Opinion individuelle de M. Ruda (traduction)

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070-19841126-JUD-01-02-EN
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070-19841126-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. RUDA

[Traduction]

1. J'aivotéenfaveur desparagraphes 1,alinéasa)etc), et 2du dispositif
del'arrêt,mais, ayant votécontre l'alinéab)du paragraphe 1et n'étant pas

d'accord avecleraisonnement de la Cour surcertainspoints importants,je
m'estime tenu de joindre à l'arrêt la présente opinionindividuelle. Elle
portera sur trois sujets: le traitéd'amitiéde 1956 en tant que base de
compétencede la Cour ; la clause c) de la déclaration des Etats-Unis de
1946 ; la conduite des Etats en tant que base de compétence de la
Cour.

2. La Cour conclut que le traité d'amitié, e commerce et de navigation

signé en1956par les Etats-Unis et le Nicaragua lui donne compétence
pour connaître des chefs de demandes énoncésdans la requêtenjcara-
guayenne, dans la mesure où ils correspondent à un différendsur l'inter-
prétationet l'application de plusieurs articles de ce traité.L'articleXXIV
du traitéde 1956contient les dispositions suivantes :

(<1. Chacune des deux parties examinera avec bienveillance les
représentationsque l'autre partiepourra faireau sujet de toute ques-
tion concernant l'application du présenttraitéet prendra des mesures
adéquatespour permettre des consultations à ce propos.
2. Tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties quant à
l'interprétationou àl'application du présent traitéet qui ne pourrait
pas êtrerégléd'une manièresatisfaisantepar lavoiediplomatique sera
porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les
parties ne conviennent de le réglerpar d'autres moyens pacifiques. )>

3. Il est vrai que, comme la Cour le dit au paragraphe 81 de l'arrêt,

<<en acceptant une telle clause, les parties entendent clairement se
réserver ledroit de s'adresser unilatéralement à la Cour si elles ne
conviennent pas de recourir à un autre moyen pacifique de règle-
ment )>.

Mais, à partir de là, je ne puis m'associer au raisonnement de la Cour.

4. La clause compromissoire du traitéde 1956est commune à de nom-
breuses conventions d'établissement. L'économieen est simple. Ilfaut que
deux conditions soient remplies pour qu'une affaire puisse êtreportée
devant la Cour : premièrement, qu'il y ait un différendentre les partiesquant àl'interprétation ou àl'application du traité, et,deuxièmement,que
ce différendn'ait pas été <(réglépar la voie diplomatique )).

5. Indiscutablement, il y a entre le Nicaragua et les Etats-Unis un
différendquant aux faits évoquésdans la requête nicaraguayenne.Mais,
mêmesice différendpeut entrer dans le champ d'application du traité,ce
qui est fort douteux, cela ne signifie pas que le Nicaragua puisse, après
l'introduction de l'instance, le soumettre à la décision de la Cour en
demandant à celle-ci d'y voirun différend sur l'interprétation etl'appli-
cationdutraité.LeNicaragua doit suivrelaprocédureprévuedans letraité,
laquelle est simple et claire, avant de s'adresserà la Cour.
6. Il ne suffit pas d'invoquer le traité devant la Cour en alléguant
certaines violations de sesdispositions, unefoisl'instance introduite, et au

moment de présenter unmémoiresur les questions de compétenceet de
recevabilité :il faut aussi que ces allégationsaient fait l'objet de négocia-
tions avant l'ouverturedel'instance.Commentpourrait-il yavoirdifférend
sur l'interprétation et l'application du traité,si aucune démarchen'a été
faite auprès de l'autre partie?
7. S'il est essentiel, pour invoquer le traité de 1956 comme base de
compétence,qu'il y ait eu des négociations diplomatiques préalables à la
saisinedelaCour, c'est,premièrement,parce quec'estcequedit clairement
l'article XXIV lui-même,et, deuxièmement,parce qu'il est impossiblede
s'assurer de l'existence et de l'étendued'un différend sansque l'une des

partiesprésenteunedemandecontre l'autre, enprécisantlesfaits ainsique
lesdispositions du traitéqu'elleaffirmeavoirété enfreintes. L'idée mêmdee
différend veut,par définition etpar conséquentcomme condition indis-
pensable, qu'il y ait négociationsentre les Etats intéressésavant l'intro-
duction d'une instance devant la Cour, car ce sont les négociations, oule
règlementdu différendpar lavoiediplomatique, qui déterminentlespoints
de fait et de droit sur lesquels les parties sont en désaccord. De plus, et
indépendammentde ce raisonnement, le traité lui-même,dans la présente
espèce, stipule que des efforts soient faits au préalable pour régler le
différendpar la voie diplomatique.

8. L'Etat demandeur n'a avancéaucun élémend tepreuve permettant de
penser qu'ilait procédé à de quelconquesreprésentations, réclamationsou
démarchesauprèsdudéfendeuravantdeprésentersonmémoire,oùletraité
de 1956est invoqué.Il n'a été apportéaucune preuve de l'existence,avant
l'ouverturede l'instance,d'un différendsur l'interprétation etl'application
du traité.
9. Pour les raisons qui précèdent,je ne puis conclure, comme mes
collègues,quela Cour estcompétente <(surla seulebase )du traitéde1956
(par. 111). Il est dit au paragraphe 83 de l'arrêt:

<<De l'avisde la Cour,parce qu'un Etat ne s'estpas expressément
référé d,ans des négociations avecun autreEtat, à un traité particulier
qui aurait étéviolépar la conduite de celui-ci, il n'en découle pas
nécessairementque lepremier ne serait pas admis à invoquerla clause
compromissoire dudit traité. )) 10. Ma conclusion est inverse :je pense qu'un Etat ne peut êtreadmis à

invoquer en justice la clause compromissoire d'un traité, si la procédure
prévuedans cette clause n'apas été suivie.Cette procédure,loin d'êtreune
simple formalité, a une raison d'êtredu point de vuejuridique :c'est en
effet pendant les négociationsque le différendse cristallise et peut être
délimité.En outre, toute procédure inscritedans un instrument juridique
doit êtrerespectée, à moins que l'impossibilitéde la suivre dans le cas
concret ne risque de faire échec aubut mêmedudit instrument, comme
dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire desEtats-Unis à
Téhéran (C.I.J. Recueil 1980,p. 3).Dans cette affaire, on s'ensouviendra,
la Cour avait retenu un article similaire du traitéd'amitié,de commerceet
de droits consulaires conclu en 1955entre les Etats-Unis et l'Iran comme

base de compétence pour le chef de demande visant deux particuliers
détenus à l'ambassade des Etats-Unis. Mais l'arrêt contientles précisions
suivantes :
<Il a déjàétésoulignéque, lorsque les Etats-Unis ont déposé leur
requête du29 novembre 1979,leurs tentatives de négociationsavec
l'Iran au sujet de l'invasion de leur ambassade et de la détention de

leurs ressortissants en otages avaient abouti àune impasse, le Gou-
vernement de l'Iran ayant refusétoute discussion. Il existait donc à
cette date non seulement un différend mais,sans aucun doute, <(un
différend ..qui ne [pouvait]pas êtreréglé d'une manièresatisfaisante
par la voie diplomatique )>au sens de l'article XXI,paragraphe 2, du
traitéde 1955 ; et ce différendportait notamment sur les matières
faisant l'objetdesdemandes présentées par lesEtats-Unis en vertu de
ce traité.))(C.I.J. Recueil 1980, p. 27, par. 51.)

11. LaCour a donc retenu le paragraphe 2comme base de compétence,
parce qu'il y avait impossibilitéde négocierdans le cadre du traité.
12. Les circonstances de la présenteespècesont exactement inverses :
chacun des deux pays a une ambassade dans la capitale de l'autre ; le
secrétaire d'Etat des Etats-Unjs s'estrendu à Managua ;et des négocia-
tions se poursuivent entre lesParties. Dans ces conditions, il est possible
d'appliquer les dispositions de l'article XXIV,paragraphe 2, du traité de

1956. 11n'y a donc pas d'obstacle matériel à l'application de la clause
compromissoire de cetraité,etrien ne sembles'opposer à des négociations
dans le cadre de cet instrument, quoiqu'il n'y en ait pas eu à cette
date.

