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CR 2004/2 (traduction)

CR 2004/2 (translation)

Mardi 23 fØvrier 2004 à 15 heures

Monday 23 February 2004 at 3 p.m.14 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. La sØance est ouverte. La Cour se rØunit cet

aprŁs-midi pour entendre les intervenants suivants au sujet de la question soumise à la Cour:

Afrique du Sud, AlgØrie, Arabie saoudite et Ba ngladesh. Je donne donc maintenant la parole à

S. Exc. Aziz Pahad, vice-ministre des affaires ØtrangŁres d’Afrique du Sud.

M. PAHAD: Madame et Messieurs les j uges, le Gouvernement de la RØpublique

sud-africaine considŁre qu’il existe, à son humbl e avis, des raisons dØcisives pour que la Cour

rende un avis consultatif ainsi que l’AssemblØegØnØrale des NationsUnies le lui a demandØ le

8dØcembre 2003. Nous rØaffirmons ce que nous avons dØjà dit dans notre exposØ Øcrit, à savoir

qu’il ne fait aucun doute que la Cour a compØtence pour connaître de cette affaire.

Nous estimons que ce qui est en jeu, c’est la vie de tous les habitants du Moyen-Orient, et

particuliŁrement des Palestiniens et des IsraØlie ns, comme l’a dØmontrØ l’ attentat-suicide commis

hier encore à JØrusalem, que nous condamnons.

Cet incident souligne l’urgence de ces audi ences. La dØcision par laquelle la Cour

confirmerait sa compØtence signalerait clairement aux Palestiniens et aux Isr aØliens qu’ils doivent

redoubler d’efforts pour parvenir à la paix, dans l’intØrŒt des deux peuples.

Madame et Messieurs les juges, la questi on des consØquences juridiques dØcoulant de la

construction du mur de sØparation n’est pas de celles dont cette Cour peut se dØsintØresser. Le mur

de sØparation n’est pas un mur de sØcuritØ. C’est un mur destinØ à imposer l’occupation, un mur

qui sØpare des centaines de milliers de Palestiniens de leurs familles, de leurs foyers, de leurs terres

et de leurs sites religieux.

Nous estimons que la Cour doit traiter du fond de cette affaire, si difficile ou compliquØ que

cela puisse Œtre.

L’Afrique du Sud, qui fut autrefois l’objet d’ une dØcision de la Cour, cØlŁbre en ce moment

mŒme dix ans de dØmocratie. AprŁs des siŁcles de division et de conflits, les Sud-Africains ont

trouvØ la volontØ politique d’Ødifier une soci ØtØ dØmocratique nouvelle, sur la base de la

rØconciliation et de la coexistence pacifique. Le fait que la Cour ait eu le courage de se prononcer

sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en

Namibie a contribuØ à l’avŁnement de la dØmocratie dans notre rØgion. - 2 -

Nous avons pleinement compris alors, comme nous le faisons maintenant, qu’il ne pouvait y

avoir de solution militaire à des problŁmes politiques fondamentaux.

15 Aussi l’Afrique du Sud est-elle attachØe à une solution fondØe sur l’existence de deux Etats :

l’Etat d’Israºl dans des frontiŁres sßres et un Etat palestinien viable dans des frontiŁres Øgalement

sßres. Le mur de sØparation est incompatible avec le processus de paix envisagØ dans la feuille de

route car il exclut la solution des deux Etats. Comme S. S. le pape Jean-Paul II l’a dØclarØ de façon

si Øloquente, le Moyen-Orient a besoin de ponts et non de murs.

Madame et Messieurs les juges, la Cour pourra , si elle rend l’avis consultatif demandØ par

l’AssemblØegØnØrale, jouer un rôle fondament al, en concourant de façon apprØciable à

l’instauration durable de la paix et de la sØcuritØ au Moyen-Orient, et mŒme dans le monde entier.

J’ai l’honneur de vous prØsenter M.Madla nga, Senior Counsel, et son Øquipe juridique

 Mme de Wet, Mme Lujiza et M. Stemmet , qui complŁteront notre exposØ.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur le ministre. Je donne à prØsent la parole à M. Madlanga.

M. MADLANGA : Merci, Monsieur le prØsident. Madame et Messieurs de la Cour.

I. ITRODUCTION

1. C’est un honneur pour nous que de plaider devant vous aujourd’hui au sujet de cette

question trŁs importante de l’histoire du conflit is raØlo-palestinien et nous voulons croire que nos

conclusions prØsenteront une certaine utilitØ pour les dØcisions à adopter.

2. Je tiens d’emblØe à prØciser que nos pl aidoiries diffŁrent quelque peu de notre exposØ

Øcrit, du fait que certains Etats se sont avant tout intØressØs à la question de la compØtence.

3. Nous avons alors jugØ nØcessaire de nous Øtendre considØrablement sur cette question

dans notre exposØ Øcrit. Cela dit, je me permet s de prØsenter la maniŁre dont notre plaidoirie va

s’articuler : nous allons commencer par examiner de prŁs les objections à la compØtence de la Cour

formulØes par d’autres, puis nous indiquerons l es raisons pour lesquelles la Cour a compØtence

pour rendre un avis consultatif. Si nous en avons le temps, nous aborderons les questions de fond. - 3 -

4. Au cas oø nous n’en aurions pas le temp s, je tiens dŁs maintenant à souligner que

l’Afrique du Sud appuie fermement les conclusions qui ont ØtØ d’ores et dØjà formulØes sur le fond.

L’Afrique du Sud appuie fermement aussi les exemples produits par les reprØsentants de la

Palestine à l’appui de leur argumentation sur le fond.

16 5. En fait, ces conclusions et cette argumenta tion sur le fond font apparaître trŁs clairement

quel est l’effet du mur de sØparation  effet abominable sur la vie des personnes qui se traduit

donc par la violation des rŁgles du droit international, effet et violation qui ont gravement portØ

atteinte au peuple palestinien.

6. Affirmer que la Cour n’a pas compØtence en l’espŁce, ou qu’elle doit exercer son pouvoir

d’apprØciation pour dØcider de ne pas procØder à l’ examen au fond, Øquivaut à demander à la Cour

de se condamner elle-mŒme à l’impuissance et de compromettre le rôle mŒme que lui confŁre la

Charte. Si ces arguments infondØs sont retenus, la Cour laissera passer cette occasion unique qui se

prØsente à un moment crucial de son histoire de re mplir le rôle et l’obligation essentiels dont elle

est tenue: dispenser des avis sur des questions de droit international relevant directement de sa

compØtence. Si la Cour refuse d’intervenir su r cette question dØlicate, l’intØrŒt mŒme de sa

prØsence risque d’Œtre remis en cause à un moment oø de fortes pressions s’exercent sur le systŁme

des Nations Unies.

J’aborde à prØsent le premier des deux points que j’ai annoncØs, à savoir la question de la

compØtence.

II. LA COMPETENCE DE LA C OUR

7. Tous ceux qui contestent la compØtence de la Cour ont fait valoir que la Cour a le pouvoir

discrØtionnaire de dØcider de donner ou non suite à une demande d’avis cons ultatif. Le fait est

indØniable puisque, aux termes mŒmes du paragraphe 1 de l’article 65, la Cour peut donner un avis

consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui,

conformØment à la Charte des Nations Unies, sollicite cet avis.

8. A cet Øgard, il y a lieu de noter la positi on adoptØe par la Cour en l’affaire relative à

l’Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première

phase, avis consultatif (C.I.J. Recueil 1950 , p.72). Le pouvoir d’apprØciation existe donc sans - 4 -

aucun doute. Toutefois, il faut qu’une rØpon se soit donnØe à la question de savoir de quelle

maniŁre la Cour doit exercer ce pouvoir tout en demeurant fidŁle aux exigences liØes à son

caractŁre judiciaire.

9. Pour rØpondre à cette question, il est utile de rappeler ce que la Cour pense elle-mŒme à ce

sujet et d’en tirer des enseignements. Ce qui ressort essentiellement des rØflexions de la Cour

quand celle-ci, par le passØ, s’est demandØ comment elle devait exercer sa compØtence, c’est que la

Cour, par principe, ne doit pas refuser de donner un avis consultatif. C’est ce qu’elle a dit en

l’affaire relative à l’Interprétation des traités de paix. La Cour a dØclarØ en effet :

17 «[L]a Cour a toujours ØtØ consciente de ses responsabilitØs en tant qu’«organe
judiciaire principal des Nations Unies»… Lo rs de l’examen de chaque demande, elle

garde à l’esprit qu’elle ne devrait pas, en principe, refuser de donner un avis
consultatif. ConformØment à sa jurisprudence constante, seules des «raisons
dØcisives» pourraient l’y inciter.» ( Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 235, par. 140.)

10. La Cour dØclare ensuite que, de toute s on histoire, elle n’a jamais, en exerçant son

pouvoir discrØtionnaire, refusØ de donner suite à une de mande d’avis consultatif. En fait, elle n’a

jamais opposØ de refus à une demande d’avis consultatif quand toutes les autres conditions

nØcessaires à l’exercice de sa compØtence Øtaient rØunies. Bref, la Cour a soutenu fermement

qu’elle ne dØciderait pas à la lØgŁre de refuser de donner un avis consultatif.

11. La question qui se pose alors est de savoir quelles sont les «raisons dØcisives» que la

Cour doit pouvoir invoquer pour refuser de rendre un avis consultatif.

12. On serait tentØ de signaler ici qu’il est peut-Œtre quelque peu difficile de donner des

exemples de ces raisons «dØcisives» prØcisØment parce que la Cour n’a jamais refusØ d’exercer son

pouvoir discrØtionnaire en invoquant ce motif. No nobstant cette rØalitØ, l’enseignement positif à

retenir est que ce fait souligne ce que la Cour a rØpØtØ à maintes reprises, à savoir qu’elle ne

refusera pas à la lØgŁre, ni facilement, d’exercer cette compØtence.

13. L’une des principales raisons avancØes par ceux qui contestent sa compØtence est que

l’opportunitØ judiciaire (judicial propriety) fait dØfaut à la Cour si elle fait droit à la demande

d’avis consultatif. Cette position semble Œtre fondØe sur plusieurs motifs, notamment les suivants :

 Israºl n’a pas donnØ son consentement à la compØtence de la Cour;

 la question a trait à un diffØrend de fond entre les parties; - 5 -

 il s’agit d’une question d’ordre politique et non juridique;

 par sa nature, la requŒte ne serait pas du ressort de la Cour;

 il est tenu pour acquis qu’un avis sur la question, qu el qu’il soit, ne servira aucune fin et fera

obstacle au rŁglement du conflit;

 la Cour n’est pas saisie d’assez de faits car Israºl s’abstient de participer à la procØdure orale.

14. Le terme «propriety» [traduit par «opportunitØ»] est dØfini comme le fait de se conformer

aux normes de conduite ou à la morale, co mme correspondant aux dØtails ou rŁgles du

comportement gØnØralement acceptØs, à la «convena nce» ou à la «pertinence». Compte tenu des

raisons exposØes ci-aprŁs, nous concluons immØdiat ement que, sans aucun doute, il est juste et

conforme à sa fonction que la Cour rende un avis consultatif en l’espŁce. Si l’on apprØcie l’un

18 aprŁs l’autre les arguments militant contre la compØtence de la Cour, la seule conclusion logique

qui s’impose est que la Cour est incontestablement compØtente pour rendre un avis consultatif en

l’espŁce. Nous allons à prØsent examiner individuellement certains de ces arguments.

i) L’absence du consentement d’Israël à la compétence de la Cour

15. En sa qualitØ de Membre de l’Organisati on des NationsUnies, un Etat, en l’occurrence

Israºl, accepte qu’il soit possible que l’AssemblØe gØnØrale demande à la Cour de donner un avis

consultatif sur une question juridique, conformØment aux dispositions pertinentes de la Charte et du

Statut de la Cour.

16. En l’affaire de la Namibie, la Cour a soulignØ le principe ci-dessus en dØclarant que

«[l]’Afrique du Sud est liØe, comme Membre des Nati ons Unies, par l’article96 de la Charte qui

autorise le Conseil de sØcuritØ à demander un av is consultatif sur toute question juridique»

(Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie

(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseil de sécu rité, avis consultatif,

C.I.J. Recueil 1971, p. 23, par. 31).

17. Certains Etats, dans leur exposØ Øcrit ou da ns leurs conclusions, ont citØ l’affaire de la

Carélie orientale pour soutenir qu’«aucun Etat ne saurait Œtre obligØ de soumettre ses diffØrends

avec les autres Etats soit à la mØdiation, soit à l’ arbitrage, soit enfin à n’importe quel procØdØ de

solution pacifique, sans son consentement» ( Statut de la Carélie orientale, C.P.J.I.Recueil1923, - 6 -

o
série B n 5, p. 27). Toutefois, il y a lieu d’Øtablir une distinction entre cette affaire et la prØsente

espŁce, car, en adhØrant à la Charte, les Etats Membres de l’Organisation des NationsUnies ont

tous acceptØ que les organes de l’ONU soient habilitØs à demander à la Cour des avis consultatifs.

18. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 1 de l’article 65 du St atut de la Cour, «[l]a Cour

peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou

institution qui aura ØtØ autorisØ par la Charte des Nations Unies ou conformØment à ses dispositions

à demander cet avis.»

19. Le paragraphe1 de l’ar ticle96 de la Charte des NationsUnies dispose: «L’AssemblØe

gØnØrale ou le Conseil de sØcur itØ peut demander à la Cour inte rnationale de Justice un avis

consultatif sur toute question juridique.»

20. Ces deux dispositions fondent la compØten ce de l’AssemblØe gØnØrale pour adresser à la

Cour une demande d’avis consu ltatif ainsi que la compØtence de la Cour pour rendre l’avis

19 demandØ sur toute question juridique. Grâce à la prØsence du terme «toute» dans les deux articles,

la compØtence de la Cour est trŁs Øtendue, la limite mise à sa portØe Øtant que la question en jeu soit

d’ordre juridique.

21. L’avis consultatif a ØtØ demandØ par l’A ssemblØe gØnØrale au titre du paragraphe1 de

l’article 96 de la Charte des Nations Unies. Ce tte disposition ne fait pas obligation à l’AssemblØe

gØnØrale d’obtenir le consentement d’une partie, quelle qu’elle soit, avant de demander à la Cour de

rendre un avis consultatif.

22. En l’affaire du Sahara occidental (C.I.J. Recueil 1975), la Cour a affirmØ que sa

compØtence pour donner un avis ne dØpendait pas du consentement des Etats intØressØs, mŒme si

l’affaire concernait une question juridique pendante entre eux. Mais la Cour refuserait de rendre un

avis lorsque les circonstances feraient apparaître que rØpondre à la demande d’avis aurait pour effet

de dØroger au principe selon lequel un Etat ne saurait Œtre obligØ de soumettre ses diffØrends au

rŁglement judiciaire sans son consentement.

23. L’absence de consentement de la part d’ un Etat, quel qu’il soit, au prononcØ d’un avis

consultatif n’a aucune incidence sur la compØtence de la Cour pour rendre l’avis demandØ. Comme

le dit la Cour dans son avis consultatif sur l’ Applicabilité de la section22 de l’articleVI de la

convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies : - 7 -

«La compØtence qu’a la Cour…pour donner des avis consultatifs sur des
questions juridiques permet à des entitØs d es Nations Unies de demander conseil à la
Cour afin de mener leurs activitØs conformØment au droit. Ces avis sont consultatifs,

non obligatoires. Ces avis étant destinés à éclairer l’Organisation des Nations Unies,
le consentement des Etats ne conditionne pas la compétence de la Cour pour les
donner.» (C.I.J. Recueil 1989, p. 188-189, par. 31; les italiques sont de nous.)

24. Des vues analogues ont ØtØ exprimØes en l’affaire, plus ancienne, de l’ Interprétation des

traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (C.I.J. Recueil 1950, p. 71).

Une distinction nette a toujours ØtØ maintenue entr e les procØdures contentieuses et les procØdures

consultatives. En l’affaire de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , la Cour

est allØe encore plus loin : «[I]l n’appartient pas à la Cour de prØtendre dØcider si l’AssemblØe a ou

non besoin d’un avis consultatif pour s’acquitte r de ses fonctions. L’AssemblØe gØnØrale est

habilitØe à dØcider elle-mŒme de l’utilitØ d’un avis au regard de ses besoins propres.» (Licéité de la

menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J Recueil 1996 (I), p. 237, par. 16.)

25. En outre, en l’affaire de l’Interprétation des traités de paix, la Cour a dit :

«Il en rØsulte qu’aucun Etat n’a qua litØ pour empŒcher que soit donnØ suite à
une demande d’avis dont les Nations Unies, pour s’Øclairer dans leur action propre,
20 auraient reconnu l’opportunitØ. L’avis est donnØ par la Cour non aux Etats, mais à

l’organe habilitØ pour le lui demander; la rØponse constitue une participation de la
Cour, elle-mŒme «organe des Nations Unies», à l’action de l’Organisation et, en
principe, elle ne devrait pas Œtre refusØe.» (Interprétation des traités de paix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, C.I.J. Recueil 1950.)

