law

and have considered the views of the parties, which were divided (at least
as to non-party intervention). Nicaragua opposed intervention and made
clear its concerns about the procedural consequences of intervention. I o
have an appreciation for those concerns, but they do not alter my concluo -
sion that the Applicant has met its burden under Article 62 and that its

Application to intervene should be granted.

B. The Court Was Correct in Deciding not to Grant
the Application to Intervene as a Party

54. While I would grant Honduras’s Application to intervene as a
non-party, I do not reach the same conclusion as to its proposed interven-
tion as a party. Article 62 of the Statute makes no distinction between the
two kinds of intervention, so, at first blush, it might appear odd to ofind a
basis for only one kind of intervention. In its request to intervene as oa
party, however, Honduras expressly seeks to join to these proceedings the

issue of the location of a “tripoint” among itself, Colombia and Nicara -
gua (see Judgment, paragraph 41 ; see also Application for permission to

73

5 CIJ1020.indb 142 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 489

deux lignes se rencontrent et, ainsi, se trouverait dotée d’un poiont termi -
nal de facto. La décision de la Cour en l’affaire opposant le Nicaragua et

la Colombie ne lierait pas le Honduras (par le jeu de l’article 59 du Sta -
tut), mais sa conclusion quant aux droits de la Colombie éclairerait d’un
jour nouveau, et préciserait, le sens du dispositif de l’arrêt ode 2007 et,
par conséquent, «mettr[ait] en cause l’intérêt d’ordre juridique » du Hon-
duras. Cette décision de la Cour aurait certainement, pour reprendre oles

termes, déjà cités, de sir Robert Jennings, l’« autorité du précédent ».
50. Il est fort possible que la Cour n’adopte pas la ligne proposée paor
la Colombie. Toutefois, l’incertitude quant à sa décision, loin de militer
contre l’intervention, met en évidence la prudence qu’il y a ào admettre à
intervenir en tant que non-partie un Etat tiers dont les revendications em-

piètent sur celles des parties dans une délimitation. C’est justement parce
que la Cour n’est pas en mesure d’examiner au fond ces revendications
que l’intervention est justifiée, puisque la Cour a pour pratiquoe de tenir
compte des revendications d’Etats tiers dans ce type d’affaires.o
51. Le Honduras s’est acquitté de la charge lui incombant d’étabolir
l’existence d’un intérêt d’ordre juridique susceptible d’oêtre affecté par l’a-

rêt que rendra la Cour. L’objet de la requête est conforme ào celui de l’in-
tervention en tant que non-partie, puisqu’il s’agit de s’assurer que la Cour
aura connaissance de ses vues quant à cet intérêt afin d’éoviter, lorsqu’elle
prendra sa décision, toute conclusion qui «pourrait affecter» celui-ci (voir
requête à fin d’intervention du Honduras, p. 11, par. 33).

52. Comme je l’ai déjà indiqué, le Honduras n’a pas besoin d’établir
une base indépendante de compétence à l’appui de sa demande od’inter -
vention en tant que non-partie.
53. En concluant que le Honduras devrait être autorisé à interveniro en
tant que non-partie, j’ai tenu compte des vues divergentes (du moins au

sujet de l’intervention en qualité de non-partie) des parties ainsi que de
leurs arguments juridiques. Le Nicaragua, en s’opposant à l’intoervention,
a fait part de ses préoccupations quant aux conséquences d’ordroe procé -
dural qu’aurait celle-ci. Si je ne suis pas insensible à ces préoccupations,
elles ne changent toutefois rien à ma conviction que l’Etat demandoant à

intervenir s’est acquitté de la charge qui lui incombe en vertu deo l’ar -
ticle 62 et que, partant, sa requête aurait dû être admise.

B. La Cour a eu raison de ne pas admettre le Honduras
à intervenir en tant que partie

54. Si j’avais souhaité que fût admise la demande d’interventiono du
Honduras en tant que non-partie, il n’en va pas de même en ce qui
concerne sa demande d’intervention en tant que partie. L’article 62 du
Statut ne faisant pas de distinction entre les deux formes d’intervenotion, il
peut, de prime abord, sembler étrange de ne juger fondée que l’oune d’entre
elles. Dans sa demande d’intervention en tant que partie, toutefois, ole

Honduras cherche expressément à joindre à la présente instance la ques -
tion de l’emplacement d’un « point triple » entre lui-même, la Colombie et