13. La déclaration du 14 août 1946 par laquelle les Etats-Unis ont
accepté lajuridiction obligatoire de la Cour conformément à l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, exclut de cettejuridiction, entre autres :
c) [les] différends résultant d'untraité multilatéral, à moins que
1)toutes les parties au traité que la décisionconcerne ne soient égalementparties à l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les

Etats-Unis d'Amériqueacceptent expressément la compétence
de la Cour o.
14. Le sens de cette clause a donnélieu à de vivescontroverses doctri-

nales au coursdesannéesquarante, maisc'estlapremièrefoisquelaclause
elle-mêmeest invoquép ear les Etats-Unis pour déclinerla compétencede
la Cour.
15. L'interprétationdu texte de laclause n'estpas chose facile. Pour ma
part, je me range du côté de ceux qui considèrent que les mots que
la décisionconcerne serapportent à <parties ))et non pas à <traité )>et
que par conséquentil n'est pas nécessaire,dans un différend auquel les
Etats-Unis sont partie, que tous les Etats parties au traité multilatéral

en cause soient présents devant la Cour pour que celle-ci se proclame
compétente.
16. Leproblèmeposépar l'interprétationde cette clause c) est donc de
savoir quelles sont les (<parties ..que la décisionconcerne H.
17. L'originede cette clause est connue, et rechercher l'intention de ses
auteurs est d'une utilité limitée. C'estourtant la seule sourced'interpré-
tation dont on dispose. Personnellement, l'étudedes travaux préparatoires
m'amène à conclure que le but recherchéétait de veiller à ce que les

Etats-Unis ne soient pas forcés, du fait de leur adhésion à la clause
facultative, departiciper contre leurvolonté àune affaire soumise àlaCour
sans que tous les Etats parties au différend soient eux aussi présents à
l'instance ;et que les Etats-Unis veulent par là éviterque,enraison de leur
acceptation de la clause facultative, les décisionsde la Courpuissent avoir
pour effet de les lier à l'égarddes autres Etats ayant donné la même
acceptation,alors queles Etats qui n'ont pas souscrit à la clausefacultative
ne seraient pas liéspar les mêmes décisions.

18. Cetteinterprétation découledu passage ci-aprèsde l'aide-mémoire
soumisparJohn Foster Dulles àunesous-commissiondela commission des
affaires étrangèresdu Sénatdes Etats-Unis :
<Etant donné que le Statut de la Cour se sert du singulier, tout

autre Etat O, il faudrait peut-êtrepréciser qu'il n'existeaucune obli-
gation juridique d'aller devant la Cour quand l'une seulement de
plusieurs parties au différendest tenue de la même manière,tandis
que les autres ne se sont pas obligées à devenir parties et, par consé-
quent, ne sont pas liéespar la disposition de la Charte (art. 94) qui
oblige les Etats Membres à seconformer àla décisionde la Cour dans
leslitigesauxquels ilssont parties.))(Heuringsheforea Suhcommittee
of the Committee on Foreign Relurions on S. Res. 196, 79th Cong.,

2nd sess., p. 44.)
19. Ellerésulte aussidupassage suivantdu rapport de lacommission des
affaires étrangères :

((Si les Etats-Unis préfèrent ne pas accepter la juridiction de la
Cour, sauf par convention spéciale,sur les différendsentre plusieurs Etats dont certainsn'auraient pasacceptécette obligation, l'article36,

paragraphe 3, les autorise à faire leur déclaration sous condition de
réciprocitéde la part de plusieurs ou de certains Etats.
Un autre paragraphe de la première clause ..pourrait éventuel-
lement répondre à l'objection de M. Dulles ..)) (S. Rept. 1835,
79th Cong., 2ndsess., p. 6-7.)

20. Elleprocède enfinde l'échangede propos qui eut lieu au Sénatentre
M. Vandenberg (Michigan) et M. Thomas (Utah) :
(<M. Vandenberg :M. Dulles ..se demande si le texte de la réso-
lution ne risquerait pas de nous obliger à accepter lajuridiction de la

Cour dans un différendmultilatéraldans lequelun ouplusieursautres
pays n'auraient pas acceptélajuridiction. Il sembleque lesénateurde
l'Utah soit de l'avisque, si nous nous trouvions dans une situationde
ce type, nous ne serions pas obligésde nous soumettre à lajuridiction
obligatoire dans une affairemultilatéralesitous lesautrespaysparties
à cette situation multilatérale n'avaient pas eux-mêmesaccepté la
juridiction obligatoire. Est-ce bien cela ?

M. Thomas: C'est exactement ce que je pense. J'estime que la
réciprocitéest complète.Toutes les parties à l'affaire doivent se trou-
ver exactement sur le même pied, à moins que nous ne renoncions
éventuellement à exigerun tel droit. >(CongressionalRecord,lei août
1946,p. 10618.)

21. Vu ces précisionset le contexte de la clause c), les termes <(que la
décisionconcerne )semblent bien signifier,commeje l'aidéjàdit, que les
Etats-Unis acceptent lajuridiction de la Cour en cas de différendrésultant
d'un traité multilatéral, à condition que tous les autres Etats, qui sont
parties autraitéet que ledifférendintéresse,aient euxaussiprécédemment
acceptécettejuridiction. En d'autres termes, les Etats-Unis veulent éviter
desetrouver obligésd'appliquer un traité multilatérald'une certainefaçon
en raison d'une décisionde la Cour, alors que les autres Etats parties au
mêmetraité resteraient juridiquement libres de l'appliquer d'une autre
façon par l'effet de l'article 59 du Statut.

22. La clause en question ne peut donc êtreinvoquéeque si les Etats-
Unis sont I'Etatdéfendeur :s'ilsétaient demandeurs, ilsne présenteraient
certainement pas leur requête avant d'être sûrq sue tous les autres Etats
parties au différend puissent êtreliéspar la décisionde la Cour. Par
ailleurs,je ne vois pas dans cette clause un texte défendantégalementles
intérêts des Etatstiers :il ressort des débatsdu Sénatque le but recherché
étaitde protégerles intérêts des Etats-Unis,c'est-à-dire de faire en sorte
que les Etats tiers soient eux aussi liéspar l'éventuelle décisionde la Cour.
II ne paraîtrait d'ailleurs pas logique qu'un Etat faisant une déclaration
d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour, mais en excluant de
cettejuridiction certaines questions affectant ses intérêtsa ,gisse pour le

comptedes Etats tiers.Ceux-cipeuvent fairecomme lesEtats-Unis, et sont
seulsjuges souverains de leurs intérêts ; de plus, il leur est loisible, s'ils pensent queleursintérêts sont encause,dedemander à intervenir envertu

des articles 62 ou 63 du Statut.

23. Dans la présenteespèce,il existeun différendentrant dans lecadre

de plusieurs traités multilatéraux,et les Etats-Unis sont placés dans la
position de l'Etat défendeur à l'égarddesdemandes soumises à laCourpar
leNicaragua. Mais les Etats-Unis affirment qu'il s'agitd'une situation où
la décisionde la Cour affectera d'autres Etats - El Salvador,le Honduras

et le Costa Rica -, et que par conséquentla clause c) s'applique.
24. Telle n'est pas cependant ma façon de concevoir le présentlitige.
Certes, il y a parmi les pays d'Amérique centraleun conflit complexe et
généralisé m, ais ce n'est pas ce conflit dans son ensemble, sous tous ses

aspectséconomiques,sociaux, politiques et militaires,qui est soumis à la
Cour :cesont seulement lesdemandes dirigéespar leNicaragua contre les
Etats-Unis. Le Nicaragua n'a formulé aucune demande contre le Hondu-
ras, El Salvador ou le Costa Rica.

25. Selon moi, il y a deux différends :l'un, entre le Nicaragua et les
Etats-Unis, etl'autre, résultant desgriefsformuléscontreleNicaraguapar
ElSalvador,leHonduras etleCostaRica l.Maisla décisiondela Cour sur

-
Au sujet desgriefs d'El Salvador contrele Nicaragua, je renverrai par exempleaux
déclarations faites le22 décembre1983par le président Magana aujournal ABC, de
Madrid, où, en réponsea une question sur la façon dont les guérillerosétaient appro-
visionnéset sur l'ori-ine de leurs a--rovisionnements, il s'est exprimé ainsi :
<<Du Nicaragua, vouspouvez en êtresûr,etuniquement du Nicaragua. Pendant
lesdeuxdernièressemaines.nous avonsdétecté soixante-deuxincursions aériennes
dans la régionde ~orazan, avec parachutages de matériel, d'armes etde muni-
tions...));
à quoi il a ajouté :
<Depuis deux ans, lesNicaraguayens affirment devant l'univers qu'ilssont surle
point d'êtreenvahis,et pendant tout cetempsils n'ontjamais cesséd'envahir notre
pays. Il y a un seul point de départ de la subversion armée: le Nicaragua. )>
(Contre-mémoire des Etats-Unis, annexe 51.)

