Réplique du Gouvernement de la République portugaise

Document Number
6839
Document Type
Date of the Document

TABLEDES MATIERES

PARTIEPRELIMINAIRE ...........................................................3...
....................................
CHAPITRE 1 INTRODUCïION .............................................3..................
..........

A. Les points d'accor................................................................

B. Les hésitationset lescontradictionsinternes de
l'argumentationaustralienne ............................4...................
C. La questionde fond .....................................6.........................

D. La recevabilitéde la Requête............................7...................

E. Articulationdes exceptionsà la recevabilitéde la
Requêteportugaiseavecle fonddu différend .............9........
CHAPITRE II LA REQUETE PORTUGAISE DETERMINE
L'UNIQUE ET VERITABLE DIFFEREND SOUMIS A
LA COUR ....................................................11.........
.......................
, ,
Section 1. Considérationsgenerales.............................................................

Section 2. non un simplemoyenndu.......................................1..........................

Section 3. Aucune desConclusionsdu Portugal ne visela validité
del'"Accord"nine demande la résolution d'un
quelconque conflitd'obligations.............................14.......................
Section4. Le seul différend soumisàla Cour est un différendavec
l'Australie.................................................2..............
...................

CHAPITRE III LE CADRE HISTORIQUE DU DIFFEREND ET LES
ACïIONS DU PORTUGALCOMME PUISSANCE
ADMINISTRANTEDU TIMOR ORIENTAL .................31..........
Section 1. Considerationspreliminaires ................................31.....................

Section 2. La lutte du peuple du Timor oriental pour l'exercicede
son droitàdisposerde lui-mêm e................................................

Section 3. La reconnaissancedu Portugal commePuissance
la resistancetimoréennen....................................36........................

Section4. Les actionsdu PortugalcommePuissanceadministrante
du Timor oriental...........................................4..................
......

Section5. L'Australieet leTimor oriental..............................54.......................PARTiE1 LE FOND DUDIFFEREND ..............................................................
......

CHAPITRE IV LE TIMOR ORIENTALESTTOUJOURS UN
A DROIT A DISPOSERDEOME DONTLUI-MEME ET DONT LE
PORTUGAL EST LA PUISSANCE
ADMINISTRANTE .........................................7.....................
......

Section 1. Les NationsUniesont seulesle pouvoir d'identifierles
temtoires non-autonomeset leurs puissances
administrantes................................................................
...........
Section 2. Les NationsUnies qualifienttoujours le territoire du
Timor oriental comme untemtoire non-autonome et le
Portugal commesa Puissanceadministrante ..............................

Section 3. autonome est inopposabletant que reste en vigueur la
déterminationdes organescompétentsdes Nations
Unies selon laquelle lepeuple en question ne
s'administrepas encore complètementlui-mêm e............90..........

Section 4. Le Portugaln'ajamais renoncé àla qualitéde Puissance
administrante duTimor oriental............................9....................
A. Considérationspréliminaires ...........................9.................

B. Lesco. .rtements de la Puissance
administrant.........................................9....................
.....

C. Constitutionportugaiseactuelle........................9.................

Section5. Les compétences du Portugalen sa qualitéde Puissance
administrante ont un caractère général..................................

CHAPiTRE V ORIENTAL ET DU PORTUGALSONT OPPOSABLES
A L'AUSTRALIE ...............................................................
.....

Section 1. Considérationspréliminaires....................................................

Section2. Le faitque les Nations Unies qualifientle Timor
Portugal commesa Puissanceadministrante entraîne, à
luiseul,l'obligationde l'Australiede lestraiter comme
tels........................................................4.....
........................

Section3. Les obligationsqu'al'Australiede respecter lesdroits
du peuple duTimor oriental ...............................19.........................
A. Les obligationsde l'Australiedécoulent
prioritairement du droit des Nations Unies..................

B. Les obligationsde l'Australiedécoulent desPactes
des Nations Unies relatifsauxdroits de
l'homme ..............................................2................
........... iii

C. Les obligationsd, ,'Australiedécoulentdu droit
international general.................................129..........................

D. Les obligationsde l'Australiedéco.......................................
RésolutionsduConseilde sécurité
1. LesRésolutionscondamnent I'illiceitéde
l'intervention militaireindonésienne..............32.......

2. Les Résolutionsdemandent àtous lesEtats
de resDecterlesdroits du ~eu~ledu Timor

3. Les Résolutionssont des décisions
obligatoires risesen vertu de l'article25 de la
Charte des &ationsUnies ...........................5..............

4. Les Résolutionsont étée,n tout cas,adoptées
dans le cadre du chapitreI1de la Charte................
Section 4. L'Australiea l'obligationde respecter la souveraineté
Dermanentedu ~e. .edu Timor oriental sur ses
hchesses et ressourcesnaturelle.............................6................

CHAPITRE VI L'AUSTRALIE AMECONNU LES QUALITES ET LES
PORTUGALU TIM...............................................................
................

Section 1. Les illiceitde l'Australie................................157.........................

A. Lesfaitsillicite.......................................1...........................

B. Les obligationsviolée........................................................
C. La méconnaissancepar l'Australiede la qualitédu
Timor oriental comme territoire non-autonome et
de c.l.edu Portugal commesa Puissance
administrante.................................................................
...

D. favoriserl'exercicepar le peuple du Timor oriental
de sondroit àdisposerde lui-même ..................................

E. La violationpar l'Australiede la souveraineté
permanente du peuple du Timororiental sur ses
richesseset ressourcesnaturelles......................167................
L'Australie nepeut pas s'appuyersurle droit
Section 2. international de la reconnaissance........................170...................

Section 3. l'Australiene peut pas s'appuyersurune situation
d'effectiviau Timor oriental...............................83..................

Section 4. la mer.....................................................91..........
........................ A. L'Australiene peut pas dire qu'elle ades "droits
souverains invoquésdepuis longtemps"sur toute la
z111 du plateau continentaà laquellese rapporte
1 Accord" ...........................................1.1................
........

B. L'TimorGap"est caractériséetpar l'existence d'un du
conflitde prétentionsentre le Portugal et
l'Australieet d'une concurrencede droits entre le
Timor oriental et'Australi.............................3.............

C. En excliianttoute négociationavecle Portugal, en
tant que Puissanceadministrante du Temtoire du
devoirde négocierpour harmoniser lesdroitse au
respectifsen casde concoursde droits ou de
pretentions sur des espaces maritimes................194........

D. L'Australiene peutpas invoquer des droits et des
devoirsdécoulant du droitde lamer sanstenir
non-autonomesit........................................4........................

Section 5. L'Australiene peut invoquerl'existence d'uconflit
d'obligationspouréchapper àsesdevoirs à l'égarddu
peuple du Timor orientalet de sa Puissance
administrante..............................................5..............
...........
A. Un conflit d'obligationsn'équivautde toute façon
pas àune caused'exonérationde responsabilité.........196....

B. Une hiérarchied'obligations,de toute façon,
résultede l'article3de la Chartedes Nations
Unies ................................................97............
.................
PARTIEII LA RECEVABILIT DEE LA REQUEïEPORTUGMSE ...............2.........

CHAPITRE VI1 REPONSE A LA IERE EXCEPTION
AUSTRALIENNE: LES PARTIESA L'INSTANCE
SONT LES PARTES PERTINENTES .........................1.............

Section 1. Considérationsgénérale .s................................2......................
Section 2. La Cour n'a pas besoinde la présenced'unautreEtat à
l'instancepour accepter que leTimor oriental est un
temtoire non-autonome et que le Portugal en est la
Puissanceadministranteainsique pour déclarer
l'opposabilitde cesqualitésà1'Australi...................20...........

A. Considérations préliminaire ............................3...............
B. Le caractèrenon-autonome duTemtoire du Timor
oriental et la qualitédu Portugal comme Puissance
administrante duTemtoire constituent des
donnéesdansla présenteaffaire .......................2............... C. Les qualitéset lesdroits quele Portugal fait valoir
omnese................................................2.................
...............

D. L'importance descaractèresde lajuridiction
internationale auxfinsde l'espèc......................2..............

Section 3. Sont dépourvusd'objet lesargumentsselon lesquelsla
Cour ne pourrait pas, en I'absenced'unEtat qui n'est
Conclusionsdu Portugal parce que celles-civiseraient la
validitéd'unaccordentre l'Australieet cet Etat ou la
résolutiond'un conflitd'obligations.........................1...............

A. Est dépourvud'objet l'argumentselon lequel la
Cour ne pourrait pas,en I'absenced'unEtat qui
2èmeConclusiondu Portugalparce que celle-cila
viserait la validd'unaccord entre 1Australie et
cet Etat..............................................21...............
.............

B. Est dépourvud'objet l'argumentselon lequel la
Cour ne pourrait as,en l'absenced'unEtat qui
SèmeConclusion,alinéaanb) du ortugal parce que
la satisfactionde cette Conclusionimpliquerait que
la Cour décide surlesobligationsde 1Australie vis-
à-visde cet Etat......................................21.........................

Section 4. La Cour peut se prononcer surla responsabilité
sur cellede l'Indonési......................................1........................

A. L'établissement de la responsabilitédel'Indonésie
n'estpas un préalableàcellede l'Australi..............21.......

1. un caractèreoriontairement institutionnel et
statutaire........................................1........................

2. Les règles applicablesdu droit de la
responsabiliteinternationale des Etats
confirment l'autonomiede la responsabilité
internationale de l'Austral......................2...............
B. L'autonomiede la responsabilitéde l'Australie
n'estpas remiseen causepar le fait que l'unedes
illiceitésconsisdans la conclusiond'unaccord
internationa..........................................22......................
....

Section 5. La non vérificationen l'espècedu critèrejustifiant la
monétaireprisàRome en 1943ansl.............................22...................

A. Clartédu critèreposédansl'affairede l'Or
monétaireet précisioncroissante des conditionsde
sa miseen oeuvre ..................................................................... 1. Lecritère........................................2.6....................
...

2. Précisioncroissantdeesconditionsde miseen
indispensable....................................227.......................

B. Ladistinctionentre droit dutiersconstituantl'objet
même de la décisioet intérêjt ridique du tiers
concernéparle différend ...............................30...................

C. PlCouru.................................................233............
..................

D. Moyenset règlesde droitprotégeantlesintérêtd su
tiers.................................................234...........
...................
CHAPITRE VI11 REPONSEA LA2EMEEXCEPTION
AUSTRALIENNE:LEPORTUGALA QUALITE
POUR AGIR DANSLAPRESENTEINSTANCE ............237......

Section1. Considérations préliminair e..............................23...................
Section2.
droitset intérêjtsridiques spécifiqueqsuiluiie,de
appartiennent enson nompropre ...........................238...................

Section3. Le Portugal,entant quePuissanceadministrantedu
Cours'agissantdedifférendsalportant surlaviolationpar
unautre Etat desdroitsdupeuple de ce Territoire..........2.3...

CHAPITRE IX REPONSESAUX3EMEET 4EMEEXCEPTIONS
AUSTRALIENNES:LESEFFETSDE L'ARRET
DEMANDEA LACOUR SONTLEGITIMES,
CONFORMESAU DROITET UTILES ......................249...............
Section1. L...fférend soumi sla Cour estundifférend
justiciabl..................................................49............
..................

Section2. Les demandes du Portugalsontconformes audroit ............2....
Section3. Leseffetsdel'arrêd temandé serontutileset
efficaces..................................................64...........
....................

A. Leseffetsdel'arrês terontutiles.......................264..............
B. Leseffetsdel'arrês terontefficaces 268
.....................................
CONCLUSIONS .................................................................
.73..............................................

LISTEDESANNEXESDOCUMENTAIRESETAPPENDICE .......................7........... AFFAIREREUTNE AUTIMOR ORIENTAL

(PORTUGALc.AUSTRALIE)

REPLIQUEDU GOUVERNEMENT DELAREPUBLIQUE PORTUGAISE
(Volume 1)

1. Par Requêteenregistréeau Greffe de la Cour internationale de Justice le

22février 1991, la République portugaise a introduit une instance contre le
Commonwealth d'Australie au sujet d'un différend relaà certains agissements

de l'Australiese rapportant au Timor oriental.Conformémentàl'ordonnance de
la Cour, en date d3 mai 1991dans l'Affairerelative au Timor oriental (Portugal

c. Australie), le Portugal a déposéson Mémoire le 18novembre 1991 et
l'Australie son Contre-mémoire le ler juin 1992.Cette Réplique est déposée
conformément à l'ordonnance de la Cour en date du 19juin 1992autorisant la

présentation d'une Répliquepar le Portugal et Fiant au ler décembre 1992 la
date d'expirationdu délaide son dépôt.

2. La présente Réplique, conformément à l'article49, paragraphe 3 du

Règlement, ne répèterapas simplementles thèsesdes Parties mais s'attachera à
faire ressortir les points qui les divisent encore. Elle sera organisée en trois

parties:

Partie Préliminaire

- Partie 1Le fonddu différend
- Partie ILa recevabilitéde la Requêteportugaise

La Répliquese terminera avecles Conclusionsde la Républiqueportugaise. Elle

comprend deuxvolumes d'Annexesdocumentaires et un Appendice. PARTIEPRELIMINAIRE

CHAPITRE1
INTRODUCTION

1.01 Le présent Chapitre présenterales vues du Portugal sur les principaux

caractères du Contre-mémoireaustralien tant sur un plan généralqu'en ce qui
concerne la question du fond du différendet cellede la recevabilitéde la Requête

portugaise.

A. Les pointsd'accord

1.02 Parmi les points d'accord,on peut tirer de la lecture du Contre-mémoire
australien la constatation que I'Australie reconnaît,tout comme le Portugal, la

qualitéde "peuple" qui s'attache àla population du Timor oriental selon le droit
des Nations Unies. On devrait en tirer en bonne logique une conclusion. Celle

que l'Australiereconnaît également à ce peuple des droits quilui sont propres, ce
qu'elle fait d'ailleurs au paragraphe 71 de son Contre-mémoire.Leur contenu a

été amplement décritet analysédans le chapitre IV du Mémoireportugais. Or ce

chapitre n'areçu aucun démentinicontestation dans lesécrituresaustraliennes.

1.03 Un autre point admispar l'Australieest la reconnaissance du fait que "the
right to self-determination is peculiarlydependent on the decisionsof the United

~ations"~. A la suite du Mémoire du Portugal, les écritures australiennes
reconnaissent la compétencedes Nations Unies pour déterminersi un territoire

est ou non-autonome et quelles sont les obligations des Etats Membres,
notamment celles de la puissance administrante 2 .A titre d'exemple, leContre-

mémoirecite ainsi la compétencede l'Assembléegénéralepour décidersi les
procédures qui ont étéétablies pour s'assurer des voeux de la population
3
concernéeconstituent ou non un acte valide d'autodétermination . L'Australie
reconnaît donc la compétencede principe de l'Assemblée générale en la matière.

1 Gntre-memoire del'Australie,145par.322.

2 Contre-mernoiredel'Australie145-146par.323.

3 Contre-mernoiredel'Australie145-146par323. Elle reconnaît de plus qu'en l'espèce,l'Assembléegénéralea refusé de
1.04
cautionner l'"Assemblée populaire" réunie à Dili le 31 mai 1976 par le

"gouvernement provisoire" pour obtenir de la population son assentiment à
l'intégrationdans le territoire d'un Etat tiers; son Contre-mémoire cite même,à

juste titre, les passages pertinents de la Résolution 31/53de l'Assembléegénérale,
votée le ler décembre 1976, qui rejette formellement les résultats de cette

prétendue "Assembléepopulaire"4.

B. Les hésitations et les contradictions internes de I'arpurnentation

australienne

1.05 Pourtant, l'Australie prétend dans le mêmedocument pouvoir s'appuyer
sur une situation "de fait" pour justifier la reconnaissance "de droit" (de iure) de

I'intégration du territoire du Timor oriental à celui d'un Etat tiers. Elle a

effectivement procédé àune telle reconnaissance dès1979 à laquelle elle a depuis
donné des suites tangibles en négociant et concluant un accord portant sur

l'exploitation des ressources naturelles de ce territoire et l'a réaffirmée à
plusieurs reprises6. Ilexiste ainsi une contradiction fondamentale dans la position

de l'Australie: c'est l'affirmation concomitante,d'une part, du respect des droits
du Peuple du Timor oriental et, d'autre part, de la reconnaissance de iure de son

intégration forcée à l'Indonésie.Et cette contradiction son Contre-mémoire ne

paMent pas àla dissimuler.

1.06 Bien d'autres témoignages des embarras de l'Australie seront indiqués
plus loin dans la présente Réplique.L'un, parmibien d'autres, méritecependant

d'êtrerelevé dès maintenant. C'est la façon australienne, très fluctuante, de
caractériser les liensactuels du Portugal avecle Timor oriental. IIest en effet tour

à tour décritpar les écritures australiennes comme ayant renoncé purement et

simplement à ses responsabilitésde Puissance administrante en 1975~;puis il est
désignécomme étant simplement doté par l'Assembléegénérale d'unesorte

4 Contre-memoirede l'Austral, .47-48,par.109-110.

5
Contre-memoirede l'Australie,p. 151etsuiv.,par. 337et suiv.
6
Voir notamment led6clarationsreproduitesauxAnnexes111.2, .215 (Hawke),111.27,
p.218-219 (Hawke),II.28p.221-222 (Evans, 11.3,.245-246(Evans)et 111.3, .247-
248 (Evans),vol.Vau MemoireduPortugal.

7 Contre-memoirede l'Australie,p. 111etsuiv.,par.242etsuiv.étrange de statut dévaluéet à vrai dire sui generis de ...puissance-administrante-

mineure, si l'on peut dire8; enfin, et tout à l'inverse, le même Contre-mémoire

finit par conclure, dans sa partie consacréeau fond du différend,que le Portugal
est en réalité leseul interlocuteur direct de'Indonésiepour régler laquestion du
9
Timor oriental .

1.07 Autant d'hésitationslaissent perplexe, saufà considérerqu'elles traduisent
la gêne des gouvernements australiens successifs, très t6t critiqués dans leur

propre pays par leur opposition parlementaire et de larges secteurs de l'opinion
publique australienne, pour lesquels les autorités de Canberra auraient dès le

début choisi de faire passer les intérêts économiques à court terme avant le
respect du droit international. C'est du reste ce que leur recommandait sans

ambages M. Dick Woolcott, l'ambassadeur australien en Indonésie,dans sa note
très précocesinon prémonitoiredu 17août 1975 10 .

1.08 Toujours pour caractériser le Contre-mémoire australien, on pourrait

également, à titre liminaire, relever les nombreuses inexactitudes concernant les

faits relatifs en particulier, soit à la présentation de l'action du Portugal à l'égard
de la situation au Timor oriental depuis 197511, soit à la réalité humaine et

sociale qui prévaut aujourd'hui dans ce territoire dont il n'est jamais superflu de
rappeler qu'il figure toujours sur la liste des territoires non-autonomes tenue au

sein des Nations Unies par le "Comité spécial chargéd'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux

pays et aux peuples coloniaux"ou le Comité des24.

1.09 Il y a cependant encore plus grave. C'est leconstat de l'option choisiepar
l'Australie dans son Contre-mémoire quiconsiste àDassersvstémati~uementsous

silence des élémentsde droit tout à fait fondamentaux et ceci, à partir de

présupposésmanifestement infondés.Cette manière de faire concerne aussi bien
la question du fond du différend que celle de la recevabilité de la Requête

portugaise.

8 .Contre-mkmoire de l'Australie,p.42et suiv.,par.98etsuiv.

9 Contre-mkmoirede l'Australie,p. 101 et suiv., par.214 et suiv., 128pet suiv.,
,par.287 etsuiv.

'0 MbmoireduPortugal,p.53,par.2.02etAnnexe111.4v,ol.V., p.70.

11 Contre-mcrnoiredeL'Australip,. 15-21,par.30-47. C. La auestion de fond

1.10 S'agissant de cette question, l'Australie semble avoir une vision
étonnament étroite et réductricedu droit applicable à la présente affaire. C'est

ainsi qu'elle s'abstient totalement de faire allusion aux obligations de tous les
Etats Membres de i'oreanisation des Nations Unies en a~~lication de la Charte

elle-même,se contentant de considérerque ces obligations, dans la mesure où
elles existeraient, ne résulteraient que de la prise de résolutionsspécifiquespar

les organes compétents de l'organisation des Nations Unies, et ceci, qui plus est,
sur la seule base du chapitre VI1 de la charte12. Tout se passe, en d'autres

termes, comme si l'Australie considéraitque, pour êtreeffectivement mises en
application par les Etats Membres des Nations Unies, les obligations qui leur sont

faites par la Charte devaient êtrepréalablement réactivéesou mobiliséespar la
prise de résolutions visant spécifiquementleur application à une situation

donnée.

1.11 Pourtant, sans mêmeencore revenir sur le fait qu'en l'occurrence de telles
résolutionsexistent bel et bien et qu'ellessont au demeurant dépourvuesde toute

ambigiiité, aussi bien quand elles émanent de l'Assemblée générale que
lorsqu'elles procèdent du Conseil de sécurité,il convient d'abord de relever que
les obligations des Etats Membres aux termes de la Charte existent de toute facon

"Der'. C'est ainsi notamment qu'aux termes de l'article 2, paragraphe 2 de la
Charte.

"les Membres de l'organisation, afin d'assurer à tous la jouissance
des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre,
doivent remplir de bonne foi les obligations qu ilsont assumées aux
termes de la présenteCharte".

1.12 Ce que le Portugal prétenddevant la Cour, en d'autres termes, c'est que -
en s'empressant de reconnaître de iure l'intégration du territoire du Timor

oriental dans celui d'un Etat tiers, puis en donnant corps à cette reconnaissance
par la négociation, la conclusionet, enfin, le début d'exécution d'accord relatif

à l'exploitation des ressources naturelles contenues dans le plateau continental
revenant pourtant à ce territoire ab initi-i'Australie, en tant qu'Etat Membre

de'l'organisation des Nations Unies, a non seulement méconnu les résolutions
spécifiquement adoptées par l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité à

12
Contre-rnkrnoiee I'Australie,p. 155-156,par.347-349l'égardde la question du Timor oriental, mais encore a en tout premier lieu violé

ses obligations aux termes de la Charte et du droit des Nations Unies, au sein
duquel, le Portugal le rappellera, se situe d'abord la présente affaire. C'est donc

bien de la responsabilité de l'Australie elle-même. prise individuellement,et pas
de celle d'un autre Etat, qu'ilsgitdans la présenteaffaire.

D. iarecevabilité de la Reauête

1.13 Il résulte de ce constat de fond que les objections australiennes à la

recevabilité de la Requête du Portugal apparaissent particulièrement fragiles.
Concernant cette seconde question, en effet, toute l'argumentation de l'Australie

s'efforce de faire oublier les résolutionsdes Nations Unies selon lesquelles le
Timor oriental est un territoire non-autonome dont le Portugal est la Puissance

administrante. Elle tente de faire accepter l'idéed'après laquellela satisfaction de
la Requêteportugaise suppose, à titre préalable,l'établissementpar la Cour de la

responsabilité d'un Etat tiersà l'instance, l'Indonésie.Elle répèteinlassablement
que "the true dispute is between Portugal and Indonesia". Elle insiste mêmeau-

delà, pour persuader la Cour que la responsabilitéde cet Etat tiers, totalement
indissociable de celle de l'Australie, constituerait "l'objet mêmedu différend

porté devant la Cour par la Requêteportugaise, ce qui, en application de sa
jurisprudence dans l'Affaire de l'Or monétaire pris à Rome en 194313, lui

interdirait de statuer sans le consentement de l'Indonésie.

1.14 Cette argumentation de l'Australie fait cependant bon marché de
plusieurs élémentsde droit, dont trois au moins sont à relever brièvement dès

cette introduction générale,avant qu'on y revienne plus en détaildans le corps
mêmede la présenteRéplique.

- En premier lieu, il suffirait de se reportàrla sériedes résolutions

adoptées entre 1975et 1982par le Conseil de sécuritéet l'Assemblée générale
relativement à la question du Timor oriental pour observer qu'il a étéétabliet

réitéré parces résolutions:a) le statut du Timor oriental comme territoire non-

autonome et b) la qualitédu Portugal comme sa Puissance administrante; il n'est
aujourd'hui nul besoin de demander à la Cour de se prononcer à nouveau sur ces

questionsdéjà tranchéesavec autoritéde chose décidée,sauf à remettre en cause
l'autoritédes organescompétents de l'organisation des Nations Unies.

13 C.I.J. Recue1954,p.32. - En second lieu, comme on vient de le rappeler, la responsabilitéde
l'Australie comme telle est invoquéeici à raison de son proure comuortement

confronté à ses propres obligations, et nonà raison de celui ou celles d'un Etat
tiers à l'instance. Ainsi que vient encore tout récemment d'en porter témoignage

l'arrêtrendu par la Cour le 26 juin 1992relatif aux exceptions préliminaires en
l'Affaire de certaines terres à c ho su ha teàsNauru, et comme l'indique par

ailleurs la philosophie généralede la première partie du projet de codification du
droit de la responsabilité internationale des Etats, le droit positif de la

responsabilité estfondésur l'individualisationdes faits illicitesrevenantchaaue
-tat, fut-il liéà d'autres par un accord international. Au demeurant, une chose

est, pour l'EtatA, d'envahir par la force et occuper un territoire étranger, une
autre est, pour 1'Etat B, le fait de méconnaître le statut d'un territoire non-

autonome pour négocieret conclure avec A un accord qui intéresse directement
les droits du peuple de ce territoire sur sesressources naturelles.

- En troisième et dernier lieu, il convient de distinguer nettement,

comme le fait l'arrêtprécité14,et comme l'impliquedu reste le Statut de la Cour
lui-même à son article 62, entre les "intérêtjsuridiques d'un Etat tiers" et la mise

en cause de la légalitéde son comportement en tant qu'objet même de la
décision. Si l'Indonésie considère que l'engagement de la responsabilité

internationale de l'Australieàl'égarddu Peuple du Timor oriental et du Portugal
met en cause "un intérêd t'ordre juridique" qui lui est proprleStatut de la Cour

lui offre une voie de droit dont une jurisprudence récentea montréqu'elle n'était
15
nullement illusoire .

1.15 Il existe bien en effeà l'heure actuelle une question pendante devant les

organes politiques compétentsdes Nations Unies: celle de la réalisationdes droits

du Peuple du Timor oriental dont le Portugal est confirmé par l'organisation
dans sa qualité de Puissance administrante. Cette question continue de faire

l'objet de consultations actives du Secrétaire généralde l'organisation des

l4 CertainesterreA vhosohatesA Naum (Nauni c. Australie).Ex~eVtionsarkliminaires,
Arrêd tu26juin1992,C.I.J.Recueil1992,par.53.

l5 Dans l'Affaire du Diffkrend frontalier terrestre,insulaireetmatitime (El
Salvadorkionduras)la Chambrede la Coursaisiede l'affaire,en repoussantl'argument
de la "partie indispensablinvoquk par le Nicaragua.a cependant accepte son
interventiondansle diffkrendhonduro-salvadorien, relatAtla dkterminationdu
statutjuridiquedeseauxduGolfedeFonseca.Arr&dt u13septembre 1990C.I.J.Recueil
lm, p. 116,par.56.Nations Unies avec le Portugal, l'Indonésieet toute autre partie directement

intéressée,sur la base de la Résolution37/30adoptée par l'Assembléegénéralele
23 novembre 198216. Elle a, qui plus est, encore donné lieu à des

développements récents (automne 1991) à propos de l'envoi au Timor oriental
(qui avortera) d'une délégation parlementaire portugaisedont on voit mal à quel

titre elle se rendrait là-bas, si ce n'est à titre d'émanation de la Puissance
administrante 17.

II existe une autre questionà l'originedu différendactuellement portédevant la

Cour par la Requête du Portugal: celle de la méconnaissancepar l'Australie, en
tant qu'Etat Membre des Nations Unies, de ses obligations statutaires à l'égard

d'un territoire non-autonome, de sa Puissance administrante et de l'ensemble de
l'organisation dont elle ignore les principes de base et les résolutionspertinentes.

1.16 Qu'il existe un certain lien entre I'une et l'autre de ces deux questions

distinctes, c'est l'évidence;c'est en effet la situation créée par l'Indonésie au
Timor oriental qui fournissait l'occasion à l'Australie, confrontée à un telle

situation, de respecter ou de violer ses obligations en tant qu'Etat Membre de
l'organisation des Nations Unies. Qu'ily ait en revanche confusion entre les deux

questions, ou que la solution de l'une gouverne celle de l'autre, c'est
manifestement inexact, notamment parce que les comportements respectifs de

1'Indonésie et de l'Australie sont distincts, qu'ils violent pour partie des
obligations juridiques différenteset que ceux de l'Indonésie,traités actuellement

dans le cadre politique et institutionnel approprié, ont de plus fait l'objet dèsleur
origine d'une condamnation catégoriqueet sans appeldes organes compétents.

E. Articulation des exceptions B la recevabilité de la Requête

portugaise avec le fond du différend

1.17 Le Contre-mémoire de l'Australie a procédéde sa propre initiative à la

jonction des exceptions à la recevabilité avec le fonden déclarant explicitement
que ces exceptions n'étaient pas préliminaires.Placédevant cette option sans

l6 Mkmoiredu Portugal, Annexe1.10volII,p.16.

l7 Mkmoire du Portugal, Annexe11.71,11.72,IL73,11.119,ILvol.IV, p. 122,123, 130,
359,361et infrpar.3.48.avoir étépréalablement consultésur ce point par la Partie adverse, le Portugal l'a

acceptée parce qu'il convient bien volontiers que le fond du différend et la
recevabilitéde la Requêteportugaise sont iciétroitementliés 18.

C'est d'ailleurs aussila mêmeraison qui l'amèneàstructurer les développements

de la présente Réplique en étudiant d'abord le fond du différend (première
partie), puis la recevabilité de la Requête portugaise (deuxième partie).

Auparavant, toutefois, il conviendra de rappeler l'exacte portée de la Requête
portugaise face aux tentatives de déformation australiennes, avant de redresser

les affirmations erronéesdu défendeurconcernant lesfaits.

l8 Annexe 11.1Rtplique,volII,p.153. CHAPITREII

LAREQUETE PORTUGAISEDETERMINEL'UNIQUEETVERITABLE
DIFFEREND SOUMISA LA COUR

Section 1. Considérationsgénérales

2.01 Le différendque la Cour doit trancher est celui que le Portugal lui a

soumis, pas un autre. Les Conclusionssur lesquelles la Cour doit se prononcer
sont celles formuléespar le Portugal, et non d'autres que l'Australie aurait

préféré que le Portugal formulât.

2.02 Le Portugal remarquera, tout d'abord, que nulle part I'Australie ne
conteste ce que la Républiqueportugaise aécritau sujet des faits concernant

l'origineet l'évolutidu différend19.Au débutde la Partie 1du Contre-mémoire
l'Australieindique que:

"The followingthree chapters outline the factswhichare necessary
has sought to avoid repeating those matters whicho96e. Aalreadya
been adequately dealt withbyPortugalinitsMernorial" .

Ce n'est qu'à la sectioIIIdu chapitre 1de la PartiI~~de son Contre-mémoire,

sous le titre "Australia'spolicy towards East Timor", que l'Australie traite des
points développésau chapitre IIdu Mémoireportugais. Rien ne s'ytrouve qui

contredise les allégationsdu Portugal. Bien au contraire, quelques ajouts de
l'Australiene font que confirmer ces allégatioLa.tâche de la Cour est donc, de

ce point de vue, facilitée:Parties sont d'accord surlesfaitsconcernant l'origine
et l'évolutiondu différend.

l9
MemoireduPortugal,chap.I,p.51-72,par.2.01-2.25.
20
Contre-mernoireeI'Austral,.12,par22.
21
Contre-memoirdeI'Australi,.25-30,par.57-71.2.03 Sur un autre point aussi les Parties sont d'accord. Comme l'Australie, elle-

même le souligne:

"The subject matte~ff a dispute is embodied in the submissions of
the claimant State" .

Conformément à l'article 38, paragraphes 1 et 2, du Règlement de la Cour,
lorsqu'une instance est introduite par voie de requête,celle-ci indique l'objet du

différend("the subject of the dispute") et la nature précisede la demande ("the
precise nature of the claim"). C'est le demandeur, et lui seul, qui formule le

W. Ce dernier établitl'objetde l'instance, qui coïncideavec l'objet mêmede
la demande. 11s'agit de ce sur quoi la Cour est appelée à se prononcer avec

l'autorité de chose jugée. C'estpourquoi, au niveau juridictionnel, "the subject
matter of a dispute is embodied in the submissions of the claimant State". Le

défendeur peut, par ses Conclusions, prier la Cour de décider d'une facon
différente de celle requise par le demandeur (ou, par le biais d'exceptions

préliminaires, prier la Cour de ne pas décider au fond). Mais, sauf le cas de
demande reconventionnelle présentéeconformémentàl'article80 du Règlement,

il ne peut pas modifier l'objetde i'instance.

2.04 Malgrécet accord entre les Parties, au sujet aussi bien des faits que des
règles de procédure applicables, l'Australie essaie d'une part d'amputer la

demande portugaise, d'autre part de l'élargir,finalement de la transformer. Elle
invoque, à cet effet, le pouvoir de la Cour d'interpréter les Conclusions des

Et elle tente d'établirune distinction entre "différend allégu("alleged
dispute") et "différend réel" ("real dispute")24. L'utilisation que, dans le cas

d'espèce, elle prétend faire de cette distinction et la portée qu'elle prétend lui
attribuer sont, cependant, totalement injustifiables et conduisent même à des

résultats absurdes, comme on le verra. D'autre part, le pouvoir d'interpréter ne
comprend pas celui de modifier et ce que I'Australie plaide vraiment c'est une

modification, non une interprétation, des Conclusions du Portugal. En tout état
de cause, puisque ce sont des actes du demandeur que la Cour aurait à

interpréter, l'interprétation que celui-ci en donne ne saurait avoir qu'un poids

22 Contre-memoiredeI'Australie,2,par.3.

23 Contre-mkmoirdeeI'Australie,6,par.12.

24 Contre-memoiredeI'Australie,2-3,par4.particulier, voire décisif.Une chose est évidente: les Conclusionsdu Portugal

gênentI'Australiequi tente àtout prix de les déformer.11s'agitd'un signe dont la

Cour prendra sans doute note.

Le contenu des demandes portugaises est triple. Elles concernent et ne
2.05
concernent que:

a) I'op~osabilitéà l'Australie de certains droits du peuple du Timor

oriental et de certains devoirs, compétences et droits du Portugal en tant que
Puissance administrante du Territoire, ainsi que le devoir de I'Australiede ne vas

les méconnaître et de les respecter (lère Conclusion);

b) l'illiceitéde certains com~ortements de l'Australie par lesquels
celle-ci a méconnu les droits du peuple du Timor oriental ainsi que les devoirs,

compétences et droits du Portugal et a manqué audevoir de les respecter (2ème
et 3èmeConclusions);

c) la responsabilité internationale de I'Australie, vis-à-vis du peuple
du Timor oriental et du Portugal, comprenant les devoirs (qui forment le contenu

de cette responsabilité) de réparation, de cessation et de non-répétition des
illiceités2'.

Section 2. La lère Conclusion du Portueal est bien une conclusion. non un

simple moven

2.06 Cette Conclusion, visant l'opposabilité à l'Australie des droits du peuple
du Timor oriental et de la qualitédu Portugal comme Puissance administrante du

Territoire du Timor oriental est, bel et bien, une conclusion, une "submission", et
non, comme le prétend I'Australie, un simule moven, une "mere 'proposition',

purporting to 'justify'a contention"26 (soulignépar le Portugal). C'est au Portugal
d'établirses Conclusions, non àl'Australie. Le Portugal a priéet prie la Cour de,

avec l'autoritéde chose jugéeentre les Parties:

25 Voir Requ&te,p.2, par.1-3, p. 10-14, par.16-26, p. 16, par.32 et p. 16-17, par.34,
Mkmoire du Portugal, en particulier chap.III (L'objet du diffkrend), chaVI11
(L'illiceite des faits de I'Australie), chapI.X (Le contenu de la responsabilitk de
I'Australie)et Conclusions.

26 Contre-rnkmoirede l'Australie,p.5, par.10. "Dire et juger que, d'une part, les droits du peuple du Timor
orientalà disposer de lui-même,à l'intégritéet à l'unitéde son
territoire età sa souveraineté permanente sur ses richesses et
ressources naturelles et, d'autre part, les devoirs, les compétences
et les droits du Portugal en tant que Puissance administrante du
Territoire du Timor oriental sont opposables l'Australie, laquelle
est tenuede ne pas les méconnaîtreet de lesrespecter".

Le Portugal rappelle que ce fut précisémentà l'égard de l'opposabilité à

l'Australie des droits du peuple du Timor oriental et de la qualitédu Portugal,
ainsi que des obligations de l'Australiequi en découlent,que le différendentre les

deux Etats est né27.Ce que le Portugal demande, par sa lère Conclusion, c'est
que la Cour se prononce sur des rapports de droit controversésentre les Parties.

2.07 La structure logique des Conclusions du Portugal est très simplLa lère

Conclusion concerne les situations juridiques découlant de "normes primaires".
Les 2ème et 3ème Conclusions visent le constat de la violation de ces normes et

de ces situations juridiques. Finalement, la 4èmeet la SèmeConclusions portent
sur l'application des "normes secondaires" relatives à la responsabilité

internationale engagée par cette violation (ou la continuation de l'application des
"normes primaires").

Section3. Aucune des Conclusions du Portueal ne vise la validité de

I'"AccordWni ne demande la résolution d'un quelconque conflit
d'obligations

2.08 Non satisfaite d'avoiressayéd'"éliminerune des Conclusions du Portugal,

l'Australie veut en ajouter une autre: la demande en déclaration d'invalidité(ou
l'annulation ?) de l'Accord passéentre elle et l'Indonésiele Il décembre 1989.

Plus exactement, on peut dire que l'Australie prétend convertir toutes les
Conclusions portugaises, sauf la première (c'est pourquoi elle tente de la

"supprimer"), en une demande en invalidité.Le Portugal, cependant, ne l'ajamais
déduiteet il ne la déduitpas. Au contraire, il a pris le soin de bien souligner, dans

son Mémoire,que:

"Les questions de validité sont différentes de celles de liceité.
L'instance se place sur le terrain du W. et non sur celui du
B, sur le domaine du Dürfen, et non sur celui du Konnen. La
demande du Portugal ne concerne pas l''Accord'en lui-même,en
tant que 'conjonction de volontés visant à produire des effets

27 Mkmoiredu Portugal, chapI.I,en partic, .60-64,par.2.13-2.infra,ar.2.23. juridiques. Dans cette perspective, l''Accord' n'est, pour le
Portugal, rien d'autre que res inter alios acta. La demande du
Portugal ne vise que les conduites australiennes: entre autres celle
d'avoir négocié et conclul''Accord',comme simple fait; cellede se
proposer d'explorer et d'exploiter leplateau continental dans la
zone du 'Timor ap'en certains termes, pris, eux aussi,simplement
comme un fait.**2.

A nouveau il convient de rappeler à l'Australieque c'estau demandeur d'établir
ses conclusions.

2.09 Le raisonnement australien est,en résumél,esuivant:

"Portugalcomplainsof -and onlycomplainsof:
a)
- the negotiation of the treaty,
- the conclusionof the treaty,
- the application ofthe treaty".

b) Donc, "[tlhe wrongful act which Portugal alleges is the Australia-

Indonesia Timor Gap Treaty".

c) Par conséquent,

"itis clearlyimpossiblefor the Court to adjudicate%t case without
decidingon the 'validité('or 'licei..)of the Treaty" .

2.10 Les énoncés qui viennent d'êtrereproduits contiennent, tout d'abord, des
inexactitudes. Dans leur enchaînement on trouve, ensuite, un non sequitur
manifeste et une évidenteconfusion.En premier lieu,iln'estpas exact d'affirmer

que toutes les demandes portugaises visent des conduites ayant un rapport avec
l'"Accord".En effet, tel n'estpas le cas de la négociationavec un Etat tiers, que

l'Australie avoue toujours continuer30, pour la délimitation du plateau
continental dans la zone du "Timor Gap", ni de l'exclusionde toute négociation
avec la Puissance administrante quant à l'exploration et à l'exploitation du

plateau continental dans la même zone(voir les 2èmeet 3ème Conclusions du
Portugal et, indirectement, la 4ème).De même,la première partie de la 5ème

Conclusion,relative àl'obligationde non répétition

28
MemoireduPortugal,p.75,par.3.06.
29
Contre-memoiredei'Australi, .3-4,par.6-7.
30
Contre-memoiredeI'Australi,. 174,par.405. accord avec un Etat autre queiation,la Puissance administrantede tout
concernant la délimitation, ainsique l'exploration et l'exploitation
du plateau continental, ou l'exercice de la juridiction sur celui-ci,
dans la zone du 'Timor Gap"',

ne vise pas des comportements ayant un rapport avec l'"Accord".A son tour, la

deuxièmepartie de la SèmeConclusion

"b)s'abstenir de tout acte relatàfl'exploration eà l'exploitation
du plateau continental dans la zone du 'Timor Gap' ou l'exercice
de la juridiction sur ce plateau, sur la base de tout titre plurilatéral
auquel le Portugal, en tant que Puissance administrante du
Territoire du Timor oriental, ne serait pas partie"

couvre d'autres conduites que celles ayant un lien avec l'"Accord".L'ensemble des

propositions de1'~ustralie~l est donc en partie inexact. IIest notamment faux de
dire que "Portuga..onlycomplains of...".

En deuxièmelieu, le passage de cet ensemble d'énoncésàla proposition indiquée
sous l'alinéa b) ("[tlhe wrongful act which Portugal alleges is the Australia-

Indonesia Timor Gap Treaty") est manifestement fallacieuxLe fait que certaines
des conduites australiennes concernées par la Requête portugaise aient un

rapport avec l"'AccordMne signifiepas que ces conduites et l'"Accord"soient une
et même chose: la négociation ou l'exécutiond'un traité ne sont pas, par
définition,le traitélui-même;mêmela conclusiond'un traitépar l'une des parties

ne se confond pas avec ce traité.Le traité,en tant que tel, n'est pas visépar la
Requêteportugaise. Celle-ci concerne et ne concerne que les comportements de

l'Australie.

2.11 Ensuite, 1'Australieétablit la totale confusion en ignorant la distinction,

pourtant bien connue, entre validitd'un acte juridique elice d'untéconduite.
Chaque fois que, dans l'Introduction de son Contre-mémoire, le Gouvernement

australien parle de 'kalidité"(en utilisant d'ailleurs le français) il ajoute entre
parenthèses -"or 'licei...- comme s'ils'agissaitde deux mots pour un seul et
mêmeconcept ! Il y a bien, cependant, deux concepts distincts qui correspondent

àdeux questions juridiques différentes.

31 Alinkaa), par.2.10sur>ra.La question delice iltvedu rapport entre la conduite (action ou omission) et
l'obligation: une conduite est licite sielle n'estpas àol'obligation,elle est

illicite si elle est contraire à l'obligation (ou,ce qui signifie la même chose,si elle
est interdite). Comme le dit l'arti3lde la première partie du projet sur la
responsabilitéinternationale approuvé par la Commission du droit international,

"IIya fait intemationalement illicitede I'Etat lorsque

b) ce comporteme constitue une violation d'une obligation
internationale de I'Eta."

La question de validité,pour sa part, concerne l'aptitude de l'acte (juridique) à

produire des effets juridiques conformément à sa significatiLa. validité ou
invalidité,en elle-même, nedépend pas de la conformité à l'obligation de la

conduite ou des conduites qui constituent I'acte,mais de ce que I'onpeut appeler
la perfection ou l'imoerfection de celui-ci (ou d'un certain type de perfection ou
d'imperfection), c'est-à-dire, de la satisfaction ou de la non-satisfaction des

conditions nécessaires à la production des effets juridiques voulus. La
conséquence de l'illiceitéd'une conduite c'est la resoonsabilité de son auteur

(article 1 de la première partie du projet sur la responsabilité internationale).
L'invalidité est la conséquence (ou une des conséquences possibles) de
I'imoerfection de I'actejuridique.

La question de liceitéconcerne aussi bien les comportements que I'on pourrait

dire "matériels"que ceux qui constituent un acte juridique (manifestations ou
déclarations de volonté)La question de validité, elle,ne se pose que quant aux
actes juridiques. Mais puisqu'un acte juridique est constituépar une ou plusieurs

manifestations ou déclarationsde volontéet que ces dernières sont elles-mêmes
des comportements, les deux problèmes,celuide la validitéde I'acteet celui de la

liceité de la conduite, se posent. Souvent les qualifications seront toutes deux
positives (validitéde I'acte et liceitédu comportement) ou toutes deux négatives
(invaliditéet illiceité). Maismêmedans ces cas leur portéeest différente.Et tous

les systèmes juridiques connaissent des situations où les deux qualifications ne
"coïncident" pas, soit parce qu'un acte juridique est invalide sans qu'il n'y ait

32 Annuairede laCommissiondudroitinternational,vol. II,deuxihe partie,1978,p.78.aucune illiceitédes conduites (par exemple, un contrat ou un traité viciépar

l'erreur), soit parce qu'un acte juridique est valide malgréI'illiceitéd'une ou des
conduites qui le forment 33.

2.12 Le droit international .ne pouvait pas ignorer, et il n'ignore pas, la

distinction entre, d'une part, la question de la validitéd'un traité et, d'autre part,
celle de la liceitédu comportement consistant à le conclure (ou de toute autre

conduite ayant un rapport avec un traité), ainsi que de la responsabilité en
découlant. En matière de responsabilité, leprincipe est celui selon lequel "m

fait internationalement illicite d'un Etat engage sa responsabilité
internationa~e"~~.C'est-à-dire que tout comportementattribuable à un Etat, qu'il

consiste en une action ou en une omission, qu'il s'agisse d'uncomportement
simplement "matériel"ou qu'ils'intègre à un acte juridique, ou en ait un rapport

avec un, engage la responsabilitéde I'Etat s'ilviole une obligation internationale
de celui-ci. Au cas où le comportement se traduit par une déclaration de volonté

qui constitue, seule ou avec d'autres, un acte juridique, une autre question peut
apparaître, celle de la validitéde l'acte. Maiscette dernière ne supprime pas la

question de responsabilité ni celle-ci ne dépend de ce que I'acte soit valide ou
invalide -poum qu'ilexiste une violation d'uneobligation internationale.