73

5 CIJ1020.indb 143 14/06/13 11:47 490 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

Intervene by Honduras (p. 7), paragraph 22). Moreover, it asks the Court
to locate that tripoint along the boundary line established by the 1986 o

Treaty between Colombia and Honduras. In other words, the object of
Honduras’s proposed intervention as a party is not to avoid an effeoct on
its interest of a legal nature, but rather to cause such an effect, byo binding
itself, as well as Costa Rica and Nicaragua, with respect to a legal detoermi-
nation not otherwise before the Court — the location of a tripoint

among those three States along the boundary line established in the 1986o
Colombia-Honduras Treaty. The intervention by Honduras as a party,
on the terms requested by Honduras in its Application, would therefore
add a new dispute — albeit one closely related to the dispute between
the parties — to the case. For this reason, I agree with the decision to
reject that form of intervention by Honduras in this case.

Conclusion

55. In the present case, I conclude that the Applicant has met its bur -

den of proof and has established that it meets the requirements of Arti -
cle 62. Honduras has claims that overlap the area that is in dispute in this o
case. Consistent with its established practice, the Court can be expected
to take account of those claims in its Judgment. Thus, Honduras has an
“interest of a legal nature” that “may be affected” by theo Court’s Judg -

ment. In addition to the overlapping claims, there is an additional and o
more specific reason that Honduras’s interest of a legal nature “omay be
affected” by the Judgment. If the Court adopts a line that is basedo on the
one proposed by Colombia, that line will have a significant impact on othe
concrete meaning of the Court’s earlier Judgment in Nicaragua v. Hondu ‑
ras, a Judgment to which Honduras is bound under Article 59.

56. Because the substantive criteria in Article 62 are sparsely worded,
they invite a range of interpretations. As discussed above, however, Arti -
cle 62 cannot be read to require an applicant to demonstrate that the
Judgment “may affect” it in the sense of Article 59. In its jurisprudence
on maritime boundaries, the Court repeatedly has recognized that its

judgments “may affect” third States with overlapping claims and ohas
crafted its judgments to stay clear of areas in which the judgment “moay
affect” the rights of third States. Taking into account these consioder -
ations, I have suggested here that situations of overlapping maritime
claims generally would appear to be circumstances in which the interest

of a legal nature of a third State “may be affected” by a judgmeont. While
one of the Court’s most recent relevant decisions (allowing the inteorven -
tion of Equatorial Guinea in the case concerning the Land and Maritime
Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria : Equato ‑
rial Guinea intervening)) is consistent with this approach, it must be said
that other intervention cases — and the Judgments of the Court today —

suggest instead that an applicant for non-party intervention in a situation
of overlapping claims or intersecting boundaries will fail unless the apopli -

74

5 CIJ1020.indb 144 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 490

le Nicaragua (voir le paragraphe 41 de l’arrêt, ainsi que le paragraphe 22
(p. 7) de la requête à fin d’intervention du Honduras). par ailleurs, le

Honduras prie la Cour de placer ce point triple sur la ligne frontièroe éta-
blie par le traité qu’il a conclu avec la Colombie en 1986. En d’autres
termes, l’objet de cette demande est non pas d’empêcher tout effoet sur son
intérêt d’ordre juridique, mais bien de produire un tel effet, en obtenant
d’être lié, de même que le Costa Rica et le Nicaragua, par une décision

juridique que la Cour n’aurait autrement pas à rendre : la détermination
de l’emplacement d’un point triple entre ces trois Etats le long doe la ligne
frontière établie dans le traité de 1986 entre la Colombie et le Honduras.
L’intervention en tant que partie, dans les termes requis par le Hondouras
dans sa requête, reviendrait donc à greffer sur l’affaire uon différend nou -
veau, encore qu’étroitement lié à celui opposant les parties. Aussi suis-je

d’accord avec la décision de rejeter cette forme d’interventiono en l’espèce.

Conclusion

55. Au cas d’espèce, je conclus que l’Etat demandant à intervenir a

satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait et a établi qoue sa deman-
de satisfaisait aux critères de l’article 62. Le Honduras a des prétentions
qui empiètent sur la zone en litige en l’espèce et dont, d’aoprès sa pratique
constante, la Cour tiendra assurément compte dans son arrêt. Ainsio, un
«intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause ». Outre le chevauchement

de revendications, son intérêt est aussi susceptible d’être affecté pour une
autre raison, plus spécifique :si la Cour devait adopter une ligne conforme
à celle proposée par la Colombie, sa décision aurait d’imporotantes im-
plications pour le sens concret de l’arrêt rendu dans l’affaiore Nicaragua
c. Honduras, qui lie le Honduras en vertu de l’article 59.

