Déclaration commune de MM. les juges Cançado Trindade et Yusuf

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124-20110504-JUD-01-04-EN
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466

DÉCLARATION COMMUNE
DE MM. LES JUGES CANçADO TRINDADE ET YUSUF

[Traduction]

Importance de l’intervention dans le contentieux international et le ▯règlement
international des différends contemporains — Conditions requises par le Statut
de la Cour en matière d’intervention — Intérêt d’ordre juridique susceptible
d’être affecté par une décision de la Cour — Demandes à fin d’intervention :
absence de pertinence du consentement des Etats — Procédure incidente : la

Cour maîtresse de sa propre compétence — Elaboration de la jurisprudence de la
Cour.

I. point de départ : importance de l’inteorvention
dans le contentieux ionternational
et le règlement interonational des différenods

1. De même que dans son arrêt, également rendu ce jour, sur la reqouête
du Costa Rica à fin d’intervention en l’affaire du Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie), la Cour, dans celui qu’elle a consacré

à la demande d’intervention du Honduras dans la même affaire,o a jugé
que l’Etat demandant à intervenir n’avait pas établi l’existence d’un inté -
rêt d’ordre juridique. Quoiqu’elle découle de cette conclusioon, on ne peut
exclure que sa décision de ne pas autoriser l’intervention ait, daons une

certaine mesure, été influencée par sa tendance à éviter l’application de
l’article 62 de son Statut, tendance sur laquelle nous nous sommes pen -
chés dans l’opinion dissidente commune dont nous avons joint l’oexposé
au premier arrêt susmentionné.

2. Cela ne signifie pas que nous soyons en désaccord avec la conclusioon
à laquelle est parvenue la Cour sur la demande d’intervention du Hoondu-

ras. Nous tenons cependant à consigner notre position quant à la poropen -
sion persistante de la Cour — propension que révèle une jurisprudence à
ce jour peu concluante — à se prononcer, pour des raisons d’opportunité
judiciaire, contre la mise en œuvre concrète du mécanisme de l’ointerven -
tion, dont nous estimons qu’il a, de nos jours, un rôle important oà jouer

dans le contentieux international et le règlement international des doiffé -
rends. par souci de clarté, nous avons tenu à préciser notre position
concernant la requête du Honduras à fin d’intervention et la oraison pour
laquelle nous avons souscrit à la décision de la majorité de neo pas y faire

droit.

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5 CIJ1020.indb 97 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 467

II. Conditions requises eno matière d’interventoion

3. Il convient de rappeler ici que les conditions requises en matière
d’intervention dans une procédure devant la Cour sont énoncées à l’ar-
ticle 62 du Statut. Cet article se lit comme suit :

«1. Lorsqu’un Etat estime que, dans un différend, un intérêt do’ordre
juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Cour une requêote,

à fin d’intervention.
2. La Cour décide. »

4. Dans le cas d’espèce, l’Etat demandant à intervenir n’a pas démontré
qu’«un intérêt d’ordre juridique» était pour lui en cause. Or, ainsi que nous
l’avons précisé dans notre opinion dissidente commune jointe ào l’arrêt sur
la requête du Costa Rica à fin d’intervention, tout Etat souhaitant interve-

nir doit démontrer qu’il possède « un intérêt d’ordre juridique susceptible
d’être affecté par la décision en l’espèce». A cet égard, la question de savoir
si l’Etat tiers demande à intervenir dans la procédure principaole en qualité
de partie ou de non-partie semble, à ce stade, dépourvue de pertinence aux
fins de déterminer s’il satisfait aux critères régissant lo’intervention énoncés

à l’article 62 du Statut.
5. L’Etat tiers souhaitant intervenir doit de toute façon démontrer
qu’il a «un intérêt d’ordre juridique» susceptible d’être affecté par la déci-
sion de la Cour sur le fond de l’affaire. Or, c’est préciséoment sur ce point
qu’il est apparu que la requête du Honduras ne satisfaisait pas auox condi -

tions requises en matière d’intervention, ce qui a conduit la Couro à ne pas
l’admettre. La situation du Honduras est en effet très particulioère, puisque
l’arrêt que la Cour a rendu en 2007 en l’affaire du Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes est
revêtu de l’autorité de la chose jugée et, partant, a régolé la délimitation

maritime entre les deux pays dans cette zone.
6. En outre, le Honduras n’a mis en avant aucune autre formation
maritime devant être prise en compte aux fins de l’examen de sa odemande
d’intervention, et la Cour a écarté à juste titre ses argumeonts relatifs au
traité de délimitation maritime de 1986 conclu entre le Honduras et la

Colombie, lequel, étant sans incidence sur la délimitation entre loe Nicara-
gua et la Colombie, est dépourvu de pertinence aux fins de l’exaomen de la
demande d’intervention du Honduras dans la présente affaire. Le oHondu -
ras n’a donc pas démontré qu’il possédait un intérêot d’ordre juridique
susceptible d’être affecté par une décision de la Cour en ol’espèce ; c’est

pourquoi il n’a pas été fait droit à sa requête.