Si une obligation internationale s'impose à un Etat ou aux Etats de ne pas

négocier et conclure un certain type de traités, notamment si une obligation
s'impose auxEtats de ne pas négocieret conclure des traités ou certains traités

relatifs à un territoire non-autonome avec quiconque qui ne soit pas, de iure, la
puissance administrante du territoire, et si un Etat en négocieet en conclut un,

cet Etat, en violant cette obligation internationale, engage sa responsabilité

internationale, indépendamment dufait que le traitésoit valide ou invalide. Ceci
vaut égalementpour l'applicationd'untraité.

33 En d'autrestermes, une choseestde considkrerun fait comme un "fait productifde
droit",une autreest deconsiderercommeunfaitlicite, illiciteou dû,en tantque "fait
juridiqueubjectiP,selon les conceptsktablisparle ProfesseurRoberto Ago dansson
cours"Ledelitinternational, .C.A.D.I.,1939,II,p.422et suiv.

34 Article ler du projet sur la responsabinternationale,lkre Partie. Annuaire de la
Commissiondudroitinternational,vol.II,deuxikmepartie, 1978,p.78.2.13 La Convention de Vienne sur le droit des traitésprévoitexplicitement la
possibilitéde responsabilité internationale d'un Etat par la conclusion ou par

I'application d'un traité.Ellele fait au paragrapheI'artic30, selon lequel:

"Le paragraphe 4s'applique sans préjudicede I'article41, de toute
question d'extinction ou de suspension de l'application d'un traité
aux termes de I'articleou de toute question de responsabilité qui
peut naître pour un Etat de la conclusion ou de l'application d'un
traité dont les dispositions sont incompatibles avec les obligations
qui lui incombent à l'égardd'un autre Etat en vertu d'un autre
traité".

Le même principe s'applique aux obligations dues, conformément au droit
international, à d'autres bénéficiaires,y compris les peuples n'ayant pas encore

exercéle droità disposer d'eux-mêmes. L'Australiest d'ailleurs d'accordavec le
Portugal sur I'applicabilitéau cas d'espècedu paragraphe 5 de I'article30 de la

Convention de vienne3'.

2.14 A titre d'exemple, l'arrêtde la Cour centraméricaine de justice du
22 septembre 1916 entre le Costa Rica et le Nicaragua, que l'Australie invoque

et qui sera analysé plustard37, fit une claire application de la distinction entre
question de lice et tuestion de validité,en déclarantI'illiceitéde la conclusion
du Traité Bryan-Chamorro par le Nicaragua avec les Etats Unis d'Amérique,

malgré le fait qu'elle refusa de se prononcer sur la question de la validité de
l'accord.

2.15 Le Portugal s'excuse d'avoireu à lasser la Cour avec ces considérations,

qui n'auraient pas éténécessaires si l'Australie n'avait introduit une telle
confusion. Nulle part, ni dans la Requête,ni dans le Mémoire, le Portugal ne

demande à la Cour de déclarer l'invaliditéde l'"Accord". La République
portugaise ne dit ni que l'"Accord" est valide, ni qu'il est invalide. Tout
simplement, la question de sa validitéest en dehors de l'instance.

35 Contre-memoiredel'Austrap.176,par.409.

36 Contre-memoiredeI'Australie,p.91-92,par.189.

37 Infra, par.7.21.L'objet de l'instance est tout autre.Le Portugal estime que l'Australie, en vertu

tout d'abord du droit des Nations Unies, ensuite des Pactes relatifs aux droits de
l'homme et du droit international général,avait, et a toujours, l'obligation de
traiter le Timor oriental comme un territoire non-autonome et le Portugal

comme sa Puissance administrante, et de respecter ainsi le droit du peuple du
Timor oriental à disposer de lui-mêmeet sa souveraineté permanente sur ses

richesses et ressources naturelles.Le Portugal estime, au surplus, que l'Australie
a violé ces obligations et que par conséquent elle a engagé sa responsabilité

internationale vis-à-vis de la République portugaise et du peuple du Timor
oriental. Dans la mesure où la Requêteportugaise concerne la conclusion de

l'"Accord" (et, comme le Portugal t'a déjà souligné,elle concerne également
d'autres faits), elle ne vise que sa conclusion par l'Australie. Et elle la vise en tant

que fait illicite engageant la responsabilité internationale de l'Australie,
indépendamment de toute question de validité.L'"Accord"est une manifestation

d'une des conduites illicitesdel'Australie.Si un comportement violant les mêmes
obligations avait eu lieu dans un cadre unilatéral, lePortugal aurait, de la même

façon, recouru àla Cour et rien, dans lesdroits léséset dans les illiceitésen cause,
ne serait changé.

2.16 D'ailleurs, quand elle a dû rentrer dans les détails,l'Australie a étéforcée

d'avouer que finalement elle avait trèsbien compris que la Requêteportugaise ne
concernait pas la validitéde l'"Accord".En effet, déjàaux paragraphes 8 et 9 de

1'1ntroduction~~mais surtout au Chapitre 1 de la Partie II de son Contre-
mémoire39,l'Australie prétend que l'acceptation par la Cour de la Requêtedu

Portugal -il s'agit, plutôt, de la Conclusio5, b) -la placerait devant un conflit
d'obligations. Ce conflits'établiraitentre l'obligation,que l'Australie a vis-à-visdu

Portugal, de ne pas exécuterl'"Accord",et l'obligation,vis-à-visde l'Indonésie,de
l'exécuter. Or, si le Portugal avait demandé la déclaration de nullité ou

l'annulation de l'"Accord et sila Cour donnait satisfaction à cette demande, il ne
pourrait y avoir de conflit d'obligations. Une telle possibilité suppose que

l'"Accord"soit valide ou, tout au moins, qu'ilsoit supposé telet que donc la Cour
ne soit pas saisie de la question de sa validité.

38 Contre-mernoirdel'Australip.4-5 ,ar.8.9.

39 Contre-mkmoirede l'Austral, .91,par.185-186.L'Australie le reconnaît d'une façon explicite. Si dans l'Introduction elle avait

écrit:

"Thiscontradicts directly the Portuguese allegation that 'lapréxgbe
instance ne concerne pas la question de la validitéde 1"Accord ,

au Chapitre 1 de la PartieIIde son Contre-mémoireelle affirme, au contraire:

"The implementation of a treaty may be prohibited by having the
treaty declared invalid. PORUal, however, seeks to have
erformance of the Timor Gau freatv enioined without havine it
Zeclared invalid"" (soulignépar le Portugal).

Cette affirmation contredit ce que le défendeur plaide dans l'Introduction. Bref,
l'Australie sait très bien et reconnaît finalement que la Requêteportugaise ne

concerne pas la question de la validitéde 1"'Accord".

2.17 Le Portugal ne demande pas davantage à la Cour de résoudre le conflit

d'obligations que l'Australie s'estcréée.La Requêteportugaise est très préciseà
cet égard.Dans la 5èmeConclusion, le Portugal prie la Cour de:

"Dire et juger que l'Australie doit. vis-à-vis du ueuole du Timor
oriental. du Portugal et de la communauté inteinationale, cesser
toute violation des droits et des normes internationales visésaux
1, 2 et 3 des présentes Conclusions, et notamment,
jusqu'à ce que le peuple du Timor oriental ait exercéson droit de
disposer de lui-même,dans les conditions fixéespar les Nations
Unies:

b) s'abstenir de tout acte relatif à l'exploration et à
l'exploitation du plateau continental dans la zone du 'Timor Gap'
ou a l'exercice de la juridiction sur ce plateau, sur la base de tout
titre plurilatéral auquel le Portugal, en tant que Puissance
admini ante du Territoire du Timor oriental, ne serait pas
partie"6Y(souiignépar iePortugal).

4O Contre-mémoirede l'Australie,p.3, par.6.

41 Contre-mémoirede l'Australie,91,par.185.

42 Une trèspetite dilferenceexisteentre la rédactionde la SkmeConAlla Requéteet
au Mémoire. Tandisque la Requétedisait: "L'Australie esten devoir", leMemoire dit:
"L'Australie doiLe.sensest évidemmentle meme.IIs'estagid'unesimple question de
révisiondu franpis. L'importantc'estlecaractere relatif dudevoirdont la declaration est
demandk un devoir ris-A-visdu peuple du Timor oriental, du Portugal et de la
communauté internationale,c'est-A-dire,"a duty towards the people of East Timor,
Portugal and the international community".Ce qui vient d'êtresoulignédans la transcription de la 5ème Conclusion du
Portugal a étéintroduit afin d'en définir sa limiLe.Portugal ne prie pas la Cour

de dire, tout simplement, que l'Australie cesse l'explorationet l'exploitation du
plateau sur la base de l'"Accord",mais de dire quels devoirs elle a vis-à-vis du

peuple du Timor oriental et du Portugal, ainsi que de la communauté
internationale elle-même. La résolutiond'unconflitd'obligationsest une question

logiquement subséquente à celle de l'établissementdes obligations. Elle est en
dehors de l'instance, comme l'est, d'ailleurs, celledes obligations de I'Australie

envers l'Indonésie.

Mêmes'il est évident que l'article 103 de la Charte impose la primauté des
obligations de l'Australievis-à-visdu peuple du Timor oriental et du Portugal sur

toutes obligations découlantde tout autre accord43, le Portugal, en tout cas, n'a
pas demandé à la Cour de déclarer cette primauté.Ce qui est pertinent, du point

de vue du fond, et que le Portugal démontrerale moment venu44, c'estque le fait
que l'Australie ait pris des engagements envers un tiers, contraireà ceux qu'elle

avait et a toujours vis-à-vis du peuple du Timor oriental et du Portugal, ne la
libère nullement de ces derniers ni ne l'exonèrede la responsabilitédécoulantde

leur violation passée,présenteou future.

Section 4. Le seul différendsoumis à la Cour est un différendavec I'Australie

2.18 Comme on l'a w, I'Australie prétend que le "différend réel", par
opposition au "différend allégué" par le Portugals ,erait un différend entre le

Portugal et l'Indonésie, non un différend entre le Portugal et I'Australie.
L'affirmation est surprenante compte tenu que toutes les Conclusions du Portugal

ne visent que l'Australie,à savoir, la déclarationd'oooosabilitéà l'Australie des
droits du peuple du Timor oriental et de la qualité duPortugal; la déclarationde

I'illiceité de conduites australiennes et la condamnation de I'Australie en

réparation; et enfin l'établissementdes obligations subséauentes de I'Australie.
Aucune interprétation de la Requêteportugaise ne peut changer cela.

43 -Infra,chap.VI,sec5.

44 Infraibid
-9 _.Si on lit avec attention le Contre-mémoire australien, 1'1ntroduction~~mais

surtout le chapitre 1 de la partieII,on vérifieà nouveau que ce que I'Australie
annonce ne correspond pas àce qu'elle plaide.L'allégation"réelle"de l'Australie
à ce sujet est que la résolutiondu différendentre le Portugal et l'Australie dépend

de celle d'un différendentre le Portugal et l'Indonésie.En examinant de plus près
les arguments australiens on voit encore que cet autre différendest façonné par

I'Australie de différentes manières. D'une part, il s'agirait d'un différend sur
I'illiceitéde l'occupation indonésiennedu Timor onental. Dans cette perspective,
~~46
selon I'Australie, sa responsabilité ne serait que dérivée ou "consequential .
D'autre part, il s'agirait d'un conflit entre la prétention portugaise selon laquelle

le Timor oriental est toujours un territoire non-autonome et le Portugal sa
Puissance administrante de iure et la prétention indonésienne(et australienne

aussi, il faut le rappeler) selon laquelle le Timor onental aurait étéannexé par
l'Indonésieet ilseraitde sous souveraineté indonésienne.Cet autre différend
47
porterait donc sur le statut juridique, en droit international, du Timor oriental

Le Portugal répondra, du point de vue de la recevabilité de la Requête
portugaise, aux arguments australiens dans le chapitre VI1 de la présente

Réplique. Pour le moment, il importe, une fois de plus, de prévenirla confusion
que l'Australie veut introduire et de rappeler la portéeexacte de la Requêtedu

Portugal et de sesfondements.

2.19 Le Portugal estime que, de par les conduites visées dans la 2ème
Conclusion de la Requête,I'Australiea commisplusieurs actes illicites,en violant
plusieurs règles de droit international et plusieurs obligations que celles-ci lui

imposent. C'est-à-dire que par les mêmesfaits l'Australie a commis une pluralité
de délits internationaux. Les obligations violées par l'Australie peuvent être

regroupées sous deux catégories: les obligationsqui ont trait au caractère non-
autonome du territoire du Timor onental et celles qui ont trait au fait que celui-ci

a étéet est toujours occupé par la force. Dans la première se rencontrent les
obligations de respecter le droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-

mêmeet de favoriser son exercice, de respecter la qualité du Portugal comme

45 En particulier,p.7, par.15-16.

46 Contre-memoirede I'Australi, .7et 97,par.15,199et200.

47 Contre-memoirede I'Australie,p.7, par.16.("Portugcase depends,and necessarily
depends,on demonstratingthat Indonesian claimsof sovereignty overEast Timor arc
unwarranted"V).oiraussip.89,par.180et p. 100,par.209.Puissance administrante, de respecter la souverainetépermanente du peuple du
Timor oriental sur ses richesses et ressources naturelles; bref, l'obligation de

traiter le Timor oriental comme territoire non-autonome et comme rien d'autre.
Dans la seconde catégoriese trouvent les obligations de l'Australie de ne pas

reconnaître une situation de fait crééepar la force et d'agiren conséquence.

La différenceentre ces deux types d'obligationsest claire. Les devoirs du premier

groupe supposent le caractère non-autonome du Tenitoire, ceux du second non.
Mêmesi le Timor oriental n'étaitpas un territoire non-autonome, I'Australie

aurait toujours le devoir de ne pas reconnaître une situation de fait créée parla
force et celui d'agiren conséquence.

C'est un fait incontestéet incontestable qu'yla de une autorité au Timor

oriental qui n'est pas le Portugal. Traiter avec cette autorité signifie cependant
deux choses différentesselon que l'onconsidère lesactes dans la perspective des

unes ou des autres obligations. Du point de vue des obligations de la première
catégorie,les actes sont illicites parce qu'ilséquivaàene pas traiter le Timor
oriental comme un territoire non-autonome, ou, ce qui revient au même,à le

traiter comme quelque chose d'autre qu'un territoire non-autonome. La même
violation pourrait êtrecommise si l'Australie avait traité avec un quelconque

autre Etat qui ne soit pas la Puissance administrante reconnue par les Nations
Unies. Dans la perspective des obligations de la deuxième catégorie, la

circonstance que I'Australieait traitéavec l'autoritéde fait est illicite parce que
cettedernière a occupéle territoire par la force.

2.20 Or, la Requête partueaise ne vise que la violation, Dar I'Australie, des
oblieations de la première catéeorie. C'est à elles que se rapportent les deux

premiers alinéasde sa 2ème Conclusion. C'està elles que se réfèreencore son
troisième alinéa, du point de vue maintenant de la méconnaissance des

résolutionsdes Nations Unies, qui affirment le droit du peuple du Timor oriental
àdisposer de lui-même, qui qualifient leTimor oriental comme un territoire non-

autonome et le Portugal comme sa Puissance administrante et qui demandent aux
Etats de respecter les droits du peuple du Timor oriental. Certes, le Portugal

invoque la violation des droits du peuple du Timoriental àl'intégriet à l'unité
de son territoire. Cependant, comme la remarque en a étéclairement faite dansle ~émoire~~,ils'agiten l'espècede ces droits en tant que droit à l'individualité,

c'est-à-dire,du droit qu'a lepeuple d'unterritoire non-autonome à ce que celui-ci

soit traité commedistinct de tout autre territoire et du droit que ce peuple soit
traité comme porteur d'intérêts spécifiques, distinc dts ceux de tout autre

peuple.

C'est une réalitéque le Timor oriental a étéoccupépar la force. Les Parties à
l'instance sont d'accord pour ~'adrnettre~~. Les Nations Unies, elles aussi, le

reconnaissents0. Mais,tout simplement,le Portugal ne demande pas à la Cour de

se prononcer sur I'illiceitéde cette occupation. Comme le Portugal le
développera le moment venus1, la responsabilitéque, en l'espèce,il impute à

l'Australie est une responsabilitéorieinaire, découlantde la méconnaissance du
caractère non-autonome du Territoire du Timor oriental et de la qualité du

Portugal comme sa Puissance administrante, ainsi que de la violation des droits

du peuple du Timor oriental à disposer de lui-mêmeet à sa souveraineté
permanente sur ses richesseset ressources naturelles.

2.21 Pas plus, la Cour n'a besoin de se prononcer sur I'illiceitde l'occupation

indonésienne pour reconnaître que le Timor oriental est toujours un territoire
non-autonome et que le Portugal en est toujours la Puissance administrante. De

prime abord, le principe de la non acquisition de territoire par la force est

indépendantde la liceitéou de I'illiceitéde l'emploide celle-cis2.Mais mêmecet
argument n'est pas, de l'avisdu Portugal, nécessaire.En effet, la présenteaffaire

se place sur un domaine particulier, celui des territoires non-autonomes. Ici
s'applique, tout d'abord, un principe particulierde compétence:les organes des

Nations Unies ont, comme l'Australieelle-même le reconnaît explicitement53,le

48 Mkmoiredu Portugal,p. 195-196,par.7.01,et p.212-214,par.8.09.

49 Contre-mkmoire de l'Austral, . 19-20,par.41-42etp.22,par.48,

50
Résolutions384 (1975)du22dkcembre1975,389(1976)du22avril1976du Conseilde
skcurite;Résolutions348(XXX) du 12dkcembre1975,31153du ler dkcembre1976de
I'Assemblkegenérale, kmoireduPortugal,Annexes1.1-1.,ol. II, p.1-6.

-nfra,chap.II,sect.4,

52 R.Y.Jennings,nie AcquisitionofTerriton.inInternationalLaw,ManchesterUniversity
Press, 1963, p. 54-56;D. Bowett,InternationalLawRelatingto OccupiedTerritory; A
Rejoinder,TheLawOuarterlvReview,vol.87,1971,p.473-475.

53 Cantre-mkmoire de l'Austral, . 145,par.322.pouvoir d'identifier les territoires non-autonomes. Un autre principe, à la fois de
substance et de compétence, s'applique: celui selon lequel un territoire non-

autonome ne peut cesser de l'être,notamment par l'intégrationdans un Etat
indépendant, que par le biais d'un acte d'autodétermination ayant satisfait à

certaines conditions (celles fiées par la Résolution1541(XV), en particulier ses
Principes VI11et IX) et approuvépar les Nations Unies. C'est encore l'Australie

qui, elle-même,le dit:

"United Nations appryal of the processes will, however, be
necessary in every case" .

Or, non seulement les Nations Unies n'ont jamais approuvé d'acte

d'autodétermination du peuple du Timor oriental, mais encore elles ont
explicitement rejeté

"l'allégation selon laquelle le Timor oriental a été intégréà
l'Indonésie,dans la mesure où la population du Territoire n'a pas
été enmesure r librement son droit à l'autodétermination
età l'indépendance .

De plus, elles qualifient toujours le territoire du Timor oriental comme territoire
non-autonome et le Portugal comme sa Puissance administrante. Tout au moins

dans le cadre des Nations Unies, pour tous les Etats Membres et à tout effet, le
Timor oriental est toujours de iure un territoire non-autonome et le Portugal en

est toujours sa Puissance administrante.

2.22 11s'ensuit que -mêmesi on admettait l'hypothèse,strictement aux fins du
raisonnement, que le fait d'établirque le Territoire du Timor oriental est un

territoire non-autonome et que le Portugal en est la Puissance administrante
impliquerait la résolution d'un différend entre le Portugal et l'Indonésie - ce

différend adéjàétéréglé par les organes compétentsdes Nations Unies, avec une
autorité qui s'impose, pour le moins, à tous les Etats membres. comme le

Portugal l'asoulignédans son Mémoire,lesaffirmations

54 Contre-memoirede I'Australip.143,par.318.

55 Résolution31/53 de I'Assemblkegkneraledu ler dkcembre1976,par.5, et Résolution
32/34 de I'Assembléegknerale du 28 novembre 1977,par.3. Mtmoire du Portugal,
Annexes1.4etL5,vol. Ip.6-8.Voiraussiinfra,hap. IV,sect.2. "que le peuple du Timor oriental jouit du droit à disposer de lui-
même,que le Territoire du Timor oriental est un territoire non-
administ nte... quconstituent,ldansestladeprésente affaire,ce une
donnée #,38.

Le Portugal ne prie pas la Cour de dire de novo que, selon les règles

substantielles (par opposition aux règlesde compétence)du droit international, le
peuple du Timor oriental conserve le droit à disposer de lui-même(bien sûr il le

garde, puisqu'étantun peuple colonisé,il ne I'ajamais exercéde façon valable et
reconnuepar lesNations Unies) ou si le Portugalconserve la qualitéde Puissance

administrante du Territoire (bien sûr, il la garde, puisqu'étant la puissance
colonisatrice aucun acte ne lui a, de iure, enlevécette qualité).Ces normes ont

déjàétéappliquéespar le Conseil de sécurité et par l'Assembléegénérale.

Pour établirla donnée que le Territoire du Timor oriental est un territoire non-
autonome et que le Portugal en est la Puissance administrante, les normes

substantielles de droit international ne sont pertinentes que dans la mesure où
précisémentelles ont étéappliquées par les organes des Nations Unies. Leur

valeur est, à cet égard,interurétative: c'esà la lumière de ces normes que les
résolutionsdoivent êtreinterprétées.

La démarche judiciaire en cause porte, de i'avisdu Portugal, sur des règles de

com~étence et sur l'interprétation desrésolutionsconcernant le Timor oriental.
Les organes compétents des Nations Unies ont-ils des pouvoirs particuliers dans

ce domaine qui leur permettent notamment d'identifier, de façon obligatoire, les
territoires non-autonomes? L'~ustra1ie'~ et le Portugal disent oui. Les
Résolutions du Conseil de sécuritéet de l'Assembléegénérale portant sur le

Timor oriental qualifient-elles ce Territoire comme un territoire non-autonome et
le Portugal comme sa Puissance administrante; le Territoire du Timor oriental

continue-t-il d'êtreinscrit sur la liste des territoires non-autonomes, le Poryugal
étant mentionné comme sa Puissance administrante? Le Portugal dit oui.

L'Australie, tout au moins, ne dit pas non. Il n'est donc pas nécessaire ici de
discuter si la Cour pourrait, en l'espèce, jugerex novo que le peuple du Timor

oriental bénéficie dudroit à disposer de lui-mêmeet que le Portugal est la
Puissance administrante, mêmesi le Portugal estime qu'elle serait en mesure de

le faire.

56 M6moireduPortugal,p.73,par.3.02.

57 Contre-mkmoirdeeI'Australie,145,par322.2.23 En conclusion, de l'avisdu Portugal, iy a, dans la présente affaire, une
donnée établie par les organes compétents des Nations Unies: le Territoire du
Timor oriental est un territoire non-autonome et le Portugal en est la Puissance

administrante. En réalitéet malgrétoutes les oscillationsde son Contre-mémoire,
l'Australie ne conteste pas cette donnée, mêmesi elle discute l'extension des

pouvoirs de la Puissance administrante. Ce qu'elle plaide en dernière analyse se
traduit par l'idéeque ces qualifications ne limitent pas sa liberté d'agir par

rapport au Temtoire du Timor oriental comme elle le veut. Bref, le différend
entre le Portugal et l'Australie est placésur le plan des conséquences de cette

donnée.

Le Portugal prie la Cour de se rappeler l'origineet l'évolutiondu différend décrits
au Chapitre IIdu Mémoire en des termes qui n'ont pas étémis en cause par

l'Australie. Face aux protestations portugaises concernant les négociations avec
un Etat tiers et, plus tard, la conclusion de l'"Accord, ceque l'Australie répondit

peut êtredécritde manière très simple et très courte: nous avons reconnu - et
reconnu de iure - la souveraineté indonésienne sur le Timor oriental, nous
sommes libres de reconnaître ce que nous voulons et d'agir en conformité avec

notre reconnaissance, notre reconnaissance n'implique pas l'approbation des
moyens d'acquisition du territoire5'. Comme la remarque en a étéfaite dans le

~émoire~~, tout au moins la reconnaissance de iure de la souveraineté d'un
quelconque Etat sur le Timor oriental implique, par nécessité logique

incontournable, la non reconnaissance du Timor oriental comme territoire non-
autonome (et, par conséquent, de la qualité du Portugal comme sa Puissance

administrante). La signification de la position australienne, définie
diplomatiquement vis-à-visdu Portugal, est celle-ci: l'Australie ne reconnaît plus

le Timor oriental comme un territoire non-autonome et, par conséquent, le
Portugal comme sa Puissance administrante, donc ces qualités lui sont

ino~~osables.

Le différend que le Portugal soumet devant la Cour s'est formé au plan
diplomatique entre le Portugal et l'Australie et n'est un différend qu'entre ces
deux Etats. Ainsi que le Portugal l'a soulignédèsla Requête,le coeur mêmedu

58
Mkmoiredu PortugalA, nnexe111.25v,V,.p.210et111.26v,ol.V,p.216.
59
Mkmoiredu Portugalp, 72,par.2.25.différend porte sur I'ouuosabiiitéà l'Australie des droits du peuple du Timor

oriental et de ceux du Portugal, bref du caractère non-autonome du Territoire,
sous le double aspect de l'indépendance de cette opposabilité de toute

reconnaissance autre que celle des organes compétentsdes Nations Unies et de
celui des devoirs de l'Australieà l'égard dupeuple du Timor oriental et de la

Républiqueportugaise.

2.24 Les déformationsintroduites par l'Australiedans la Requêtedu Portugal
ne découlent pas d'une erreur d'interprétation. Elles visent à lui permettre

d'invoquerdes moyensde défensequ'ellene pourrait pas opposer aux demandes
"réelles"du Portugal. C'estcependant face à la véritableRequêtedu Portugal,

non àcelle imaginéepar l'Australie,que ces moyensdevront êtreappréciés. CHAPITREIII

LE CADRE HISTORIQUEDUDIFFEREND ET LES ACTIONS DU
PORTüGALCOMMEPUISSANCEADMINISTRANTEDUTIMOR

ORIENTAL

Section 1. Considérations préliminaires

3.01 Le différendportédevant la Cour par le Portugal est, comme on vient de
le voir, un différendtrès précisentre lui et l'Australie.Il est évidemment net

s'est développé dansun cadre historique marquépar certains faits: celui que le
Portugal n'ait pas pu, en 1975,achever le processus de décolonisationdu Timor

oriental qu'ilavait entamé;l'invasiondu Territoire, le 7 décembre1975, par les
forces indonésienneset l'occupationcontinue du Timor oriental par l'Indonésie,

"déplorées"par les Nations Unies; la lutte du peuple du Timor oriental pour
l'exercice de son droit à disposer de lui-mêmequi se poursuit toujours; et les

démarchespolitiques qui se poursuivent aussi dans le cadre de la Résolutionde
l'Assembléegénérale 37/30 du 23novembre 1982~~ sous l'autoritédu Sécrétaire

général pourmettre fin à l'illégaliindonésienneet pour trouver les moyens de
l'exercicepar le peuple du Timor orientalde sondroitàdisposer de lui-même.

Ce fut dans ce cadre que, dès février1979, l'Australiecessa de reconnaître le

Timor oriental comme un territoire non-autonome et le Portugal comme sa
Puissance administrante, en déniantainsi au peuple du Timor oriental son droit

d'autodétermination.S'estimant ainsi libre de traiter le Timor oriental comme
elle le voulait, elles'est engagée dansdes négociationsavec l'Indonésieportant

sur la délimitation,l'explorationet l'exploitationdu plateau continental dans la

zone du 'TimorGap". Ellea, enfin,conclul'"Accord", le11décembre 1989, et elle
a commencél'explorationdes ressources pétrolières.

3.02 Que le différend entre le Portugal et l'Australie soit né et se soit

developpé dans un cadre historique et qu'il n'épuisepas toutes les questions
concernant le Timor oriental ne porte aucune atteinte àl'autonomiedu différend

soumis à la Cour, ni n'empêche celle-c die le réglero1La connaissance de ce
cadre historique est nécessaireà la compréhensiondu différend.Le Portugal l'a

décritau chapitre 1de son Mémoire consacré aux donnéeshistoriques.

60 Memoiredu Portugal, nnexe1.1volII,p. 16.

61 Voir,en plusdcequiest indiqueau ChapipreckdeninfraC,hapVII.3.03 Or, comme la remarque en a déjàétéfaite, si l'exposéde l'origineet de
l'évolutiondu différendn'apas été contestépar l'Australie,certaines affirmations

du défendeurrelatives au cadre historique du différendet àl'actiondu Portugal
en qualitéde Puissance administrante méritent uneréponse.Par ailleurs, après

que le Portugal ait déposéson Mémoire,des développements sont intervenus.
Une référence y est nécessaire,mêmesi certains sont connus. Le Portugal

souligne que le présent Chapitrea, en partie, un propos informatif. Et c'estdans
l'espritdu paragraphe 66de l'arrêdt e la Cour dans l'Affairerelatàvdes actions

arméesfrontalièreset transfrontalières[Nicaragua c.Honduras) fcom~étencede
la Cour et recevabilitéde la Reauête) qu'ilporte à la connaissance de la Cour

des faits postérieurs audépôtde la Requête.

Section2. La lutte du peupledu Timor oriental pour l'exercicede son droià
disposer de lui-même

3.04 Les questions concernant le Timor oriental ne revêtent paseulement une

portéejuridique. Elles ont aussi une portéehumaine et dramatique. Sur une île,
sans appui extérieurpossible et de façon ininterrompue depuis 17ans, le peuple

du Timor oriental poursuit une lutte armée et une résistance acharnée afin
d'exercer son droit à disposer de lui-même63O . n mentionne entre 100.000et

200.000victimes, par les armes et la famine64.Quelles qu'aient étéles erreurs
d'appréciationdes mouvements timoréensen 1975, on ne peut que rendre un

hommage à ce peuple fier et martyr. Son honneur ne permet à personne de le
traiter comme un "dispensable people".

62 Arrêtdu 20 décembre1988C.I.Recueil 1988,p.95,par. 66.

63 Sur cette luton peut voir notamment: JamesDunn. Timor, A People BerrThed,
Jacaranda Press, Milton,p.288 et suiv.;Jose Ramos Horta, Funu. The Unfinished Sa@
of East Timor, The Red Sea Press,Trenton, NJ, 1987,p.69 et suiv.;Timor,olliffe,
Terra Sanerenta, "O.Jornal", Lisboa, 1989,p.81 et suiv.;John G.Taylor, Indonesia's
Forpotten War, TheHidden Historyof East Timor, Zed Books Ltd, Londop.68991,
et suiv.

64 James Dunn,m., p.321 suiv.; Ramos Horu., p.2; John Taylor dit que: "At
least a quarter of East Timor0009population has been killed sincee.,75"
p.IX.3.05 A la veillede la visited'unedélégation parlementaire portugaise au Timor

oriental sous les auspices du Sécrétaire généra dles Nations Unies, prévuepour
novembre 1991 -mais qui n'aura paslied5 -tandis que la presse indonésienne

rapportait sous le titre "Portuguese MPs should talk only to 'officials"'que le
"gouverneur"de l'occupant faisait savoirque:

'The Portuguese mernbers of Parliament ..will have to talk to
Indonesian 'government officials'.When they have arrived here,
they&ould not talk to any East Timorese anywhere at their own
wll" ,

l'administrateur apostolique du diocèse de Dili, Monseigneur Ximenes Belo,
écrivaità I'évèque de Setubal (diocèsedu Portugal),le 7septembre 1991:

"Notre situation est devenue pire que jamaispendant les dernières
semaines. Maintenant que la visite de la délegationparlementaire
portugaise est proche, les autoritésindonésiennesont relancé une
campagne de terreu t de menaces. Quiconque s'approchera des
portugais sera mort"6P(traduction du Portugal).

3.06 Le matin du 12novembre 1991au cimetièrede Santa Cruz à Dili,au cours
des funéraillesd'unjeune timoréentuépar les forcesarméesindonésiennes,ces

dernières l'assiégèrentet tirèrent sur la foule. Quelques images ont pu être

enregistréesqui coururent le monde etfrappèrent les consciences.Un résumé des
évènements,des actions du Portugal et de plusieurs condamnations du massacre
68
se trouve en Appendice àla présente Réplique .

3.07 Le Sécrétaire généra dles Nations Unies nomma, comme son envoyé
personnel, M. Amos Wako, ancien rapporteur spécialde la Commission des

droits de l'homme pour les exécutions sommaires,et le chargea de préparer un
rapport sur les évènementso9C . elui-cin'apas encore étérendu public.

65 MemoireduPortugal,par. 1.58p.38-40etinfrapar.3.48.

66 Annexe 11.2Replique,volIIp. 156.

67
Annexe 11.18Replique,volIIp.275.
68
Appendice111.1R, eplique,vol.III245.
69
Annexe 1.7Rkplique,vol.11p.54etAnnexe 1.8Replique,volIIp.64.3.08 Au Portugal, le Présidentde la République,l'Assembléede la République

à l'unanimité des voix, et le Gouvernement condamnèrent fermement le
massacre, exprimèrent leur solidarité au peuple du Timor oriental et

réaffirmèrent l'engagement de la République portugaise d'utiliser tous les
moyens disponibles pour que le peuple du Timor oriental puisse exercer son droit
70
àdisposer de lui-même.Unjour de deuil national futdécrété .

Comme l'adit le Présidentde la Républiqueportugaise, M. Mario Soares:

"Le Portugal est solidaire du peuple frère du Timor oriental. II n'a
jamais cessé de réclamer, auprès de toutes les instances
internationales et tout spécialement aux Nations Unies et auprès
de son Secrétaire Général quele peuple du Timor oriental puisse
exercer librement son droit imprescriptiblà l'autodéterminationet
à l'indépendance. Comme puissance administrante de iure qu'il
continue d'être,le Portugal n'abdique pasde ses responsabilitéset
cherchera par tous les moyensjuridiques àsa disposition à les faire
valoir...

Le Timor oriental conna* a un jour l'heure de sa liberté,je n'ai
aucun doute quant àcelaJ5. (traduction du Portugal).

3.09 En Australie, le massacre de Santa Cruz déclenchade vives réactions72.

Au Sénat,au coursd'un débatqui eut lieu le 26novembre 1991~~,tout le monde
condamna le massacre. Furent considérées particulièrementchoquantes les

déclarations du Commandant-en-chef des forces indonésiennes au Timor
oriental, le lendemain de la tuerie: "Disruptor..had to be shot"; "and we shall

shoot them". Le SénateurSheny rappela:

"As 1said six weeks ago, 1found my visit to East Timor a terribly
depressing experience from the point of view that, in contrast to
other parts of Qdonesia, East Timor struck me as being basicallya
militarycamp" .

70 Annexe111.6R, kplique,v111,.293.

71 Annexe111. R5.plique,vol.III289.

72 Annexe11.3R, eplique,vII.,.157.

73 Annexe11.4R, eplique,voII,.163.

74 Annexe11.R 4eplique,vol.II,177.Malgré ceci, le Ministre des Affaires étrangères et du Commerce refusa de
suspendre les visites gouvernementales prévues(tout d'abord, la sienne), l'aide
75
économiqueet la coopérationmilitaire .

3.10 La question de l'autodétermination du peuple du Timor oriental ne fut
pas absente du débat. Le SénateurBourne remarqua:

"Indonesia is a close neighbour and, we are told, a friend of
Australia's. One does not let one's friends murder their neighbours
against their best interests. It is ineeveryone's best interests a-e
Indonesians and East Timorese alike - for East Timor to be allowed
self-determinationn76.

Le SénateurSherry déclara:

"1will be pushing my Government to e%his de jure recognition of
Indonesian occupation of East Timor ..."

L'"Accord"concernant le "Timor Gap", non plus, ne fut pas oublié. Selonles mots
du Sénateur Vallentine:

"1think the Timor Gap treaty is another reason whythe Australian
Government is so reluctant to take the Indonesian Government to
task. The East consider that it is stolen oil; it is their oil,
not Indonesia's" .

3.11 Au contraire, le SénateurHill exprima sa préoccupation qu'une partie de

la motion du Gouvernement pourrait paraître soulever la question de
l'autodétermination du Timor oriental. Ce serait, tout au moins, l'interprétation

desmembres du "caucus"du "Labor parG79. Le Ministre des Affaires étrangères
et du Commerce luiavait répondu par avance:

75 Annexe11.4,Replique,vol. II,p. 166.

76 Annexe11.4,Rkplique,vol.II,p. 164.

77 Annexe11.4,Rkplique,vol. p.178.

78 AnnexeIL4,Rkplique,vol. II,p. 182.

79 Annexe11.4,Replique,vol. II,p. 171. "Some people willsay the only thing that could possiblymeet the
needs and aspirations of the East Timorese eople would be the
independence of East Timor followinga "8 - supervised art of
self-determination and, presumably, a vote to that effect.That is
probablytao narrow a viewof the situation...

We believe - and Australian policyhas been firmly embedded in
thisparticular course since 1979 -that the onlyrealistic future for
the East Timorese pwle does lie with their acceptance of
Indonesian sovereignty" .

3.12 Le 12décembre 1991,exactement un mois après le massacre de Santa

Cruz, pas un jour avant pas un jour après, il fut annoncé la délivrancedes
premiers permis d'explorationdans l'aireA de la "Zone de Cooperation" prévue

par

Section3. La reconnaissance du Portugal comme Puissance administrante
du Timor oriental var les mouvementsde la résistance timoréenne

3.13 Tout au contraire de ce que prétendl'Australies2, tant la Convergence
Nationaliste de Timor (CNT) que les partis qui lacomposent, le FRETILIN et

I'UDT, reconnaissent au Portugal la qualité et l'autorité de Puissance
administrante du Timor oriental. Le Portugal l'a démontré au Mémoire,

documents à l'appui83.

3.14 Comme la remarque en a déjàétéfaiteg4pendant un certain temps après
l'invasion indonésiennele FRETILIN a soutenu la thèse de l'existence de la

"République Démocratiquedu Timor oriental",dont ilavait déclaré la créationle
28novembre 1975, mais qui ne fut reconnue ni par le ~ortu~al~~,ni par

l'Australieg6,ni par la généralité deEstats, ni par les Nations Unies. Mêmes'ila

Annexe11.4,Replique,vol11p. 167.
81
AnnexesII.5,11.6et IL7,Rkplique,IIp. 184,186et 188respectivement.
82
Contre-memoiredel'Australie,p. 111-112,par.242.
83
Memoire du Portugal,p.47-48, par.1.70-1.72et Annexes IL116-1, ol. IV, p.312-
359.

Memoiredu Portugal,p.46,par.1.67-1.68.
85
Memoiredu Portugal,p.21-22,par.1.32et Annexe11.,ol. II,p. 110.
86 Contre-memoiredel'Australie,p.26,par.59.cesséd'en faire état devant l'organisation depuis 1978, il ne l'a abandonnée
formellement qu'en janvier 1984~~.Jusqu'à cette date, ilest évident que le

FRETILIN ne pouvait pas, sans se contredire, reconnaitre le Portugal comme
Puissance administrante du Timor orientalg8. Sa position a cependant changé

après 1984.Depuis, le FRETILIN ne considèreplus qu'il y ait une indépendance
à recouvrer, mais qu'un processusd'autodétermination doitêtreachevé, sous

l'autoritéjuridique des Nations Unieset du Portugal, Puissanceadministrante du
Territoire.

3.15 En 1985, devant le Comité des 24, M. Ramos Horta, pétitionnaire
intervenant au nom du FRETILIN, dont i1est l'undes dirigeants, faisaitréférence

au

"processusinachevéde décolonisation,commencépar les Portugais
et interrompu en décembre1975 à la suite de vasion brutale du
Territoire par lesforcesarméesde l'Indonésiew L;.r

En 1988, lepétitionnaireM. Roque Rodrigues,égalementau nom du FRETILIN,

remarquait que:

"Ilest paradoxal de voir que la puissance administrante Iéeitimedu
territoire a clairement manifesté sa volonté de s'acquitter de ses
obligations envers les Nations Unies en octroyant l'indépendance
au Timor oriental, et qu'un membre de ce mêm comité se
comporte comme un conquérantde I78gede pierredo. (souligné
par le Portugal).

Cette mêmeannée,un autre pétitionnaire, M. Xavier de Amaral, parlant au nom
de l'Union DémocratiqueTimoréenne (UDT) et de la CNT, observait que le

Timor oriental "est toujours considéré commeterritoire sous administration

portueaise"91 (soulignépar le Portugal).

g7 MkmoireduPortugal,p.46, par.1.67.

88 Voir, nonobstant, unertftreàclaqualitkduPortugalcommePuissanceadministrante
dans I'intewention du représentantdu FRETILIN (M. Ramos Horta), en tant que
pktitionnaire,pendantlance duComitkdes24de 1981,Annexe1.14,Rkplique,vol. II,
p.85.

89 Mkmoire du Portugal, nnexe11.61,voIIIp. 161,

90 Mkmoire du PortugalA, nnexe II.63,vol. III,p.217. Voir aussi les dkclarationsde M.
Guterresen 1989;Annexe11.64,vol. p.299.

91 Mkmoire du Portugal,Annexe 1I.63,volIIIp.221. Voir aussiles dkclarationM.e
Joao Carrascalao,dirigeantde I'UDT,en 1990,Annexe11.65IIIp.388 et suiv.A la séancede 1992, M. Guterres disaitau nomdu FRETILIN:

"Nous rendons hommage en particulier au Gouvernement
portugais, la Puissanceaaministrante du Timor oriental, pour la
fermetéet la déterminationqu'ila montrées pendantla réunion du
Conseil généralde coopéraiionde la Co unauté européenne
tenue la semaine dernière à ~ruxells (souligné par le
Portugal).

3.16 Un document de I'UDT,en date du 19mai 1991,visant le renforcement
de la CNT, indique,parmi lesprincipesà respecter, la:

"1. Défense intransigeante du droit à l'autodétermination et à
l'indépendance du peuple du Timor oriental;

2. Reconnaissance du Portugal comme Puissanceadministrante et
politique en ce qui concerne la question duimor"~'. (tradictionet

et soulignépar le Portugal).

Aussi, dans la proposition de solution pour le Timor oriental préparéepar M.
Abiliode Arailjo (Chef de la délégationdu FRETILIN en SeMce à l'Extérieur),
on litque:

"..le Portugal devra assumer pleinement son rôle de Puissance
administrante du territoire non-autonome du Timor oriental, se
chargeant de l'organisation de la consultation "w
I'autodétermination, sousla supeMsion des Nations Unies" .
(traduction du Portugal).

3.17 Qui plus est, les mouvements de la résistance timoréenne ont
explicitement apporté leur appui public au fait que le Portugal ait porté la

présenteaffaire devant la Cour.

A la séancedu Comité des24 de 1990, M. Guterres, au nom du FRETILIN,
disait,àpropos de l'"Accord:

92
Annexe 1.22Rkplique, oIIp.116.
93
Annexe 11.Rkplique,volIIp.190.
94
Annexe 11.Replique,vol.II,195. "Nous, citoyens du Timor oriental, du parti politique que je
représente, ne pouvons accepter cet accord comme s'ilétait légal.
Toutes les résolutionspertinentes sur la question du Timor oriental
exigent que tous les pays respectent notre d~~jt à
l'autodéterminationet respectent notre intégrité territoriale .

Et, àla séancede 1991,toujours au nomdu FRETILIN, M. Guterres déclara:

"Jevoudrais féliciter la Puissanceadministrante, le Portugal,d'avoir
saisi la Cour internationale de Justice de &question du traitédu
Timor Gap entre l'Indonésie et l'Australie" .

M. AbfiioArahjo, pour sa part, affirmadans son projet de solution pour le Timor
oriental:

"Ne se limitant pas à la simple affirmation des principes, en
introduisant la requêtedevant la Cour internationale de Justice de
La Haye relativement à l'accord entre l'Indonésieet l'Australie
pour l'exploitationdu pétroledu 'TimorGap',le Portugal s'assume
complètement comme la Puissance administrante du territoire et
défend juridiquement non seulement I'autodétermination,mais
aussi les dro' des timoréens à disposer des ressources naturelles
du territoire"". (traduction du Portugal).

3.18 Les déclarations qui viennent d'être reproduitesne traduisent pas
seulement une attitude politique et juridique. Il suffitde lire la lettre adressée le

24novembre 1991 par le chef de la résistancetimoréenne au Présidentde la

République portugaise pour que l'on puisse évaluerl'espoir mis par le peuple
timoréen dans le Portugal et pour prendre la mesure de la responsabilité
98
portugaise dans la défense des droitsdece peuple .

95 Mkmoire du Portugal,Annexe11.65, ol. III,p. 350.

96 Mkmoiredu Portugal, Annexe11.66, ol. IV28.

97 Annexe 11.9,Replique, vol.II,p. 194.

98 Annexe 11.10,Rkplique,vol. II. p. 206.Au moment où le Ponugal terminait la presente
Rkplique, la nouvelle est tombee que Xanana ~usmao venait d'@Irefait prisonnier par
les forces armkes indonésiennes. Dansun communiquk aussitût publik, le Portugal
demanda sa libkration immediate, lui rendit hommageet rappela que "Xanana Gusmao
symbolise,par le courage et la tknacitk qu'ila dkmontrés dansla poursuite d'une lutte
menke à grands risqueset dalescirionstances lesplus adverses.la dktermination avec
laquelle lepeuple du Timororiental s'opposeàlabrutale occupation indonésienne".Section4. Lesactions du Portueal commePuissance administranteduTimor
oriental

3.19 La qualitédu Portugal comme Puissanceadministrante duTimor oriental

découlede la souverainetécolonialequele Portugal a exercésur le Territoire dès
le XVIème siècle. Le Portugal est devenu puissance administrante quand

l'évolutiondu droit international transforma la souveraineté colonialeen une
administration et en "missionsacrée"sous le chapitre XI de la Charte. Jusqu'à
1974une divergence profonde exista entre les Nations Unies et le Portugal. Ce

dernier prétendait que ses colonies faisaient partie du territoire national et
refusait d'accepter les règlesqui s'imposenà une puissance administrante. La

divergence disparut après la Révolutiondu 25avril 1974 quand le Portugal
s'engagea inconditionnellementàreconnaître ledroit des peuples en généralet le

droit des peuples des colonies portugaisesen particuliàrdisposer d'eux-mêmes
et àla miseen oeuvre de ce droit.

