Observations écrites de l'Argentine

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169-20180515-WRI-02-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15235
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL
DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965
(REQUETE POUR AVIS CONSULTATIF)
OBSERVATIONS ÉCRITES DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE
15 mai 2018
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
INTRODUCTION .................................................................................................................................. 1
I. IL N’EXISTE AUCUNE RAISON DÉCISIVE QUI DEVRAIT CONDUIRE LA COUR À REFUSER
D’EXERCER SA COMPÉTENCE EN MATIÈRE CONSULTATIVE ........................................................ 3
II. LE CONTENU DU DROIT DE LA DÉCOLONISATION ET SON APPLICABILITÉ EN L’ESPÈCE ................ 4
A. Caractère obligatoire des résolutions de l’Assemblée générale dans le domaine de la
décolonisation ........................................................................................................................ 5
B. La résolution 1514 (XV) est l’expression du droit international général dans le
domaine de la décolonisation ................................................................................................ 6
C. La portée du paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) .......................................................... 8
a) Interprétation du paragraphe 6 ......................................................................................... 9
b) Les travaux préparatoires ............................................................................................... 10
c) La non-pertinence de l’uti possidetis juris, dans ce contexte ......................................... 11
D. L’autodétermination était un droit reconnu par le droit international dans les
années 1960 ......................................................................................................................... 13
E. La portée juridique des résolutions traitant spécifiquement de la séparation de
l’archipel des Chagos .......................................................................................................... 14
III. LA QUESTION DES NÉGOCIATIONS BILATÉRALES ET DES MESURES UNILATÉRALES .................. 16
A. Les négociations bilatérales menées avant et après l’indépendance n’ont pas modifié
la situation juridique ............................................................................................................ 16
B. Les mesures unilatérales prises par la puissance administrante ne peuvent pas
modifier la situation juridique ............................................................................................. 16
C. L’obligation de négocier sans conditions l’achèvement immédiat du processus de
décolonisation ...................................................................................................................... 18
CONCLUSIONS ................................................................................................................................. 19
INTRODUCTION
1. Les présentes observations écrites sont soumises à la Cour conformément à son
ordonnance du 14 juillet 2017, afin de fournir à celle-ci des informations sur les questions que
l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies lui a posées dans sa résolution 71/292,
adoptée le 22 juin 2017 et intitulée «Demande d’avis consultatif de la Cour internationale de
Justice sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965».
2. Conformément à cette même ordonnance, la République argentine (ci-après
l’«Argentine») a présenté son exposé écrit le 1er mars 2018. Vingt-neuf autres Etats, de même que
l’Union africaine, ont également produit des exposés écrits. Les points d’accord et de désaccord
peuvent d’emblée être énumérés.
3. Les exposés écrits font ressortir des points d’accord importants. Par exemple, à
l’exception d’un exposé écrit (celui de l’Australie), les participants n’ont pas contesté que la Cour a
compétence pour rendre l’avis consultatif demandé sur la base de l’article 96 de la Charte des
Nations Unies et de l’article 65 du Statut de la Cour. Les éléments factuels essentiels au coeur de la
requête de l’Assemblée générale ne sont pas non plus contestés, à savoir : que l’archipel des
Chagos faisait partie de Maurice en 1965, que Maurice était alors un territoire non autonome, que
la puissance administrante a séparé l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, que la population de
l’archipel a été déportée vers d’autres zones, et que les Mauriciens, en particulier ceux d’origine
chagossienne, ne sont pas autorisés à se réinstaller dans l’archipel.
4. Certains aspects juridiques importants relatifs à la présente demande d’avis consultatif ne
font pas non plus l’objet de controverse. Par exemple, aucun participant n’a contesté la compétence
de l’Assemblée générale pour traiter des questions de décolonisation. L’importance des principes
que sont l’autodétermination et l’intégrité territoriale a été reconnue par tous les participants qui ont
évoqué ces principes fondamentaux du droit international, bien qu’en se fondant sur des
interprétations différentes. L’obligation de respecter l’intégrité territoriale dans les relations
interétatiques est approuvée de la même manière. Les participants ont également reconnu qu’il
existe un conflit de souveraineté territoriale entre la République de Maurice (ci-après «Maurice») et
le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le «Royaume-Uni»). Le fait
que le processus de décolonisation peut être examiné du point de vue du droit international n’a pas
non plus été contesté.
5. Comme l’on pouvait s’y attendre, les participants à la présente procédure consultative sont
en désaccord sur des points importants. Bien qu’un nombre considérable d’exposés écrits exprime
l’avis qu’il n’existe aucune raison décisive qui devrait conduire la Cour à refuser d’exercer sa
compétence1, une minorité de participants défend la thèse opposée2. Cette minorité fonde sa
position sur l’existence d’un différend bilatéral et sur les efforts déployés par l’une des parties à ce
différend pour régler celui-ci par des moyens juridiques. Des aspects factuels discutés par certains
participants prêtent également à controverse. Ces aspects portent sur les négociations qui ont abouti
à l’indépendance en 1968 ainsi que sur celles relatives au versement d’une indemnisation et à la
renonciation individuelle à toute réclamation figurant dans l’accord de 1982. Toutefois, les
1 Exposé écrit de l’Union africaine, par. 43 ; exposé écrit de l’Argentine, par. 11 à 30 ; exposé écrit du Brésil,
par. 14 ; exposé écrit de Cuba ; exposé écrit de Chypre, par. 30 ; exposé écrit de Djibouti, par. 24 ; exposé écrit du
Lesotho ; exposé écrit du Liechtenstein, par. 18 ; exposé écrit des Iles Marshall, par. 31 ; exposé écrit de Maurice,
par. 5.20 ; exposé écrit de la Namibie ; exposé écrit du Nicaragua, par. 5 ; exposé écrit du Niger ; exposé écrit de la
Serbie, par. 48 ; exposé écrit de l’Afrique du Sud, par. 58 ; exposé écrit du Viet Nam, par. 4 à 6.
2 C’est le cas des pays suivants : Australie, Chili, Allemagne, Israël, Royaume-Uni et Etats-Unis d’Amérique.
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principales divergences concernent l’interprétation juridique de certaines dispositions pertinentes
du droit de la décolonisation et leur application en l’espèce dans la présente procédure consultative.
Il existe un désaccord quant à l’effet juridique des résolutions adoptées par l’Assemblée générale
des Nations Unies dans le domaine de la décolonisation en général et concernant la nature juridique
de la résolution 1514 (XV) et sa portée, principalement son paragraphe 6. La nature juridique du
principe de l’autodétermination dans les années 1960 est également contestée.
6. Etant donné que certains exposés écrits présentent des arguments déjà développés dans
celui de l’Argentine, celle-ci renvoie respectueusement la Cour à l’exposé écrit qu’elle a déposé le
1er mars 2018. Les présentes observations écrites porteront uniquement sur les questions qui
continuent de diviser les participants et sont directement liées à la présente procédure, et qui
revêtent une importance pour celle-ci. L’Argentine réserve sa position sur tous les aspects des
questions de fait et de droit qui ont été soumises à la Cour et abordées dans d’autres textes
présentés au premier tour de ces plaidoiries écrites. Le fait que les présentes observations écrites
n’abordent aucun point de fait ou de droit soulevé dans les autres exposés écrits, en lien ou sans
lien direct avec les questions soulevées dans la requête de l’Assemblée générale, ne peut en aucun
cas être interprété comme l’acceptation par l’Argentine de ces points de fait ou de droit.
*
* *
7. Les observations écrites de l’Argentine s’articulent en trois parties. La première partie
examinera brièvement les arguments avancés pour demander à la Cour de ne pas exercer sa
compétence en matière consultative, et démontrera qu’aucune raison décisive ne justifie qu’elle le
fasse. Seront examinés en particulier la question de l’existence d’un différend bilatéral, le rôle de
l’Assemblée générale dans le domaine de la décolonisation et la concomitance de ce rôle avec les
tentatives faites par les parties directement concernées pour régler leur différend par des moyens
pacifiques.
8. La deuxième partie porte sur les questions juridiques importantes relatives au droit de la
décolonisation, qui continuent de diviser les participants à la présente procédure et sont essentielles
pour répondre à la question a). En particulier, les points suivants seront examinés : le caractère
juridique des résolutions de l’Assemblée générale dans ce domaine ; la résolution 1514 (XV) et la
portée de son paragraphe 6 concernant l’intégrité territoriale ; le droit à l’autodétermination dans la
présente affaire ; l’inutilité de l’uti possidetis juris pour tenter de justifier la séparation de l’archipel
des Chagos de Maurice ; et la pertinence des résolutions de l’Assemblée générale traitant
expressément de Maurice.