7. Nous observons par ailleurs que la Cour a accordé une certaine
attention à la distinction entre les « droits» et les «intérêts juridiques» des
Etats tiers qui demandent à intervenir. Selon nous, il s’agit lào d’un pro -

grès dans la clarification des fondements de l’institution de l’ointervention;
à cet égard, nous renvoyons à l’exposé de notre opinion doissidente com -

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5 CIJ1020.indb 99 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 468

1
mune jointe à l’autre arrêt rendu ce jour par la Cour. Ces préciosions
ayant été apportées, nous en venons à la question du consentoement des
parties à la procédure principale relativement à une requêteo à fin d’inter -
vention.

III. Absence de pertinenceo du consentement des Éotats
aux fins de l’examen poar la Cour des requêteso

à fin d’intervention

8. Nous sommes d’avis que le Honduras n’a pas satisfait aux critèroes
régissant l’admission d’une demande d’intervention énoncéos à l’article 62
du Statut et ce, indépendamment de la question du consentement des par -

ties à la procédure principale à une telle intervention. Sur ceo point, nous
tenons à souligner que, au regard des conditions auxquelles cette disoposi -
tion soumet les requêtes à fin d’intervention, il n’existeo aucune « exigence »
de consentement des parties à la procédure principale. Selon nous, pareil

consentement est dépourvu de pertinence aux fins de l’examen deso
requêtes à fin d’intervention et ne saurait être considéoré comme une
condition posée par l’article 62 du Statut.
9. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle a rendu le 13septembre 1990 en l’affaire du

Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Hondu ‑
ras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, la Chambre de
la Cour, ayant jugé que le Nicaragua avait « un intérêt d’ordre juridique»,
a autorisé celui-ci à intervenir ; elle a en outre apporté sur la question du
consentement un éclairage qui mérite d’être ici relevé. Loa Chambre a en

effet précisé que, en matière d’intervention, la compétoence de la Cour ne
découlait pas du consentement des parties à l’instance, à lao différence de sa
compétence pour connaître du différend qui lui a été sooumis; le consente -
ment requis est celui que les parties ont exprimé à l’origine, olorsqu’elles

sont devenues parties au Statut ou qu’elles ont de toute autre façon accepté
la compétence de la Cour, notamment par le biais d’une clause comporo -
missoire. Dès lors, point n’est besoin pour la Cour de s’assurer de nouveau
de ce consentement pendant le déroulement de l’instance.

10. En ce qui concerne les requêtes à fin d’intervention, le consoente -
ment des Etats a par ailleurs des effets limités. Ainsi, dans l’oaffaire, déjà
mentionnée, du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Sal ‑
vador/Honduras), la Chambre a précisé que la Cour était compétente
pour admettre une demande d’intervention même si l’une des parties à

l’instance, voire les deux, s’y opposait. Dans cette affaire, sio le Nicara -
gua avait, selon le Honduras, démontré qu’il avait un intérêto juridique,
il n’avait pas, selon El Salvador, justifié sa demande d’intervention

1 Voir, sur ce point particulier, l’exposé de notre opinion dissidente commune joint à
l’arrêt que la Cour a rendu ce jour en l’affaire du Différend territorial et marit‑me (Nica
ragua c. Colombie), requête du Costa Rica à fin d’intervention, arrêt, C.I.J recueil 2011 (II),
p. 405-407, par. 9-14).