3.20 Le Portugal ne croit pas qu'il soitutile de disàla présenteinstance ce

que fut la politique coloniale et, à partir d'une certaine époque, la politique
colonialistedu Portugal par rapportàce que furent d'autrespolitiques coloniales
ou colonialistes, soitd'Etats qui se sont assuméscomme puissances coloniales,

soit d'autres qui ne veulent pas se reconnaître en cette qualité. L'article7,
paragraphe 1,de la Constitutionportugaise actuellementen vigueur déclare que:

"Le Portugal est régidans les relations internationales par les
principes d'indépendance nationale, de respect des droits de
l'homme, du droit des peuples à l'autodétermination et à
l'indépendance..."

Le paragraphe 2 ajoute que:

"Le Portugal préconise l'abolition d toutes les formes
d'impérialisme, colonialismet agression..9

Ainsi, la Constitution portugaise elle-mêmporte condamnation du colonialisme
du Portugal et des autres Etats. La colonisation portugaise, elle, appartienà

l'histoire. Quels qu'enaient étéles défauts,il n'ont pas empêché le dirigeant
timoréen, M. Ramos Horta, de dire en 1988:

99 Annexe 11.1. kpliqu, ol.II,p.214. "Even if one were to compare the two evils, the Timorese would
prefer a milliontimes the backwardPortuguese colonial rule, to the
daily nightmare and terror of lndonesian occupation. However,any
such comparison missesthe point.The Timorese have been fighting
for the past ten years and will be fighting many more years if
necessary, regardless of the style of the oppressors, belMy more
benevolent than the Portuguese,orbe theymore brutal" .

3.21 En tout étatde cause, le Portugal n'a pas manquéde remarquer que ni

l'Australie,ni le "Deputy Assistant Secretary of State for East Asian and Pacific
Affairs",dont l'Australie reproduit les déclarations auContre-mémoire,ne sont

bien informés.Il suffit de comparer les statistiques que celui-ci invoque avec
celles contenues dans les documents des Nations unies1''. Evidemment,

faudrait-il encore tenir compte de ce qu'était,du point de vue économique,le

Portugal de 1974.Mais il faudrait surtout ne pas oublier les 100.000à 200.000
timoréensvictimesdes armes et la faminedepuisl'occupationindonésienne -bien
102
que, malheureusement, cecisoitbeaucoup plusqu'une statistique .

3.22 Dans son Mémoire, le Portugal a décrit, en toute objectivité, les
évènementsau Timor oriental depuis la Révolutiondu 25 avril 1974 jusqu'à
103
l'invasion indonésienne et le cadre à l'intérieurduquel ils se déroulèrent .
Personne plus que le Portugal ne regrette qu'il n'aitpas étéen mesure d'achever

le processus de décolonisationdu Timor oriental. Mais il n'admet pas qu'on

insinue qu'ily a eu, de sa part, un quelconque encouragement à une intervention
indonésiennelo4. Sinon, pourquoi alors, le jour mêmedu 7décembre 1975,

Iûû Jose Ramos Horta, Funu. The unfinishedsaeaof East Timor.The Red Sea Press,Inc,
1987,p. 81-82.

101 Annexe L5,Replique,vol. II,p.20et Anne11.1du Mémoire,vol. II,p. 57 et suya.II

des aspects curieux:en69,le mouvementd'avionsAl'aeroport de Dili depassait celui
de tous les akroports du continent, sauf Li-Slntese Geoerafica e Estatfstica, in
Atlas Editora, Mme ed., Porto Editora, Porto, S.D., p.31 et suiv. Par exemple encore,
l'affirmation selon laquellela visitede M. Almeida Santos en 1975 n'avaitet6 prkckdee
que par une visite ministbrielleen 1952(Contre-memoire de i'Ausp.14, par. 28)
estfausse:elle avaitet6 preckdkepar quatre visites.

1°2 En 1992, le Congrès des Etats-Unis d,Amkrique a interdit l'utilisation de fonds "for
assistance under the heading 'InternatioMilitary Education and Training' for
Indonesia",Annexe11.12,Réplique,voIIp. 217.

103 Mémoiredu Portugal, p.8-24,pa1.10-1.36.

lo4 Contre-mkmoire de l'Australie, p. 19, par.41. C'est surprenant qu'en meme temps
l'Australie accuse les forces armees portugaises de fournir des aFRETILIN
(p. 17,par. 34cequi est d'ailleursfaux(Mkmoiredu Portp.a18,par. 1.25).aurait-il saisi le Conseil de sécurité,en rompant, simultanément, les relations

diplomatiques avec l'Indonésie ? Pourquoi continuerait-il à se battre, jusqu'à ce
jour, dix sept ans plus tard, pour l'exercicepar le peuple du Timor oriental de son

droit àdisposer de lui-même?

3.23 L'Australie n'a aucune raison de reprocher au Portugal le transfert de
l'administration du Timor oriental sur I'îled'Atauro, en août 1975, et l'évacuation

de cette administration le jour suivant celui de l'invasion indonésienne, ainsi
qu'elle n'a pas de fondement pour affirmer que le Portugal est resté inactif
105
pendant le séjourde l'administration sur l'îled'Atauro .

3.24 Les motifs du transfert de l'administration portugaise sur l'ile d'Atafiro,
située à l'intérieur du Territoire du Timor oriental, sont indiqués au paragraphe

1.25 du Mémoire portugais. Selon une pratique ancienne, encore plus accentuée
par un programme de "timorisation", les effectifs militaires et policiers étaient

presque exclusivement constituésde Timoréens. A la suite du coup et du contre-
coup armés de I'UDT et du FRETILIN, les 10 et 20 août 1975, ces effectifs ont

pris parti et des membres du personnel portugais d'encadrement ont étépris en
otage. Le Gouverneur et ses assistants directs étaient protégés uniquement par

deux pelotons de parachutistes, dans une zone de Dili, près du Port, sous le feu

croiséde mortiers des deux adversaires. Face au risque imminent de l'arrestation
du Gouverneur, le Président de la République lui a ordonné de se retirer sur
Atauro avec les autres autorités portugaises. Ce retrait a eu lieu sous les coups de

feu mais pas avant que les maigres effectifs militaires portugais aient assuré
l'embarquement de plusieurs centaines de réfugiéssur deux navires marchands

qui mirent le cap sur l'Australie106.

los Contre-memoire del'Australiep,19,par.41

'O6 JillJolliffeuc Annexe IL13, Replique,vol.II, p. 226-227 et Lemos Pires,
Descolonizacao de TimorMissaoImposslve l,Publicapes DomQuixote,Lisbonne.
1991,p.252-256 et264. D'aprksleGouverneur portugai" s.etransfertsur l'îled'Atauro
etaiteta616rendunecessaire pourmaintenirlaresponsabilitportugaiseauTimor, pour
rkcupkrer la liberted'actionfaceaux partis et pourpermettre I'inte~entionde la
del6gationvenuedeLisbonne"P .arailleurs,sileGouverneuravait 61faitprisonniepar
I'UDT ilauraitfinipar &trelivre auxIndonésien qui nese seraientpasg&n&pour
l'utiliserwmmemonnaie d'kchange, wmm ilseI'ontfaitavecd'autresPortugqui leur
ont 6t6 livrparce parti.(TraductioduPortugal).3.25 Aux paragraphes 1.25 à 1.35 du Mémoire portugais, se trouve décrit
l'essentiel de'intervention du Portugal, en qualitéde Puissance administrante,

pendant la période où l'Administration portugaise est restée dans l'île d'Atauro
(27 août 1975 au 8 décembre 1975). Cette simple description suffit pour

démontrerque le Portugal n'est pas restéinactif,bien au contraire. Portugal a
persistédans sa tentative d'amener les partis timoréensen conflià une solution

négociée,en attirant en mêmetemps l'attention des Nations Unies sur le fait que
si cette solution ne s'avérait paspossible, une action internationale sous les bons

offices du Secrétairegénéral pourraits'imposer.

3.26 Le Président de la République portugaise avait nommé une délégation,
présidéepar l'un des hommes politiques portugais les plus connus- M. Almeida

Santos - qui pourrait aider au déblocagede la crise au Timor oriental. Deux des
membres de cette délégation sontarrivés à Atauro dès le 28 août. M. Almeida

Santos, qui s'étaitréunà New York, entre le 22 et le 25 août, avec le Secrétaire
généraldes Nations Unies et le Président du Comitédes 24, s'est rendu à

Djakarta. Là, il a rejeté la proposition indonésienne que le Portugal invite
l'Indonésieà intervenir au Timor et il a suggéré l'idéee la constitution d'une

force militaire conjointe avec des élémentsportugais et d'autres pays de la région,
dont l'Australie.M. Almeida Santos a transmis cette idée à l'Ambassadeur

d'Australie à Djakarta, qui n'a pas écarté une participation australienne
symbolique et de caractère humanitaire. Mais la confirmation tant attendue du
Premier Ministre d'Australie n'arrivait pas et l'Indonésie a présenté une

proposition de "Memorandum of understanding" que le Portugal n'a pas
acceptée, car elle ne garantissait pas que, une fois l'ordre rétabli dans le

Territoire, le Portugal continuerait à conduire le processus de décolonisation et
que celui-ci impliquerait une consultation populaire.

3.27 La délégationnommée par le Présidentde la Républiques'est réunieavec

le Gouverneur le 2 septembre à Atauro. Il a étédécidéde donner priorité aux
efforts en faveur de la libération des Portugais détenus et d'organiser des

conversations urgentes avec le FRETILIN et I'UDT, soit à Atauro soit "à un
autre endroit à convenir hors de la zone du conflit". L'établissement de ces

contacts permettrait de réunirles conditions pour qu'ilait des développements
concernant la reprise du processus de décolonisation.

107 LemosPires,m., p.273-274.3.28 Le FRETILIN a annoncé sa disponibilité de principe pour libérer les

Portugais qu'il détenait et a proposé des conversations à Canberra, le 20
septembre. Cependant, quelques jours après, son dirigeant Ramos Horta a fait

savoir à Atauro que le Gouvernement australien avait refuséla permission pour
que les conversations aient lieu sur son territoire. Les négociations ont dû se

dérouler par l'intermédiairede moyens radio, le FRETILIN ayant refusé de se

rendre à Atauro, et les prisonniers ont fini par êtreconfiésà la Croix Rouge
Internationale108 .

3.29 La reprise des contacts avec I'UDTétaitencore plus difficilecar elle avait

perdu sa capacité opérationnelleau Timor oriental et ses dirigeants, réfugiésau
Timor indonésien, n'avaient plus leur liberté d'action. De toute façon, la

délégation envoyée par le Présidentde la République portugaise a essayéde se

rendre àKupang (capitale du Timor indonésien).Mais elle n'yest pas parvenue à
cause de I'absence de coopération de I'UDT. Cependant, des conversations à

Atauro ou à Macao ont également été proposées à cette organisation
politique109 .

3.30 Poursuivant ses efforts pour trouver une solution politique, M. Almeida

Santos s'est de nouveau rendu à Djakarta durant la deuxième semaine de
septembre 1975. Le Portugal faisait savoir qu'ilne chercherait pas à résoudre le

problème du Timor oriental par un accord bilatéral entre le Gouvernement

portugais et le FRETILIN et réaffirmait son intentionde continuer à promouvoir
des conversations et des négociations avectous les partis politiques du Timor

oriental, en vue d'amener le processus de décolonisation du Territoire à une
plate-forme politique qui respecte la volonté réelldu peuple du Timor oriental.

'O8
A propos de l'attitude australilenGouverneur Lemos Pires se plaint que: "Quant
aux conversations, FRETILIN avait dtjà montre clairement son iàtce qu'elles
aient lieu, àtprofeder sans conditàola liberalion des militaires detenus. II restait
cependantA definir le lLadel6gation (portugaise) avait finipar proposer de nouveau
la date du 20 (septemb1975)àMacao,puisque l'absencedu navire de guerre portugais
empechait son utilisatàocet effet. Mais,en réalite,tout aurait 616plus facileet viable
si 1'Australie avait permis qu'elles aient lieu sur son Territoire (Danvin); seulement
c'etait contraire aux interets de I'Indonhie. Pour cette raison on en concluait qu'il
devrait &Irebeaucoup plus difficilede rkaliser des conversations avec I'UDT, auxmains
de l'lndonhie, sans liberte d'action pour agir ou m&me faire des propositions".
(Traduction du Portugal). Lemos Pu.,s, p.284.Rappelons que le navire de guerre
portugais dont I'absencea gent!la reprise des conversations direFRETILINc le
avait da aller jusqu'à Macao, car l'Australie n'avait pas autorise son raàitaillement
Darwin, qui est beaucoup plus proche d'AtaUrinfrapar. 3.75).

lo9 Lemos Pires,mc p. 280-2813.31 Le Gouverneur fut convoqué pour consultations à Lisbonne le 23

septembre 1975 et le Comité national de décolonisation rendit public un
communiquéoù étaitsoulignéque le problèmede l'autodétermination duTimor

oriental ne pourrait êtrerésoluque par la voie politique en engageant des
discussionsavec tous les partis politiques.A ce moment-là, l'Australie avait enfin

offert son territoire pour les conversations.Le Portugal demanda la circulation de
ce document comme document de l'Assembléegénéraleet du Conseil de
,110
sécurite .

3.32 A l'initiativedu Portugal, les ministresdes affaires étrangèresportugais et
indonésiense sont réunis à Rome les ler et 2 novembre 1975.Dans le document

final et conjoint transmis au Secrétaire généradles Nations Unies avec demande
de circulation, il était reconnu que Ia responsabilité fondamentale de la

décolonisation du Timor oriental incombait au Portugal et celui-ci, en tant
qu'autoritélégitimedu Territoire, s'engageaità ne ménageraucun effort en vue

de permettre à la population de faire acte d'autodétermination,à court terme et
dans un climat pacifique111 .

3.33 Comme le Portugal l'aindiquédans son Mémoire,le 10novembre 1975,il

a informéles Nations Unies qu'ilavait proposéla tenue d'une réunionavec les
trois mouvements timoréens enAustralie, du 15au 20 novembre. Son ordre du

jour comprenait la "[p]roclamationet observation d'un cessez-le-feu",la "[mlise
en place d'unmécanismepermettant le passage de Timor à l'autodétermination"
112
et le"[rletour des réfugiéqsui se trouvent au Timor indonésien" .

3.34 Cependant, les conversations n'ont paspu avoir lieu à la date prévue et,le
27 novembre, Djakarta envoya,par l'intermédiairede son Ministèredes Affaires

étrangères, une proposition des partis du "Mouvement Anticommuniste"
(I'APODETI et I'ailede I'UDTréfugiée au Timor indonésien)pour qu'ellesaient

lieu à Bali en ~ndonésie'~~ .e Portugal ne pouvait accepter cette solution car il

110 Memoiredu Portugal,Annexe 11.1vol. Ip.103.

111 Mernoiredu Portugalp.20-21,par.1.29et annexesycités.

112 Memoiredu Portugal,Annexe11.17,vol. p.109.

113
LemosPires,m., p.317.considéraitqu'elle n'offrait pas de liberté d'actionaux représentants des forces

politiques timoréennes. C'est à cette mêmeépoque que plusieurs villages
frontaliers tombèrent aux mains des forces régulièresindonésiennes,appelées

pour la circonstance "volontaires", et de partisans du Mouvement Anti-
communiste ou "MAC, ce qui conduisit le FRETILIN à proclamer

unilatéralementl'indépendance.Cet acte ne fut pas reconnu par le Portugal.

3.35 Face à ce qui précède,il ressort à l'évidenceque l'Australie ne peut pas
parler d'inactionde I'administration portugaisedurant les quelques trois moisoù

elle est restée, dansleTerritoire du Timor oriental, surl'iled'Atauro.

3.36 L'allégationde l'Australie selon laquelle ledépart de l'administration
portugaise d'Atauro, le lendemain de l'invasionindonésienne, constitueraitun

"clear abandonment by Portugal of its responsabilities as administering
~ower""~, est tout aussi dépourvuede fondement que les allégationsselon

lesquelles le transfert de Dili à Atauro et la soi-disant inaction durant le court
séjoursur IYleauraient eu le mêmesens. Les quelque deux cents militaires

portugais qui se trouvaient à Atauro n'étaient pasen mesure de s'opposer avec
efficacitéà une force d'invasionconstituée,dèsle premier moment, d'environdix

mille hommes appartenant àdes corps d'élite,appuyéspar de puissants moyens
navals et aériens.Et l'emprisonnement des autorités portugaises n'aurait faitque

renforcer la capacitéde pression de l'Indonésiepour tenter d'exigerdu Portugal
des concessionslésantlesdroitslégitimesdu peuple du Timor oriental.

3.37 Le jour mêmede l'invasion,alors que l'Administration portugaise était
encore àAtauro, le Portugal a rompu les relationsdiplomatiques avecl'Indonésie

et saisi le Conseil de sécuritéafin d'obtenir la cessation immédiate de
I'intewention militaire de l'Indonésiesur le Territoire du Timor oriental et une

solution pacifique et négociéedu conflitet du processus de décolonisationsous
l'égidedu Portugal. Ce dernier a égalementdemandél'interventiondes Nations

Unies pour la libération immédiate des23 militaires portugais détenus par
1'1ndonésie~'~C . ette attitude montre que, même forcé à quitter le Territoire

devant des forces nettement supérieures, le Portugal n'a eu aucun animus
d'abandonner ou de cesser d'exercer sonautoritésur celui-ci.

Contre-memoire deI'Ausirali,19,par.41.

Il5 MemoireduPortugal,Annexe 11.21,ol.II,p.124.3.38 Il n'est pas, non plus, exact de dire qu'aprèsles évènements d'août1975le
Portugal n'a pas engagéd'action diplomatique en vue de résoudrela situation au

Timor orienta^" C e.te dernière est décrite au ~émoire'~~. Il faut rajouter
qu'en août 1975,quand le Portugal a voulu saisir le Comitédes 24 de la question

du Timor oriental, ce fut le représentant de l'Australie,vice-président du Comité,
qui expliqua au représentant du Portugal que cecin'étaitpas possible 118.

3.39 Jusqu'au dernier moment le Portugal a déployétous les efforts pour

obtenir un accord avec les mouvements timoréensqui aurait permis d'achever le
processus d'autodétermination du Territoire. Tout le monde était d'accord quece

n'étaitpas par la force que l'on résoudraitles problèmes et que la seule solution
possible consistait en une solution négociée.C'étaitce que demandait, encore le

3 décembre 1975, cinq jours après la déclaration unilatéraled'indépendance du
FRETILIN, le projet de résolution soumisàl'Assembléegénérale etsoutenu par

l'Australie, aussi bien que par~'lndonésie''~.C'étaitencore ce qui préconisait le
Gouvernement indonésiendans un document du 4 décembre 1975, produit par

l'Australie, où ilest dit que:

"As long as the process of decolonization has not been completed,
the Indonesian Government respects the rights and obligations of
the Portuguese Government asthe soleauthority in the Territory."

Et le gouvernement indonésien

"calls upon al1 the parties concemed in Portuguese Timor to
undertake serious efforts for the attainment of the implementation
of decolonization 1% Portuguese Timor in a normal, orderly and
peaceful manner" .

On pourrait se demander ce qui s'est passé entre le 4 et le 7décembre qui a
changé si radicalement les propos de l'Indonésie. Quoiqu'ilen soit, l'Australie

reconnaît que ce ne fut pas par la faute du Portugal que les efforts visant une

Contre-memoiredeI'Australie, . 17par.35.

MemoireduPortugal, p.19-23,par1.26-1.34.

Annexe 11.14,6plique.volII,p255.

MemoireduPortugal,Annexe11.20v ,olIIp. 115-122.

lzO Contre-memoiredel'Australie,Annexe3, p.A4 etA6.solution née0ciéen'ont Dasabouti. Dans une déclaration duMinistre des Affaires

étrangèresaustralien du 29 novembre 1975,produite par ~'~ustraliel~~,on peut
lire:

"The Australian Government's view remained that talks between
the Timorese parties and Portugal offered the best hope of bringing
an end to the continuing bloodshed in Timor and of restoring an
orderly process of decolonisation in the territory, which would
enable the people of the territoy to decide their own future. It was
in the hope of facilitating these talks that the Australian
Government had recently reiterated the offer of an Australian
venue for them. Mr. Peacbck regretted that, because of differences
of auproach amone the Timorese ~arties, it had not so far been
possible to arrange these talks" (soulignépar le Portugal).

3.40 Eloigné physiquement du Territoire contre sa volonté expresse, le

Portugal n'ajamais cessé,depuis le 7 décembre 1975jusqu'à nos jours, d'exercer
au sein de la communauté internationale les activitésinhérentes à ses fonctions

de Puissance administrante. Cette affirmation est développéeaux paragraphes
1.37à 1.66du Mémoireportugais et est prouvéepar les nombreuses annexes qui

y sont citées. Lesinsinuations australiennes selon lesquelles le Portugal est resté
passif au cours de la période s'écoulantentre 1976 et 1980 sont directement
122
démenties par les documents réunisdans lesAnnexes au Mémoireportugais .

3.41 Il ressort des documents mentionnés au paragraphe précédentque, de
1976 à 1980, aucune séance annuelle de l'Assembléegénéralen'a eu lieu sans

qu'un représentant du Portugal ait prit la parole et que, dans toutes ces

interventions, il ait fait allusion à la situation du Timor oriental et exigé le
rétablissement de la légalitéinternationale dans ce Territoire. Et ces mêmes

documents montrent également qu'au cours de ces années, durant lesquelles
selon l'Australie le Portugal serait resté passif, il y a eu de nombreuses

interventions de déléguép sortugais à la Quatrième Commission et au Comitédes
24relativement àla situation du Timor oriental.

121 Contre-rnkrnoirdeel'Australi, nnexe 11p.A59.

122 Mernoiredu Portugal, Annexes 11.25,volIIp.217-221 et263-265;11.26v, olII,p.290;
11.27,vol.II,p.291;I1.28,v11,p.295;I1.29,vol.II,p.302;11.3, olIIp.317;11.46, ol.
III,p.69-71;11.47, ol.III,p.72-73;11., ol.III,p.75-76;11.49,vIII,p.78;IL50,vol.
IIIp. 80;II.53,vol.III,p.89-91;IL54,vol.Ip.103-104,II.55,vol. III,p. 105-107;IL56,
vol. III,p.108-110.3.42 Malgrél'occupation du Territoire, le Portugal a continué d'affirmer,de
façon ininterrompue, qu'ilétaitla Puissanceadministrante du Timor oriental.Le

Premier Ministre portugais, M. Mota Pinto, disait devant l'Assembléede la
République,le 5décembre1978:

"Vous avez aussi parlédu problème du Timor oriental et de la
position que le Gouvernement portugais a prise auxNations Unies
en revendiquant le statut de Puissance administrante. II est bien
évidentque c'étaitla seuleposition que le Gouvernement portugais
pût adopter. Il s'agit,pure,mentet,pflement, dene pas accepter
que ce soit le faitquigere le droit" traduction du Portugal).

Le 12janvier 1980,le Premier Ministre,M. FranciscoSi Carneiro, affirmait aussi

devant l'Assembléede la République:

O..le gouvernement maintiendra le principe de considérer le
Portugal comme Etat responsable du territoire du Timor oriental et
n'abdiquera as de sa lutte pour l'autodétermination de sa
population"1 (traduction du Portugal).

3.43 Contrairement à ce qu'affirme l'Australie à propos de la position du

Portugal face aux reconnaissances de facto et de iure. par l'Australie, de
l'incorporation duTimor oriental àl'Indonésie,la position du Portugal n'apas été

équivoque,ni ne s'est limitéà une simple expressionde surprise125.La réaction
des autoritésportugaises est décritedans les télégrammesenvoyés à Canberra

par le représentant diplomatique d'Australià Lisbonne,joints en Annexes 22 et
23 du Contre-mémoireaustralien. Les textes de ces télégrammes montrent bien

que le Portugal n'avait pas encore une vision claire de l'attitude du
Gouvernement australien. Dans les deux cas, le Portugal ne disposait que

d'informations recueillies dans la presse, puisqu'aucunedéclaration formelledes
autorités australiennes n'étaitparvenue au Gouvernement portugais. Dans le

télégrammedu 20décembre 1978l~~,le diplomate australien a mêmeprécisé

que la reconnaissance de iure n'avaitpas encore éaccordée,mêmesielle devait
résulterdu commencement des conversationsavecl'Indonésiesur la délimitation

de l'espace maritime adjacent au Timor oriental.

123 Annexe11.15,Replique,vol. II.p.257.

124 Annexe11.16,Replique,vII,p.260.

125 Contre-mernoirede l'Australie,p. 175,par.370.

126 Contre-mernoirede l'Australie,Annexe23,p.A72-A73.Quoi qu'ilen soit, ce qui ressort vraimentde ces épisodesc'est,en premier lieu,
que la simple publication dans la presse de nouvelles sur les possibles

reconnaissances par I'Australiea conduit le Ministère des Affaires étrangères
portugais à convoquer le représentant diplomatique australien. Et, en second

lieu, qu'à ces deux occasions, ce représentant a étéinforméde la position du
Portugal selon laquelle: (i) le Portugal estla Puissance administrante du Timor

oriental127; et (ii) il faudra donner au peuple de ce Territoire la possibilité
d'exercer librement son droit à autodéterminati Conmm^e^on le voit, la

position soutenue par le Portugal dans la présente instance correspond
entièrement à celle qui avaitétécommuniquée,à plusieurs reprises, à I'Australie

en 1978,par les moyens diplomatiquesappropriés comptetenu des circonstances.

3.44 Mêmeles documents réunispar l'Australie montrent que, sur le plan
bilatéral,la conduite portugaise a étécohérente avec la position prise par la

Puissance administrante dans le cadre des Nations Unies.La position transmise
au représentant diplomatique australien a étéclaire et n'a présenté aucune
ambigüitésur le fait que le Portugal n'acceptait pasl'incorporation du Timor

oriental à l'Indonésie,ni n'abdiquaitde sa qualitéde Puissance administrante. Si
1'Australieavait voulu orienter son comportement en fonction de la position qui

lui étaitcommuniquée parles voies diplomatiquespar les autoritésportugaises,
elle n'aurait pas dû entamer des négociations suplateau continental de la Mer

de Timor, en excluant lePortugalet agissantau détrimentdes droits du peuple du
Timor oriental à disposer de lui-même et à la souverainetépermanente sur ses

ressources et sesrichesses naturelles.

3.45 De même,l'Australiene peut tirer aucun avantage de l'invocation d'un
quelconque silence du Portugal relativement à des traités conclus par

1'1ndonésiel~~ .a signification des traités bilatéraux auxquelsl'Australie fait
référencesera analyséeplus tard130. En ce qui concerne les traitésmultilatéraux

auxquels l'Indonésieest partie, une protestation portugaise n'aurait eu de sens

127
Contre-memoiredeI'Austral, nnexe22et23,p.A70 etk73.
128
Contre-memoiredel'Austral, nnexe22et23,p.A71 etk73.
129
Contre-memoiredeI'Austral,.72-77par.164-168.
130 Infrapar6.14.que si,en signant ou en ratifiant cestraitésou en yadhérant,l'Indonésie avait fait
une déclarationparticulièred'extensionau Timor oriental. Or, le Secrétariatdes

Nations Unies a confirmé auPortugalque:

"...the research undertaken by the Treaty Section, Officeof Legal
Affairs, based upon the relevant depositary notifications,confirms
that Indonesia has not made, since 1976, any declaration of
territorial application to East Timor upon signature or ratification
of,or accessionto, the trea enumerated inthe listaccompanying
the above mentioned note 351

En tout état decause,le problèmeest toujourscelui,généralc ,oncernant le statut

du Timor oriental. A cet égard,la position portugaise,constamment répétéen ,e
pouvait êtreplus claire:le Timor oriental est un Territoire non-autonome dont le

Portugal est,de, la Puissance administrante; l'Indonésieen est la Puissance
occupante. La position des Nations Uniesest la même.

3.46 L'Australieaccuse lePortugal de ne pas en avoir fait assez pour le Timor

oriental. En mêmetemps, cependant, ellese plaint qu'enexerçant ses droits et en
accomplissant ses obligations de Puissance administrante du Territoire le

Portugal ait saisila Cour.

3.47 Le Timor oriental est une prioritéde la politique extérieureportugaise. Le
Portugal croit que cecine sera pas considérécomme une faute. Et il utilisera tous

les moyens disponiblespour défendrelesdroits du peuple timoréen.

3.48 Le Portugal a rendu compte, dans le Mémoire, de la suspension du

déplacement des députésportugais au Timor oriental, prévuepour le début
novembre 1991, et des raisons de cette suspension.*32 Il joint à la présente

Répliquedeux déclarationsportugaises à cet égard133ainsi qu'une déclaration

131 Annexe11.17R, eplique,vII,p.264.

132 Mémoire duPortugal,p.38-40,par.1.58,etAnnexes11.1,ol.IV,p.359-360,et 11.120,
vol. IV, p.361-365. Voir aussi Annexes 1.7, Replique,vol.II, p.48 et Annexe 1.8,
Replique,vol.Ip.63.

133 Annexe11.18,Réplique, vlI,p.267.du Conseil National de la RésistanceMaubère apportant son appui à la décision

du Parlement portugais de suspendre la visite134 et un mémorandum de
135
l'administrateur apostolique de Dili adresséauxdéputésportugais .

3.49 Le 24janvier 1992, lors d'une rencontre avec le Secrétaire généraldes
Nations Unies, le Portugal prit l'initiative de demander que soient reprises les

démarchesprévuespar la Résolution37/30 du23novembre 1982,

"en vue d'obtenir une solution juste, globale et internationalement
acceptable de cette question, dans le respect complet des droits
légitimesdu peuple du territoire, en conformitéavec le~gincipes
de la Charte des Nations Unies et du droit international" .

Le Portugal souligna dans sa lettre que les consultations devaient comprendre les
représentants du peuple du Timor oriental, en plus de ceux du Portugal et de

l'Indonésie. A l'invitation du Secrétaire général,les Ministres des Affaires
étrangèresde l'Indonésieet du Portugal se sont réunis aveclui, le 26septembre

1992. 11fut décidéde reprendre ,le dialogue sous les auspices du Secrétaire

3.50 Durant les années 1991 et 1992, le Portugal a continué à intervenir aux

travaux de l'Assembléegénéraleet du Comité des 24 en défense du droit à

l'autodétermination dupeuple du Timor oriental.

En son allocution du 24septembre 1991devant l'Assembléegénérale,le Ministre
des Affaires étrangèresdu Portugal, M. Deus Pinheiro, a rappeléque:

"[L'ulne des principales leçons que nous pouvons tirer des
évènements dontnous sommes témoins,à savoir le rétablissement
des Etats baltes dans leur droit à l'autodétermination et à
l'indépendance, ainsi que le refus de l'occupation illégale du
Koweït, est que les situations reposant sur la répressiondes droits
légitimes des peuples et de leur identité culturelle, sociale et
linguistique sontfondamentalement fragiles et vouées àl'échec".

134 Annexe 11.19Replique,volII,p.278.LeConseil National elaRésistanceMaubkreest
l'organesupérieur,politiet militaire,delarésistan.'expressio"PeupleMaubkre"
estparfoisutilispourdésignerle peupdleuTimororiental.

135 Annexe IL20,Rkplique,volIIp.280.

136 Annexe 11.21Réplique,vo lIp.283.

137 Annexe 11.22Replique,volIIp.287.II a soulignél'anachronisme de la situation du Timor oriental en cette dernière

décenniedu siècle,que l'organisation a consacrée àl'éliminationdu colonialisme

"[tlandis que les derniers territoires non-autonomes sont amenés
aux dernières étapesde leur processus de décolonisation".

Et à cet égard,ila fait référenceà:

"l'accessionrécente à l'indépendanceet l'admissionà l'ONU de la
Micronésie et des îles hlarshall, toutes les deux situées dans la
régiondu Pacifique, et qui, comme plusieurs autres Etats Membres
de I'Organisation, sont plus petites et moins peupléesque le Timor
oriental".

Le Ministre des Affaires étrangèresportugais poursuivit:

"Dans le cas du Timor oriental -temtoire non autonome dont le
Portugal est encore responsable en tant qu'Autoritéadministrante
reconnue par l'organisation, des principes fondamentaux sont en
jeu. La défensede ces principes a étéun facteur déterminant dans
certaines des actions les plus significatives entreprises par
I'Organisation, et en particulier par le Conseil de sécurité.Je veux
parler notamment du principe du non-recours à la force et du
caractère inadmissible de la conquêtemilitaire illégitimeen tant
que base de revendication d'une expansion territoriale; du respect
du droit à l'autodétermination des peuples coloniaux; et de la
défensedes droits de l'homme etdes libertés fondamentales.

Nous sommes convaincus que la communauté internationale tout
entière et I'Organisation en particulier devraient participer de
façon plus systématiqueet engagée à la recherche d'un règlement
politique de cette question sur la base du respect des principes
susmentionnés. En fait, ce sont ces principes qui sont en jeu au
Timor oriental, et non un prétendu différendbilatéralentre le
Portugal et l'Indonésie11798.

138 Annexe 1.3, Réplique, vol.I, p.7-8. Pour l'interventiondu Ministre des Affaires
etrangeresdu Portugalau sujetduTimor orientaldevantI'hsernbl~egeneralede1992,
voir Annexe L4, Replique, vol. II, p. 10. Pour les interventionsdu dportugais
devant le Cornitedes 24 en 1991 et 1992,voir Mémoiredu Portugal,Annexe II.66,
vol. IV,p. 1et Annexes1.21 etL22,Réplique,vIIp. Ill et 121.Section 5. L'Australieet leTimororiental

3.51 A la présente instance, l'Australie n'est pas, contrairement à ce qu'elle

prétend,un "occasionalde~o~"'~~ . arequêteportugaisevise des agissements de
l'Australie et d'elleseule. En tout cas, l'Australieest mal venue de laisser croire

que son intérêv tis-à-visdu territoire du Timor oriental ne serait que trèsrécent.
En effet, tout au long de ce siècle, l'Australiea joué un rôle important dans

l'histoire du Timor oriental. Un rôle guidépar une compréhension desintérêts
australiens pas toujours conforme aux intérêtd su peuple timoréenà la paix, la

stabilité et la libre jouissance de ses ressources naturelles. La politique
australienne vis-à-visdu Timor oriental a obéià une ligne conductrice plus ou

moinsconstante qui permet de mieuxcomprendre lavraie dimensiondes illiceités
soumises à l'appréciationde la Cour. Celles-ci correspondent à une façon de

réaliserun objectifstratégiquedéfinide longuedate. Et l'existencede cet objectif
permet à son tour de mieux évaluerles agissements australiens pendant les

annéescritiquesde 1974et 1975.

3.52 Puisque l'Australieprétend sesoustraire à ses propres responsabilités,en
mettant en avant celles d'un autre Etat qui ne constituent pas l'objetdu présent

différendet de la présenteinstance et en essayantde transformer le différenden
un procès contre le Portugal en tant que puissance coloniale et Puissance

administrante du Timor oriental, il convient ausside mettre en lumièreavec plus
d'intensité lesagissements australiens,leurs antécédentset motifs.

Dans son Mémoire,le Portugal avait préferéne pas s'interroger sur la conduite

précisede 1'Australiependant l'année1975l4'. Mais laRépublique portugaisene

peut pas accepter que l'Australieprétendequ'elleest étrangèreaux évènements
et aux intérêts encause.Le Portugal ne cache pas leslimitationset les contraintes

qu'il a subies pendant cette annéefatidique pour le peuple du Timor oriental,
mêmesi personne n'est autoriséà mettre en question la'sincérité de ses propos.

Quant à l'Australie,le fait est que, contrairemenà ce qu'on aurait pu attendre
d'elle, en tant que puissance régionaleet Etat Membre des Nations Unies, elle

n'a pas, en 1974et 1975,donnéau Portugal l'assistance indispensable,compte-
tenu des circonstances, à la réalisationd'un processus normal de décolonisation,

139 Contre-m6moirdeel'Australi, 7,par.16.

140 Mémoire duPortugal,p64-66,par.2.17.de mêmequ'elle n'apas exercésur l'Indonésietoute l'action dissuasiveà sa
disposition pour tenter de prévenirl'invasiondu territoire. Et, une fois celle-ci

réaliséeet malgrésa protestation initiale, dont on peut douter de la sincérité,
l'Australie s'est empresséede profiter de la faiblesse politique de l'envahisseur

pour en tirer des bénéfices matérielisndus et injustifiés,au détriment de la
souverainetédu peuple du Timor oriental sur ses ressourcesnaturelles.

3.53 11paraît qu'au débutde ce siècle, l'Australie avaidéjàpenséà ce que le

Portugal lui "louât"leTimor oriental.Le 17 décembre1941,ignorant la neutralité
portugaise, des troupes australiennes débarquèrent au Timor oriental et

occupèrent le Territoire sans que les protestations officiellesdu Gouvernement
portugais et du Gouverneur du Territoire aient eu le moindre effet. Soi-disant

destinée à prévenirun débarquementjaponais, le faitest que l'actionaustralienne
ne l'apas empêchée ,t ilse pourrait fort bien qu'ellel'aitdéterminé1.

3.54 Le 19 février 1942, les Japonais débarquèrent à leur tour au Timor

oriental. Après une périodede guerre de guérilla,durant laquelle beaucoup de
Timoréens et quelques Portugais sont morts en luttant aux côtésdes troupes

australiennes, celles-ciévacuèrentle Territoire. Plus tardà ia fin de la guerre et
malgrél'existence d'un accordentre le Portugal, le Royaume-Uni etles Etats-

Unis qui prévoyait laparticipation de forces militaires portugaises dans la
libérationdu Timor oriental, l'Australiefit tout pour empêcher lerétablissement

de la plénitudede la souveraineté portugaise surle Territoire.

3.55 L'Australie ne cachait pas, vers lafin de la Seconde Guerre Mondiale, ses
desseins hégémoniquessur une grande partie du Sud-ouest du Pacifique

englobant le Timor oriental. LR Portugal reçut, et refusa aussitôt, une offre de
"location" du Territoire pour cent ans, présentéepar le Haut Commissaire

australien à Londres, Sir Stanley Bruce, au Duc de Palmela, Ambassadeur du
~ortugall~~. L'Australie, qui avait dédaignéles propositions portugaises

d'établissementde représentationsdiplomatiquesqui rendent plus aiséle contact
entre deux gouvernements, utilisait de toute évidence sa position au

Commandement du Front de l'Asie du Sud-est pour retarder l'octroi de la
permission de passage aux naviresportugais transportant des effectifs militaires

destinés àla réoccupationeffectivedu Territoire, voire pour l'empêcher.

141
LeterritoiredeMacao,situepluspr&suJapon,n'apaskt6envahi.
142 Annexe11.24R, éplique, vl1p,10.3.56 Finalement, le 10 septembre 1945, le Gouvernement portugais fut
formellement informépar l'Ambassadeur du Royaume-Uni à Lisbonne, agissant

en qualité de représentant de Sa Majesté Britannique dans le Commonwealth

d'Australie, que les troupes australiennes allaient de nouveau débarquer au
Timor portugais "afind'yrecevoir la reddition des Japonais". Le Portugal protesta

in continenti contre ce projet de deuxième violationde la souveraineté portugaise
par l'Australie, qui constituait en même tempsune violation des accords établis

entre le Portugal et les Alliés,dans le cadre desquels ceux-ci avaient obtenu
d'importantes facilitésstratégiques en ce qui concerne l'utilisation des îles des

Açôres à des fins militaires. Et c'estgrâce àla pression exercée surl'Australie par
d'autres pays Alliés, en particulier les Etats Unis, que n'a pas eu lieu le

débarquement que l'Australie se proposait de faire bien que la guerre fut
143
terminéedepuis plusieurs semaines .

3.57 Dans le Mémoire du Portugal figure la description des contacts établis
entre le Portugal et l'Australie, entre 1970 et 1974, au sujet de l'ouverture

formelle de négociations pour la délimitation du plateau continental entre
l'Australie et le Timor oriental, ainsi que du différend créé, en1974, par le

chevauchement d'une concession portugaise et des permis octroyés par
1'~ustralie'~~. Le Portugal estimait à l'époque - et il l'estime encore - que

l'exercice des droits sur le plateau continental relevant du Timor oriental et de

l'Australie devait êtredélimitépar une ligne d'équidistance. L'Australie avait
conclu, entre 1971et 1972,avec l'Indonésiedes accords de délimitationde leurs

droits respectifs sur le plateau continental dans les zones des mers d'Arafura et
du Timor occidental représentant une solution bien plus favorable pour

l'Australie que celle qui aurait résulté d'une délimitation selon la ligne
médiane145.Mais, en ce qui concerne le plateau continental qui s'étendentre sa

côte nord et la côte sud du Timor oriental, l'Australie faisait connaître ses
prétentions àune délimitationquiserait encore plus àson avantage.

143 Voir Annexe 1123,Rkplique,vol.IIIp.1;Annexe 11.25Répliquev,ol.IIIp.17;Annexe
IL26, Réplique, vo II,p.29; Annexe 11.27,Répliquev,ol.IIIp.60 et Annexe 11.28,
Répliquev,ol.IIIp.70.

144 Mémoire du Portugal,.197-198par.7.04.

145 Voirlacarteenfacedelapage 198 duMémoire du Portugal.3.58 L'Australieprétendaiteffectivement avoir accès à une zone situéeau nord

de la lignehypothétiquequi réuniraitlespoints A16et A17,de latitude 9" 28'Sud
et longitude 127O 56' Est et de latitude 10"28' Sud et longitude 126O 00' Est,

respectivement, et où se sont arrêtées,à la limite extérieuredu 'Timor Gap", les
lignes convenues en 1971 et 1972 avec 1'1ndonésie~~~ L.e motif d'une telle

prétention n'est pas difficile à comprendre: c'est précisémentdans le cadran
nord-ouest de la "Zone A de la "Zone de Coopération"viséepar l'"Accord"que

se situe la structure géologiquedite "Kelp",dont on estime qu'elle contient des
réserves pétrolières évaluéesentre 500 et 5000 millions de barils147. Des

estimations plus optimistes arrivent jusqu'à 7000 millionsde barils, auxquels
s'ajouteun millionde condensats 148.

3.59 De 1974 jusqu'à nos jours, l'Australie s'est laissée guider,en ce qui

concerne le problème du Timor Oriental, par son intérêtsur les richesses

naturelles appartenant au peuple du Timor Oriental, auxquelles elle a sacrifié le
devoir de respecter le droit de ce peuple à disposer de lui-mêmeet les droits y

attenants, et en particulier le droit à l'intégriterritoriale eà la souveraineté
permanente sur ses richesses et ressources naturelles.Contrairement à ce qu'elle

prétend pour se défendre,l'Australien'a pas étéun simple spectateur innocent
des évènementstragiques quiont faitcouler beaucoup de sang au Timor oriental.

3.60 En septembre 1974,quand le Portugal avait déj6indiquéclairement sa

volonté d'organiser au Timor oriental un processus d'autodétermination en
conformitéavecles principesde la Charte des Nations Unies, le Premier Ministre

d'Australie,M. Gough Whitlam,discuta le futur du Territoire, àJogjakarta, avec
le Président Suharto. Le Département des Affaires étrangères australien fitla

description suivantede cette réunion:

146 Voirlescanesenface despages52et58duMkmoireduPortugal.

147 Cook, Filling the Gap- Delimitating theAustrali- Indonesia Maritime Border,

AustralianYearbookofInternationalaw,10,1981-1983,p.135.
148
Willclosing theCoralandTimor Gapssqueezeoutanyoil?Petroleum Gazette,,1988,
p. 18. "Mr. Whitlam is understood to have indicated Australia felt an
independent Timor would be an unviable state and a potential
threat to the stability of the area. But he is also thought to have
made clear that the peop45of the colony should have the ultimate
decision on their future" .

3.61 Dans un témoignage délivrédevant le "Permanent People's Tribunal",
siègeant à Lisbonne, en juin 1981,M. Patrick Walsh a produit les commentaires

suivants sur cet épisode:

"Whitlam has never challenged the accuracyof this briefing.

In plain language he was in effect saying)that the East Timorese
had but one option; 2) that independence was not acceptable to
Australia; (3) that L ast Ti' or was intrinsically incapable of
standing on ils own feet economically and politically; and (4) that
while the people should make their own decision, Australia would
only welcome a decision to join Indonesia-which wasto give with
one hand and take awaywiththe other.

This was an a prion and patronising policydecision made in favour
of Indonesia, not the Timorese. The Australian Government had
closed its consulate in Dili in 1971.No fact finding mission was to
visit Dili until February 1975.What evidence could Whitlam have
decolonisation process, that an independent Timor would bee
unviable ?Why washe prepared to rule out in such absolute terms
the possibility of an independent Timof5#eing acceptable to
Australia at any point, be it 1974or 1994?" .

3.62 Un passage du livre "The Frightened Country" d'&an Renouf, qui

exerçait, en 1974,les fonctions de "Secretary of the Foreign Affairs Department"
d'Australie, éclaire égalementla façon dont se forma, cette année là, la ligne
politique réelle du Gouvernement Australien vis-à-vis du droit du peuple du

Timor oriental àdisposer de lui-même:

"1directed that Australia'spolicyshould be self-determination. This
was approved by Foreign Minister Don Willesee.

Prime Minister Whitlam had talks in Jogjakarta with Suharto on 6
September 1974.The departmental brief upon East Timor ..said
that Australia's policy was self-detepnation ..In his talks with
Suharto, Whitlam changed the policy .

149 Transcritpar PatrickWalsh, Testimonvbefore the PermanentPeo~le's Tribunal,
Lisbonne,19-2juin1981p,ar2.3Annexe 11.2R,6pIique,vol.II97..

lS0 PatrickWalshor>. pa.r2.3Annexe 11.2R,&plique,volI.I97..
lS1
AlanRenouf,TheFrichrenedCountryT, heMacmillanCompanyof AustraliaPtyLtd.,
1979 ,.442-443.3.63 Le Portugal ne reconnaît, en aucun cas, à l'Australie, une quelconque

autorité ou un quelconque droit de l'accuser de ne pas avoir réussà maintenir la
légalitéet l'ordre sur le territoire du Timor oriental entre août et décemb1975.

