DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES MODIFIÉE PRÉSENTÉE PAR LE
GOUVERNEMENT DE LA G ÉORGIE
[Traduction]
A. Introduction
1. J’ai l’honneur de me référer à la requêtesoumise à la Cour le 12août2008 introduisant,
au nom de la République de Géorgie, une instan ce contre la Fédération de Russie au titre de la
convention internationale sur l’élimination de t outes les formes de discrimination raciale (CIEDR),
ainsi qu’à la demande en indication de mesures cons ervatoires présentée à la Cour le 14 août 2008.
Au vu de l’évolution rapi de de la situation en Abkhazie et en Ossétie du Sud, la République de
Géorgie soumet respectueusement, conformément à l’article41 du Statut de la Cour et aux
articles73, 74 et75 du Règlement, la présente demande en indication de mesures conservatoires
modifiée, préalablement à la tenue d’audiences du 8 au 10 septembre 2008.
B. Compétence de la Cour
2. Comme indiqué dans la requête, la Cour est compétente pour connaître de la présente
affaire aux termes de son Statut et de son Règlement, ainsi que de l’article 22 de la CIEDR.
C. Les faits pertinents aux fins de la présente demande
3. La Fédération de Russie exerce désormais le contrôle sur la totalité de l’Ossétie du Sud et
de l’Abkhazie, ainsi que sur certaines parties adjace ntes du territoire de la Géorgie, à la suite de
l’invasion lancée par ses forces le 8 août 2008. Dans ces zones sous mainmise russe, les personnes
de souche géorgienne ont fait l’objet de violences physiques systématiques, violences qui sont à
l’origine de nombreux cas de décès ainsi que de l’installation d’un climat de terreur parmi la
population civile, et du départ en masse de celle-c i. Incendiaires et pillards s’en sont en outre
délibérément, spécifiquement et systématiquement pris à leurs habitations et à leurs biens.
L’objectif manifeste de cette campagne de discrim ination est de contraindre à l’exode les habitants
de souche géorgienne de l’Ossétie du Sud, de l’Abkhazie et d’autres parties voisines du territoire de
la Géorgie. Cette campagne est l’aboutissement de la politique menée par la Russie depuis les
années 1990 en vue de renforcer, sous sa direction et sous son contrôle, l’autorité des partisans du
séparatisme ethnique sur le territoire de la Géorgie, par la pratique du nettoyage ethnique et le déni
du droit au retour. Pour la Géorgie, l es conséquences humanitaires de cette politique
discriminatoire ont été désastreuses. Aux 300 000 personnes déplacées dans les
annéesquatre-vingt-dix sont, depuis l’invasion russ e, le 8août dernier, venus s’ajouter 128000
ressortissants géorgiens, d’après les estimations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés . Les personnes déplacées représentent aujourd’hui près de 10% des 4,5millions
d’habitants de la Géorgie.
4. La présente demande en indication de mesures conservatoires vise la cessation immédiate
des formes violentes de discrimination raciale dont continuent d’être victimes les personnes de
souche géorgienne dans les parties du territoire de la Géorgie con
trôlées par la Fédération de
1 Haut Commissariat des Na tions Unies pour les réfugiés, «UNHCR «Le chef du HCR se rend en Ossétie du
Sud», 22 août 2008, disponible à l’adresse suivante:http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/news/opendoc.htm?
tbl=NEWS&id=48aef0dc4. - 2 -
Russie, ainsi que l’arrêt immédiat des diverses mesures adoptées ou appuyées par la Fédération de
Russie pour vider de toute substance le droit au re tour des personnes de souche géorgienne qui ont
été expulsées ou contraintes au départ du fait de ces violences.
5. Le contexte factuel du différend opposant la Fédération de Russie et la Géorgie au regard
de la CIEDR est exposé dans la requête de la Géorgie en date du 12août2008. Un volume
rassemblant des éléments de preuve relatifs aux actes de discrimination raciale passés et présents
attribuables à la Fédération de Russie qui sont l’ objet de la présente demande en indication de
mesures conservatoires sera soumis à la Cour avant les audiences. La Cour trouvera ci-après le
résumé des principaux faits faisant suite à l’invasion russe lancée le 8août2008 qui revêtent une
pertinence aux fins de la présente demande.