Voir aussilesdéclarations similairesfaitespar leprésidentDuarte les4juin et 27juillet
1984(contre-mémoire des Etats-Unis, annexes52 et 53). Voir également la déclaration
d'intervention du 15 août 1984.
En ce qui concerne les griefs du Costa Rica, je renvoie aux notes diplomatiques
adresséespar le gouvernement de ce pays au Nicaragua et reproduites dans la docu-
mentation de l'organisation des Etats américains,où il est dit, par exemple, le 10sep-
tembre 1983 :
<(Le Gouvernement du Costa Rica condamne et rejette avec une profonde
indignation les actes de violenceperpétrés..contre le territoire costaricien, contre
les forces armées costariciennes et contre les installations national..)>(Contre-
mémoire desEtats-Unis, annexes 63 et 64.)
Pour ce qui est enfin des griefs du Honduras,je renvoie aux notes diplomatiques du
gouvernement de ce pays, reproduites dans la documentation de l'organisation des
Etats américains,où il est dit, par exemple, le lerjuillet 1983:
((11est confirméque ces attaques criminelles [morts de deuxjournalistes amé-
ricains, blessuresinfligéesàun citoyen hondurien et destructiond'un camion] sont
dues à l'explosion de mines antichars et antipersonnel placées par les forces
sandinistes sur l'autoroute hondurienne ..))(Contre-mémoire des Etats-Unis,
annexes 59, 60, 61 et 62.)le premier différend n'affectera pasles droits, devoirs et obligations réci-
proques de ces pays d'Amérique centrale.Quel que soit le comportement
que la Cour décidera éventuellementd'imposer aux Etats-Unis,cette déci-
sion ne saurait priver ces trois pays de leurs droitségarddu Nicaragua.
26. C'est pourquoi je pense que le cas présent ne correspond pas à la
clause c),la situation envisagéeest celleoùlesEtats-Unis, Etat défendeur,
seraient obligésderespecter un certain comportement alors que lesautres
parties audifférendne leseraientpas. Dans lecasprésent,sila Cour, dans

son arrêt, impose aux Etats-Unis une certaine ligne de conduite àl'égard
duNicaragua,pour cause deviolationdestraitésmultilatérauxinvoquési,l
n'estpas possible quecette décisionconcerne d'autres Etats, puisqu'iln'y
pas d'autres partiesàcedifférend.Au contraire, le Honduras, El Salvador
et leCosta Rica demandent que leNicaragua mette fin à sesactes illicites
decaractère analogue. Le Nicaragua setrouve donc ici sur la défensive,et
les droits du Honduras, d'El Salvador et du Costa Rica ne peuvent être

affectéspar la décisionde la Cour. Je reconnais,certes,que l'un et I'autre
différendfont partie d'un conflit généralisé, maisj'estime qu'issnt clai-
rement distincts d'un point de vuejuridique, vu que, dans l'un, le Nica-
ragua est ledemandeuretque, dans l'autre,c'estcontre luiaucontraire que
sont dirigésles griefs.
27. Cela étant,j'estime quela clausec)n'estpas applicable àlaprésente
espèce,et que par conséquentelle doit êtrerejetée.Mon interprétation de
la situationjuridique étantdifférentede celledela Cour,et la conclusionà

laquelle je parviens étant elle aussi différente,je ne puis m'associer au
passage de l'arrêtoù la Cour affirme que l'exception formuléepar les
Etats-Unis ne possèdepas, dans lescirconstancesde l'espèce,un caractère
exclusivement préliminaire.

III. LA CONDUITE DES ÉTATS EN TANT QUE BASE DE COMPÉTENCE
DE LA COUR

28. J'approuve totalement la conclusion que tire la Cour au para-
graphe 42 de l'arrêt,où elle affirme que<(l'interprétation de l'article36,
paragraphe 5, admettant le Nicaragua au bénéficede ses dispositions, a
été confirmép ear la conduite ultérieure des parties au traitéen question,
en l'occurrencele Statut>):voilàprécisémentpourquoij'ai votéen faveur
de la décision dela Cour de se déclarer compétente pourconnaître de la
requête nicaraguayennedu 9 avril 1984.Maisje suis en désaccordavecle

raisonnement de la Cour et avec la conclusioncorrespondante, exprimée
en ces termes aux paragraphes 42 et 47 :

(<Il convient donc de relever quel'attitude du Nicaraguaà l'égard
des publications en question tend aussi à confirmer que la Cour a
compétenceen vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, indé-
pendamment de l'interprétation etde l'effet du paragraphe 5 dudit
article))(Par. 42.) [La Cour] s'estimedonc fondée à admettre que, compte tenu de
l'origine et de la généralitédes affirmationsselon lesquelles le Nica-
ragua étaitliépar sa déclarationde 1929,l'acquiescement constant de
cetEtat àcesaffirmationsconstitueun modevalable de manifestation
de sa volontéde reconnaître la compétenceobligatoire de la Cour au

titre de l'article 36, paragraphe 2, du Statut,et qu'en conséquencele
Nicaragua est, vis-à-visdes Etats-Unis, un Etat acceptant ((la même
obligation ))au sens de cet article. ))(Par. 47.)
29. Sije suis ici en désaccord,c'est à cause de mon interprétation du

Statut dela Cour,qui spécifieque laseulecondition nécessairepour rendre
applicableune déclaration faite dans lecadre del'article 36,paragraphe 2,
est,selonleparagraphe 4du mêmearticle,le dépôtdela déclarationauprès
du Secrétaire général desNations Unies. En effet, le consentement des
Etats à êtreliéspar lesobligationsinternationales résultant d'un traité doit
êtredonné de façon conforme à la procédure prévuedans le traité. La
conduite des Etats est, certes,un élémentimportant dans l'interprétation
des conventions,et la Cour le montre dans les paragraphes précédentsde

son arrêt,mais c'est chose toute différente de considérerque ce compor-
tement peut entraîner l'acceptation des obligationsinternationales énon-
céesdans un traité sans que soit respectéela procédure expressément
prévuepour l'entréeen vigueur de ces obligations.
30. Je concèdeque la situation du Nicaragua est tout à fait unique par
rapport à celledesautres Etats liéspar la clausefacultative. Mais, pour les
raisons queje viens dedire,celanejustifie pas que l'on prenne la conduite
de cet Etat comme base pour considérer que le Nicaragua a acceptéla

juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36,paragraphe 2,du
Statut actuel.
31. De plus, je suis en désaccord avec l'affirmation de la Cour selon
laquelle, si j'ai bien compris ce qui est dit au paragraphe 46 de l'arrêt,
les rapports du Secrétaire général, dépositaire des déclarations, etles
Annuairesde la Cour confirmeraient l'accomplissement, par leNicaragua,
de la formalitédu dépôt.
32. Dans la publication des Nations Unies intitulée Traités multilaté-

raux déposés auprèd su Secrétairegénéral,l'acceptation du Nicaragua
figure dans une section b) intituléecomme suit :
<(Déclarationsfaitesconformémentau paragraphe 2 de l'article 36

du Statut de la Courpermanente deJustice internationale,et réputées
valoir acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour internatio-
nale de Justice. ))(Traitésmultilatérauxdéposés auprèdsu Secrétaire
général - Etat au 31 décembre1982,p. 25. Lesitaliques sont de moi.)

33. Dans l'Annuaire1946-1947de la Cour,la déclaration du Nicaragua
était reproduite parmi les ((Communications et déclarations des Etats
Membres des Nations Unies qui sont encore liéspar leur adhésion à la
Dispositionfacultative de laCour permanente de Justice internationale ))
(p. 203), et le Nicaragua était inscrit dans la : (Liste des Etats qui ont reconnu comme obligatoirelajuridiction
de la Cour internationale de Justice ou qui sont encore liéspar leur
adhésion àla Dispositionfacultativedu Statut dela Courpermanente
de Justice internationale (article36 du Statut de la Cour internatio-
nale de Justice). )(P. 217.)

34. Le mêmetitre apparaissait dans l'Annuaire1947-1948(p. 127).La
parenthèse était suppriméedans l'Annuaire 1955-1956 (p. 182).Quant à
l'Annuaire1982-1983,dernier volume en date de la série,ilplacela décla-
ration du Nicaragua parmi les ((Déclarationsd'acceptation de lajuridic-
tion obligatoire de la Cour ))devant lesquelles on trouve l'observation
suivante :

En application de l'article36,paragraphe 5, du Statut dela Cour
internationale deJustice, laprésentesection contient aussile textedes
déclarationsfaitesen application du Statut de la Courpermanente qui
ne sont pas devenues caduques ou n'ont pas étéretirées.Elles sont

actuellement au nombre de huit. (En italiques dans l'original ;
p. 58.)
35. Selon cespublications officiellestellesqueje lescomprends, ce que
le Nicaragua a accepté est d'être réputé liépar la clause facultative, con-

formément àl'interprétation età l'application del'article36,paragraphe 5,
du Statut par ces organes des Nations Unies, et non pas d'êtreliédirec-
tement par l'article 36, paragraphe 2, comme le dit la Cour.

(Signé)J. M. RUDA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE RUDA

1.1 have voted in favour of subparagraphs 1 (a), 1(c) and 2 of the
operative provisions of the Judgment, but since 1 have voted against
subparagraph 1 (b) and do not concur in some important points with the
reasoning of the Court, 1am bound to append this separate opinion. This
opinion will refer to three subject: the 1956Treaty of Friendship as a
basis of thejurisdiction of the Court, Provisoof the 1946United States
Declaration, and the conduct of the States as a basis of thejurisdiction of
the Court.

1. THE1956TREATY AS THE BASIS OF THE JURISDICTIO ONF THE COURT

2. The Court finds that it hasjurisdiction under the Treaty of Friend-
ship, Commerce and Navigation of 1956between the United States and
Nicaragua to entertain the claims referred to in the Nicaraguan Applica-
tion, to thextent that they constitute a dispute as to the interpretation or
application of several articles of the Treaty.
The 1956Treaty provides in Article XXIV :

"1. Each Party shall accord sympathetic consideration to, shall
afford adequate opportunity for consultation regarding, such repre-
sentations as the other Party may make with respect to any matter
affecting the operation of the present Treaty.
2. Any dispute between the Parties as to the interpretation or
application of thepresent Treaty, not satisfactorilyadjusted by diplo-
macy, shall be submitted to the International Court of Justice, unless
the Parties agree to settlement by some other pacificmeans."