9. La troisième partie portera sur la non-pertinence des négociations bilatérales avant et après
l’indépendance de Maurice aux fins de répondre aux deux questions posées par l’Assemblée
générale à la Cour. L’inadéquation des mesures unilatérales dans le contexte de la décolonisation
de Maurice sera également abordée. Cette partie rappellera également l’obligation de négocier sans
condition l’achèvement immédiat du processus de décolonisation de Maurice, et que ces futures
négociations devront mettre en oeuvre le plan d’action décidé par l’Assemblée générale.
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10. Les présentes observations écrites se termineront par un résumé des questions juridiques
pertinentes soulevées dans la requête de l’Assemblée générale pour avis consultatif.
I. IL N’EXISTE AUCUNE RAISON DÉCISIVE QUI DEVRAIT CONDUIRE LA COUR À
REFUSER D’EXERCER SA COMPÉTENCE EN MATIÈRE CONSULTATIVE
11. Ainsi qu’il a déjà été observé, aucun participant, à l’exception de l’Australie3, n’a
contesté la compétence de la Cour en la présente procédure consultative. Pour les raisons
exprimées dans son exposé écrit, l’Argentine considère que la compétence de la Cour ne fait aucun
doute4. Cette partie s’intéressera ensuite aux arguments soulevés par une minorité d’Etats pour
demander à la Cour de ne pas exercer sa compétence, au motif que cela ne serait pas judiciairement
opportun.
12. Les raisons invoquées sont les suivantes : la Cour ne peut pas répondre aux questions
posées sans se prononcer sur le différend bilatéral de souveraineté et sur ses aspects connexes5 ;
Maurice s’est efforcée de régler ce différend en le soumettant à la décision de la Cour6, par le biais
de l’arbitrage et par d’autres moyens de règlement des différends ; et cette même question a été
examinée par le tribunal arbitral dans la procédure relative à l’aire marine protégée des Chagos7.
13. L’existence d’un différend bilatéral ne constitue pas une raison justifiant que la Cour
n’exerce pas sa compétence consultative dans la présente instance. Les questions soulevées portent
sur la décolonisation d’un territoire non autonome, et l’Assemblée générale dispose de
compétences spécifiques dans ce domaine. Les avis consultatifs exprimés par le passé montrent
qu’il n’est pas surprenant que certains Etats ou participants soient particulièrement préoccupés et
puissent avoir un différend bilatéral associé à des questions qui sont néanmoins de portée
internationale. L’exposé écrit de l’Argentine a déjà réfuté l’argument selon lequel l’existence d’un
différend bilatéral empêcherait la Cour de rendre un avis consultatif8. L’analyse de la jurisprudence
de la Cour développée dans les avis consultatifs antérieurs cités ici permet également d’écarter cet
argument en l’espèce9. La Cour a rejeté cet argument, même lorsque l’Assemblée générale n’était
pas dotée de compétences spécifiques dans les domaine concernés, comme c’est le cas ici en
matière de décolonisation, et qu’elle pouvait seulement exercer sa compétence générale pour
discuter «toutes questions ou affaires» entrant dans le cadre de la Charte de l’Organisation10. Ce
que la Cour a affirmé dans ces affaires s’applique à plus forte raison en l’espèce : dans l’avis
consultatif sur l’archipel des Chagos, les questions soulevées par l’Assemblée générale
«s’inscri[ven]t dans un cadre bien plus large que celui d’un différend bilatéral. Dans ces conditions,
la Cour estime que rendre un avis n’aurait pas pour effet de tourner le principe du consentement au
3 Exposé écrit de l’Australie, par. 17-25.
4 Exposé écrit de l’Argentine, par. 6-10.
5 Exposé écrit de l’Australie, par. 5 à 28 ; exposé écrit du Chili, par. 5-9 ; exposé écrit de la France par. 19 ;
exposé écrit d’Israël, par. 3.1 à 3.20 ; exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.15 ; exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique,
par. 1.2-3.32.
6 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.19.
7 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 6.2 a), 6.21 a) et 7.13 c).
8 Exposé écrit de l’Argentine, par. 23-30.
9 En particulier : Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 24-27, par. 30, 34, 39 et p. 30 et 31,
par. 53.
10 Art. 10 de la Charte des Nations Unies.
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règlement judiciaire et qu’elle ne saurait dès lors, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire,
refuser de donner un avis pour ce motif.»11
14. Il ne s’agit pas là de la première demande d’avis consultatif relative à des sujets qui
préoccupent particulièrement des Etats ou entités. En effet, presque tous les avis consultatifs rendus
par la Cour correspondent à ce cas de figure. La Cour a même envisagé un cadre procédural
privilégié pour entendre les acteurs particulièrement préoccupés. S’il existe un différend entre deux
Etats ou entités dans le cadre d’un avis consultatif demandé par un organe des Nations Unies dans
le domaine de ses compétences, l’avis consultatif ne réglera pas le conflit, mais les parties
concernées doivent prêter dûment attention aux réponses de la Cour et aux décisions de l’organe
compétent des Nations Unies au moment de se conformer à leur obligation de régler leurs
différends par des moyens pacifiques.
15. Ayant affirmé que l’existence d’un différend bilatéral n’empêche pas la Cour de
répondre à la requête de l’Assemblée générale, les deux autres arguments avancés pour convaincre
la Cour de ne pas exercer sa compétence sont devenus sans objet. Il importe peu aux fins de la
présente analyse de déterminer si Maurice a cherché à soumettre son différend bilatéral à la Cour
par le biais d’une procédure contentieuse, ou si ce pays a discuté devant d’autres juridictions de
sujets qui relèvent des questions posées par l’Assemblée générale, ou même si un tribunal
d’arbitrage a déjà traité certains aspects de ces questions. Ce qui est en jeu ici, c’est l’exercice par
l’Assemblée générale de ses pouvoirs dans le domaine de la décolonisation. Il convient de rappeler
à ce stade que, selon la Cour, tout membre des Nations Unies ayant accepté les dispositions de la
Charte et du Statut «ne p[eu]t pas valablement objecter à ce que l’Assemblée générale exerce ses
pouvoirs pour s’occuper de la décolonisation d’un territoire non autonome et demande un avis
consultatif sur des questions intéressant l’exercice de ces pouvoirs12».
II. LE CONTENU DU DROIT DE LA DÉCOLONISATION ET
SON APPLICABILITÉ EN L’ESPÈCE
16. Certains participants ont mis en doute la nature juridique des résolutions de l’Assemblée
générale dans le domaine de la décolonisation en général, et celle de la résolution 1514 (XV) en
particulier. En outre, la portée du paragraphe 6 de cette résolution ainsi que la nature juridique du
droit des peuples à l’autodétermination ont été minimisées par les mêmes participants. Cette partie
permettra d’examiner ces questions et d’expliquer que d’autres arguments, tels que l’application du
principe de l’uti possidetis juris, ne sont pas pertinents aux fins de la présente procédure.
17. La formulation des questions posées à la Cour a également été critiquée. Elles ne seraient
pas libellées en termes neutres13. La question a) est celle de savoir si le processus de décolonisation
a été validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la
séparation de l’archipel des Chagos de son territoire. Ainsi formulée, cette question est absolument
neutre et permet de se prononcer dans un sens ou dans l’autre sur la légalité de ce processus.
Comme il a été dit plus haut, les deux faits énoncés (l’indépendance de Maurice en 1968, et la
séparation des Chagos en 1965) ne sont pas contestés. La question a) fait référence au type de
légalité qui est en jeu ici : le droit international. Elle précise ensuite les obligations spécifiques
concernées : celles articulées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV), 2066 (XX),
2232 (XXI) et 2357 (XXII). Cette approche, déjà retenue par le passé, ne présente rien
11 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 159, par. 50.
12 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 24, par. 30.
13 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.7 et 9.3 ; exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, par. 4.14.
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d’extraordinaire. Par exemple, lorsque l’Assemblée générale a demandé à la Cour, dans sa
résolution ES-10/14, de rendre un avis consultatif sur le «mur» en tenant compte «des règles et des
principes de droit international», l’Assemblée générale a expressément ajouté, «notamment [de] la
quatrième convention de Genève de 1949, et [d]es résolutions consacrées à la question par le
Conseil de sécurité et l’Assemblée générale». L’Assemblée générale attire simplement l’attention
de la Cour sur les éléments considérés comme fondamentaux pour son action dans le domaine
concerné. En l’espèce, il s’agit du droit de la décolonisation, tel que reflété dans la résolution 1514
(XV) et les résolutions adoptées par l’Assemblée générale au sujet de Maurice.
18. La question b) est une question typiquement posée à la Cour dans les procédures
consultatives : quelles sont les conséquences en droit international du maintien de l’archipel des
Chagos sous l’administration du Royaume-Uni ? La suite de la question attire également l’attention
de la Cour sur une situation de fait qui n’est pas contestée : l’impossibilité dans laquelle se trouve
Maurice de mener dans l’archipel des Chagos un programme de réinstallation pour ses nationaux,
en particulier ceux d’origine chagossienne. Dans ces conditions, la question b) ne préjuge d’aucune
réponse et est séquentielle à la question a). Ces conséquences juridiques dépendront de la réponse
que la Cour apportera à la première question.