Une Révolution amis fin, en avril 1974, àLisbonne, à un régimeautocratique qui
avait opprimé les Portugais et les peuples des territoires coloniaux portugais

pendant plus de quarante ans. Comme cela se produit presque toujours dans de
telles situations, le Portugal a ensuite connu une périodede grande instabilitéet
d'indéfinitionquant au mode d'organisation du pouvoir. Un conflit trèsvifopposa

les forces qui prétendaient instituer une démocratie pluraliste reposant sur la
représentation parlementaire et celles qui préconisaient différents modèles de

démocratie socialiste. Ainsi en novembre 1975, l'AssembléeConstituante, élue
démocratiquement, fut assjègée par des manifestants qui exigeaient sa

dissolution. C'est l'échecd'un putsch militaire d'extrêmegauche qui, les25 et26
de ce mêmemois, a permis de restaurer I'ordre et de créer les conditions pour

que l'Assemblée Constituante achève l'élaborationde l'actuelle Constitution
portugaise et pour que soient organisées,dans un climat de paix intérieure et de

liberté, les élections législativesd1976 qui consacrèrent l'entréedu Portugal
dans le cercle des démocratieseuropéennes.

3.64 De même,ce n'est qu'àpartir de la fin de l'année 1975 qu'ila étépossible
de rétablir la discipline au sein des forces armées qui avaient étéviolemment

secouées par près de deux ans d'expériencerévolutionnaire. A partir de ce
moment seulement, le Portugal aurait pu envoyer de nouveaux effectifs militaires

au Timor oriental, d'autant plus que, dans l'atmosphère de l'aprèsavril 1974, la
juste condamnation de la politique coloniale portugaise antérieure conduisait la

jeunesse à identifiertout exercice de pouvoir militaire hors des frontières avec la
poursuite d'une telle politique.

3.65 Aux circonstances mentionnées ci-dessus s'ajoutaient leseffets politiques

et psychologiques de la pression internationale afin que le Portugal cesse toute
activitémilitaire dans les territoires coloniauxqu'ilavait administrésjusqu'alors.

3.66 Sauf durant la périodequi suivit la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le
Portugal n'avait jamais eu au Timor oriental d'importants effectifs militaires

d'origine européenne. En 1974, l'écrasante majorité des soldats de l'armée
portugaise étaient Timoréens, ainsi qu'un grand nombre de sergents et même

quelques officiers.3.67 A partir du moment où, après août 1975, les militaires timoréens se
mélèrentau conflitentre les deux principales forces politiques local-I'UDTet

leFRETILIN -les autoritésportugaisesse virent dépourvuesde moyens d'action
militaire suffisants. Et c'est pour éviterd'êtrepris en otages par les partis
politiques en conflit qu'elles s'installè-esur le territoire du Timor oriental-

dans l'îled'Atauro. Ainsi, lePortugal a maintenu la présencede ses autoritéssur
le Territoire, tout en préparant de nouvelles conversations entre les forces

politiques et en tâchant d'organiser avecles Nations Unies et les puissances de la
régionune manière de rétablirla paix dans le Territoire et de poursuivre le

processus d'autodétermination.

Le Portugal avait préparéce processus et son calendrier de façon claire et
minutieuse. II s'était efforcé d'obtenir la participation de toutes les forces

politiquesà cet effet. Dans le strict respectde la Résolution1541de l'Assemblée
généraledes Nations Unies, il avait envisagétoutes les solutions qui y étaient

prévues.Les plus grandes critiquesdont la politique portugaise a étél'objeà ce
moment-là de la part des différents courantsd'opiniondu Timor oriental furent

d'ailleurs cellesde ne pas rechercher une formule d'associationdu Territoire au
Portugal ou de ne pas manifester d'opposition de principe à l'hypothèse de
l'intégrationdans l'Indonésie.Le Portugal s'efforçaitde n'influencer en aucune

façon le choixdu peuple du Timor oriental quant àla solution quiconviendraità
ce dernier.

3.68 La normalisation de la situation intérieureau Portugal qui se dessinait dès

le dernier trimestre 1975(l'intense agitation vécue l'époqueexprimait, pour les
observateurs les plus avertis, l'agonie des tentatives de poursuite d'une voie

révolutionnairepar des activistes de plus en plus éloignés du sentiment de la
majorité dupeuple portugais) conduisaitégalement à penser que, durant l'année

1976, le Portugal pourrait, avec l'assentimentdes Nations Unies, prendre des
mesures pour renforcer l'autoritéde ses représentantssur le Territoire au cas où

lestentatives de solution négociéentreprisesentre-tempséchoueraient.

3.69 Il faut néanmoinsremarquer que, durant toute cette période décisive,
l'Australien'a jamaisproposéau Portugal qu'ilutilisât des moyens autres que la

négociation. Ala Quatrième Commissionde l'Assembléegénéraledes Nations
Unies, le 2 décembre1975(cinq jours avant l'invasionindonésienne),le délégué
australien observait que: "Les pays de la région, en particulier l'Indonésieet l'Australie,
tiennent à ce que le processus se déroulede façon ordonnée, afin
d'évitertout risque de troubles dans la région,compte tenu surtout
du manque de maturitédes factions politiques en présence".

Mais il affirmait également:

"Malheureusement, ces es oirs ne se sont pas réalisés. Un conalit
éclatéen août et le FRE Y ILIN en est sorti initialement plus fort
que ses rivaux. L'Australie eût souhaité une fin rapide de la lutte,
suivie d'un accord sur l'avenir du territoire obtenu grâce à des
négociations entre le Portugal et les partis en présence. Le
Gouvernement australien s'estdonc félicitdu communiqué publié
à Rome le 3 novembre 1975 ...à la suite de la réunion entre les
Ministres des affaires étrangères du Portugal et de l'Indonésie,
selon lequel les deux gouvernements oeuvreraient ensemble pour
promouGoir I'organisaiion prochaine de conversations auxquelles
participeraient tous les partis politiques de Timor. L'Australie a
Ôffertgue ces réunionssétiennêntsui son sol.

Or, le groupe FRETILIN, qui contrôle Dili et une partie du
territoire, a proclamé unilateralementindépendance,s'est déclaré
seul représentant authentique et légitime de la population de
Timor, et a rejeté toute contribution des partis rivaux, I'UDT et
I'APODETI, à une reprise éventuelle du processus de
décolonisation"(soulignépar le Portugal).

Et, après avoir déclaréqu'aucun des groupes politiques du Timor ne possédaitde
légitimitpour parler au nom du peuple, le délégué australien concluait:

"La délégation australienne continue donc d'estimer que des
entretiens entre les partis politiques de Timor et le Portu~al
demeurent le meilleur movende mettre fin au confliàTimor. Elle
est convaincue aue l'organisation des Nations Unies rendrait un
prand seMce à la ~ooulation de Timor si elles prononcait en
faveur des entretiens" (soulignépar le Portugal)lJL.

3.70 D'ailleurs, l'Australie avaitappuyéun projet de résolutionde la Malaisie
présenté, le 3 décembre 1975, à la Quatrième Commission de l'Assemblée

généraleselon lequel

"Prenant acte de l'attitude positive de la Puissance administrante,
laquelle n'énargneaucun effort Dour trouver une solution par des
voies pacifiaues au moven d'entretiens entre le Gouvernement
portugais et les partis politiaues représentant le peuple du Timor
portugais" (soulignépar le Portugal)

~ p

152
MemoireduPortugalAnnexe 11.22,vol.p.127-128.Ily étaitaussi exprimé

"l'espoir que ces entretiens feront cesser le conflit politique qui
sévitdans ce territoire et permettront en fin de compte au peuple
du Timor 'exercer de façon ordonné son droit à
l'autodétermination .

On constate donc que, quatre jours avant l'invasion indonésienne, l'Australie
louait et appuyait la méthodesuivie à l'époquepar la Puissance administrante et

qui consistait à promouvoir de riouveaux entretiens afin de trouver une solution
par des voies pacifiques au conflitvécudans le Territoire.

3.71 Il faut cependant rappeler que le Portugal avait égalementtentédemettre
sur 'pied une force multinationale d'intervention, composée de détachements

portugais, australiens, indonésiens et autres (neo-zélandais ou malaisiens), sous
commandement portugais, et que cette tentative, qui ne se concrètisera pas, n'a

pas requ l'appui de 1'~ustraliel~~.

ls3 Memoire du Portugal, AnnexeIL20,vol.11,p. 116.

154 La journaliste australienneJill Jolliffe,qui a suivide près tous leprocessus,temoigne que
la tentative, entreprise par le Ministre portugaisAlmeida Santos, d'organiser une force
militaire conjointe a &chou6car l'Australiea refuseson appui. Voir Jill Jollm.,e,
p.61,Annexe11.13,Replique,vol.II,p.226.

Selon Patrick Walsh,

"In August [1975],in responseto fighting betweenUDT and FRETILIN, the Portuguese
Government made wo more (unsuccessful)attempts to involveAustralia, ihis time in a

peace-keepingcapacity.

To the firstproposal that Australia wnvene a meeting of the warring parties, Australia
responded in the negative.

The second proposal called fora multinationalpeace-keepingforceof troops drawnfrom
Portugal, Indonesia,Malaysiaand Australia.Malaysiaagreed.Indonesia had initiated the
original idea, though in a different form.The Department of Foreign Affairssawmerit in
the proposal. Butstill it lapsed,largelybecauseWhitlamchoseto reject it.

Justifying hisrefusal in the Parliament on August 26, 1975, Whitlam argued that
Australia had noresponsabilityand that it wasfor Portugal, the Timorese and Indonesia
to sortout the problem.

The Australian Government ...does no1regard itself asa party principal in Portuguese
Timor ...the future of the territory is a matter for resolution by Portugal and the

Timorese people themselves withlndonesia also occupyingan important place because
of its predominant interes..we have no ethnic or cultural ties with the Timorese which
would suggesta role for Ausiralia in substitution for Port..(Hansard, p. 493)".Voir
Patrick Walsh, &., par. 2.9. Annexe 11.29,Replique, vol. III, p.99-100. Sur cet
episode,voir aussiJames Dunn,Timor: APeople Betrayed,Jacaranda Press, 1983,p. 197.3.72 Ce n'était d'ailleurspas la première fois que l'Australie se refusait à
apporter sa contribution à un déroulement harmonieux du processus de

décolonisationentrepris par les autoritésportugaises. Après sa nomination, en
novembre 1974, le Gouverneur portugais du Timor oriental manifesta à plusieurs

reprises aux autorités australiennes l'intérêt du Portugal à ce que l'Australie
ouvrit un consulat à Dili. Mais l'Australiene se montra pas intéresséepar cette

initiative, quilui aurait pourtant fourni un poste d'observationimportant pour le

suividu processus et qui aurait gêné l'Indonésiedans la poursuite d'un ensemble
d'actions qui visaient clairement à la déstabilisation du Territoire et à

l'affrontement entre ses forces politiques155. La journaliste australienne Jill
Jolliffe commente cet épisode:

"La demande de Lemos Pires en vue de la réouverture d'un
consulat australien à Dili était importante. L'Australie était le
pouvoir occidental le plus proche de l'Indonésie, ainsi qu'un
partenaire commercial de poids. Elle ne pouvait pas, il est vrai,
empêcher 1'Indonésiede mener à bien toute action militaire, si
Djakarta avait choisicette voie,mais si elle avaitdécidé d'aopuver
le Portugal dans un urocessus de décolonisationdémocratique(et
le fait d'v ouvrir un consultat serait un geste svmbolique). cela
aurait eu une influence diolomatique considérable surl'Indonésie.
De toutes les parties concernéesdirectement ou indirectement par
le cas du Timor, le rôle jouépar I'Australiel~~eut-êtreétéle plus
pernicieux et le plus difficiàecomprendre" (soulignéet traduit
par le Portugal).

Is5 Lemos Pires,m., p. 135.Selon Whitlam, "10reopen (the consulate) now could be
misinterpreted, political interests in PortugueseTimor cIOuse our presence Io
involveus Io an exient which 1do not feel wouldbe appropriate for Australia".Citd par
Patrick Walshu., par. 2.8.AnnexeIL29,Rdplique, vol. III,p.99.

Jill Jollim.,, p.45.Ramos Horta, un des plus connus dirigeants du FRETILIN,
dcriA son touràpropos des contacts politiquespris par lui,en 1974,en Australie:

"One ofthe issues 1repeatedly raised withthe Foreign AffairsDepartment in Canberra
and with Australian MPswasthe importance of an Australian consular presence in East
Timor. The Australian Consulate in Dili had been phasedout in the mid-1960sand never
reopened. With the developingsituation in East Timor,webelievedthat reopening of the
Consulate would be of enormous value. It would send a signal to Jakarta about
Australia'sinterest in monitoring the situation in the territory. It wouldbe a restraint on
Indonesian wvert operations. nie Portuguese government also pleaded with the
Australians on the same subject. The Australian responsewas pathetic: il would offend
the Indonesian!"Voir Ramos-Horta,m., p.78.Et quelques pages plus loin le mêmeauteur écritencore à ce sujet:

"Quand s'est produit la révolutiondu 25 avril, l'Australie semblait
donc êtrele partenaire idéal pour appuyer le Portugal dans la
décolonisation du Timor. Le gouvernement travailliste aurait au
moins pu donner son appui politique à l'idéed'autodétermination,
il aurait pu prévenir 1Indonésiequ'il avait l'intention d'appuyer
diplomatiquement cette action au niveau mondial, et il aurait pu
souligner ce point en ouvrant un consulat àDili. IIaurait également
pu apporter son aide économiquequi, même modeste,aurait eu un

grand impact dans l'économie fragiledu Timor, et il aurait pu offrir
des bourses à des étudiantsdu Timor oriental. Almeida Santos et le
MFA ont es~ayé,~3Vli,d'implanter cesmesures en place mais elles
ont étérefusées" (traduit par le Portugal).

3.73 En somme, l'Australie n'a apporté ni au Portugal ni au peuple du Timor
oriental le moindre appui significatif,durant les années 1974et 1975,en vue de

les aider à surmonter les difficultéset les dangers de la mise en oeuvre du

processus de décolonisation. Ces dangers provenaient de l'évidente ambition
annexionniste de l'Indonésie,dont la réalisationsera facilitéepar le manque de

préparation des forces politiques du Timor oriental et par la situation de crise
aigüe post-révolutionnairevécuepar le Portugal sur son territoire européen et en

Angola, où de graves évènementsrésultantde la transformation de ce territoire
en champ d'affrontement des deux superpuissances eurent également lieu en

août 1975158.

lS7 Jill Jollim.,, p.48.Annexe 11.13,Replique, vol. II, p.222. Almeida Santos etait le
ministre portugais chargede la decolonisationportugaisedurant l'annee 1974et le MFA
&taitle "Mouvementdes ForcesArmees",qui personnifiala revolution democratique du
25avril 1974.

lS8 James Dunn - un ancien consul australiànDili aussi cite dans le Contre-memoire
d'Australie(par. 26) -commente dansles termes suivantsl'attitudedu Gouvernement de
Canberraà ladeuxiememoitiede I'anneede 1975:

"InIndonesian eyes the Australian governmenthad become a dependable accomplice.
They musthaveheen awarethat the PrimeMinister and his advisersknewof their efforts
to subvert the Timorese independencemovement, andby the end of August were not

averse to the ideaof Indonesian militatyintervention.

Prime Minister Whitlam'smajor statements on the Timor situation on 26 and 28 August
seemed to reflect the impact of Woolcott'srecommendations.Australia would provide
humanitarian relief, but little more than that. The governmentdid not regard itself as 'a
party principal'in the Timorsituation, and,although it recognizedthat some Australians
believed that the government should assume some political obligation to the Timorese
and, for example, attempt to mediate, this was not, in Mr. Whitlam'sview 'the best
approach'. Suchviews'couldlead to a situation where Australiawas exercisinga quasi-
colonial role in Ponuguese Timor'.Thus, the ofthese people (as manyas 60 000of
whom had perished asa consequenceof Australian intervention some 34 years earlier)
was 'a matter for resolution by Portugal and the Timorese people themselves with -- - -- -- -
Indonesia also occupyingan important place because of its predominant interest'. But
what exactlywas Indonesia's'predominant intcrest' - its illegalmovesIo incorporate the

colony? Here was the Australian Prime Ministersuggestinga major role for the nation
whose meddling was largely, if indirectly, responsible for the chaotic situation in the
colony.

In another statement IWO dayslater, the Prime Ministerwent evenfurther. As the leader
of a government which had known about Indonesian subversiveactions against East
Timor for more than sixmonths, Mr. Whitlam rounded off hissecond Timor statement
with the remark: 'The Indonesian Government, which over the past year has expressed
repeatedly ils intention not Io intervenein Timor, maythus be turned to as the only force

capable of restoring calm in the territory'. Far €romwriting to President Suharto and
urging him not to use force,Mr. Whitlam, on 28 August, was evidentlysuggesting that
Indonesia be given the task of restoring the peace il had been largely responsihle for
dismpting! Indeed, acwrding to Hamish McDonald, the Prime Minister 'also sent
Suharto a private message sayingthat nothing he said earlier should he inlerpreted as a

veto on Indonesian action in the changed circumstances'.In view of his apparent
awareness of the real Indonesian position, ilis tempting to conclude that Mr. Whitlam
was in fact suggestingthat the Indonesianscarryout their act of inwrporation then and
there. This would explain the Prime Minister's lack of enthusiasm for proposals Io

internationalize the crisis.At the rime ilseemed surDrisinathat a leader who had in the
past exvresseda strona cornmitmentto the United Nationsas the central peace-kee~ing
oreanization could see little DurDosein sendina a eood officescommittee to East Timor,
assuwsted bv.amone others, the Portueuese envov.Dr. AlmeidaSantos. But,according
to Mr. Whitlam, ilwas not easy 'IOsee how a UN good officeswmmittee, whose role

wouldbe essentiallypolitical in character,could functionon the ground'. In fact,it could
have functionedvery effectively,asboth of the parties IO the disputewere callingfor UN
intervention. What reallyseemed to matter wasthat sucha commiteewould have,in the
long term, presentedan obstacleto Jakarta'splans 10integrate the territory.

Australia was hetter placed than any other country Io sponsor negotiations towards a
settlement of the Timor crisisin August 1975. Becauseof its proximityIo both lndonesia
and East Timor, a wuntry whichwasvirtually unknown in the world al large, Australia
was in a unique position Io acquaint WesternStatesof importance Io Indonesia with the

real situation in the wlony and with the wnspiracy of certain generals in Jakarta, and
thus Io build up the kind of international support that would have bolstered the
Indonesian President's own opposition Io the mounting pressures for military
intervention. Yet Australia took the opposite stand. Acwrding to information from
sources such as the British Foreign Office,the Dutch ForeignMinistry,from Jan Pronk,

the then chairman of the Inter-Governmental Group on lndonesia (the Western aid
consortium for Indonesia), from U.S. State Department officiais, and from diplomats of
certain other Western countries at the United Nations, Australia's representatives were
privately suggestingthat events be allowed Io take their wurse, in effect, the Woolcott

solution. Indeed. herewasDrobablvthe firstoccasionin itsdi~lomaticexoerience that an
Australian initiative alone mieht have ~revented an act of awression. But such an
initiativewasnot Iobe forthcoming.

Prime Minister Whitlam's publicstatements about Indonesia'sposition, some of which

have already been quoted, are little short of extraordinary,in the light of the advicehe
was receiving from al least some of his advisers.Thus, only wo daysafter Mr. Whitlam
was told (and not for the first time) by Ambassador Woolwtt that ilwas Indonesia's
'settled' policy to incorporate East Timor, the Prime Minister was to declare in the

House of Representatives that 'Indonesianpolicyis Io respect the right of the people of
Portuguese Timor to self-determination and Indonesian leaders have often denied that
lndonesia has any territorial ambitions towards Portuguese Timor'. (soulignépar le
Portugal). Voir James Dunn. u., p. 190-191.3.74 L'Australie ne peut pas conjuguer cette attitude d'abstention avec sa
prétentionde s'érigermaintenant en juge quant à la façon dont le Portugal s'est

comportévis-à-visdu Timor oriental au cours des années1974et 1975.D'autant
plus que, à vrai dire, le Portugal a étéinfatigablepour faire, à l'époque, ceque

l'Australielui recommandait: déployerdes efforts pour trouver une solution par
des voiespacifiquesau moyende négociations avec les partis politiques.

3.75 Après le coup armé de I'UDT etle contre-coup du FRETILIN, en août
1975,le Portugal a maintenu le gouvernement du Territoire dans l'îled'Atauro,

partie intégrante du Timor oriental. Et, à partir de Lisbonne et d'Atauro, en

liaison avec les Nations Unies, l'Australieet l'Indonésie,il tenta la reprise des
conversations aveclesdifférentesforces politiques.Celles-ciétaienturgentes, non
seulement pour des raisons d'ordrepolitique mais aussihumanitaire, car les deux

factions en conflit retenaient en otage des civilset des militaires portugais. Mais
ces conversations étaient devenues plus difficilescar le déploiement des deux

forces dans le Temtoire changeait fréquemmentet une partie des dirigeants de
I'UDT,qui avaient échappé au FRETILIN, s'étaientréfugiéd sans la partie ouest

de l'îlede Timor, où les Indonésiens exerçaientsur eux d'intenses pressions, les
privant de la possibilitéde déciderpar eux-mêmes.

Malgré cette situation, l'Australie commença par refuser la tenue de

conversations sur son territoirets9. Elle finit par modifier cette position peu
coopérative;des conversationsauraient dû en effet avoir lieuentre le 15et le 20

novembre. Cependant, au mêmemoment, l'Australie refusal'autorisation de
ravitaillement à Darwin à la corvette de la Marine de Guerre portugaise qui

patrouillait dans les environs d'AtaGro,et qui assurait au gouvernement du
Territoire non seulement une protection militaire mais aussi,ce qui étaitessentiel

àce moment-là, les communicationsvia radio, avec Lisbonne, lespays voisinset
les forces politiques du Timor oriental. Cette attitude peu coopérative de la part

du Gouvernement australien obligealacorvette à allerjusqu'à Macao, àpartir du
24octobre 1975,privant ainsi legouvernement du Territoire de son appui durant
160
quinzejours àun moment critique où chaquejour étaitvital .

lS9 Lemos Piresu., p.278 et279.

160 ternos Pires,ouci<p.303-304.3.76 La passivité et I'ambigüitéde l'Australie au cours de 1974 et 1975 ne
s'expliquent pas seulement par son désirde ne pas déplaire son puissant voisin
indonésienet de ne pas trop s'écarterde la conduite adoptéà cette occasion par

les États Unis d'Amérique.Ces raisons ont certes pesé; mais elles n'ontpas été
les seules ni, qui plus est, les plus déterminantes. Comme le comportement

australien allait le montrer clairement au cours des années suivantes, la raison
déterminante de la passivitéde l'Australie en 1974175et de l'indéniablemanque
de collaboration avec le Portugal dans l'exercice de ses responsabilités de

promouvoir l'autodétermination du Territoire a résidé dans l'intérêtque
l'Australie porte aux gisements de pétrolesitués sousla mer de Timor et dont une

partie considérablene peut qu'appartenir au peuple du Timor oriental.

L'ensemble des motivations australiennes ressort clairement de la célèbre
3.77
communication de l'Ambassadeur d'Australie àDjakarta, datéedu 17août 1975,
qu'ilest utile de rappeler une foisde plus:

"As1stressed in Canberra last month we are dealing with a settled
Indonesian policy to incorporate Timor, as even Mali..admitted
to me...Ibelieve the Indonesians are well aware of our attitudes to
Timor at al1levels.
Indonesia is simply not repared to accept the risks they see to
them in an independent # mor and 1do not believe that we will be
able to change theirminds on this. We have in fact tried to do so.
What Indonesia now looks to from Australia in the present
situations some understanding of their attitude and possible action
to assist public understanding inAustralia rather than action on Our
part which could contribute to criticism of Indonesia. They believe
they will get this understanding elsewhere in the region, including
from Japan and NewZealand".

"While the situation in Portuguese Timor is not likelyto get as bad
1would suggest that Our policies should be based on disengaging
ourselves as far as possible from the Timor question; getting
australians presently there out of Timor; leave events to take their
cour sne;if and when Indonesia does intervene act in a way
whichwould be designed to minimise the public impact in Australia
and show privately understanding to Indonesia of their problems.
Perhaps we should also make an effort to secure through
parliament and the media a greater understanding of our policy,
and Indonesia's, althougwe do not want to become apologists for
Indonesia. The United States might have some influence on Indonesia at
present as lndonesia really wants and needs United States
assistance in ils military re-equipment programme. But
Arnbassador Newsom told me last night that he is under
instructions from Kissinger personally not to involve himself in
discussionson Timor with the Indonesians on the grounds that the
United States isinvolvedinenough problemsofgreater importance
overseas at present. The State Department has, we understand,
instructed thembassyto cutdownitsreporting on Timor.
1willbe seeing Newsomon Mondaybut hispresent attitude is that

andteallow events to take their course. His somewhat cynicalion

comment to me was that if Indonesiawere to intervene the United
States wouldhope they woulddo so'effectively, quicklyand not use
our equipment'.
We are al1 aware of the Australian defence interest in the
Portuguese Timor situation,but 1wonder whether the Department
has ascertained the interest of the Minister or the Department of
Minerals and Energy in the Timor situation. It would seem to me
that this Department might well have an interest in closing the
present gap in the agreed sea border and thiscould be much more
ieadilv neeotiated 4th lndonesia bv closine the nresent cap than
with Portueal or independent Portueuese Timor.

1know 1am recommending a pragmatic rather than a principled
stand b t hat is what national interest and foreian policv is al1
about...'36i(soulignépar le Portugal).

3.78 L'Australiepeut bien affirmerque la communicationde son Ambassadeur

ne correspond pas à sa politique officiellelo2. Le fait est que, de 1974175à
aujourd'hui, la conduite australienne a suivipoint par point la stratégieqyiest

exposée.Et c'estla convoitisedu pétroleduTimor oriental qui a primésur tout le
reste. Elle seule peut expliquerque, àpartir d1976, à la QuatrièmeCommission

et à l'Assembléegénéraledes Nations Unies,l'Australieait cesséde voter pour
les Résolutionsqui réaffirmaientle droit inaliénabledu peuple du Timor oriental

à disposer de lui-mêmeS . eule cette aviditépeut expliquer une reconnaissance&
&d'une annexion faite par la force au prixde plusd'unecentaine de milliersde

vieshumaines. Seule cette appétencepeut fairecomprendre que, ignorant dans la
pratique les compétencesqu'il reconnaît au niveau des principes aux Nations

Unies, le Gouvernement australien n'aitpas hésité à commettre de graves actes
illicites en droit international qui, mêmes'ils sont liésà ceux perpétrés par

l'Indonésie,ne sauraient êtreconfondus avecceux-ci.

161 MernoireduPortugal,AnnexeIIL4,vol.Vp.67et 69-70.

162 Contre-memoiredel'Australip.19-20par.42.3.79 D'ailleurs seul un très fort intétnvers un quelconque objectif considéré
incompatible avec l'exercice de l'autodétermination par le peuple du Timor

oriental permet d'expliquer quelques autres comportements assez inhumains et
contraires au devoir des Etats de promouvoir la réalisation du principe de

l'égalitdes droits et du droit des peupleà disposer d'eux-mêmes. La véritéest
que, dans les semaines suivant l'invasion, quand le peuple du Timor oriental

menait une lutte désespéréepour se défendre contre des forces armées
étrangères qui le massacraient, l'Australie prit quelques mesures qui ont

fortement contribué à l'isolement du Territoire aux yeux du monde. Les
communications par moyens radio, les vols et les communications par bateau,
163
notamment quelques-unes organisées à des finshumanitaires, furent interdits .

3.80 En conclusion, l'Australienie maintenant au peuple du Timor oriental son
droit à disposer de lui-même bienque la situation juridique de celui-ci ne se soit

pas modifiéeaprès l'époqueoù elle avait reconnu formellement ce droit. Età cet
égard l'Australie ignore en pratique les compétences des Nations Unies qu'elle

accepte cependant verbalement. La principale raison pour laquelle l'Australie l'a
fait, et continue de le faire, résidedans ses ambitions sur le pétrole appartenant

au peuple du Timor oriental et qui se trouve dans le plateau continental situé
dans la zone du "TimorGap".

3.81 En outre, de l'avisdu Portugal, l'Australiecommet une erreur qui pourrait

unjour lui coûter cher. Ce n'estpas en cédant devant desviolations effrontées de
normes juridiques élémentairesde la communauté internationale, et en les

violant elle aussi, que l'Australie aura la garantie d'un avenir pacifique avec
l'Indonésie.

163
Voiri'appendicedudocumentintitulk"TheFraserGovernmentsecordon EastTimor"
de"Testimonyof PatrickWalshbefore thePermanentPeople'sTribun, isbonnoe,
& Cedocument estjoinAlaprésente kpliquecommeAnnexe 11.2, ol.III,p. 109. PARTIE1

LEFONDDUDIFFEREND

CHAPITRE IV
LE TIMOR ORIENTAL ESTTOUJOURSUNTERRITOIRENON-

AUTONOME DONTLE PEUPLEADROITADISPOSERDELUI-MEMEET
DONTLEPORTUGALEST LAPUISSANCEADMINISTRANTE

Section 1. Les Nations Unies ont seules le pouvoir d'identifier les territoires

non-autonomes et leurs vuissances administrantes

4.01 Le Portugal a noté la position de l'Australie selon laquelle "the right to
self-determination is peculiarly dependent on the decisions of the United

Nations". Le Portugal est entièrement d'accord avec l'Australie quand celle-ci,
citant un passage d'un ouvrage de H.Blix,observe que, face à la difficultéde

savoir "[wlhichpeople isentitled to selfdetermination ?",ilfaut qu'un tiers "assess
the concrete cases and apply the rule". Et le Portugal est presque entièrement

d'accord quand, confrontée à une telle nécessité,l'Australie reconnaît que

l'AssembléegénéraledesNations Unies "seems to be the only one (organ) which
has assumed it (this role) for the time being"164. En conclusion, le Portugal

constate avec plaisir que l'Australieabonde dans la position qu'ildéfend dans son
Mémoire, selon laquelle, pour reprendre les termes de l'Australie, "the

identification of peoples as entitled to self-determination" inàoI'Assernbée
générale165 .

4.02 Dans son Mémoire, le Portugal a décrit en détail la génèse et le

développement de la pratique de l'Assembléegénéraledes Nations Unies et des
Etats Membres qui consiste à reconnaître à l'Assembléela compétence pour

déterminer les territoires qui doivent êtreconsidéréscomme territoires non-
autonomes dans le cadre du chapitreXI de la Charte. En fait, amorcée au cours

des années quarante, une pratique s'estdéfinieet consolidéeselon laquelle, pour
que le but énoncé à l'article 1, paragraphe 2, de la Charte soit poursuivi, il

Contre-memoirdel'Austral, 145,par322.Enrealitél,'accdu Portugal n'tue
partiel parceque, en certains cas,commeceux delaie du sud et du Timor
oriental,le Conseilde securitka luiaussiàla determinationde l'existencedu
droiàl'autodetermination.
165
Contre-memoiredel'Austral. 145,par322.incombe à l'Assembléegéneralede veiller à l'exécutionde l'article 73. Et, pour

l'exercice de cette fonction, l'Assembléepossède la compétence de déterminer
quels sont les territoires qui doivent êtreconsidéréscomme territoires non-

autonomes en vertu du chapitre XI de la Charte.

Trèstôt, ildevint clair que cette compétenceincluait non seulement le pouvoir de

qualifier un territoire comme un territoire "dont les populations ne s'administrent
pas encore complètement elles-mêmes"avecla finalitéde déterminer sa sujétion

au régime duchapitre XI, mais aussi de constater si un territoire a ou non atteint
l'autonomie complêtevisée à ce chapitre afin de savoir si la cessation de

l'application d'un tel régimeàun territoire déterminé estou non justifiée. Mais,si
dans un premier temps cette constatation fut effectuée a posteriori par

l'Assemblée, au sujet des territoires dont les puissances administrantes
prétendaient qu'ils avaient atteint l'autonomie complète, plus tard la pratique

s'élargiten faveur du pouvoir des Nations Unies de participer au processus
d'autodétermination ou d'orienter et de surveiller leur mise en oeuvre aux fins

d'authentificati~nl~~.

4.03 Comme la Cour l'a considerédans une autre affaire d'autodétermination,
le fait qu'en règle généraleles textes approuvéspar l'Assembléegénéraleaient

valeur de simples recommandations ne l'empêchepas "d'adopter, dans des cas

déterminésrelevant de sa compétence, des résolutions ayant le caractère de
décisionsou procédant d'une intention d'exécution"lo7.Ainsi que le Portugal l'a

affirmé dans son Mémoire et que l'Australie l'a reconnu dans son Contre-
mémoire, ceci est le cas des résolutions qui décidentsi un territoire est ou n'est

pas non-autonome et qui reconnaissent à son peuple le droit à
l'autodétermination et à I'indépendance. C'est aussile cas des résolutions qui

reconnaissent (ou qui refusent de reconnaître), dans des situations concrètes, que
le droitàl'autodéterminationet àl'indépendancea étéexercélibrement ainsi que

celui des résolutions qui adoptent les mesures nécessaires au libre exercice de ce
droit par un peuple particulierà un moment donné 168.

166 Pour plus de dktails,voir les par.5.01-5p.125-146du Memoire du Portugalet
littkratuycitee.

16' ConséquenceisuridiauesDourles Etatsde la orésencontinuede l'Afriquedu Suden
Namibie (Sud-Ouestafricain) nonobstantla rksolution 276 (1970) du Conseil de
-,Avis consultatiC.I.JRecueil1971,p.50,par.105.

168 Mkmoiredu Portugal, p.186, par.6.53 et Contre-memoirede l'Australie,p. 143-146,
par.318-323.4.04 Le Portugal n'a rien à opposer à l'Australie lorsqu'elle déclare que, pour

I'exercice du droit d'autodétermination, les organes compétents des Nations

Unies, et spécialement l'Assembléegénérale,doivent faire des constatations de
faits ("findings of fact") et des déterminations dete ter mi nation E^"l)^^^.

Portugal est également d'accord quand l'Australie mentionne le pouvoir de ces
organes de prendre des décisions("decisions") sur l'identification des peuples

ayant le droit à l'autodétermination ou sur ce qui pourra constituer I'exercice
valide de ce droit sur un territoire particulier170. II avait soutenu les mêmes

thèses dans son ~émoirel~l. Mais, ce faisant, le Portugal avait approfondi un
peu plus que l'Australie l'analysede la portée de ce type de décisions.II l'avait

fait en particulier à propos de la pratique de l'Assembléegénérale, ensoulignant
la nature de qualifications déterminativesou de constatations déterminatives des

résolutionsémanant en la matière de cet organe172. L'Australie n'a pas contesté
cette explication de la portéede cette catégoriede décisions.Le Portugal ne voit

pas d'ailleurs comment elle pourrait le faire puisqu'elle reconnaît la nature
décisionnellede tels actes des organes des Nations Unies.

4.05 En adoptant des résolutions par lesquelles elle qualifie un territoire

comme non-autonome, constate qu'un certain processus n'a pas constitué un
mode valide de I'exercicedu droit d'unpeuple à disposer de lui-mêmeou, encore,

qualifie un certain Etat comme puissance administrante d'un territoire donné,
l'Assembléegénérale(ou, éventuellement, le Conseil de sécurité)ne fait pas une

recommandation, en tant qu'acte dépourvud'effet obligatoire. Les résolutionsen
question n'ont pas comme contenu la proposition d'un comportement donné:

elles déclarent des situations de droit international. Et elles ne sont pas de

simples opinions car, si elles étaient dépouwues d'effet obligatoire, elles ne
correspondraient pas àla finalitéde la compétence dont elles sont I'exercice.

169 Contre-memoirede l'Australie,p. 143,par.318.

170 Contre-memoiredel'Australie,p. 145-146,par.322-323.

171 Memoiredu Portugal,p.186,par.6.53parmid'autres.

172 Le Portugal propose que la traduction en langue anglaise des mots "qualification
determinative" soit"determinative caracterization" edes mots "constatation
determinative", soit "determination finding".Quand le Portugal utilise le mot
"determinationil vise le conceptplusgtneral qui inclut les deuxconceptsprtckdenü et
propose quelatraductionsoit "determination".4.06 La compétence exercéepar l'Assembléegénéralequand elle qualifie un

territoire donné comme non-autonome et un certain Etat comme la puissance
administrante respective, ou quand elle constate si un processus concret a ou non

suffià l'exercice validedu droit àl'autodétermination,repose sur les articles 10et
11,conjugués avecles articles 1,paragraphe 2,55, 73et 76,alinéab), de la Charte

des Nations Unies, lus non seulement dans le contexte des Résolutions 1514
(XV), 1541 (XV) et 2625 (XXV) mais aussi dans celui de la coutume

internationale découlant de la pratique des organes et des Etats Membres de
l'organisation des Nations

Dans certaines situations, où les faits rendent particulièrement évidentel'étroite

liaison entre le droit d'un peuplàdisposer de lui-mêmeet le maintien de la paix
et de la sécuritéinternati~nalesl~~, cette compétence peut êtreexercée par le

Conseil de sécurité, surla base de l'article 24, en conjugaison avec les articles 1,
paragraphe 2, 55 et 73 de la Charte. Le contenu et la portée des résolutions du

Conseil de sécuritésont discutésà la section 4 du Chapitre V de cette Réplique.
La présente section est consacrée à l'effet de qualification ou de constatation

déterminative des résolutionsde l'Assembléegénéralequi déclarentun territoire
comme non-autonome et un certain Etat comme sa puissance administrante ou

qui vérifient qu'uncertain peuple n'a pas encore exercévalablement son droit à
disposer de lui-même. Maisles résolutionsdu Conseil de sécurité ontelles aussi

procédéà la détermination de telles situations de droit international. Elles
produisent alors, elles aussi, un effetjuridique de qualification ou de constatation

déterminative.

La finalité ultime de ces compétences est de permettre à l'organisation des
Nations Unies d'exercer le rôle de garant incontesté de l'exercice du droit à

disposer d'eux mêmespar les peuples qui en sont titulaires et qui n'ont pas
encore joui de la possibilitéd'yprocéder. Pourque l'organisation puisse remplir

ce r61e, il faut que l'Assembléegénérale (ou, éventuellement,le Conseil de
sécurité)puisse appliquer aux situations concrètes les normes du droit des

Nations Unies et du droit international généralqui les régissent.

173 MemoireduPortugal, p.186-187,par.6.55.

174 Etroite liaison que l'Australieaffirme toutcomme le Portugal:Contre-memoirede
l'Australie,p. 144-145,par.321.4.07 Comme le Portugal l'a souligné, les décisionsen question n'ont pas un
contenu directement prescriptif: elles n'ont pas, de par leur propre nature,

l'objectifde commander ou de recommander des comportements aux Etats. Elles
qualifient ou constatent des situations, ce qui est bien différent. Mais le fait

qu'elles n'ordonnent pas (directement) un comportement ne signifie pas qu'elles
soient dépourvues de force obligatoire.

En tant que responsable de la tenue de la liste des territoires non-autonomes et

seule instance capable de supprimer de cette liste les territoires dont le peuple a
entre-temps exercé valablement le droit à I'autodétermination, l'Assemblée

exerce un pouvoir de détermination qui prime sur celui de chacun des Etats. Les
situations en matière de décolonisation, telles quel'Assembléeles a déterminées,
doivent donc êtreprises en ces mêmestermes par les Etats. Les résolutions ont

une valeur obligatoire au sens où les situations ainsi déterminéespar I'Assemblée
acquièrent un caractère certain et incontestable au plan du droit des Nations

Unies et même àcelui du droit international général.

4.08 Une fois que des résolutions contenant des qualifications ou des
constatations déterminatives ontétévalablement adoptées,leurs effetsjuridiques

se concrétisent ipso iure, comme c'est le propre des actes qui, édictéspar un
organe ayant cette compétence,déclarent des qualitésjuridiques ou des situations

juridiques afin qu'elles deviennent certaines et incontestabLassuprématie des
compétences de l'Assemblée générale surle domaine reservé des Etats en

matière de titularité et d'exercice du droit à I'autodétermination a pour
conséquence l'opposabilité ernaomnes des qualités juridiques et des situations

juridiques régiespar le droit international de I'autodéterminationselon les termes
mêmesqui ont étédeterminéspar l'Assemblée.

4.09 Selon la philosophie du chapitre XI de la Charte des Nations Unies, la

qualification déterminative par laquelle un territoire donné est non-autonome
implique la détermination d'une certaine entité titulaire des droits et devoirs

relatifsà l'administration d'un tel territoire et à la promotion de son processus
d'autodétermination. La détermination de la nature non-autonome d'un

territoire, faite par les organes compétents des Nations Unies, serait incomplète
et ne pourrait produire les effets juridiques voulus par cette déclaration avec

force obligatoire s'il subsistait une incertitude sur l'identité du titulaire des
pouvoirs et des devoirsjuridiques concernant l'administration du territoire.4.10 Dans la plupart des cas où la détermination a étécontestée, le différend

n'a pas portésur l'identitéde l'État chargéde l'administration du territoire mais
sur les fondements et la nature juridique des pouvoirs par lesquels un certain Etat

administrait un territoire. Mais,comme le montre le cas sub iudice, ilse peut aussi
que, face à des positions divergentes sur le statut d'un territoire, l'Assemblée

générale ou le Conseil de sécurité doivent inclure dans la qualification
déterminative de la nature non-autonome du territoire la détermination aga

omne de I'Etat qui doit êtreconsidéré comme lapuissance administrante.

4.11 La qualification déterminative du Portugal comme Puissance
administrante d'un territoire qu'il ne contrôle pas de facto en ce moment n'est

pas un cas unique. En effet, aprèsla déclaration unilatéralede l'indépendancede
la Rhodésie du sud, faite sans qu'aient étéobservésles principes qui doivent

présiderà l'exercicede l'autodétermination,le Conseil de sécuritéet l'Assemblée
généraledes Nations Unies ont tenu, durant près de quinze années, à qualifier

expressément comme puissance administrante de ce territoire le Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d'Irlande du ~ordl~'.

Cela n'est pas surprenant puisque la qualification déterminative d'un territoire

comme non-autonome au regard du chapitre XI de la Charte et d'un certain État
comme sa puissance administrante ne se traduisent pas par de simples

constatations de situations de facto. Dans l'exercice de leurs compétences
spécifiques en matière de décolonisation et du maintien de la paix et de la

sécuritéinternationales,1'Assemblée généraleet le Conseil de sécuritéapprécient
des situations concrètes dans lesquelles sont combinés des élémentsdu droit

international et des élémentsde fait. Et on le comprend car, en déterminant les
situations de non autonomie d'un territoire et en qualifiant les relations entre ce

territoire et un certain Etat comme des relations propres à la fonction de
puissance administrante au regard de la Charte, l'Assembléegénéraleou le

Conseil de sécuritése proposent d'établir un certain statut juridique dont

découlent des droits et des obligations176.

175 Résolutionsdu Conseilde skcuritk217 (1965)du 20 novembre 1, 53 (1968) du 29
mai1968et411(1977)du30juin1977,entreautres.

176 Gowlland-Debbas, CollectiRes~onsesto IllegalActs in International-aUnited
Nations Actionin the Questionof Southern Rhodesia, Dordrecht,Nijhofp.133;0,
Elihu Lauterpacht,Aspectsof the Administrationof InternationalJustice,Cambridge,
Grotius ~ublications,-1991,p. 43; Thürer,Das Selbstbestimmun~ster Volker,
VerlagStampfli,Bern,1976p.183.En rendant certaine et incontestable, par leur détermination, une situation pré-

existente, les organes des Nations Unies ne peuvent faire abstraction des

composantes juridiques de cette situation. Or, les droits sur un territoire
n'appartiennent pas toujours à I'Etatou au régimequi, à un moment donné,en a

le contrôle de facto. Il est donc logique que la qualification d'un Etat comme
puissance administrante,faitepar lesorganes des Nations Unies compétents pour

superviser les processus de décolonisation,indique I'Etat qui, au regard du droit
international, est le titulaire des droits et des obligations inhérents à ce statut,

mêmesi ces droitsse trouvent usurpésàce moment.

Section2. Les Nations Unies qualifient touiours le territoire du Timor

oriental comme un territoire non-autonome et le Portugal comme
sa Puissance administrante

4.12 Tout en se gardant de contester directement le fait que les Nations Unies
considèrent toujours le Timor oriental comme un territoire non-autonome et le

Portugal comme sa Puissance administrante, l'Australieavance cinq arguments:

(i) L'Assembléegénéralen'aurait pas maintenu, après 1978,son rejet
de l'intégrationdu Timor Oriental àl'Indonésie 177.
,

(ii) L'analyse des votes à l'Assembléegénérale,entre 1975 et 1982,
revèlerait une tendance à la diminution du nombre des Etats qui ont votépour et

à l'augmentation de celuide ceuxqui ont votécontre 178.,

(iii) Ni le Conseil de sécuriténi l'Assemblée générale n'auraient
179.
considéréla question du Timor oriental après 1982 ,

- ~ -

177 Contre-mkmoire de l'Australie,.2,par.143.

178 Contre-mkmoire de l'Australie,p.71-72,par.163.

179 Contre-mkmoire de l'Australie,p.31,par.72. (iv) L'absence de mention du Portugal en qualité de Puissance

administrante dans la Résolution 389 (1976) du 22 avd 1976 du Conseil de
sécuritéet les Résolutions 31/53 du ler décembre 1976 et 32/34 du 28 novembre

1977 de l'Assembléegénéralejustifierait l'inférence selonlaquelle le Portugal
aurait étédéchude cette qualité 180,

(v) Le Portugal aurait étédéfaillantdans l'exercice de sa fonction de
181
Puissance administrante et aurait ainsi perdu son statut .

4.13 La première assertion de l'Australie, celle selon laquelle l'Assemblée
généralen'aurait plus rejeté,à partir de 1978,l'intégrationdu Timor oriental à

l'Indonésie, estentièrement inexacte.

Dans toutes les résolutionsapprouvéesjusqu'à 1981 inclus, l'Assembléegénérale
réaffirmele droit inaliénable dupeuple du Timor oriental à l'autodétermination

et à I'indépendance, conformément à la Résolution1.514(XV). IIest évidentque
cette affirmation n'aurait aucun sens si l'Assemblée avaitreconnu la moindre

valeur ou le moindre effet juridique à la manifestation tragi-comique du "libre
choiw"organiséepar les Indonésiensà Dili,en 19761g2, ou si,après cette époque,

d'autres faits ou événementsavaient eu la virtualité de créer un titre sur le
Territoire en faveur de l'Indonésie.