3. It is true, as the Court says, in paragraph 81 of the Judgment that

"the intention of the Parties in acceptinguch clauses is clearly to
provide for such a right of unilateral recourse to the Court in the
absence of agreement to employ some other pacific means of settle-
ment".

But from this point onwards, 1regret topart Companywith the reasoning
of the Court.
4. The compromissory clause of the 1956Treaty is common to many
treaties of "establishment". Its structure issimple.Twoconditions must be
fulfilled inrder to open the way to recourse to the Court. One, that there
should be a dispute between the parties as to the interpretation and OPINION INDIVIDUELLE DE M. RUDA

[Traduction]

1. J'aivotéenfaveur desparagraphes 1,alinéasa)etc), et 2du dispositif
del'arrêt,mais, ayant votécontre l'alinéab)du paragraphe 1et n'étant pas

d'accord avecleraisonnement de la Cour surcertainspoints importants,je
m'estime tenu de joindre à l'arrêt la présente opinionindividuelle. Elle
portera sur trois sujets: le traitéd'amitiéde 1956 en tant que base de
compétencede la Cour ; la clause c) de la déclaration des Etats-Unis de
1946 ; la conduite des Etats en tant que base de compétence de la
Cour.

2. La Cour conclut que le traité d'amitié, e commerce et de navigation

signé en1956par les Etats-Unis et le Nicaragua lui donne compétence
pour connaître des chefs de demandes énoncésdans la requêtenjcara-
guayenne, dans la mesure où ils correspondent à un différendsur l'inter-
prétationet l'application de plusieurs articles de ce traité.L'articleXXIV
du traitéde 1956contient les dispositions suivantes :

(<1. Chacune des deux parties examinera avec bienveillance les
représentationsque l'autre partiepourra faireau sujet de toute ques-
tion concernant l'application du présenttraitéet prendra des mesures
adéquatespour permettre des consultations à ce propos.
2. Tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties quant à
l'interprétationou àl'application du présent traitéet qui ne pourrait
pas êtrerégléd'une manièresatisfaisantepar lavoiediplomatique sera
porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les
parties ne conviennent de le réglerpar d'autres moyens pacifiques. )>

3. Il est vrai que, comme la Cour le dit au paragraphe 81 de l'arrêt,

<<en acceptant une telle clause, les parties entendent clairement se
réserver ledroit de s'adresser unilatéralement à la Cour si elles ne
conviennent pas de recourir à un autre moyen pacifique de règle-
ment )>.

Mais, à partir de là, je ne puis m'associer au raisonnement de la Cour.

4. La clause compromissoire du traitéde 1956est commune à de nom-
breuses conventions d'établissement. L'économieen est simple. Ilfaut que
deux conditions soient remplies pour qu'une affaire puisse êtreportée
devant la Cour : premièrement, qu'il y ait un différendentre les parties453 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. P.RUDA)

application of the Treaty and second that such a "dispute has not been
adjusted by diplomacy".
5. There is no doubt that a dispute exists between Nicaragua and the
United Statesas to the facts asserted by Nicaragua in itsApplication ;but
even if this dispute, which is very doubtful, could be covered by the terms

oftheTreaty, this doesnot mean that Nicaragua couldtake actionon it asa
dispute over the interpretation and application of the Treaty, after the
institution of the proceedings. Nicaragua has to follow the procedure laid
down in the Treaty, which is simple and clear, before coming before the
Court.
6. It is not sufficient to invoke the Treaty, alleging before the Court
violations of its provisions, in the course of the proceedings, at the time of
submitting the Memorial onjurisdiction and admissibility. These allega-
tions must have been the subject of negotiations prior to the institution of
proceedings. How can there be a dispute as to the interpretation and
application of the Treaty, if no démarchehas been presented to the other
party ?
7. To invokethe 1956Treaty as a title ofjurisdiction, it is essential that
diplomaticnegotiationsshould have taken placeprior to comingbeforethe

Court, because,first, that iswhat issetout inclear terms inArticle XXIVof
the Treaty and second, because it is impossible to know the existence and
scope of a dispute without oneparty submitting a claim against the other,
stating thefacts and specifyingthe provisions of theTreaty alleged to have
been violated. It is the essence and therefore the indissoluble attributes of
the concept of dispute that negotiations between the interested States
should precede the institution of proceedings before the Court, because
negotiations or the adjustment by diplomacy fixes the points of fact and
lawoverwhich theparties disagree. But, in this particular case, apart from
thisreasoning,theTreaty itselfclearly provides that prior effortsshould be
made to adjust the dispute by diplomacy.

8. No evidence has been submitted by the Applicant that it had made
any representation, approach, claim or démarchewith regard to the Res-

pondent before filing its Memorial, where the Treaty of 1956 has been
invoked. No dispute has been proved to exist,prior to theinstitution of the
proceedings, as to the interpretation and application of the Treaty.

9. For these reasons, 1part Companywith my colleagues on the finding
of the Court, that on the "basis alone" (para. 111)of the Treaty of 1956,the
Court is competent. The Court States in paragraph 83 that :

"In the view of the Court, it does not necessarily follow that,
because a Statehasnot expresslyreferred in negotiations with another
State to aparticular treaty ashaving been violated by conduct of that
other State, it is debarred from invoking a compromissory clause in
that treaty."quant àl'interprétation ou àl'application du traité, et,deuxièmement,que
ce différendn'ait pas été <(réglépar la voie diplomatique )).

5. Indiscutablement, il y a entre le Nicaragua et les Etats-Unis un
différendquant aux faits évoquésdans la requête nicaraguayenne.Mais,
mêmesice différendpeut entrer dans le champ d'application du traité,ce
qui est fort douteux, cela ne signifie pas que le Nicaragua puisse, après
l'introduction de l'instance, le soumettre à la décision de la Cour en
demandant à celle-ci d'y voirun différend sur l'interprétation etl'appli-
cationdutraité.LeNicaragua doit suivrelaprocédureprévuedans letraité,
laquelle est simple et claire, avant de s'adresserà la Cour.
6. Il ne suffit pas d'invoquer le traité devant la Cour en alléguant
certaines violations de sesdispositions, unefoisl'instance introduite, et au

moment de présenter unmémoiresur les questions de compétenceet de
recevabilité :il faut aussi que ces allégationsaient fait l'objet de négocia-
tions avant l'ouverturedel'instance.Commentpourrait-il yavoirdifférend
sur l'interprétation et l'application du traité,si aucune démarchen'a été
faite auprès de l'autre partie?
7. S'il est essentiel, pour invoquer le traité de 1956 comme base de
compétence,qu'il y ait eu des négociations diplomatiques préalables à la
saisinedelaCour, c'est,premièrement,parce quec'estcequedit clairement
l'article XXIV lui-même,et, deuxièmement,parce qu'il est impossiblede
s'assurer de l'existence et de l'étendued'un différend sansque l'une des

partiesprésenteunedemandecontre l'autre, enprécisantlesfaits ainsique
lesdispositions du traitéqu'elleaffirmeavoirété enfreintes. L'idée mêmdee
différend veut,par définition etpar conséquentcomme condition indis-
pensable, qu'il y ait négociationsentre les Etats intéressésavant l'intro-
duction d'une instance devant la Cour, car ce sont les négociations, oule
règlementdu différendpar lavoiediplomatique, qui déterminentlespoints
de fait et de droit sur lesquels les parties sont en désaccord. De plus, et
indépendammentde ce raisonnement, le traité lui-même,dans la présente
espèce, stipule que des efforts soient faits au préalable pour régler le
différendpar la voie diplomatique.