A. Caractère obligatoire des résolutions de l’Assemblée générale dans
le domaine de la décolonisation
19. Il a été avancé que, «comme la plupart des autres résolutions de l’Assemblée générale,
[l]es quatre résolutions [énumérées dans la question a)] ne sont pas contraignantes»14, et que les
résolutions de l’Assemblée générale ont force obligatoire dans des cas très limités : «lorsqu’elles se
rapportent à l’adoption du barème des quotes-parts et du budget de l’Organisation, et lorsqu’elles
contiennent des décisions concernant l’administration interne et la gestion de celle-ci au sens de
l’article 17 de la Charte»15. De fait, la Cour a déjà souligné
«que les résolutions de l’Assemblée générale, même si elles n’ont pas force
obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative. Elles peuvent, dans certaines
circonstances, fournir des éléments de preuve importants pour établir l’existence d’une
règle ou l’émergence d’une opinio juris.»16
Cette constatation s’applique à toutes les résolutions en général. Toutefois, nous nous trouvons ici
dans une situation spécifique, pour laquelle l’Assemblée générale est dotée d’autres pouvoirs que
ceux mentionnés à l’article 17 de la Charte. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans son deuxième avis,
«[s]elon le droit international, l’Organisation doit être considérée comme possédant ces pouvoirs
qui, s’ils ne sont pas expressément énoncés dans la Charte, sont, par une conséquence nécessaire,
conférés à l’Organisation en tant qu’essentiels à l’exercice des fonctions de celle-ci»17. C’est le cas
notamment de la compétence conférée à l’Assemblée générale dans le domaine de la
décolonisation, où elle est dotée d’une compétence exclusive pour gérer la liste des territoires non
autonomes, par inscription, retrait ou réinscription, et pour décider la manière dont les territoires
concernés doivent être décolonisés18. Ces résolutions ne sont pas de simples recommandations,
comme c’est le cas lorsque l’Assemblée générale traite d’autres types de questions ou de conflits.
14 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.7.
15 Ibid., par. 8.32. Au paragraphe 8.50, seules les «questions budgétaires» sont considérées comme susceptibles
de donner lieu à des résolutions contraignantes de l’Assemblée générale.
16 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 254
et 255, par. 70.
17 Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1949, p. 182.
18 Exposé écrit de l’Argentine, par. 17-20.
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Dans ce contexte particulier de l’exercice de son pouvoir en matière de décolonisation, les
résolutions de l’Assemblée générale possèdent nécessairement une force obligatoire.
20. Depuis le début de son action, la Cour a eu l’opportunité de confirmer la force
obligatoire des résolutions portant sur les territoires à décoloniser. Dans son premier avis
consultatif sur le Sud-Ouest africain (ancien nom de la Namibie), la Cour a dit ce qui suit :
«Une résolution recommandant à un Etat administrant une mesure déterminée crée
une certaine obligation juridique qui, si rudimentaire, souple et imparfaite qu’elle soit,
est cependant une obligation juridique et constitue une mesure de surveillance.»19
21. Plus de deux décennies plus tard, après que l’Assemblée générale a adopté la
résolution 1514 (XV) et un nombre considérable de résolutions traitant spécifiquement de chaque
territoire à décoloniser, la Cour a déclaré ce qui suit dans un avis consultatif concernant la
décolonisation :
«Il serait en effet inexact de supposer que, parce qu’elle possède en principe le
pouvoir de faire des recommandations, l’Assemblée générale est empêchée d’adopter,
dans des cas déterminés relevant de sa compétence, des résolutions ayant le caractère
de décisions ou procédant d’une intention d’exécution.»20
22. C’est donc dans le cadre de ses compétences relevant du domaine de la décolonisation
que l’Assemblée générale adopte des résolutions ayant le caractère de décisions ou procédant d’une
intention d’exécution. Ces résolutions ne sont pas de simples recommandations comme dans
d’autres cas, et leur teneur et intention d’exécution possèdent alors une force obligatoire dans ce
domaine.
B. La résolution 1514 (XV) est l’expression du droit international général
dans le domaine de la décolonisation
23. Dans une certaine mesure, il est surprenant de voir exposer devant la Cour en 2018
l’allégation selon laquelle la résolution 1514 (XV) ne serait pas l’expression du droit coutumier,
dans les années 1960 ou aujourd’hui, après l’analyse minutieuse et les conclusions de la Cour
développées à cet égard dans ses avis consultatifs de 1971 et 1975.
24. Il est inutile de répéter ici les passages pertinents des avis consultatifs déjà rendus par la
Cour21. Il suffira d’ajouter que, répondant aux deux questions soulevées par l’Assemblée générale
dans l’avis consultatif sur le Sahara occidental, la Cour a fait référence à «l’application de la
résolution 1514 (XV) quant à la décolonisation du Sahara occidental»22. La formulation employée
est importante. Il y est directement fait référence à la résolution 1514 (XV) comme étant applicable
au processus de décolonisation. La Cour applique le droit international lorsqu’elle répond à des
demandes d’avis consultatifs. De fait, la résolution 1514 (XV) est le principal pilier du droit
19 Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 118 et 119.
20 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 50,
par. 105.
21 Exposé écrit de l’Argentine, par. 15-18.
22 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 68, par. 162.
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applicable en matière de décolonisation, en tant qu’expression du droit international général dans
ce domaine.
25. Dès son adoption, l’Assemblée générale a considéré la résolution 1514 (XV) comme
l’expression d’obligations internationales. Pour cette raison, un an plus tard, elle a constitué son
organe subsidiaire, le Comité spécial de la décolonisation (également appelé Comité spécial des
Vingt-Quatre ou «C-24»), dont le nom complet mentionne l’application de la résolution 1514
(XV)23 et dont la fonction est précisément d’assurer le suivi cette application24. Les similitudes
avec la mission et le travail du Conseil de tutelle — organe créé par la Charte des Nations Unies —
sont manifestes, bien que ce soit l’Assemblée générale qui décide de l’inscription ou du retrait des
territoires sur la liste concernée dans le cas de la décolonisation des territoires non autonomes. La
résolution 1654 (XVI), qui crée ce Comité spécial, décrit sa mission et «[p]rie le Comité spécial
d’étudier l’application de la Déclaration, de formuler des suggestions et des recommandations
quant aux progrès réalisés et à la mesure dans laquelle la Déclaration est mise en oeuvre, et de faire
rapport à l’Assemblée générale …»25.
26. Le texte de la résolution 1514 (XV) est clé et sans équivoque. Le paragraphe 1 déclare
que la sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères est
contraire à la Charte des Nations Unies. Le paragraphe 2 mentionne le droit à l’autodétermination.
Le paragraphe 6 affirme que toute tentative visant à détruire l’unité nationale et l’intégrité
territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies. Le
paragraphe 7 indique que tous les Etats doivent observer fidèlement et strictement non seulement
les dispositions de la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme
(autre résolution de l’Assemblée générale exprimant le contenu du droit coutumier), mais
également les dispositions de la résolution 1514 (XV). Par conséquent, les termes de la
résolution 1514 (XV) indiquent le caractère déclaratoire des obligations conventionnelles et
coutumières existantes.
27. En 1960, aucun Etat n’a voté contre la résolution 1514 (XV), et les puissances
administrantes de territoires non autonomes, à l’exception du Portugal, ont immédiatement accepté
de transmettre les informations requises au Comité spécial des Vingt-Quatre mis en place pour
assurer la mise en oeuvre de la résolution 1514 (XV) un an plus tard26. Les puissances
administrantes n’ont pas contesté la compétence de l’Assemblée générale pour traiter des questions
de décolonisation.
28. Par les présentes observations écrites, l’Argentine prie respectueusement la Cour de
suivre l’exposé écrit de l’Union africaine dans sa description précise de l’existence du droit des
peuples à l’autodétermination dans la période entre l’adoption de la Charte en 1945 et celle de la
résolution 1514 (XV), qui découle tant de l’analyse des résolutions de l’Assemblée générale que de
la pratique des Etats27.
23 Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
24 Voir www.un.org/fr/decolonization/specialcommittee.shtml.
25 Résolution 1654 (XVI) du 27 novembre 1961, par. 4.
26 Jusqu’en 1986, le Royaume-Uni a activement collaboré avec le Comité spécial de la décolonisation ou Comité
spécial des 24 (voir résolution 41/41B adoptée par l’Assemblée générale le 2 décembre 1986).