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5 CIJ1020.indb 101 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 469

(par. 69-70). Rappelons que la Chambre a, malgré cela, autorisé l’intero -
vention du Nicaragua sur la base de l’article 62 du Statut. Selon nous, elle
a eu raison de le faire.
11. Le paragraphe 28 du présent arrêt sur la requête du Honduras à fin
d’intervention apporte un autre éclaircissement, à savoir que, osi l’exis -

tence d’une base de compétence commune entre les Etats concernés est
requise dans le cas d’une intervention en tant que partie, elle ne l’oest pas
dans le cas d’une intervention en tant que non-partie. Dans ce même
paragraphe, la Cour précise en effet que l’existence d’un lien juridiction -
nel entre l’Etat qui demande à intervenir et les parties à la procédure prin-

cipale «n’[est] pas une condition de l’intervention en tant que non-partie».
12. Nous souscrivons à cette conclusion et, à cet égard, rappelons oen
outre que, dans leurs opinions dissidentes respectives jointes à l’oarrêt que
la Cour a rendu le 21 mars 1984 sur la requête de l’Italie à fin d’interven -

tion en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte)
(C.I.J. Recueil 1984), les juges Sette-Câmara et Oda ont estimé que la
requête de l’Italie satisfaisait aux conditions de l’interventioon énoncées à
l’article 62 et mis en doute la nécessité d’un « lien juridictionnel» avec les
parties à la procédure principale. De même, le juge Ago a, dans son opi -

nion dissidente, précisé que la Cour n’avait pas besoin qu’uon titre de com -
pétence lui soit fourni, et s’est déclaré partisan d’accueillir la demande
italienne en ce qu’elle constituait « un exemple type d’« intervention» en
tant que procédure incidente».

13. En tout état de cause, dans son raisonnement sur le point susmen -
tionné — qui a trait à l’intervention dans les affaires qui lui sont sou -
mises —, la Cour écarte clairement la question du consentement des
Etats, ce en quoi nous la suivons pleinement. Selon nous, le consentemenot
des parties à la procédure principale ne constitue en effet nulloement une

condition pour qu’un Etat puisse intervenir en tant que non-partie. La
Cour est quoi qu’il en soit maîtresse de sa propre compétence eot n’a pas,
pour se prononcer sur une requête à fin d’intervention dans uone affaire
dont elle est saisie, à se soucier de l’existence d’un tel consoentement.
14. De fait, l’intervention d’un Etat tiers, telle que prévue par loe Statut,

transcende le consentement individuel des Etats. Ce qui importe, c’est le
consentement que ceux-ci ont exprimé à l’origine, lorsqu’ils sont devenus par -
ties au Statut de la Cour ou qu’ils ont de toute autre façon accepoté la com - pé
tence de celle-ci, notamment par le biais de clauses compromissoires. Ainsi

que la Chambre de la Cour l’a elle-même indiqué à juste titre dans l’arrêt
qu’elle a rendu en 1990 sur la requête du Nicaragua à fin d’intervention en
l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/
Honduras), la compétence de la Cour, dans le cas particulier de l’interventoion,
«ne découle pas du consentement des parties à l’instance, à loa différence de
2
sa compétence pour connaître de l’affaire qui lui a étéo soumi»se .

2 Affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras),
requête du Nicaragua à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 133, par. 96.

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5 CIJ1020.indb 103 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 470

15. La Cour n’a pas à rechercher automatiquement le consentement de
chaque Etat pendant le déroulement de la procédure, puisque aussi bien le
consentement des Etats parties à un différend est étranger à l’instiotution
de l’intervention créée par l’article 62 du Statut de la Cour. Nous espé -
rons que le point de vue que nous venons d’exposer, à savoir que loa Cour

n’a pas, lorsqu’elle examine une requête à fin d’intervention présentée sur
la base de l’article 62, à se pencher sur la question du consentement des
Etats, se révélera utile à la Cour lorsqu’elle aura à se oprononcer sur de
telles questions.

(Signé) Antônio Augusto Cançado Trindade.
(Signé) Abdulqawi Ahmed Yusuf.

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5 CIJ1020.indb 105 14/06/13 11:47

Bilingual Content

466

JOINT DECLARATION
OF JUDGES CANçADO TRINDADE AND YUSUF

International litigation and dispute‑settleme: relevance of intervention in
contemporary international litigation — Requisites for intervention under the
Court’s Statute — Interest of a legal nature which may be affected by a decision
of the Court — Requests for permission to intervene : irrelevance of State
consent — Incidental proceedings : Court as master of its own jurisdiction —

Court’s jurisprudential construction.