Le dispositif de la Résolution 37/30 du 23 novembre 1982'~~ n'a pas répété

formellement l'affirmation du droit inaliénableà l'autodétermination. Mais, dans
ses considérants, elle a proclamé le droit inaliénable de tous les peuples à

l'indépendance et déclaréavoir entendu la déclaration du représentant du

Portugal en sa qualité de Puissance administrante. Or, il est clair qu'une telle
proclamation n'aurait pas étépertinente s'il ne s'étaitpas agi d'un peuple qui

lS0 Contre-m6moiredel'Australi, .51,par.119.

lS1 Contre-mkmoiredeYAustralie, . 19et 110,par.41et238.

lS2 Sur le refus du Conseil de skuritk de visiter le Timor oriental à l'invitationde
l'Indonési, un momentoù une "missiond'enquête"indonésien enaeit en train de
"vtrifil'authenticittde lasoi-disant intention pe'integratio, oirla decision
duPrésidendtuConseilde skcurittdu21juin 197, nnexes1.1et L2,Rtplique,vol. II,
p. 1e3.

lS3 MemoireduPortugal,AnnexeL10,vol.11,p. 16.n'avait pas encore exercé son droit à I'autodétermination, de mêmequ'il n'y

aurait eu aucun sens àentendre le Portugal en qualitéde Puissance administrante
d'un territoire intégrén autre Etat.

En outre, dans son dispositif (point 2), la Résolution 37/30 a prié le Comité

spécial chargé d'étudierla situation en ce qui concerne l'application de la
déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux

(Comitédes 24) de poursuivre activement l'examen de la situation. Etant donné
la compétence propre du Comité,qui ne concerne que le suivide la situation des

territoires non autonomes, une telle décisionn'aurait jamais pu avoir lieu si
l'Assemblée générale avait cessé, comme le prétend l'Australie, de rejeter

l'intégrationdu Timor oriental àl'Indonésie.

4.14 L'Australie, trop embarasséepour avancer l'argument que les événements
qui se sont déroulésen 1976au Timor oriental furent un exercice bona fide du

droit du peuple de ce territoire à disposer de lui-même184,se cache derrière les
affirmations d'une minoritéd'Etats membres des Nations Unies sur ce point 185.

L'Assemblée généralee ,lle aussi, n'a pas du tout étéimpressionnée par cette
manifestation.La Résolution31/53du ler décembre 1976et la Résolution32/34

du 28 novembre 1977,d'une manière tout à fait spécifique,

"Reiette[nt] l'allégation selon laquelle le Timor oriental a été
intégréà l'Indonésie,dans la mesure où la population du Territoire
n'a pas été en mesure d'exercer librement son droit à
I'autodéterminationet àI'indépendance ..."

Et toutes les Résolutions postérieures réitèrentle droit du peuple du Timor

oriental à disposer de lui-même;ce faisant elles mettent ainsi clairement en
186
évidenceque cedroit n'a pas étéencore exercé .

184 L'Australiea elle-m&meadmisquecene fut pas un acte valided9autod6terrnination.
Contre-memoirede l'Austra, . 28-29,par.66-67.

185 Contre-m6moirede l'Australi40-41,47,49,55,58-59 et69-60,par.93-94, 108,
115,128,136,140 et 159.

1s6 m, par.4.13.4.15 En plus, le Comitéspécial chargé d'étudierla situation en ce qui concerne

l'application de la Déclaration surl'octroide l'indépendanceaux peuples et pays
coloniaux à continué d'apprécier, chaque annéejusqu'à aujourd'hui, le cas du

Timor oriental, en tant que territoire r~on-autonome~~~.Il n'est pas sans
importance de remarquer qu'à toutes les séances depuis 1976le représentant de

l'Indonésiea protesté, sans succès,contre l'inclusion de la question du Timor

oriental à l'ordre du jour du Comité.Celui-ci ne serait plus un territoire non-
autonome, ilserait devenu, enjuillet 1976,territoire indonésien,de telle sorteque

la question du Timor oriental serait, selon les termes indonésiens, une "non
question", de méme que sa considération par le Comité constituerait une

ingérence indue dans les affaires intérieuresindonésienneslS8. Or, le fait que le
Comitéait toujours continué de s'occuper du Timor oriental, conformément à la

Résolution 37/30 de l'Assemblée générale du 23novembre 1982, signifie
clairement que les Nations Unies rejettent toujours les prétentionsindonésiennes

d'intégrationdu territoire.

Par ailleurs, le "Document de travail établipar le Secrétariat"en 1992relatif au

Timor oriental rappelle explicitement que "[dlans sa résolution 32/34 du
28novembre 1977, l'Assembléeg .énérale a rejetél'allégationde l'Indonésie selon

laquelle le Timor oriental avait été intéeré à l'Indonésie,dans la mesure où la
population du territoire n'avait pas été à mêmed'exercer librement son droit à

l'autodétermination et à~'indé~endance"'~( ~soulignépar lePortugal).

4.16 De même, la deuxième prétention de YAustraEe, celle d'extraire de

i'analysedes votes de l'Assembléegénérale, des effetsjuridiques sur le plan de la
qualification du Territoire comme non-autonome et du Portugal comme sa

Puissance administrante, est dépourvue de tout fondement. Le droit à

Is7 Memoiredu Portugal,AnnexesIL53-11.62,ol.III,p. 88-192,Annexe11., ol. IV, p. 1et
AnnexesL9-1.23,Replique,vol.II,p. 66-152.

Annexe 1.10,Replique, vol.II, p. 70; Annexe L11,Replique, vol. 11,p.69; Annexe L12,
Replique, vol. II, p. 71; Annexe 1.13,Rbplique, vol75;Annexe 1.14, Rkplique,
vol. II, p. 78; Annexe 1.15,Replique, vo90;Annexe 1.16,Replique, vol. II, p.94;
Annexe L17,Replique, vol. II, p. 96; Annexe1.18,Replique, vol. II, p. 98; Annexe 1.19,
Rkplique, vol. II,p. 104,Annexe L20,Replique,vol. II, p. 105et Annexe L21,Replique,
vol. II, p. 110.Voir aussi la lettre en date du 7août 1990adresséepar le Reprksentant de
I'Indon&ie au Secretaire general des Nations Unies, Annexe IL30, Replique, vol. III,
p. 119. Voir aussi, Memoire du Portugal, Annexe 11.53,vol. III, p. 96; Annexe 11.62,
vol. III. p. 182; Annexe IL64, vol.III, p. 264et 319; Annexe 11.65,vol.III, p. 333-334;
Annexe IL66,vol. III,p. 405.

189 Annexe L7,Rkplique,vol. II,p. 46.l'autodétermination d'un peuple existe de par lui-même,en conséquence de la
présence, dans la situation concrète, des conditions prévuesdans les Résolutions

1514(XV), 1541(XV) et 2625(XXV) de 1'Assemblée générale.

Ce droit subsiste dans sa forme initialejusqu'à son exercice selon'un des modes
acceptés dans les mêmesrésolutions. Une fois qu'il a étéconstaté de façon

déterminative par une résolution valable d'unorgane des Nations Unies, sa force
juridique s'impose erea omnes. La plus ou moins grande majorité qui aapprouvé

la résolution n'a aucune importance quand la décisionapprouvée représente
l'application de normes juridiques dont on ne saurait douter de l'existence. La

qualitéde puissance administrante d'un territoire conformément au chapitre XI
de la Charte n'est pas elle aussi attribuée arbitrairement par les organes des

Nations Unies. Ceux-ci reconnaissent cette qualité d'aprèsles titres d'un certain
Etat. Dès l'instant où il est adopté parl'organe compétent dans le respect des

formalitéslégales, l'actede qualification ou de constatation déterminative produit

ses propres effets,quelle que soit l'importance de la majoritéréunielors du vote.

4.17 11peut être quelques fois utile, quand le statut des normes de droit

international en voie de formation est fortement contesté, d'examiner la qualité
des Etats composant la majorité.Ainsi, l'arbitre unique, leProfesseur René-Jean

Dupuy s'est-il engagé dans cet exercice en relation avec le principe de la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles dans sa sentence Texaco

Overseas Petroleum Co. et California Asiatic Oil Co. cl Jamahiriva Arabe
~ibvennel'~. Le but de l'exerciceétaitde voir si le principe de la souveraineté

permanente sur les ressources naturelles requiérait réellement l'assentiment
d'une grande majoritéd'Etats, dont les principaux Etats exportateurs. L'arbitre a

considéréque ce test avait étésatisfait pour ce qui concernait la formulation du
principe contenu dans la Résolution 1803(XVII) de l'Assembléegénérale,mais

pas pour la formulation contenue dans les résolutionspostérieures.

Mais quand une norme de droit international est bien établie,comme c'est le cas

avec le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, lecompte de votes dans les
résolutionsqui affirment son application à un territoire particulier est inutile. Ce

qui est nécessairec'est que cette Résolutionait étéadoptée à la majoritérequise.

19O Texaco Overseas PetroleumCompanvICaliforniaAsiatic Oil Company v. the
Government ofthe LibyanArabRepublic,InternationalLaal Materials,vol. 17,janvier
1978,p.3 et suiv.L'autorité de la réitération parI'Assembléegénéraledu principe du droit des

peuples à disposer d'eux-mêmes, ainsique son insistence pour que son
application soit poursuivie au Timor oriental, ne peut pas êtreminée par le

compte de votes ou la citation de certaines tentatives de tirer quelque bénéficede
tendances de voteslgl. Les Résolutions de I'Assembléegénérale3485(XXX),

31/53, 32/34,33139,34140,32/37et 35150~~~ sont toutes des Résolutions adoptées

valablement par elle dans le cadre de sa compétence.

4.18 Mêmeau cas où elle serait exacte, la troisième assertion de l'Australie,
celle selon laquelle, après 1982, "[nleither body (le Conseil de sécuritéet

l'Assembléegénérale)has given further consideration to the question"1g3, ne
pourrait entraîner aucune conséquence parce que les qualifications

déterminatives de la nature du Territoire et de l'identité de sa Puissance
administrante restent en vigueur. Mais cette assertion n'est mêmepas exacte en

ce qui concerne l'Assembléegénérale.

Comme certains organes des Etats, l'Assembléegénéraledes Nations Unies n'est
pas un organe simple. Au contraire, I'Assembléeest un organe complexe, c'est-à-

dire qu'il est constituéd'une pluralitéde collèges.Les commissions, crééespar le
règlement intérieurde l'Assemblée,font partie intégrante de celle-ci. Et certains

organes subsidiaires, que, selon les termes de l'article 22 de la Charte,

l'Assembléejuge nécessairesà l'exercicede ses fonctions et qui collaborent à la
préparation de ses propres travaux en sont desémanationsindissociables.

4.19 Parmi les commissions, la Commission généralepossède une importance

particulière, car c'est elle qui, au début de chaque session annuelle, organise
l'ordre du jour de l'Assembléeplénièreet des commissions. Or, la Commission

généralea considéréchaque annéela question du Timor oriental, en l'inscrivant à
l'ordre du jour provisoire de la session suivante, poursuivant ainsi la pratique

commencée par les résolutionsapprouvées par l'Assembléejusqu'en 1982. On
peut donc conclure que, par le fonctionnement de ce mécanisme procédural,

I'Assembléereste saisie de la question du Timor oriental ainsi du reste que le

191 Voir AD7/PV.77, 23 novembre1981,cile dansle Contre-memoirede l'Australp.61-
62, par.140.

192 MkmoireduPortugal,Annexe1.3-1.9v,olII,p.3-15.

193 Contre-m6moiredeI'Australie,.31,par.72.confirment les initiativesultérieuresde l'organisation. II n'en faut pas plus pour

conclure que l'Assembléene considère pasque le processus de décolonisation du
Territoire du Timor oriental soitarrivé àson terme 194.

4.20 Le fait qu'un processusde consultations continue de se dérouler sous
l'égidedu Secrétairegénéraldans lequel inteniennent le Portugal et l'Indonésie

démontre, à son tour, que la Résolution 37/30 du 23 novembre 1982 de
l'Assembléegénéraleest toujours en vigueur. II yest inscrit que le Portugal,

Puissance administrante, s'est toujours "pleinement et solennellement engagé à

soutenir le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination et à
l'indépendance" 195.

4.21 Au surplus, l'Assembléegénérale continuaà considérerla question du
Timor oriental àl'occasionde l'appréciation annuelle de la situation duTerritoire

par l'important organe subsidiaire qu'estle "Comité spéciac lhargéd'étudierla
situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de

1g4 Selon Frank Abdulah, "Malgrkune lente krosion du soutien dont bknkficiaitla position
de I'Assemblkegknkrale,celle-ci examinetoujours la question du Timor oràesesl
sessions annuelles". Et il explique que 'L'Indonésietente chaque annke d'obtenir du
Bureau de I'Assemblkegknéralequ'ilretire la question de l'ordredu jour. Sesefforts ont
jusqu'à présentkchoué".Voir"Ledroità la dkcolonisation",@ Mohammed Bedjaoui,

Droit international, Bilan et pers~ectives,tome2, Pedone, UNESCO, Paris, 1991, p.
1287et note 35,p. 1287.

Quant à la position selon laquelle les résolutions des Nations Unies "assert the
continuing right of the people to self-determination and Portugal's status as
administering authority", voir Christine Chinkin, Leeal Issues Arisine from the East
Timor Conflict, Paper No.3, The MeriüofPortugal's Claim Against Australie,&20
21March 1992,Universityof NewSouth Wales,1992,p.9.

A son tour, Hannikainen &rit que "in accordance with the existing criteria for the
definition of self-determinationunits under international law,the UN confirmed that the
people of East Timor has the right to external self-determination,with independence
being one possible form. Both the SC and GAe condemned Indonesia's invasioof

EastTimor. The GA rejectedthe annexationof East TimorbyIndonesia".

Et. après avoirflmment6 certains facteurs qui, selon lui, "have led to an increasing
number of States acquiescingin the annexation of East Timor by Indonesia", cetauteur
conclut: "However, the UN has rejected Indonesia's to East Timor". Voir Lauri
Hannikainen, Peremptorv Norms (Jus Coeens) International Law, Lakimiesliiton
Kustannus, Helsinky,1988,p. 414.

1g5 Memoire du Portugal,Annexe1.10,vol.II,p. 17.l'indépendanceaux payset auxpeuples coloniaux",égalementappeléComitédes
24. Ce Comité établit et maintient actualiséeune liste des territoires non
196
autonomes où figureencore aujourd'huileTimor oriental .

Au cours le l'année1992, leComitéa de nouveau apprécié la situation au Timor
oriental. Prenant la parole, le représentantdu FRETILIN a déclaràun certain

moment:

"Nous nous félicitons également de la position exprimée
récemment parla Communautéeuropéenneen ce ui concerne les
accords conclus avecl'Associationdes nations d'.5ie du Sud-Est
ANASE). Nous rendons hommage en particulier au
Iouvernement portugais, la Puissance administrante du Timor
oriental, pour la fermeté et la détermination qu'il a montrées
pendant la réunion du Conseil généralde coopération de la
Communautéeuropéennetenue la semainedernière à Bruxelles.

La politique du FRETILIN pour ce qui est de la régiondéfiniele
l6septembre 1975, n'a pas varié!Nous continuons à vouloir
devenir membres de l'Associationdes nations de'Asiedu Sud-Est
(ANASE). Nous avons indiquéà plusieurs reprises notre désirde
promouvoir la stabilitédans la région. Pour ce qui est d'une
solution politique de la question du Timor oriental, la
Convergencia Nacionalista, plate-forme olitique de l'Union
majoritaires du Timor oriental, se déclarent en faveur departis
l'achèvement du processus de décolonisationpar la Puissance
administrante et de la tenue de négociations sans conditions
préalables et avec la participationel& population du Timor
oriental, commel'aproposéle Portugal" .

Prenant la parole devant le Comité des24, le18 août 1992,le représentant du

Portugal,M. Quartin-Santos, se référantaux conversationsavec 1'Indonéssous
les auspices du Secrétairegénérales Nations Unies,a déclaràson tour:

"...le Portugal a proposéque les représentants de la population
concernée,qui est la principalevictimede tout le processus, soient
invitésà participer au dialogue. Mais il doit être clairement
entendu non seulement que nous sommesouverts à toute formule
acceptable qui permetteàcette participation de se concrétisermais
aussi que,à notre avis,toutes les principales forces politiques du
territoire, y compris bien entendu celles qui, éventuellement,
seraient favorablesà l'intégrationà l'Indonésie,soient associées
auxdélibérations futures.

196
Voirpar4.15delaprésente eplique.
19'
Annexe1.22Rkplique, oIIp.116et119. Le Portugal n'a jamais reconnu aucun mouvement politique
timorais comme le seul représentant légitimede la po ulation du
Timor oriental. Nous soutenons, conformément à la 8 harte, aux
résolutions historiques 1514 (XV) et 1541 (XV) de l'Assemblée
généraleet aux autres résolutionspertinentes des Nations Unies,
que la population du Timor oriental doit pouvoir choisir librement
son avenir politique dans l'exercicede ses droits inaliénables.Nous
ne voulons absolument pas donner l'impression de v qbkir
déterminer àl'avancecette option ou de poser des conditions" .

4.22 De mêmela ciuatrièmeprétention,celle de l'Australie de déduire du fait
que le Portugal n'ait pas étémentionnécomme Puissance administrante dans les

Résolutions 389 (1976) du 22 avril 1976du Conseil de sécuritéet 31/53 du ler
décembre 1976 et 32/34 du 28 novembre 1977 de l'Assemblée générale la
conséquenceselon laquelle le Portugal avait étédéchude cette qualité et confiné

à un "rôle limité" dans la capacité quelque peu indéfinie d'un "autre Etat
intéressé",n'a pas le moindre fondement99.

La qualité juridique d'un État comme puissance administrante, la nature

juridique d'un territoire comme territoire non-autonome au regard du chapitre
XI de la Chartedes Nations Unies et la situation juridique consistant àceque son

peuple n'ait pas encore exercéson droit à l'autodétermination (mêmesi un ou
plusieurs autres sujets de la communauté internationale prétendent le contraire)
existent en elles-mêmes. La fonction des qualifications ou constatations

déterminatives ayant pour auteurs des organes compétentsdes Nations Unies et
pour objet les qualités ou situations juridiques mentionnées est de les revêtir

d'une certitude juridique qui les rend certaines et incontestables,n'autorisant plus
les sujets de droitinternational àignorer ce qui déterminé.

Par conséquent, il ne s'avère pas nécessaire que ces qualités ou situations
juridiques soient expressément réaffirmées chaque fois que les organes

compétentsdes Nations Unies approuvent de nouvelles résolutionsconcernant le
territoire non-autonome en question. Une fois valablement adoptées, les

premières résolutions ont produit i~so jure leur effet, celui de déterminer une
certitude juridique erea omnes. Pour que cet effet cesse d'exister, il faudrait

1% Annexe1.22,Replique,vol.p.134-135.

199 Contre-memoirede l'Austrap51,par.119.qu'une nouvelle résolutionconstatant un changement substantiel des motifs de la

détermination antérieure y mette fin ou la modifie.Ce n'est manifestement pas ce
qui s'estproduit avec les Résolutions auxquellesl'Australiese réfère.

4.23 Dans la Résolution389(1976)du 22avril 1976~OO l, Conseil de sécuritéa

rappelé sa Résolution 384(1975) du 22 décembre 1975~". Au point 3 du
dispositif de cette première résolution, le Portugal est expressément qualifié

comme Puissance administrante du Timor oriental. Donc, sile Conseil de sécurité

avait estiméque le Portugal avait perdu une telle qualitéentre décembre 1975et
avril 1976,on ne peut imaginer qu'ilait rappeléla première Résolutionsans dire

en même temps que le statut juridique du Portugal aurait changé. Et, si un
changement avait eu lieu, la mention expresse dans les considérantsde l'audition

du représentant du Portugal par le Conseil n'aurait eue aucun sens.

En outre, en même temps qu'il a renouvelé son injonctionau Gouvernement
indonésien"de retirer sans plus tarder toutes sesforces du Territoire"(point 2), le

Conseil a demandé à tous les Etats "de faciliter la décolonisationdu Territoire"
(point 6). Si le Conseil a exigéun retrait immédiatde l'Indonésieet a prétendu en

mêmetemps que le processus de décolonisation devaitse poursuivre, c'est parce
qu'il y avait encore une puissance administrante du Timor oriental. Cette

puissance était etne pouvait êtreque le Portugal.

4.24 L'absence de mention de la qualité du Portugal comme Puissance
administrante dans les Résolutions31153du ler décembre 1976 et 32/34 du 28

novembre 1977 de l'Assembléegénéralen'a produit aucune conséquence sur la

qualité du Portugal. La meilleure démonstration que, une fois faite la
qualification déterminativede puissance administrante, elle n'a pas à êtrerépétée

chaque fois qu'unorgane se prononce sur la situation du territoire, réside dans le
fait que la mention du Portugal comme puissance administrante est apparue

encore dans les Résolutions postérieures de 1'Assemblée générale: les
Résolutions34/40du 21 novembre 1979,35127du 11novembre 1980,36150du 24

novembre 1981et 37/30du 23novembre 1982~~~.

-

2ûû MémoireduPortugal,Annexe1.2,vol. II,p2.

201 MémoireduPortugal,AnnexeI.1,vol. IIp. 1.

202 MémoireduPortugal,AnnexesL7-1.14vol.II, p.11-17.Comme iln'aurait pas étésérieuxque I'Assembléegénéralereconnaisse, puis

ensuite nie et enfin reconnaisseà nouveau cette qualité sansqu'il existepour cela
des raisons valables et claires et comme il n'y a aucun indice montrant que la

volonté de la majorité de l'Assembléegénéraleait changé à ce propos, les
différencesde rédactiondes résolutionsen ce qui concerne la position juridique

du Portugal ne servent qu'à démontrer que, une fois adoptée la qualification
déterminative d'un certain État comme puissance administrante d'un territoire

(ou, par le mêmeordre d'idées, d'uncertain territoire comme non-autonome),
I'Assemblée générale n'éprouve pas le besoin impérieux de répéter cette

qualification dans toutes et chacune des résolutions qu'elleprendraà l'avenir,sur
la situation d'autodétermination en question.

4.25 La cinauième assertion de l'Australie, celleselon laquelle la défaillancedu
Portugal dans l'exercicede ses fonctions de Puissance administrante lui aurait fait

perdre son statut, elle aussi est infondée. L'Australie fait état de certaines
critiques émisespar certains Etats Membres des Nations Unies à l'encontre de la

politique coloniale portugaise des années1970.Mais le Portugal a continué àêtre
considérépar le Conseil de sécuritéet I'Assembléegénéralecomme la Puissance

administrante et l'Australie n'a pas étécapable de démontrer le contraire dans
son Contre-mémoire. D'une manièreexpresse ou implicite,toutes les Résolutions

mentionnent le droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-mêmeet à

cette fin ont demandé la coopération du Portugal en tant que Puissance
administrante. 11 est clair que l'Assemblée générale a considéré que la

responsabilité de promouvoir et d'assurer l'exercicedu droit du peuple du Timor
oriental à disposer de lui-mêmeappartenait au Portugal, en tant que Puissance

administrante. Par exemple, la Résolution37/30de l'Assembléegénéraleen date
du 23 novembre 1982indique:

"Avant à I'es~rit que le Portugal, Puissance administrante, s'est
pleinement et solennellementengagé à soutenir le droit du,~fi~ple
du Timor oriental à l'autodéterminationet àl'indépendance .

203 Memoire du Portugal, AnnexeL10,vol. II,p. 17 et voir Résolution 384du Conseil de
skcurité,par. 3; Rbolution 389 du Conseil de sécurid, par.1; Résolution3845 de
I'Assemblke gknérale,par.2; Rboluiion 31/53 de I'Assembléegenkrale, par.1;
Résolution32134 de l'Assembléegknérale,par.6; Résolution33139 de l'Assemblée
généralep,ar.4; Rbolution 34/40 de I'Assemgénerale,par.1; Résolution35/27 de

l'Assemblée généralpe, r.3 et Résolution 36/50 de I'Assemblée générae,ar.3,
MémoireduPortugal,Annexes 1.1-1.9,vol.II,p. 1,2,4,6,8,9-10, 11,13, 14.4.26 Evitant en généralde dénier directement le droit du peuple du Timor
orientalà disposer de lui-même,l'Australie tente d'arriver au mêmerésultat en

essayant de tirer bénéficedes critiques faites à l'encontre du Portugal au cours
des débats du milieu desannées 1970. Mais on ne peut imaginer que les critiques

adressées à une puissance administrante, à un moment quelconque de l'histoire,
aient eu pour résultatde priver le peuple de ce territoire de son droit à disposer
de lui-même.Le droit d'un peuple à disposer de lui-mêmene dépend pas de

l'approbation de la conduite de sa puissance administrante. Cette dernière
demeure liéepar son devoir de faire tout ce qui est en son pouvoir pour satisfaire

le droit des peuples à disposer d'eux-mêmeset a nécessairement la compétence
et la qualitédevant leforainternationaux pour ce faire.

4.27 Pour conclure, les Résolutions du Conseil de sécuritéet de l'Assemblée

généralequi qualifient le Territoire du Timor oriental comme un territoire non-
autonome et le Portugal comme la puissance administrante sont toujours en
vigueur. Comme cela arrive avec certaines compétences des exécutifsnationaux

en droit interne,.ces résolutions quiformulent, dans l'exerciced'une compétence
spécifique, des qualifications ou des constatations déterminatives produisent

l'effet juridique de rendre, iuso iure, certaines et incontestables erea omnes, les
qualitésou situations juridiques qu'elles énoncent.Ces effets juridiques produits

par des résolutionsdes organes compétentsde l'organisation des Nations Unies
préexistent àl'introduction de la présenteinstance contre l'Australie.

4.28 Comme le Portugal l'asouligné, les agissementsde l'Australie mentionnés
à la Requête ont méconnu des déterminations légalesfaites dans le cadre de

l'exercice de leurs compétences par des organes principaux des Nations Unies.
Ces déterminations sont relatives à la poursuite des buts de l'organisation dans

les domaines de la garantie du respect du principe de l'égalitédes droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes ainiue du maintien de la paix

et de la sécurité internationales. L'adoptionde ces déterminations a produit
iur lobligation pour tous les Etats de considérercomme certain et incontestable

que le Timor oriental est un territoire non-autonome au regard du chapitXI de
la Charte et que le Portugal en est sa Puissance administrante. Les déclarations

établissant des qualifications ou constatations déterminatives ont déjà été
édictéesere-a omnes par des organes compétents à cet effet. Ces déterminations
avaient déjà, avantI'introductionde la présenteinstance, l'autoritéde res decisa.4.29 Quant à l'Australie,elle n'a pas demandà la Cour (et il semble qu'elle ait

eue raison de ne pas le faire)204 d'exercer des pouvoirs de contrôle judiciaire ou
d'appel sur les qualifications et constatations déterminatives formulées dans les

Résolutions du Conseil de sécurité384 (1975) du 22 décembre 1975, et 389
(1976) du 22 avril 1976et aux Résolutionsde l'Assembléegénérale3485 (XXX)

du 12 décembre 1975,31/53 du ler décembre 1976,32134du 28 novembre 1977,
33/39 du 13décembre 1978,34/40 du 21 novembre 1979,35/27 du 11 novembre

1980,36/50 du 24 novembre 1981,et 37/30du 23 novembre 1982.

4.30 La Cour est évidemment appelée, dans la présenteinstance, àinterpréter

les Résolutions du Conseil de securitéet de l'Assembléegénéralesur le Timor
oriental et à se prononcer sur leur portée juridique, comme elle l'a fait par

exemple en ce qui concerne les Résolutions 2145 (XXI) ,347 (XXII) du 19
décembre 1967de l'Assembléegénérale205et ce, dans le cadre particulier de la

décolonisation. Mais, une fois qu'elle aura vérifié l'existence, dans ces
Résolutions, des qualifications et des constatations déterminatives auxquelles le

Portugal se réfère,il pense que la Cour devra les considérer comme une chose
réglée,c'est-à- dire, une question qui a étédéjà déterminéepar des organes

compétents.

La nature du Timor oriental comme territoire non-autonome et la qualité du

Portugal comme sa Puissance administrante seront, pour la Cour, des données
pré-établies dontelle doit cependant tirer des conséquences afin de décider sur

les Conclusions du demandeur. Une de ces conséquences estla non-opposabilité
d'un quelconque prétendu changement du statut de non-autonomie du Territoire

alors que restent en vigueur des déterminations des organes compétents des
Nations Unies selon lesquelles le peuple du territoire en question n'a pu encore

exercer son droit à disposer de lui-même.Une telle attitude s'inscrira dans le

204 ConskauencesiuridiquesDourles Etats de la orésencecontinue de I'Afriquedu Suden
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstantla R&olution 276 (1970) du Conseil de
-.Avis Consultatif,C.LJ.Recueil 1945,par.89.

205 Cons~auencesiuridiquespourles Etatsde la oresencecontinuede l'Afriquedu Sud en
Namibie. (Sud-Ouest africain) nonobstantlalution 276 (1970) du Conseil de
securit.6, Avis Consultatif, C.LJ. Recueil 1971, p.47, par.95; Certainàs terres
phosohalea Nauru(Nauruc.Australie),ExceotionsPrklimina. .LJ.Recueil26juin
1992,p. 16,par.30.droit fil de la coordination entre les compétences de décision des organes
principaux des Nations Unies: Assembléegénérale,Conseil de sécuritéet Cour

internationale de Justic-que la Charte a organisées206.

Section 3. Un prétendu changement du statut d'un territoire non-autonome
est inopposable tant que reste en vigueur la détermination des

organes com~étentsdes Nations Unies selon laquelle le peuple en
question ne s'administre pas encorecomplètement lui-même

4.31 Dans l'avis consultatif du 16 octobre 1975 sur le Sahara Occidental, la

Cour a citéle Principe VI1 de la Résolution1541 (XV), comprenant le passage
selon lequel "l'organisation des Nations Unies pourra, quand elle le jugera

nécessaire, contrôler l'application de ces méthodes", c'est-à-dire les"méthodes
démocratiques et largement diffusées"par lesquellesles populations procèdent à
~~207
"un choixlibre et volontaire .

C'est en effet aux organes compétentsdes Nations Unies qu'incombe le pouvoir
de contrôler les méthodes du libre choix de son avenir politique par le peuple

d'un territoire non-autonome. Et ce pouvoir en implique forcémentun autre pour
le cas où l'organe concerné contesterait l'aptitude de la méthode suivie dans un
cas particulier à satisfaire les exigences des Principes àIIX de la Résolution

1541 (XV). Ce pouvoir comprend celui de la constatation déterminative selon
laquelle un peuple est encore concernépar l'article 73 de la Charte des Nations

Unies, même si un ou plusieurs États prétendent que le processus
d'autodétermination a étéachevé.

4.32 Autrement dit, à la lumière du droit des Nations Unies, tel qu'ilrésultede

l'interprétation actuelle de la Charte et de la pratique, un Etat Membre ne peut
prétendre opposer un changement du statut d'un territoire quand les organes

compétents de l'organisation continuent de déterminer que son statut de non-
autonomie est toujours en vigueur. Depuis 1948,l'Assembléegénéraleconsidère

qu'un Etat Membre n'a pas de compétenceexclusivepour effectuer lui-même la
qualification et ce, mêmesous le prétexted'un changement de statut. En effet,

206
En cesens, voir McWhinney,JudicialSettlernentof InternationalDis~utes, Nijhoff,
Dordrecht,1991,p.146.
207
C.I.J.Recueil 1975,p.33, par.57.l'Assemblée a considéré, depuis sa troisième session, qu'elle avaitle droit de ne
pas accepter les changements de statut communiqués par les Etats qui

prétendaient, contrairement à l'avisde cet organe, que le devoir de fournir des
renseignements avait pris fin parce que le territoire avait atteint a "fullmeasure of
**208
self-government .

4.33 Le Portugal est heureux de constater que I'Australie adopte la position
selon laquelle la cessation du statut de non-autonomie d'un territoire dépendd'un

acte constitutif et exprèsdes organes compétents des Nations Unies. L'Australie
ne pouvait pas êtreplus claire quand elle affirme que "United Nations approval

of the processes (pour l'exercicedu droit d'autodétermination) will,however, be
necessary in every caseu209.A propos du processus de la libre manifestation de la
volontéd'un peuple son intégrationdans un Etat, l'Australie affirme également

que "it is the task of the competent United Nations organs, and especially the
General Assembly, ...to make the findingsof fact, the determinations .which are

to govern the particular situation"210. Il faut également soulignerque l'Australie
tire, de l'AvisConsultatif prononcédans l'Affaire duSahara Occidental, la leçon

que "the Court confirmed that the wayin whichthat right is to be exercised in the
particular case depends upon the directions givenby the United Nations General

Assembly **211.

4.34 L'Australie ne prétend pas (elle ne pourrait d'ailleurs lefaire étantdonné
l'absence totale de fondements à une telle assertion) que les organes compétents

des Nations Unies aient approuvé un processus d'autodétermination dont le
dénouement aurait étél'intégrationdu Timor oriental dans l'Indonésie. Elle

soutient simplement - et à tort, comme on l'a déjà vu212 - que l'Assemblée
généralea cesséde rejeter ("reject") I'intégration.Cependant, puisque I'Australie

reconnaît que,

"United Nations approval of the processes will...be necessary in
every case"

208
R&olution222(III)denovembre1948,Annexe11.31R , eplique,volIIIp. 121.
209
Contre-memoire deI'Australie,. 143,par.318.
210
Contre-mkmoird eeI'Australie,.143,par.318.
211
Contre-memoire deI'Australie,. 144,par.319.

212 par.4.13et4.15.et que

"it is the task of the competent United Nations organs, and
especially the General Assembly, to set the specific policies, to
make the findings of fact, the determinations and ,,2ltjie
recommendations which areto governthe particular situation ,

elle est, par conséquent,la première àdémontrerqu'elle ne peut pas opposer au
Portugal le moindre changement de statut du Timor oriental comme territoire

non-autonome.

4.35 Le Portugal ajoute, pour sa part que: (i) les organes compétents des
Nations Unies, et l'Australie elle-même,n'ont pas considérécomme valable la

méthodesuivie, en 1976,par l'Indonésiepour tenter de justifier par un simulacre
d'exercice du droit à l'autodétermination l'annexion du Timor oriental; et

(ii) l'Assemblée générale a constaté de manière déterminative, après ce
simulacre, que le peuple du Timor oriental n'avait pas encore exercé son droit à

disposer de lui-même.

4.36 Après avoir envahi le Territoire le 7 décembre 1975,l'Indonésiea mis en
fonctions, à Dili, un "gouvernement provisoire", le 17 du mêmemois. En mai

1976, alors qu'une intense lutte arméese poursuivait à l'intérieur duTerritoire
contre les envahisseurs, le "gouvernement provisoire" a fait réunir à Dili une

"assemblée populaire régionale"composée de 37 personnes. 27 d'entre elles

venaient d'"assembléesde district", "élues" le24 mai, en dehors de la présence
d'un quelconque observateur. Les 10autres membres de l'"assembléepopulaire

régionale"ont éténomméspar le "chef du gouvernement provisoire". Le 31 mai
1976, cette "assemblée"a approuvé à l'unanimité unepétition d'intégration du

Timor oriental àl'Indonésie.Bien que cette dernière luiait demandéde faire acte
de présence à cette occasion, le Comitédes 24 a déclinél'invitation214.Des Etats

invitésà envoyer des observateurs à la réuniondu 31 mai, seulement sept ont
accepté. Parmi ceux qui ont décliné l'invitation, figure- ce qui est tout à son

honneur et en bon droit -l'Australie.

-

213 Contre-mkmoiredeI'Australi, . 143,par.318.

214 Annexe1.9,Rkplique,volIIp.66.Confronté à un manque total de crédibilitéde cette manifestation aux niveaux

interne et international, le Gouvernement indonésiena envoyésur le Territoire
une mission "chargée d'enquêter" sul r'authenticitéde la volonté d'intégrationde

la population. Invitésà êtreprésentslors de cette démarche, qui devait avoir lieu
à partir du 24juin 1976,le Secrétairegénéral,le Conseil de sécuritéet le Comité

des 24 refusèrent les invitations215. Comme le Portugal et la Communauté
internationale s'yattendaient, la "missiond'enquête"indonésienneprésenta àson

gouvernement un rapport favorable à l'intégration et celle-ci fut alors
"proclamée"sur cesbases par une loiindonésienne du 17juillet 1976.

4.37 L'Australie ne peut donc pas nier que les organes compétentsdes Nations
Unies n'ont faitaucune détermination de la méthodeà suivre par l'Indonésieni

n'ont approuvéles procéduresque cette dernière a suivi. Le Portugal note que les
conditions que l'Australie elle-même considèreindispensables à l'exercice du

droit àl'autodétermination216ne sont donc pas remplies.

4.38 Le Portugal rappelle qu'il a aussi mis en évidence que le refus de la
présencele 31 mai 1976à Dilidu Comité des24,et, àcompter du 24juin 1976,du

Secrétaire généraldes Nations Unies et du Conseil de sécurité manifestaitle rejet
des méthodes qui avaient étéemployéespar l'Indonésieet par le "gouvernement

provisoire".

4.39 Enfin, les résolutionsde l'Assembléegénérale postérieures à juillet 1976

impliquent clairement -comme le Portugal l'a déjàexposé217 -une constatation
déterminative selon laquelle le peuple du Timor oriental n'a pas encore eu la

possibilité d'exercer librement son droit à l'autodétermination. II est évident
qu'en le faisant l'Assembléegénéraledétermina égalementque ce peuple n'a pas

exercé ce droit parce que les méthodes utiliséesen 1976 étaient loin d'être
appropriées ou correctes. La constatation déterminative de chacun de ces deux

aspects de la situation est absolument indissociable l'unde l'autre. Mais le rejet

215 Pour les invitations,voir Annexe 1.2, Replique, vol.II, p.3; prepense s,ir
Annexe 1.6, Replique, vol.p;,34, Annexe 1.9, Replique,vol. II66,Annexe L2,
Replique,volII,p.3. Pourla reponsedu Présidet u Conseilde skcuri,oirAnnexe
LI,Replique,volII ,. 1.

216 Contre-memoirede t'Australie,p. 143-144,par.318-319et p.par.66-67.

217 Suora par.4.14.du processus effectué en 1976 n'est pas seulement implicite. En effet, par ses
Résolutions 31/53 du ler décembre 1976 et 32/34 du 28 novembre 1977,

l'Assembléegénéralea procédéàla déterminationsuivante:

"Reiette l'allégation selon laquelle leTimor oriental a étéintégrà
l'Indonésie,dans la mesure où la population du Territoire n'a pas
été enmesure d'exe librement son droità l'autodétermination
et àl'indépendance lf5l.

4.40 Pour les raisons également déjà le maintien de la situation

juridique de la non autodétermination du peuple du Timor oriental, c'est-à-dire
de la non modification du statut du Territoire est res decisa. En vertu d'une

compétence spécifiqueen matière de décolonisation,au titre du chapitre XI de la
Charte, l'existence de qualifications ou constatations déterminatives de

l'Assembléegénérale rendentcertaines et incontestables les situations qui en ont
fait l'objet.

La Cour n'est pas appelée à connaître d'une quelconque réclamation de

changement du statut de territoire non-autonome du Timor oriental. S'agissant
d'une question de décolonisation,la Cour pourra se référeraux déterminations
de l'Assembléegénéraleselon lesquelles rien n'a misun terme à la nature non-

autonome de ce territoire. Ceci devrait lui suffire pour partir du principe que le
Timor oriental est toujours un territoire non-autonome dont le Portugal est la

Puissance administrante. Cette qualitédu Portugal est, à son tour, un élémentdu
statut du territoire dont le non changement est l'objet d'une qualification

déterminative de l'Assembléegénérale, faitedans un ensemble de résolutions qui
sont toujours en vigueur puisque l'Assembléene les a ni modifiéesni révoquées.

Les constatations ou qualifications déterminatives des organes des Nations Unies

relativement à la question du Timor oriental ne permettent pas à l'Australie
d'opposer au Portugal, devant la Cour, une quelconque situationjuridique qui ne

leur soit pas conforme.

218
MemoireduPortugal,Annexes1.4et 1.5volII,p.6et8.

219 w, par.4.0.5-4.08.Section4. Le Portugal n'a iamais renonce B la qualité de Puissance
administrante duTimororiental

A. Considérations~dliminaires

4.41 Même si le Portugal avait voulu renoncer à sa qualité de Puissance
administrante, il semble tout au moins fort douteux qu'il eût pu le faire

valablement.

4.42 Comme on le sait, pendant quelques années avant 1'UDI (Unilatéral
Declaration of Independence) de la Rhodésie du sud, le Royaume-Uni avait

soutenu la thèse selon laquelle l'avènementde l'autonomie interne complète du
territoire avait mis fin qualitéde puissance administrante.

4.43 Mais cette position n'a pas étéacceptée par l'Assembléegénéraledes

Nations Unies, laquelle a maintenu la qualification déterminative de cet Etat en
tant que puissance administrante.

4.44 Le cours des événementsen Rhodésie dusud aprèsI'UDI a démontréque
le maintien de la qualité de puissance administrante même contre de

1'Etatreconnu à ce titre par les Nations Unies est très important pour la garantie
de la réalisation du droit à l'autodétermination par le peuple du territoire en

cause.

4.45 Cependant, le fait est que non seulement le Portugal n'ajamais prétendu
renoncer à sa qualitéde Puissance administrante du Timor oriental mais encore

ses comportements ne pourraient, à la lumière des circonstances, jamais être
interprétéscomme une renonciation.

B. Les com~ortementsde la Puissance administrante

4.46 L'analyse des comportements du Portugal entre août et décembre 1975
démontre l'inanité de la thèse de l'Australie selon laquelle le transfert de

l'Administration portugaise sur l'île (timoréenne) d'Atauro en août1975, son

220 Le Royaume-Unichangerad'avisaprb larebellion."inaction"pendant qu'elle y est restée,son départde cette île le lendemain de

l'intervention indonésienneen décembre1975~~'et le fait qu'ellen'aurait fait
aucune tentative pour prévenirou repousser cette intervention militaire auraient

constitué un "clear abandonment by Portugal of its responsabilities as
administeringPower" 222 .

4.47 Le comportement du Portugal dans sa capacité de Puissance

administrante est décritde façon détaillée dansle Mémoireportugais223 et dans
un autre passage de la présente ~é~li~ue~~~I.I ne correspond en rien aux

affirmationsde l'Australie.Ilfaut seulement rappeler icique:

(i) l'Australie reprend à ce propos l'attitude déconcertante qui

consiste à prendre maintenant une attitude contraire à celle qu'elle avait prise à
la date des événements;

l'Australie devrait êtrela première à savoir que le transfert de
(ii)
l'administration portugaisede Dili sur I'îled'Atauro, située surle Territoire du
Timor oriental, a représenté, compte tenu des circonstances,la meilleure garantie

de continuer à la faire fonctionner:

(iii) l'Australie oublie qu'elle a refusé,durant cette phase critique, de

fournir diverses formes d'appui quiauraient donné à l'administration portugaise
de meilleures conditions pourmener à bout le processusd'autodétermination;

(iv) l'Australie est loin d'avoir faittout ce qui lui aurait étépossible,

sans risquer sa propre sécurité, pourconvaincreles dirigeants indonésiensde ne
pas perpétrerun acte d'agressioncontre leTimor oriental.

4.48 Le Portugal insiste sur le fait que l'accusationde "clair abandon de ses

responsabilitéscomme puissanceadministrante"(au deuxièmesemestre de 1975)
qui lui est à présent lancée par l'Australie, ne correspond absolument pas à

221 L'invasiondu7 dkcembre1975avaitkt6prkckdkde l'intewentionde troupesde I'armke
indonésiennefravestieen "volontaires".

222 Contre-memoirede l'Australie,p. 19,par.41.

223 MkmoireduPortugal,p. 14-27,par.1.21-1.43.

224 Voir-, par.3.19-3.39.l'approbation par le délégué australien à la Quatrième Commission de
l'Assembléegénéraledes Nations Unies, le 3 décembre 1975,d'une proposition

de résolutiondans laquelle ilest pris acte

"de l'attitude positive de la Puissance administrante, laquelle
n'épargne aucun effort pour trouver une solution par des voies
pacifiques au moyen d'entretiens entre le Gouvernement portugais
et les pa 9g5 politiques représentant le peuple du Timor
portugais..." .

4.49 Comme on l'adéjà vu, l'assertion de l'Australie, selon laquelle le Portugal

serait resté inactif en tant que Puissance administrante depuis l'invasiondu Timor
oriental jusqu'à 1980,est elle aussi tout à fait démentie par de nombreux faits
226
décritset documentésau Mémoireet àla présente Réplique .

C. La aualité de Puissance administrante dans la Constitution
portugaise actuelle

4.50 Les efforts de l'Australie pour tirer de la Constitution portugaise de 1976

la conclusion selon laquelle l'approbation de l'actuelle loi fondamentale aurait
modifié,sur le plan du droit interne, la position du Portugal vis-à-visdu Territoire

du Timor oriental sont vains.

4.51 Comme on le sait, la Constitution portugaise de 1933 considérait les

colonies portugaises comme étant partie intégrante du territoire dc I'Etat
portugais.Le régimepolitique renverséen avril 1974a toujours déduitde ce texte

constitutionnel la conclusion selon laquelle ces territoires ne pouvaient pas être
qualifiés de non-autonomes. En conséquence de cela, le Portugal a été en

désaccordavec les Nations Unies pendant prèsde vingtans.

Les autorités issues de la Révolutiondémocratique de 1974 ont vite cherché à
aligner la position internationale et interne du Portugal avec la reconnaissance du

principe de l'autodétermination tel qu'ilest appliqué par les Nations UniesA la
lumière de ce principe, il fallait reconnaître l'"altéritéudes territoires non-

225 Mkmoire duPortugalAnnexe 11.20, ol.p.116.

2Z6 VoirW. par3.40-3.46.européens par rapport à celui de I'Etat administrant, c'est-à-dire le caractère

"séparéet distinct" de ces territoires, fondement du statut de sujet de droit
international de leurs peuples227 .

4.52 La reconnaissance de l'"altéritéd"es territoires coloniaux du Portugal a été
effectuéepar la loi constitutionnelle 7/74du 27juillet 1974.L'article ler de cette

loi affirme la reconnaissance par le Portugal du droit à l'autodétermination.
L'article 2,àson tour, affirme que:

"La reconnaissance du droit à l'autodétermination, avectoutes ses
conséquences, comprend l'acceptation de l'indépendance des
territoires d'outre-mer et la dérogationà la partie22grrespondante
de l'article ler de la Constitution Politique de 1933 .