6. Depuis le 8 août, les forces russes, opérant de concert avec des mercenaires et des milices
séparatistes sud-ossètes, se livrent à l’encontre de personnes prises pour cibles en raison de leur
origine géorgienne à des mesures de discrimination systématiques et généralisées: par exemple,
des civils ont été tués, pris en otage et maltraités, et des habitations et autres biens de caractère civil
livrés au pillage et à la destruction. Cette politique, initialement circonscrite aux territoires situés
dans le voisinage immédiat de Tskhinvali, dans les limites de l’Ossétie du Sud, a entre-temps été
étendue, au-delà de cette région, à des villages gé orgiens des districts de Gori et de Kareli
(respectivement au sud et au sud-ouest de Tskhinvali), et risque maintenant de l’être à la population
géorgienne du district d’Akhalgori, à l’est, où les autorités séparatistes avancent des revendications
territoriales appuyées par la Fédération de Russi e et s’occupent activement de distribuer aux
personnes demeurées sur place des passeports russes.
7. En Abkhazie, des villages géorgiens ont été détruits par les forces russes dans les gorges
de Kodori, et leur population, estimée à 3000ha bitants, a été déplacée. Les 45000personnes de
souche géorgienne du district de Gali sont privées de leur liberté de circulation et complètement
coupées du reste de la Géorgie; à ce jour, on ignore tout de leur sort. Avant l’invasion russe du
8août, des pressions ⎯menaces d’expulsion et autres sanctions ⎯ avaient été exercées à leur
encontre pour les amener à prendre la nationalité russe.
8. Des témoins oculaires ont fait état de violents actes de discrimination raciale ⎯ meurtres
de civils, prises d’otages et mauvais traitements, p illage et destruction d’ha bitations et de biens,
entre autres ⎯ commis de manière systématique et généralisée à l’encontre de personnes de souche
géorgienne dans les parties suivantes du territoire de la Géorgie sous contrôle russe :
⎯ dans les territoires de l’Ossétie du Sud cont rôlés par les séparatistes avant le 8août,
immédiatement au nord et au sud de Tskhinvali, les villages géorgiens de Kekhui, Zemo
Achabeti, Kvemo Achabeti, Tamarasheni, Nikozi et Kvemo Nikozi ;
⎯ dans les territoires qui relevaient avant le 8 août de l’administration temporaire de l’Ossétie du
Sud sous autorité géorgienne, au nord de Tskhinvali, les villages de Kurta, Eredvi et Vanati ;
⎯ dans le district de Gori, en dehors et au sud de l’Ossétie du Sud, qui se trouvait sous autorité
géorgienne avant le 8 août, les villages de Tkviavi, Karaleti, Tirdznisi, Kitsnisi, Karbi, Ditsi et
Variani ;
⎯ dans le district de Kareli, en dehors et au sud-ouest de l’Ossétie du Sud, qui se trouvait sous
autorité géorgienne avant le 8 août, les villages de Ptsa, Atotsi, Ruisi et Dvani. - 3 -
9. De nouveaux cas de violences dirigées contre les populations de souche géorgienne dans
les zones sous contrôle russe continuent, jour après jour, d’être portés à la connaissance du
Gouvernement géorgien. L’occupation russe du district d’Akhalgori, situé en dehors, et à l’est, de
l’Ossétie du Sud, qui était aupara vant sous autorité géorgienne, suscite des craintes toutes
particulières. Dans ce district, les autorités sépa ratistes ont affirmé leur contrôle en renvoyant des
policiers et d’autres représentants de l’Etat géorgi en, et en tenant des propos tels que ceux-ci : «Ce
2
territoire était le nôtre. Ce territoire est le nôtre. Et ce territoire sera désormais le nôtre.» La
population de ce district est à 72,7% d’origine géorgienne ⎯ soit quelque 13 000 personnes qui,
pendant des années, ont vécu en paix aux côtés de la minorité ossète (26,5 % de la population). Le
comportement des forces russes et séparatistes dans les autres parties du territoire fait craindre que
de semblables violences à caractère discriminatoire ne soient incessamment commises dans ce
district.