56. Les critères essentiels de l’article 62 étant formulés de façon très
concise, ils prêtent à diverses interprétations. Toutefois, comome je l’ai déjà
dit, on ne saurait y lire une obligation faite à l’Etat demandant oà interve -
nir de démontrer que l’arrêt de la Cour est susceptible de l’oaffecter au
sens prévu par l’article 59. Dans sa jurisprudence relative à la délimita -

tion maritime, la Cour a maintes fois reconnu que ses arrêts étaient
susceptibles d’affecter les Etats tiers en cas de chevauchement de préten -
tions et a pris soin de rédiger ses arrêts de manière à ne poas empiéter sur
les zones dans lesquelles ils « risqu[aient] de mettre en cause » les droits
d’Etats tiers. Aussi ai-je suggéré ici que, d’une manière générale, les situa -

tions de chevauchement de revendications maritimes semblaient être deo
celles où l’intérêt d’ordre juridique d’un Etat tiers « risqu[ait] d’[être mis]
en cause » par un arrêt. Si l’un des plus récents précédents de la oCour qui
nous intéressent en l’espèce (autorisant l’intervention de ola Guinée équa -
toriale dans l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Came ‑
roun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale intervenant))

tend à le suggérer, force est de constater que d’autres — et notamment les
arrêts rendus ce jour par la Cour — donnent au contraire à penser qu’un

74

5 CIJ1020.indb 145 14/06/13 11:47 491 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

cant can demonstrate that the judgment “may affect” it in some woay that
is additional to the prospect that the Court will take account of that claim

in its judgment. The additional element(s) that would be sufficient foor the
Court are unclear to me. Given that this Application, like that of Equa -
torial Guinea, arises in a situation of overlapping maritime claims, it ois
also tempting to conclude that an objection by a single party can defeato
intervention, although the Court has not so stated, nor would such an

approach fit within Article 62. As previously noted, the Court has the
discretion to decide whether a particular situation is one in which the o
third State’s interest of a legal nature “may be affected” byo its judgment,
but that discretion is bounded by Article 62.

57. The Court today has reaffirmed that, even when it rejects an appli -
cation for intervention, it may take account of the information submitteod
by the failed intervenor when it renders its judgment. I agree that the o

Court is not barred from considering that information, but find this too be
a very unsatisfactory outcome. If the Court takes account of the third
State’s submissions in delimiting the boundary, then it seems inescapoable
that the Court perceives that the third State’s interest of a legal noature
“may be affected” by its decision. A decision to reject an appliocation but

nonetheless to use the information submitted by the third State gives riose
to a de facto means of third-State participation that is not currently a
feature of the Statute or the Rules of Court. In the case concerning theo
delimitation of the continental shelf between Libya and Malta (Continen ‑
tal Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports
1985), for example, Italy’s request to intervene was rejected, but the

claims that it asserted in its request were expressly relied upon by theo
Court to limit the scope of its decision in order to protect Italy’s interests
(ibid., pp. 25-26, paras. 21-22).
58. The current situation is problematic. It provides a mechanism for
the submission of third-State views that is attractive to third States

(because it appears that the Court will consider their views whether oro not
the application is granted), but that mechanism inevitably causes signiofi -
cant delays in the proceedings, to the disadvantage of one or both partioes.
paradoxically, therefore, the Court’s skeptical attitude towards interoven -
tion appears to give insufficient weight to party interests and instead to

protect the interests of third States.

59. Having been trained in a legal system that permits amicus curiae
briefs through which non-parties provide views to a court without becom -
ing party to a case, I am not troubled by the prospect that the Court
would consider the views of non-party third States. Nonetheless, I believe

that it would be better to do so in a more transparent and efficient maon -
ner. By streamlining the procedures for considering applications for

75

5 CIJ1020.indb 146 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 491

Etat demandant à intervenir en tant que non-partie dans une situation de
chevauchement de revendications ou d’intersection de frontières neo sera

pas autorisé à le faire à moins d’avoir pu démontrer que ol’arrêt de la Cour
est susceptible de l’affecter d’une manière que ne suffiraito pas à pallier la
perspective de voir la Cour tenir compte de sa prétention dans son arorêt.
Je ne sais pas exactement de quels éléments supplémentaires la oCour sou -
haiterait disposer. La présente requête ayant, à l’instar deo celle de la