27 Exposé écrit de l’Union africaine, par. 77 à 93 et 96 à 106.
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29. En ce qui concerne la question au coeur de la présente procédure, selon la puissance
administrante, même si la résolution 1514 (XV) énonce un droit coutumier, cette résolution n’est
pas opposable au Royaume-Uni parce que celui-ci l’a toujours systématiquement contestée28. Il
convient d’emblée de noter que l’Etat concerné n’a pas voté contre la résolution 1514 (XV).
L’abstention, bien qu’il ne s’agisse pas d’une approbation, n’est pas non plus une objection. Une
page ne suffirait pas pour énumérer toutes les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de
sécurité, faisant expressément référence à la résolution 1514 (XV), qui ont été adoptées sans
opposition de la part du Royaume-Uni29.
30. L’explication du vote de la résolution 1514 (XV) est également d’une importance
cruciale. M. Ormsby-Gore, le représentant du Royaume-Uni, a analysé en détail le texte ainsi que
l’objet et le but de cette résolution. Il a confirmé que les objectifs fondamentaux des 43 auteurs
afro-asiatiques du projet de résolution étaient les mêmes que ceux du Royaume-Uni. Il a affirmé
que le Royaume-Uni aurait voulu pouvoir voter en faveur de la déclaration mais, «qu’à certains
égards, sa rédaction ne nous permettait pas de l’appuyer». Il a ensuite procédé à une analyse
minutieuse de chacun de ses paragraphes. Il a critiqué le premier paragraphe en raison de sa
référence à la «domination [] étrangère[]» ; le paragraphe 7 du préambule, en ce que  selon lui 
il ne correspondait pas à la politique de son pays à l’égard des territoires relevant de son
administration ; le paragraphe 3, pour ne pas mentionner les mesures à prendre en vue de «préparer
l’indépendance» ; le paragraphe 2, pour les difficultés qui ont surgi lorsqu’il s’est agi de «trouver
une définition universellement acceptable du droit de libre détermination» ; et le paragraphe 5,
parce que le représentant estimait que la méthode employée et le calendrier de l’indépendance
étaient des questions que les peuples devaient décider en accord avec la puissance administrante. Il
est hautement significatif que le représentant britannique n’a soulevé aucune critique au sujet des
paragraphes 6 et 7 lorsque la résolution a été adoptée30.
C. La portée du paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV)
31. En premier lieu, il est nécessaire de clarifier une confusion introduite dans un exposé
écrit dont l’un des sous-titres allègue que le paragraphe 6 de «[l]a résolution 1514 (XV) de
l’Assemblée générale ne procédait pas d’un droit à l’autodétermination juridiquement reconnu en
1965/196831». Le paragraphe 6 intègre le principe du respect de l’intégrité territoriale dans la
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Le droit à
l’autodétermination est inscrit au paragraphe 2 de cette même déclaration. Ainsi, il existe deux
principes différents applicables en matière de décolonisation, ce qui explique pourquoi ces deux
principes figurent séparément dans la déclaration. L’un ou l’autre peut être applicable sous une
forme ou une autre. Ainsi qu’il est précisé dans l’exposé écrit de l’Argentine, de même que dans
d’autres exposés écrits32, en l’espèce, la puissance administrante a porté atteinte à l’intégrité
territoriale de Maurice en détachant une partie de son territoire, et empêché le peuple mauricien
d’exercer son droit à l’autodétermination dans toute l’étendue de son champ d’application.
28 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.59 à 8.61.
29 Par exemple, les résolutions 183 (1963) et 232 (1966) du Conseil de sécurité, et les résolutions 1746 (XVI) et
1742 (XV) de l’Assemblée générale renvoient expressément à la résolution 1514 (XV) et ont été adoptées avec le vote du
Royaume-Uni.
30 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, 947e séance plénière,
doc. A/PV.947, p. 1274 à 1276, par. 45 à 58.
31 Exposé écrit du Royaume-Uni, chap. VIII, C i), p. 91.
32 Exposé écrit de l’Union africaine, par. 157 ; exposé écrit du Belize, par. 4.1 et 4.2 ; exposé écrit du Brésil,
par. 23 ; exposé écrit de Djibouti, par. 42, exposé écrit de la Namibie, question 1 c), d) et e) ; exposé écrit de l’Afrique du
Sud, par. 64 et 65.
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32. Le Royaume-Uni fait valoir que les termes du paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV)
ne «conviennent [pas] pour l’énonciation d’une règle de droit international coutumier», «ne font
pas partie de la terminologie juridique» et sont révélateurs de «la forte charge politique de ce
paragraphe», et que «le sens et la portée du paragraphe 6 n’étaient pas clairs»33. Ni les termes dans
leur contexte, ni l’objet et le but de la déclaration, ne justifient ces allégations. Les travaux
préparatoires, en l’occurrence les projets soumis à l’Assemblée générale et leurs délibérations et
votes, contredisent également ces affirmations. Les paragraphes suivants sont consacrés à ces deux
points.
a) Interprétation du paragraphe 6
33. Avant toute chose, il convient de rappeler le libellé du paragraphe 6 : «Toute tentative
visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est
incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies.»34
34. Ainsi qu’une délégation l’a noté en 196035, ce libellé fait écho à celui du paragraphe 4 de
l’article 2 de la Charte des Nations Unies. Dans son avis consultatif de 2010, la Cour a déclaré ce
qui suit : «La Cour rappelle que le principe de l’intégrité territoriale constitue un élément important
de l’ordre juridique international et qu’il est consacré par la Charte des Nations Unies, en
particulier au paragraphe 4 de l’article 2 …»36.
35. Cela ne signifie pas que l’intégrité territoriale est uniquement consacrée au paragraphe 4
de l’article 2. En effet, le respect de l’intégrité territoriale a toujours été une règle élémentaire
régissant les relations internationales, et ce bien longtemps avant l’adoption de la Charte des
Nations Unies. Il ne fait aucun doute que, même lorsque la guerre était autorisée par le droit
international, le respect de l’intégrité territoriale des Etats en temps de paix était universellement
accepté comme corollaire du principe de l’égale souveraineté, au titre de laquelle chaque Etat est
tenu de respecter le territoire des autres Etats37.
36. La référence faite par la Cour au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte ne concerne pas
seulement le respect de l’intégrité territoriale dans les situations impliquant l’usage de la force.
Cette référence a simplement été faite parce que l’intégrité territoriale est expressément mentionnée
dans cette disposition de la Charte.
37. Avancer que la référence au paragraphe 6 est identique dans son contenu au paragraphe 4
de l’article 2 de la Charte équivaut à priver le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) de tout effet
utile. En effet, le paragraphe 6 n’est pas le seul de la déclaration faisant référence à l’intégrité
territoriale. Le paragraphe 4 de la résolution 1514 (XV) traite de questions relatives à l’usage de la
33 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.36.
34 Texte en français : «Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité
territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies» ; texte en espagnol :
«Todo intento encaminado a quebrantar total o parcialmente la unidad nacional y la integridad territorial de un país es
incompatible con los propósitos y principios de la Carta de las Naciones Unidas».
35 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, 947e séance plénière,
doc. A/PV.947, p. 1276, par. 62 (M. Schurmann (Pays-Bas)).
36 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 437, par. 80.
37 Cf. Struycken, A.A.H., La Société des Nations et l’intégrité territoriale, Bibliotheca Visseriana Dissertationvm
ivs internationale illvstrantivm. Leiden, Brill, 1923, vol. I, p. 105.
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force, et inclut également une référence à l’intégrité territoriale38. Ce n’est pas un hasard si la
Déclaration touchant les relations amicales évoque également l’intégrité territoriale dans la partie
consacrée à l’utilisation de la force et dans celle relative au droit des peuples à l’autodétermination.
38. L’interprétation à donner aux termes employés au paragraphe 6 est simple. «Toute
tentative» désigne toute action ou revendication, réelle ou potentielle, allant à l’encontre de
l’intégrité territoriale. Il peut s’agir, par exemple, d’un simple exercice d’autorité sur un territoire
étranger ou encore de l’occupation d’un territoire et d’une revendication de souveraineté sur ce
territoire. Le mot «tentative» permet en outre d’inclure les situations de fait correspondant à ce
deuxième exemple, qui ne peuvent pas modifier la situation juridique : il s’agit seulement d’une
tentative faite pour la changer.
39. La référence à l’intégrité territoriale, mais également à l’unité nationale, renforce l’idée
de prévenir la division des nations. Cela devait être évident aux yeux de M. Ormsby-Gore en 1960,
quand — en parlant de la manière dont le Royaume-Uni s’était acquitté de ses obligations au titre
des chapitres XI, XII et XIII de la Charte — le représentant a évoqué «[l]a mesure dans laquelle les
peuples de ces territoires, avec notre aide, peuvent réussir à faire naître des nations nouvelles, non
divisées, fortes et réellement indépendantes»39. Comme il est expliqué dans l’exposé écrit de
l’Argentine, la référence à l’intégrité territoriale «d’un pays» visait non seulement les Etats mais
également les territoires des peuples engagés sur la voie de la décolonisation40. La dernière partie
du paragraphe contient une constatation juridique, qui est la conséquence de la ligne de conduite
visée dans la règle énoncée au paragraphe 6 : ce type de conduite «est incompatible avec les buts et
les principes de la Charte des Nations Unies», qui, comme chacun sait, sont énoncés dans les
articles 1 et 2 de ladite Charte.