A notre avis, cet argument, avancØ par ceux qui contestent la compØtence de la Cour, est totalement

dØplacØ parce qu’il vise à faire intervenir l’article 36, relatif à la compØtence de la Cour, dans un

cas de figure oø il ne s’applique pas du tout.

ii) La question posée à la Cour a trait à un différend de fond qui est pendant entre les
parties

26. La Cour a reconnu qu’il y a de fortes ch ances pour qu’une demande d’avis consultatif

recouvre une controverse sous-jacente ayant condui t les NationsUnies à formuler cette demande.

Dans l’affaire relative aux Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de

l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain ) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil

de sécurité , la Cour a logiquement fait remarquer que «[p]resque toutes les procØdures - 8 -

consultatives ont ØtØ marquØes par des divergences de vues entre Etats sur des points de droit; si les

opinions des Etats concordaient, il serait in utile de demander l’avis de la Cour»

(C.I.J. Recueil 1971, p. 24, par. 34).

27. Comme la Cour l’a indiquØ dans l’avis c onsultatif qu’elle a rendu en 1973 en l’affaire de

la Demande de réformation du jugement n °158 du Tribunal administratif des NationsUnies :

«[l’]existence, en arriŁre-plan, d’un diffØrend et de parties que l’avis de la Cour peut affecter ne

modifie cependant pas le caractŁre consultatif de la foncti on de la Cour, consistant à rØpondre aux

questions qui lui sont posØes…» (C.I.J. Recueil 1973, p. 171, par. 14; les italiques sont de nous).

28. Dans l’affaire relative à l’ Interprétation des traités de pai x conclus avec la Bulgarie, la

Hongrie et la Roumanie (C.I.J. Recueil 1950, p.71), la Cour a estimØ qu’un Etat ne pouvait pas

l’empŒcher de donner un avis consultatif «alors mŒ me que la demande d’avis a trait à une question

juridique … pendante entre Etats».

29. S’appuyant sur l’affaire susmentionnØe, la Cour, dans l’affaire du Sahara occidental

(C.I.J. Recueil 1975), a rØaffirmØ ce principe et rejetØ la thŁse soutenue par l’Espagne selon

laquelle la Cour ne devait pas rendre un avis consultatif parce que cela reviendrait à donner un avis

sur ce qui en fait constituait l’objet d’un différend entre l’Espagne et d’autres Etats.

21 30. La question juridique posØe à la Cour dans la prØsente espŁce est analogue à celle à

laquelle elle a eu à rØ pondre dans l’affaire du Sahara occidental, en ce qu’elle «se situe[] dans un

cadre plus large que celui du rŁglement d’un diffØrend particulier et englobe[] d’autres

ØlØments…ces ØlØments ne visent pas seulement le passØ mais concernent aussi le prØsent et

l’avenir» (C.I.J. Recueil 1975, p. 26, par. 38).

31. En l’espŁce, l’AssemblØe gØnØrale a dema ndØ un avis consultatif sur les consØquences

juridiques qui dØcoulent du recours à une mesure prØsentant un caractŁre sui generis. Il Øtait donc

fondØ et appropriØ de la part de l’AssemblØe gØnØ rale de demander un tel avis car le recours à une

telle mesure est une question qui intØresse la co mmunautØ internationale et, cette mesure Øtant

unique en son genre, il y a lieu d’en Øtablir les consØquences juridiques au regard du droit

international. - 9 -

iii) Il s’agit d’une question politique et non juridique

32. Il a ØtØ avancØ que la question posØe à la Cour n’est pas d’ordre juridique parce que son

sens ne peut Œtre Øtabli de maniŁre raisonnablemen t certaine, parce qu’elle postule implicitement

l’illicØitØ et parce qu’elle ne prØcise pas à l’Øgard de qui se produiront les consØquences juridiques.

33. Certains ont affirmØ que la question posØe à la Cour pouvait avoir deux significations,

soit que la Cour doive commencer par dire que l’ Ødification du mur de sØparation est illicite avant

d’en tirer les consØquences, soit, subsidiairem ent ou cumulativement, qu’elle doive prØsumer

l’illicØitØ avant d’examiner la ques tion. A cet Øgard, on tente d’ Øtablir une distinction entre la

prØsente affaire et l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence

continue de l’Afrique du Sud en Namibie , dans laquelle le caractŁre illicite de cette prØsence avait

dØjà ØtØ Øtabli par la rØsolution 276 (1970) du Conseil de sØcuritØ.

34. Nous estimons que cette interprØtation de la question posØe à la Cour est des plus

artificielle. En premier lieu, elle ne tient p as compte du fait que la rØsolution par laquelle

l’AssemblØe gØnØrale a saisi la Cour dØclare que la construction du mur de sØparation est «contraire

aux dispositions pertinentes du droit international» (rØsolution ES-10/13). En second lieu, elle part

du principe que la Cour ne peut intervenir qu’au second stade d’un processus en deux temps qui

exigerait qu’un autre organe, le Conseil de sØcur itØ, Øtablisse tout d’abord le caractŁre illicite des

actions des Etats Membres. C’est là dØnier à la Cour, principal organe judiciaire de l’Organisation

des Nations Unies, la possibilitØ d’interprØter les questions de droit qui lui sont soumises.

22 35. Un autre point a ØtØ ØvoquØ, à savoir le fa it qu’à la diffØrence de la question posØe à la

Cour dans l’affaire de la Namibie, oø l’interrogation portait sur les consØquences juridiques pour

les Etats, la question posØe en l’espŁce ne contient au cune prØcision de cette sorte. Je considŁre,

quant à moi, que cela n’a rien d’inhabituel.

36. Tant le paragraphe 1 de l’ article 96 de la Charte que le paragraphe 1 de l’article65 du

Statut de la Cour dØfinissent les questions juridiques à poser à la Cour sans les assortir d’aucune

condition et dans les termes les plus larges possible. On ne trouve nulle part de prescriptions

concernant l’expression «toute question juridique» utilisØe à ce propos, et de telles prescriptions ne

pourraient que porter atteinte à la compØtence conf ØrØe à la Cour par la Charte et par son propre

Statut. Une telle approche n’est pas fondØe juridi quement et ne ferait que rendre la Cour otage de - 10 -

la terminologie, lui refusant la possibilitØ de jouer le rôle qui lui revient, ce rôle Øtant, comme elle

l’a elle-mŒme prØcisØ dans l’affaire du Détroit de Corfou , «d’assurer l’intØgritØ du droit

international» (Détroit de Corfou, fond, C.I.J. Recueil 1949, p. 35).

37. Quant à l’interprØtation à donner à la qu estion posØe, nous estimons que sa signification

ne prØsente, dans le contexte, aucune ambiguïtØ : la Cour est priØe de se prononcer sur les

consØquences juridiques à tirer, en droit internati onal, d’une situation de fait prØcise, à savoir la

construction du mur de sØparation par Israºl. Ces consØquences doivent Œtre Øtablies au regard des

rŁgles applicables et des principes de droit inte rnational, notamment la quatriŁme convention de

GenŁve de 1949 et les rØsolutions pertinentes du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale. Il

faut noter que la situation de fait, à savoir laconstruction du mur de sØpar ation que mentionne la

question, est sans prØcØdent. Elle soulŁve nØcessairement en droit plusieurs points et incertitudes à

l’Øgard desquels l’AssemblØe gØnØrale pourrait avoir besoin de l’avis de la Cour.

38. On a Øgalement soutenu qu’en raison de la nature prØtendument «politique» de la

question soumise à la Cour, celle-ci devrait Œtre rØsolue par la voie d’un processus politique plutôt

que par le biais d’un avis consultatif de la C our. C’est donner à entendre que la Cour n’est pas

capable de traiter les questions ayant une colora tion politique. La Cour a dØjà dØniØ avec force

toute validitØ à cet argument. Dans l’affaire relative à la Licéité de la menace ou de l’emploi

d’armes nucléaires, la Cour a dØclarØ :

«Que cette question revŒte par ailleur s des aspects politiques, comme c’est, par
la nature des choses, le cas de bon nombre de questions qui viennent à se poser dans la
vie internationale, ne suffit pas à la priver de son caractŁre de «question juridique» et à
«enlever à la Cour une compØtence qui lui est expressØment confØrØe par son Statut».»

(Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J.Recueil1996(I) ,
p. 234, par. 13.)

23
iv) L’Assemblée générale aurait outrepassé sa compétence

39. Nous estimons que M.Crawford a eu t out à fait raison de dire que la Cour est

incontestablement compØtente pour connaître de la question qui lui est soumise, et que l’AssemblØe

gØnØrale l’Øtait Øgalement tout aussi incontestablement pour saisir la Cour à ce sujet d’une demande

d’avis consultatif. Certains ont affirmØ que la demande d’avis consultatif excØdait les pouvoirs de

la dixiŁme session extraordinaire d’urgence de l’AssemblØe gØnØrale, dont est issue la - 11 -

rØsolution ES-10/14. Ils fondent notamment leur a ffirmation sur le fait que la rØsolution «L’union

pour le maintien de la paix», conformØment à la quelle la dixiŁme session extraordinaire d’urgence

a ØtØ convoquØe, prØvoit que seules peuvent Œt re examinØes les questions immØdiatement

concernØes, alors que la session est en cours depuis1997 et qu’elle a aussi ØtØ convoquØe pour

s’occuper de la question des colonies de peuplemen t israØliennes. Le raisonnement qu’ils tiennent

ensuite est que le Conseil de sØ curitØ est seul mandatØ pour s’occ uper des domaines qui lui ont ØtØ

assignØs au chapitreVI de la Charte, c’est-à-dire du rŁglement pacifique des diffØrends. Ainsi,

disent-ils, la question dont il s’agit relŁve de sa co mpØtence, à l’exclusion de celle de l’AssemblØe

gØnØrale.

40. On a prØtendu en outre à ce propos que mŒme si l’AssemblØe gØnØrale avait ØtØ

convoquØe en session ordinaire, elle n’aurait pas Øt Ø compØtente pour adopter la demande d’avis

consultatif, au motif que les pouvoirs spØciaux du Con seil de sØcuritØ en matiŁre de maintien de la

paix et de la sØcuritØ internationales empŒcher aient l’AssemblØe gØnØrale, qui a à cet Øgard des

pouvoirs gØnØraux, d’agir dans ce domaine.

41. Selon nous, les arguments dØveloppØs sur ce point, que nous ne rØpØterons pas

intØgralement et dont nous ne donnerons pas le dØ tail, tendent à restreindre la compØtence de

l’AssemblØe gØnØrale pour demander des avis consultatifs au point de la rendre nØgligeable, ce qui

est en contradiction avec la large compØtence que le paragraphe1 de l’article96 de la Charte

attribue à ØgalitØ au Conseil de sØcuritØ et à l’AssemblØe gØnØrale. L’Øt endue de la compØtence

qu’a l’AssemblØe gØnØrale pour de mander des avis consultatifs est comparable à celle des autres

compØtences qui lui sont attribuØes par la Charte.

42. On ne saurait non plus soutenir en dro it que les compØtences du Conseil de sØcuritØ au

titre du chapitre VI de la Charte excluent que l’AssemblØe gØnØrale ait compØtence pour demander

un avis consultatif et, partant, que la Cour a it elle-mŒme compØtence pour se prononcer sur une

telle requŒte. Cette interprØtati on s’appuie apparemment sur l’arti cle12 de la Charte qui dispose

que tant que le Conseil de sØcuritØ remplit, à l’Øgard d’un diffØrend ou d’une situation quelconque,

les fonctions qui lui sont attribuØes par la Char te, l’AssemblØe gØnØrale ne doit faire aucune

24 recommandation sur ce diffØrend ou cette situation, à moins que le Conseil de sØcuritØ ne le lui

demande. On a prØtendu que cela valait pour les demandes d’avis consultatif prØsentØes à la Cour. - 12 -

43. Ce raisonnement revient à dire que le Conseil de sØcuritØ est seul compØtent pour saisir la

Cour de questions juridiques ayant trait d’une façon ou d’une autre à la paix et à la sØcuritØ,. Un tel

raisonnement est, selon nous, viciØ à la base et vise à rØduire excessivement le rôle de la Cour

comme organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies.

44. Selon l’opinion de juristes faisant autor itØ, il est clair que l’article12 n’ôte pas à

l’AssemblØe gØnØrale le pouvoir de demander des avis consultatifs sur des questions à l’Øgard

desquelles le Conseil de sØcuritØ remplit ses fonctions :

«L’AssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ peuvent demander des avis
consultatifs directement sur la base du paragraphe 1 de l’article 96. Cette compØtence
Ølargit le champ d’action de chacun des deux organes conformØment aux dispositions
gØnØrales de la Charte concernant la compétence de l’un ou de l’autre .» (B.Simma

(dir. publ.), The Charter of the United Nations: A Commentary , 1995, p.1010.)
[Traduction du Greffe.]

Nous sommes convaincus que les Øm inents membres de la Cour ainsi que son prØsident auront

reconnu l’auteur de cette citation, l’Øminent membre qui siŁge à l’extrØmitØ de la table. La thŁse

suggØrant qu’il existerait une sØparation des pouv oirs empŒchant l’AssemblØe gØnØrale de pouvoir

demander un avis consultatif dans ces conditions est indØfendable. Il est Øgalement attestØ par la

doctrine que le Conseil de sØcuritØ est, à cet Øgard, le responsable principal, et non le seul, ce qui

n’exclut donc pas une compØtence distincte mais co mplØmentaire de l’AssemblØe gØnØrale et de la

Cour (Christine Gray, The Use and Abuse of the International Court of Justice: Cases concerning

the Use of Force after Nicaragua, European Journal of International Law, 2003, p. 871). La Cour

aussi est parvenue à la mŒme conclusion dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des

Etats-Unis à Téhéran :

«Alors que l’article12 de la Charte interdit expressØment à l’AssemblØe
gØnØrale de faire une recommandation au sujet d’un diffØrend ou d’une situation à

l’Øgard desquels le Conseil re mplit ses fonctions, ni la Charte ni le Statut n’apportent
de restriction semblable à l’exercice des fonctions de la Cour.» ( C.I.J. Recueil 1980,
p. 22, par. 40.)

45. S’agissant de l’article12 de la Charte, l’ AssemblØe gØnØrale l’interprŁte de façon trŁs

restrictive, situation que les Etats Membres et le Conseil de sØcuritØ ont acceptØe. Nous citerons

encore une fois l’Øminent membre de la Cour :

25 «L’AssemblØe gØnØrale ne devient pas incompØtente pour traiter du diffØrend ou
de la situation, ni mŒme pour l’Øvaluer, pe ndant que le Conseil de sØcuritØ l’examine.
Dans la pratique de l’Organisation des Nations Unies, le paragraphe1 de l’article12 - 13 -

empŒche seulement l’AssemblØe gØnØrale de faire des recommandations sur ce
diffØrend ou cette situation. Son po uvoir de recommandation ne se trouve pas

rØduit…en ce qui concerne les aspects du diffØrend ou de la situation qui ne se
rapportent pas directement au maintien de la paix ou à la menace qui pŁse sur celle-ci.
Par exemple, l’AssemblØe gØnØrale, ayant s oumis la question de Palestine au Conseil
de sØcuritØ, n’a certainement pas cessØ pour autant de l’examiner ni de faire des

recommandations y affØrentes. Elle a, en fait, continuØ à s’occuper des aspects
politiques, Øconomiques et sociaux, pendant que le Conseil de sØcuritØ s’intØressait
aux aspects militaires et sØcuritaires de la question.» (Simma, op. cit., p.258.)
[Traduction du Greffe.]

46. Etant donnØ la pratique existant de longue date en la matiŁre, il est difficile d’imaginer

que l’application du paragraphe 1 de l’article12 puisse empŒcher l’AssemblØe gØnØrale de

demander, en l’espŁce, un avis consultatif.

v) Hypothèse selon laquelle un avis consultatif n’aura pas d’utilité et sera préjudiciable

à l’aboutissement d’un règlement négocié du conflit

47. En ce qui concerne l’argument consistant à faire valoir que le conflit israØlo-palestinien

est traitØ dans le cadre d’un processus politique, et qu’un avis consultatif sur la question posØe à la

Cour par l’AssemblØe gØnØrale sera sans objet en droit, n’aidera pas l’AssemblØe gØnØrale dans sa

tâche et entravera plus qu’elle ne favorisera la r Øalisation des objectifs de la feuille de route, il

convient de rappeler que la Cour a plusieurs fois rejetØ des objections de cette nature, tant dans

l’affaire du Nicaragua que dans celle de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le

Nigeria (C.I.J. Recueil 1998, p. 275, par. 61). Le fait que, dans la prØsente affaire, le Conseil de

sØcuritØ fasse partie du Quatuor ne change rien, selon nous, au principe ØnoncØ par la Cour dans

l’affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Compétence et recevabil ité, C.I.J. Recueil 1984 , p. 436, par. 98): «La Cour est priØe de se

prononcer sur certains aspects juridiques d’une question qui a ØtØ aussi examinØe par le Conseil, ce

qui est parfaitement conforme à sa situation d’organe judiciaire principal des Nations Unies.»