10. Le soutien et la participation russes à la récente campagne de violences visent à modifier
définitivement la composition ethnique de certains territoires, en vue de renforcer l’autorité des
forces séparatistes. Un officier du renseignement sud-ossète a ainsi déclaré: «Nous avons brûlé
ces maisons. Nous voulions être certains qu’ils [les Géorgiens] ne pourraient revenir; parce que
3
s’ils reviennent, nous redeviendrons une enclave géorgienne et cela, nous ne le voulons pas.» A la
question de savoir si les milliers de Géorgiens déplacés seraient autorisés à regagner leurs foyers en
Ossétie du Sud, le chef des séparatistes EdouardKokoïty a apporté une réponse catégorique:
4
«Nous n’avons pas l’intention de laisser quiconque revenir sur notre territoire.» D’autres sources
l’ont confirmé: «Les deux plus hauts responsables sud-ossètes ont l’un et l’autre déclaré, ces
derniers jours, qu’ils n’avaient pas l’intention d’autoriser le retour des personnes de souche
5
géorgienne qui ont fui lorsque les milices ont mis le feu à leurs domiciles.»
D. Les droits que fait valoir la Géorgie
11. Aux termes de l’article 2 de la CIEDR,
«[l]es Etats parties condamnent la discrimin ation raciale et s’engagent à poursuivre
par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer toute
forme de discrimination raciale et à favoriser l’entente entre toutes les races, et, à cette
fin :
a)chaque Etat partie s’engage à ne se livrer à aucun acte ou pratique de
discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et
à faire en sorte que toutes les autor ités publiques et institutions publiques,
nationales et locales, se conforment à cette obligation ;
b) chaque Etat partie s’engage à ne pas encourager, défendre ou appuyer la
discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
«Tanks and Katyushas bristle round isolated Tbilisi», Guardian, 18 août 2008, disponible à l’adresse suivante :
http://www.guardian.co.uk/wor1d/2008/aug/l8/geogie.russia1
3
«A Caucasian Journal», The Economist, 21 août 2008.
4 «We have in fact flattened everything there», Kommersant, disponible à l’adresse suivan:e
www.kommersant.ru/doc.aspx?fromsearch=ef093bal-b275-41da-8576-5d7359607….
5 «Georgian refugees’ Return Grows Remote», Wall Street Journal, 22 août 2008. - 4 -
d) chaque Etat partie doit, par tous les moyens appropriés, y compris, si les
circonstances l’exigent, des mesures législatives, interdire la discrimination raciale
pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations et y mettre fin».
12. Aux termes de l’article 5 de la convention,
«les Etats parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous
toute ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction
de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance
des droits suivants :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
b) droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’Etat contre les voies de fait ou
les sévices de la part soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu,
groupe ou institution ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
d) autres droits civils, notamment :
i) droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat».
13. En occupant de manière illicite les régions géorgiennes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie,
ainsi que les territoires qui leur sont adjacents, la Fédération de Russie a renforcé son contrôle
effectif sur des parties du territoire situées dans les frontières internationalement reconnues de la
Géorgie. Dès lors, pour ce qui est des obligations imposées par la CIEDR et de la responsabilité de
leur violation, l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie et l es régions adjacentes en question relèvent de la
juridiction de la Fédération de Russie . 6
14. Avant l’invasion de la Russie, le 8août2008, le comité pour l’élimination de la
discrimination raciale avait reconnu que des oblig ations prévues par la CIEDR étaient en jeu
s’agissant des régimes de facto d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (séparatistes) :
«[L]es situations en Ossétie duSud et en Abkhazie ont entraîné une
discrimination à l’encontre de personnes d’ origines ethniques différentes, notamment
d’un grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de
réfugiés. A maintes reprises, l’attention a été appelée sur le fait que les autorités
abkhazes font obstruction au retour librement consenti des populations déplacées, et
plusieurs recommandations ont été formulées par le Conseil de sécurité en vue de
faciliter la libre circulation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur
7
propre pays.»
15. Les violations de la CIEDR ainsi men tionnées par le comité se sont sensiblement
intensifiées avec l’occupation militaire russe et les politiques à caractère discriminatoire mises en
Œuvre en Ossétie du Sud, en Abkhazie et dans les régions adjacentes depuis le 8 août 2008.