Cet article ler de la Constitution de 1933étaitcelui qui définissaitles colonies,

dont le Timor oriental, comme "Territoire national".L'effetde cette loia donc été
que les colonies ont cessé de faire partie du 'Territoire national" et que les

pouvoirs du Portugal sur ces territoires étaient désormais conçus comme des
pouvoirs d'administration au sens de l'article73de la Chartedes Nations Unies.

4.53
L'article lerde la loiconstitutionnelle 7/75du 17juillet 1975,consacréeau
Timor oriental, a réaffirmé,quant à ce territoire, la dérogationde l'article ler de
la Constitution de 1933,soulignant ainsi son "altérité"par rapport au territoire de

I'Etat portugais. Et l'article ler de cette loi reconnaît la souveraineté du peuple
du Timor oriental, qui devrait êtreexercée pourla définitionde l'avenir politique

du territoire par l'Assembléepopulaire représentative,

"laquelle sera constituéepar électiondirecte, secrète et universelle,
dans un respect total des principes inscrits dans la Déclaration
Universelle des Droits de l'Hommeu(article 2).

L'article 5, paragraphe 1, de la loi 7/75 prévoyaitégalementque de la définition

du statut du territoire devrait résulter, le troisième dimanche d'octobre 1978,la
cessation de "toutes prérogatives de souveraineté et d'administration de la
,,229
République Portugaise sur ce territoire .

227
MohammedBedjaoui,Commentaire A l'article73 de la Chartedes Nations Unies, in
Jean-PierreCotIAlainPellet,La Chartedes NationsUnies, 26meedition, Emnomica,
Paris,199p. 1082.
228
MkmoireduPortugal,Annexe11.6,vol.II,p.35.
229
MemoireduPortugal,Annexe11.13,vol.II,p.96-97.4.54 On constate donc que, sans préjudicepour la reconnaissance immédiate

de l'*'altéritdu territoire du Timor oriental et de la souverainete de son peuple
pour définir librement son avenir politique, le Portugal s'est réservé sespropres

prérogatives de souverainetéet d'administration. 11s'agit évidemment de toutes
les prérogatives qui accompagnent, d'une manière générale,l'exercice de la

juridiction des Etats sur les territoires qui leur appartiennent pleinement, à la
seule exception des prérogatives quine soient pas compatibles avec le statut de

droit international des territoires non-autonomes. Ces prérogatives seraient
temporaires de par leur nature, puisqu'elles prendraient fin au terme du

processus de décolonisation.Cependant ce processus n'a pas atteint son terme à
la date prévuepour des raisons indépendantes de la volontédu Portugal. 11faut

donc entendre que le Portugal maintient, a, sur le Timor oriental, tous les
pouvoirs propres àlajuridiction d'un Etat sur l'unquelconque de ses territoiràs,

condition qu'ils ne soient pas incompatibles avec l'"altérdu Timor oriental et
avec le droitàl'autodétermination du peuple timoréen.

4.55 Le maintien de ces prérogatives n'a absolument pas étédémenti ou

révoquépar le paragraphe 1 de l'article que la Constitution portugaise de 1976
consacre au Timor oriental230. Cette disposition a eu, initialement, la rédaction
suivante:

"Le Portugal reste liépar les responsabilités qui Iui incombent,
conformément au droit international, de promouvoir et de garantir
le droit àl'indépendancedu Timor oriental".

Après la révisionconstitutionnelle de 1989,ce paragraphe, qui est inséré dansun
article portant maintenant le numéro293,a pris la rédactionsuivante:

"Le Portugal reste liépar les responsabilités qui lui incombent,
conformément au droit international, de promouvoir et de garantir
le droit à l'autodétermination et à i'indépendance du Timor
oriental".

230 L'articaed'abordportéle numé307,ensuite 297aprkslarévisconstitutionnellede
1982, puisle numér293 aprèsla revisionde 1989.Voir Memoiredu Portugal,p. 162-
163,par.6.03.Les responsabilités, découlant pour le Portugal du droit international, de

promouvoir et de garantir le droit à l'autodétermination et à l'indépendance du
Timor oriental sont, évidemment, ses responsabilités en tant que Puissance

administrante. Les Etats en général ontle devoir de favoriser la réalisation du
principe de l'égalité des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes

conformément aux dispositions de la Charte et d'aider l'organisation des Nations

Unies à s'acquitter des responsabilitésque lui a conféréesla Charte en ce qui
concerne l'application de ce principe231. Mais le devoir non seulement de

promouvoir mais aussi de garantir le droit à l'autodétermination d'un certain
peuple revient, outre à l'organisation des Nations Unies, à I'Etat auquel

incombent les fonctions de Puissance administrante.

C'esten effet cette qualitéque le Portugal confirme au paragraphe ler de l'actuel

article 293de la Constitution de 1976de la République portugaise;qualité dont le
texte constitutionnel ne prétend pas qu'elle soit une situation nouvelle pour le

Portugal mais, au contraire, la poursuite de la situation existant avant cette
Constitution: "Le Portugal reste lié ..."c'est-à-dire "continue d'être lié" (en

portugais, "continua vinculado").

4.56 Il estdonc indiscutable que, contrairement àce que 1'Australiesoutient, la
Constitution de 1976 considère toujours le territoire du Timor oriental sous

administration portugaise. Le Contre-mémoirede l'Australie commet une erreur

de droit quant il affirme que "[slince 1976, Timor has not been regarded by
Portuguese domestic lawas a territory of ~ortu~al"~~~S . i elleveut prétendreque

c'est laConstitution de 1976qui a reconnu l'"altéritéd"u territoire, il s'agitd'une
erreur car cette reconnaissance avait étéfaite pour la première fois par la loi

constitutionnelle 7/74 du 27juillet 1974et renouvelée spécialementpour le Timor
oriental par la loiconstitutionnelle 7/75du 17juillet 1975~~~.

231 Dkclaration relativeauxprincipesdudroit international touchanltes relations amicales
et la coopération entreles Etats, conformemenà la Chane des Nations Unies,
approuvbepar la Résolution2625 (XXV) de I'Assemblkegbnérale,Section sur le
principedeI'égalidesdroitsdes peupleset deleurdràdisposerd'eux-mbrnes.

232 Contre-mkmoirede l'Australie,p.21,par.45et aussip. 110,par.237.

233 Memoiredu Portugal,Annexe 11.,ol. II,p.33et Annexe11.13,vIIp.88Mais si, par cette assertion, l'Australie prétend que lePortugal a renoncé au

Territoire du Timor oriental, en tant que titre de sa compétence,au moment où il
a reconnu que celui-ci n'était pluspartie intégrante du territoire portugais,

l'Australie commet une nouvelle et double erreur. Tout d'abord, I'Australie
oublie que les Etats exercent des droits souverains et la juridiction fonctionnelle

aussi surdes espaces qui ne sont pas incorporés auterritoire étatique. C'est le cas,
notamment, des territoires non-autonome~~~~. Ensuite, l'Australie semble

ignorer que la nature non-autonome d'un territoire oblige précisément la
puissance qui l'administre à respecter le statut "séparéet distinct" de ce

territoire35 .

SectionS. Les compétences du Portueal en sa qualité de Puissance

administrante ontuncaractère eénéral

4.57 Comme l'a déjà observéle Portugal, le peuple d'un territoire non-
autonome est un sujet de droit, distinct de 1'Etat administrant, possédant la

souveraineté nationale mais n'en ayant pas l'exercice.Le pouvoir de la puissance
administrante est donc un pouvoir limitépar la souveraineté de ce peuple 236 .

Mais, contrairement à ce que prétend l'Australie, le caractère fonctionnellement
limité des pouvoirs d'une puissance administrante ne signifie point que la

définitionde ces pouvoirs ne se fasse point sur la base d'une clause générale.

La coutume internationale -formée parla pratique de l'organisation des Nations

Unies et de ses Membres et exprimée dans des instruments comme les
Résolutionsde l'Assembléegénérale1514(XV) du 14décembre 1960,1541 (XV)

du 15décembre 1960et 2625(XXV) du 24octobre 1970 -exige qu'à court terme
il ait étémis fin à toutes les situations coloniales au moyen d'un processus par

lequel les peuples concernésauront pu choisir leur statut international. C'est à
raison d'une telle exigence qu'ilest possible de considérer que,dans les situations

exceptionnelles ou le droit d'autodétermination d'unpeuple d'un territoire régi

234 NguyenQuoc Dinh-Daillier-Pellet,Droit International Pub3,&meedition, L.G.D.J.,
Paris,1987, p.434et 442.

235 Declarationrelativeauxprincipes du droit international toet relations amicales
et la coopkration entre les Etats, conformkmentà la Charte des Nations Unies,
approuveeparla R&olution2625 (XXV) de I'Assembl6gknerale,Sectio"Le principe
de I'kgalidesdroitsdes peupleset deleur dàodisposerd'eux-memes"p,ar.6.

236 Mkmoiredu Portugal,p. 148-149,par.5.41.par le chapitre XI de la Charte des Nations Unies n'a pas encore étéexercé,la
puissance administrante bénéficiee,n quelque sorte, d'une délégationde pouvoirs

des Nations Unies.

Cette délégationde pouvoirs signifie la reconnaissance de la légitimitéde
l'exercicedes pouvoirs d'administration. Ellene peut pas êtreentendue dans le

sens où elle priverait la puissance administrante des compétencesoriginaires et
propres dont elle disposaitet continue pour le moment à disposer sur le territoire

dont elle a l'administration.Les compétencesdu Portugal existentpar définition
et sont celles dont il disposait depuis plusieurs siècles.Elles ont étéréduites

seulement par la caducitéou la limitation de tous les droits et pouvoirs qui
n'étaientplus compatibles, totalement ou partiellement, avecle caractère "séparé

et distinct" du Territoire du Timor oriental et avec le droit de son peuple à
l'autodétermination.Ces compétencesn'ont pas étécréées parune quelconque

attribution ponctuelle et spécifiqueet jamais il n'aurait éténécessairequ'elles ie
fussent.

4.58 Selon une thèse de l'Australie,que l'on pourrait qualifier d'originale,les

pouvoirs du Portugal en sa qualitéde Puissanceadministrante du Timor oriental
dépendraient entièrement des autorisations qui lui auraient été,au coup par

coup, accordées par les Nations Unies. Le Portugal serait ainsi une puissance
administrante seulement à des fins spécifiques.Il n'aurait,vis-à-visdu Territoire,

aucune autorité en plus de celle qui lui serait reconnue dans les Résolutions du
Conseil de sécuritéet de l'Assembléegénérale.Comme aucune autorisation

particulière ne lui aurait étéaccordée pouragir en représentation et pour le
compte du peuple du Timor oriental, la décisiond'introduirela présenteinstance

dépasseraitson "rôle limité"237L . 'Australiese trompe tant sur la source que sur
la portée despouvoirsdes puissancesadministrantesen générae lt du Portugal en

particulier.

4.59 En effet, les organes compétents des Nations Unies - et tout
particulièrement l'Assembléegénérale - procèdent, sous le chapitre XI de la

Charte, à la qualification déterminative de certains territoires comme non-
autonomes. En conséquence, ils identifient en mêmetemps leur puissance

administrante. Mais cesdéterminations ne sontpas constitutivesau sens de créer

237 Contre-mkmoirede I'Austraip.,112-117par243-254.ex novo les situations déterminées:au contraire elles se limiàeconstater des
situations pré-existantes, mêmesi elles ont l'effet de les rendre certaines et

incontestab les^^aton.s Unies qualifient un certain Etat comme puissance
administrante après l'examen de la situation concrète du territoire et de la

position de cet Etat par rapport ce territoire. Mais les pouvoirs propres de la
puissance administrante ne lui sont pas conféréspar les Nations Unies: ils sont

inhérentsà la qualitéde puissance administrante.

4.60 Ainsi, les compétencesdu Portugal sur le territoire du Timor oriental sont

originaires et propres. Elles ne lui ont pas étéattribuéesex novo par les Nations

Les normes du droit de la décolonisation qui régistur le plan international ses

compétences sont généraleset abstraites. Elles résultentde la Charte des Nations
Unies, interprétéeà la lumière de la pratique de l'organisation et de ses Etats

Membres et de la coutume internationale formée par cette pratique et
répertoriéedans d'importantes Résolutionsde l'Assembléegénérale,comme les

Résolutions 1514 (XV) du 14décembre 1960, 1541(XV) du 15décembre 1960,
1803(XVII) du 14décembre 1962et 2625(XXV) du 24octobre 1970.

Par conséquent, l'Australie ne peut pas prétendre que chaque puissance
administrante possède un statutad dans lequel les pouvoirs sont seulement

ceux qui lui auront étéconférésponctuellement par les Nations UnieLa réalité
est toute autre: les puissances administrantes possèdent, en général,sur les

territoires non-autonomes qu'elles administrent, toutes les compétences propres
au Etats avec les seules limitations découlant des normes du droit de la

décolonisation qui imposent la nature "séparéeet distincte" du territoire, le
respect de la souveraineté des peuples respectifs sur la détermination de leur

futur statut de droit international et qui confèrent, aussi, des compétences
propres aux organes des Nations Unies en matièrede décolonisation.

238 Mkmoiredu Portugal.p. 187-188,par.6.56-6.57,w,ir apar.4.11.

239 La Cour a reconnu,dans l'Affaire duSahara Occidental, que I'applicabilitkdu
chapitreXdela ChartedesNationsUniesn'affectepasles titrester. oir&&uxV
Consultatif, C.1.J Recueil 1975, p.27-28, par.43. Voir aussi James Crawford,
Creationof Statesin InternationalLaw,Clarendon Press1,979,p.364, Thürer,
DasSelbstbestimmunesrecrerVOlke, tam~fli,Berne, 1, . 76-77.Parmi les compétences des Etats administrants - qui restent des compétences
originaires bien qu'elles soientl'objetde limitation, surtout d'ordre téléologiqu-

figurent sans aucun doute le jus tractum et le droit de recourir aux moyens
juridictionnels de règlement des différends internationaux. Ces droits sont

compris dans la capacitéjuridique internationale de tous les Etats qui sont sujets.
de droit international. Leur exercice par rapport aux territoires non-autonomes

peut êtrecontrôlé par les Nations Unies mais n'est pas basésur une attribution
ou surdes délégationsspécifiquesde pouvoirs par l'organisation.

4.61 L'Australie allègue également, comme fondement de la restriction de la

titularité du Portugal aux seuls pouvoirs qui lui auraient étéexpressément
conférés,que l'Assembléegénérale aurait retiré au Portugal,en 1973, tous les

pouvoirs générauxde représenter ses différents territoires d'o~tre-rner'~~. II y a
là clairement une confusion entre deux questions distinctes. Qu'un Etat ait la

qualité de puissance administrante en vertu du droit international tel que
déterminé par une qualification de l'Assemblée générale est une chose.

Laltérité" du territoire administréen est une autre. Avant le 25 avril 1974, le
Portugal ne reconnaissait pas l'"altéritéde ses territoires d'outre-mer et, pour

cette raison, se présentait devant les Nations Unies comme un Etat unitaire
englobant ces autres territoires dans le territoire portugais, au même titreque le

territoire européen. Et c'estcette prétention quela Résolution 3181(XXVIII)du
17décembre 1973a rejetée241,

Par ailleurs, on notera que cette résolutionse référait uniquementaux territoires

d'Angola, du Mozambique et de Guinée-Bissauet non pas au Timor oriental.
Parmi ces trois territoires, seule la Guinée-Bissaun'a pas étéadmise comme un

territoire sous administration portugaise car les Nations Unies considéraient
qu'elle était déjà un Etat indépendant. La Résolution 3113 (XXVIII) du

12décembre 1973~~~ne fait aucune référence particulièreau Timor oriental ni
ne contient aucune disposition générique permettant de conclure que

l'Assemblée généraleait voulu retirer au Portugal sa qualité de Puissance
administrante de ce territoire.

240 Contre-memoirede l'Australie,p. 112,par.244.

241 Annexe 11.32,Replique,vol. p.123.

242 Annexe 11.33,Replique,vol.1,.124.4.62 Quoiqu'il en soit, il convient de rappeler que l'Assembléegénéralea traité
expressément le Portugal de "Puissance administrante" des "territoires sous

domination portugaise" dans sa Résolution 3294 (XXIX) du 13décembre
1974~~~.Mêmesi aux dires de l'Australie, les Nations Unies avaient retiré au

Portugal sa qualité de Puissance administrante du Timor oriental en 1973, cette
qualitéaurait étérétabliepar la Résolution3294(XXIX) du 13décembre 1974et

non par la Résolution 3485 (XXX) du 12 décembre 1975 comme le soutient
l'Australie. S'ilsubsistait le moindre doute sur la portée des deux résolutionsde

1973,la Résolution3294 (XXIX) du 13décembre 1974suffit àdémontrerque les
Nations Unies considéraient le Portugal comme la Puissance administrante du

Timor oriental lorsqu'à la date du 7décembre 1975,ce territoire a étéenvahi. Ce
ne sont pas les Résolutionsadoptées après cet événementqui auraient rendu au

Portugal cette qualité.

4.63 L'Australie n'est pas plus heureuse quand elle prétend utiliser la

comparaison avec le cas de la Rhodésie du sud pour conclure que, dans ce
dernier, les Nations Unies auraient accordé au Royaume-Uni les pouvoirs

correspondant aux différentesinitiativesque ce pays a menéesàbien, tandis que
le Portugal n'aurait pas été autorisé à prendre 1"'extraneous initiative"

d'introduire la présenteinstance4 .

4.64 Dans les résolutions citéeà ce propos par l'Australie (toutes du Conseil
de sécurité),le seul cas où la puissance administrante a effectivement reçu des

pouvoirs des Nations Unies (c'est-à-diredes pouvoirs dont elle n'étaitpas titulaire
avant la résolution) s'est produit quand, par la Résoluti221 (1966) du 9 avril

1966, le Royaume-Uni a étéinvesti des pouvoirs ("empowers the United
Kingdom") de saisir et retenir ("to arrest and detain") le pétrolier Joanna V, lors

de son départ du port de Beira, si son chargement de pétrole y avait été
débarqué. Le Conseil de sécuritéavait décrétédes mesures coercitives en vertu

de l'article 41 de la Charte et, pour des raisons particulières, il a eu besoin de
l'assistance d'un Etat Membre pour son application à une situation bien précise.

Il s'est donc agi ici de l'usage de la compétence conféréeau Conseil par
l'article8, paragraphe 1, de la Charte. Le Conseil a choisi à cet effet le

243 Mkmoiredu Portugal, Annexe11.8,vII,p.41, premieret troisièmeparagraphes du
preambule.

244 Contre-mkmoirde l'Australie,p. 114-116,par.250-252.Royaume-Uni, comme il aurait pu avoir chargé de l'action envisagée un
quelconque autre Etat Membre. Il ne s'est donc pas agi dhttribuer une

compétence à la puissance administrante en tant que puissance administrante.

Quant aux autres passages des résolutions citépar l'Australie, on n'ytrouve que
des déterminations de conduites à poursuivre par la puissance administrante en

cette qualité: mettre fin à la rébellion, convoquer aussitôt que possible une
conférenceconstitutionnelle, prendre les mesures nécessairespour permettre au

peuple du Zimbabwe le plein et libre exercice de son droàtl'autodétermination
et à l'indépendance. Ces décisions correspondent simplement au type de

déterminations à caractère d'injonction qui fait partie des compétences des
organes politiques des Nations Unies de, comme le reconnaît i'Australie, en citant
le Juge Petrén "determining the methods to be adopted for the decolonization of

the territory in accordancewith the principles of resolution 15(xv)~~' .lles

n'ont pas conféréde nouveaux pouvoirs.

4.65 Quand elle soutient la thèse selon laquelle les puissances administrantes

de ne possèderaient en cette qualitéque lespouvoirs spécifiqueset ponctuels
qui leur sont conféréspar les résolutions des organes politiques des Nations

Unies et qu'elle prétend se servir de la comparaison entre les cas de la Rhodésie
du sud et du Timor oriental pour appuyer une telle assertion, l'Australie commet

plusieurs erreurs.

Premièrement, il n'est pas exact qu'en perdant le contrôle de facto du territoire,
1'Etat que les Nations Unies continuent de qualifier comme puissance

administrante perde en même tempsses compétencesinitiales attachées à cette
qualité.

Deuxièmement, il ne faut pas confondre la détermination,par les Nations Unies,

de l'adoption de certaines conduites avec une attribution ou délégation de
pouvoirs àla puissance administrante.

245
Opinion individueleuJugePetrendansl'AffaireduSaharaOccidental,cit6edansle
Contre-memoirdeel'Australie,44,par.320.Troisièmement, accepter que les Nations Unies aient la compétence de
déterminer les conduites de la puissance administrante en cette qualité est une

chose; en conclure qu'aucune conduite de la puissance administrante n'estvalable
si elle ne se base pas sur une détermination spécifiquepar les organes politiques

des Nations Unies en est une autre.

Enfin, il est illégitimede tirer de l'assertion (qui est exacte) selon laquelle les
modes de vérificationde la volonté libreet authentique du peuple du territoire

non-autonome quant à son futur statut devront recevoir l'accord des Nations
Unies, la conclusion (qui, elle, est fausse) selon laquelle tous les aspects de

l'administration des intérêtsdu territoire nécessiteraient l'autorisation expresse
de l'Assembléegénéraleou du Conseil de sécurité.

4.66 Comme on I'a déjàvu, la qualification déterminative d'un Etat comme

puissance administrante énonce, avec ses effetsd'opposabilité,une situation, elle
ne la créépas ex novo. Par conséquent, lorsque la détermination a lieu après

l'événement qui aentraîné la perte du contrôle de facto du territoire, elle
constate simplement qu'une qualitéjuridique antérieure s'est maintenue malgré

cet événement.On ne voit donc aucune raison - et l'Australie n'en invoque
aucune - pour que la compétence des puissances adrninistrantes de jure soit

entièrement dépendantes d'une attribution ou d'une délégation spécifiquede
pouvoirs par les Nations Unies.

4.67 En exigeant du Royaume-Uni qu'ilmette en place un certain nombre de

mesures conformément aux objectifs de l'organisation, les Nations Unies l'ont
traité comme la puissance administrante de la Rhodésie du sud, dont les

obligations n'avaient pas été abolies par l'acte illégal: I'UDI (Unilateral
Declaration of ~nde~endence)~~~. Donc, contrairement à ce qu'affirme

l'Australie, le Conseil de sécuritén'est jamais parti du principe que, puisque le
Royaume-Uni n'étaitune puissance administrante que de iure, il aurait été pnvé

de ses compétences antérieures et ne disposerait plus que de celles qui lui
seraient conféréesponctuellement et spécifiquementaprèsI'UDI 247 .

246
Gowlland-Debbas, CollectivResponsesto IllegalActs in InternationalLaw, Nijhoff,
Dordrecht,1990,p.327.
24'
Commei'kcritGowlland-Debbas" , Afterthe UDI, the UN continuedto urgethe United
Kingdomto carryoutitsprimaryresponsibilasAdministeringPower", ., p. 173.4.68 Dans le cas de la Rhodésiedu sud comme dans celui du Timor oriental, les
puissances administrantes ont reçuà plusieurs reprises des injonctions d'exercer

d'une certaine manière, et dans certaines circonstances, leurs compétences
originaires et propres. Ni le Royaume-Uni ni le Portugal n'ont reçu, en tant que

puissances administrantes, aprèsI'UDIet l'invasionindonésienne respectivement,
de nouvelles compétences, et encore moins des compétences qui, en étant

ponctuelles, seraient uniquement celles-là.

Des injonctions comme celle de "take al1effective measures ta bring about the

conditions necessary to enable the people of Zimbabwe ta exercise freely and
fullytheir right to self-determination and independence" (Résolution 378 (1973)

du 10mars 1973 du Conseil de sécurité)ou celle de "invite la Puissance
administrante à poursuivre ses efforts en vue d'assurer que le peuple du Timor

oriental exerce comme il convient son droit à l'autodétermination et à
l'indépendance conformément à la Résolution 1514 (XV) de l'Assemblée

générale"(Résolution 36/50 du 24novembre 1981de l'Assembléegénérale) ont
étéadresséesrespectivement au Royaume-Uni et au Portugal parce qu'ilsétaient

les détenteurs des compétences nécessaires à leur exécution. Ces injonctions
présupposaient la qualitéde puissance administrante: elles ne créaient pas des

puissances administrantes au "rôle limité".

4.69 Mais l'Australie ne se trompe pas seulement en ce qui concerne
l'imaginaire "limited authority" ou le soi-disant "limited role" des puissances

administrantes de iure. Elle commet également une erreur quand elle soutient
que les puissances administrantes ne pourraient prendre aucune initiative qui ne

soit déterminéeou autorisée par les Nations Unies et quand elle ne cherche
mêmepas à établirune distinction, à ce propos, entre les actes rentrant dans le

processus d'autodétermination proprement dit et d'autres actes d'administration
du territoire.

Comme on l'a déjà vu, la compétence d'une puissance administrante est

originaire et propre. Elle est bien sûr limitée,contrôlée et partagée avec les
organes des Nations Unies. Le rôle des Nations Unies est indispensable et

englobe des compétencesdéterminatives.Mais, comme il ressort de la Charte et
de la Résolution 1514 (XV), la responsabilité initialepour conduire un peuple à

l'exercice de son droit à un libre choix revient à la puissance administrante.
L'inopposabilité aux NationsUnies du domaine réservé desEtats n'inclut aucun
renoncement àla responsabilitéde base de la Puissance administrante.Par ailleurs, le pouvoir des Nations Unies de délimiterles modalitésdu processus

d'autodétermination et de ne pas reconnaître desactes qui ne sont pas conformes
à ces déterminations, ainsi que la compétencede l'organisation pour exiger de la

puissance administrante l'accomplissementd'actes devant permettre l'exercicedu
libre choix ne se confondent pas avec une intervention dans l'administration au
jour lejour du territoire248.

Et cette administration par la Puissance administrante peut évidemmentconsister

à recourir aux moyens de règlement pacifique des différends qui surgissent avec
des Etats tiers à propos de la responsabilité internationale engagée par de tels

Etats par rapport au territoire et aux droits du peuple du territoire non-
autonome.

248 Gowlland-Debbas. u., p.173-174etp.194. CWITRE V
LES QUALITES ET LES DROITS DU TIMOR ORIENTAL ET DU

PORTUGALSONTOPPOSABLESAL'AUSTRALIE

Section 1. Considérations préliminaires

5.01 Dans le Chapitre précédent,le Portugal croit avoir pu établirque:

a) Les organes des Nations Unies ont des compétences particulières
en matière de décolonisation qui leur octroient, à l'égarddes territoires non-

autonomes et de leurs puissances administrantes, des pouvoirs que le Portugal a
appeléde qualification et de constatation déterminatives249.

Le Conseil de sécuritéet l'Assembléegénéralequalifient le Timor
b)
oriental comme un territoire non-autonome et le Portugal comme sa Puissance
administrante 250.

Ces qualifications déterminatives du Conseil de sécuritéet de
c)
l'Assembléegénéraleproduisent des effets juridiques iuso iure et erea omnes 251.

5.02 Dans son Mémoire,la République portugaise a démontréque:

a) En conséquence des effets iuso iure et erga omnes de ces
qualifications, aucun Etat Membre ne peut se conduire dans les rapports

internationaux comme si le Timor oriental n'étaitpas un territoire non-autonome
252
ou comme si le Portugal n'en étaitpas la Puissance administrante .

b) D'autre part, les normes substantielles du droit international
conçoivent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmescomme un droit aga

w, c'est-à-dire un droit qui met à la charge de tous les Etats des obligations
de le respecter et de favoriser son exercice, même s'il existe des devoirs

249 VoiraussiMkmoiredu Portugalp, 178-193par.6.39-6.64.

zs0 VoiraussiMémoire duPortugal,p.164-178par6.08-6.38.

251 VoiraussiMémoird eu Portugal, 190-191par.6.59.

252 Mémoire duPortugal,notammenp t.192-193par.6.64.particuliersà la charge de la Puissance admini~trante~~~.Les mêmesnormes
conçoivent aussi la souveraineté permanente d'un peuple sur ses richesses et

ressources naturelles comme un droit erea omnes 254.

C) Ces obligations découlant directement des règles du droit
international, elles sont alors indépendantes de l'existence de résolutions des

organes des Nations Unies qui, dans un cas concret, pourraient demander leur
accomplissement. En tout état de cause, le Conseil de sécurité,de par ses

Résolutions384 (1975) du 22décembre 1975, paragraphe 1, et 389 (1976) du
22avril 1976,paragraphe 1,a bien demandé à tous les Etats:

"de respecter l'intégritterritoriale du Timor oriental ainsi que le
droit inaliénable de son peuple à l'autodétermination,
conformé t à la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée
générale!*W .

d) Ainsi, tant de la portée de détermination qualificative des
Résolutions des Nations Unies relatives Timor oriental que du devoir de

respecter le droit du peuple du Timor orientaà disposer de lui-même,découlele
devoir de tout Etat, et donc de l'Australie,de traiter le Timor oriental comme un

territoire non-autonome et le Portugal comme sa Puissance administrante, c'est-
à-dire, le devoir de ne pas méconnaîtreces qualitéset droits6.

Le Portugal accuse l'Australie tout d'abord d'avoirvioléce devoir257. II l'accuse

ensuite d'avoir enfreint le devoir de favoriser l'exercice par le peuple du Timor
oriental de son droit à disposer de lui-même258et celui de respecter la

souveraineté permanente du peuple du Timor oriental sur ses richesses et
ressources naturelles259.

253
Mkmoiredu Portugal, notammenpt. 114-117,par.4.62-4.63,p. 121-122, p, .204-p
207,par.8.03-8.04,et p.209-212,par.8.06-8.08.
254
MkmoireduPortugal,notamment p1 .ûû-104,par.4.39-4.44.
255
Mkmoiredu Portugal, notamment,p. 166-169,par.6.10-6.11,p.207-209, par.8.05 et
p.212-214,par.8.09.
256
Mkmoiredu Portugal,notammen pt.212-214,par.8.09-8.10.
257
Mkmoiredu Portugal,p. 214-216ar.8.11.8.13-8.14.
258
Mkmoiredu Portugalp,.215,par.8.12.
259
MkmoireduPortugal,p.216-219,par.8.15-8.21.5.03 L'Australie essaye d'opposer directement (les réponses indirectes seront
considéréesau Chapitre VI) trois types d'arguments:

Tout d'abord, elle discute le sens et prétend soutenir le caractère
a)
de simple "recommandation" des Résolutions des Nations Unies relatives au
Timor oriental. En dépit de cette prétention, l'Australie reconnaît aux Nations

Unies le pouvoir d'identifier les peuples ayantdroit à de autodétermin etation^^^

reconnaît au peuple du Timor oriental le droit àdisposer de lui-même261.Elle se
demande si le peuple du Timor oriental n'aurait pas exercé son droit

d'autodétermination en 1976~~~)mais elle accepte que l'"United Nations
approval ofthe [self-determination] processes will,however, be necessary in every

case"263 et ne conteste pas que les Nations Unies n'ontjamais approuvé d'acte
d'autodétermination du peuple du Timor oriental, bien au contraire.

Ensuite, l'Australie accepte que le droit d'un peuple à disposer de
b)
lui-même estun droit erpa omnes, c'est-à-dire un droit opposable à tous, tout
Etat ayant le devoir de le respecter. Elle plaide cependant une conception

minimaliste du contenu de ce devoir qui serait réduità l'obligation"torespect the
outcome of any act of self-determination of the people of the territory, and tCO-

operate with the competent organs of the United Nations to that end ,4264.

c) Enfin, et maintenant d'un point de vue négatif,l'Australie plaide

que:

"In the absence of a specific direction, United Nations practice
contemplates that States are under no more than the general
obligation to 'respect' the right of a particular people to self-
determination. This does not mean that States are prevented from

260 Contre-memoirede I'Australi, . 145,par.322.

261 Contre-memoiredel'Australie,p.30,par.71.

262 La Cour noteraqu'enm&metemps, l'Australiereconnaîtque la manifestationde 1976
n'est pas un acte valide d'autodetermination.Contre-medee l'Australie, p.28-29.
par.6667. Voir aussiles declarationsdu Ministredes Affairesétrang&sustralien
devant I'Assembleegenerale reproduitesau Memoiredu Portugal,p.72, par.2.et
Annexe111.44v,ol.V, p.269. Voirenfin,- par.4.35et suiv.

z63 Contre-memoirede l'Australie,p. 143,par.318.

264
Contre-memoirede l'Australie,p. 1par366. dealing with the administering or occupvinePower in relation to the
territory, even t2gfgh the latter may be in default of its obligations
to the territory" (soulignépar le Portugal)

5.04 Une certaine confusion de la part de l'Australie oblige le Portugal à

insister surune remarque d'ordre terminologique, déjàfaite au ~émoire~~~.Des

droits erga omnes sont une chose, des obligations erga omnes une autre. Les
droits erea omnes impliquent des obligations universelles de respect, c'est-à-dire

des obligations omnium267. Ces obligations peuvent êtredes obligations aga
omne ou ne pas en être268.Ce que le Portugal plaide en l'espèce,c'est que les

droits du peuple du Timor oriental et ceux du Portugal sont des droits aga
omne qsui impliquent donc des obligationsomnium. Il estime, au surplus, que ces

obligations omnium sont aus sis obligations erga omnes, ce qui revient à dire,
pour l'essentiel, que les normes relatives au droit des peuples à disposer d'eux-

mêmesont une nature de normes impératives. Mais,comme la remarque en a été
déjà faite, il ne croit pas qu'ilsoit indispensàla décisionde l'affaire que la
269
Cour prenne position sur ce second point .

Section2. Le fait que les Nations Unies qualifientle Timor oriental comme
un temtoire non-autonome et le Portueal comme sa Puissance

administrante entraîneà lui seul. I'oblieationde l'Australiede les
traiter commetels

5.05 L'argumentation australienne indiquéesous l'alinéaa) du paragraphe5.03

de la présente Réplique a étédéjàlargement discutéeau Chapitre IV et elle le
sera encore, pour ce qui concerne les résolutionsdu Conseil de sécurité,dans la

265 Contre-mémoirede l'Australie,p. 146,par. 324.

266 Mémoiredu Portugal, p.205,par. 8.03et note 379.

267 Prosper Weil, "Versune normativitérelative en droit in?"rR.G.D.I.P., no1,
1982,p. 33 et sLavCour se rappellceque le Portugal àl'égardde l'obligation
universelle de respect: "Cette universAla structure [du] droit. Son 'champde
référence' est évidemmnt fini parle domaine personnel de validitéde la norme: sont
obligéstous ceuxpour qui lanormeest valide".Mémoiredu Portugal, p. 205, par.8.03.

268 L'Australie semble bien confondre les deux concepts de droits erea omnes et
d'obligations erea omnes. Si, par exemple, aux par. 178 et 179, p.88-89 elle utilise
correctement l'expression"rightserea omnes",au par. 194,p.94elle emploie l'expression
"obligationerea omnlaoù elle devrait plutôtdire "obligationomnium".

269 Mémoiredu Portugal, p. 123-124,par. infrpar. 5.33.Voir ainfrapar. 6.41et
6.55.section suivante du présent Chapitre. 11suffit ici de rappeler et de souligner que
les simples qualifications du Timor oriental comme territoire non-autonome et du

Portugal comme sa Puissance administrante entraînent, à elles seules, l'obligation
pour tous les Etats Membres, et donc pour l'Australie, de ne pas se conduire

comme si le Timor oriental n'étaitpas un territoire non-autonome et le Portugal
n'en était pas la Puissance administrante. Il s'agit de la conséquence logique et

nécessaire du caractère obligatoire des résolutionsdes Nations Unies dans leur
portéequalificative.

Si ces résolutions sont obligatoires, comment les Etats Membres pourraient-ils

êtrelibres de méconnaître les qualifications qu'elles établissent? Si ce n'était
pour que les Etats Membres traitent le Portugal comme la Puissance

administrante du Timor oriental, pourquoi et à quel but les Nations Unies
auraient-elles insisté pour le qualifier comme tel, mêmes'il est dépourvu de

l'autoritéde fait? Les Membres des Nations Unies ne se sont-ils pas engagés,de
par l'article 56 de la Charte, "à agir, tant conjointement que sévarément, en

coopération avec 1'0r~anisation"~~~"en vue d'atteindre les buts énoncés à
l'article 55- dont celui d'assurer "entre les nations des relations pacifiques et

amicales fondéessur le respect du principe de l'égalitédes droits des peuples et
de leur droit à disposer d'eux-mêmes" ? Quel est, même indépendamment de

l'article 25 de la Charte, sur lequel le Portugal reviendra, la première forme de
coopération avec l'organisation sinon celle d'agir en conformité avec les

qualifications prononcéespar celle-ci,là où elle possède des pouvoirs particuliers
de "déterminationqualificative" ?

L'on pourrait mêmese demander si l'autorité desNations Unies en la matière

n'implique pas un devoir de reconnaissance des territoires non-autonomes et des
puissances administrantes qu'elle identifie comme tels. Cette autorité entraîne,

pour le moins, un devoir de non méconnaissancede la qualitéde ces territoires et

puissances, c'est-à-dire, un devoir de ne pas agir comme si ces territoires et
puissances ne possédaientpas ces qualités.

5.06 11est curieux de remarquer combien souvent les difficultéssémantiques
traduisent les impasses du raisonnement. Dans une phrase que le Portugal a déjà

reproduite, l'Australie affirme que:

270 Soulign6 palePortugal. "Its [Australia's] obligation is to respect the outcome of any act of
self-determination of the people of the territory, and ta CO-oi)gyate
with the competent organs of the United Nations to that end .

'To what end ?"A quel but ?

5.07 D'autre part, la "Déclarationrelative aux principes du droit international

touchant les relations amicales et la coopération entre Etats, conformément à la
Charte des Nations Unies", approuvée par la Résolution2625 (XXV) du

24octobre 1970,souligne que:

"Le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non autonome
possède, en vertu de la Charte, un statut séparéet distinct de celui
du territoire de 1'Etatqui l'administre; ce statut séparéet distinct
en vertu de la Charte existe aussi lonetemvs aue le veuvle de la
colonie ou du territoire non-autonome n'exerce vas son droit à
disposer de lui-même conformément à la Charte et. plus
particulièrement, à sesbuts et vrincipes" (soulignépar le Portugal).

Comme le Portugal l'adit dans son Mémoire:

"Sile territoire non autonome possède un statut séparéet distinct
de celui de la puissance administrante, a fortiori ilpossède un statut
séparé et distinct de tout autre territoire, car ce n'est que par
l'exercice dudroit du peuple à disposer de lui-mêmeque le destin
du territoire pourra êtredécidéet que, parmi d'autres solutions,
celui-ci pourra éventuellement, s'ilen décidelui-même ainsi,venir
à perdre son in$~ifualité et 21s'intégrerdans le territoire d'un
quelconque Etat" .

11 s'agit de la consécration du principe d'individualitédu territoire non-autonome
et de son peuple: le peuple, sesintérêts,on territoire sontjuridiquement distincts

de tout autre peuple, de tous autres intérêts,de tout autre territoire, même du
peuple, des intérêtset du territoire de la Puissance admini~trante~~~.Certes,

mêmesi elle l'a votée, mêmesi elle a participé aux travauxdu Comité qui la
prépara, l'Australie a par la suite décidéde n'accorder aucune portée à la

271 Contre-memoirede I'Austral,. 164,par.366.

272 MkmoireduPortugal,p.213,par.8.09.

Z73 Memoire duPortugal,p.212-214,par.8.09.Résolution2625 (xxv)~~~ en tant qu'acte codificateur du droit international, et

de façon cohérente n'en parle même pasdans son Contre-mémoire. Le Portugal
espèreque la Cour remettra les choses en place.

5.08 Les remarques précédentes permettent, àelles seules, de montrer que le
contenu des obligations des Etats Membres des Nations Unies relatives aux

territoires non-autonomes dépasse largement le simple respect "of the outcome
of any act of self-determinati~n"~~~.Les Etats ont des obligationavan un acte

d'autodétermination et par rapport à la situation qui existe tant que le droit d'un

peuple à disposer de lui-mêmen'est pasencore exercé. Le Portugal reviendra sur
ce point àla section suivante de ce Chapitre.

5.09 Pour ce qui est du troisième argument276, l'Australie s'égare.

L'assimilation qu'elle établit entre puissance administrante et puissance
occupante est vraiment extraordinaire. Il est bien évidentque les Etats doiverit

traiter avec la puissance administrante. Mêmesi celle-ci est défaillante dans
I'accomplissement de ses obligations vis-à-vis du peuple du territoire non-

autonome et mêmes'il peut y avoir des limites à ses pouvoirs, tant au'elle
continue d'être ~uissance administrante les Etats non seulement peuvent mais

doiventtraiter avec elle.

La situation est touà fait différenteà l'égardd'une puissance occupante. Tout
d'abord le problème se pose des conséquences dumode d'occupation. Ensuite, si

les Nations Unies continuent de reconnaître un Etat autre que la puissance de fait
comme autorité de ~ure, notamment si, par rapport à un territoire qu'elles

qualifient toujours de territoire non-autonome, elles continuent de reconnaître
comme puissance adrninistrante un Etat dépourvu de I'effectivitédu pouvoir,

alors traiter avec la puissance de fait soulève la question du respect des
compétences, des obligations et des droits de la puissance administrante.

Finalement, si à l'égard d'unterritoire que les Nations Unies continuent de
qualifier de territoire non-autonome, une puissance de fait prétend avoir intégré

ce territoire non-autonome à son territoire, le problème qui se pose alors quand

z74 Voir lesdalarations du Ministre auspourles Ressourceset I'Energiereproduites
auMkmoiredu Portugal,p.63,par.2.15,et AnnexeIIL28,vop.221.

275 Contre-mkmoiredel'Australie,p. 164,par.366.

276 Par.5.03,cW.un Etat traite avec cette puissance de fait n'est plus seulement celui des
conséquences du mode d'occupation. 11n'est pas non plus seulement celui du

respect des compétences, des devoirs et des droits de la puissance administrante.
Il est aussi celui du respect mêmede la qualitédu territoire commeterritoire non-

autonome.

5.10 Par ailleurs, le Portugal ne soutient évidemmentpas que tous les rapports
avec une puissance de fait sur un territoire non-autonome soient interdits. Lui-

mêmemaintient des contacts avec l'Indonésiedans le cadre de la Résolutionde
l'Assembléegénérale 37/30 du 23novembre 1982et sous l'autoritédu Secrétaire

généraldes Nations Unies dans le but de permettre au peuple du Timor oriental
d'exercer son droit à disposer de lui-mêmeet de mettre finàl'illégaliexistante.

Comme l'a dit la Cour, dans son avis consultatif sur les Conséauences iuridisues
pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-

Ouest africain) nonobstant la résolution276(1970)du Conseil de sécurité:

"D'une manière générale, la non-reconnaissance de
l'administration sud-africaine dans le territoire ne devrait pas avoir
pour conséquencede priver le peuple namibien des avantages qu'il
peut tirer de la coopérationinternationale, En particulier, alors que
les mesures prises officiellement par le Gouvernement sud-africain
au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne après la cessation
du mandat sont illégalesou nulles, cette nulliténe saurait s'étendre
à des actes, comme l'inscriptiondes naissances, mariages ou décès
à l'état civil, dont on ne pourrait *"naître les effets qu'au
détrimentdeshabitants du territoire" .

5.11 Ce que le Portugal soutient c'est que, à l'égard d'unterritoire non-
autonome, qualifiécomme tel par les Nations Unies et disposant d'une Puissance

administrante de iure, également qualifiée comme tellepar les Nations Unies,
sont illicites, pour le moins, tous les actes qui, de par leur contenu ou leur mode,

impliquent que ce territoire soit traitéautrement au'un territoire non-autonome.
A cet effet, aucune autre résolution des Nations Unies n'est nécessaire à

l'exception de celles qui qualifient le territoire comme un territoire non-
autonome et un Etat comme sa puissance administrante.

277
C.I.J.Recuei1971p.56,par.125.5.12 Mêmesi le Portugal reviendra encore, plus en détail,sur quelques uns des
aspects considérés278,il estime que les conclusions atteintes au Chapitre

précédent et à la présente section sont toutà fait suffisantes pour asseoir une
obligation de l'Australie de ne pas agir comme si le Timor oriental n'étaitpas un

territoire non-autonome et comme si le Portugal n'en était pas la Puissance
administrante et pour établirqu'ellea violécette obligatioA. la section suivante,

la République portugaise montrera que cette obligation repose également sur
d'autres fondements et que l'Australie a violéd'autres obligations à l'égarddu

peuple du Timor oriental.

Section 3. Lesobligations su'a l'Australie de resoecter les droits du veuvle du
Timor oriental

5.13 11 résulte de la structure du Contre-mémoire de l'Australie et plus

particulièrement du contenu du Chapitre 1 de sa Partie III qu'à l'encroire, elle ne
serait soumise à aucune obligation précise concernant le respect du statut du
Territoire du Timor oriental, des compétences de sa Puissance administrante et

des droits de son peuple. L'Australie invoque deuxsériesde raisons: d'une part,
parce que selon elle, de telles obligations ne pourraient procéder d'autres sources

que de résolutionsémanantdu Conseil de sécurité avec force obligatoire;d'autre
part, parce qu'en l'occurrence, les résolutions effectivement prises par

l'Assembléegénéraleet par le Conseil de sécuritéà propos du Timor oriental
entre 1975et 1982ne seraient précisément pasdotéesd'une telle force.

5.14 De telle assertions sont doublement infondées.En premier lieu, en effet,

les obligations de l'Australie concernant tout particulièrement le respect des
droits des peuples existent indépendamment de toute résolution émanant des

organes compétents des Nations Unies et demandant spécifiquement cerespect.
En second lieu, il se trouve de toute façon qu'en l'espèce, lesrésolutionsprises

par les organes compétents de l'organisation, Assembléegénéraleaussi bien que
Conseil de sécurité,comportent des implications précisespour tous les Membres

des Nations Unies, et qu'elles sont dotées de force obligatoire. Le Portugal
réexaminera donc brièvement d'une part les sources générales,d'autre part les

sources spéciales desobligations de l'Australie relativesau respect des droits du
peuple du Timor oriental.