48. La Cour a, de façon constante, considØrØ que ni le mobile ni le contexte d’une question

n’ont d’incidence sur la question de sa compØtence . Elle a indiquØ à cet Øgard, dans l’affaire

relative à l’ Utilisation des armes nucléaires , «que la nature politique des mobiles qui auraient

inspirØ la requŒte et les implications politiques que pourrait avoir l’avis donnØ sont sans pertinence

au regard de l’Øtablissement de sa compØtence pour donner un tel avis» ( Licéité de l’utilisation des

armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I), par. 17). - 14 -

26 49. La Cour a prØcisØ ensuite que «quelles que soient les conclusions auxquelles elle pourrait

parvenir dans l’avis qu’elle donnerait, ces conclusi ons seraient pertinentes au regard du dØbat qui

se poursuit à l’AssemblØe gØnØrale, et apporteraie nt dans les nØgociations sur la question un

ØlØment supplØmentaire». La Cour a par consØque nt rejetØ comme motif d’incompØtence l’idØe

que cet avis pourrait avoir une incidence nØgative sur les nØgociations en cours.

50. Il convient de souligner le caractŁre hypot hØtique de toute dØclaration selon laquelle un

avis donnØ par la Cour sur la question qui lui est soumise entravera plus qu’il ne favorisera le

processus de la feuille de route. C’est le contrair e qui est vrai : les motifs sur lesquels s’appuie la

requŒte d’avis consultatif adressØe à la Cour par l’AssemblØe gØnØrale sont ØnoncØs dans la

rØsolution ES-10/14 du 12 dØcembre 2003, oø l’AssemblØe se dØclare gravement prØoccupØe par

les effets dØvastateurs que le mur aura sur les perspectives de rŁglement du conflit

israØlo-palestinien et l’Øtablissement de la paix dans la rØgion (seiziŁme alinØa du prØambule).

51. La Cour ne devrait pas se soustraire à ses obligations quand l’occasion lui est offerte de

donner un avis fondØ sur de solides principes juridiques, surtout face à une situation sans prØcØdent

qui prØoccupe le monde entier comme celle qui se prØsente à nous aujourd’hui et à propos de

laquelle nous avons eu des indications claires sur les effets dØsastreux qu’a le mur pour la

population palestinienne.

52. En rendant un avis consultatif, qui ne ser a obligatoire pour aucune des parties, la Cour

jouera un rôle complØmentaire. Cet avis de la Cour peut ainsi servir, selon nous, à faire Øvoluer

dans la bonne direction une situation qui est en train de tourner à la catastrophe.

53. Il faut d’ailleurs se demander comment on peut venir prØtendre ici, compte tenu de ce

que la Cour a rØalisØ dans le passØ, que si elle exerce sa mission d’organe judiciaire principal de

l’Organisation des NationsUnies sur une ques tion aussi prØoccupante pour la communautØ

internationale, l’intervention de la Cour sera prØjudiciable à un processus international de paix, plus

qu’elle ne le favorisera. N’est-ce pas là enco re une tentative pour remettre en question la

pertinence du rôle de la Cour au sein de l’ensemble du systŁme des Nations Unies ? - 15 -

vi) L’insuffisance des faits présentés à la Cour

54. En ce qui concerne l’argument invoquant l’insuffisance des faits prØsentØs à la Cour,

celle-ci doit dØterminer «si [elle] dispose de renseignements et d’ØlØments de preuve suffisants

pour Œtre à mŒme de porter un jugement sur toute question de fait contestØe et qu’il lui faudrait

Øtablir pour se prononcer d’une maniŁre conforme à son caractŁre judiciaire» ( Sahara occidental,

avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 28-29, par. 46).

27 55. Il n’y a pas, en l’espŁce, de points de fait contestØs sur lesquels il faille insister. La Cour

dispose de deux rapports : celui du SecrØtaire gØnØ ral de l’Organisation des Nations Unies et celui

du rapporteur spØcial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de

l’homme dans les territoires pal estiniens occupØs par Israºl. L’existence du mur est un fait

incontestØ qui, au regard des rŁgles et princip es du droit international visØs dans la question

soumise à la Cour, ne peut qu’avoir des consØque nces juridiques sur lesquelles la Cour devrait se

prononcer.

56. Dans l’affaire de la Namibie, le Gouvernement sud-africain avait soutenu que «[l]a Cour

ne pouvant rendre d’avis cons ultatif que sur une question juridique, il paraît douteux qu’elle soit

habilitØe à donner un avis si, pour ce faire, il lui faut aussi procØder à des constatations touchant des

faits primaires» (exposØ Øcrit du Gouvernement de la RØpublique sud-africaine, vol.1, p.143,

par. 45). La Cour a entiŁrement rejetØ cet argument (C.I.J. Recueil 1971, p. 27, par. 40).

57. Par principe, il ne devrait pas Œtre perm is à un Etat membre d’affaiblir la fonction

judiciaire de la Cour en refusant de lui soume ttre des faits qu’il considŁre comme essentiels et de

chercher ensuite à profiter de cette situation en en prenant prØtexte pour contester la compØtence de

la Cour. C’est là, à notre avis, un stratagŁme si simpliste et si transparent qu’il sera immØdiatement

rejetØ par la Cour.

Conclusion

58. A la lumiŁre des arguments qui viennent d’Œtre exposØs, nous affirmons que la Cour est

compØtente pour rendre l’avis consultatif demandØ par l’AssemblØe gØnØrale. La Cour doit rester

fidŁle aux exigences de son caractŁre judiciaire, s’acquitter de ses fonctions d’organe judiciaire

principal des NationsUnies et, ainsi, dissiper l’impression qu’elle pourrait donner de vouloir se

dØrober à ses responsabilitØs judiciaires. - 16 -

IV. R ESUME DES ARGUMENTS SUR LE FOND

59. Nous allons à prØsent, pour autant que nous en ayons le temps, rØcapituler ou rØsumer

nos arguments sur le fond. Nous avons soumis à la Cour un argum entaire dØtaillØ sur le fond dans

notre exposØ Øcrit et il nous suffira de donner un rØsumØ de nos principaux arguments juridiques de

fond concernant les consØquences juridiques de la construction du mur de sØparation.

28 Applicabilité du droit international humanitaire

60. Il ne fait aucun doute que les conventions de GenŁve s’appliquent au conflit armØ

de 1967. Les obligations qu’a Israºl, en tant que puissance occupante, dans le territoire palestinien

sont rØgies par les rŁgles et principes du droit in ternational, du droit international humanitaire et du

droit international relatif aux droits de l’homme. Le cadre gØnØral Øtabli par le droit international

en matiŁre d’occupation, tel qu’il ressort du rŁglem ent de LaHaye de1907 et de la quatriŁme

convention de GenŁve, est applicable au Territoir e palestinien occupØ et à Israºl en tant que

puissance occupante. Israºl est partie aux quatre conventions de GenŁve, et il est largement admis

que le rŁglement de LaHaye de1907 est dØclarat oire du droit internationa l gØnØral, ainsi que l’a

confirmØ la Cour dans son avis consultatif sur les Armes nucléaires. De plus, l’AssemblØe gØnØrale

des NationsUnies a rØaffirmØ, dans sa rØsoluti on56/60 en date du 14fØvrier2002, l’applicabilitØ

au Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem et les autres territoires arabes occupØs, de la

quatriŁme convention de GenŁve re lative à la protection des pers onnes civiles en temps de guerre

en date du 12 aoßt 1949.

L’annexion de facto

61. La construction du mur de sØparation, qui s’Øcarte de la Ligne verte reprØsentant la

frontiŁre vØritable entre Israºl et la Palestine, aura de facto pour consØquence l’annexion de la zone

situØe au-delà de cette ligne et son incorporation à l’intØrieur du territoire d’Israºl. Cette annexion

de facto est une tentative pour crØer sur le terrain d es faits qu’il sera difficile de modifier. Cette

construction non seulement viole plusieurs rØsoluti ons du Conseil de sØcuritØ, mais contrevient

aussi directement à la rŁgle du droit internationa l coutumier interdisant l’acquisition de territoire

par la force ou l’annexion. En droit internati onal, une annexion de ce type est synonyme de

conquŒte, laquelle a ØtØ mise hors la loi par l’in terdiction de l’emploi de la force ØnoncØe au - 17 -

paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte. En outre, la constructi on du mur de sØparation viole l’une

des rŁgles fondamentales du droit international hum anitaire, ØnoncØe à l’article 47 de la quatriŁme

convention de GenŁve, en vertu de laquelle le droit international protŁge pleinement les droits des

personnes vivant dans des territoires occupØs. La puissance occupante, en l’occurrence Israºl, ne

peut pas modifier leur situation juridique, que ce soit par un acte unilatØral ou par l’annexion du

territoire, car elles demeurent des personnes protØgØes.

29
Justification par la légitime défense et la nécessité militaire

62. Le principe de la lØgitime dØfense ne peut pas servir de justification à la construction du

mur de sØparation. Il est bien Øtabli en droit in ternational que le droit de lØgitime dØfense est un

droit temporaire. Or, en l’espŁce, la structur e permanente du mur de sØparation suggŁre le

contraire. Israºl a violØ les pr incipes de nØcessitØ et de proportionnalitØ, indissociables du droit de

lØgitime dØfense reconnu à l’article 51 de la Charte , par la construction du mur de sØparation et les

graves consØquences qu’il entraîne. Ces consØquences sont les restrictions injustifiØes à la libertØ

de circulation, la sØparation des civils de leurs terres agricoles, la destruction de cultures et la

difficultØ d’accØder aux services sociaux essentiels, ai nsi qu’il ressort du rapport prØsentØ par le

SecrØtaire gØnØral en application de la rØsolution ES-10/13 de l’ AssemblØe gØnØrale

(doc.A/ES-10/248, du 3dØcembre2003), dont la Cour est saisie. Ces consØquences sont

totalement disproportionnØes et ne rØpondent à auc une nØcessitØ, si l’on garde à l’esprit que la

dØfense israØlienne est essentiellement censØe pare r à des attentats occasionnels et sporadiques

commis à chaque fois par une personne agissant seule.

63. Un point de fait qui demande à Œtre examin Ø par la Cour est celui de savoir pourquoi le

mur de sØparation n’est pas construit en territoire israØlien incontesté, s’il est destinØ à protØger, au

titre de la lØgitime dØfense, les citoyens et le te rritoire israØliens. Le tr acØ retenu pour ce mur, qui

passe en territoire occupØ, ne s’explique-t-il pas logiquement par une tentative d’annexion de

facto ? Il est Øvident à notre avis que la rØponse est affirmative.

64. L’argument systØmatiquement avancØ par le Gouvernement israØlien pour justifier la

construction du mur de sØpara tion est que cet ouvrage est nécessaire pour garantir la sØcuritØ

d’Israºl. Le Gouvernement israØlie n soutient que la destruction et la saisie de biens palestiniens, - 18 -

ainsi que la violation des droits de l’homme de la population palestinienne, seraient commandØes

par les nØcessitØs de la guerre, admises par l’artic le23 du rŁglement de LaHaye de1907. A cet

Øgard, la Cour devrait prendre acte de ce que, en l’occurrence, le Gouvernement israØlien s’appuie

pour sa protection sur ce mŒme rŁglement de La Ha ye dont il a toujours soutenu qu’il ne liait pas

Israºl. NØanmoins, nous considØrons que le concep t de «nØcessitØ militaire» n’exonŁre pas un Etat

de son obligation de se conformer au droit intern ational humanitaire. Les conventions de GenŁve

de1949 et leurs protocoles additionnels, conjoint ement avec le rŁglement de LaHaye, concilient

dØjà les contraintes qu’impose le droit rØgi ssant la conduite des hostilitØs et les exigences

humanitaires.

30 65. Le droit d’Israºl à la sØcuritØ n’a jamais ØtØ contestØ, mais ce droit doit s’exercer dans le

cadre des normes reconnues du droit international.

Le droit à l’autodétermination

66. Le mur de sØparation viole deux des principes les plus fondamentaux du droit

international contemporain, à savoir celui de l’inte rdiction de l’acquisition de territoire par la force

et celui du droit à l’autodØtermination.

67. Le droit à l’autodØtermination et le concep t de territoire sont intrinsŁquement liØs. Le

droit du peuple palestinien à l’autodØterminati on est incontestable, il a ØtØ rØaffirmØ par

l’Organisation des NationsUnies à maintes reprises et il est le principe qui sous-tend la solution

des deux Etats.

68. Comme le rapporteur spØcial de la Comm ission des droits de l’homme l’a justement

soulignØ dans son rapport,

«[u]n peuple ne peut exercer son droit à l’ autodØtermination qu’à l’intØrieur d’un
territoire donnØ. L’amputation des territoires palestiniens par la construction du mur

porte gravement atteinte au droit à l’aut odØtermination du peuple palestinien dans la
mesure oø elle rØduit substantiellement la taille du territoire (dØjà petit) sur lequel ce
droit peut Œtre exercØ.»

Violations des droits de l’homme

69. D’autres consØquences du mur de sØparation consistent en de graves atteintes aux

principes reconnus en matiŁre de droits de l’ho mme, tels qu’ils sont consacrØs dans le pacte - 19 -

international relatif aux droits civils et politiqus et le pacte international relatif aux droits

Øconomiques, sociaux et culturels du 16 dØcembre 1966, tous deux ratifiØs par Israºl. La gravitØ de

la situation qui rØsulte, sur le plan des droits de l’homme, de la construc tion du mur de sØparation

est bien documentØe, dans le rapport du SecrØtaire gØnØral comme dans celui du rapporteur spØcial,

que la Cour a en sa possession.

70. L’article 2 du pacte international relatif a ux droits civils et politiques dispose clairement

que

«[l]es Etats parties au prØsent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les
individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compØtence les droits
reconnus dans le prØsent Pacte, sans dis tinction aucune, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion,

d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation».

31 71. Ce sont là des droits universels et inaliØ nables reconnus à tous les membres de la famille

humaine et il est erronØ en droit, et mŒme amoral, de laisser entendre que les habitants du Territoire

palestinien occupØ ne peuvent y prØtendre.

Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs l es Membres de la Cour, nous vous remercions

vivement de nous avoir donnØ la possibilitØ de nous exprimer devant vous.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Madlanga. Je donne à prØsent la parole à

M. Laraba, qui interviendra au nom de l’AlgØrie.

LMAR.ABA:

INTRODUCTION

Thank you, Mr.President. Mr.President, Members of the Court, I have the honour to

present the observations of the People’s Democratic Republic of Algeria on the urgent request by

the General Assembly in its resolution of 18Dece mber2003 for an advisory opinion on the legal

consequences arising from the construction of the Wall being built by Israel, the Occupying Power,

in the Occupied Palestinian Territory.

I do not intend to reiterate certain factual point s pertaining to the construction of the Wall.

The report of the United Nations Secretary-Gene ral of 24November2003 is sufficiently eloquent

in this regard. In addition, a number of statements, especially this morning, have described in great - 20 -

detail the process of construction of the Wall and the disruptive impact it has already had on the

Palestinian population living in the region where it is being built. I shall simply make a few brief

remarks before turning to the substance of my statement:

 History will record that it was on 14 April 2002 th at the Israeli Government took the decision

of principle to build a wall. It should also be borne in mind, however, that the idea of building

a separation wall dates back to the mid-1990s. It was first contemplated in 1995 or

thereabouts. This reminder is important because it prompts or demands a measure of

circumspection in analysing the argument th at the building of the Wall was essentially

motivated by operations carried out by the Palestinians.

32  The Wall is supposed to be temporary. But this is highly unlikely. In fact, there is every

reason to believe that it has been built to last, on the assumption that what is built will remain.

It consists, as we know, of a system of fences, barriers, walls and enclaves that launch a frontal

attack on the unity of the territory of Palestine.

 The Wall is really only one aspect of a far more elaborate operation. It is an illustration—

perhaps the most spectacular one since it introduces the most far-reaching changes

since 1967 — of an overarching political and legal pr oject aimed at shattering the continuity of

the territory of Palestine.

 The two main consequences that ensue are as follows:

(a) On the one hand, the slow but sure erosion of the most fundamental rights to protection of

the Palestinian population. According to th e United Nations Office for the Coordination

of Humanitarian Affairs, almost 700,000 Pal estinians are going to suffer as a result of the

construction of the Wall. Once completed, the Wall will encroach on almost 15 per cent

of the Occupied Palestinian Territory. And 270,000 Palestinians will live in closed areas.

(b) On the other hand, the forced immigration of the Palestinian population either directly

deported or indirectly forced to leave because daily life has become intolerable.