40. La Déclaration touchant les relations amicales, adoptée avec la résolution 2625 (XXV)
confirme le caractère coutumier et la portée juridique du paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV).
De toute évidence, il n’était pas nécessaire de citer expressément cette dernière résolution : la
déclaration touchant les relations amicales reprend et précise simplement le contenu du
paragraphe 6, comme elle le fait pour le paragraphe 2 de la résolution 1514 (XV). Et ladite
déclaration ne substitue pas le terme «Etat» au terme «pays», et explique en outre que «[t]out Etat
doit s’abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et
l’intégrité territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays41».
b) Les travaux préparatoires
41. Les travaux préparatoires confirment également cette interprétation du paragraphe 6.
Lorsque le projet afro-asiatique a été soumis (y compris le paragraphe 6 tel que formulé
actuellement), le Guatemala a souhaité ajouter un nouveau paragraphe à sa suite, pour clarifier et
38 Résolution 1514 (XV), par. 4 :
«Il sera mis fin à toute action armée et à toutes mesures de répression, de quelque sorte qu’elles
soient, dirigées contre les peuples dépendants, pour permettre à ces peuples d’exercer pacifiquement et
librement leur droit à l’indépendance complète, et l’intégrité de leur territoire national sera respectée.»
39 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, 947e séance plénière,
doc. A/PV.947, p. 1275, par. 46 [non souligné dans l’original].
40 Exposé écrit de l’Argentine, par. 38.
41 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.48.
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préciser une situation particulière42. Après l’explication donnée par l’un des Etats auteurs du projet
de résolution, selon laquelle la situation envisagée par le Guatemala figurait déjà au paragraphe 6,
le Guatemala a retiré sa proposition d’amendement43. L’Iran44 et l’Afghanistan45, qui étaient
également coauteurs du projet afro-asiatique, ont eux aussi accepté cette interprétation. Il y a eu un
débat entre deux Etats sur la question de savoir si une situation particulière et si ce point précis
étaient couverts ou non par le paragraphe 646, mais aucun Etat n’a contesté ni même critiqué le
contenu de ce paragraphe. Il est important de noter que le Royaume-Uni, tout en expliquant son
abstention, a analysé et critiqué presque tous les paragraphes de la résolution 1514 (XV), à
l’exception du paragraphe 647.
c) La non-pertinence de l’uti possidetis juris, dans ce contexte
42. Le paragraphe 6 a été analysé par un participant à la présente procédure comme s’il
portait sur la question d’interdire ou non la «modification des frontières» des territoires coloniaux
avant leur accession à l’indépendance48. Une référence à l’uti possidetis juris et le fait que ce
principe implique le respect des frontières lors de l’accession à l’indépendance ont également été
invoqués à cet égard49. Ces deux arguments sont inappropriés dans le contexte actuel.
43. Ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le rappeler, l’uti possidetis juris «constitue un
principe général, logiquement lié au phénomène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se
manifeste»50. L’objectif de l’uti possidetis, tel qu’il a été développé en Amérique latine au
XIXe siècle était double : prévenir les luttes fratricides nées de la contestation des frontières et
éviter la recolonisation des territoires que l’ancienne puissance coloniale avait assignés à l’une ou à
l’autre des circonscriptions administrative51. Les questions soulevées par la requête de l’Assemblée
générale pour avis consultatif sont tout à fait différentes et ne concernent pas «une frontière de
territoires coloniaux avant l’indépendance». Elles concernent la possibilité pour une puissance
administrante d’accorder l’indépendance à l’une de ses colonies tout en conservant une partie du
territoire de cette colonie, en revendiquant sa souveraineté sur le territoire conservé. Ainsi, les
exemples donnés de partition ou de fusion d’anciennes colonies au moment de leur indépendance,
en vue de constituer deux Etats indépendants ou un seul, sont des situations intégralement
différentes de celle en cause dans la présente instance.
44. La vraie question examinée ici nécessite de déterminer si le but de la puissance
administrante, en accordant l’indépendance à une colonie tout en conservant une partie du territoire
de cette dernière, constitue ou non une conduite conforme au paragraphe 6 de la résolution 1514
42 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, annexes 1960-61, partie 2,
point 87 de l’ordre du jour, amendements proposés par le Guatemala [A/L.323, A/L.325], doc. A/PV.947, p. 7.
43 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, 947e séance plénière,
doc. A/PV.947, p. 1271, par. 8 à 15 et p. 1276 et 1277, par. 63 à 65.
44 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, 947e séance plénière,
doc. A/PV.947, p. 1271, par. 8 à 15 et p. 1269 et 1270, par. 31.
45 Ibid., p. 1269 et 1270, par. 54.
46 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session, 947e séance plénière,
doc. A/PV.947, p. 1276, par. 62 et p. 1279, par. 95 à 98.
47 Supra, par. 30.
48 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.46.
49 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.29 et 8.30.
50 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 565, par. 20.
51 Ibid., p. 565, par. 20 et p. 566, par. 23 ; Affaire des frontières colombo-vénézuéliennes, RIAA, vol. 1, p. 228.
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(XV). Comme mentionné dans plusieurs exposés écrits, cette conduite n’est pas conforme au
respect dû à l’intégrité territoriale du pays concerné52.
45. La référence à l’uti possidetis dans ce contexte est mal avisée. L’idée serait que, avant
l’indépendance, le pouvoir colonial pouvait décider, seul, des frontières de ses colonies, et que, une
fois indépendant, le nouvel Etat devenait souverain sur son territoire dans les limites fixées par le
colonisateur. Les nouveaux Etats d’Amérique du Sud qui se sont battus pour l’indépendance de la
domination coloniale espagnole dans la première partie du XIXe siècle n’ont pas compris ce
principe de cette façon. Comme chacun sait, ce principe était appelé l’uti possidetis juris de 181053.
L’année 1810 n’est pas l’année de la déclaration d’indépendance de ces pays, mais celle marquant
le début de la lutte de libération pour l’indépendance. Les territoires ont déclaré leur indépendance
plus tard, à des années différentes54. A partir de 1810, ces pays n’ont plus reconnu les autorités
métropolitaines, et tout changement apporté par lesdites autorités aux limites administratives ne
pouvait donc pas entrer en ligne de compte pour déterminer les frontières des Etats nouvellement
indépendants55. Ce qui était applicable au XIXe siècle était encore plus pertinent un siècle plus tard.
46. Le contexte du XXe siècle un élément crucial qui n’était évidemment pas présent au
moment de l’indépendance de l’Amérique latine : le développement du droit international
consacrant le droit de créer des Etats indépendants par le biais de la reconnaissance du droit des
peuples à l’autodétermination, le statut juridique des territoires coloniaux en tant que territoires
distincts de la métropole, et l’existence d’une organisation internationale chargée de superviser le
processus de décolonisation.
47. En conséquence, une puissance coloniale ne peut pas invoquer l’uti possidetis juris
pour conserver une partie du territoire de sa colonie lorsqu’elle accorde à celle-ci son
indépendance. Une puissance coloniale ne peut pas décider unilatéralement du sort d’un territoire
colonial, car cela relève du domaine de compétences de l’Organisation des Nations Unies
conformément au chapitre XI de la Charte et à son développement.
48. Les situations telles que celle en cours d’examen sont appelées «dévolutions territoriales
incomplètes» dans les travaux de la Commission du droit international56. Dans son premier rapport
sur la succession d’Etats dans les matières autres que les traités, M. Mohammed Bedjaoui,
rapporteur spécial à l’époque, puis juge et président de la Cour, a évoqué ce qui suit comme étant
l’un des problèmes posés par l’aspect territorial de la succession d’Etats :
52 Exposé écrit de l’Argentine, par. 33 à 47 ; exposé écrit de l’Union africaine, par. 143 à 157 et 187 ; exposé écrit
du Belize, par. 4.1 ; exposé écrit du Brésil, par. 20 à 23 ; exposé écrit de Cuba ; exposé écrit de Djibouti, par. 33, 34
et 42 ; exposé écrit du Guatemala, par. 34 ; exposé écrit de Madagascar ; exposé écrit de la Namibie, question 1 c), d)
et e) ; exposé écrit du Nicaragua, par. 7 à 10 ; exposé écrit de la Serbie, par. 39 ; exposé écrit de l’Afrique du Sud, par. 60.