8. L'Etat demandeur n'a avancéaucun élémend tepreuve permettant de
penser qu'ilait procédé à de quelconquesreprésentations, réclamationsou
démarchesauprèsdudéfendeuravantdeprésentersonmémoire,oùletraité
de 1956est invoqué.Il n'a été apportéaucune preuve de l'existence,avant
l'ouverturede l'instance,d'un différendsur l'interprétation etl'application
du traité.
9. Pour les raisons qui précèdent,je ne puis conclure, comme mes
collègues,quela Cour estcompétente <(surla seulebase )du traitéde1956
(par. 111). Il est dit au paragraphe 83 de l'arrêt:

<<De l'avisde la Cour,parce qu'un Etat ne s'estpas expressément
référé d,ans des négociations avecun autreEtat, à un traité particulier
qui aurait étéviolépar la conduite de celui-ci, il n'en découle pas
nécessairementque lepremier ne serait pas admis à invoquerla clause
compromissoire dudit traité. ))454 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIWTIES (SEPO. P.RUDA)

10. 1 take the opposite view from the Court. 1 think that a State is
debarred fromjudicially invoking the compromissory clause of a treaty, if
theprocedure provided for in this clauseis not followed. This procedure is
not a mere formality,it has a reason from thejuridical point of view :it is

during the negotiations that the dispute is established and its scope
defined. A procedure, incorporated in a legal instrument, must be com-
plied with, except in circumstances when the impossibility of followingthe
procedurecould frustrate thepurposes of theinstrument, aswas the casein
theJudgment on the UnitedStates Dipfomaticand ConsularStaff in Tehran,
1.C.J.Reports1980,page 3.It should be remembered that on this occasion,
the Court considered, asa basis for the exerciseof itsjurisdiction, amilar
article in the 1955Treaty of Amity, Economic Relations and Consular
Rights between the United States andIran, in regard to aclaimconcerning
two private individuals, said to be held in the American Embassy. The
Court stated :

"As previously pointed out, when the United States filed its Appli-
cation on 29 November 1979,its attempts to negotiate with Iran in
regard to the overrunning of its Embassy and detention of its nation-
als as hostages had reached a deadlock, owing to the refusa1of the
Iranian Government to enter into any discussion of the matter. In
consequence, there existed at that date not only a disputebut, beyond
any doubt, a 'dispute . ..not satisfactorily adjusted by diplomacy'
within the meaning of Article XXI, paragraph 2, of the 1955Treaty ;

and this dispute comprised, interaliu, the matters that are the subject
of the United States claims under that Treaty." (I.C.J. Reports 1980,
p. 27, para. 51.)
11. TheCourt invoked paragraph 2 as a basis of itsjurisdiction because
there was an impossibility to negotiate under the Treaty.
12. The circumstances in the present case are just the opposite ;both

countries have Embassiesin their respectivecapitals, the Secretary of State
has visited Managua and negotiations are going on between the Parties. In
this case, it is possible to apply the provisions of Article XXIV, para-
graph 2.Therefore, there isnofactual impediment to the application of the
compromissory clause of the Treaty of 1956,and the way seems open to
negotiations under this instrument, but negotiations have not taken place
until today.

II. PROVISO C OF THE UNITEDSTATES DECLARATIO ONF 1946

13. The United States Declaration of 14 August 1946 accepting the
compulsoryjurisdiction of the Court under Article 36.paragraph 2,of the
Statute excludes, inter ulia, from suchjurisdiction :

"(c) disputes arising under a multilateral treaty, unless (1) al1parties
to the treaty affected by thedecision are also parties to the case 10. Ma conclusion est inverse :je pense qu'un Etat ne peut êtreadmis à

invoquer en justice la clause compromissoire d'un traité, si la procédure
prévuedans cette clause n'apas été suivie.Cette procédure,loin d'êtreune
simple formalité, a une raison d'êtredu point de vuejuridique :c'est en
effet pendant les négociationsque le différendse cristallise et peut être
délimité.En outre, toute procédure inscritedans un instrument juridique
doit êtrerespectée, à moins que l'impossibilitéde la suivre dans le cas
concret ne risque de faire échec aubut mêmedudit instrument, comme
dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire desEtats-Unis à
Téhéran (C.I.J. Recueil 1980,p. 3).Dans cette affaire, on s'ensouviendra,
la Cour avait retenu un article similaire du traitéd'amitié,de commerceet
de droits consulaires conclu en 1955entre les Etats-Unis et l'Iran comme

base de compétence pour le chef de demande visant deux particuliers
détenus à l'ambassade des Etats-Unis. Mais l'arrêt contientles précisions
suivantes :
<Il a déjàétésoulignéque, lorsque les Etats-Unis ont déposé leur
requête du29 novembre 1979,leurs tentatives de négociationsavec
l'Iran au sujet de l'invasion de leur ambassade et de la détention de

leurs ressortissants en otages avaient abouti àune impasse, le Gou-
vernement de l'Iran ayant refusétoute discussion. Il existait donc à
cette date non seulement un différend mais,sans aucun doute, <(un
différend ..qui ne [pouvait]pas êtreréglé d'une manièresatisfaisante
par la voie diplomatique )>au sens de l'article XXI,paragraphe 2, du
traitéde 1955 ; et ce différendportait notamment sur les matières
faisant l'objetdesdemandes présentées par lesEtats-Unis en vertu de
ce traité.))(C.I.J. Recueil 1980, p. 27, par. 51.)

11. LaCour a donc retenu le paragraphe 2comme base de compétence,
parce qu'il y avait impossibilitéde négocierdans le cadre du traité.
12. Les circonstances de la présenteespècesont exactement inverses :
chacun des deux pays a une ambassade dans la capitale de l'autre ; le
secrétaire d'Etat des Etats-Unjs s'estrendu à Managua ;et des négocia-
tions se poursuivent entre lesParties. Dans ces conditions, il est possible
d'appliquer les dispositions de l'article XXIV,paragraphe 2, du traité de

1956. 11n'y a donc pas d'obstacle matériel à l'application de la clause
compromissoire de cetraité,etrien ne sembles'opposer à des négociations
dans le cadre de cet instrument, quoiqu'il n'y en ait pas eu à cette
date.

13. La déclaration du 14 août 1946 par laquelle les Etats-Unis ont
accepté lajuridiction obligatoire de la Cour conformément à l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, exclut de cettejuridiction, entre autres :
c) [les] différends résultant d'untraité multilatéral, à moins que
1)toutes les parties au traité que la décisionconcerne ne soient before the Court, or (2) the United States of America specially
agrees to that jurisdiction".

14. Much doctrinal controversyarosein the 1940sas to the meaning of
this proviso, but this is thefirst time thatit has been invoked by the United
States to bar thejurisdiction of the Court.

15. The textual interpretation of the proviso is not easy. 1agreed with
those who consider that the phrase "affected by the decision" qualifies
"parties" and not "treaty" and therefore it is not necessary for al1the
parties to a multilateral treaty to be present before the Court for it to
declare itself competent, in a case when the United States is party to a
dispute, under the treaty.

16. The problem of interpretation of this proviso arises from the mean-
ing to be attached to the phrase "parties ... affected by the decision".
17. Thehistory of theproviso iswellknownand it isnot of much help to
findthe intention ofits authors, but that isthe onlysourceofinterpretation
available.Myreading of this legislativehistoryleads me to the conclusion
that theobjective wasto ensure that theUnited States would not be forced,
because of its acceptance of the Optional Clause, to be involved in a case

before the Court when not al1the parties to the dispute are before it : the
United States does not wish, because of its acceptance of the Optional
Clause, to be bound by ajudgment of the Court vis-à-vis States that have
accepted the Clause, when other States which have not accepted the
Optional Clause, would not be bound by the same judgment.

18. This interpretation derives from the following part of Mr. Dulles'
Memorandum submitted toa subcommittee of the Committee on Foreign
Relations of the United States Senate :
"Since the Court uses the singular 'any other State', it might be

desirable to make clear that there is no compulsory obligation to
submit to the Court merely because one of several parties to such
dispute is similarly bound, the othersnot havingbound themselves to
become partiesbefore the Courtand, consequently,not beingsubject
to the Charter provision(Art. 94) requiring Members to comply with
decisions of the Court in cases to which they are a party." (Hearings
beforeaSubcommitteeoftheCommitteeonForeignRelationsonS. Res.
196, 79th Cong.,2nd sess, p. 44.)

19. And from the following part of the report of the Committee on
Foreign Relations :

"If the United States would prefer to deny jurisdiction without
special agreement,in disputes among several States, some of which égalementparties à l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les

Etats-Unis d'Amériqueacceptent expressément la compétence
de la Cour o.
14. Le sens de cette clause a donnélieu à de vivescontroverses doctri-

nales au coursdesannéesquarante, maisc'estlapremièrefoisquelaclause
elle-mêmeest invoquép ear les Etats-Unis pour déclinerla compétencede
la Cour.
15. L'interprétationdu texte de laclause n'estpas chose facile. Pour ma
part, je me range du côté de ceux qui considèrent que les mots que
la décisionconcerne serapportent à <parties ))et non pas à <traité )>et
que par conséquentil n'est pas nécessaire,dans un différend auquel les
Etats-Unis sont partie, que tous les Etats parties au traité multilatéral

en cause soient présents devant la Cour pour que celle-ci se proclame
compétente.
16. Leproblèmeposépar l'interprétationde cette clause c) est donc de
savoir quelles sont les (<parties ..que la décisionconcerne H.
17. L'originede cette clause est connue, et rechercher l'intention de ses
auteurs est d'une utilité limitée. C'estourtant la seule sourced'interpré-
tation dont on dispose. Personnellement, l'étudedes travaux préparatoires
m'amène à conclure que le but recherchéétait de veiller à ce que les

Etats-Unis ne soient pas forcés, du fait de leur adhésion à la clause
facultative, departiciper contre leurvolonté àune affaire soumise àlaCour
sans que tous les Etats parties au différend soient eux aussi présents à
l'instance ;et que les Etats-Unis veulent par là éviterque,enraison de leur
acceptation de la clause facultative, les décisionsde la Courpuissent avoir
pour effet de les lier à l'égarddes autres Etats ayant donné la même
acceptation,alors queles Etats qui n'ont pas souscrit à la clausefacultative
ne seraient pas liéspar les mêmes décisions.