6 Voir l’affaire Ilaşcu et autres c.Moldova et Russie (Cour européenne des droits de l’homme,
o
requête n 48787/99), arrêt, 8 juillet 2004.
7 Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale : Géorgie, 27 avril 2001,
CERD/C/304/Add.120, par. 4. - 5 -
i) Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’Etat contre les voies de fait ou
les sévices
16. Par sa requête déposée le 12 août 2008, la Géorgie prie notamment la Cour d’ordonner à
la Fédération de Russie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les personnes
de souche géorgienne demeurées en Ossétie du Sud et en Abkhazie ne seront pas soumises à des
actes de discrimination constitutifs de violations d es articles2 et 5 de la CIEDR. En attendant
l’examen du bien-fondé de ses griefs et des remè des demandés, la Géorgie prie respectueusement
la Cour d’indiquer des mesures conservatoires afin d’empêcher qu’un préjudice irréparable ne soit
porté au droit des personnes de souc he géorgienne de ne pas subir de traitement discriminatoire et,
en particulier, des violences ou autres actes de contrainte revêtant notamment les formes suivantes :
meurtres, atteintes à l’intégrité physique, menac es de mort ou de telles atteintes, détention de
personnes et prises d’otages motivées par leur appartenance ethnique, destruction et pillage de leurs
biens, et autres actes tendant à leur départ d’Ossétie du Sud, d’Abkhazie et des régions adjacentes
situées sur le territoire géorgien.
17. Il existe des preuves accablantes de l’implication directe des forces russes dans les actes
de violence et autres mesures de contrainte utilisés pour asseoir et pérenniser le déplacement, dans
leur propre pays, des populations de souche gé orgienne d’Ossétie du Sud, d’Abkhazie et des
régions adjacentes ⎯processus qui, depuis son origine, remontant aux conflits des années1990,
constitue le principal fondement de l’autorité d es partisans du séparatisme ethnique opérant sous
direction et contrôle russes. Le comportement de la Fédération de Russie à cet égard vide de toute
substance le droit des populations de souche géorgienne restées en Ossétie du Sud, en Abkhazie et
dans les régions adjacentes, à la sûreté de la personne, à la protection contre les voies de fait ou les
sévices ainsi que le droit de ces personnes de continue r de résider dans leurs foyers et dans leurs
villages.
ii) Le droit au retour
18. Le comité pour l’élimination de la discrimination raciale a, dans sa
recommandation n XXII, intitulée «Article 5 et réfugiés et personnes déplacées», précisé les droits
reconnus aux refugiés et aux personnes déplacées aux termes de l’article5 de la CIEDR, et les
obligations correspondantes des Etats parties :
«a) Tous les réfugiés et personnes déplacées … ont le droit de retourner librement dans
leurs foyers d'origine en toute sécurité ;
b) les Etats parties sont tenus de veiller à ce que le retour des réfugiés et personnes
déplacées … soit librement consenti et de respecter le principe du non-refoulement
et de la non-expulsion des réfugiés ;
c) tous les réfugiés et personnes déplacées … ont, une fois de retour dans leurs foyers
d’origine, le droit de se voir restituer les biens dont ils ont été dépouillés au cours
du conflit et d’être dûment indemnisés pour ceux qui ne peuvent leur être
restitués. Tout engagement pris ou déclar ation faite sous la contrainte en ce qui
concerne ces biens est nul et non avenu ;
d) tous les réfugiés et personnes déplacées ont , une fois de retour dans leurs foyers
d’origine, le droit de participer pleinement et à égalité aux affaires publiques à tous
les niveaux, d’avoir accès à égalité aux services publics et de recevoir un
e aide à la
réadaptation.» - 6 -
19. Dans sa requête, la Géorgie prie notamment la Cour d’ordonner à la Fédération de Russie
de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer et faciliter le retour en Ossétie du Sud et en
Abkhazie, en toute sécurité, des déplacés de souche géorgienne, eu égard au droit au retour garanti
par l’article 5 de la CIEDR. En attendant l’examen du bien-fondé des griefs qu’elle a formulés au
regard de la convention, et des remèdes qu’elle a demandés, la Géorgie prie respectueusement la
Cour d’indiquer des mesures conservatoires afin d’empêcher qu’un préjudice irréparable ne soit
porté au droit des personnes de souche géorgienne de retourner en Ossétie du Sud et en Abkhazie.