Having made these brief comments, which doub tless have a political dimension but also

extremely important political implications, the People’s Democratic Republic of Algeria will

present its views by consideration of the three main issues that were debated in connection with the

request for an advisory opinion: (I) the admiss ibility of the request and the jurisdiction of the - 21 -

International Court of Justice; (II) determinati on of the law to be invoked in assessing the General

Assembly’s request; and (III) the legal consequences of the construction of the Wall specifically in

the light of that law once it has been determined. There are thus three points that follow from each

other in logical sequence.

I. THE QUESTION OF ADMISSIBILITY AND JURISDICTION

I do not wish to expound any further on two poi nts that have already been dealt with at

length. I shall simply address, on the one hand, th e question of the right of the General Assembly

to request an advisory opinion and, on the other, the jurisdiction of the Court to deliver the advisory

opinion requested.

33 I.1. On the right of the General Assembly to request an advisory opinion

It may be felt that the answer to this question is self-evident, since Article 96, paragraph 1, of

the Charter of the United Nations confers this right on the General Assembly. I simply wish to say

that the General Assembly may, pursuant to that paragraph, request an advisory opinion on “any

legal question”. I shall next compare the wording of that paragraph in fine with that of paragraph 2

of the same Article concerning othe r organs of the United Nations or specialized agencies. In the

first case, the General Assembly may request an advisory opinion on any legal question. In the

second case, the room for manoeuvre, so to speak, of the other organs and specialized agencies is

far narrower since Article96, paragraph2, states that the question raised must be linked to the

activities of the organs and agencies concerned. Thus, Article 96, paragraph 1, is far more absolute

in scope, whereas paragraph 2 is quite relative.

As the General Assembly may request an a dvisory opinion on any legal question and the

Assembly also exercises certain powers under, inter alia , Articles10 and 11 of the Charter,

especially in the area of peacekeeping, it is only logical that a number of questions with both

political and legal dimensions are dealt with by the General Assembly on a daily basis. The

drafters of Article 96, paragraph 1, were not unaware of this. They also drafted Articles 10 and 11.

Clearly, therefore, political aspects may and do co-e xist with legal aspects for a whole range of

questions. It is also clear that if the General Assembly requests an advisory opinion, it is because

different opinions and divergent views have been e xpressed before it. What is important is not the - 22 -

fact that the question raised could or might have political aspects; what is important is to ascertain

whether the question raised by the General Assemb ly really touches on certain legal questions in

respect of which it seeks enlightenment from the principal judicial organ of the United Nations.

In its Advisory Opinion of 1980 on the Interpretation of the Agreement of 25March1951

between the WHO and Egypt , the Court stated that “[i]ndeed, in situations in which political

34 considerations are prominent it may be particular ly necessary for an international organization to

obtain an advisory opinion from the Court as to the legal principles applicable with respect to the

matter under debate” ( I.C.J. Reports 1980 , p.87, para.33). It is true, at the same time, that the

Court “must decline to give the opinion requested” ( Certain Expenses of the United Nations,

Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1962, p. 155) if it considers that the question raised is not a legal

one.

This dictum lends itself to the following a contrario interpretation: faced with a legal

question, the Court cannot shirk its role as legal counsel. It must give an advisory opinion

notwithstanding the political aspec ts of the question because the opinion may be of very great

importance. As noted by PresidentBedjaoui in his statement on the occasion of the fiftieth

anniversary of the International Court of Justice, “the Court’s opinions have important conciliatory

effects, if only by virtue of their appreciable contribution to the orderly functioning of international

organizations... The Court has also assisted the organization concerned in seeking a solution to

an already existing dispute.” (“The fiftieth anni versary of the International Court of Justice”,

RCADI 1996, p.27.) This reference to the already existing dispute leads me to a second point,

again pertaining to the General Assembly’s right to request an advisory opinion.

This second point concerns an argument that is often invoked to challenge the right of the

General Assembly to request an advisory opinion. It consists in asserting that since the General

Assembly has already ruled on the question raised , it no longer needs to request an advisory

opinion. Given that in the present case the Assembly has already ruled on the unlawfulness of the

construction of the Wall, the argument runs, its re quest would cease to be a ppropriate or have any

point or purpose. This argument cannot be accepted for two main reasons. First, an argument of

fact. It is not the first time that the organ re questing the advisory opinion has ruled in advance on

questions pertaining to the problem it is raising befo re the Court. Solely by way of illustration, the - 23 -

Advisory Opinion rendered in the Western Sahara case of 1975, which had been the subject of a

whole series of General Assembly resolutions be tween 1966 and 1973 might be mentioned here.

35 This obviously did not prevent the Court from rende ring its Advisory Opinion on the matter. As a

second example is the first advisory opinion requested by the Security Council, on the situation in

Namibia. That opinion was requested by the Security Council despite the fact that it had itself

ruled on the matter submitted to the Court and, moreover, acknowledging this quite openly since

the wording of the question itself referred to the position taken. Let me remind you, Mr. President,

Members of the Court, that the Security Council’ s question was worded as follows: “What are the

legal consequences for States of the continued presence of South Africa in Namibia (South West

Africa) notwithstanding Security Council resolution276(1970)?”— a resolution in which, of

course, it had condemned in 1970 the continued presence of South Africa in Namibia.

There is also a legal argument that could be invoked, namely that even where an organ such

as the Security Council or the General Assembly has addressed legal questions, it may still feel the

need to seek guidance from the International Court of Justice since it is the Court which, in the

final analysis, can identify a whole range of le gal aspects, comments and analyses that may shed

light on a question being debated in the General Assembly.

I.2The International Court of Justice is within its role in giving an advisory opinion on the
consequences of the construction of the Wall by Israel

One of the arguments used to dispute this pow er to ask the Court to declare that it does not

have jurisdiction is to regard the request for an opinion as in fact aimed at settling a dispute that

one of the parties does not wish to settle by recourse to the International Court. In short, that would

be an abuse of procedure of a sort. Here too, the argument is not new. It even displays strong

similarities with the one put forward in la te 1974-early 1975, on the occasion of the Western

Sahara case and of the request by the General Assemb ly for an advisory opinion. In the Western

Sahara case, the issue of the Court’s jurisdiction was also complicated by the abortive attempt to

move the Court in contentious proceedings and by the refusal of one of the parties concerned to

engage in such proceedings before the Court. As we know, that did not prevent the Court from

rendering that Advisory Opinion, although it held that “the consent of an interested State continues

36 to be relevant...for the appreciation of the propriety of giving an opinion” (case concerning - 24 -

Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975, para.32). This passage has traditionally

been heavily quoted by States wanting the Court to reject the request for an advisory opinion.

What is simply overlooked or lost sight of is that th is is not an isolated extract but part of a whole.

What is overlooked is that the International Cour t of Justice ultimately delivered its Advisory

Opinion in the Western Sahara case. So, this extract is not decisive at all, any more than are the

never-ending references to the case concerning the Status of Eastern Carelia in 1923, a case now

81 years old and often used to request the Court to declare that it does not have jurisdiction.

In the specific case which concerns us today, the General Assembly ultimately requested the

Court for an advisory opinion because the matter was debated by the Assembly after noting that

there was a divergence of opinion. In fact, this is always so. A request for an advisory opinion

automatically presupposes the recognition that there are different, not to say contradictory points of

view. It is for all these reasons that the People’s Democratic Republic of Algeria believes the

Court should declare that it has jurisdiction to reply to the question posed by the General

Assembly.

II. TE LAW WHICH DETERMINES THE LEGALITY OF THE

CONSTRUCTION OF THE WALL

This matter is particularly important, because a number of views have been expressed by the

parties concerned and by States and organizatio ns which make consideration of this point

absolutely decisive and essential. Indeed, this was referred to a few moments ago.

The General Assembly’s question is character ized by a strong legal connotation, being

concerned with examining the “legal” consequences arising from the construction of a wall in the

light of the “rules and principles of international law, including the Fourth Geneva Convention of

1949, and relevant” Security Council and General Assembly resolutions. We are on eminently

legal ground here. The wording adopted by the Gene ral Assembly is not limitative. Rather, it is

indicative, suggestive, so that, in my view, to determine what the scope of application and the

applicable law are, besides the General Assembly references, a number of conventions, a number

37 of arguments from customary law need to be cons idered that are essential for a detailed legal - 25 -

assessment of the subject. But the question of the re levant law for determining this issue must also

be considered in relation to the legal arguments set out in annex to the Secretary-General’s report,

the legal arguments of Israel and Palestine.

Israel’s legal position consists in denying both the applicability of the Fourth Geneva

Convention of 1949 and the two United Nations Covenants of 1966 on, respectively, Civil and

Political Rights and Economic, Social and Cultural Rights. For Palestine, the relevant law for

determining the legality of the construction of the Wall refers to the violation of the fundamental

rules of general international law, internationa l humanitarian law and international human rights

law.

This is essentially the background to the statem ent of the Republic of Algeria. Its view on

the relevant law revolves around the following four main points:

(1) the rules and principles of general international law;

(2) the applicability of international humanitarian law;

(3)the applicability of international human right s law, in particular the two United Nations

Covenants of 1966; in particular, but not only;

(4) the Security Council and the General Assembly resolutions.

But before considering these points, a general observation is needed on Israel’s legal attitude.

It is based  as I was saying a moment ago  on the inapplicability of humanitarian law and more

precisely the Fourth Geneva Convention of 1949, and of the two human rights Covenants of 1966.

In fact, only Article23 (g) of the Hague Regulations of 1907 alle gedly applies to this situation,

even though not incorporated into Israeli dome stic law, as, moreover, the Fourth Geneva

Convention of 1949. But in one case, non-incorporation does not prevent application; in the other,

combined with the fact that Palestine is not a High Contracting Party, this Convention of

12August1949, the Fourth, allegedly does not a pply. This attitude, which consists in only

considering a Convention of 1907 and in setting asi de the largely later Conventions which sought

38 to clarify, refine and develop that law of 1907, seek s to suspend legal time. It expresses the desire

to apply to the present only rules drawn up in the past. It is a way of rewriting history and of

denying that there can have been any progress in th e protection of basic human rights, in this case - 26 -

those of the Palestinian population face to face with the construction of the Wall. This population,

in a word, is allegedly not eligible to benefit fro m that progress. And the Palestinian Territory is

allegedly a zone of human non-rights.

1. General international law

The rules and principles of general interna tional law that seem to me relevant for assessing

the legality of the construction of the Wall are tho se which are incorporated, for example, into the

United Nations Charter, into the universal conven tions in general but whic h have been enshrined

more particularly in the United Nations Charter and which form part of the fundamental rules

constantly taken into account in the development of customary law.

Here, we are of course thinking of respect for the principle of the right of peoples to

self-determination, for the principle of territorial integrity and for the principle of the prohibition of

the transformation of frontiers and of the occupation of territory by force. Further, since the law of

self-defence has also been relied on by Israel, bot h its content and its applicability to the present

case will need to be studied in due course.

2. Applicable international humanitarian law

2.1. The applicability of the Fourth Geneva Convention of 12 August 1949

Two arguments have been put forward by Israel in support of its view that , although ratified,

this Convention does not apply. It does not apply, on the one hand, because it has not been

incorporated into Israeli domestic law; and on the other, because Palestine is not a High

Contracting Party. This argument is inadmissible for a number of reasons that I shall quickly set

out.

First, with respect to the non-incorporation of the Fourth Convention into Israeli domestic

law:

(a) as we know, international treaty and customary la w contains fundamental rules contradicted by

this argument. Indeed, on the one hand, States are bound to implement in good faith the

39 treaties to which they have freely subscribed. Th is, as we know, is the text of Article 26 of the

1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, pacta sunt servanda , which applies in this

case. The Vienna Convention on the Law of Treaties is also a rule which is not just - 27 -

conventional but also customary, and applies to all States, even those not having ratified it, as

in the case of Israel  and of many other States. Secondly, we know that there is another

well-established rule in international law, namely that a State cannot rely on its domestic law in

order not to respect its international commitments. This, moreover, is the sense of Article 27 of

the Vienna Convention on the Law of Treaties, a nd, in general, as we know, one of the most

important developments in contemporary international law was the categorical assertion of the

principle of the precedence of treaties over the domestic law of States. That was my first

observation;

(b) a second observation in response to the question of the inapplicability of the Fourth Convention

by reason of non-incorporation; it should not be overlooked that many of the rules of the

Convention of 12August1949 are of direct applicat ion and do not need to be incorporated in

order to be enforced;

(c) this is particularly the case of the provisions of SectionIII of the third part of the Fourth

Convention which, entitled “Occupied Territories”, deals precisely with the legal situation of

the territories and the population in relation to the Occupying Power.

II.2. The second argument, that Palestine is not a High Contracting Party

One can begin by pointing out in this connecti on that while Palestine is not today formally a

contracting party, that is not for having failed to seek to become one on a number of occasions and

having clearly expressed its desire to join in the international consensus on this subject. One can

also, and most importantly, underscore the obsolescen ce of Israel’s argument in that it disregards

the remarkable development seen in the applicati on of international humanitarian law since 1949.

Is it necessary to recall here that the Provisional Government of the Algerian Republic (PGAR)

acceded to the four Geneva Conventions in 1960, th at is, two years before it gained independence?

Can we ignore the advances made in humanitarian la w thanks to Geneva Additional Protocol I of

40 1977? Article1, paragraph4, of that Protocol extended the scope of application of the Geneva

Conventions to all international conflicts. The Prot ocol is now considered to reflect international

law on the subject. Moreover, international ju risprudence in the 1990s took note of this - 28 -

development. In its Advisory Opinion in July 1996, the International Court of Justice observed that

“all States are bound by those rules in Additional Prot ocol I which, when adopted, were merely the

expression of the pre-existing customary law” (I.C.J. Reports 1996, para. 84).

II.3. Universalization of international humanitarian law

Israel’s argument totally disregards what is without doubt the most crucial feature of the

development of this international humanitarian law.

Article 1, common to the four Geneva Conven tions of 1949, already paved the way for this

universalization of international humanitarian law by placing the contracting States under the

obligation to respect and ensure respect for humani tarian law. Today, the core of international

humanitarian law is made up, in the famous expre ssion of the International Court of Justice in its

Advisory Opinion of 8July1996, of “intransgr essible norms”. This remarkable development has

been taken into account in other circumstances, in another scenario, by the International Criminal

Tribunal for the former Yugoslavia. In its Kupreskic decision of 14January2000, the Tribunal

considered that the norms of international humanitarian law “do not pose synallagmatic

obligations”, but “obligations towards the in ternational community as a whole, with the

consequence that each and every member of the in ternational community has a ‘legal interest’ in

their observance” (para.519). From this, the Tri bunal drew the conclusion in the next paragraph

that “most norms of international humanitarian law . . . are also peremptory norms of international

law or jus cogens, i.e. of a non-derogable and overriding character” (para. 520).

3. International human rights law (IHRL), notably the two United Nations Covenants of 1966

On the subject of application of the two 19 66 Covenants, two observations are also called

for. From the perspective first of treaty law and th en of customary law. In respect of treaty law,

even though Israel has ratified this . . . - 29 -

41 Le PRESIDENT: Puis-je vous interrompre un instant? Je voudrais signaler que

l’intervention de chaque partic ipant, à l’exception de la Palestine, est censØe durer quarante-cinq

minutes tout au plus et que la vôtre en a dØjà durØ quarante. Il me semble que vous Œtes loin

d’avoir terminØ; puis-je donc vous demander d’essayer de rØsumer la suite de votre intervention. Je

vous remercie.

Mr. LARABA: The applicability of the tw o 1966Covenants, from the treaty law and

customary perspectives, the two Covenants are a pplicable, specifically because the Covenant on

Civil and Political Rights provides in Article 2, paragr aph 1, that it applies to individuals subject to

the jurisdiction of the State party and not simply w ithin its territory. In respect of the Covenant on

Economic, Social and Cultural Rights, this too is a convention with a certain indisputable

transcendence, which can explain why this Covena nt can also apply. But it is above all the

development of customary law which provides a ba sis for considering these two Covenants to be

applicable.

III. The numerous violations of international law arising from construction of the Wall

In its 1996 Advisory Opinion, the Internati onal Court of Justice emphasized that “the

protection of the International Covenant of Civil and Political Rights does not cease in times of

war, except by operation of Article 4 of the Covenant” (p. 240, para. 25).

The construction of the Wall violates the fundame ntal principles of general international law

and the fundamental principles of international humanitarian law, including the provisions of the

Fourth Convention, and PartIII, SectionIII thereof, and at the same time violates the most basic

principles of international human rights law.

I should like to lay stress on the most recent developments in this field, and particularly on

the fact that, aside from rules concerning depor tation and expulsion, new forms of human rights

violations have come to light which are entirely ap plicable in this case. These include findings of

the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia, which may be of particular interest

in this connection, even if this again involves a di fferent scenario, which is not exactly the one that

concerns us here. - 30 -

theIn Kupreskic case referred to earlier, the Interna tional Tribunal found for example that

the comprehensive destruction of homes and propert y constituted persecution. At a later point in

42 its opinion, the International Tribunal held that such an attack “in fact constitutes a destruction of

the livelihood of a certain population” (para. 631).

theIn Blaskic decision, dated March 2000, the International Tribunal held that

“The persecution may thus take the fo rm of confiscation or destruction of
private dwellings or businesses... or mean s of subsistence... The crime of
persecution encompasses . . . acts . . . such as those targeting property, so long as the

victimized persons were specially selected on [discriminatory] grounds.” (Paras. 227
and 233.)