18. Cetteinterprétation découledu passage ci-aprèsde l'aide-mémoire
soumisparJohn Foster Dulles àunesous-commissiondela commission des
affaires étrangèresdu Sénatdes Etats-Unis :
<Etant donné que le Statut de la Cour se sert du singulier, tout

autre Etat O, il faudrait peut-êtrepréciser qu'il n'existeaucune obli-
gation juridique d'aller devant la Cour quand l'une seulement de
plusieurs parties au différendest tenue de la même manière,tandis
que les autres ne se sont pas obligées à devenir parties et, par consé-
quent, ne sont pas liéespar la disposition de la Charte (art. 94) qui
oblige les Etats Membres à seconformer àla décisionde la Cour dans
leslitigesauxquels ilssont parties.))(Heuringsheforea Suhcommittee
of the Committee on Foreign Relurions on S. Res. 196, 79th Cong.,

2nd sess., p. 44.)
19. Ellerésulte aussidupassage suivantdu rapport de lacommission des
affaires étrangères :

((Si les Etats-Unis préfèrent ne pas accepter la juridiction de la
Cour, sauf par convention spéciale,sur les différendsentre plusieurs have not declared to be bound, Article 36 (3)permits it to make its
declaration conditional as to the reciprocity of several or certain
States.
Mr. Dulles'objection might possiblybe provided by another sub-
section,in the first proviso..." (S. Rept. 1835, 79th Cong.,2ndsess,
PP-6, 7.)

20. On the floor of the Senate the following exchange took place
between Mr. Vandenberg from Michigan and Mr. Thomas from Utah :
"Mr. Vandenberg.Mr. Dulles ... has raised the question whether
the language of the resolution rnight not involve us in accepting

jurisdiction in a multilateral dispute in which some one or more
nations had not acceptedjurisdiction. Itismyunderstanding that it is
the opinion of the Senator from Utah that if we confronted such a
situation wewouldnot bebound tosubmit tocompulsoryjurisdiction
in a multilateral case ifl1of the other nations involved in the mul-
tilaterai situation had not themselvesaccepted compulsoryjurisdic-
tion. 1sthat so ?
Mr. Thomas.That issurelymyunderstanding. 1think reciprocityis
complete. Al1parties to the case must stand on exactly the same
foundation except that we have waived a right." (Congressional
Record, 1August 1946,p. 10618.)

21. Therefore,thephrase "parties. .. affectedby thedecision" seemsto
mean, in the context of proviso c, that, 1 repeat, the United States will
acceptthejurisdiction of theCourt ina disputearising under amultilateral
treaty, when al1other parties to the treaty involved in the dispute have
previously accepted the jurisdiction of the Court. In other words, the
United States wishes to avoid a situation under a multilateral treaty, in
whichitwouldbe obligedto apply thetreatyin acertainway becauseof the
Court's decision and the other parties to the treaty would remain juridi-
callyfree to apply itin another form,becauseof the effectsofArticle 59of
the Statute.
22. Theprovisocouldonly be invokedif the United States isdefendant
in a case,because as Applicant it would not, logically,submit the Appli-
cation until it was sure thatal1the other parties to the dispute were in a

condition to be bound by the decision of the Court. Moreover, 1do not
interpret theproviso asmeaningthat it includesthedefenceof theinterests
of thirdparties ;fromthe debates in the Senateit isclearthat theintention
was to preservethe interests of the United States, Le.,to ensure that third
States would also be bound by the decision of the Court. On the other
hand, it does not seem logical that a State submitting a declaration
acceptingthe compulsoryjurisdiction of the Court, but excludingcertain
matters affecting its own interests from that jurisdiction, should act on
behalf of third States. The other States also have thesameopportunity as
the United States, and they are the sole sovereignjudges of their own Etats dont certainsn'auraient pasacceptécette obligation, l'article36,

paragraphe 3, les autorise à faire leur déclaration sous condition de
réciprocitéde la part de plusieurs ou de certains Etats.
Un autre paragraphe de la première clause ..pourrait éventuel-
lement répondre à l'objection de M. Dulles ..)) (S. Rept. 1835,
79th Cong., 2ndsess., p. 6-7.)

20. Elleprocède enfinde l'échangede propos qui eut lieu au Sénatentre
M. Vandenberg (Michigan) et M. Thomas (Utah) :
(<M. Vandenberg :M. Dulles ..se demande si le texte de la réso-
lution ne risquerait pas de nous obliger à accepter lajuridiction de la

Cour dans un différendmultilatéraldans lequelun ouplusieursautres
pays n'auraient pas acceptélajuridiction. Il sembleque lesénateurde
l'Utah soit de l'avisque, si nous nous trouvions dans une situationde
ce type, nous ne serions pas obligésde nous soumettre à lajuridiction
obligatoire dans une affairemultilatéralesitous lesautrespaysparties
à cette situation multilatérale n'avaient pas eux-mêmesaccepté la
juridiction obligatoire. Est-ce bien cela ?

M. Thomas: C'est exactement ce que je pense. J'estime que la
réciprocitéest complète.Toutes les parties à l'affaire doivent se trou-
ver exactement sur le même pied, à moins que nous ne renoncions
éventuellement à exigerun tel droit. >(CongressionalRecord,lei août
1946,p. 10618.)

21. Vu ces précisionset le contexte de la clause c), les termes <(que la
décisionconcerne )semblent bien signifier,commeje l'aidéjàdit, que les
Etats-Unis acceptent lajuridiction de la Cour en cas de différendrésultant
d'un traité multilatéral, à condition que tous les autres Etats, qui sont
parties autraitéet que ledifférendintéresse,aient euxaussiprécédemment
acceptécettejuridiction. En d'autres termes, les Etats-Unis veulent éviter
desetrouver obligésd'appliquer un traité multilatérald'une certainefaçon
en raison d'une décisionde la Cour, alors que les autres Etats parties au
mêmetraité resteraient juridiquement libres de l'appliquer d'une autre
façon par l'effet de l'article 59 du Statut.

22. La clause en question ne peut donc êtreinvoquéeque si les Etats-
Unis sont I'Etatdéfendeur :s'ilsétaient demandeurs, ilsne présenteraient
certainement pas leur requête avant d'être sûrq sue tous les autres Etats
parties au différend puissent êtreliéspar la décisionde la Cour. Par
ailleurs,je ne vois pas dans cette clause un texte défendantégalementles
intérêts des Etatstiers :il ressort des débatsdu Sénatque le but recherché
étaitde protégerles intérêts des Etats-Unis,c'est-à-dire de faire en sorte
que les Etats tiers soient eux aussi liéspar l'éventuelle décisionde la Cour.
II ne paraîtrait d'ailleurs pas logique qu'un Etat faisant une déclaration
d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour, mais en excluant de
cettejuridiction certaines questions affectant ses intérêtsa ,gisse pour le

comptedes Etats tiers.Ceux-cipeuvent fairecomme lesEtats-Unis, et sont
seulsjuges souverains de leurs intérêts ; de plus, il leur est loisible, s'ils 457 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO . P.RUDA)

interests ; furthermore, it is open to these States to apply to intervene
under Articles 62 and 63 of the Statute, if they think their interests are

affected.
23. IRthe present proceedings, there is a dispute under several multi-
lateral treaties and the United States is defendant against the claims
submitted by Nicaragua. But the United States alleges that there is a
situation where the decision of the Court willaffect El Salvador, Honduras

and Costa Rica, and that, consequently, proviso c is applicable here.

24. However, that is not my understanding of the case. It is true that
there is a complex and generalized conflict among Central American
countries,but not the wholeconflict, with al1its economic, social,political

and security aspects, is subrnitted to the Court, only the claims of Nica-
ragua against the United States. Nicaragua has not presented any claims
against Honduras, El Salvador and Costa Rica.

25. In my analysis there aretwodisputes : thefirst,Nicaragua v.United
States, and the second, involving the grievances of El Salvador, Honduras
and Costa Rica against Nicaragua. A decision of the Court in the first

' Asfor the grievancesof ElSalvadoragainst Nicaragua 1would refer,for instance, to
the statement made by President Magana to the ABC, Madrid, on 22 December 1983,
when,replyingto a question on howand wherethe guerrillas obtained their supplies, he
said:

"Be sure of this, from Nicaragua and onlyfrom Nicaragua. In the past two weeks
and ammunitions into the Morazan areacraf..."ich parachuted equipment, weapons

and he added :

"While Nicaragua draws the world's attention by claiming for the past two
years that itsabout to be invaded, theyhavenot ceasedfor one moment to invade
Our country. There is only one point of departure for the armed subversion :
Nicaragua." (United States Counter-Memonal, Ann. 51.)
Seealsothe statements ofa sirnilartenor by President Duarte on4June 1984and 27July
1984(United States Counter-Memorial, Anns. 52 and 53). Seealso the Declaration of
Intervention filed on 15August 1984.
Asfor the grievancesof Costa Rica, 1would refer to the notes presented to Nicaragua,
reproduced in documents of the Organization of American States where it is said, for
example, on 10 September 1983 :

"The Government of Costa Rica condemns and repudiates with profound
indignation the attack on Costa Rican territory, on Members of the armed forces of
Costa Rica and the country installations ..."(United States Counter-Memorial,
Anns. 63 and 64.)
With reference to the grievances of Honduras 1 would refer to the diplomatic notes,
reproduced in documents of the Organization of American States, where it is said, for
example, on 1 July 1983 :
"It has been confirmed that they were caused [the deaths of two USjournalists,
injuries to aHonduran citizen and damages to a truck] by the explosion of antitank
and antipersonnel mines placed by the Sandinista forces on the Honduran high-
way .. .(United States Counter-Memorial, Anns. 59, 60, 61 and 62.) pensent queleursintérêts sont encause,dedemander à intervenir envertu

des articles 62 ou 63 du Statut.