I. The Starting point : the Relevance
of Intervention in International
Litigation and Disputeo-Settlement

1. Not unlike the other Judgment of the Court also delivered today,
in the case concerning the Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v.
Colombia) (Application by Costa Rica for permission to Intervene), the

Court has not found, in the present Judgment in the case concerning
the Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia) (Applica-
tion by Honduras for permission to Intervene), that an interest of a legal
nature has been established by the Applicant. Even though this find-

ing has led the Court not to grant permission to intervene, the possibi-
lity cannot be excluded that the Court’s conclusion has been to some
extent influenced by its tendency to avoid the application of Article 62
of its Statute, as examined in our joint dissenting opinion in the
other case concerning the Territorial and Maritime Dispute between Nica-

ragua and Colombia (Application by Costa Rica for permission to Inter -
vene).
2. This does not mean that we dissent from the Court’s finding in the o
present case concerning the Application by Honduras for permission

to intervene. Yet, our concern is to put on record our position regarding
the continued propensity of the Court, disclosed in its inconclusive jurois-
prudence on the matter to date, to decide on policy grounds against
the concrete application of the institution of intervention, which we
consider to have an important role to play in contemporary internationalo

litigation and dispute-settlement. In order to clarify our position in tohe
present case, we deem it appropriate to explain our position with
regard to Honduras’s Application for permission to intervene, and
the reason why we joined the decision of the Court’s majority in not

grantingit.

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5 CIJ1020.indb 96 14/06/13 11:47 466

DÉCLARATION COMMUNE
DE MM. LES JUGES CANçADO TRINDADE ET YUSUF

[Traduction]

Importance de l’intervention dans le contentieux international et le ▯règlement
international des différends contemporains — Conditions requises par le Statut
de la Cour en matière d’intervention — Intérêt d’ordre juridique susceptible
d’être affecté par une décision de la Cour — Demandes à fin d’intervention :
absence de pertinence du consentement des Etats — Procédure incidente : la

Cour maîtresse de sa propre compétence — Elaboration de la jurisprudence de la
Cour.

I. point de départ : importance de l’inteorvention
dans le contentieux ionternational
et le règlement interonational des différenods

1. De même que dans son arrêt, également rendu ce jour, sur la reqouête
du Costa Rica à fin d’intervention en l’affaire du Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie), la Cour, dans celui qu’elle a consacré

à la demande d’intervention du Honduras dans la même affaire,o a jugé
que l’Etat demandant à intervenir n’avait pas établi l’existence d’un inté -
rêt d’ordre juridique. Quoiqu’elle découle de cette conclusioon, on ne peut
exclure que sa décision de ne pas autoriser l’intervention ait, daons une

certaine mesure, été influencée par sa tendance à éviter l’application de
l’article 62 de son Statut, tendance sur laquelle nous nous sommes pen -
chés dans l’opinion dissidente commune dont nous avons joint l’oexposé
au premier arrêt susmentionné.

2. Cela ne signifie pas que nous soyons en désaccord avec la conclusioon
à laquelle est parvenue la Cour sur la demande d’intervention du Hoondu-

ras. Nous tenons cependant à consigner notre position quant à la poropen -
sion persistante de la Cour — propension que révèle une jurisprudence à
ce jour peu concluante — à se prononcer, pour des raisons d’opportunité
judiciaire, contre la mise en œuvre concrète du mécanisme de l’ointerven -
tion, dont nous estimons qu’il a, de nos jours, un rôle important oà jouer

dans le contentieux international et le règlement international des doiffé -
rends. par souci de clarté, nous avons tenu à préciser notre position
concernant la requête du Honduras à fin d’intervention et la oraison pour
laquelle nous avons souscrit à la décision de la majorité de neo pas y faire

droit.

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5 CIJ1020.indb 97 14/06/13 11:47 467 territorial and mariotime dispute (joint deocl.)

II. The Requisites for Interovention

3. It should be here recalled that the requisites for intervention in the
proceedings before the Court are laid down in Article 62 of the Statute of
the ICJ. Article 62 provides that:

“1. Should a State consider that it has an interest of a legal nature
which may be affected by the decision in the case, it may submit a

request to the Court to be permitted to intervene.
2. It shall be for the Court to decide upon this request.”