C ONCLUSION

To sum up, Mr.President, distinguished Members of the Court, and in conclusion, the

Algerian Republic requests the Court to declare th at it has jurisdiction and to reply to the General

Assembly’s request for an advisory opinion in the light of the relevant law on the subject which it

has presented in a nutshell. Algeria respectfully requests the Court to declare the construction of

the Wall by Israel to be illegal under the law in question.

Algeria considers that the legal consequences ar e twofold. On the one hand, Israel is under

an obligation to put an end to the unlawful situation; on the other hand, it is required to make

reparation for the damage caused by construction of th e Wall. This leads to the application of the

primary principle in the matter, namely that of restitutio in integrum , which involves the

destruction of the Wall and the restoration of the status quo ante . It is at this price that “the

diabolical wall”, to use UriAvnery’s pungent tu rn of phrase, will be exorcised, this Wall which

“stands between children and their school, between students and their university, between patients

and their doctor, between parents and their child ren, between villages and their wells, between

peasants and their fields”. Thank you for your attention.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Laraba. L’audience est maintenant suspendue

pour dix minutes. Elle reprendra à 16 h 45.

L’audience est suspendue de 16 h 40 à 16 h 45. - 31 -

Le PRESIDENT: Je donne maintenant la pa role à S.Exc.l’ambassadeur Shobokshi,

reprØsentant permanent du Royaume d’Arabie saoudite auprŁs de l’Organisation des Nations Unies.

43 M. SHOBOKSHI :

1. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un grand honneur

de plaider devant vous aujourd’hui. C’est la premiŁre fois que l’Arabie saoudite fait un exposØ oral

devant la Cour internationale de Justice. Je suis profondØment reconnaissant de cette occasion qui

m’est donnØe de prØsenter la position de mon pays devant votre Øminente institution.

2. J’ai l’honneur d’Œtre le reprØsentant perm anent de mon pays auprŁs de l’Organisation des

NationsUnies. Je suis toutefois conscient d’inte rvenir aujourd’hui dans un autre contexte, et je

ferai de mon mieux pour situer mes observations dans un cadre juridique.

3. La Cour sait que le Royaume d’Arabie saoudite a prØsentØ un exposØ Øcrit sur la question

dont elle est saisie. Nous veille rons à ne pas nous contenter de rØpØter ce qui est dit dans cet

exposØ. Nous gardons Øgalement à l’esprit que la Cour dispose de dØlais trŁs courts et que bon

nombre des parties prØsentes expriment des vues qui se recoupent. Par consØquent, dans le temps

qui m’est imparti aujourd’hui, je m’abstiendrai de rØpondre en dØtail à tous les arguments dØjà

prØsentØs auxquels nous ne souscrivons pas. Nous maintenons les vues exprimØes dans notre

exposØ Øcrit, qui est le reflet exhaustif de notreposition. Je me propose plutôt de rØpondre à un

argument prØcis. Cet argument concerne le pouvoir discrØtionnaire de la Cour. C’est l’argument

selon lequel un avis consultatif sur la question posØe serait contraire au processus de nØgociation

qui vise à instaurer la paix au Moyen-Orient et que l’on appelle aujourd’hui la feuille de route.

Nous rØfutons catØgoriquement ce t argument. C’est à notre sens un argument fallacieux qui, s’il

Øtait retenu, ne ferait que torpiller davantage le processus de paix. Nous espØrons qu’en rØpondant

à cet argument, nous fournirons à la Cour les «r enseignements» visØs à l’article66 de son Statut.

Telle est notre tâche ici; nous ne sommes pas venus argumenter comme s’il s’agissait d’une affaire

contentieuse.

4. Avant de poursuivre, toutefois, je voudrais faire trois remarques prØliminaires.

5. PremiŁrement, nous constatons que les ar gumentations prØsentØes à la Cour se situent sur

un plan extrŒmement inhabituel. - 32 -

6. D’une part, il n’y a pas d’Etat ni d’autre intervenant dans cette affaire qui ait cherchØ à

justifier en droit le mur de sØparation qu’Israºl est en train de construire. D’autre part, certains

d’entre nous ont dØmontrØ en droit que le mur de sØp aration, ou la barriŁre, ou la clôture, quel que

soit le nom qu’on lui donne je l’appellerai ci-aprŁs simplement le mur  a des consØquences

44 juridiques et que celles-ci dØcoulent de la conclu sion que le mur est illicite. Comme aucune partie

n’a plaidØ la thŁse opposØe, nous pensons que notre conclusion est valable.

7. Certes, un groupe d’Etats fait valoir que la Cour ne doit pas rendre d’avis consultatif sur la

question telle qu’elle a ØtØ posØe par l’AssemblØe gØnØrale. Leur argumentation est proche de celle

qui fut plaidØe à l’encontre d’autres demandes d’av is consultatif: la ques tion est vague, la Cour

risque de compromettre certaines nØgociations ou en core de s’Øcarter de sa fonction judiciaire. La

Cour n’a pas retenu ces arguments par le passØ. Il est toutefois frappant que, dans les affaires oø

l’on plaide en ce sens, les Etats qui invoquent ces arguments font souvent valoir en mŒme temps

des arguments subsidiaires: ils dØclarent que la Cour ne devrait pas rendre d’avis, mais ils

exposent nØanmoins leurs vues sur le fond de la qu estion pour le cas oø la Cour rendrait un avis.

Tel n’est pas le cas en l’espŁce.

8. Ainsi, dans l’affaire relative à la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires

(ci-aprŁs «affaire des Armes nucléaires»), sept Etats ont dØfendu dans leur exposØ Øcrit l’idØe que

la Cour ne devrait pas rendre d’avis consultatif 1; six d’entre eux prØsentŁrent Øgalement une

2
argumentation subsidiaire . Dans la prØsente procØdure, les mŒmes six Etats ont soumis des

exposØs Øcrits dans lesquels ils invitent de nouveau la Cour à s’abstenir de rendre l’avis consultatif,

mais sans prØsenter cette fois d’argumentation subs idiaire. (Les rØfØrences pertinentes figurent

dans les notes de bas de page.)

1 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 236, par. 15.
Voir l’exposØ Øcrit des Etats-Unis d’AmØrique, p.3-7; l’exposØ Øcrit du Royaume-Uni, p.9-20; l’exposØ Øcrit de la
FØdØration de Russie, p.1-4; l’exposØ Øcrit de la France, p.4-20; l’exposØ Øcrit de la Finlande, p.1; l’exposØ Øcrit des
Pays-Bas, p. 2-4; l’exposØ Øcrit de l’Allemagne, p. 2-6.

2 Voir l’exposØ Øcrit des Etats-Unis d’AmØrique, p. 7-47; l’exposØ Øcrit du Royaume-Uni, p. 21-73; l’exposØ Øcrit
de la FØdØration de Russie, p.4-18; l’ exposØ Øcrit de la France, p.20-53; l’exposØ Øcrit des Pays-Bas, p.4-13; l’exposØ
Øcrit de l’Allemagne, p.6 (qui reprend l’argument formulØ par l’Allemagne dans l’exposØ Øcrit qu’elle avait soumis au
sujet de l’avis consultatif sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé demandØ à
la Cour par l’Organisation mondiale de la santØ). - 33 -

9. Aucune argumentation subsidiaire n’est donc prØsentØe en l’espŁce. Les Etats qui

estiment que la Cour ne doit pas exercer le pouvoir qu’elle a de rendre un avis consultatif sur la

question dont elle est saisie n’affirment pas à titre subsidiaire que si elle rend nØanmoins cet avis, la

Cour doit conclure que le mur es t fondØ en droit et qu’il n’a donc aucune consØquence juridique

nØgative. On peut alors se demander pourquoi auc un Etat ne plaide en ce sens. La rØponse est

simple : parce que le mur n’est pas dØfendable au regard du droit.

10. Beaucoup d’Etats qui ont dØclarØ dans leur exposØ Øcrit que la Cour doit s’abstenir de

rendre un avis consultatif sur la question dont elle est saisie ont condamnØ le mur par ailleurs. Ils

3
45 l’ont fait en votant la rØsolution ES-10/13 d’octobre2003 , dans laquelle l’AssemblØe gØnØrale

exige d’Israºl qu’il arrŒte la construction du mur et revienne sur ce projet, ajoutant que ce mur est

contraire aux dispositions du droit international.

11. La Cour se trouve donc dans une position singuliŁre. Presque tous les Etats qui lui ont

soumis un exposØ Øcrit estiment que le mur est illicite. Mais certains d’entre eux pensent que la

Cour ne doit pas rendre d’avis consultatif sur la question dont elle est saisie parce que, disent-ils,

cela fera obstacle à un processus de nØgociation.

12. A notre sens, c’est là un triste constat. Un processus de nØgociation soutenu par la

communautØ internationale est en cours. L’une des parties à ces nØgociations ― la partie

israØlienne — n’a cessØ de consolider dØlibØrØment sa position et elle continue dans la mŒme voie,

cherchant à modifier le statu quo territorial à son profit. Elle se comporte ainsi depuis 1967; le mur

n’est que la plus rØcente manifestation de cette fa çon de faire. Personne n’intervient, bien que les

Etats soient quasi-unanimes à dØnoncer cette attitude. Le Quatuor a beau multiplier les

exhortations rhØtoriques à l’adresse d’Israºl, celui- ci n’a aucune raison d’en dØduire qu’il court un

risque quelconque s’il continue à s’ approprier la terre palestinienne. Et pourtant, certains plaident

qu’il faut priver l’AssemblØe gØnØ rale de l’avis de la Cour su r les consØquences juridiques du mur

— un mur qui, selon nous, prive la Palestine de la possibilitØ de crØer un Etat viable, la prive de son

droit à l’autodØtermination, et exacerbe la haine qui va intensifier la violence.

3AssemblØe gØnØrale des Nations Unies, rØsolution ES -10/13 du 27 octobre 2003. Le paragraphe 1 se lit comme
suit : «Exige qu’Israºl arrŒte la construction du mur dans le Territo ire palestinien occupØ, y compris JØrusalem-Est et ses
alentours, et revienne sur ce projet,s’Øcarte de la ligne d’armistice 1949 et qui est contraire aux dispositions

pertinentes du droit international.» - 34 -

13. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, dØfendre l’idØe que la Cour ne

doit pas se prononcer sur cette question est à notre sen s illogique. Si la Cour, organe judiciaire

international suprŒme, ne peut pas formuler clairement une opinion juridique pour Øclairer

l’AssemblØe gØnØrale sur une question prØcise Øman ant de cette derniŁre en mŒme temps que les

nØgociations progressent, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi l’on tombe plus bas encore

dans le chaos et les atermoiements.

14. La deuxiŁme question qu’il me faut aborder à titre prØliminaire est celle du terrorisme.

15. Il importe de rappeler aux fins du co mpte rendu que l’Arabie saoudite condamne le

terrorisme sous toutes ses formes. Nous sommes rØsolus à lutter contre le terrorisme. Nous

46 sommes partie à des conventions rØgionales et multilatØrales consacrØes à ce problŁme et nous

avons approuvØ la rØsolution 1373 (2001) du Conseil de sØcuritØ 4. Cependant, comme nous l’avons

dØjà dit à maintes tribunes, il ne faut pas se conten ter de condamner et de combattre le terrorisme.

Pour vaincre le terrorisme, il faut Øgalement remØdier aux motifs et aux provocations dont il

procŁde. Ainsi que l’a fait observer notre ministre des affaires ØtrangŁres,

S. A. R. le prince Saud al-Faisal, lors du dØbat gØnØral de l’AssemblØe gØnØrale l’annØe derniŁre:

«[l]’effort international contre le te rrorisme ne va pas Øliminer ce phØnomŁne

s’il ne traite pas de ses causes profondes…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quand la situation de peuples victimes de l’oppression, de l’injustice et de la
persØcution ou accablØs par l’occupation conti nue de dØgrader, et que la communautØ

internationale, pour une raison ou pour une au tre, est dans l’incapacitØ de trouver des
solutions justes à ces problŁmes, on voit se crØer l’environnement que vont exploiter
les agents du mal…» 5

4L’Arabie saoudite est partie à un certain nombre de conventions multilatØrales contre le terrorisme, notamment :
la convention de l’Organisation de la ConfØrence islamique sur la lutte contrele terrorisme international, adoptØe à
Ouagadougou le 1 juillet 1999; la convention arabe sur la suppression du terrorisme, signØe le 22 avril 1998 lors d’une
rØunion tenue au secrØtariat gØnØral de la Ligue des Etats arabes au Caire; la convention sur le marquage des explosifs
plastiques et en feuilles aux fins de dØtection, signØe le 11991 à MontrØal; le protocole pour la rØpression des actes

illicites de violence dans les aØroports servant à l’aviation civi le internationale, complØmentaire à la convention pour la
rØpression d’actes illicites dirigØs contre la sØcuritØ de l’aviation civile, signØ à MontrØal le 24 fØvrier 1988; la convention
internationale contre la prise d’otages, adoptØe par lssemblØe gØnØrale des NationsUnies le 17dØcembre1979; la
convention pour la rØpression d’actes illictes dirigØs contre la sØcuritØ de laviation civile, signØe à MontrØal le
23septembre1971; la convention pour la rØpression de la ca pture illicite d’aØronefs, signØe à LaHaye le
16dØcembre1970; et la convention rela tive aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aØronefs,
signØe à Tokyo le 14 septembre 1963.

5 DØclaration de S.A.R. le prince Saud al-Faisa l lors du dØbat gØnØral de l’AssemblØe gØnØrale,
cinquante-huitiŁme session (29 septembre 2003); ce document peut Œtre consultØ à l’adresse http://www.un.org/webcast/
ga/58/statements/saudeng030929.htm [en anglais et en arabe uniquement] [traduction du Greffe]. - 35 -

C’est là un des aspects du problŁme du terrorisme.

16. Mon troisiŁme point prØliminaire consiste à souligner le rôle constructif jouØ par l’Arabie

saoudite dans la mise au point de la feuille de route ainsi que l’intØrŒt que nous portons à la rØussite

de cette entreprise. De fait, la feuille de route Øvoque expliciteme nt l’initiative de

S. A. R. le prince hØritier Abdullah, approuvØe lors du sommet de la Ligue des Etats arabes rØuni à

6
Beyrouth en mars 2002 , laquelle vise à faire accepter Israºl comme un voisin vivant dans la paix et

la sØcuritØ à la suite d’un rŁglement juste et Øqu itable. La feuille de route qualifie cette initiative

saoudienne d’«ØlØment crucial des efforts accomp lis au plan international pour promouvoir une

paix globale sur tous les volets» 7. Tout observateur qui suit le dØroulement du conflit ne peut que

voir dans cette initiative un grand pas accompli sur la voie de la paix. Nous acceptons deux Etats

vivant côte à côte en harmonie grâce à l’adoption d’un rŁglement nØgociØ.

47 17. Dans ces conclusions, Monsieur le prØside nt, Madame et Messieurs de la Cour, on ne

saurait dire qu’en critiquant le mur nous soutenons le terrorisme ou nous sabotons la feuille de

route. Au contraire, nous pensons qu’un avis c onsultatif sur la question posØe ne pourra que servir

l’objectif qui consiste à Øliminer le terrorisme et à instaurer une paix juste et durable dans la rØgion.

18. Toutefois, vu l’importance accordØe à la fe uille de route dans les exposØs soumis à la

Cour, et vu l’importance de l’initiative saoudienne prise à l’Øgard à cette feuille de route, il

importe, avant de poursuivre, de prØciser trŁs clairement ce qui fut dØcidØ lors du sommet de

Beyrouth. La proposition de l’Arabie saoudite , telle qu’ØnoncØe par S.A.R.le prince

hØritier Abdullah dans son discours, Øtait la suivante :

«[l]e seul objectif acceptable du processus de paix est le retrait total d’Israºl de
tous les territoires arabes occupØs, la crØa tion d’un Etat palestinien indØpendant avec

[JØrusalem-Est] pour capitale et le retour des rØfugiØs.

En l’absence de progrŁs sur la voie de cet objectif, le processus de paix est vain,
ce n’est que belles paroles, manipulation et perte de temps perpØtuant le cercle vicieux
8
de la violence.»

6
Initiative de paix des Etats arabes , sommet de la Ligue des Etats ar(Beyrouth, 27 et 28mars2002); ce
document peut Œtre consultØ à l’adresse http://www.al-bab.com/arab/docs/league/peace02.htm.
7 Nations Unies, doc. S/2003/529, p. 2.