23. Dans la présenteespèce,il existeun différendentrant dans lecadre

de plusieurs traités multilatéraux,et les Etats-Unis sont placés dans la
position de l'Etat défendeur à l'égarddesdemandes soumises à laCourpar
leNicaragua. Mais les Etats-Unis affirment qu'il s'agitd'une situation où
la décisionde la Cour affectera d'autres Etats - El Salvador,le Honduras

et le Costa Rica -, et que par conséquentla clause c) s'applique.
24. Telle n'est pas cependant ma façon de concevoir le présentlitige.
Certes, il y a parmi les pays d'Amérique centraleun conflit complexe et
généralisé m, ais ce n'est pas ce conflit dans son ensemble, sous tous ses

aspectséconomiques,sociaux, politiques et militaires,qui est soumis à la
Cour :cesont seulement lesdemandes dirigéespar leNicaragua contre les
Etats-Unis. Le Nicaragua n'a formulé aucune demande contre le Hondu-
ras, El Salvador ou le Costa Rica.

25. Selon moi, il y a deux différends :l'un, entre le Nicaragua et les
Etats-Unis, etl'autre, résultant desgriefsformuléscontreleNicaraguapar
ElSalvador,leHonduras etleCostaRica l.Maisla décisiondela Cour sur

-
Au sujet desgriefs d'El Salvador contrele Nicaragua, je renverrai par exempleaux
déclarations faites le22 décembre1983par le président Magana aujournal ABC, de
Madrid, où, en réponsea une question sur la façon dont les guérillerosétaient appro-
visionnéset sur l'ori-ine de leurs a--rovisionnements, il s'est exprimé ainsi :
<<Du Nicaragua, vouspouvez en êtresûr,etuniquement du Nicaragua. Pendant
lesdeuxdernièressemaines.nous avonsdétecté soixante-deuxincursions aériennes
dans la régionde ~orazan, avec parachutages de matériel, d'armes etde muni-
tions...));
à quoi il a ajouté :
<Depuis deux ans, lesNicaraguayens affirment devant l'univers qu'ilssont surle
point d'êtreenvahis,et pendant tout cetempsils n'ontjamais cesséd'envahir notre
pays. Il y a un seul point de départ de la subversion armée: le Nicaragua. )>
(Contre-mémoire des Etats-Unis, annexe 51.)

Voir aussilesdéclarations similairesfaitespar leprésidentDuarte les4juin et 27juillet
1984(contre-mémoire des Etats-Unis, annexes52 et 53). Voir également la déclaration
d'intervention du 15 août 1984.
En ce qui concerne les griefs du Costa Rica, je renvoie aux notes diplomatiques
adresséespar le gouvernement de ce pays au Nicaragua et reproduites dans la docu-
mentation de l'organisation des Etats américains,où il est dit, par exemple, le 10sep-
tembre 1983 :
<(Le Gouvernement du Costa Rica condamne et rejette avec une profonde
indignation les actes de violenceperpétrés..contre le territoire costaricien, contre
les forces armées costariciennes et contre les installations national..)>(Contre-
mémoire desEtats-Unis, annexes 63 et 64.)
Pour ce qui est enfin des griefs du Honduras,je renvoie aux notes diplomatiques du
gouvernement de ce pays, reproduites dans la documentation de l'organisation des
Etats américains,où il est dit, par exemple, le lerjuillet 1983:
((11est confirméque ces attaques criminelles [morts de deuxjournalistes amé-
ricains, blessuresinfligéesàun citoyen hondurien et destructiond'un camion] sont
dues à l'explosion de mines antichars et antipersonnel placées par les forces
sandinistes sur l'autoroute hondurienne ..))(Contre-mémoire des Etats-Unis,
annexes 59, 60, 61 et 62.)dispute willnot affect the reciprocal rights, duties and obligations of these

Central American countries. Whatever conduct, if any, that the Court
would impose on the United States, such a decision would not debar the
rights of these three countries vis-à-vis Nicaragua.
26. For this reason, 1 think that the present situation is not the one
provided forin proviso c,where a situation isforeseen,in which theUnited
States,asa defendant, would be obliged to followacertaincourse of action
and the other parties to the dispute would be free. Here, if the Court
imposes, in a decision, a certain conduct on the United States vis-à-vis
Nicaragua for alleged violations of severalmultilateral treaties, there is no
possibility of other States being affected, because there are no other parties
tothisdispute. Honduras, ElSalvador and CostaRicaask, on thecontrary,
that Nicaragua should stop illegal actions of a similar character against

them. Nicaragua is placed in a defensive position, but the rights of Hon-
duras, El Salvador and Costa Rica cannot be affected by the Court's
decision. Although 1recognize that both disputes arepart of a generalized
conflict, they are clearly distinguished from the juridical pointf view,
because in one Nicaragua is in the position of Applicant and in the other
the claims are made against it.

27. 1am, therefore, of the opinion that provicois not applicable in the
case before the Court and, consequently, it should be rejected.Since my
understanding of thejuridical situation isdifferent fromthat of theCourt,
and 1 reach a different conclusion, 1 part Company from the Judg-
ment where the Court finds that the bar raised by the United States does
not possess, in the circumstances of the case, an exclusive prelirninary

character.

111.THECONDUCT OF STATES AS A BASIS OF THE JURISDICTIO NF THE
COURT

28. 1fully agree with the finding of the Court, in paragraph 42 of the
Judgment, "that the interpretation whereby the provisions of Article 36,
paragraph 5, cover the case of Nicaragua has been confirmed by the
subsequent conduct of the parties to the treaty in question, theatute of
the Court" ; and this is precisely the reason wh1have voted in favour of
the decision that the Court hasjurisdiction to entertain the Application

filed byNicaragua on 9April1984. But1disagree with thereasoningof the
Court and the corresponding finding in paragraphs 42 and 47 :

". ..It should thereforebe observed that theconduct of Nicaragua in
relation to the publications in question also supports a finding of
jurisdiction under Article 36, paragraph 2, of the Statute indepen-
dently of the interpretationand effect of paragraph 5of that Article."
(Para. 42.)le premier différend n'affectera pasles droits, devoirs et obligations réci-
proques de ces pays d'Amérique centrale.Quel que soit le comportement
que la Cour décidera éventuellementd'imposer aux Etats-Unis,cette déci-
sion ne saurait priver ces trois pays de leurs droitségarddu Nicaragua.
26. C'est pourquoi je pense que le cas présent ne correspond pas à la
clause c),la situation envisagéeest celleoùlesEtats-Unis, Etat défendeur,
seraient obligésderespecter un certain comportement alors que lesautres
parties audifférendne leseraientpas. Dans lecasprésent,sila Cour, dans

son arrêt, impose aux Etats-Unis une certaine ligne de conduite àl'égard
duNicaragua,pour cause deviolationdestraitésmultilatérauxinvoquési,l
n'estpas possible quecette décisionconcerne d'autres Etats, puisqu'iln'y
pas d'autres partiesàcedifférend.Au contraire, le Honduras, El Salvador
et leCosta Rica demandent que leNicaragua mette fin à sesactes illicites
decaractère analogue. Le Nicaragua setrouve donc ici sur la défensive,et
les droits du Honduras, d'El Salvador et du Costa Rica ne peuvent être

affectéspar la décisionde la Cour. Je reconnais,certes,que l'un et I'autre
différendfont partie d'un conflit généralisé, maisj'estime qu'issnt clai-
rement distincts d'un point de vuejuridique, vu que, dans l'un, le Nica-
ragua est ledemandeuretque, dans l'autre,c'estcontre luiaucontraire que
sont dirigésles griefs.
27. Cela étant,j'estime quela clausec)n'estpas applicable àlaprésente
espèce,et que par conséquentelle doit êtrerejetée.Mon interprétation de
la situationjuridique étantdifférentede celledela Cour,et la conclusionà

laquelle je parviens étant elle aussi différente,je ne puis m'associer au
passage de l'arrêtoù la Cour affirme que l'exception formuléepar les
Etats-Unis ne possèdepas, dans lescirconstancesde l'espèce,un caractère
exclusivement préliminaire.