4. In the cas d’espèce, the applicant State has not demonstrated that it
has an “interest of a legal nature” that may be affected by the odecision in
the case. As we noted in our joint dissenting opinion in the other case o
concerning Costa Rica’s Application for permission to intervene, a Stoate

seeking to intervene needs to demonstrate that it has an “interest ofo a
legal nature that may be affected by the decision in the case”. In this
regard, it seems irrelevant at this stage, for the purpose of assessing othe
criteria for intervention laid down in Article 62 of the Statute, whether
the applicant third-State wishes to intervene as a party or a non-party oin

the main proceedings.
5. In any event, the applicant third-State ought to demonstrate that it
has “an interest of a legal nature” which “may be affected”o by the deci -
sion of the Court on the merits of the case. This is precisely where Hono -
duras’s Application fell short of meeting the requisites for intervenotion,

not fulfilling these criteria, which led the Court to its decision noto to grant
the requested intervention. Honduras’s situation is very specific : the 2007
Judgment of the Court in the case of the Territorial and Maritime Dispute
between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea bears the status of
res judicata and has thus settled the maritime delimitation between Hon -

duras and Nicaragua in the Caribbean Sea.
6. Moreover, Honduras has not presented any further maritime fea -
tures to be considered in the assessment of its Application for permissioon
to intervene. Likewise, Honduras’s arguments in relation to the 1986 o
Treaty have been rightly dismissed by the Court. The 1986 Maritime

Delimitation Treaty between Honduras and Colombia has no incidence
on the delimitation between Nicaragua and Colombia and is thus not to
have any bearing in the assessment of Honduras’s Application for per -
mission to intervene in the present case. In our view, Honduras has thuso
not demonstrated an interest of a legal nature which may be affected boy a

decision of the Court in the present case. Accordingly, its Application ohas
not prospered.
7. We further note that the Court has devoted some attention to the
distinction between “rights” and “legal interests” of third oStates seeking
to intervene. This is, in our view, a positive development in the pursuiot of

more clarity concerning the foundational bases of the institution of intoer-
vention: we herein refer to the treatment of this point in our joint dissent-

51

5 CIJ1020.indb 98 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 467

II. Conditions requises eno matière d’interventoion

3. Il convient de rappeler ici que les conditions requises en matière
d’intervention dans une procédure devant la Cour sont énoncées à l’ar-
ticle 62 du Statut. Cet article se lit comme suit :

«1. Lorsqu’un Etat estime que, dans un différend, un intérêt do’ordre
juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Cour une requêote,

à fin d’intervention.
2. La Cour décide. »

4. Dans le cas d’espèce, l’Etat demandant à intervenir n’a pas démontré
qu’«un intérêt d’ordre juridique» était pour lui en cause. Or, ainsi que nous
l’avons précisé dans notre opinion dissidente commune jointe ào l’arrêt sur
la requête du Costa Rica à fin d’intervention, tout Etat souhaitant interve-

nir doit démontrer qu’il possède « un intérêt d’ordre juridique susceptible
d’être affecté par la décision en l’espèce». A cet égard, la question de savoir
si l’Etat tiers demande à intervenir dans la procédure principaole en qualité
de partie ou de non-partie semble, à ce stade, dépourvue de pertinence aux
fins de déterminer s’il satisfait aux critères régissant lo’intervention énoncés

à l’article 62 du Statut.
5. L’Etat tiers souhaitant intervenir doit de toute façon démontrer
qu’il a «un intérêt d’ordre juridique» susceptible d’être affecté par la déci-
sion de la Cour sur le fond de l’affaire. Or, c’est préciséoment sur ce point
qu’il est apparu que la requête du Honduras ne satisfaisait pas auox condi -

tions requises en matière d’intervention, ce qui a conduit la Couro à ne pas
l’admettre. La situation du Honduras est en effet très particulioère, puisque
l’arrêt que la Cour a rendu en 2007 en l’affaire du Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes est
revêtu de l’autorité de la chose jugée et, partant, a régolé la délimitation

maritime entre les deux pays dans cette zone.
6. En outre, le Honduras n’a mis en avant aucune autre formation
maritime devant être prise en compte aux fins de l’examen de sa odemande
d’intervention, et la Cour a écarté à juste titre ses argumeonts relatifs au
traité de délimitation maritime de 1986 conclu entre le Honduras et la

Colombie, lequel, étant sans incidence sur la délimitation entre loe Nicara-
gua et la Colombie, est dépourvu de pertinence aux fins de l’exaomen de la
demande d’intervention du Honduras dans la présente affaire. Le oHondu -
ras n’a donc pas démontré qu’il possédait un intérêot d’ordre juridique
susceptible d’être affecté par une décision de la Cour en ol’espèce ; c’est

pourquoi il n’a pas été fait droit à sa requête.