8 Discours prononcØ par S.A.R. le prince hØritier A bdullah lors du sommet de la Ligue des Etats arabes
(Beyrouth, 27 et 28 mars 2002); ce document peut Œtre consultØ à l’adresse http://www.al -bab.com/arab/docs/league/
abdullah02.htm [traduction du Greffe]. - 36 -

Ce qui fut donc proposØ, ce sont  je cite encore  «[d]es relations normales et la sØcuritØ

pour Israºl en Øchange du retrait total de toutes les terres arabes occupØes, la reconnaissance d’un
9
Etat palestinien indØpendant avec [JØrusalem-E st] pour capitale et le retour des rØfugiØs» . Cette

proposition fut adoptØe à l’unanimitØ; et, comme je l’ai dØjà dit, elle est considØrØe comme un

«ØlØment crucial» de la feuille de route.

* *

19. Je vais dire maintenant comment nous rØpondons à l’argument suivant lequel l’avis

consultatif de la Cour sur la question des consØquences juridiques du mur porterait atteinte à la

feuille de route, ferait obstacle à son applicati on ou encore la battrait en brŁche, ce pourquoi la

Cour devrait s’abstenir de donner son avis. Ce t argument, j’y rØpondrai en l’envisageant de cinq

points de vue diffØrents.

20. Pour commencer, l’argument peut Œtre examinØ du point de vue de la logique,

pourrait-on dire. Nous avons beaucoup de mal à sa isir comment un avis consultatif de la Cour,

susceptible d’Øclairer l’AssemblØe gØnØrale et dØpourvu de force obligatoire, pourrait vØritablement

faire obstacle aux nØgociations entre les deux parties comme le prØtendent Israºl et plusieurs autres

48 Etats. L’avis consultatif est un avis juridique dont l’AssemblØe gØnØrale estime qu’il l’aidera dans

ses dØlibØrations. Nous ne devons pas oublier que si l’AssemblØe gØnØrale a demandØ cet avis,

c’est pour qu’il la guide dans l’exercice de ses activitØs, et il entre dans ses activitØs de se

prØoccuper des droits de l’homme et du droit des peuples à disposer d’eux-mŒmes, sans parler de la

paix et de la sØcuritØ internationales. Or, il est un fait que le peuple palestinien est depuis des

dØcennies empŒchØ d’exercer son droit à disposer de lui-mŒme, et il est lØgitime que l’AssemblØe

gØnØrale s’en prØoccupe.

9
Ibid. - 37 -

21. Les nØgociations qui sont prescrites par la feuille de route ne se dØroulent pas dans le

vide. L’AssemblØe gØnØrale ne manifeste pas s on intØrŒt pour la premiŁre fois. Les multiples

rØsolutions adoptØes tant par l’AssemblØe gØnØrale que par le Conseil de sØcuritØ, la puissance

occupante n’en a tenu aucun compte dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à l’intØrieur et

sur le pourtour de JØrusalem. C’est le Conseil de sØcuritØ :

 qui, à partir de sa rØsolution 242 de 1967 et, plus tard, de sa rØsolution 338 de 1973, exige

10
qu’Israºl se retire du territoire occupØ lors de la guerre de 1967 ;

 qui, à partir de sa rØsolution 252 de 1968, c onsidŁre que toutes les mesures et dispositions

lØgislatives et administratives prises par Israºl, y compris l’expropriation de terres et de biens

immobiliers, qui tendent à modifier le statut juridique de JØrusalem sont non valides et ne

peuvent modifier ce statut 11;

 qui, dans sa rØsolution 446, en 1979, a dØcidØ que la politique et les pratiques israØliennes

consistant à Øtablir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres

territoires arabes occupØs depuis 1967 n’avaient aucune validitØ en droit et faisaient gravement

12
obstacle à l’instauration d’une paix gØnØrale, juste et durable au Moyen-Orient ;

 qui a dØcidØ, dans sa rØsolutio n 452 de 1979, que la politique israØlienne de peuplement

13
constituait une violation de la quatriŁme convention de GenŁve de 1949 .

La liste est encore longue et comprend la rØso lution 465 (1980) du Conseil de sØcuritØ, dans

laquelle le Conseil a expressØment qualifiØ les po litiques de peuplement israØliennes de violation

14
flagrante de la quatriŁme convention de GenŁve .

10RØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ des Nations Unies.

11RØsolutions 252 (1968), 267 (1969) et 298 (1971) du Conseil de sØcuritØ des Nations Unies.
12
RØsolution 446 (1979) du Conseil de sØcuritØ des Nations Unies.
13
RØsolution 452 (1979) du Conseil de sØcuritØ des Nations Unies.
14RØsolution 465 (1980) du Conseil de sØcuritØ des Nations Unies. Aux termes du para graphe5, le Conseil de
sØcuritØ :

«Considère que toutes les mesures prises par Israºl pour modifier le caractŁre physique, la
composition dØmographique, la structur e institutionnelle ou le statut desterritoires palestiniens et des
autres territoires arabes occupØs depuis 1967, y compri s JØrusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’ont

aucune validitØ en droit et que la politique et les pratiques d’Israºl consistant à installer des ØlØments de sa
population et de nouveaux immigrants dans ces territo ires constituent une violation flagrante de la
convention de GenŁve relative à la protection des personnes civiles en te mps de guerre et font en outre
gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient.» - 38 -

49 22. S’il appartient toujours aux parties de nØgocier leur propre solution, il n’empŒche que

l’AssemblØe gØnØrale est parfaitement fondØe à de mander à la Cour de rendre un avis consultatif

sur les consØquences juridiques du mur au regard de ces rØsolutions et d’autres principes du droit

international, et la Cour est tout aussi fondØe à exercer sa fonction et à donner son avis.

23. Mon deuxiŁme point de vue consiste à exam iner la chronologie de la question au cours

des deux derniŁres annØes à la lumiŁre de l’argume nt formulØ par Israºl dans son exposØ Øcrit, qui

est que la demande de l’AssemblØe gØnØrale est contre-indiquØe puisque le Conseil de sØcuritØ a

dØjà approuvØ la feuille de route dans sa rØsolu tion1515. L’examen de la chronologie des deux

derniŁres annØes montre qu’en demandant un av is consultatif, l’AssemblØe gØnØrale s’est

conformØe à sa fonction et n’a pas empiØtØ sur celle du Conseil de sØcuritØ. Au paragraphe 3.2 de

son exposØ Øcrit, Israºl dØclare que la rØsoluti on 1397 adoptØe par le Conseil de sØcuritØ le

12mars2002 «Øtablit l’ordre du jour de l’initia tive du Quatuor». C’est, bien entendu, cette

initiative, nØe du processus de Madrid, qui a dØbouchØ sur le plan appelØ aujourd’hui la feuille de

route. Selon ce qui est dit au paragraphe 1.16 de l’exposØ Øcrit d’Israºl, le Gouvernement israØlien

a approuvØ la construction du mur dŁs le mois suivan t. Les travaux de construction ont dØbutØ au

mois de juin de la mŒme annØe.

24. En 2002 et en 2003, le Quatuor a publiØ à la suite de ses rØunions des communiquØs dans

15
lesquels il rend compte de ses progrŁs . Dans son communiquØ datØ du 17septembre2002, on

peut voir la feuille de route dans son intØgralitØ 1. Il est vrai que ce texte n’a ØtØ prØsentØ

officiellement à Israºl et à l’AutoritØ palestinie nne que le 30avril2003 et que c’est seulement le

19novembre2003 que le Conseil de sØcuritØ a adoptØ une rØsolution dans laquelle il a

17
«approuv[Ø]» la feuille de route . Mais, et c’est là le terme qui importe  il l’a «approuv[Øe]» ,

rien de plus. Cette feuille de route, tout au long de 2002 et de 2003, on en a fait la promotion, on

15
Le Quatuor a publiØ en tout sept communiquØs conj oints, dont une dØclaration faite par ses envoyØs,
disponibles [en anglais] à l’adresse suivante : http://www.state.gov/p/nea/rt/c9963.htm.
16 CommuniquØ du Quatuor (17 septembr2002), disponible [en anglais] à l’adresse suivante :

http://www.state.gov/p/nea/rt/15207.htm.
17RØsolution 1515 (2003) du Conseil de sØcuritØ des Nations Unies. - 39 -

lui a donnØ suite, on l’a invoquØe et on l’a interprØtØe. Ainsi, jusque vers la fin 2003, la feuille de

50 route fut au cœur du jeu diplomatique sur la questi on; mais avant mŒme que le Conseil de sØcuritØ

l’approuve en novembre 2003, sa viabilitØ Øtait dØsormais controversØe.

25. Dans son exposØ Øcrit, Is raºl dØpeint la situation co mme si, le 19novembre2003, le

Conseil de sØcuritØ avait fait quelque chose de monumental comme s’il venait tout juste de

dØcouvrir la feuille de route  au lieu de se borner à entØriner que lque chose qui occupait dØjà le

18
devant de la scŁne diplomatique depuis plus d’un an . Israºl va mŒme, dans cet exposØ, jusqu’à

faire jouer à l’AssemblØe gØnØrale le rôle du vila in qui va demander cet avis consultatif à peine

quelques semaines plus tard : comme si elle cherch ait à usurper les pouvoirs du Conseil de sØcuritØ

ce qui, d’aprŁs Israºl, rend cette demande d’avis consultatif ultra vires pour l’AssemblØe

19
gØnØrale .

26. Monsieur le prØside nt, Madame et Messieurs de la Cour, la genŁse  la naissance de la

feuille de route  ne date pas du 19novembre2003. Si tel Øt ait le cas, la feuille de route

souffrirait d’une contradiction intrinsŁque Øtant donnØ qu’elle table sur un processus de trois ans

dont le terme est prØvu pour 2005. La feuille de route constitue un effort de nØgociation nØ dŁs les

dØbuts de2002, et qui n’a ØtØ approuvØ (terme plutôt modeste, aprŁs tout) que rØcemment par le

Conseil de sØcuritØ.

27. Compte tenu des arguments d’Israºl, à savoir que les mesures prises par l’AssemblØe

gØnØrale sont ultra vires, il est utile de rappeler ce qui s’est produit concernant le mur en2002 et

en 2003.

28. Entre la date d’approbation du mur par le Gouvernement israØlien et celle de l’adoption

de la rØsolution 1515 par le Conseil de sØcur itØ, le 19novembre2003, le Quatuor a publiØ six

communiquØs. Seul le dernier d’entre eux Øvoqua it le mur, dont la construction Øtait alors bien

avancØe, et encore le Quatuor y exprimait-il seul ement des prØoccupations d’ordre gØnØral. Or,

pendant toute cette pØriode, il s’est accumulØ main ts ØlØments de preuve attestant la crise

humanitaire engendrØe par le mur, il est devenu de plus en plus net qu’Israºl procØdait à une

18
ExposØ Øcrit d’Israºl, chap. 4.
19
Ibid. - 40 -

nouvelle annexion territoriale de facto et que le mur risquait mŒme d’empŒcher toute nØgociation.

Mais ni le Conseil de sØcuritØ, ni le Quatuor ne sont intervenus pour convaincre Israºl d’inverser le

processus.

29. Face à ces prØoccupations de plus en plus fortes, le Conseil de sØcuritØ a toutefois

examinØ le 14 octobre 2003 un projet de rØsolution 2. Dans un alinØa du prØambule de ce projet le

Conseil condamnait «tout recours à la violence, à la terreur ou à la destruction», tandis que dans un
51

paragraphe du dispositif il disait «que la construction par Israºl, puissance occupante, d’un mur

dans les territoires occupØs qui s’Øcarte de la li gne d’armistice de 1949 est illØgale au regard des

dispositions pertinentes du droit international, qu’elle doit Œtre interrompue et qu’il faut inverser le

processus».

30. Le projet de rØsolution n’a pas ØtØ adoptØ par le Conseil de sØcuritØ mais, au cours du

dØbat, personne n’a dit que la conclusion juridi que ØnoncØe dans cette rØsolution rejetØe Øtait

21
erronØe .

31. C’est parce que personne ne s’exprima it donc sur la licØitØ du mur et qu’il fallait par

consØquent protØger la feuille de route que la session extraordinaire d’urgence a ØtØ convoquØe, et

qu’elle a abouti à la prØsente demande d’avis cons ultatif. Cette rØtrospective des ØvØnements

rØcents montre donc que l’AssemblØe gØnØrale n’a pas agi dans la prØcipitation, ni dans

l’inconscience, et qu’elle vise exclusivement le mu r, qui est dØvastateur pour la paix. Il n’y a

aucune preuve, du point de vue chronologique, qui permette de supposer que le prononcØ d’un avis

consultatif sera prØjudiciable à la feuille de route.

32. ConsidØrons à prØsent sous un troisiŁme angle l’argument selon lequel un avis consultatif

aurait des consØquences fâcheuses pour la feuille de r oute. Il faut ici considØrer la question d’un

point de vue pratique et historique. Soyons bien cl airs : la feuille de route constitue simplement un

processus de nØgociation. Elle est largement sout enue par la communautØ internationale, et c’est

une bonne chose. Cela Øtant, on n’oublie pas qu’au cours des quarante derniŁres annØes, le

20
Nations Unies, doc. S/2003/980.
21
Ibid. - 41 -

problŁme a suscitØ d’autres initiatives, elles aussi largement soutenues. Je dis cela non pas pour

vous faire douter de notre adhØsion à la feuille de route, mais seulement pour faire en sorte que

cette feuille de route soit bien vue pour ce qu’elle est.

33. Ce n’est pas la premiŁre fois que la Cour, alors qu’elle est saisie d’une question, s’entend

dire qu’un avis consultatif de sa part sur la question posØe compromettrait des nØgociations

dØlicates. Plus prØcisØment, ce mŒ me argument lui a dØjà ØtØ opposØ il y a dix ans, dans l’affaire

des Armes nucléaires. Au paragraphe 17 de l’avis qu’elle a re ndu dans cette affaire, la Cour a dit,

et je cite :

«La Cour sait que, quelles que soient les conclusions auxquelles elle pourrait
parvenir dans l’avis qu’elle donnerait, ces c onclusions seraient pertinentes au regard
du dØbat qui se poursuit à l’AssemblØe gØnØrale, et apporteraient dans les nØgociations

sur la question un ØlØment supplØmentaire. Mais au-delà de cette constatation, l’effet
qu’aurait cet avis est une question d’appr Øciation. Des opinions contraires ont ØtØ
exposØes devant la Cour et il n’est pas de cr itŁre Øvident qui permettrait à celle-ci de
donner la prØfØrence à une position plutôt qu ’à une autre. Dans ces conditions, la
52
Cour ne saurait c22sidØrer ce facteur comme une raison dØcisive de refuser d’exercer
sa compØtence.»

Le Royaume d’Arabie saoudite dØclare respectueusement que le mŒme raisonnement s’applique ici.

34. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, soutenir qu’agir en un certain

sens aujourd’hui pourrait se rØvØler prØjudiciable dema in sur une autre voie fait partie du jeu de la

diplomatie. Il serait probablement difficile de trouver un expert de la diplomatie internationale qui

n’a pas dØjà dØfendu cet argument. On le formule gØnØralement lorsqu’on veut Øviter de mettre en

Øvidence ce qui est en train de se produire, comme c’est le cas ici.

35. Ce qui est en train de se produire, c’est que la feuille de route est en danger. Nous

constatons que certains des membres du Quatuor se prØsentent à la Cour et disent : ne mettez pas le

problŁme en Øvidence. Nous saluons le travail a ccompli par ces membres, mais n’en estimons pas

moins qu’ils ont trŁs mal interprØtØ la situati on. Heureusement un autre membre du Quatuor,

l’Organisation des NationsUnies, et l’un de ses organes un organe compØtent , l’AssemblØe

gØnØrale, veut mettre le problŁme en Øvidence et veut savoir quelles sont les consØquences

juridiques des actions d’Israºl les consØquences juridiques du point de vue de la crise

22
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 237, par. 17. - 42 -

humanitaire, les consØquences juridiques pour le dr oit des peuples à disposer d’eux-mŒmes et, en

fait, les consØquences juridiques pour la paix et la sØcuritØ internationales, non seulement pour la

Palestine et Israºl mais pour la totalitØ des Etats et des institutions internationales.

36. Pourquoi faut-il mettre le problŁme en Øvidence? Il le faut parce qu’il y a dans

l’Ødification de ce mur une provocation, une dØm esure, une agression, une disproportion telles que

nous pensons qu’elle sonner a le glas de la feuille de route s’il n’y a pas immØdiatement inversion

du processus.

37. Le Quatuor le sait. Dans son dernier co mmuniquØ conjoint, intitulØ «DØclaration [finale]

du Quatuor» et datØ du 26 septembre 2003, il indiquait qu’il considØrait que la mise en œuvre de la

feuille de route Øtait au point mort. Le Quatuor a Øgalement dit que l’activitØ de peuplement devait

23
cesser, puis il s’est dØclarØ gravement prØoccupØ par le mur et par son effet sur la feuille de route .