III. LA CONDUITE DES ÉTATS EN TANT QUE BASE DE COMPÉTENCE
DE LA COUR

28. J'approuve totalement la conclusion que tire la Cour au para-
graphe 42 de l'arrêt,où elle affirme que<(l'interprétation de l'article36,
paragraphe 5, admettant le Nicaragua au bénéficede ses dispositions, a
été confirmép ear la conduite ultérieure des parties au traitéen question,
en l'occurrencele Statut>):voilàprécisémentpourquoij'ai votéen faveur
de la décision dela Cour de se déclarer compétente pourconnaître de la
requête nicaraguayennedu 9 avril 1984.Maisje suis en désaccordavecle

raisonnement de la Cour et avec la conclusioncorrespondante, exprimée
en ces termes aux paragraphes 42 et 47 :

(<Il convient donc de relever quel'attitude du Nicaraguaà l'égard
des publications en question tend aussi à confirmer que la Cour a
compétenceen vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, indé-
pendamment de l'interprétation etde l'effet du paragraphe 5 dudit
article))(Par. 42.) "... [The Court]considers therefore that, havingregard to the origin
and generality of the statements to the effect that Nicaragua was
bound by its 1929Declaration, it isright to conclude that theconstant
acquiescence of that State in those affirmations constitutes a valid
mode of manifestation of its intent to recognize the compulsory
jurisdiction of the Court under Article 36,paragraph 2,of the Statute,
and that accordinglyNicaragua is, vis-à-visthe United States, a State
accepting 'the same obligation' under that Article." (Para. 47.)

29. Mydisagreement isbased on myreading of the Statute of theCourt,
where it is provided that the only condition necessary tomake operative a
declaration acceptingthejurisdiction of the Court under Article 36,para-
graph 2, of the Statute, is, in accordance with paragraph 4 of the same
Article, the deposit of the declaration with the Secretary-General of the
United Nations. The consent of a Stateto be bound by the international
obligations assumed under a treaty,should be giveninaccordance with the
procedure laid down in the treaty. The conduct of a State is an important
element in the interpretation of a convention,includingthe Statute, which
the Court has taken into account in previous paragraphs, but it is a totally
different matter to regard this conduct as constituting acceptance of the
international obligations set out in a treaty, without following the proce-

dure laid down precisely for the entry into force of these obligations.
30. 1 agree with the Court that the situation of Nicaragua is wholly
unique, among the Statesbound by the Optional Clause, but this unique-
ness does not justify taking the conduct of this State as a basis for con-
sidering Nicaragua as acceptingthe compulsoryjurisdiction of the Court
under Article 36, paragraph 2, of the present Statute, independently of
Article 36, paragraph 5, for the reasons 1have just explained.
31. Moreover, 1disagreewith theCourt's affirmation that thereports of
the Secretary-General, as depositary of the declarations, and that the
International Court of Justice Yearbooks have affirmed that Nicaragua
had accomplished the formality of deposit, if 1have correctly interpreted
the Court's statement in paragraph 46.
32. In the publication of the Secretary-Generalconcerning Multilateral
Treaties Deposited with the Secretaty-General, Nicaragua's acceptance is
included under subtitle (b) :

"Declarations made under Article 36,paragraph 2,of the Statute of
the Permanent Courtof International Justice,which are deemed to be
acceptances of the compulsoryjurisdiction of the InternationalCourt
of Justice." (Emphasisadded ; Multilateral Treatiesdeposited withthe
Secretary-General.Status as ut 31 December 1982, p. 24.)

33. In the International Court of Justice Yearbook 1946-1947,Nicara-
gua'sdeclaration isincludedamong"Communicationsanddeclarations of
States which are still bound by their adherence to the Optional Clause of
the Statute of the Permanent Court of International Justice" (p. 207) and
the country is included in the [La Cour] s'estimedonc fondée à admettre que, compte tenu de
l'origine et de la généralitédes affirmationsselon lesquelles le Nica-
ragua étaitliépar sa déclarationde 1929,l'acquiescement constant de
cetEtat àcesaffirmationsconstitueun modevalable de manifestation
de sa volontéde reconnaître la compétenceobligatoire de la Cour au

titre de l'article 36, paragraphe 2, du Statut,et qu'en conséquencele
Nicaragua est, vis-à-visdes Etats-Unis, un Etat acceptant ((la même
obligation ))au sens de cet article. ))(Par. 47.)
29. Sije suis ici en désaccord,c'est à cause de mon interprétation du

Statut dela Cour,qui spécifieque laseulecondition nécessairepour rendre
applicableune déclaration faite dans lecadre del'article 36,paragraphe 2,
est,selonleparagraphe 4du mêmearticle,le dépôtdela déclarationauprès
du Secrétaire général desNations Unies. En effet, le consentement des
Etats à êtreliéspar lesobligationsinternationales résultant d'un traité doit
êtredonné de façon conforme à la procédure prévuedans le traité. La
conduite des Etats est, certes,un élémentimportant dans l'interprétation
des conventions,et la Cour le montre dans les paragraphes précédentsde

son arrêt,mais c'est chose toute différente de considérerque ce compor-
tement peut entraîner l'acceptation des obligationsinternationales énon-
céesdans un traité sans que soit respectéela procédure expressément
prévuepour l'entréeen vigueur de ces obligations.
30. Je concèdeque la situation du Nicaragua est tout à fait unique par
rapport à celledesautres Etats liéspar la clausefacultative. Mais, pour les
raisons queje viens dedire,celanejustifie pas que l'on prenne la conduite
de cet Etat comme base pour considérer que le Nicaragua a acceptéla

juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36,paragraphe 2,du
Statut actuel.
31. De plus, je suis en désaccord avec l'affirmation de la Cour selon
laquelle, si j'ai bien compris ce qui est dit au paragraphe 46 de l'arrêt,
les rapports du Secrétaire général, dépositaire des déclarations, etles
Annuairesde la Cour confirmeraient l'accomplissement, par leNicaragua,
de la formalitédu dépôt.
32. Dans la publication des Nations Unies intitulée Traités multilaté-

raux déposés auprèd su Secrétairegénéral,l'acceptation du Nicaragua
figure dans une section b) intituléecomme suit :
<(Déclarationsfaitesconformémentau paragraphe 2 de l'article 36

du Statut de la Courpermanente deJustice internationale,et réputées
valoir acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour internatio-
nale de Justice. ))(Traitésmultilatérauxdéposés auprèdsu Secrétaire
général - Etat au 31 décembre1982,p. 25. Lesitaliques sont de moi.)

33. Dans l'Annuaire1946-1947de la Cour,la déclaration du Nicaragua
était reproduite parmi les ((Communications et déclarations des Etats
Membres des Nations Unies qui sont encore liéspar leur adhésion à la
Dispositionfacultative de laCour permanente de Justice internationale ))
(p. 203), et le Nicaragua était inscrit dans la : "List of States which have recognized the compulsoryjurisdiction
of the International Court of Justice or which are still bound by their
acceptance of the Optional Clause of the Statute of the Permanent

Court of International Justice (Article 36 of the Statute of the Inter-
national Court of Justice)." (P. 221 .)
34. The sametitle isreproducedinthe Yearbook1947-1948(p. 133).The
parenthesis is deleted in the Yearbook1955-1956(p. 188).The last Year-
book 1982-1983includesNicaragua in a list of "Declarations recognizing
as compulsorythejurisdiction of the Court" ;it is stated, before the texts
of the Declarations :

"In viewof theprovisions of Article 36,paragraph 5,of the Statute
of the International Court of Justice,thepresent sectionalso contains
the texts of Declarations made under the Statute of the Permanent
Court of International Justice which have not lapsed or been with-
drawn. There are now eight such declarations." (Emphasis added in
the original text, p. 56.)

35. In my reading of these officia1publications, what Nicaragua has
acquiesced in is to be consideredbound by the Optional Clause,in accor-
dance with the interpretation and application given by these organs of the
United Nations to Article 36,paragraph 5,of the Statute of the Court,and
not to be bound directly under Article 36,paragraph 2, as has been found
by the Court.

(Signed) J. M. RUDA. (Liste des Etats qui ont reconnu comme obligatoirelajuridiction
de la Cour internationale de Justice ou qui sont encore liéspar leur
adhésion àla Dispositionfacultativedu Statut dela Courpermanente
de Justice internationale (article36 du Statut de la Cour internatio-
nale de Justice). )(P. 217.)

34. Le mêmetitre apparaissait dans l'Annuaire1947-1948(p. 127).La
parenthèse était suppriméedans l'Annuaire 1955-1956 (p. 182).Quant à
l'Annuaire1982-1983,dernier volume en date de la série,ilplacela décla-
ration du Nicaragua parmi les ((Déclarationsd'acceptation de lajuridic-
tion obligatoire de la Cour ))devant lesquelles on trouve l'observation
suivante :

En application de l'article36,paragraphe 5, du Statut dela Cour
internationale deJustice, laprésentesection contient aussile textedes
déclarationsfaitesen application du Statut de la Courpermanente qui
ne sont pas devenues caduques ou n'ont pas étéretirées.Elles sont

actuellement au nombre de huit. (En italiques dans l'original ;
p. 58.)
35. Selon cespublications officiellestellesqueje lescomprends, ce que
le Nicaragua a accepté est d'être réputé liépar la clause facultative, con-

formément àl'interprétation età l'application del'article36,paragraphe 5,
du Statut par ces organes des Nations Unies, et non pas d'êtreliédirec-
tement par l'article 36, paragraphe 2, comme le dit la Cour.

(Signé)J. M. RUDA.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Ruda (traduction)

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