7. Nous observons par ailleurs que la Cour a accordé une certaine
attention à la distinction entre les « droits» et les «intérêts juridiques» des
Etats tiers qui demandent à intervenir. Selon nous, il s’agit lào d’un pro -

grès dans la clarification des fondements de l’institution de l’ointervention;
à cet égard, nous renvoyons à l’exposé de notre opinion doissidente com -

51

5 CIJ1020.indb 99 14/06/13 11:47 468 territorial and mariotime dispute (joint deocl.)

1
ing opinion in the other case resolved by the Court today. Having
pointed this out, we turn to the question of the consent of the parties oto
the main case in relation to an application for permission to intervene.o

III. The Irrelevance of Statoe Consent
for the Consideration byo the Court of Requests

for permission to Interveneo

8. We are of the view that Honduras has not fulfilled the criteria for
intervention under Article 62 of the Statute, irrespective of whether the
parties to the main case have or have not consented to the application ato

issue for permission to intervene. In the present joint declaration, we wish
to stress the non-existence of a “requirement” of consent by the parties in
the main case, in relation to the requisites for applications for permisosion
to intervene set forth in Article 62 of the ICJ Statute. In our view, such

consent by the main parties to the proceedings is irrelevant to the assess -
ment of an application for permission to intervene, and cannot be per -
ceived as a requirement under Article 62 of the Statute of the Court.
9. In effect, in the case concerning the Land, Island and Maritime

Frontier Dispute(El Salvador/Honduras), Application for Permission to
Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1990, the Court’s Chamber, having
found that Nicaragua had “an interest of a legal nature”, permitteod Nica -
ragua to intervene; it further made a precision as to consent which should
not pass unnoticed here. The Court’s Chamber clarified therein thato the

competence of the Court is not, like its competence to hear and determinoe
the dispute referred to it, derived from the consent of the parties to tohe
case. The consent required is the consent originally given by them in
becoming parties to the Court’s Statute, or in recognizing its jurisdoiction

through other instrumentalities, such as compromissory clauses. The
Court does not need to seek for State consent in a recurring way, in theo
course of the proceedings of a case.

10. State consent also has its limits, in respect of applications for per -
mission to intervene. The Court’s Chamber thus upheld the view that tohe
Court was endowed with competence to permit an intervention even
though it may be opposed by one or even both of the parties to the case.o
In the aforementioned case concerning the Land, Island and Maritime

Frontier Dispute (El Salvador/Honduras), Honduras considered that
Nicaragua had demonstrated a legal interest, but El Salvador had denied
that Nicaragua had a case for intervention (paras. 69-70). Yet, the Court’s

1 Cf., on this particular point, our joint dissenting opinion in the case concerning the
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Application by Costa Rica for
Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (II), pp. 405-407, paras. 9-14).

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5 CIJ1020.indb 100 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 468

1
mune jointe à l’autre arrêt rendu ce jour par la Cour. Ces préciosions
ayant été apportées, nous en venons à la question du consentoement des
parties à la procédure principale relativement à une requêteo à fin d’inter -
vention.

III. Absence de pertinenceo du consentement des Éotats
aux fins de l’examen poar la Cour des requêteso

à fin d’intervention

8. Nous sommes d’avis que le Honduras n’a pas satisfait aux critèroes
régissant l’admission d’une demande d’intervention énoncéos à l’article 62
du Statut et ce, indépendamment de la question du consentement des par -

ties à la procédure principale à une telle intervention. Sur ceo point, nous
tenons à souligner que, au regard des conditions auxquelles cette disoposi -
tion soumet les requêtes à fin d’intervention, il n’existeo aucune « exigence »
de consentement des parties à la procédure principale. Selon nous, pareil

consentement est dépourvu de pertinence aux fins de l’examen deso
requêtes à fin d’intervention et ne saurait être considéoré comme une
condition posée par l’article 62 du Statut.
9. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle a rendu le 13septembre 1990 en l’affaire du

Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Hondu ‑
ras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, la Chambre de
la Cour, ayant jugé que le Nicaragua avait « un intérêt d’ordre juridique»,
a autorisé celui-ci à intervenir ; elle a en outre apporté sur la question du
consentement un éclairage qui mérite d’être ici relevé. Loa Chambre a en

effet précisé que, en matière d’intervention, la compétoence de la Cour ne
découlait pas du consentement des parties à l’instance, à lao différence de sa
compétence pour connaître du différend qui lui a été sooumis; le consente -
ment requis est celui que les parties ont exprimé à l’origine, olorsqu’elles

sont devenues parties au Statut ou qu’elles ont de toute autre façon accepté
la compétence de la Cour, notamment par le biais d’une clause comporo -
missoire. Dès lors, point n’est besoin pour la Cour de s’assurer de nouveau
de ce consentement pendant le déroulement de l’instance.