53 Le Conseil fédéral suisse (Gouvernement suisse), arbitre en l’Affaire des Frontières colombo-vénézuéliennes, a
dit ce qui suit dans sa sentence :
«Lorsque les Colonies espagnoles de l’Amérique centrale et méridionale se proclamèrent
indépendantes, dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, elles adoptèrent un principe de droit
constitutionnel et international auquel elles donnèrent le nom d’uti possidetis juris de 1810, à l’effet de
constater que les limites des Républiques nouvellement constituées seraient les frontières des provinces
espagnoles auxquelles elles se substituaient.» (Affaire des Frontières colombo-vénézuéliennes, R.I.A.A.,
vol. 1, p. 228.)
54 Par exemple, l’Argentine a déclaré son indépendance en 1816, le Chili en 1818 et le Pérou en 1820.
55 Kohen, Marcelo, Possession contestée et souveraineté territoriale, Paris, P.U.F., 1997, p. 464 à 466.
56 Egalement appelées «décolonisations inachevées» en français.
- 13 -
«La Commission pourrait examiner la question de savoir si une pareille
dévolution territoriale incomplète est compatible avec les règles du droit international
et étudier à ce propos les corrélations possibles entre le principe de l’intégrité
territoriale et l’abolition du régime colonial. En empruntant les termes du droit privé,
l’on pourrait considérer une telle dévolution incomplète comme une inexécution
partielle de livrer.»57
49. En résumé, nous pouvons dire que :
a) le respect de l’intégrité territoriale est depuis longtemps une règle de droit international ;
b) le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) applique le principe de l’intégrité territoriale à la
décolonisation ;
c) aucun Etat n’a rejeté le paragraphe 6 ni contesté son caractère juridique, en particulier pas la
puissance administrante concernée par la situation à l’examen.
D. L’autodétermination était un droit reconnu par le droit international
dans les années 1960
50. Deux participants ont mis en doute la nature juridique du droit des peuples à
l’autodétermination à l’époque de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice58. Cela
contredit non seulement l’analyse faite par la Cour sur cette question59 mais également la position
expresse adoptée par un seul de ces participants lors des discussions sur la résolution 1514 (XV),
comme indiqué plus haut60.
51. Ainsi que l’ancienne juge et présidente de la Cour, Dame Rosalyn Higgins, l’a écrit en
1963, en des termes qui ne laissent planer aucun doute : «Il semble donc inévitable que
l’autodétermination se soit développée en un droit juridique international et ne soit pas une
question essentiellement nationale. L’étendue et la portée de ce droit a toujours suscité un certain
débat.»61
52. En effet, l’existence de différentes interprétations sur la teneur, la portée et l’étendue de
règles juridiques ne présente rien d’inhabituel. Bien au contraire, cela est le cas dans nombreux
différends internationaux. Quoi qu’il en soit, le fait que des Etats soient en désaccord sur le contenu
d’une règle ne revient pas à nier l’existence de cette règle. Les discussions sur le contenu d’un droit
ou d’une obligation sont plutôt une preuve de l’existence juridique de ce droit ou de cette
obligation.
57 Premier rapport sur la succession d’Etats et les droits et obligations découlant de sources autres que les
traités, Annuaire de la Commission du droit international, 1968, vol. II, p. 116.
58 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.65 ; exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, par. 4.46, 4.61 et 4.64.
59 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52 ;
Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 31 à 33, par. 54 à 59.
60 Exposé écrit de l’Argentine, par. 31.
61 Rosalyn Higgins, The Development of International law through the Political Organs of the United Nations,
Londres, New York, Toronto, Oxford University Press, 1963, p. 193.
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53. Il est vrai que l’Assemblée générale, dans l’exercice de ses compétences dans le domaine
de la décolonisation, n’a pas toujours appliqué le principe de l’autodétermination aux populations
des territoires non autonomes. Toutefois, cela a été expliqué par la Cour elle-même, non pas
comme un déni du droit à l’autodétermination, mais en termes d’inapplicabilité dans certaines
circonstances :
«La validité du principe d’autodétermination, défini comme répondant à la
nécessité de respecter la volonté librement exprimée des peuples, n’est pas diminuée
par le fait que dans certains cas l’Assemblée générale n’a pas cru devoir exiger la
consultation des habitants de tel ou tel territoire. Ces exceptions s’expliquent soit par
la considération qu’une certaine population ne constituait pas un «peuple» pouvant
prétendre à disposer de lui-même, soit par la conviction qu’une consultation eût été
sans nécessité aucune, en raison de circonstances spéciales.»62
54. Dans la situation soulevée par la requête de l’Assemblée générale pour avis consultatif,
aucune de ces exceptions n’est présente : il ne fait aucun doute que l’Assemblée générale a reconnu
l’existence du peuple mauricien et de son droit à l’autodétermination et par conséquent à devenir
indépendant. La même résolution, par laquelle l’Assemblée générale a mis en garde la puissance
administrante contre le démembrement de Maurice comme étant contraire à l’intégrité territoriale
de celle-ci, a «[r]éaffirm[é] le droit inaliénable du peuple du territoire de l’île Maurice à la liberté et
à l’indépendance, conformément à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée»63. Cette résolution
concerne également les Mauriciens d’origine chagossienne, expulsés en raison de la séparation de
l’archipel avant l’octroi de l’indépendance à Maurice.
E. La portée juridique des résolutions traitant spécifiquement de
la séparation de l’archipel des Chagos
55. Il est fait valoir que les trois résolutions de l’Assemblée générale consacrées à Maurice et
mentionnées à la question a) ne créent pas d’obligations envers la puissance administrante ou ne
sont pas rédigées en termes contraignants64. Ces deux arguments sont inexacts. Ces résolutions
confirment que cette politique de séparation constitue une rupture de l’intégrité territoriale de
Maurice et est contraire à la Charte, à la résolution 1514 (XV) et aux autres résolutions y
afférentes. Par souci de clarté, il convient de rappeler les parties pertinentes de ces trois résolutions.
56. Au quatrième paragraphe du dispositif de la résolution 2066 (XX) du 16 décembre 1965,
«[l’Assemblée générale] [i]nvite la Puissance administrante à ne prendre aucune mesure qui
démembrerait le territoire de l’île Maurice et violerait son intégrité territoriale». Ce libellé clair a
été employé avant l’octroi de l’indépendance : le verbe «violer», en relation avec l’«intégrité
territoriale», ne peut que se référer à l’existence d’une obligation juridique interdisant de faire cela.
L’«invitation» est de «ne prendre aucune mesure», à savoir de ne pas de créer ce démembrement,
étant donné que des étapes menant à cela avaient commencé à être prises quelques semaines
auparavant, comme le verra plus loin.
57. Les résolutions 2232 (XXI) et 2357 (XXII) de l’Assemblée générale traitent de la
situation d’un certain nombre de territoires non autonomes, dont Maurice faisait partie.
L’Assemblée générale s’est dite profondément préoccupée par les politiques visant «à la
62 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 33, par. 59.
63 Résolution 2066 (XX), par. 2.
64 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.7, 8.50 et 8.51.
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destruction de l’intégrité territoriale de certains de ces territoires et à l’établissement, par les
puissances administrantes, de bases et d’installations militaires en violation des résolutions
pertinentes de l’Assemblée générale». Au paragraphe 4 des dispositifs des deux résolutions,
l’Assemblée générale a
«[r]eitér[é] sa déclaration selon laquelle toute tentative visant à détruire partiellement
ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale des territoires coloniaux et à
établir des installations militaires dans ces territoires est incompatible avec les buts et
les principes de la Charte des Nations Unies et de la résolution 1514 (XV) de
l’Assemblée générale65».
Rappelons encore une fois que ces résolutions ont été adoptées avant que Maurice n’obtienne son
indépendance. Elles ne formulent plus d’«invitations», puisque les premières mesures visant à
démembrer son intégrité territoriale avaient déjà été prises. C’est la «profonde préoccupation»
suscitée par ces mesures qui est soulignée par l’Assemblée générale dans ces résolutions.
58. Le terme «déclaration», l’adjectif «incompatible» et la référence à la Charte des
Nations Unies et à la résolution 1514 (XV) employés dans les résolutions 2232 (XXI) et 2357
(XXII) ne laissent aucun doute sur leur portée : ces résolutions ont un effet déclaratif concernant le
fait qu’accorder l’indépendance à Maurice, en détruisant son intégrité territoriale, n’est pas
conforme à la Charte, aux règles relatives à la décolonisation consacrées dans la résolution 1514
(XV) ni aux résolutions très précises de l’Assemblée générale énonçant la manière dont Maurice
devait être décolonisée.