Guinée équatoriale, été introduite dans une situation de chevauchement
de revendications maritimes, l’on serait également tenté de conoclure que
l’objection d’une seule partie peut faire échec à l’intervention, même si la
Cour ne l’a pas dit et même si cette approche ne serait pas conforme à
l’esprit de l’article 62. Ainsi que déjà relevé, la Cour a le pouvoir discré -
tionnaire de décider si, dans un cas donné, l’intérêt d’oordre juridique d’un

Etat tiers « est … en cause », ce pouvoir étant néanmoins circonscrit par
les termes de l’article 62.
57. Aujourd’hui, la Cour a réaffirmé que, même quand elle rejetote une
requête à fin d’intervention, elle peut, dans le cadre de sono arrêt, tenir
compte de toutes les informations soumises par l’Etat qui en est l’oauteur.

Je conviens que rien n’empêche la Cour de les prendre en considéoration,
mais ne trouve guère satisfaisante la situation qui s’ensuit. Si loa Cour tient
compte des arguments de l’Etat tiers lorsqu’elle délimite une forontière,
c’est nécessairement — semble-t-il — parce qu’elle juge l’intérêt d’ordre
juridique de cet Etat « en cause ». Dès lors qu’elle décide de rejeter une

requête à fin d’intervention, mais d’utiliser néanmoinso les informations
soumises par son auteur, la Cour crée un mécanisme de participatioon de
facto des Etats tiers que ne prévoient actuellement ni le Statut ni le Rèo-
glement. Dans l’affaire de la délimitation du plateau continentaol entre la
Libye et Malte (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte),
arrêt, C.I.J. Recueil 1985), par exemple, l’Italie n’avait pas été autorisée à

intervenir, mais la Cour s’est expressément fondée sur les revendicaotions
qu’elle avait formulées dans sa requête pour limiter la portéoe de sa déci -
sion afin de protéger ses intérêts (ibid., p. 25-26, par. 21-22).
58. La présente situation est problématique. Les Etats tiers disposent,
pour présenter leurs vues, d’un mécanisme qui n’est pas sanso attrait pour

eux (puisque, apparemment, la Cour prendra en considération ces vueso
indépendamment du sort qu’elle réservera à leur requête)o, mais ce méca -
nisme retarde inévitablement et considérablement la procédure aou détri -
ment de l’une des parties tout au moins. Ainsi, de par le scepticisme même
dont elle fait montre à l’égard de l’intervention, la Cour soemble para-

doxalement accorder insuffisamment de poids aux intérêts des partoies et
protéger au contraire ceux d’Etats tiers.
59. Etant moi-même issue d’un système judiciaire qui permet de sou -
mettre des mémoires à titre d’amicus curiae pour informer le juge de ses
vues sans devenir partie à une affaire, je ne suis guère gênéoe par la pers -
pective de voir la Cour prendre en compte les vues d’Etats tiers inteorve -

nant en tant que non-parties. Je pense toutefois qu’il vaudrait mieux le
faire de manière plus transparente et plus efficace. En rationalisant les

75

5 CIJ1020.indb 147 14/06/13 11:47 492 territorial and mariotime dispute (diss. op. doonoghue)

non-party intervention and by limiting the procedural rights given to
non-party intervenors, for example, the Court could take account of a
third State’s “interest of a legal nature” in situations in whioch the third
State would not be bound by the judgment, reserving the more onerous

procedures for applications for intervention as a party (which, to date,
have been rare). Alternatively, it might be possible to develop anothero
mechanism for the submission of third-State views.

(Signed) Joan E. Donoghue.

76

5 CIJ1020.indb 148 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (op. diss. doonoghue) 492

procédures d’examen de requêtes présentées en vue d’intervenir en cette
qualité et, par exemple, en limitant les droits procéduraux accordoés aux
Etats admis à ce faire, la Cour pourrait tenir compte de l’« intérêt d’ordre
juridique» d’un Etat tiers sans que celui-ci ne soit lié par son arrêt, en

réservant les procédures les plus lourdes aux requêtes à fion d’intervention
en tant que partie (qui, à ce jour, sont restées très rares).o L’on pourrait
aussi songer à mettre au point un autre mécanisme permettant aux Eotats
tiers de présenter leurs vues.

(Signé) Joan E. Donoghue.

76

5 CIJ1020.indb 149 14/06/13 11:47

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de Mme. le juge Donoghue

Links