10. En ce qui concerne les requêtes à fin d’intervention, le consoente -
ment des Etats a par ailleurs des effets limités. Ainsi, dans l’oaffaire, déjà
mentionnée, du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Sal ‑
vador/Honduras), la Chambre a précisé que la Cour était compétente
pour admettre une demande d’intervention même si l’une des parties à

l’instance, voire les deux, s’y opposait. Dans cette affaire, sio le Nicara -
gua avait, selon le Honduras, démontré qu’il avait un intérêto juridique,
il n’avait pas, selon El Salvador, justifié sa demande d’intervention

1 Voir, sur ce point particulier, l’exposé de notre opinion dissidente commune joint à
l’arrêt que la Cour a rendu ce jour en l’affaire du Différend territorial et marit‑me (Nica
ragua c. Colombie), requête du Costa Rica à fin d’intervention, arrêt, C.I.J recueil 2011 (II),
p. 405-407, par. 9-14).

52

5 CIJ1020.indb 101 14/06/13 11:47 469 territorial and mariotime dispute (joint deocl.)

Chamber, as already indicated, permitted Nicaragua to intervene on the
basis of Article 62 of the Statute. It did so, correctly, in our view.

11. paragraph 28 of the present Judgment in the case concerning the Te ‑r
ritorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Colombia (Application

by Honduras for permission to Intervene) brings clarification to the existence
of a common basis of jurisdiction as between the States concerned only foor
intervention as a party, but this does not apply to non-party intervention. In
the same paragraph 28 of the present Judgment, the Court has found that a
jurisdictional link between the State seeking to intervene and the partioes to

the main case “is not a condition for intervention as a non-party”o.
12. We agree with this conclusion of the Court, and, in this respect, we
further recall that, in their respective dissenting opinions in the caseo con -
cerning the Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Applica‑

tion by Italy for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1984,
Judges Sette-Câmara and Oda found that the Italian Application fulfilled
the conditions for intervention under Article 62, and questioned the need
of a “jurisdictional link” with the parties in the main legal proceedings.
Likewise, in his dissenting opinion, Judge Ago discarded the need for the

Court to be provided with a title of jurisdiction, and found in favour of
the Italian Application as a “typical” example of intervention as oan inci -
dental proceeding.

13. In any case, the reasoning of the Court on the aforementioned
point — pertaining to intervention in international legal proceedings —
sets clearly aside the issue of State consent, a position which we fullyo
share. Our understanding is in the sense that the consent of the partieso to
the main case is not, in any way, a condition for intervention as a non-o

party. The Court is, anyway, the master of its own jurisdiction, and does
not need to concern itself with the search for State consent in decidingo on
an application for permission to intervene in international legal proceeod -
ings.
14. In effect, third party intervention under the Statute of the Court

transcends individual State consent. What matters is the consent origi -
nally expressed by States in becoming parties to the Court’s Statute, or in
recognizing the Court’s jurisdiction by other instrumentalities, sucho as
compromissory clauses. The Court’s Chamber itself rightly pointed outo,

in the Judgment of 1990 in the case concerning the Land, Island and Mari‑
time Frontier Dispute (El Salvador/Honduras), Application by Nicaragua
for Permission to Intervene, that the competence of the Court, in the par -
ticular matter of intervention, “is not, like its competence to hear oand
determine the dispute referred to it, derived from the consent of the paor -
2
ties to the case” .

2 Case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/
Honduras), Application by Nicaragua for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports

1990, p. 133, para. 96).