20. Avant le début du dernier conflit en Ossétie du Sud et en Abkhazie, en août 2008, le droit
au retour des personnes de souche géorgienne av ait été catégoriquement confirmé par l’Assemblée
des Nations Unies dans sa résolution 62/249 du 29 mai 2008. Aux termes de celle-ci, l’Assemblée
générale
«Reconnaît le droit qu’ont tous les réfugiés et personnes déplacées et leurs
descendants, indépendamment de leur a ppartenance ethnique, de retourner en
Abkhazie (Géorgie) ;
Souligne qu’il importe de préserver les droits patrimoniaux des réfugiés et des
personnes déplacées d’Abkhazie (Géorgie), notamment les victimes d’actes de
nettoyage ethnique dont il a été fait état, et appelle tous les Etats Membres à dissuader
toutes les personnes qui relèvent de leur juridiction d’acquérir des biens sur le
territoire de l’Abkhazie (Géorgie) au mépris des droits des rapatriés ;
Fait valoir la nécessité d’élaborer ra pidement un calendrier assurant le prompt
retour dans leurs foyers des réfugiés et des personnes déplacées d’Abkhazie
(Géorgie).»
21. Des éléments de preuve accablants montrent que la Fédération de Russie, tant
directement que par l’ascendant et le contrôle qu’elle exerce sur les partisans du séparatisme
ethnique en Ossétie du Sud et en Abkhazie, ainsi que sur les mercenaires cosaques et tchétchènes,
s’emploie à asseoir, entériner et pérenniser la nouvelle composition démographique de l’Ossétie du
Sud et de l’Abkhazie, fruit de la reprise des expulsions de personnes de souche géorgienne dans ces
régions depuis le 8 août 2008. Le comportement de la Fédération de Russie à cet égard compromet
ou rend impossible le retour dans leurs foyers d’origine des personnes de souche géorgienne.
E. Urgence
22. La Fédération de Russie continue de pratiquer la discr imination à l’égard des personnes
de souche géorgienne en Abkhazie, en Ossétie du Sud et dans les régions avoisinantes : elle suscite,
par ses actes et par ses omissions, des craintes quant au droit des populations de souche géorgienne
à la sûreté de la personne, à la protection cont re les voies de fait ou les sévices, à la protection
contre les prises d’otages et les placements en détention motivés par l’appartenance ethnique ainsi
qu’au droit des personnes de souche géorgienne de continuer de résider dans leurs foyers et
villages, de même qu’elle vide de sens ou rend impossible l’exercice de leur droit de retourner dans
leurs foyers d’origine. En outre, la Fédération de Russie soutient activement, en Ossétie du Sud et
en Abkhazie, des individus et des groupes qui sont hostiles à l’idée de voir des personnes de souche
géorgienne demeurer dans la région, s’opposen t au retour des personnes déplacées de souche
géorgienne dans leurs foyers d’origine et continuent de se livrer à des actes de violence à l’encontre
de personnes de souche géorgienne, spécifiquement prises pour cibles en raison de leur
appartenance ethnique. Vu ce comportement, l’on peut craindre de voir très prochainement les
personnes de souche géorgienne demeurées en Ossétie du Sud, en Abkhazie et dans les régions
adjacentes brutalement expulsées, tuées, molestées, détenues de manière illicite ou prises en otage, - 7 -
et leurs habitations et autres biens endommagés ou pillés. En outre, la perspective du retour des
personnes de souche géorgienne contraintes à prendre la fuite s’éloigne de jour en jour. Le soutien
manifeste apporté par la Fédération de Russie en vue du renforcement et de la reconnaissance de
l’autorité, acquise au moyen d’un nettoyage ethnique contre des m illiers de Géorgiens de souche,
qu’exercent à présent les séparatistes, miliciens et mercenaires en Ossétie du Sud, en Abkhazie et
dans des régions adjacentes, vient sensiblement exacerber la situation. La Géorgie demande
d’urgence l’indication de mesures conservatoires aux fins d’éviter l’instauration d’une situation qui
rendrait impossible la mise en Œuvre d’un arrêt de la Cour confirmant le droit des ressortissants
géorgiens, au titre des articles 2 et 5 de la CIEDR, à demeurer ou à retourne r dans leurs foyers, en
Ossétie du Sud, en Abkhazie ou dans les régions adjacentes.