278 Infra,chap.VI,sec11.5.15 Concernant les sources générales,dans la deuxième partie de son
Mémoire,au Chapitre IV, le Portugal a déjàeu la possibilitéd'exposerà la Cour

les bases juridiques desquelles procèdent les obligationsde l'Australie à l'égard
du peuple du Timor oriental et de sa Puissanceadministrante. L'exposénormatif

auquel il avait ainsiétéprocédé dansle Mémoiredu Portugal était d'autantplus
important qu'il s'inscrit dans l'analyse systématiquedu droit applicable à la

présente affaire. Le Portugal maintient évidemmentl'intégralitédes assertions
faites sur ce point et ne croit donc pas nécessairede revenir sur ces questions

dans le cadre de sa Réplique.Il se contentera d'examiner brièvementcertains
points, en raison des affirmations erronéeset surtout des silences du Contre-

mémoireaustralien à l'égarddes sources de ses obligations dans son Contre-
mémoire.

5.16 Les sources générales et spécialesdes obligationsde l'Australie à l'égard

du respect des droits du peuple du Timor oriental sont àla foisconstituéespar la
Charte des Nations Unies, les Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de

l'homme, ledroit international coutumier et enfin les résolutionspertinentes des
organes des Nations Unies.Le droit des NationsUnies est à mettre en têteparce
que les obligations qu'il contient sont à la fois les plus précises et les plus

complètes,et que de plus leur application est placée sousle contrôle des organes
compétentsdes NationsUnies (A).

Ensuite, apparaissent les obligationsde l'Australieen vertu des Pactes des droits

de l'homme;sans êtreaussi explicitesque la Charte, ilscomportent néanmoinsun
engagement particulièrement clair et solennel des Etats parties en faveur du

respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmed sont les implications ont
égalementbénéficié de l'interprétationde plusieursorganes intéressàleur mise

en oeuvre,en particulier le Comité des droitsde l'hommedes Nations Unies(B).

Le droit international généralest la troisième source d'obligations citée à la
charge de l'Australie. On ne doit cependant pas voir dans cette énonciation

ultime l'assignation d'unrôle subsidiaàrcette dernière source(C).

Enfin, les sources spécialesdes obligations faiteà l'Australie de respecter les
droits du peuple du Timor oriental sont quant à elles constituées par les

résolutionsdes organes compétentsdes Nations Unies et, en particulier, par les
résolutions duConseilde sécurité (D). A. Les obligations de l'Australie découlent prioritairement du dmit
des Nations Unies

5.17 Comme le Portugal le remarquait dans l'introduction généralede cette

Réplique, l'une des caractéristiquesdu Contre-mémoire australien est constituée
par ses silences quant aux implications du droit des Nations Unies, composéde la
Charte et des dispositions qu'ellecontient relativement aux obligations de tous les

Etats Membres. On sait qu'ils'agit particulièrement des articles 2 paragraphe 2,
55 et 73, tels que lesens et la portée en ont étépar la suite précisés,étendus et

complétéspar la pratique de l'organisation et celle de ses Membres (à travers la
mise en oeuvre des principes énoncésdans les résolutions de l'Assemblée

générale 1514(XV), 1541(XV), 1803(XVII) et 2625(xxv))~~~. Le fait que ces
obligations de ['Australieprennent ainsi prioritairement leurs racines dansune

soecialis, fortement marquée par son caractère institutionnel, est loin d'être
négligeablepour apprécierl'identitéet l'autonomie de la responsablité de chacun

des Etats Membres aux cas de violation de leurs obligations statutaires.

5.18 En effet, le texte dont elles sont issues n'est pas un traité ordinaire. La
Charte est certes une convention internationale; mais c'est aussi le traité

constitutif d'une organisation intergouvernementale. De plus, cette organisation
n'est pas n'importe laquelle; elle est la principale d'entre elles, à la fois par

l'ampleur de son objet, la portée et les implications des devoirs qu'elle énonceà
l'égarddes Etats Membres ainsi que l'importance toute particulière de son rôle

dans la régulationdes rapports internationaux. A titre de traitéconstitutif, elle ne
se contente pas d'établirdes droits et des obligations entre Etats qui seraient

uniquement fondés sur la stricte égalitéet la réciprocitédes uns comme des
autres. Elle établitaussi des organes dotésdes compétencesrequises pour veiller

àl'application de ces obligations.

Nul n'a d'ailleurs mieux marqué cette spécificité de la Charte que la Cour elle-
même.Dans son avis consultatif sur la Révaration des dommaees subis au service

des Nations Unies, elle affirmait en effet avec une force toute particulière:

"LaChartene s'estpas bornée à faire simplement de l'organisation
créée parelle un centre où s'harmoniseraient les efforts des nations
vers les fins communes définiespar elle (article premier, par. 4).

279 Memoire du Portugal, chap. IV,p.79-124, par.4.01-4.71et chap. VIII, p. 203-225,
par.8.01-8.27et, danslapresenteRkplique,chap.V, sect.3, A, par.5.17-5.20. Elle lui a donnédes organes; elle lui a assigné unemission propre.
Elle a définila position des Membres par rapport à l'organisation
en leur prescrivant de luidonner pleine assistance dans toute action
entreprise par elle (artic2, par. 51,d'accepter et d'appliquer les
décisions du Conseil de Securite, en autorisant l'Assemblée
généraleà leur adresser des recommandations, en octroyant à
l'organisation une capacitéjuridi ue, des pri,$&es et ,immunités
sur le territoire de chacun de seR embres ... (soulignépar le
Portugal).

Et la Cour poursuivait avec la mêmenettetéen précisant:

"La pratique (...)a confirmé ce caractère d'une Organisation
placée, à certains égards, en face de ses Membres, et qui, I
échéant,a le devoir de rappeler àceux-cicertaines obligations28."

5.19 On ne pouvait indiquer avec plus de force que le caractère conventionnel
de la Charte se double aussi d'une dimension constitutive, ou, plus exactement,

constitutionnelle qu'on ne saurait négligersans du même coup méconnaîtrela
spécificitédes obligations consenties par les Etats Membres de I'Organisation,

entre eux et àson égard.Celles-cin'échappentcertes pas àl'emprise classique du
principe de réciprocité,ainsi que le démontre notamment l'article 2 paragraphe 1
de la Charte, insistant sur le principe de "l'égalitésouveraine de tous ses

Membres". Mais elles se doublent d'une autre dimension: celle qui affecte les
relations entre les Etats Membres et I'Organisationelle-même,chargée,comme

le dit la Cour, de veiller au respect par eux de leurs obligations. Cesdernières, dès
lors, ne gouvernent plus seulement les rapports réciproquesentre Membres. Elles

s'établissent également à l'égard de I'Organisation elle-même. En d'autres
termes, les Etats Membres ne sont plus seulement égauxentre eux, ils le sont
aussi vis-à-vis de I'Organisation, dont tous et chacun doivent respecter le droit.

C'est ainsi que les obligations réciproquesqu'ilsont les uns à l'égarddes autres
sur la base de la Charte ne s'établissentplus seulement sur le plan latéral des

relations entre Etats. Elles s'effectuent aussidans le contexte spécifique du droit
des Nations Unies, marqué par l'importance des compétences de contrôle et

d'intervention qu'ilreconnaît aux organes de l'institution quant au respect par les
Membres de leurs obligations statutaires. De ce fait, chaque Etat Membre,
indépendamment de la légalitédes comportements de ses pairs, est également

redevable envers les Nations Unies des obligations auxquelles il a souscrit aux
termes de la Charte.

C.I.J.Recuei1949p.178-179.

-bid.p.179.5.20 On peut tirer des observations qui précèdentles conclusions suivantes,

appliquées au cas d'espèce. En l'occurrence, les violations par l'Indonésie du
principe du non recours à la force et du droit des peuplàsdisposer d'eux-mêmes
tels qu'ilsdécoulentl'un et l'autre du droit des Nations Unies sont une choseLa

méconnaissance par l'Australie de ses devoirs statutaires, qui consistent
notamment à "remplir de bonne foi les obligations ...assuméesaux termes de la

présente Charte" (article2,paragraphe 2) comme à apporter "pleine assistance" à
l'organisation (articl2, paragraphe 5) en sont une autre. Mais c'est précisément

cette dimension institutionnelle et statutaire des obligations de l'Australie dans la
présente affaire qui est totalement passéesous silence dans son Contre-mémoire.

Celui-ci s'efforce au contraire de faire oublier le cadre spécifiqueà l'intérieur
duquel doit d'abord s'apprécierla compatibilitédes agissements australiens avec

le droit des Nations Unies.

B. Les obligations de l'Australiedécoulentdes Pactes des Nations
Uniesrelatifsauxdroits de l'homme

5.21 Dans son Mémoire, le Portugal s'est référé à l'évolutiondu droit de
chaque Etat à disposer de lui-mêmecomme un prolongement des droits de
282
l'homme et a démontréla relation de ce droit collectifavecd'autres droits .

5.22 Comme la remarque en a déjà étéfaite, dans son Contre-mémoire
l'Australie met en avant une interprétation minimaliste des devoirs d'un Etat au

regard des problèmes d'autodétermination survenant dans des territoires sous
juridiction d'autres Etats comme la remarque en a déjàétéfaite. Elle prétendque

son obligation est seulement celle de

"respect theoutcorne of any act of self-determination of the people
of the territory, and CO-O te with the competent organs of the
United Nations to that end''w(souligné par le Portugal).

282 MemoireduPortugal,p.95-100,par.4.30-4.38et p.209,par.8.06.

283 Contre-Memoirede l'Australie,p. 164,par.366.Et c'est parce que, selon l'Australie, dans de telles situationsy compris celle du

Timor oriental, 1'Etatest "athird party with itsown legitimate claims and interests
to uphold, qu'aucune obligation plus large n'est acceptée. 'The obligations to

promote respect for self-determination, in a situation not of its own making, go no
further than as statedin paragraph 366above 9,28.

5.23 L'Australie a ratifié le13août 1980 lePacte international relatif aux droits

civils et politiques adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le
16décembre 1966~~'. Le Pacte est entré en vigueur pour l'Australie le 13

novembre 1980. L'Australie n'a formulé aucune réserve ou déclaration

interprétative en relation avec l'articlepremier du Pacte.

5.24 Cet article premier, paragraphe 1,stipule que:

"Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes.En vertu
de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel".

Comme la République portugaise l'anoté dansson ~émoire~~~,ce droit a deux

composantes: I'autodétermination externe et I'autodétermination interne. A son
origine, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes étaitinextricablement liéau

processus de décolonisation et fut articuléen ce sens dans la Résolution 1514
(XV) de l'Assembléegénérale. La formulation de l'article premier du Pacte

international relatif aux droits civilset politiques (et en des termes identiques à

ceux de l'article premier du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels adopté par l'Assembléegénéraledes Nations Unies le

16décembre 1966~~~) ne place pas ce droit dans le contexte de la décolonisation
mais le rend d'application générale.

284 Contre-MemoiredI e'Australie,164,par.367

285 A/Resn2@3A (XXI).

286 MernoireduPortugalp, lm, par.4.38.

287 AIResMCû A (XXI).LePortugal ratifierce Pacte l15juin 1978.Le Pacte relaaux
droitseconomiques,sociauxet culturel616ratifieparl'Australle 10decembre 1975
et parle Portugal31 juill1978.Le Comitédes droits de I'homme, instituépar l'article 28 du Pacte international

relatif aux droits civilset politiques, a clairement tiréles conséquencesde ce fait
l'occasionde l'examen qu'ilfait, sous I'article40, des rapports des Etats. Le droit

des peuples à disposer d'eux-mêmesn'est pas un droit qui est achevé ou qui
prend fin du fait de l'indépendanceissue du régime colonial.Tous les peuples

conservent ce droit et tous les Etats parties au Pacte, en vertu de l'article premier,
ont l'obligation de prévoirdes mécanismesde consultation des, ainsi que d'offrir

le choix aux, peuples sous leur juridiction en ce qui concerne leur statut politique
et leur développement économique, social et culturel (I'autodétermination

interne). Les peuples des territoires non autonomes ont également le droit à

disposer d'eux-mêmes. La puissance administrante a une obligation directe à cet
égard et tous les Etats parties au Pacte ont, en vertu de son article premier,

l'obligation de fournir toute l'assistance nécessaire à cette fin
(I'autodétermination externe).

5.25 L'idéequi sous-tend cette obligation générale est toutà fait Les

traités relatifs aux droits de I'homme ne sont pas simplement des échanges
d'obligations bilatérales entre deux ~tats~~'. Ce sont des instruments qui

garantissent les droits des individuset,dans le cas de I'autodétermination,le droit
des peuples. Comme on l'avu,ilsreprésentent l'expression d'unintérêp tublic.La

plupart des droits peuvent seulement êtresatisfaits par l'action et la garantie

effective de 1'Etat concerné seul. Mais I'autodétermination d'un peuple
dépendant -qui est viséed'une manière distincte dans la première partie du

Pacte - est tout particulièrement susceptible d'êtresatisfaite, plus généralement,
par I'action des Etats parties. Cette question n'est pas simplement réservée à la

seule Puissance administrante. L'intérêtpublic et les réalitéspratiques ont pour
résultat que ces obligations relatives à l'article premier du Pacte sont des

obligations généralesincombant à tous les Etats parties.

288 Voir le Memoiredu Portugal,p.209. par.8.06, pour l'argumentsur I'opposabilitkdu
droitd'autod6terminatienvertudesPactes relatiauxdroitsde I'homme.

289 Pour l'affirmationde leur caractere diffkrent et pour les conskquences sur
I'interpretatide tels trait, oir lrelandv. United Kinedom,Cour europeennedes
droits de I'homme,Series A, n025, 18janvier 1978, p239: "Unlikeinternational
treaties of the classic kind, the Convention comprises mthan mere reciprocal
engagements betweenmntractingStates.IIcreates,overandahovea networkof mutual,
bilateralundertaking, bjectiveobligatwhich,in thewordsof the Preamble,benefit

froma 'collectiveenforcement'".Et ces considérationssont reflétées exactement dansles termes du paragraphe 3

de I'articlepremier desPactes relatifs aux droits de I'hommelorsqu'ilsstipulent:

"Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la

responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des
territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisationdu droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes,et de resuecter ce droit,
conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies"
(soulignépar le Portugal).

5.26 Ces points ont étépréciséspour le bénéficedes Etats parties par le
Comité des droits de I'homme dans son observation générale12, adoptée au

cours de sa 21ème Se référantaux droits inscrits dans l'article 1,

l'observation générale12 indique dans son paragraphe 2 que "L'article impose à
tous les Etats les obligations qui correspondent à ce droit". Il n'a pas dit que les

obligations incombaient seulement aux Etats parties qui étaient les autorités
administrantes de territoires non-autonomes. En se référant spécifiquement au

droit à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, I'observation
générale12 affirme à nouveau, en son paragraphe 5, que: "Ce droit impose des

devoirs correspondants à tous les Etats et à la communauté internationale".
Visant le paragraphe 3 de I'article premier du Pacte, I'observation générale

indique que:

"ilimpose des obligations précisesaux Etats parties, non seulement
à l'égardde leurs peuples, mais aussià l'égardde tous les peuples
qui n'ont paspu exercer leur droit àl'autodétermination,ou qui ont
etéprivésde cette possibilité".

Elle ajoute:

"Ces obligations sont les mêmes,que le peuple ayant droit à

disposer de lui-mêmedépendeou non d'unEtat partie au Pacte. 11
s'ensuit que tous les Etats parties doivent prendre des mesures
positives pour faciliter la realisation et le respect du droit des
peuples de disposer d'eux-mêmes".

290 Observationsgkneralesadopteesparle Cornitedesdroitsde I'hommeconformementau
paragraphe4 de I'arti40eduPacteinternationalrelatifauxdroits civilset pol(àiques
ladated'avril1989);Annexe11.34,Replique,vol.III, p. 127.Danssaseried'observations
genthales,le Comitea cherchà clarifieren détailet avec des exemplesdes obligations
decoulant de certains articles du Pacte. L'observationg6n6ra12 a porte sur
I'articlepremier,le droit d'autod6terminet la souveraine16permanentesur les
ressourcesnaturelles.Cette obligation à double composante découlant de l'article premier du Pacte est

bien comprise par les Etats parties qui fournissent l'information de manière
volontaire et répondent aux questions du Comité non seulement en ce qui

concerne leur propre population et celle des territoires dépendants dont ils
assument la responsabilité, mais aussi pour d'autres territoires qui n'ont pas

encore pu librement disposer d'eux-mêmes.Par exemple, les Pays-Bas dans leur
second rapport périodique adressésous l'article 40 du Pacte a notifiéau Comité

des droits de l'homme que:

"l'autodétermination n'est pas un phénomène isolé ...mais un
processus de tous les instants ..il faut qu'ils [les peuples] puissent
choisir régulièrementet %\oute libertéleur gouvernement et de
ce fait leur systèmesocial" .

Le rapport néerlandais fournit des informations sur la manière dont le droit à

l'autodétermination et les autres droits appartenant à ce processus sont en cours
de réalisation292. Mais les Pays-Bas, de plus, dans leur rapport relatif à leurs

obligations sous l'article premier du Pacte, se permettent de commenter aussi la
situation en Afrique du Sud, en Namibie et le droit du peuple palestinien à

disposer de lui-même293.11est clair que cet Etat n'accepte pas la thèse selon

laquelle il ne serait qu'un "tiers"dont le seul devoir est d'accepter le résultat de
tout acte d'autodétermination que les peuples de ces pays pourront réaliser un

jour.

5.27 Le troisième rapport périodique de la Finlande fournit un exemple
supplémentaire. Après avoir fait une référence particulièreaux arrangements en

faveur de la population des îles d'Aaland, la Finlande se tourne vers la Namibie
en utilisant les mots suivants:

"L'article premier du Pacte fait égalementobligation aux Etats de
promouvoir l'autodétermination des peuples vivant hors de leurs
territoires. Aussi lesinitiatives prises par la Finlande pour favoriser
I'inj&endance de la Namibie seront-elles brièvement évoquées
ici" .

- p ~

z91
Annexe11.35,Répliquev, ol. 1, .16û.
292
Annexe 11.35,Rkplique,vol. III, p.160-164.
293
Annexe11.35,Replique.vol. III,p. 161.
294
Annexe 11.36,Replique,vol. III,p. 199.Ensuite la Finlande indique une liste de mesures, liste qui comprend aussi des

mesures législatives qu'ellea prises à cet égard. On ne trouve nulle part la
suggestion que sa seule obligation est de reconnaître un "résultat" d'un acte

d'autodétermination, encore moins qu'elle soit libre de s'engager dans des
activités qui dénient effectivement cette possibilité au travers de la

reconnaissance du titre aux ressources naturelles à d'autres peuples que ceux

d'Afrique du sud et de Namibie.

5.28 En réalité,l'Australieaussisait quelles sont ses obligationsjuridiques selon
le Pacte en relation avec l'autodétermination externe.Dans son dialogue avec le

Comitédes droits de l'homme engagé à la suite de la soumission de son second
rapport périodique en avril 1988,l'Australie, comme les Pays-Bas, a clairement

indiqué que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes "n'estpas exercé

pleinement par un seul acte de déterminationlors de l'accession à l'indépendance
après une période coloniale"295.Mais l'Australiea aussi informéle Comitéde sa

politique, et des mesures qu'elle a arrêtées,relativement à la réalisation de
I'autodéterminationtant par les peuples d'Afrique du Sud et de Namibie que par

le peuple palestinien296. L'Australie n'a ni fait savoir au Comité que ceci allait
au-delà de l'étendue de l'article premier, ni que ses devoirs étaient limités à

"recognising the outcome" d'un quelconque acte d'autodétermination par ces

peuples dans le futur, ni n'a suggéréque la réponse australienne était une
conséquenced'une obligation àelle imposéeconformémentau chapitre VI1de la

Charte des Nations Unies. L'Australien'a fait référence à aucune des résolutions
du Conseil de sécuritérelatives aux temtoires en question, se contentant de

répondre dans la partie des échanges avec le Comité dénommée "Self-
determination (Article 1of the Covenant)".

5.29 Dans les considérantsde son second rapport périodique sous le Pacte, le

Portugal a présentéun exposé détaillé sur sa politique et les mesures qu'ila prises

concernant certains autres temtoires privés dudroit d'aut~déterrnination~~~.Le
Portugal a affirmé ses "responsabilités morales, historiques et juridiques~~298

295 Annexe 11.3, eplique,vol.III,p.204.

296 Annexe 11.3Replique,vol.III,203-204.

297 Annexe 11.3Replique,volIIIp.209-210

298 Annexe 11.3, eplique,voIIIp.208.envers le peuple du Timor oriental, en tant que Puissance administrante d'un

territoire non-autonome et reconnue comme telle par les Nations Unies. Mais le
Portugal a estimé devoir informer le Comitédes droits de l'homme que l'exercice

du droit à l'autodétermination avait étéet étaitempêché par l'invasion militaire
indonésienne qui s'est maintenue en dépit desdemandes de retrait de ses forces

par l'Assemblée généraleet le Conseil de sécurité.Tant en vertu de l'article
297(1) de sa Constitution que du droit international, le Portugal a indiqué qu'il
299
continuerait à exercer ses responsabilitésde Puissance administrante .

5.30 En conclusion, en vertu des articles premiers des Pactes internationaux
relatifs aux droits de I'hoinme,l'Australie a l'obligationde promouvoir le droit du

peuple du Timor oriental à disposer de lui-même.Ceci comprend nécessairement
l'obligation pour l'Australie de ne pas accomplir d'actes mettant en cause la

souveraineté du peuple du Timor oriental sur ses richesses et ressources
naturelles.

C. Les obligations de l'Australie découlent du droit international

5.31 A la section 2 du chapitre IV de son Mémoire, le Portugala déjàprésenté

à la Cour l'état du droitinternational généralfaisant obligation à l'Australie de
respecter les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes. II a indiqué à cette

occasion en particulier la façon trèsnette dont la Cour avait souligné,notamment
dans l'Affaire des activités militaireset varamilitaires au Nicaragua et contre

celui-ci300, combien le fait que certains principes juridiques importants soient
incorporés dans des conventions multilatérales générales(dont la Charte des

Nations Unies elle-même) n'empêche nullement leur existence et leur
développement en droit international général; ceci est une conséquence des
301
interactions nombreuses entre droit conventionnel et droit coutumier .

299
Annexe 11.38,Rkplique,vol. III,p.207-214.
3O0
C.I.J. Recueil 1986,p. 14et suiv.
301
Mkrnoiredu Portugal,p. 1etsuiv.,par.4.etsuiv.5.32 Le Mémoiredu Portugal avait de mêmeconstatéque la pratique des Etats
corroborait l'existence d'une coutume internationale générale consacrant ce

mêmeprincipe. Il estime ne pas avoir à revenir ici sur ces points, qui, en eux-
mêmes,n'ont reçu aucune contestation de la part de l'Australie dans son Contre-

mémoire. Le Portugal reviendra ultérieurement, dans le cadre de la présente
Réplique,sur l'impossibilitépour l'Australie,découlantde cette coutume comme

des autres sources d'obligationsluiincombant, de s'appuyer en l'occurrence sur le
droit international général de la reconnaissance pour prétendre pouvoir

reconnaître de iure l'intégrationdu Timor orientalà 1'1ndonésie~~~ I. en va de
même concernant l'impossibilitépour le défendeur d'invoquer en l'occurrence

une situation d'effectivité au Timor oriental afin de légitimer une telle
reconnaissance 303.

5.33 Le Portugal fera simplement une observation supplémentaire, à propos de

la portée des règles pertinentes du droit international général enla présente
affaire: le fait que ce droit soit invoquédans les écritures du Portugal après la

Charte des Nations Unies et les Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de
l'homme ne signifie évidemment pas qu'il occupe une place subsidiaire ou
simplement moins importante parmi les sources d'obligations de l'Australie à

l'égarddu peuple du Timor oriental. Le droit international généralest une source
d'obligations aussipertinente que celles qu'ilest possible de trouver à la charge

de l'Australie dans les conventions auxquelles elle est partie. On devra même
dépasser une telle conclusion et reconnaître au droit international général

applicable en la matière une place supérieure à celle du droit conventionnel
applicable si l'on s'accordeà reconnaître au principe du respect des droits des

peuples àdisposer d'eux-mêmese ,n accord avec un nombre majoritaire des Etats
existants et de la doctrine la plus avertie, une valeur non plus seulement

obligatoire mais également impérative.Cependant, ainsi que le Portugal l'a dit
dans son Mémoire, unetelle conclusion n'est pas indispensable à la résolution du

présent différend,même s'il existe une forte présomptionen sa faveur. C'està la
Cour de déterminer si elle juge opportun d'en faire usage ou non en l'espèce04.

Pour ce qui est de la position respective des différents types de sources
d'obligations à la charge de l'Australie, il ne parait en tout cas pas indispensable

302
Infrachap.VI, sect.2.
303
Infra,chap.VI,sect.3.
304
M6moireduPortugal,p. 123-124,par.4.71.au Portugal d'introduire une hiérarchieentre elles, qui placerait le droit
international généralapplicable au dessus du droit conventionnel. Ceciapparaît

d'autant plus vrai étant donnéles caractèresqui s'attachent par ailleurs au droit
des Nations Unies, tels que le Portugallesa rappelésplushaut 305.

D. Lesoblieations de l'Australiedécoulent desRésolutionsdu Conseil

de sécurité

5.34 Dans les sections1et II du Chapitre 2 de la premièrepartie de son Contre-
mémoire l'Australie fait une série d'affirmations de fait et de droit ayant

apparemment pour but de montrer qu'elle n'est soumise à aucune obligation
juridique internationale, de quelque sorte qu'elle soit,en ce qui concerne le

peuple du Timor oriental. Pour ce faire, l'Australie avance deux lignes
d'argumentation. Elle prétend tout d'abord que rien de très spécifiquen'a été

décidé par les Nations Unies relativement àl'intervention militairede l'Indonésie
et à ses conséquencessur lesdroits du peuple du Timor oriental (1). Ilest ensuite

prétendu parl'Australieque, en tout cas, lesRésolutions nela lient pas (2).

5.35 L'Australie avanceles affirmations spécifiques suivantes:

(i) L'intervention militairede l'Indonésien'a pas étécondamnée par
le Conseilde sécurité 306,

Les Résolutions384du 22 décembre1975et 389 du 22 avril 1976
(ii)
du Conseil de sécurité furentadoptéesen application du chapitre VI de la Charte
des Nations Unies et ne devraient donc pas lier les Etats Membres des Nations

unies307;

(iii) Les Résolutions du Conseil de Sécuritén'ont créé aucune
obligation pour les Etats Membres des Nations Unies de ne pas méconnaltrele
308.
statut du Timor oriental comme territoire non-autonome ,

305 SuDra par.5.17-5.20

306 Contre-memoirede l'Australie,p.31-32,par.74et p.62,par.143.

307 Contre-memoirede l'Australip.32,par.78et p.37,par.88.

308 Contre-mkmoiredel'Australiep.62,par.142-143.5.36 Le Portugal a déjà discutéd'une manière approfondie le contenu des

Résolutions du Conseil de sécuritéet de l'Assembléegénérale309.Il a déjà
répondu au Contre-mémoire australien en démontrant que ces Résolutions

affirment que le Portugalest la Puissanceadministrante du Timor oriental; que le
peuple du Timor oriental a le droit de disposer de lui-même;et que ce droit

demeure insatisfait310. il reste à considérer certains aspects particuliers
concernant les résolutions duConseil de sécuritépour répondreà la totalité des

allégationsde l'Australie.

1. Les Résolutionscondamnent I'illiceitéde l'intervention militaire

indonésienne

5.37 La tentative de l'Australie de se fonder sur une distinction entre une
résolutionqui "déplore"une action et une résolution qui "condamne"une action

est à la fois profondémentcynique et dénuéede toute base légale.Elle n'est pas
fondéejuridiquement parce que le sens et la portéejuridique des résolutionsdes

Nations Unies doivent être tirés - comme c'est toujours le cas pour toute
interprétation juridique - de la totalité des mots pris dans leur contexte.

L'Australie cherche àéviterla conclusionàlaquelle conduit inexorablementcette
technique appropriée. Elle prend ainsi un ou deux mots isolésde leur contexte

afin de prétendre que les résolutions nedisent pas ce qu'elles disent pourtant
d'une manièremanifeste.

5.38 Se référantà la Résolution384 du 22décembre 1975,l'Australie affirme
que le Conseil de sécurité

"de lored, although without mdemning, the military intervention
by fndonesia in East Timor ..."

La conséquencejuridique qui découlerait,selon l'Australie,de l'utilisationdu mot
"déplore"plutôt que du mot "condamn[e]"n'est pas claire; bien que l'idéeait été

avancéequ'une actionconformémentau chapitre VI1 ne pourrait êtreentreprise
que sile mot "condamne"est utilisé:

3w
sont dansle Memoiredu Portugal, AnnexesL3-L10,vol.II,p. 1-17(en français)et dans
le Contre-memoirede l'Australie,Annexes25p.,481-A97(enanglais).

310 Voirchap. IV.

311 Contre-memoiredeI'Austral,.31,par.74. "...the Assembly omitted from the terms of the resolution
3485(XXX)] any language which was capable of formin a basis
Ior action b the Security Council under Chapter VII. 8 ad it so
wished the ksembly could have used the word 'condemn', rather
than t de pl^& or 'aggression' rather than 'military
intervention"'

5.39 En vertu du chapitre VI1 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de
sécuritépeut, s'ilconstate I'existenced'une menace contre la paix, d'une rupture

de la paix ou d'un acte d'agression, déciderquelles mesures seront prises pour
maintenir ou rétablir la paix ou la sécurité internationales.Dans ce jugement, il

ne lui sera pas nécessaire,si I'une quelconque de ces conditions est remplie, de
l'indiquer d'une manière spécifique.IIn'ya bien sûr absolument aucune exigence

qu'il emploie des mots particuliers ("condamne", et non "déplore") en faisant
cette constatation. De même leConseil de sécuritén'est pas obligé d'utiliserles

mots "acte d'agression" dans une résolutionavant qu'il puisse agir en vertu du
chapitre VII. L'autorité du Conseil de sécuritépour agir selon le chapitre VI1

n'est pas limitéeà un "acte d'agression"de telle sorte qu'iln'ya aucune base àla
suggestion que le fait de déplorerune intervention militaire est insuffisant aux fins

de ce chapitre VII. En fait, le terme "acte d'agression" n'est pas utiliséd'une
manière fréquente dans les résolutions du Conseil de sécurité prises en

application du chapitre VII. C'est un terme qui est très bien adapté à des actes
hostiles majeurs d'un Etat souverain contre un autre. Mais le terme "intervention
militaire" est touà fait appropriépour décrirel'invasionpar un puissant voisin du

temtoire d'un peuple encore sous dépendanced'unautre Etat.

5.40 L'Assembléegénéralea dans sa Résolution3485(XXX) du 12décembre
1975 "Déplorlé1 vivement l'intervention militairedes forces arméesindonésiennes

au Timor portugais"313. Les références dans son préambule à l'article 2,
paragraphe 4 de la Charte ainsi que la référence à la violation de l'intégrité

territoriale du Timor oriental établissent clairement que l'action indonésienne a
étéconsidéréeillicitesous la Charte et a étécondamnéeen tant que telle. Peu de

temps après, le Conseil de sécuritédans la Résolution384 du 22décembre 1975
"déplor[a]" l'intervention des forces armées de l'Indonésieet en demanda le

retra-- du~errit-ire~l~. -

312
Contre-memoirede l'Australie,p.43,par.102.
313
Memoiredu Portugal,Annexe1.3.vol. II.p.4.
314 Memoiredu Portugal,AnnexeI.l,vol. Ip.1.Le Conseil de sécuriténe "déplore"pasdes actions licites.L'intervention militaire

étaitmanifestement illiciteau regard de toutes les normes du droit international.
Le Conseil de sécurité autiliséson propre langage pour l'affirmer et pour

demander certaines actions. La demande de retrait des troupes indonésiennes a
étéréitérée dans la Résolution389 du Conseil de sécuritédu 22avril 1976~'~.

Ceci n'a pu l'être que surla base de la continuation de la condamnation de
l'intervention militairLa Résolution31/53de l'Assembléegénérale endate du

ler décembre 1976 a répétéla référence à l'article2, paragraphe 4, et a
"Déplorlé1 vivement le refus persistant du Gouvernement indonésien d'observer

les dispositions" des résolutions précédentes316.L'Assemblée adressa une
nouvelle demande de retrait des forces indonésiennes du Territoire. La

Résolution 32/34 en date du 28novembre 1977 de l'Assemblée générale,
confrontée ài'intransigeanceindonésienne, fitde nouveau référenceà i'article2,

paragraphe 4 et réaffirma toutes les précédentesRésolutions du Conseil de
sécuritéet de l'Assembléegénérale317.Le mêmemodèle fut suivi dans la

Résolution33/39du 13décembre197g318.

2. Les Résolutionsdemandent à tous les Eîats de respecter les droits

du wu~le du Timor oriental

5.41 En discutant dans ce paragraphe de la nature obligatoire des résolutions
pertinentes du Conseil de sécuritél,e Portugal ne doit pas etre considérécomme

disant que les résolutions de l'Assembléegénéralesont sans signification
juridique. Ce sont des actes de déterminationadoptéspar un organe des Nations

Unies dans le cadre de sa compétence.Cependant les Résolutions384 et 389 du
Conseil de sécuritéendate du 22décembre1975et du 22avril 1976méritentune

attention toute particulière. Ces Résolutions sont adressées à différentsEtats
Membres. Certaines dispositions sont adressées à l'Indonésieou au Portugal.

Mais chacune d'ellescomprend d'autres dispositionsadressées "à tous les Etats".
Chacune des Résolutions demande à tous les Etats de respecter l'intégrité

31s MemoireduPortugal,Annexe1.2,vol.IIp.2.

316 MemoireduPortugal,Annexe1.4,vol.IIp.6.

317 MemoireduPortugal,AnnexeLS,vol.II,p.8.

318 MemoireduPortugal,Annexe1.6,vol.II,p.9. territoriale du Timor oriental ainsi que le droit inaliénable de son peuple à
l'autodétermination. D'une manière significative, ce n'est pas une exigence

adresséeà l'Indonésieseule. En outre, lesRésolutionsdemandent à tous les Etats
de coopérer pleinement avec l'organisation des Nations Unies dans ses efforts

pour faciliter la décolonisationdu Territoire. A nouveau, le Conseil de sécuritéa
clairement considéréque la réalisationdes objectifs qu'il a indiquésexigeait la

participation de tous les Etats et pas seulement celle du Portugal et de
l'Indonésie.

Manifestement, ni le fait que l'Australie traite un Etat tiers comme ayant une

autorité souveraine sur le Temtoire du Timor oriental, ni l'exploration, ni
l'exploitation des ressources naturelles du Timor onental, sans en référerau

Portugal ou sans l'accord du peuple du Timor onental, ne sont compatibles avec
ce que les Résolutions duConseil de sécurité ont demandéàtous les Etats.

3. Les Resolutions sont des décisions obligatoires mises en vertu de

l'article 2de la Charte des Nations Unies

5.42 L'Australie prétendque les Résolutionsn'ont pas étéadoptéesen vertu du
chapitre VI1 de la Charte et qu'elles ne sont pas obligatoires. La position du

Portugal est qu'elles l'ontétéet que, en tout cas, ce sont des décisionsobligatoires
en vertu de I'article25de la Charte. LRs décisionsobligatoiresen vertu de I'article

25 ne sont pas limitéesàcelles prises en vertu du chapitre VII.

5.43 L'Australie a tort d'affirmer que les Résolutions 384 et 389 ne pourraient
êtreobligatoires que si elles avaient étéprises en vertu du chapitre VI1 de la

Charte. Mêmesi leur fondement en avait étéle chapitre VI, ces Résolutions
seraientencore obligatoires. La pratique initiale des Nations Unies fait apparaître

qu'il existait différentes vues sur le point de savoir si I'article 25 de la Charte
s'appliquait aux décisions prisesdans le cadre du chapitre VI~'~. En d'autres

termes, certains ont fait valoir que les résolutions sous le chapitre VI ne
constituaient pas des décisions au sens de I'article 25. Mais les travaux

préparatoires montrent que la seule incertitude étaitcelle de savoir si I'article 25
était limité auxchapitres VI, VI1 et VIII. Or, le chapitre VI n'est pas intitulé

319 Re~erforvof Practiceof United NationsOreans.vol. II, UN, New York, 195p.45,
par.29-32."Recommandations pour le règlement des différends", ni le chapitre VI1

"Décisionsen ce qui concerne la rupture de la paix".L'article 25 est indépendant
tant du chapitre VI que du chapitre VI1 et s'applique de manière générale à

toutes les décisions duConseil de sécurit.l ressort clairement de l'article 39 que
le Conseil de sécuritépeut faire des recommandations de la mêmemanière qu'il

peut prendre des décisions;et il existe la possibilité,en vertu du chapVI,que
le Conseil de sécuritépuisse non seulement faire des recommandations mais
320
encoreprendre des décisions .

5.44 De fait, il est maintenant tout à fait clair que pour êtreune décision
susceptible de lier les Etats Membres en vertu de l'article25 de la Charte, une

résolution du Conseil de sécuritén'a mêmepas besoin de relever des chapitres
VI,VI1 etVIII.La controverse concernant les chapitreVI et VI1 s'est étendue à

l'article 24 de la Charte des Nations Uniàspropos du statut du territoire libre de
Trieste.A cette époque, dans le contexte de responsabilités que l'on proposait

d'attribuer au Conseil de sécuritéet qui ne relevaient pas exactement des
chapitres VI, VII,VI11 et IX de la Charte, le Secrétaire général émitl'avis

juridique selon lequel les pouvoirs du Conseil de sécuriténe se limitaient pas aux
attributions spécifiquesd'autorité mentionnéesàces chapitres321.

Ces élémentsont étérassemblés,d'une manière directement pertinente pour les
Résolutions 384 et 389 du Conseil de sécurité,dans l'avisconsultatif de la Cour

internationale de Justice sur les Conséauences iuridiaues pour les Etats de la
présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)

nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité322.Dans cette
affaire, la Cour a estiméque le fondement juridique de la Résolution264 (1969)

du Conseil de sécuritéqui "demande" ("callsupon") àl'Afrique du Sud de retirer
son administration et la Résolution 269 (1969) du Conseil de sécuritéqui

"demande ("calls upon") à tous les Etats" de s'abstenir de toute relation avec

320 Voir gtntralement, R. Higgins, "The Advisory Opinion on Namibia: Which UN
ResolutionsarebindingunderArticle25of theChar?"a., vol. 21,1972. p. 270.

321 0. Schachter,"TheDevelopmentof InternatiLawlthroughthe LegalOpinionsof the
United NationsSecretariat", vol.25,1948,p.97.

322 C.I.J.Recueil 1971,p. 12et suiv. l'Afriquedu Sud pour ce qui concerne la Namibie se trouve dans l'article24de la
La Cour se rapporta à l'avis du Secrétaire généralau Conseil de
sécuritéde 1947selon lequel

"les pouvoirs du Conseil ...ne se limitent pas aux attributions
spécifiquesd'autorité mentionnéesaux chapitres VI, VII,VI11 et
XII. Les seules restrictions ressortent des principes e ,,428UtS
fondamentaux qui figurentau chapitre premier de la Charte .

La Cour, pour rejeter l'argumentque l'Australiefait siendans la présenteaffaire

- selon lequel I'article25 s'appliquerait seulement aux mesures coercitives
adoptéesen vertu de l'articlVI1 de la Charte- poursuivit

"L'article 25ne se limite pas aux décisionsconcernant des mesures
adoptéesconformémentppliàla Charte"gyn. du Conseil de sécurité'

5.45 Ainsi, on peut le voir, afin de déterminersi les résolutionsdu Conseil de

sécuritécréent des obligations juridiques pour les Etats Membres des Nations
Unies, la question, en dernière analyse, n'est pas cellede savoir si le Conseil de
sécuritéa adopté des résolutionsdécrétantdes sanctions coercitives sous le

chapitre VII. La Cour a considéréque les résolutions dans l'affaire des
conséquencesjuridiques Dourles Etats de la rése en centinue de l'Afrique du

Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain) nonobstant la résolution276 (1970) du
Conseil de sécuritéétaientobligatoiresnonobstant le fait qu'ellesn'aient pasété

prises en vertu du chapitre VII. Plut&, le double test est (i)les résolutions
correspondent-elles aux buts et principes de la Chart? (ii) constituent-elles des
décisionsduConseilde sécurité ?

5.46 En ce qui concerne le premier test, il ne peut y avoir de doute que les
résolutions prises pour protéger l'intégritétemtoriale d'un temtoire non-

autonome, pour exprimer clairement la désapprobationde l'occupation militaire
et pour chercher à réaliser l'autodéterminationcorrespondent entièrement aux

buts et principes de la Charte.

323 Ibid.,p. 52,par.110.

324 Ibid.,par.110.
325
Ibid.,p.53.par.113.5.47 En ce quiconcerne le secondtest, la Cour elle-même a montrélavoie:

"Etant donnéle caractère des pouvoirs découlantde l'article 25, il
convient de déterminerdans chaque cas si ces pouvoirs ont étéen
fait exercés,compte tenu des termes de la résolution interpréter,
des débats qui ont précédé son adoption, des dispositions de la
Charte invoquéeset en général de tous les élémentqui pourraient
aider à préciser le~,fgnséquencesjuridiques de la résolution du
Conseilde sécurité" .

5.48 Pour la Cour, il est clair que tous ces aspects doivent êtreconsidérés
ensemble. Nier l'applicationde l'article25simplement àcause de l'utilisation,par

le Conseil de sécurité,du mot "demande" ("calls upon") plutôt que "insiste"
("insists") n'est pas compatible avec les indications de la Cour. De même,

l'insistance à déplorer une action militaire n'est pas non plus différentede la
condamnation de celle-ci.Tant le ~émoire~~~ que les paragraphes 5.37à 5.40ci-

dessus ont montréque les termes des Résolutions,considérés dans leur totalité
(et non pas simplement des mots isolésde leur contexte), conduisent à la

déterminationque l'Indonésie a agid'unemanièreilliciteet doit retirer ses forces,
que le peuple du Timor oriental a le droit de disposer de lui-mêmeet que le

Portugal reste la Puissance administrante du Territoire avec les droits et les
devoirs de faire tout son possible pour assurer l'exercice de ce droit à

l'autodétermination. Ce sont clairement des décisionset non pas de simples
propositions.

Et même,si les Etats Membres des Nations Unies n'avaientpas étéinvitésà leur
tour dans les résolutionsà apporter leur soutien à ces résultat-en fait ils l'ont

été -, il s'ensuivrait toujours, juridiquement, qu'ils ne doivent pas agir d'une
manière quiserait incompatible aveccesrésolutions.Comme la Cour l'adit:

"Ce serait une interprétation insoutenabled'affirmer que, lorsque
le Conseil de sécuritéfait une telle déclaration en vertu de
l'article4de la Charteau nom de tous les Etats Membres, ceux-ci
sont libres de ne faire aucun. cas de l'illégalité ni même des
violations du droit qui en résultent.En présenced'une situation
internationalement illicitede cette nature, on doit pouvoir compter
sur les Membres des Nations U,If% pour tirer les conséquencesde
la déclaration faiteen leur nom .

326 m., p.53,par.114.

327 Mernoiredu Portugal,p. 164-1par.6.08-6.36.

328 C.I.J.Recueil 19p.52.par.112. 4. Les Resolutions ont ét6.en tout cas. ado~téesdans le cadre du
cha~itre MI dela Charte

5.49 Dans son Mémoire,le Portugal a indiquéque le Conseil de sécurité

"a apprécié une situation visée par l'article39 ...par laquelle]
[I]'invasion du Temtoire par les forces du d ouvernement
temtoriale du Timorenori5f4al que le droit inaliénablede son peupleé
àl'autodétermination ..."

et que,

"Les décisions opératives et qualificatives ...correspondent à
l'exercice des pouvoirs spécifiquesvisésà l'article 4...La liste de
mesures figu5ajgtdans la deuxième partie de l'article41 n'est pas
exhaustive ..."

5.50 Dans son Contre-mémoire, l'Australie prétend que le Conseil de sécurité

agissait en vertu du chapitreVI et non du chapitre VI1parce que:

(i) il n'avaitfait aucune constatation de l'existenced'une rupture de la
paix ou d'un acte d'agression de l'Indonésie;

(ii) les résolutions "did not contain any specific findings concerning
either Indonesian occupation of the territory, or the denial of the rights of the
331.
East Timorese people to self-detemination" ,

(iii) aucune "decisionbinding on Member States under Article 25of the
Charter ..was made" 332 .

329 Memoiredu Portugal,p.179,par.6.40.

330 MemoireduPonugal,p. 180,par.6.42.

331 Contre-memoirede I'Australi,.32, par.78.
332
Contre-memoirede l'Australi,.32. par.78.5.51 Aucune lecture, mêmela plusformalisteou la plus cyniqueque l'onpuisse
faire des Résolutions384 et 389, ne pourrait autoriser l'Australie à soutenir la

prétentionqu'ellesne contiennent aucune constatation spécifiquede l'occupation
indonésienneou du droit du peuple du Timor onental à disposer de lui-même.Il

est clair qu'ellescontiennent les deux constatations.Une "invitation"("call")aux
Etats de respecter le droit inaliénable dupeuple du Timor onental à disposer de

lui-même333renferme de manière manifeste une détermination d'un droit à
I'autodétermination. Le regret (synonyme du mot "deplore") de l'intervention

militaire indonésienneet une demande à l'Indonésiede retirer ses forces sans

retard incorporent nécessairementla constatation que l'occupation indonésienne
est illicite.Les questions d'intégriterritoriale et du droit des peuples à disposer

d'eux-mêmes sont de loin des questions trop sérieusespour êtrerejetéespar des
artificesde nature interprétative.

5.52 Bien que le Conseil de sécuritén'ait formellement pris aucune décision

sous l'article39, et n'ait pas formellement invoqué l'article 4de la Charte, ceci
n'empêchepas d'arriver à la conclusion que les Résolutions384 et 389 ont été

adoptéesen vertu de ces dispositions.Ainsi,les résolutionsdu Conseil de sécurité
relatives au Congo, SI4387 du 14juillet 1960 et SI4405 du 22juillet 1960 ne

contiennent aucune mention des articles de la Charte. Mais le Secrétairegénéral

a indiquédans son rapport qu'elles devaient&treconsidéréescomme ayant été
prises sous le chapitre VI1 parce que l'affaire à laquelle elles avaient trait
9,334
"pourrait mettre en danger le maintien de la paixet la sécuritéinternationale .
En outre, pour qu'une décisiondu Conseilde sécurité soit obligatoire en vertu de

l'articl25, il n'est pas nécessaire que l'article 39 soitexpressément invoqué.
Plusieurs auteurs ont noté,et en particulier Jimenez de Aréchaga,que:

"the SecurityCouncilhas not found it indispensablein everycase in
which Art. 25 is applied to pass t&ugh the previous stage of a
prior determination under Art. 39" .