Telle Øtait la position du Quatuor en septembre dern ier. Que s’est-il passØ depuis? Depuis, le

53 Conseil de sØcuritØ a effectivemen t entØrinØ la feuille de route, mais la construction du mur s’est

poursuivie. Les «conditions de vie», ainsi qu’I sraºl les appelle dans son exposØ Øcrit, sont

devenues encore plus intolØrables pour le peuple palestinien et, oui, le cycle de la violence persiste.

38. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, le fait qu’il ait ØtØ rendu un avis

consultatif sur le Sud-Ouest africain 24 a peut-Œtre inspirØ certains Etats et certaines organisations

internationales. Les arguments de l’Afrique du S ud à l’encontre d’un avis sur cette question n’ont

pas dissuadØ la Cour. Le fait que la Cour ait conc lu que l’occupation sud-africaine Øtait illicite a

23
CommuniquØ du Quatuor (26 septembre2003), disponible [en anglais] à l’adresse suivante :
http://www.state.gov/p/nea/rls/24721.htm.
«Les membres du Quatuor sont trŁs prØoccupØs par la situation en Israºl, en Cisjordanie et à

Gaza, laquelle a bloquØ la mise en œuvre de la feuille de route.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ils rØaffirment que, conformØment à la feuille droute, les activitØs d’ implantation de colonies
doivent s’arrŒter et relŁvent avec une vive prØoccupation le tracØ rØalisØ et proposØ de la clôture qu’Israºl
construit en Cisjordanie, d’autant plus qu’elle entraîne la confiscati on de terres palestiniennes, bloque la
circulation des personnes et des biens et nuit à la confiance des Palestiniens dans le processus de la feuille
de route, du fait qu’elle semble prØjuger des frontiŁres finales du futu r Etat palestinien.» [Traduction
française : Nations Unies, doc S/2003/981].

24 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971 (21 juin 1971). - 43 -

peut-Œtre vØritablement contribuØ au processus et portØ l’Afrique du Sud à co nclure qu’elle n’avait

plus d’autre choix que de faire ce qui Øtait juste : se retirer. Aujourd’hui, la Namibie est un Etat

indØpendant.

25
39 Les inquiØtudes de l’Espagne dans la procØdure relative au Sahara occidental , et celles

que plusieurs Etats ont exprimØes dans l’affaire des Armes nucléaires 26 quant à l’incidence qu’un

avis consultatif pouvait avoir sur des questions dØ licates dans le cadre d’un processus tout aussi

dØlicat, se sont rØvØlØes infondØes.

40. Dans ces conditions, l’argument selon leque l un avis consultatif sur la question posØe

sera nØfaste pour la feuille de route ne peut Œtre re tenu. Il s’agit d’un avis consultatif. L’avis n’est

pas contraignant, mais Øclairera l’AssemblØe gØnØ rale qui, par sa demande, a sollicitØ l’avis de la

Cour sur la question posØe.

41. Avant de poursuivre, je tiens à dire un mot sur la maniŁre dont Israºl prØsente la feuille

de route. Il va de soi que la premiŁre phase prØ vue par la feuille de rout e concerne le terrorisme

dirigØ contre Israºl, mais elle concerne aussi les provocations israØliennes contre la Palestine. La

feuille de route n’est pas, comme Israºl l’affirme souvent, un document proclamant en majuscules

que la premiŁre Øtape consiste à Øradiquer tous actes terroristes. Ce que dit la feuille de route, c’est

que dŁs le dØbut de la phase I, je cite : «Toutes l es institutions officielles palestiniennes mettent fin

à toute provocation contre Israºl», aprŁs quoi elle ajoute et là encore, je cite: «Toutes les

27
institutions officielles israØliennes mettent fi n à toute provocation contre les Palestiniens.» C’est

l’obligation faite à la Palestine qui apparaît en pr emier sur cette page, mais cela ne signifie pas

qu’Israºl est libre de continuer ses provocations, notamment en construisant le mur, jusqu’à ce qu’il

54 soit vraiment assurØ que les institutions palestinie nnes officielles ont totalement rØussi à remporter

la guerre contre le terrorisme.

42. Le quatriŁme point du vue à partir duquel j’examine l’argument selon lequel la feuille de

route serait compromise si un avis consultatif est rendu, c’est l’abîme de silence qui entoure cet

argument.

25Sahara occidental, C.I.J. Recueil 1975 (16 octobre 1975).
26
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 236, par. 15.
27Nations Unies, doc. S/2003/529, p. 3. - 44 -

43. Le silence dont je parle ici, c’est le s ilence observØ sur les raisons pour lesquelles la

feuille de route serait compromise si la Cour donne un avis consultatif. Personne n’en dit rien. En

effet, si l’on examine attentivement les mots employØs, on se rend compte que cet argument est

gØnØralement nuancØ par des expressions telles que «pourrait Øventuellement porter atteinte» ou

«pourrait compromettre». On a donc uniquem ent l’affirmation nuancØe sans le moindre

raisonnement motivØ à l’appui de l’affirmation. Ce la est d’autant plus surprenant qu’à la suite

d’affirmations de ce type, on ente nd habituellement dire que la fe uille de route est quelque chose

qui doit Œtre relancØ  ce n’est pas quelque chose d’actif, de dynamique, quelque chose qui bouge.

Il ne fait aucun doute que la feuille de route a besoin d’Œtre «relancØe»  c’est le terme employØ

par l’Union europØenne 28; il ne fait aucun doute que l’on a affaire à un problŁme difficile,

dØlicat et ancien; mais jamais on n’explique pour quoi un avis consultatif le rendrait encore plus

difficile.

44. Nous convenons qu’il faut donner une nouvelle impulsion à la feuille de route, mais rien

ne permet de conclure qu’un avis consultatif su r les consØquences juridiques de la construction du

mur fera obstacle à ce nouvel Ølan.

45. Mon cinquiŁme et dernier point de vue à partir duquel j’examine l’argument consistant à

dire que la Cour ne devrait pas se prononcer sur des questions qui font l’objet de nØgociations,

correspond à une analyse de l’argument dans son contexte juridique.

46. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs les juges, la position qu’adopte ici Israºl

mØrite un examen attentif car elle est particuliŁ rement nØfaste et n’est pas conforme au droit

international. En fait, ce que dit Israºl, c’est que la Cour ne doit pas examiner la question du mur

au regard des multiples rØsolutions du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale des

Nations Unies ni les traitØs auxquels Israºl est partie  en se fondant sur des ØlØments de fait

fournis par l’Organisation des Nations Unies ou par la confØrence des parties à ces traitØs.

28Observations du prØsident du Conseil de l’Union eu ropØenne faites devant l’AssemblØe gØnØrale des
NationsUnies aprŁs l’adopti on des rØsolutionsA/RES/ES-10/14 et A/RE S/ES-10/13, reproduites dans l’exposØ Øcrit

soumis à la Cour par l’Union europØenne. - 45 -

55 47. Il est de fait que le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale, ainsi que la confØrence

29
des parties à la quatriŁme convention de GenŁve , se sont penchØs sur certaines des questions

essentielles qui sont au cœur de ce problŁme. En toute objectivitØ, il n’est pas prØjudiciable à la

feuille de route que la Cour examine la ques tion du mur par rapport à ces rØsolutions et à ces

obligations conventionnelles. Si Israºl pense que ce serait prØjudiciable à la feuille de route que la

Cour examine sans rien faire d’autre un ØlØment de fait  en l’occurrence, le mur  et il ne s’agit

pas d’une question de fait complexe au regard des rØsolutions des NationsUnies, du droit

international coutumier et des obligations conve ntionnelles d’Israºl, il se pose alors un problŁme

grave pour le processus de paix. C’est un problŁme grave car il revient à dire qu’aux yeux d’Israºl,

tout ce qui a ØtØ entrepris auparavant est sans pertinence. Israºl prØfØrerait vivre dans un monde oø

la Cour internationale de Justice ne s’est pas prononcØe sur ces questions.

48. Israºl a occupØ par la force la Cisjordanie, Gaza et JØrusalem-Est en 1967. Or, le recours

à la force est illicite aux termes de la Charte des NationsUnies. Dans ses rØsolutions242 (1967)

et338 (1973), le Conseil de sØcuritØ a demandØ le retrait des forces israØliennes, mais en vain.

Israºl a installØ ses colons dans le territoire qu’ il occupait par la force, ce qui est totalement illicite

au regard du droit international, quelle que soit la justification de l’occupation. Le Conseil de

sØcuritØ a confirmØ l’illicØitØ en l’occurrence, mais Israºl plaide la thŁse opposØe.

49. Par ailleurs, alors qu’il conserve par la fo rce la mainmise sur le territoire palestinien,

Israºl prive le peuple palestinien des droits de l’homme qui lui reviennent, conteste Œtre une

puissance occupante soumise au droit international humanitaire, nie avoir des obligations en vertu

de la quatriŁme convention de Ge nŁve malgrØ les dØcisions contra ires prises par le Conseil de

sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale ainsi que par la confØrence des parties à la quatriŁme convention

de GenŁve. Israºl proteste mŒme dans son exposØ Øcrit contre l’emploi, dans la question posØe à la

Cour, du membre de phrase «Territoire palestinien occupØ, y compris à l’intØrieur et sur le pourtour

30
de JØrusalem-Est» .

29
DØclaration de la confØrence des ha utes parties contractantes à la quatr iŁme convention de GenŁve (GenŁve,
5 dØcembre 2001), que l’on peut consulter à l’adresse Internet suivante : http://www.eda/ad min.ch/eda/e/home
/foreign/hupol/4gc/docum2.Par0006.upfile.pdf.
30ExposØ Øcrit d’Israºl, p. 11, par. 2.9. - 46 -

50. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, par l’entremise des institutions

politiques de l’Organisation des NationsUnies et d’ autres organes instituØs au titre de traitØs, la

communautØ internationale s’est prononcØe à maintes reprises sur ces questions. La liste des

rØsolutions est longue. Israºl a rejetØ ces conclusi ons et tirØ prØtexte des dØfaillances d’autrui pour

tenter de justifier ses propres manquements; ou al ors, avec plus de vØhØmence, il a infligØ un

camouflet à la communautØ internationale en a doptant des positions contraires aux vues de celle-ci
56

et en prenant sur cette base des initiatives qui n’ ont suscitØ aucune rØaction, ou n’ont suscitØ que

des rØactions discrŁtes. A prØsent, Israºl construit un mur. Ce qu’il veut Øviter aujourd’hui, c’est

que la Cour dise, sur les consØquences juridi ques du mur, ce que le Conseil de sØcuritØ et

l’AssemblØe gØnØrale ainsi que la confØrence des parties à la quatriŁme convention de GenŁve ont

dØjà dit au sujet des activitØs me nØes par Israºl aprŁs 1967 dans le Territoire palestinien occupØ, y

compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem , mais ne sont pas parvenus à faire appliquer ni

mettre en œuvre. Qu’Israºl ne s’acquitte pas de ces obligations-là indØpendamment des prØcØdents

Øchecs des institutions internationales et il n’y a aucun espoir pour la feuille de route ni pour de

nouvelles initiatives de paix.

51. Lorsqu’elle rØpondra à la question qui lui est posØe, la Cour n’aura pas à se prononcer sur

les questions laissØes en suspens jusqu’à la phase III de la feuille de route, une phase qui est

apparemment essentielle, s’agissant par exemple de la question des frontiŁres de la Palestine, mais,

en mŒme temps, elle ne sera pas en contradiction avec la feuille de route

 si elle constate que le mur se trouve pour une large part à l’intØ rieur d’un territoire qu’Israºl

occupe par la force depuis plus de trente-cinq ans et d’oø il ne s’est pas retirØ comme l’exigeait

31
le Conseil de sØcuritØ dans sa rØsolution 242 (1967) puis dans sa rØsolution 338 (1973) ;

31Voir Øgalement la rØsolution471 (1980) du C onseil de sØcuritØ, dans laquelle celui-ci « réaffirme la nØcessitØ
primordiale de mettre fin à l’occupation prolongØe des ttoires arabes occupØs par Israºl depuis1967, y compris

JØrusalem»; voir Øgalement la rØsolution 476 (1980) du Conseil de sØcuritØ (passage identique). - 47 -

 si la Cour constate que le mur entoure et rattache à Israºl presque toutes les colonies de

peuplement israØliennes en Cisjordanie des colonies que le ConseildesØcuritØ, dans sa

rØsolution 446 (1979), a condamnØes comme Øtant illicites , ce qui revient à consolider et

32
renforcer ainsi l’annexion de terres palestiniennes par Israºl ;

57  si la Cour constate que l’Ødif ication du mur à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est

contrevient à la dØcision du Conseil, prise pour la premiŁre fois dans sa rØsolution 252 (1968),

selon laquelle la tentative d’annexion de JØrusalem-Est par Israºl est illicite 33; et

 si la Cour constate que l’Ødification du mur constitue une violation des obligations auxquelles

la puissance occupante est tenue en vertu de la quatriŁme convention de GenŁve de1949, à

laquelle Israºl est partie, comme l’ont dit et redit le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale

34
dans leurs rØsolutions depuis plus d’un quart de siŁcle .

Des constatations comme celles-ci que la Cour formulerait dans le cadre de l’examen des

consØquences juridiques de la construction du mur, loin d’Œtre en contradiction avec la feuille de

route, rappelleraient utilement quelle est la rØalitØ, quel est le droit applicable et dans quel contexte

les nØgociations prØvues doivent avoir lieu.

52. Rien ne rend cette conclusion plus manifest e encore que la thŁse d’Israºl, qui est que les

rØsolutions242 et338 du Conseil de sØcuritØ ne lui imposent pas de se retirer du Territoire

palestinien occupØ, y compris de l’intØrieur et du pourtour de JØrusalem-Est, et que ses colonies de

peuplement sont parfaitement licites. Israºl dit de son occupation et de son annexion du territoire

32
Voir Øgalement la rØsolution452 (1979) du Conseil de sØcuritØ, dans laquelle celui-ci considŁre que
l’Øtablissement de colonies de peuplement constitue une violation de la quatriŁme convention de GenŁve de1949 et
demande à Israºl «de cesser d’urgence d’Øtablir, Ødifier et planifier des colonies de peuplement dans les territoires arabes
occupØs depuis1967, y compris JØrusale m», la rØsolution465 (1980) du Conseil de sØcuritØ, dans laquelle celui-ci
considŁre que l’Øtablissement de colonies de peuplement c onstitue une violation de la qu atriŁme convention de GenŁve

de1949 et fait «gravement obstacle à l’instauration d’une pa ix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient», et
demande à Israºl de «dØmanteler les col onies de peuplement existantes et, en pa rticulier, de cesser d’urgence d’Øtablir,
Ødifier et planifier des colonies de peuplement dans les territoires arabes occupØs depuis 1967, y compris JØrusalem».
33
Le Conseil de sØcuritØ a dØclarØ à maintes reprises que toutes les tentatives visant à modifier le statut de
JØrusalem-Est Øtaient illicites et a demandØ à Israºl d’annuler les mesures prises en ce sens. Voir par exemple ses
rØsolutions 267 (1969), 271 (1969), 298 (1971), 446 (1979), 465 (1980), 471 (1980), 476 (1980) et 478 (1980).
34
Les rØsolutions suivantes du Conseil de sØcuritØ des NationsUnies confirment l’applicabilitØ de la
quatriŁme convention de GenŁve de 1949 : 271 (1969), 446 (1979), 465 (1980), 471 (1980), 484 (1980), 592 (1986), 605
(1987), 607 (1988), 636 (1989), 641 (1989), 672 (1990), 726 (1992), 799 (1992), 904 (1994) et 1322 (2000). Par ailleurs,
le Conseil de sØcuritØ des Natio nsUnies a conclu dans les rØsolutions suivante s à la violation par Israºl de la quatriŁme
convention de GenŁve de1949: 452 (1979), 465 (1980), 469 (1980), 471 (1980), 592 (1986), 605 (1987), 607 (1988),
636 (1989), 641 (1989), 681 (1990), 694 (1991) et 799 (1992). - 48 -

qu’il s’agit d’un problŁme complexe . Or il ne s’agit pas d’un problŁme complexe sur le plan

juridique. Peut-Œtre s’agit-il d’un problŁme complexe pour Israºl sur le plan politique, mais tout ce

que fait le Gouvernement israØlien, c’est contin uer à l’aggraver. La crØation de colonies de

peuplement se poursuit au mŒme rythme, entrec oupØe seulement par d’Øp isodiques mascarades

consistant à dØmanteler une implantation trop Øloi gnØe. Israºl estime Øgalement avoir le droit

d’acquØrir par la force le territoire sur lequel se trouvent ces colonies. Israºl estime aussi ne pas

58 Œtre soumis aux prescriptions du droit internati onal humanitaire dans le territoire qu’il occupe.

Voilà des affirmations choquantes qui sont un affront au droit interna tional et aux aspirations de la

communautØ internationale. Israºl estime prØjudi ciable qu’un avis consultatif puisse Øvoquer des

questions aussi ØlØmentaires à l’occasion de l’exam en des consØquences juridiques de l’Ødification

du mur. Cela ne peut Œtre prØjudiciable à Israºl que si Israºl est censØ avoir le privilŁge de pouvoir

s’affranchir des rŁgles qui lient les autres Etats.