59. En dernier ressort, il a été avancé que la résolution 2066 (XX) parle du «futur»
démembrement possible du territoire de Maurice, mais pas de celui de l’archipel des Chagos en
1965. L’argument développé est que l’Assemblée générale a été informée, à la Quatrième
Commission tenue le 16 novembre 1965, de la création du «Territoire britannique de
l’océan Indien» et que la résolution 2066 (XX) a été adoptée un mois plus tard66. De fait, le
décret-loi portant création du Territoire britannique de l’océan Indien a été publié le 8 novembre
196567. Rien ne permet raisonnablement de douter que l’Assemblée générale a réagi de cette façon
parce que la puissance administrante avait adopté cette décision. Dans le préambule de la
résolution 2066 (XX), l’Assemblée générale a
«[n]ot[é] avec une profonde inquiétude que toute mesure prise par la Puissance
administrante pour détacher certaines îles du territoire de l’île Maurice afin d’y établir
une base militaire constituerait une violation de ladite déclaration et en particulier du
paragraphe 6 de celle-ci».
Si la puissance administrante avait suivi l’Assemblée générale, elle n’aurait pas pris le décret-loi du
8 novembre 1965. L’adoption subséquente par l’Assemblée générale des résolutions 2232 (XXI) et
2357 (XXII) confirme cette interprétation. Celles-ci se réfèrent sans équivoque au détachement
d’un territoire dans le but d’établir une base militaire, ce qui est exactement ce qui s’est passé dans
l’archipel des Chagos. Ce que l’Assemblée générale a pris en considération, lorsqu’elle a adopté
ces trois résolutions traitant spécifiquement de Maurice, était la séparation de l’archipel des Chagos
et non une hypothétique séparation future que personne n’avait à l’esprit et qui était par ailleurs
difficile à envisager dans la pratique.
65 Résolution 2232 (XXI) du 20 décembre 1966 et résolution 2357 (XXII) du 19 décembre 1967.
66 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.52.
67 Exposé écrit du Royaume-Uni, annexe II.
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III. LA QUESTION DES NÉGOCIATIONS BILATÉRALES ET
DES MESURES UNILATÉRALES
60. Il s’agit dans cette partie d’examiner l’argument selon lequel les représentants mauriciens
auraient accepté la séparation de l’archipel des Chagos dans les négociations bilatérales, aussi bien
avant qu’après l’indépendance. Il sera démontré qu’il n’est nul besoin d’analyser ces négociations
car, d’une part, celles tenues avant l’indépendance n’ont pas empêché l’Assemblée générale
d’adopter sa position à cet égard, et, d’autre part, celles menées après l’indépendance n’ont pas
porté sur la légalité de la séparation de l’archipel des Chagos (A). Il sera également expliqué dans
cette partie pourquoi les mesures unilatérales prises par la puissance administrante ne peuvent pas
modifier la situation juridique (B). Pour répondre à la question b), il est nécessaire de souligner
l’existence d’une obligation pour les parties concernées de négocier afin d’appliquer intégralement
et sans condition les résolutions de l’Assemblée générale visant l’achèvement du processus de
décolonisation (C).
A. Les négociations bilatérales menées avant et après l’indépendance
n’ont pas modifié la situation juridique
61. Les deux principaux participants à la présente instance ont exprimé des vues opposées
sur les conditions et le contenu des négociations menées par la puissance administrante avec les
délégués mauriciens en 196568. L’Argentine est d’avis que, aux fins de la présente procédure
consultative, il n’est pas nécessaire que la Cour examine ces négociations. Le fait essentiel est que
l’Assemblée générale a adopté les résolutions 2066 (XX), 2232 (XXI) et 2357 (XXII) après la
tenue de ces négociations. En d’autres termes, ces négociations et leur résultat, quoi qu’ils aient pu
être, sont sans rapport avec la décision de l’Assemblée générale qui a considéré que l’intégrité
territoriale de Maurice était menacée par la séparation d’une partie de son territoire.
62. Il n’est pas non plus nécessaire, aux fins de la présente procédure consultative,
d’examiner l’accord conclu le 7 juillet 1982 entre le Royaume-Uni et Maurice. Pour la question a),
cet accord n’est pas pertinent au regard de la décolonisation de Maurice car il ne porte en aucune
manière sur la légalité de la séparation de l’archipel des Chagos. Aucune conclusion ne peut en être
tirée. Maurice n’a nullement reconnu la licéité de la séparation de l’archipel des Chagos ni celle de
la déportation des Ilois. Elle a simplement accepté le versement d’une somme d’argent à titre
gracieux et a convenu de faire de son mieux pour convaincre les personnes concernées ne pas
poursuivre leurs réclamations à titre individuel. La question b), quant à elle, ne peut pas avoir de
répercussion sur les conséquences de l’administration continue du territoire détaché par le
Royaume-Uni, notamment sur l’impossibilité pour Maurice de réinstaller ses ressortissants dans
l’archipel.
63. En conséquence, ni les négociations de 1965 ni l’accord de 1982 ne sont pertinents pour
la réponse que la Cour apportera aux questions soulevées par l’Assemblée générale.
B. Les mesures unilatérales prises par la puissance administrante
ne peuvent pas modifier la situation juridique
64. La présente demande d’avis consultatif ne soulève pas seulement la question des
compétences de l’Assemblée générale, mais également celles des puissances administrantes lors du
processus de décolonisation. Deux éléments doivent être pris en considération à cet égard : en
premier lieu, le fait que les territoires coloniaux (ou territoires non autonomes) ont un statut séparé
68 Exposé écrit de Maurice, par. 3.39-3.96 ; exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.7-3.37.
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et distinct de celui du territoire de l’Etat qui les administre69, et, en second lieu, que c’est
l’Organisation des Nations Unies, par l’intermédiaire de l’Assemblée générale, qui supervise le
processus de décolonisation.
65. Deux conséquences peuvent découler de ces deux points essentiels. Premièrement, c’est
l’Assemblée générale (et, par conséquent, pas la puissance administrante) qui décide d’ajouter à la
liste ou de retirer des territoires qui entrent dans le champ d’application du Chapitre XI de la Charte
et de la résolution 1514(XV). En conséquence, c’est également l’Assemblée générale qui décide de
la manière dont la décolonisation doit être mise en oeuvre dans les territoires figurant sur cette liste.
Deuxièmement, la puissance administrante ne peut pas traiter ces territoires comme si elle pouvait
décider des changements constitutionnels et les utiliser à des fins autres que la décolonisation, ni
subordonner sa décolonisation aux conditions dictées par elle seule.
66. Le Royaume-Uni explique ce qui suit dans son exposé écrit : «[e]ntre la date de sa
cession par la France en 1814 et le 8 novembre 1965, date à laquelle il a été détaché de ce qui était
alors la colonie de Maurice, l’archipel des Chagos a été administré par le Royaume-Uni en tant que
sous-dépendance de Maurice»70. L’exposé écrit du Royaume-Uni comporte ensuite une longue
digression sur la portée de la notion de «dépendance» dans le droit interne britannique pour
conclure que «[c]’est à des fins purement administratives que l’archipel avait été «rattaché» à
Maurice. Bien que considéré à certaines fins comme relevant de la définition de la colonie de
Maurice, l’archipel était en droit et en fait largement distinct de Maurice.»71
67. Le traitement relevant du droit interne ainsi que la distinction administrative que ce droit
peut établir pour un territoire colonial sous son administration ne sont pas pertinents aux fins de la
décolonisation. La puissance coloniale ne peut pas invoquer son droit interne pour conserver une
partie du territoire d’une colonie lorsque celle-ci accède à l’indépendance. C’est le droit
international qui s’applique dans ce cas72. Il s’agit là d’une règle de base régissant les relations
entre le droit international et le droit interne : un Etat ne peut pas invoquer les dispositions de son
droit interne pour justifier la non-exécution d’un traité (article 27 de la convention de Vienne sur le
droit des traités) ou d’une règle coutumière. De même, tout fait internationalement illicite est régi
par le droit international, indépendamment de la manière dont le droit interne qualifie ce même fait
(article 3 du projet d’articles de la Commission du droit international sur la responsabilité des
Etats).
68. Il est d’importance cruciale que, dans l’exercice de ses pouvoirs en matière de
décolonisation, l’Assemblée générale a reconnu que l’archipel des Chagos faisait partie intégrante
du territoire non autonome de Maurice, et mis en garde la puissance administrante contre toute
action visant à violer son intégrité territoriale, comme nous l’avons vu dans la partie précédente.
69 Déclaration touchant les relations amicales :
«Le territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non autonome possède, en vertu de la Charte,
un statut séparé et distinct de celui du territoire de l’Etat qui l’administre ; ce statut séparé et distinct en
vertu de la Charte existe aussi longtemps que le peuple de la colonie ou du territoire non autonome
n’exerce pas son droit à disposer de lui-même conformément à la Charte et, plus particulièrement, à ses
buts et principes.»
70 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 2.13.
71 Ibid., par. 2.38.
72 La partie II des observations écrites de l’Argentine explique comment le droit international traite cette
situation.