53

5 CIJ1020.indb 102 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 469

(par. 69-70). Rappelons que la Chambre a, malgré cela, autorisé l’intero -
vention du Nicaragua sur la base de l’article 62 du Statut. Selon nous, elle
a eu raison de le faire.
11. Le paragraphe 28 du présent arrêt sur la requête du Honduras à fin
d’intervention apporte un autre éclaircissement, à savoir que, osi l’exis -

tence d’une base de compétence commune entre les Etats concernés est
requise dans le cas d’une intervention en tant que partie, elle ne l’oest pas
dans le cas d’une intervention en tant que non-partie. Dans ce même
paragraphe, la Cour précise en effet que l’existence d’un lien juridiction -
nel entre l’Etat qui demande à intervenir et les parties à la procédure prin-

cipale «n’[est] pas une condition de l’intervention en tant que non-partie».
12. Nous souscrivons à cette conclusion et, à cet égard, rappelons oen
outre que, dans leurs opinions dissidentes respectives jointes à l’oarrêt que
la Cour a rendu le 21 mars 1984 sur la requête de l’Italie à fin d’interven -

tion en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte)
(C.I.J. Recueil 1984), les juges Sette-Câmara et Oda ont estimé que la
requête de l’Italie satisfaisait aux conditions de l’interventioon énoncées à
l’article 62 et mis en doute la nécessité d’un « lien juridictionnel» avec les
parties à la procédure principale. De même, le juge Ago a, dans son opi -

nion dissidente, précisé que la Cour n’avait pas besoin qu’uon titre de com -
pétence lui soit fourni, et s’est déclaré partisan d’accueillir la demande
italienne en ce qu’elle constituait « un exemple type d’« intervention» en
tant que procédure incidente».

13. En tout état de cause, dans son raisonnement sur le point susmen -
tionné — qui a trait à l’intervention dans les affaires qui lui sont sou -
mises —, la Cour écarte clairement la question du consentement des
Etats, ce en quoi nous la suivons pleinement. Selon nous, le consentemenot
des parties à la procédure principale ne constitue en effet nulloement une

condition pour qu’un Etat puisse intervenir en tant que non-partie. La
Cour est quoi qu’il en soit maîtresse de sa propre compétence eot n’a pas,
pour se prononcer sur une requête à fin d’intervention dans uone affaire
dont elle est saisie, à se soucier de l’existence d’un tel consoentement.
14. De fait, l’intervention d’un Etat tiers, telle que prévue par loe Statut,

transcende le consentement individuel des Etats. Ce qui importe, c’est le
consentement que ceux-ci ont exprimé à l’origine, lorsqu’ils sont devenus par -
ties au Statut de la Cour ou qu’ils ont de toute autre façon accepoté la com - pé
tence de celle-ci, notamment par le biais de clauses compromissoires. Ainsi

que la Chambre de la Cour l’a elle-même indiqué à juste titre dans l’arrêt
qu’elle a rendu en 1990 sur la requête du Nicaragua à fin d’intervention en
l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/
Honduras), la compétence de la Cour, dans le cas particulier de l’interventoion,
«ne découle pas du consentement des parties à l’instance, à loa différence de
2
sa compétence pour connaître de l’affaire qui lui a étéo soumi»se .

2 Affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras),
requête du Nicaragua à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 133, par. 96.

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5 CIJ1020.indb 103 14/06/13 11:47 470 territorial and mariotime dispute (joint deocl.)

15. There is no need for the Court to keep on searching instinctively
for individual State consent in the course of the international legal pro -
ceedings. After all, the consent of contending States is alien to the inostitu-
tion of intervention under Article 62 of the ICJ Statute. We trust that the
point we make here, in the present joint declaration, regarding the irreole -

vance of State consent in the consideration by the Court of applicationso
for permission to intervene, under Article 62 of the Court’s Statute, may
be helpful to elucidate the positions that the Court may take on the mato -
ter in its jurisprudential construction.

(Signed) Antônio Augusto Cançado Trindade.
( Signed) Abdulqawi Ahmed Yusuf.

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5 CIJ1020.indb 104 14/06/13 11:47 différend territorialo et maritime (décl. comom.) 470

15. La Cour n’a pas à rechercher automatiquement le consentement de
chaque Etat pendant le déroulement de la procédure, puisque aussi bien le
consentement des Etats parties à un différend est étranger à l’instiotution
de l’intervention créée par l’article 62 du Statut de la Cour. Nous espé -
rons que le point de vue que nous venons d’exposer, à savoir que loa Cour

n’a pas, lorsqu’elle examine une requête à fin d’intervention présentée sur
la base de l’article 62, à se pencher sur la question du consentement des
Etats, se révélera utile à la Cour lorsqu’elle aura à se oprononcer sur de
telles questions.

(Signé) Antônio Augusto Cançado Trindade.
(Signé) Abdulqawi Ahmed Yusuf.

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5 CIJ1020.indb 105 14/06/13 11:47

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Déclaration commune de MM. les juges Cançado Trindade et Yusuf

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