* *

53. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs les juges, aucun obstacle juridique

n’empŒche la Cour de rendre son avis. L’Assemb lØe gØnØrale a posØ une question juridique et elle

a compØtence pour le faire. La question n’est ni vague ni abstraite, et les faits sont parfaitement

clairs. Sa jurisprudence impose à la Cour de re ndre l’avis consultatif demandØ, à moins qu’elle

doive s’abstenir sous l’effet de raisons dØcisives. En l’occurrence, on a fait valoir que la feuille de

route constitue une raison dØcisive de ce type, ce processus devant comme on le dit  Œtre

relancØ, et c’est selon certains Et ats cette relance qui risque d’Œtre compromise si la Cour donne

son avis. Nous avons cherchØ à dØfendre le point de vue adverse. N ous ne pensons pas que

l’existence d’un processus de nØgociation constitu e une raison dØcisive pour laquelle la Cour

devrait dØcider de ne pas donner son avis.

35
ExposØ Øcrit d’Israºl, p. 36-37, par. 3.52. - 49 -

54. Pour conclure, permettez-moi une derniŁre observation. Dans son exposØ Øcrit, Israºl a

eu l’audace de soutenir, pour intimider la Cour, qu ’un avis Ømanant d’elle pourrait encourager les
36
terroristes . C’est beaucoup plus vraisemblablement l’inverse qui est vrai. Un avis consultatif sur

cette question n’aggravera pas le te rrorisme ni ne compromettra la feuille de route, mais peut

donner l’espoir que l’Øtat de droit sera respectØ. Un avis consultatif Øclairera l’AssemblØe gØnØrale

dans ses travaux. Il pourra rappeler le droit qui s’applique à tous, protŁge la population d’un

territoire occupØ, et conduit à l’autodØtermination et à la paix. Nous savons tous que cette question

ne sera pas tranchØe face à un tribunal; il faut espØrer qu’elle sera rØglØe un jour par la voie des

nØgociations. Disposer de l’avis consultatif de la Cour pour Øclairer l’AssemblØe gØnØrale en

mŒme temps que progressent les nØgociations ne saurait guŁre Œtre nØfaste.

55. Enfin, avant que j’en termine, il me fa ut Øvoquer un autre aspect problØmatique du mur à

JØrusalem-Est, qui s’ajoute à tous les autres. A cet endroit-là ce mur rendra l’accŁs aux lieux saints

59 quasiment impossible pour ceux qui voudront s’y rendr e pour des raisons religieuses. C’est là un

souci particulier pour l’Arabie saoudite, et ce devrait l’Œtre pour tous.

* *

56. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs les juges, je vous remercie de votre

attention. Ainsi s’achŁve mon exposØ.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’ambassadeur. Je donne à prØsent la parole à

S. Exc. M. Choudhury, ambassadeur du Bangladesh.

56. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, je vous remercie de votre

attention. Mon exposØ est terminØ.

Le PRESIDENT: Merci, Monsieur l’ambas sadeur. Je donne maintenant la parole à

M. Choudhury, ambassadeur du Bangladesh.

36
Ibid. - 50 -

M. CHOUDHURY : Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, permettez-moi

tout d’abord de vous remercier de me donner l’o ccasion de faire cet exposØ devant vous. Au nom

du Gouvernement du Bangladesh, c’est pour moi un grand honneur et un privilŁge de prØsenter des

conclusions sur les consØquences juridiques de l’Ød ification d’un mur dans le Territoire palestinien

occupØ. En tant que Membre de l’Organisati on des Nations Unies, du mouvement des non alignØs

et de l’Organisation de la ConfØrence islamique, le Bangladesh a de façon constante soutenu qu’il

fallait sans tarder mettre un terme à l’occupation illØ gale du territoire palestinien et respecter le

droit à l’autodØtermination du peuple palestinien. FidŁle à cette position de principe, le Bangladesh

a votØ pour la rØsolution ES-10/16 de l’AssemblØe gØnØrale en date du 3 dØcembre 2003 et pour la

dØcision de demander à la Cour internationale de Justice, en application de l’article 65 du Statut, de

rendre d’urgence un avis consultatif sur les con sØquences juridiques de l’Ødification du mur par

Israºl.

Je prØsenterai nos conclusions dans l’ordre suivant :

1. conclusions sur l’importance primordiale et l’a pplicabilitØ universelle de l’avis consultatif que

doit rendre la Cour internationale de Justice;

2. conclusions sur l’application des rØsolutions du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale

des Nations Unies tendant à l’instauration au Mo yen-Orient d’une paix juste et durable, fondØe

sur la cessation de l’occupation illicite du territoire palestinien et l’autodØtermination du peuple

palestinien;

3. conclusions concernant l’application de la quatriŁme convention de GenŁve et d’autres

instruments internationaux;

60 4. conclusions sur les consØquences juridiques de l’Ødification du mur.

1. Importance primordiale et applicabilité universelle de l’avis consultatif que doit rendre la

Cour internationale de Justice

Pour commencer, le Bangladesh tient à dire que la demande d’avis consultatif formulØe dans

la rØsolution ES-10/16 est bien fondØe en droit international et qu’elle est opportune et pertinente

Øtant donnØ la situation qui rŁgne dans le Territoire palestinie n occupØ. Cette conclusion est

motivØe par le non-respect persistant et constant des rØsolutions du Conseil de sØcuritØ, surtout les

rØsolutions242 et348, et des rØsolutions pertinen tes de l’AssemblØegØnØra le des NationsUnies, - 51 -

des dispositions des conventions de GenŁve et des protocoles additionnels ainsi que des rŁgles du

droit international gØnØral. Cette politique persistante de non-respect risque au fil des dØcennies de

compromettre l’autoritØ et l’app lication des normes fonda mentales et impØratives de la Charte des

Nations Unies et du droit international.

Le Bangladesh considŁre, pour les raisons qui viennent d’Œtre donnØes, que l’avis demandØ à

la Cour internationale de Justice aura de l’im portance au-delà de la rØgion du Moyen-Orient, ainsi

que pour les futures situations de conflit dans diffØrentes rØgions du monde. Comme la Cour

internationale de Justice va vraisemblablement dØbattre des principes fondamentaux de la Charte

des NationsUnies et du droit international, sa d Øcision, pertinente et opportune, ne manquera pas

d’apporter une contribution prØcieuse à l’instauration de la paix non seulement au Moyen-Orient

mais dans le monde entier.

A cet Øgard, le Bangladesh tient à rappele r les observations faites par la dØlØgation

sud-africaine au cours du dØbat du 8 dØcembre 2003, lors de la dixiŁme session extraordinaire

d’urgence de l’AssemblØe gØnØrale, à propos de la demande d’avis consultatif :

«il existe clairement un prØcØdent à cette dØ marche. En 1971, le Conseil de sØcuritØ

avait demandØ un avis consultatif de la C our sur les consØquences juridiques pour les
Etats de l’occupation de la Namibie. L’av is s’est avØrØ dØterminant dans la longue
lutte pour l’indØpendance de ce pays. Nous pensons qu’IsraØliens et Palestiniens
tireraient de mŒme profit d’un avis rendu par la Cour.»

Le Bangladesh souscrit sans rØserve à ce point de vue. Nous partageons aussi pleinement les

positions affirmØes avec force dans les exposØs prØcØdents expliquant pourquoi l’avis consultatif de

la Cour sera pleinement conforme aux positions qu’elle a prises par le passØ, aux impØratifs

61 objectifs de la morale et du droit et à l’oblig ation impØrieuse de prendre toutes les mesures

nØcessaires pour instaurer une paix durable en Palestine.

Le Bangladesh est convaincu que l’avis consulta tif que doit rendre la Cour internationale de

Justice renforcera l’application des principes fonda mentaux de la Charte des NationsUnies et du

droit international gØnØral et rØaffirmera qu’une paix juste et durable au Moyen-Orient ne peut Œtre

Øtablie que sur la base de ces principes. - 52 -

2. Application des principes de la Charte d es NationsUnies, des résolutions du Conseil de
sécurité et de l’Assemblée générale des Na tionsUnies tendant à l’instauration au
Moyen-Orient d’une paix juste et durable, fo ndée sur la cessation de l’occupation illicite

du territoire palestinien et l’autodétermination du peuple palestinien

Nous considØrons qu’une paix juste et durab le au Moyen-Orient devra avoir pour base le

principe fondamental inscrit dans la Charte des Na tionsUnies et le droit international gØnØral,

selon lequel l’occupation par la force du territoire pa lestinien est illicite, de mŒme que la tentative

d’annexion de territoire par la force. Ce princi pe sous-tend les rØsolutions pertinentes du Conseil

de sØcuritØ de l’Organisation des Nations Unies, notamment les rØsolutions 242, 338, 1397 et 1402.

Il Øtaie aussi le processus de paix, les r ecommandations du rapportMitchell, le plan de

travail Tenet et la feuille de route approuvØe par le Quatuor. Ce principe fondamental exige que les

forces israØliennes se retirent des territoires occupØs, que les colonies de peuplement israØliennes

soient dØclarØes illicites et constituant un obstacle à la paix et que les activitØs d’implantation

cessent complŁtement. L’Ødification du mur freine et sape l’application de ce principe

fondamental, Øquivaut à une tent ative d’annexion et d’occupation permanente du territoire de la

Palestine et modifie la rØalitØ sur le terrain au dØtriment du peuple palestinien. L’AssemblØe

gØnØrale des NationsUnies a rØaffirmØ dans toute une sØrie de rØsolutions le droit inaliØnable du

peuple palestinien à l’autodØtermin ation, notamment le droit d’avoir un Etat indØpendant, tout en

reconnaissant que tous les Etats de la rØgion ont le droit de vivre en paix à l’intØrieur de frontiŁres

sßres et internationalement reconnues. La construction du mur dØnie en fait au peuple de Palestine

son droit à l’autodØtermination, ainsi que son droit inaliØnable au retour.

62
3. Application du droit international humanitai re, plus particulièrement de la quatrième
convention de Genève

La quatriŁme convention de GenŁve de1949 interdit à la pui ssance occupante de priver les

personnes protØgØes du bØnØfice de la convention, en aucun cas ni d’aucune maniŁre, notamment

en raison de l’annexion de tout ou partie du territoire occupØ (a rt.47). Cette disposition a ØtØ

dØcrite comme ayant «un caractŁre absolu». Elle comporte aussi une rŁgle universellement

reconnue, ayant la caution des juristes et confir mØe par de nombreuses dØcisions de juridictions

nationales et internationales, selon laquelle «[A]u ssi longtemps que les hostilitØs sont en cours, la

puissance occupante ne pourra … pas annexer le territo ire occupØ, mŒme si elle occupe l’ensemble

de ce territoire. Seul le traitØ de paix pourra se prononcer à cet Øgard.» L’Ødification du mur viole - 53 -

cette rŁgle fondamentale, qui a ØtØ dØclarØe applicab le au Territoire occupØ de la Palestine par des

rØsolutions du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØ e gØnØrale des Nations Unies. Elle contrevient

aussi aux articles9, 39 et 51 de la quatriŁme c onvention de GenŁve. Elle prive en effet les

Palestiniens de la jouissance de leurs biens, de l’accŁs à l’emploi et aux moyens de gagner leur vie,

ainsi que de l’accŁs aux ressources naturelles nØcessaires à la survie.

Ces raisons nous conduisent à dØclarer que l’Ødification du mur constitue une infraction

grave aux conventions de GenŁve de 1949.

Les quatre conventions de GenŁve de1949 et les protocoles additionnels de1977,

universellement admis, sont devenus droit international coutumier. Ces instruments constituent les

piliers du droit international humanitaire. Dans la hiØrarchie des normes, les conventions de

GenŁve ont la premiŁre place. L’argument israØlien selon lequel le mur construit dans le Territoire

palestinien occupØ est une barriŁre de sØcuritØ n’est pas dØfendable. L’emplacement mŒme du mur

soulŁve de graves questions de licØitØ et conduit à s’interroger sur la vØritable motivation de la

construction du mur dans le Territoire occupØ. Comme il a amplement ØtØ dØmontrØ ce matin dans

l’exposØ palestinien, Israºl aurait trŁs bien pu po urvoir à sa sØcuritØ sans modifier radicalement le

caractŁre du Territoire occupØ ni le fractionner en petites parcelles oø sont prØsentes des colonies.

Le Bangladesh propose respectueusement à la Cour de rØaffirmer la prØØminence des conventions

de GenŁve et leur applicabilitØ à la situation qui rŁgne actuellement en Palestine. Cela est

nØcessaire pour le maintien de la paix et de la sØcu ritØ internationales, et cette rØaffirmation de

principes fondamentaux du droit est indispensable à la dØfense de l’Øtat de droit entre les pays. La

63 Cour internationale de Justice, nous l’espØrons, va dire et juger que la construction du mur est

illicite et contraire au droit international gØnØral.Nous espØrons aussi que la Cour Ønoncera en

termes clairs les consØquences juridiques de l’Ødification de ce mur.

4. Conséquences juridiques de l’édification du mur

L’Ødification du mur en territoire palestinie n par la puissance occupante marque le point

culminant d’une politique persistant e d’occupation permanente et d’a nnexion de territoire. Elle

engendre des crimes contre l’humanitØ et plus particuliŁrement les crimes suivants : - 54 -

a) le fait de diriger intentionnelle ment des attaques contre la popula tion civile en tant que telle ou

contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilitØs;

b) le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractŁre civil, c’est-à-dire

des biens qui ne sont pas des objectifs militaires;

c) le fait de diriger intentionnellement des atta ques contre le personnel, les installations, le

matØriel, les unitØs ou les vØhicules employØs dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire

ou de maintien de la paix conformØment à la Char te des Nations Unies, pour autant qu’ils aient

droit à la protection que le droit international d es conflits armØs garantit aux civils et aux biens

de caractŁre civil;

d) le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile

dans le territoire qu’elle o ccupe, ou la dØportation ou le transfert à l’intØrieur ou hors du

territoire occupØ de la totalitØ ou d’une partie de la population de ce territoire;

e) le fait de diriger intentionnelle ment des attaques contre des bâtiments consacrØs à la religion, à

l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des

hôpitaux et des lieux oø des malades ou des blessØs sont rassemblØs, à condition qu’ils ne soient

pas des objectifs militaires;

f) le fait de dØtruire ou de saisir les biens de l’ennemi, sauf dans les c as oø ces destrcutions ou

saisies seraient impØrieusement commandØes par les nØcessitØs de la guerre;

g) le fait de dØclarer Øteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des

nationaux de la partie adverse;

h) les atteintes à la dignitØ de la personne, notamment les traitements humiliants et dØgradants;

i) le fait de diriger intentionnellement des attaque s contre les bâtiments, le matØriel, les unitØs et

les moyens de transport sanitaires et le personnel u tilisant, conformØment au droit international,

les signes distinctifs prØvus par les conventions de GenŁve;

64 j) le fait d’affamer dØlibØrØment des civils comme mØthode de guerre, en les privant de biens

indispensables à leur survie, y compris en em pŒchant intentionnellement l’envoi des secours

prØvus par les conventions de GenŁve. - 55 -

Le Bangladesh considŁre que l’Ødification du mur à l’intØrieur et à proximitØ de JØrusalem

mØrite aussi de retenir particuliŁ rement l’attention de la Cour in ternationale de Justice dans la

mesure oø elle a pour effet de modifier, ou tend à m odifier, le statut spØcial de la Ville sainte,

sacrØe pour trois grandes confessions. Le Banglad esh est convaincu que la rØsolution du problŁme

de JØrusalem et l’abandon de la construction du mur en voisinage de la Ville sainte seront

dØterminants pour l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient.

Conclusion

Monsieur le prØsident, en conclusion, nous tenons à rØaffirmer que l’Ødification du mur

contrevient, dans la lettre et dans l’esprit, à la rØsolution ES-10/13 adoptØe par l’AssemblØe

gØnØrale des NationsUnies en octobre2003, qui affirme que la constr uction du mur dans le

Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem-Est et ses alentours, s’Øcarte de la ligne

d’armistice de 1949 et ne suit pas la «Ligne verte» de 1967. Le Bangladesh est persuadØ que l’avis

consultatif de la Cour internationale de Ju stice, fondØ sur les conclusions prØsentØes par

nous-mŒmes et par d’autres pays, peut servir de cat alyseur pour l’instauration d’une paix juste et

durable au Moyen-Orient et le rØtablissement de l’Øtat de droit entre les nations.

Merci, Monsieur le prØsident.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur l’ambassadeur. Cette dØclaration achŁve l’exposØ oral et

les observations du Bangladesh et marque la fin de cette audience. La Cour se rØunira de nouveau

demain à 10 heures pour entendre le Belize, Cuba, l’IndonØsie et la Jordanie.

L’audience est levée à 17 h 50.

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