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69. Il est également mentionné dans ce même exposé écrit que, «[e]n tant que territoire
britannique d’outre-mer, le BIOT avait (et a toujours) une constitution et un gouvernement distinct
de ceux du Royaume-Uni»73. En effet, aux termes du décret-loi portant création du Territoire
britannique de l’océan Indien, «[u]n commissaire au territoire d[evait] être nommé par Commission
sous le seing royal de Sa Majesté et exercer son mandat selon le bon vouloir de Sa Majesté»74.
Dans ces circonstances, on comprend mal toutes les tentatives visant à démontrer que le Territoire
britannique de l’océan Indien, du fait qu’il avait ensuite été déclaré «Territoire britannique
d’outre-mer», pouvait être considéré par le Royaume-Uni comme une entité séparée. Encore une
fois, la qualification en droit interne du territoire par la puissance administrante est sans importance
aux fins de l’application du droit international dans le domaine de la décolonisation. L’exemple
mentionné dans l’exposé écrit de l’Argentine — à savoir le traitement accordé par le Portugal à ses
colonies, en tant que «provinces d’outre-mer», et son rejet par l’Assemblée générale — en dit long
sur l’inutilité des qualifications unilatérales par les puissances administrantes alors que c’est le
droit international qui doit être appliqué en matière de décolonisation.75
70. En résumé, la séparation de l’archipel des Chagos en 1965 est une mesure unilatérale
prise par la puissance administrante qui n’a pas reçu l’approbation de l’Assemblée générale des
Nations Unies, l’organe chargé de superviser le processus de décolonisation. En conséquence, cette
mesure unilatérale ne pouvait pas décider du sort de ce territoire. Il appartient à l’Assemblée
générale de déterminer la manière dont un territoire non autonome doit être décolonisé et donc le
moment où la situation coloniale touche à sa fin. C’est pour cette raison que l’Assemblée générale
a demandé l’avis consultatif de la Cour en l’espèce.
C. L’obligation de négocier sans condition l’achèvement immédiat
du processus de décolonisation
71. La position du Royaume-Uni sur la question des Chagos a été résumée par le
représentant britannique à l’Assemblée générale de la manière suivante :
«Le Gouvernement britannique estime que ce territoire britannique de
l’océan Indien est britannique comme il l’a été depuis 1814. Il ne reconnaît pas la
revendication de souveraineté du Gouvernement mauricien. Cependant, le
Gouvernement britannique a reconnu que Maurice est le seul Etat qui aura le droit de
faire valoir une revendication de souveraineté lorsque le Royaume-Uni abandonnera
sa propre souveraineté. Les Gouvernements britanniques successifs ont promis au
Gouvernement mauricien que le territoire sera cédé lorsqu’il ne sera plus nécessaire
pour des fins de défense.
Le Gouvernement britannique reste ouvert aux discussions concernant les
arrangements régissant le territoire britannique de l’océan Indien ou l’avenir du futur
territoire. Le Gouvernement britannique a déclaré qu’au moment opportun, le territoire
sera cédé, et que cela se fera en liaison étroite avec le Gouvernement mauricien.»76
72. Cette déclaration fait abstraction d’un élément essentiel de la question : à savoir que le
territoire concerné relève du domaine de la décolonisation, avec toutes les conséquences déjà
73 Ibid., par. 2.33.
74 Décret-loi de 1965 relatif au Territoire britannique de l’océan Indien, article 4 (annexe II de l’exposé écrit du
Royaume-Uni).
75 Exposé écrit de l’Argentine, par. 18.
76 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-quatrième session, séances plénières,
19e séance, doc. A/54/PV.19 (dossier no 292). Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.10.
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examinées dans l’exposé écrit et les observations écrites de l’Argentine, et possède en particulier
un statut distinct et séparé du territoire concerné. Cette déclaration subordonne en outre les
négociations avec Maurice à la décision unilatérale de la puissance administrante, qui pourra
déterminer quand le territoire ne sera «plus nécessaire pour des fins de défense». Cette position est
incompatible avec le droit de la décolonisation et l’obligation de régler tout différend par des
moyens pacifiques. Premièrement, les fins de défense des puissances administrantes ne peuvent pas
être invoquées pour retarder la décolonisation des territoires non autonomes. Deuxièmement, tout
Etat a le «devoir ... de [m]ettre rapidement fin au colonialisme»77. Troisièmement, une partie à un
différend ne saurait se fonder sur sa propre appréciation de la question pour exclure de négocier
avec l’autre partie le règlement de celle-ci par des moyens pacifiques78. En conséquence, la
puissance administrante a l’obligation de négocier avec Maurice l’arrêt immédiat sans conditions
de la situation coloniale de l’archipel de Chagos, afin de permettre à Maurice de recouvrer son
intégrité territoriale, violée lors de son accès à l’indépendance, et de mettre un terme, de manière
complète, au processus de décolonisation de Maurice.
CONCLUSIONS
73. Au vu de l’analyse des exposés écrits présentés dans le cadre de la présente procédure
consultative, l’Argentine rappelle respectueusement les éléments proposés pour répondre aux
questions posées par l’Assemblée générale, comme indiqués dans l’exposé écrit de l’Argentine79.
74. Pour résumer les points essentiels en l’espèce :
A. La Cour a compétence, et il n’existe aucune raison décisive de ne pas exercer cette
compétence :
a) l’existence d’un conflit de souveraineté lié à une situation de décolonisation ne prive pas
l’Assemblée générale de ses compétences dans le domaine de la décolonisation ;
b) les tentatives faites par Maurice pour régler le différend bilatéral par différents moyens
pacifiques, et la sentence arbitrale rendue dans l’affaire de l’aire marine protégée des Chagos,
n’affectent pas l’exercice de la compétence consultative de la Cour et n’ont aucune incidence
sur les réponses qui seront apportées aux questions posées par l’Assemblée générale ;
B. S’agissant de la question a) :
c) l’Assemblée générale dispose de pouvoirs spécifiques dans le domaine de la décolonisation,
ainsi que la Cour l’a reconnu il y a plus de 40 ans ;
d) c’est à l’Assemblée générale qu’il appartient de déterminer quand et comment un territoire non
autonome a été décolonisé ;
e) le territoire d’une colonie ou d’un territoire non autonome jouit d’un statut séparé et distinct de
celui de l’Etat qui l’administre ;
f) la résolution 1514 (XV) a énoncé les règles de droit international existantes, en particulier les
principes de l’autodétermination des peuples et du respect de l’intégrité territoriale ;
77 Déclaration touchant aux relations amicales.
78 Voir l’exposé écrit de l’Argentine, par. 61-65.
79 Exposé écrit de l’Argentine, par. 67 et 68.
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g) les résolutions 2066 (XX), 2232 (XXI) et 2357 (XXII) ont précisé la manière dont la
résolution 1514 (XV) doit être appliquée au territoire non autonome de Maurice ;
h) le respect de l’intégrité territoriale est applicable aux Etats et aux peuples dont le droit à
l’autodétermination a été reconnu, selon les modalités fixées par les résolutions pertinentes de
l’Assemblée générale ;
i) la puissance administrante n’est pas en droit de prendre des mesures unilatérales qui modifient
le statut du territoire non autonome, ni de disposer dudit territoire pour ses propres fins ;
j) les négociations bilatérales menées en 1965 n’ont pas influé sur les considérations que
l’Assemblée générale a exprimées dans ses résolutions 2066 (XX), 2232 (XXI) et 2357 (XXII),
et il n’y a donc pas lieu d’examiner leur contenu ;
k) l’accord de 1982 ne porte pas sur le statut de l’archipel des Chagos et n’influe donc pas sur les
réponses de la Cour aux questions soulevées par l’Assemblée générale ;
l) la constitution unilatérale de l’archipel des Chagos en «Territoire britannique de
l’océan Indien» et sa qualification en tant que territoire britannique d’outre-mer ne modifient
pas et n’affectent pas la situation juridique internationale de ce territoire en tant que territoire
non autonome dans le contexte du processus de décolonisation ;
m) la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice a détruit l’intégrité territoriale de cette
dernière et empêché le peuple mauricien d’exercer son droit à l’autodétermination sur
l’ensemble de son territoire ;
n) En conséquence, le processus de décolonisation n’a pas été validement mené à bien lorsque
Maurice a obtenu son indépendance en 1968 ;
C. S’agissant de la question b) :
o) le traitement infligé à la population mauricienne déportée de l’archipel des Chagos constituait
une violation des droits fondamentaux de l’homme ;
p) la puissance administrante a l’obligation de mettre immédiatement un terme à la situation
illégale créée par la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice ;
q) la puissance administrante a l’obligation de poursuivre les négociations avec Maurice de bonne
foi et sans condition, en vue de mettre immédiatement fin à cette situation illégale et de
permettre l’achèvement du processus de décolonisation.
Le conseiller juridique,
(Signé) Mario OYARZÁBAL.
___________

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Document Long Title

Observations écrites de l'Argentine

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