F. Mesures demandées
23. La Géorgie prie respectueusement la Cour , dans l’attente de sa décision sur le fond de
l’affaire, d’indiquer d’urgence les mesures conservatoires suivantes, aux fins d’éviter qu’un
préjudice irréparable ne soit porté, dans les parti es du territoire géorgien placées sous le contrôle
effectif de la Fédération de Russie, au droit à la sû reté de la personne et à la protection contre les
voies de fait ou les sévices, garanti par les articles 2 et 5 de la CIEDR dont peuvent se prévaloir les
Géorgiens de souche :
a) la Fédération de Russie prendra toutes les mesu res nécessaires pour faire en sorte qu’aucune
personne de souche gé orgienne ni aucune autre personne ne soit soumise à des actes de
discrimination raciale, sous forme d’actes de vi olence ou de contrainte, à savoir, notamment:
meurtres, atteintes à l’intégrité physique, menaces de mort ou de telles atteintes, placements en
détention illicites et prises d’otages, destructi on ou pillage de biens et autres actes accomplis
dans le dessein d’obtenir le départ des personn es visées de leurs foyers ou de leurs villages en
Ossétie du Sud, en Abkhazie ou dans les régions géorgiennes adjacentes ;
b) la Fédération de Russie prendra toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des groupes
ou des individus ne se livrent à l’encontre de personnes de souche géorgienne à des actes de
discrimination raciale, sous forme d’actes de contrainte, à savoir, notamment: meurtres,
atteintes à l’intégrité physique, menaces de mort ou de telles atteintes, placements en détention
illicites et prises d’otages, destruction ou pillage de biens et autres actes accomplis dans le
dessein d’obtenir le départ des personnes visées de leurs foyers ou de leurs villages en Ossétie
du Sud, en Abkhazie ou dans les régions géorgiennes adjacentes ;
c) la Fédération de Russie s’abstiendra de prendr e toute mesure pouvant compromettre le droit
dont peuvent se prévaloir les personnes de souche géorgienne de participer pleinement et à
égalité aux affaires publiques de l’Ossétie du Su d, de l’Abkhazie ou des régions géorgiennes
adjacentes.
24. La Géorgie prie en outre la Cour d’ indiquer d’urgence les mesures conservatoires
suivantes, dans l’attente de sa décision sur le fond de l’affaire, aux fins d’empêcher qu’un préjudice
irréparable ne soit porté au droit au retour, gara nti par l’article5 de la CIEDR dont peuvent se
prévaloir les personnes de souche géorgienne :
d) la Fédération de Russie s’abstiendra de prendre ou de soutenir toute mesure qui aurait pour effet
de priver les personnes de souche géorgienne ou toutes autres personnes expulsées d’Ossétie du
Sud, d’Abkhazie et de régions adjacentes en rais on de leur appartenance ethnique ou de leur
nationalité de l’exercice de leur droit de retourner dans leurs foyers d’origine ;
e) la Fédération de Russie s’abstiendra de prendre toute mesure, ou de soutenir toute mesure prise
par quelque groupe ou individu que ce soit, qui entraverait ou empêcherait l’exercice du droit - 8 -
dont peuvent se prévaloir les personnes de souche géorgienne ou toutes autres personnes
expulsées d’Ossétie du Sud, d’Abkhazie et de régions adjacentes en raison de leur appartenance
ethnique ou de leur nationalité de retourner dans ces régions ;
f) la Fédération de Russie s’abstiendra d’adopter toute mesure qui porterait préjudice au droit des
personnes de souche géorgienne de participer pleinement et à égalité aux affaires publiques
après leur retour en Ossétie du Sud, en Abkhazie et dans les régions adjacentes.
25. La Géorgie se réserve le droit d’apporter de nouvelles modifications à sa demande et aux
mesures sollicitées.
Veuillez agréer, etc.
(Signé) Mme Maia P ANJIKIDZE ,
agent de la République de Géorgie,
ambassadeur de la Géorgie
auprès du Royaume des Pays-Bas
La Haye, Pays-Bas.
___________
Demande en indication de mesures conservatoires modifiée présentée par le Gouvernement de la Géorgie