333
Résolution389 du Conseilde skcurit,ar.1,MemoireduPortugal, Annexe1.2,vol.II,
p.2.

334 S/P.V. W, p.9-10 & Lino di Qual,Les effefs des résolutionsdes Nations Unies,
LG.D.J.,Paris,1967,p.99.

335 Encvclouediaof Public Internatiolaw,Max PlanckInstitute,Amsterdam-NewYork-
Oxford. 1983.vol.5p.347. M.Jimenezde Aréchagaaitrefhrenc$laRkolution 146 du
Conseildeskcuritedu 9aoDt1960.5.53 Encore une fois, c'est le fond et non pas la seule forme qui est la cléde
l'interprétation de la Charte. Une invasion militaire dirigéecontre l'intégrité

territoriale d'un territoire non-autonome et qui a pour but de dénier à ses
habitants le droità l'autodéterminationest manifestement plus qu'un"différend

dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la
sécuritéinternationa~es"~~~1 .1s'agitindéniablement d'unerupture de la paix et

mêmed'un acte d'agression, quinécessitentque des mesures soient prises pour
rétablirla paix et la sécuritéinternationa~es~~~1.1est frappant de noter que les

mesures viséesdans les deux Résolutionsn'étaientpas celles du chapitre VI
(négociation, enquête,médiation,conciliation, arbitrage, règlement judiciaire,

recours aux organismes ou accords régionaux). Elles sont,comme le Portugal l'a
remarqué dans son ~émoire~~~,des décisions"opér?tives"et des décisions

"qualificatives", c'est-à-diredes mesures pour "rétablir la paix et la sécurité
internationales", comme l'envisagel'article 39de la Charte.

5.54 L'Australie affirme que les Résolutions duConseil de sécuritéont été

adoptées en vertu du chapitreVI et qu'en conséquence, aucune décision
obligatoire n'a étéprise. Se référant à l'utilisationdu terme "demande" ("calls

upon") dans les Résolutions384et 389du Conseilde sécurité, l'Australieconclut
qu'iln'ya rien dansles termes de cesRésolutions quimettrait en jeu les pouvoirs

du Conseil de sécurité dansle cadre du chapitre VII~~~.Une variétéde
terminologies est employéedans les résolutionsdu Conseil de sécuntéet un

éventailde possibilitésest disponible. Elles vontde "insiste"d'un cati, jusqu'à
"requests that due consideration be given"de l'autre. Les termes utiliséssont un

des éléments - mais pas le seul - qu'il faut examiner pour caractériser le
fondement sur lequel la résolutiona été adoptée.

5.55 Le problème de l'examen de la seule terminologie est illustrépar le fait

que le terme "invite"est utilisédans l'article33, paragraphe 2 mais aussi dans
l'article43.Le terme "invite" ("callsupon") est un terme se trouvant en quelque

sorte au milieu de l'éventaildes termes possibles. La formule "invite" ("calls

336 ChapitreVI,article33-1.

337 ChapitreVII.article39.

338 MemoireduPortugal,p. 179-180,par.6.41.

339 Contre-memoiredeI'Australi, .32,par75et p.37,par.88.upon") est elle-même utilisée dans i'article40 de la Charte. On pense

généralement que les résolutions invitant au cessez-le-feu sont basées sur
I'article40 et sont obligatoires. Quand en 1964le Conseil de sécurité aadopté

une résolution surla question de Chypre dans laquelle il "callsuuon al1Member
States...to refrain from any action..likelyto worsen the situation340", il l'a fait

dans le cadre du chapitre VII. Les Etats Membres n'étaientpas juridiquement
libres de déciderqu'une résolutionne rentrait pas sous le chapitre VI1 et qu'ils

pourraient, sans risque, décider de la méconnaître.

La pratique montre qu'il est difficile de tirer des conclusions généralesde
l'utilisation des termes "invite"ou "demande" ("calls upon"). Par exemple, tant

dans la résolution180 (1963), que dans la résolution181 (1963), le Conseil de
sécurité aévité d'employer la terminologie spécifiquede l'article39 et dans le

dispositif a utiliséle mot "invite"("callsupon"). Pourtant, il ressort clairement du
contenu des deux résolutions,qui envisageaientdes sanctions,qu'ellesétaient des

résolutionsen vertu du chapitre VII. Il est alors intéressantde rappeler que le
Secrétariat généralavait, dans une déclarationorale au cours de la procédure

dans l'Affairede la Namibie, affirméque lesRésolutions276(1970)et 283(1970)
étaient baséesaussi sur le chapitre VII~~~;nonobstant le fait que le terme "to

decide" avait étéutiliséune seule foisdans le dispositif.

5.56 En adoptant une sériede résolutionsàla suite de l'invasiondu Koweit par
l'Irak en 1990, le Conseil de sécurité aindiqué qu'il agissait en vertu de

I'article39. Mais en s'adressant aux tiers au conflit,il "demande à tous les Etats
d'agir de façon strictement conforme aux dispositions de la présente

résolution342"("calls upon al1~tates...~~~ to act stnctly in accordance with the
provisions of the present resolution On comprend bien pourquoi un
langage différent fut employédans les dispositions dirigées spécifiquement à

340
Résolution186(1964)du 4mars1964.
341
R.Higgins, "TheAdvisoryOpinion on Namibia: WhichUN Resolutions are binding
underArticle25 of theChart?".a., vol. 21,1972.p. 270.
342 S/RES/661,6 août 1990.

343 SlRESl661.6 août 1990,SBES. 670.25 septembre1990,par.1.8 et 10.

344 S/RES/661,6 août 1990.l'encontre de l'Irak: ainsile Conseil de sécunté"Demands that Iraq withdraw
imrnediate~~..."~~~L.a version en langue française de ces résolutions utilise

"Demande" pour "Callsupon" et "Exige"pour "Demands".Ce qui est clair est que
ces résolutionsétaientfondéessur le chapitreVI1 et étaientobligatoires. Parce

que certaines dispositions commençaient avec la phrase "demande" ou "calls
upon", les destinataires ne pouvaient les mettre de cBté, au gré de leur

convenance politique. Le terme "demande" ou "callsupon" est aussi utili'ans
les résolutionsdu Conseil de sécuntérelatives aux sanctions à l'encontre de la

~ou~osiavie346.

5.57 Dans la Résolution384,le Conseilde sécurité "demandeo"u "callsupon" à

l'Indonésiede retirer ses forces; "& instamment tous les Etats" (ou "urges")
de coopéreravec l'organisation desNations Unies dans ses efforts pour faciliter

la décolonisation duTemtoire. Dans la Résolution389, le mot "demande" ou
"callsupon" est utilisétant dans la disposition dirigéeà l'intentionde l'Indonésie

que dans la disposition dirigéeà l'encontre des Etats tiers. 11ne peut pas être
sérieusementsuggéré que, du simple faitde la terminologieemployée,la matière

est en dehors du chapitreVI1 et que les résolutionssont de simples suggestions
faites à l'Indonésieet aux Etats tiers quant à la façon dont ils pourraient se

comporter, s'ilsle voulaient. C'est,en soi, totalement absurde parce qu'une telle
interprétation caractériserait commefacultative l'exigencequ'un Etat se retire
d'un temtoire occupéillégalement;et aussi comme facultatif le devoir des Etats

Membres des Nations Unies de ne pas faire obstacle au droit d'un peuple à
disposer de lui-même . esensde l'obligationjuridiqueest clairement reflété dans

le paragraphe de la Résolution 31/5par laquelle l'Assemblée

"Dé~lorevivementle refus persistant du Gouvernement indonésien
d'observer les dispositions de la résolution 3485 XXX) de
l'Assembléegénéray4qd tes résolutions 384 (1975)t 38 (1976) du
Conseilde sécurité" (soulignépar le Portugal).

La référenceau "refus persistant du Gouvernement indonésien"d'appliquer les

dispositionsfut répétéeans la Résolution32134~~~.

346 SIRESi7'24.15dkcembre1991.

34' MemoireduPortugal,Annexe1.4,vol.p.6.
348
MkmoireduPortugal,Annexe1.5,voII,p.8.5.58 La Cour, dans l'affaire des Conséauencesiuridiaues Dour les Etats de la

présence continue de l'Afriaue du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la Résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,a parléde l'utilité

d'examiner,pour déciderI'applicabilitde l'article25,toutes les circonstances qui
pourraient l'assister dans la détermination des conséquences juridiques des

résolutions du Conseil de sécurité349.Dans ce contexte, le Portugal attire
l'attention de la Cour sur les débatsdu Conseilde sécurlors de l'adoption des

deuxRésolutionset leurs annexes.Les déléguéo snt clairement perçu la question
comme en étantune tombant dans le domaine du chapitre VI1de la Charte.

Ainsi, le représentant du Japon a insistépour que "l'ordre et la paix soient

restaurés dans la région aussirapidement que possible"350. Immédiatement
aprèsle vote de la premièreRésolution duConseilde sécuritél,e représentant de

la Guinée"condamne l'invasion"351.Le représentantde la Chine a aussi parléde
l'"invasionarméedu Timor oriental"par l'Indonésiequi constituait une 'biolation

directe de la Charte des Nations Unies". 11poursuivit "[n]ous estimons que le
Gouvernement indonésiendoit se conformer aux dispositionssusmentionnéesde

la résolution duConseil de sécurité"35L.e représentantde la RépubliqueUnie
du Cameroun vit la résolutiondans le contexte du rBle généraldu Conseil de

sécurité"organe de sauvegarde de la paix et de la sécuritéinternationales dans
cette région"353.Enfin, lereprésentantjaponais indiqua que le r81edu Conseilde
,354
sécuritéétait"de rétablirla paixet I'ordredans la région.

5.59 Le représentant de la Tanzanie soulignaque la Résolutiondu Conseil de
sécuritéétait en parallèle avec la Résolution 3485 (XXX) de l'Assemblée

généraleen ce qu'elle déploraitl'interventionindonésienne,demandait le retrait
immédiat de ses forces et soulignait le droit inaliénabledu peuple du Timor
oriental àdisposer de lui-mêmeI.l nota en outre

349
C.I.RJecueil1971,.53par.114.
350
MkmoireduPonugal,Annexe11.2v4olII ,.185,ar.49.
351
Memoiredu Portugal, nnexeIL24olIIp,.192,ar.10.
352 Ibid.,p. 1,ar.14-15.

353 m., p.193.ar.25.

354 Ibid.,p196par.43. "avecsatisfaction que le rBleque le Portugal est appelàjoy33 est
conforme àses responsabilitésde Puissanceadministrante..."

11se référaà la "décision"du Conseil de sécurité qui venaitd'êtreprise. Le
représentant de l'Italie se référaau r6le du Conseil de sécurité quiconsiste à

"rétablir la paix et i'ordre"et dit que le but principal de la Résolution de
l'Assembléegénéraleétaitd'assisterle peuple du Timor oriental dans l'exercice

de son droità l'autodétermination.A cette fin,

"l'Organisationbénéficierade la pleine coopérationet de l'aidede
tous ses membres et en articulier de ce ui s'intéressentplus
directement àl'avenirdu !mor portugais ,186~.

5.60 Quand le rapport du Secrétaire faisant suite à la Résolution

384 (1975) vint à êtrediscuté, lereprésentant du Bénin parla d'"agression
militaire" et de "l'acteaccompli par l'Indonésieen violation flagrante de tous les

principes du droit internati~nal"~~~.Le représentant suédoisse rapporta à la
"demande" faite en décembrepar le Conseil à l'Indonésiede retirer sans délai

toutes ses forces du Territoire. Le lOjuin 1976,l'Indonésieinforma le Président
du Conseil de sécurité que le "popular assemblyof East Timor" avait, le 31 mai

1976,décidé l'intégrationdu Temtoire du Timor oriental àl'Indonésieet invita le
Présidentà le visiter.Le Président,après consultation de tous les membres du

Conseil de sécuritér,épondit ense référantaux deuxRésolutionsdu Conseil de
sécurité.11écrivit:

"Eu égardaux décisionsqu'ila prises au sujet de la situation au
Timor oriental, le Conseil de sécurité esparvenu à la conclu,599
u'ilnepeut accepter i'invitationdu Gouvernement indonésien
?.oulignépar le Portugal).

355
m., p. 199,par.73-75.
356
m., p.200,par.81.84 e88.
357
MernoireduPortugal,Annexe11.10,lIIp,.52.
358 Mernoiredu Portugal,Annexe11.5.lIIp,.272,par.1etp. 274-275,par.30.

359 Annexe1.2,Rkplique,vol. II.p.3. 5.61 En résumé, lesmembres du Conseil de sécuritéont regardé l'invasion
comme un acte illicite, ont considéréque le Conseil de sécuritéagissait pour

rétablirla paix dans la régionet qu'ilavait pris des décisionsdirigéesà cette fin,
décisionsque l'Australieet les autres Etats Membres des Nations Unies doivent

respecter.

Section4. L'Australie aI'oblieationde reswcter la souverainetéwrmanente
du wu~le du Timor oriental sur ses richesses et ressources

naturelles

5.62 Dans son Mémoire,le Portugal a retracél'évolutionhistorique du concept

de la souverainetépermanente sur les ressources naturelles, remarquant tant son
application comme un droit des peuples que sa relation étroite avec l'intégrité

temtoria~e~~OL . e Portugal a affirmé qu'enne traitant pas leTerritoire du Timor
oriental comme un temtoire non-autonome, l'Australie a déniéau peuple du

Timor oriental son droit à la souveraineté sur ses ressources naturelles. D'une
manière illicite, l'Australie a entrepris d'explorer et d'exploiter une partie des

ressources du plateau continental du 'Timor Gap" sans le consentement de la
361
Puissance administrante et en excluanttoute négociationaveccelle-ci .

5.63 Dans son Contre-mémoire,l'Australie ne conteste pas le principe de la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles ni son applicabilité au

peuple du Timor oriental. L'Australiese contente de deux brèves observations.
Premièrement, le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

n'empêchaitpas l'Australie de conclure et de mettre en oeuvre l'"Accord"et
"[tlhe same must be true of the corollaryprinciple of permanent sovereigntyover

natural resources: to rely on that principle is simply to reiterate the issue in . ,

another f~rm"~~~L . aseconde observation de l'Australieest que si, dans l'avenir,
le peuple du Timor oriental accédaità l'indépendance,alors, en tant qu'Etat

successeur, ilaurait la libertéde répudier1"'Accord" s'ilne luiconvenait pas363.

36û MemoireduPonugal,p. 100-114,par.4.39-4.61.

: 361 Memoiredu Portugal,p.216-219,par.8.15-8.21.

362 Contre-memoirede l'Australie,p. 168,par.377.

363 Contre-memoiredel'Australie,p. 168-169,par.380.5.64 En premier lieu, I'on peut affirmer que le Timor oriental ne sera jamais
l'Etat successeur de l'Indonésie,cette dernièren'ayantaucun titre juridique sur ce

Territoire non-autonome. Au surplus, cette réponse de l'Australie révèleune
méconnaissancede la nature juridique du droit de la souverainetépermanente

sur les richesses et ressources naturelles. Comme le Portugal l'a montré
précédemment,les Etats tiers ont des devoirs vis-à-visdu droit des peuples à

disposer d'eux-mêmesqui vont au-delà de la simple reconnaissance d'actes
d'autodétermination,si et lorsqu'ilssurviennent. Ainsi,mêmesi la référenceà la

souveraineté permanente sur les ressources naturelles était"simplyto reiterate
the issue in another f~rm"~~~i,l y aurait des devoirs à la charge de.l9Australie.

Mais, en fait, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles contient
des attributs spécifiques quimettent clairement en évidence I'illiceitéde la

conduite australienne.

5.65 Le Portugal a montré dans son Mémoirecomment le fil de l'évolution
normative relative à la décolonisationet à l'autodétermination(que I'ontrouve

par exemple dans les Résolutions 1514 (XV) et 1541 (XV) de l'Assemblée

générale)et le fil de l'évolution normative relativeà la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles (par exemple dans les Résolutions1803(XVII) et

3281 (XXIX) de l'Assembléegénérale) ontétéréunisdans la formulation de
l'articlepremier des Pactes internationaux relatifs au droit de l'homme. Le droit

de tous les peuples à disposer d'eux-mêmes inclut le droit de déterminer
librement leur développementéconomique.Et c'est pour atteindre ses fins que

tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles. Comme l'a écrit Aureliu Cristescudans son importante

étudesur le droit d'autodétermination:

"The permanent sovereignty of peoples over their natural wealth
and resources, proclaimed by the United Nations in the context of
decolonization, is the essential feature of the economic aspect of
self-determination, in otherwy~fs,of the right of peoples to pursue
their economic development" , .

364 Contre-memoirede l'Australie,p. 1par.377.

365 "TheRight Io Self-Determination:Historicaland CurrentDevelopmenton the Basisof
United Nations InstrumentsE/CN.4/Sub.2/4O4/Rev.1981. p.45, par.296. M. Critescu
etait le RapporteurSpecialde lasous-commissionsurla preventionde ladiscrimination
et laprotection des minorités.La souveraineté complète ne peut pas êtreatteinte par la seule indépendance

politique; elle nécessite le contrale souverai- en conformité toutefois avec le
droit international - sur les ressources naturelles d'un temtoire. Un Etat

souverain peut toujours choisir, dans l'exercice de sa souveraineté, d'autoriser
certains investissements étrangers relatifs à ses ressources naturelles et à

l'exploitation de celles-ci. Mais, quand les droits aux ressources naturelles sont
affectés sans le consentement du peuple d'un temtoire autonome, il y a alors là

un obstacle à la réalisationde l'autodétermination (mêmesi un choix quant au
futur politique a étéautorisé).

Une des exigences qui doit êtresatisfaite afin qu'un arrangement juridique soit

considéré compatibleavec le principe de la souveraineté permanente est qu'il
doit avoir étéconclu librement366. Différentes vues ont étéexprimées sur le

point de savoir si les accords relatifs aux ressources naturelles conclus par les
puissances coloniales avec des Etats tiers ont étéréellement "conclus librement"

en ce qui concerne le peuple du territoire non-autonome. Mais ce qui est tout à
fait clair c'est que la conclusion d'un accord relatif aux ressources naturelles sans

consultation soi du peuple du temtoire g&t de la Puissance administrante viole
manifestement les exigences fondamentales du principe de la souveraineté
permanente sur les richesses et ressources naturelles.

5.66 Ce qui est essentiel à la compréhension du droit à la souveraineté

permanente -et, d'une manière générale,aux obligations des Etats relatives à ce
droit -c'est que c'est undroit de l'homme tout autant qu'un droit souverain des

Etats. En effet, il a étésuggéréque la qualification de la souveraineté sur les
ressources naturelles comme une "souveraineté permanente" par l'Assemblée

généraleavait pour but de protéger "the sovereignty over natural resources of
peoples which had not yet attained self-determinati~n"~~~.Certaines résolutions

des Nations Unies soulignent le droit des Etats indépendants, dans les relations
avec les autres, à la souveraineté sur leurs richesses et ressources naturelles.

Ces résolutionsont traitédu droit de nationaliser les ressources

366 KamalHossain (ed.), Leeal ASpectSof the New InternationalEconomic Order,Frances
Pinter(Publishers)Ltd.,London.1980,p.39.

367 Ria Kemper, Nationale Verfileune über natürliche Ressourcen und die Neue
WelrwirtschaftsordnunedeVereinten Nationen,Berlin. p.27, note 29.

368 Voir, mes 3281 (XXIX) du 12decembre 1974 (Charte des droits et devoirs
economiquesdes Etats).naturelles sous propriété étrangère et des exigences de compensation en
résultant.Mais dans les Résolutions837 (IX), 1314 (XIII),1803 (XVII) et 2692

(XXV), l'Assembléegénéralea qualifié cesdroits comme appartenant aux
"peuples et nations".

Le droit d'utiliserlibrement, de contrdler et de disposer des ressources naturelles

est permanent et inaliénable. C'est un élément cléde l'autodéterminationet un
droit dont le peuple est titulaire. Ceci est affirmépar les termes de l'article

premier des Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme. L'Australie
méconnaîtle caractère juridique du droit à la souverainetépermanente sur les

richesses et ressources naturelles lorsqu'elleaffirme que la "self-determination is
not concerned with the validity of exercises of sovereignty prior to self-

determinati~n"~~~.Si cette affirmation étaitvraie, ce serait un moyen cyniquede
s'assurer qu'une vraieautodétermination n'aura jamais lieu. L'affirmationest

aussi incompatible avec le but sous-jacent du concept de souveraineté

permanente qui est de garantir l'indépendanceavec un patrimoine économique
intact.

5.67 Cette dualitédu droit à la souverainetépermanente -un droit souverain

des Etats et un droit des peuples CO-existantvecle droità disposer d'eux-mêmes
- entraîne certaines conséquences.Un Etat indépendantdoit toujours exercer ses

droits pour le compte du peuple dans son ensemble. Dans un territoire non-
autonome, le droit appartient au peuple. Les puissancesoccupantes n'ont aucune

souverainetésur les ressources naturelles des territoires qu'ellesoccupent. Cette
analyse est soutenue par l'important rapport des Nations Unies préparépar le

Professeur Blaine Sloan, ancien Directeur de la Divisionjuridique générale des
Nations En effet, se référant à la Résolution 3171 (XXVIII) de

I'Assembléegénérale,le rapport souligne 'The nght to permanent sovereignty
includes the right of peoples to regain effective control over their natural

tesources 371.

369 Contre-memoirede l'Australp.167,par.375.

370 Rapport sur"Studyof the implications,underInternatLaw,of the United Nations
Resolutions on Permanent Sovereignty over Natural Resources, in the Occupied
Palestinianand OtherrabTerritoriesandon the Obligationsof IsraelConcernils
Conduct in These Territories"pr6part wnformtment A la ~&olution 261173 du
17 dtcembre 1981de l'Assembl&gtn6rale The Palestine Yearbookof International
Law,1989,vol.V,p.369et suiv.

371 Ibid..secA.(d), p.374.5.68 Il est bien admis quece droit est un droit despeuples, et qu'ilest en fait un
droit qui se réfèreaux ressources maritimes aussibien qu'aux autres ressources

Le Portugal a indiqué clairementque les ressources naturelles du
Timor oriental appartiennent au peuple de ce territoire et non pas au

~ortu~a1373.

5.69 11s'ensuit nécessairement du faitque les peuples des territoires non-
autonomes ont le droit à la souverainetépermanente que certaines obligations

sont mises à la charge de la Puissanceadministrante. Ainsi la résolution3290de
l'Assembléegénérale en date du 13décembre1974,traitant de la question de l'île

américainede Samoa, de Guam, des NouvellesHébrides,de Pitcairn, de Sainte-
Hélèneet des îlesSalomon:

"&ggs the administering powers to safeguard the inalienable nght
of the peoples of those Temtories tothe enjoyment of their natural
resources by taking effective measures which guarantee the nghts
establish and maintain controlof theirfuture developmentet2ï'6. to

Les Résolutionsde l'Assemblée générale en 1976sur file américainede Samoa et

sur les îles Vierges ont à nouveau prié, avec insistance, les Etats-Unis de
sauvegarder le droit des peuples indigènes à bénéficierde leurs richesses et

ressources naturelles375.

5.70 Le droit à la souveraineté permanente sur les richesses et ressources
naturelles -le droit de posséder,d'utiliser,de contrôler et d'aliéne- appartient

au peuple du Timor oriental; et le Portugal,en tant que Puissance administrante,
a le devoir de prendre toutes les mesures nécessaireset qui sont à sa disposition

pour sauvegarder ce droit.

372 Voir,parexemple,la declararionau ConseildeTutelle, le14juin 1977de l'Ambassadeur
AllardK. Lowenstein:"Concemingmarineresources, the United States reaffthatd
we do not wntest the factthatthe fullbenefitsfromthe marineresourcescoasrshe
of Micronesia shouldaccrueto the peopleof theTrustTeiy.."nited StatesDieest
of Practice, 1977,p.7677.

373 Memoiredu Portugal,p.216-217,par.8.15-8.16.

374 UnitedStatesDieestof Practice.1974,p. 50.

375 United States Digestof Practice,p.55.,5.71 Mais ce n'est pas,comme l'AustralieI'asuggéréu,ne matière qui n'aurait

aucune pertinence juridique pour les tiers. Les habitants des temtoires non-
autonomes bénéficiend t e la protection établiepar l'article73de la Charte qui se
réfèreà la primautéde leurs intéretscomme "unemissionsacrée".Tous les Etats

Membres des Nations Unies, en tant que parties à la Charte, reconnaissent
l'engagement de remplir cette mission sacrée au bénéficedes peuples des

territoires non-autonomes -de la même manièreque tous les membres de la
Sociétédes Nations ont reconnu l'engagement de promouvoir, comme une

missionsacrée,lestemtoires sous mandat.

L'avisconsultatif relatifau Statut international du Sud-Ouest africain376fournit
un exemple des intéretset des obligationsjuridiquesde diverses parties en ce qui
concerne les ressources naturelles. Par la suite,les Nations Unies ayant mis finau

mandat de i'Afriquedu Sud, le Conseildes Nations Unies pour la Namibie s'est
décidéà agir, par le Décretno1,afin de protégerles ressources naturelles de la

Namibie. Cette protection était opposable à tous. Le Décret no1 se fonde
expressément sur la Résolution 1803 (XVII )e l'Assembléegénéralequi

"Déclare...le droit de souverainetépermanente des peuples et des nations sur
leurs richesses et ressources naturellLa".protection des ressources naturelles

de la Namibie n'étaitpas une question concernant seulement l'Afriquedu sud et
la Namibie car elle avait des implicationsjuridiquespour tous les Etats Membres
des Nations Unies. Bien que l'Afrique du sud ait maintenu l'administratio&

facto du territoire, les Etats n'étaientpas libres de traiter avec l'Afrique du sud
comme si elle avait un titrejuridique surles ressourcesnaturelles; la souveraineté

permanente appartenait au peuple Namibien représentépar le Conseil de la
Namibie.

5.72 Le Portugal étanttoujours la Puissanceadministrante représentele peuple

du Timor oriental et cherche à protéger ses ressources naturelles. Les Etats
Membres des Nations Unies, en tant que parties à la Charte, ont l'obligationde
ne prendre aucune action qui setait incompatible avec la souveraineté

permanente du peuple du Timor oriental sur sesrichesseset ressources naturelles
y compris les ressources maritimes.

376 C.I.J.Recueil 1p.128.5.73 Après avoir examiné soigneusementtoutes les résolutionsdes Nations
Unies relatives à la souverainetépermanente, le Professeur Blaine Sloan a noté

l'importance de cette souveraineté permanente pour l'ensemble des Etats
Membres des Nations Unies:

'The right to permanent sovereignty should be respected in
conformity with the ri hts and duties of States under international
law(resolution 1515( a V)). Itsviolationiscontrary to the spirit and
princi le3Sff the Charter of the United Nations (resolution 1803
(xvrKY .

5.74 Le fait de refuser le droit à la souveraineté permanente à cause de

l'occupation militaireest chose particulièrementchoquante, et l'article 16-2de la
Résolution3281 (XXIX) de l'Assembléegénérale,endate du 12décembre1974,

rappelle que:

"Aucun Etat n'a le droit de promouvoir ou encourager des
investissements qui peuvent constituer un obstacle à la libération
d'unterritoire occupépar la force".

5.75 Le droit à la souveraineté permanente est aussi un élémentdu droit à

l'autodétermination, ainsi qu'il est inscrit dans I'article premier du Pacte

international sur les droits civilset politiques378.Alors qu'ilexiste des obligations
spécialesincombant aux Etats administrants en ce qui concerne les droits à la

souveraineté permanente des peuples dépendants:

"Article 1includesobligationsfor al1contractingStates...

- Every state must also promote the realization of the righ5g self-
determination of peoples in other countriesor territorie..."

377
Rapport sur "Studyof the Implications,under International Law,of the United Nations
Resolutions on Permanent Sovereignty over Natural Resources, on the Occupied
Palestinian and Other Arab Territories and on the Obligations of Israel Concerning its
Conduct in These Territories" prepar6 conformemeAt la R&olution 261173du
17dkcembre 1981de I'Assemblkegknerale The Palestine Yearbook of International
-Law,vol.V,1989,SectionA(c)p.374.

378 Cepoint fait par le Portug102,par. 4.42de son Memoire a kt6 expresdment admis
par l'Australie168par.377de son Contre-memoire.

379 Antonio Cassese, "The Self-Determination of Peop&esThe International Bill of
Riehts. The Covenant on Civil and Political Riehü, Louis Henkin (ed.), Columbia
UniversityPres1981,p.106-107.5.76 La position de l'Australie a étéà la fois différente de celle des autres
nations du Nord comme du Sud et incohérente. A la connaissance du Portugal,

seule l'Australie a reconnu l'annexionindonésienne duTimor oriental. En
fait, c'est sur cette base qu'en 1980I'Australie s'estopposée à l'insertion de la

question du Timor oriental dans l'agenda de l'Assembléegénérale380.En même
temps, l'Australie a continuéàexprimer sa préoccupation:

"de voir qu'un acte d'autodétermination internatiogement
contrôléet acceptén'avaitpas eu lieu (au Timor oriental)" .

En même temps, contrairement à la plupart des autres Etats industrialisés,
l'Australie ne s'estpas abstenue lors du vote de la Charte sur les droits et devoirs

économiques des Etats. Bien qu'il ait effectué des observations sur certaines
dispositions spécifiques, le Représentant de l'Australie a expliqué que son

Gouvernement apportait son soutien aux objectifs de la Charte visant à établir
"patterns of international behaviour whichshould lead to economic development

and advancement for a11"~~~ C.e sens du devoir international ne peut pas exclure

les peuples des territoires non-autonomes qui n'ont pas encore accédé à
l'autodétermination.

5.77 Dans son Contre-mémoire, I'Australie a pris la position que

I'autodétermination est une question relevant de la puissance coloniale; qu'elle
n'a jamais étél'autorité administrante et elle ne peut rien faire pour aider

l'autodétermination du peuple du Timor oriental. Même si ceci était une
évaluation correcte du devoir des Etats tiers en ce qui concerne

l'autodétermination (sed auod non)383, il est clair que cette attitude ne peut
s'appliquer au droit de la souveraineté permanente. Au contraire, il serait

parfaitement possible pour I'Australie de ne pas traiter le peuple du Timor
oriental comme si ce dernier n'avait pas la souveraineté sur ses richesses et

380 AustralianPracticein InternatiLawl1981-1983,edJ.Brown,1985,p. 156,par.107,
citantA/BURL36/SR.l,p. 17.

381 Mkmoire du Portugapl,.72,par.2.24et Annexe111,ol. V,p.269. Voirladkclaration
duMinistredesAffairesktrangere, avril1983,Comm.Rec.402g Australian Practice
in InternatioLaw 1981-1983u., p. 156,par.107.

382 GAOR29thSas. AJCNsR.1950,p.6.

383 Contre-m&moire de I'Australie,p. 155, par.347 et Memoiredu Portugal,p. 114-116,
par.4.62.ressources naturelles. Les comportements de l'Australie - la négociation, la
conclusion et le commencement de la mise en oeuvre de l'''AccordV -sont une

négation directe pour le peuple de Timor de l'élémentclé du droit à la
souverainetépermanente: à savoir,que ses ressourcesnaturelles ne peuvent faire
l'objet d'une quelconque exploration ou exploitation sans son consentement.

Méconnaissant sespropres obligationsinternationales relatives àla souveraineté
permanente - pour des actes dont elle est responsabl- l'Australie, à nouveau,

tente de faire porter la responsabilité sur quelqu'un d'autre, tout en en
conservant lebénéfice:

"It is open to Indonesia tonsure that the people of East Timor
enjoy an equitable share of theTreaty's benefits by passing on to
them an appropriateshare of the revenue whichIndonesia derives.
It is not for A alia unilaterallyto require Indonesia to make such
an allocationIJ%.

5.78 Au cours des années,l'Australiea clairement indiquéqu'elle n'apas cessé
de reprocher àl'Indonésiesesviolationsdes droits de I'homme:

Govemment's position onmmhuman rights issuesand its commitment
to doi%yhatever it reasonably can to assist the people of East
Timor" .

Mais la souverainetépermanente sur les richesseset ressources naturelles ainsi

que le droit des peuples à disposer d'eux-memessontdes questions relevant des
droits de I'homme. Telle est exactement la significationde leur insertion dans
l'articlepremier des Pactes relatifs aux droits de I'homme.Les droits de I'homme

ne peuvent pas êtreinterprétésà loisir,comme étantlimitésà un abus physique
sur lequel l'Australie n'aurait aucun contrôle. Les droits de I'homme

comprennent la souveraineté permanente et le droit des peuples à disposer
d'eux-memes au regard desquels l'Australie, en réalité,a des obligations
juridiques:

384 Contre-memoiredel'Australie,p. 138,par.312.
385
Voir la reponse du Senateur Walsh, au nom du Gouvernement (Sen Deb, 2650),
16novembre 1983 AustralianPracticeinInternatiLawl1981-1983a., p. 156. "Correlative to the people's ri t to self-determination, there is a
corresponding dut7 of&v&ry Ptate to promote in good faith the
realisation of this nght" .

5.79 C'est l'Australie elle-mêmequi a violéles droits du peuple du Timor
oriental àla souverainetépermanente sur ses ressources maritimes. Elle ne peut

pas faire obstacle àl'examen judiciairede ce fait simplement en déclarantque les
actes litigieux ont été,en fait, commisconjointement avec un autre Etat, lequel
n'estpas devant la Cour. Ce sont les actes de l'Australiequi sont l'objetm&mede

la Requêteportugaise. La conclusionde l'"Accord"par l'Australieest l'expression
de la négation de la souveraineté dupeuple du Timor oriental. Il n'est pas

demandé à la Cour de juger de la position indonésienne relative, soit à
l'occupation militaire, soit aux violatiodes droits de l'homme, soit encore à

l'"Accord".Tout simplement, un Etat ne peut pas échapper à ses obligations
découlantde la Charte, du droit international généralet des Pactes relatifs aux

droits de l'homme,en soutenant qu'ellesne peuvent êtremises en question sans
aussijuger un autre Etat àqui ila choiside s'associer.

5.80 De même,l'Australiene peut pas échapperà ses propres responsabilités

découlantdu fait qu'ellea violé ledroit du peuple du Timor oriental àdisposer de
lui-mêmeen invoquant un devoir distinctde l'Indonésiede respecter les droits de
I'homme au Timor oriental. L'Australie ne peut pas se libérerde ses devoirs

découlantdu droit international au moyend'exhortations dirigéesàl'encontre de
l'Indonésie.

5.81 L'Australie,affirmant qu'elle n'aurait pas violéerincipe de souveraineté

permanente sur les richesses et ressources naturelles, explique qu'ellen'ajamais
acceptéles prétentionsdu Portugal selon lesquelles les ressources du peuple du

Timor oriental s'étendentjusqu'à la lignemédianedivisantla zone situéeen mer
entre l'Australie et la fosse du Timor IIn'est pas demandéà la Cour

de statuer sur cette question. Mais cela, contrairement à ce que l'Australie
affirme, ne met pas un final à l'affaire portée devant la Cour par le

Portugal. Le fait mêmeque l'Australie soitentréedans une convention aux fins
d'exploitation des ressources qu'unePuissanceadministrante revendique pour un

386 S.R. Chowdhury,"Ihe Status and Norms of self-~etermination in Contemporary
InternationalLaw",NetherlandsInternationalLaw Review, vol. 24, 1977, p.82. Voir
aussiMemoiredu Portugap.95-100,par.4.30-4.38.

387 Contre-mkmoirede l'Australie,p. 167-168,par.376.peuple non-autonome, sans consultation ounégociationavecl'unequelconque de

ces entités, esten lui-même uneviolationdu droit à la souverainetépermanente;
et ce indépendamment de toute solution judiciaire ou règlement négociéde la

frontièremaritime.

5.82 L'essence du principe de souverainetépermanente sur les richesses et
ressources natureiles est que c'est à ceux qui sont les titulaires de ce droit de

déciderau mieux de leurs intérêts. C'es ptrécisémentlaraison pour laquelle les
accords sur les richesseset ressources naturelles ne peuvent pas êtreconclussans

le libre consentement du peuple d'untemtoire ou de la puissance administrante
agissant pour son compte. Le principe de la souveraineté permanente,

contrairement à ce que prétend l'~ustralie~~~,n'implique pas nécessairement
que la Cour ait à déciderde ce qui est de l'intérêdtu peuple du Timor oriental.

La Cour n'est pas appelée à "take into acc~unt"~~~plusieurs scénariospossibles
et à faire sa propre proposition. Au contraire, sonr61eest de décidersile droit du

peuple du Timor oriental de prendre lui-mêmecette décision aétéviolépar
l'Australie.

388 Contre-memoirede I'Australie.p. 138,par.313.

389 Ibid. CHAPITRE VI
L'AUSTRALIE AMECONNULESQUALïïES IR LESDROITSDUTIMOR
ORIENTAL Eï DUPORTUGAL

Section 1. Les illiceithsde l'Australie

6.01 Il convient de rappeler quels sont les faits de l'Australiedont le Portugal

demande la déclarationd'illiceitéet quelles sont les obligationsque le Portugal
estime avoir étvioléesde par cesfaits.

A. Lesfaits illicites

6.02 Les faits illicitessont les suivants

a) La négociation, la conclusiet le commencement d'exécutionde
l'"Accord";

b) L'adoption du "Petroleum (Australia-Indonesia Zone of

Cooperation) Act 1990 et du "Petroleum (Australia-Indonesia Zone of
Cooperation) (Consequential Provisions)Act 1990";

c) La négociationde la délimitationdu plateau continental dans la
zone du 'Timor Gap" qui se poursuit toujours avecunEtat tiers;

L'exclusionde toute négociationavec la Puissance administrante
d)
du Territoire du Timor oriental, c'est-à-dire, le Portugal,concernant l'exploration
et l'exploitationdes ressources du plateau dans la zone;

e) Le fait que l'Australie est en train d'explorer et se propose

d'exploiter le sous-sol de la mer dans le "Timor Gap" sur la base d'un titre
plurilatéral auquel n'est pas partie la Puissance administrante du Temtoire du
Timor oriental.

390
2&meet 3emeConclusionsde laReqetMemoireduPortugal,p.203,par.8.01.6.03 Pour ce qui est du point e), le Portugal rappelle la remarque déjà faiteau

~émoire~~l: il utilise le mot "plurilatéral"dans son sens propre, par opposition à
"unilatéral".Et il rappelle aussi qu'entretemps l'exploration de la "Zone de

Coopération", et notamment de I'aire A, a commencé392. Par ailleurs, la
République portugaise note que ni le "Conseil ministériel" ni l'"Autorité

conjointe"prévuspar l'"Accord"n'ontde personnalitéjuridiqueinternationale de
sorte que, du point de vue du droit international, l'explorationet l'exploitationde

l'aireA prend la nature d'exploration et d'exploitation par l'une et l'autre des
parties à l'"Accord"Le paragraphe 4 du "Petroleum (Australia-Indonesia Zone

of Cooperation) Act 1990"indique que:

"Le conseil ministérielet l'autoritéconjointe exercent les droits et
exécutent les obligations de l'Australie en ce qui concerne
l'exploration et l'exploitationdes ressources pétro%r3rans l'aire
A de la zone de coopération,conformémentau Traité" .

6.04 La République portugaise signale aussi que l'adoption des "Petroleum

(Australia-Indonesia Zone of Cooperation) Act 1990 et celle du "Petroleum

(Australia-lndonesia Zone of Cooperation) (Consequential Provisions)Act 1990
ont de l'autonomie, en tant que faits illicites,par rapport au fait illicite de la

conclusion de 1"'Accord. La première loi incorpore celui-cidans l'ordre interne
australien, enyajoutant quelques dispositions(notamment les dispositions de ses

paragraphes 6,7 et 8) qui, elles aussi, méconnaissent lecaractère non-autonome
du Timor oriental et la qualité du Portugal comme sa Puissance

admini~trante~~~. La seconde loi modifie certaines dispositions de la loi
australienne, toujours sur la base de la mêmeméconr~aissance~~~1 .1s'agit,

évidemment,d'actesde l'Australieet d'elle-seule.

6.05 Notons, enfin, qu'aucun des faits indiqués au paragraphe 6.02 n'est
contestéen l'espèce.

391 Memoiredu Portugalp,202,par.8.01.

392 Annexe11.R 5eplique,voIIp,184A,nnexe11.R6.eplique,voII,.186etAnnexe11.7,
Replique,volIIp.188.

393 Memoiredu PortugalA, nnexe111volV, p.89.

394 Memoiredu PortugalA, nnexe111volV, p.90.

395 Parexemple,laPartieI-"Amendmento sf theCrimesofSeaAct 1979"et laPartie-
"Amendments Io the Petroleum (Submerged Lands) 1ct7".Memoiredu Portugal,
Annexe IIL11vol.V,p.156. B. Lesoblieations violées

6.06 Les obligations que le Portugal considèreavoir étévioléespar l'Australie

de par lesfaits indiqués(et de par chacun d'eux)sont, pour l'essentiel:

a) I'obligation de traiter un territoire non-autonome - le Timor
oriental - comme tel et de traiter comme telle la Puissanceadministrante d'un
tem'toire non-autonome - le Portugal- en respectant ainsi le droit du peuple du

Timor oriental à disposer de lui-mêmeet les compétences, devoirset droits du
Portugal comme Puissanceadministrante du Territoire;

b) l'obligationde favoriser l'exercicepar lepeuple d'unterritoire non-
autonome -le peuple du Timor oriental -de sondroit à disposer de lui-même;

I'obligationde respecter la souverainetépermanente d'un peuple
c)
d'un temtoire non-autonome - le peuple du Timor oriental -sur ses richesses et
ressources naturelles;

d) I'obligationde négocier,de bonne foi, l'harmonisation des droits
respectifs en cas de concours de droits ou de prétentions sur les espaces

maritimes en relation avecI'obligationde respecter la souverainetépermanente.

6.07 L'obligation visée au point d) n'est pas, en elle-même,contestéedans la
présenteespèce.L'Australiela reconnaît et elle Pour ce qui est des

trois premières obligations,le Portugal croit les avoir établiesdans son Mémoire
et au Chapitre V de la présenteRéplique.11s'agitmaintenant, tout en répondant
aux arguments australiens, de montrer comment les obligationsmentionnéesau

paragraphe 6.06ont été violéespar les faits indiquéau paragraphe 6.02.

396 Contre-m6moirede I'AuStrali,174-175,par404-405. C. La méconnaissanceDarl'Australiede la aualitédu Timor oriental

comme territoire non-autonome et de celle du Portugal comme sa
Puissance administrante

6.08 Troispoints de fait sont fondamentaux:

a) Dès février 1979, l'Australie reconnaît de iure une annexion du
Timor oriental par l'Indonésie;

b) Selon le Gouvernement australien, cette reconnaissance fut

impliquéepar le débutmêmedes négociationsconcernant le 'Timor Gap", en
vertu de la nature de celles-ci;

c) Ce fut sur la base d'une telle reconnaissance, et en exécutionde

celle-ci, que l'Australie non seulement conduisit et conduit toujours les
négociations avecl'Indonésie,mais encore a conclu I"'Accord",adopté les lois

internes indiquées au paragraphe 6.02 ci-dessus et commencé l'explorationdu
plateau continentaldans le 'Timor Gap".

6.09 Après les événementsde décembre 1975, l'Australie a tout d'abord
continuéà reconnaître le Timor oriental comme un territoire non-autonome et le

Portugal comme sa Puissance admir~istrante~~~L . es rapports que l'Australie
gardait avec l'Indonésieau regard du Timor oriental étaient établis surune "non

recognition ba~is"~~~.En janvier 1978, cependant, l'Australie accorda une
reconnaissance de facto à l'incorporationdu Timor oriental à 1'1ndonésie~~~ E.n

décembre 1978,le Ministre des Affaires étrangèresaustralien annonça, au sujet
des négociationsenvisagéesàl'égarddu 'Timor Gap",que:

'The negotiations, when they start, will sienifvde iure recognition
bvAustralia of the Indonesianincornoration of East Timor.

The acceptance of this situation does not alter the opposition which
the Government has consistentlv , em.essed reea-dine -he manner
of incorporation.

397
par.60-66.Portugal,p.64-67,par.2.17-2.19etContre-memoirede l'Australie,p. 26-28,

398 Memoiredu Portugal,p.67-68,par.2.19.

399 Mkmoire du Portugal,p.68-69, par.2.20-2.etContre-mkmoirede l'Australip.29.
par.68. Recognition is not anythingother than a leeal move and ifvou are
to enkrjn these sort of neeotiations then recognitionoccursand so
be'4w (soulignépar le Portugal).

On ne pouvait &tre plus clair: la nature m&medes négociationsimpliquait la
reconnaissance de iure, c'est-à-dire qu'ellesn'étaient paspossibles hors du cadre

d'une telle reconnaissance. Les négociationscommencèrenten février1979.Par

la suite, c'està cette reconnaissance de iure de février1979que renvoient toutes
les déclarations et tous les documents australiens401. D'autre part, les

négociationsfurent conduites par l'Australie et donc l'"Accord"fut bien conclu
par celle-cidansle cadre et en exécutionde cette reconnaissance.En réponse à la

protestation portugaise du 31 octobre 1988,le Gouvernement australien rappelait
que "Australia has recognised Indonesian sovereignty over East Timor since

February 1979"et renvoyait aux déclarations du Ministredes Affaires étrangères
et du Commerce et du Premier ~inistre~~~. Cette dernière, en date du

ler novembre 1988,disaitsansambages:

"... e have conducted our negotiationswiththe Indonesians
basis and the assum~tionthat we are the twosove ' ~owersand
nations with riehts in this area ta be determin-souligné par
le Portugal).

6.10 Ces faits indéniables gênent maintenanlt'Australie.Son Contre-mémoire

essayede faire oublier que ce fut sur la base et en exécutiond'une reconnaissance
de iure que l'Australiea agi.On n'ytrouve que deux référencese , t seulement en

passant, aux paragraphes 69 et 370. Si on lisait le Contre-mémoire sansavoir le
Mémoire du Portugal à l'esprit, si on se laissait entraîner par l'invocation

systématiquede I'effectivitéet d'intérêts,ans référenceàune quelconque valeur,
on ne soupçonnera$ pas que l'Australieaitjamais agisur labase et en exécution

d'une reconnaissance de. Le Portugal souhaite qu'on ne l'oubliepas. Ce qui
est extraordinaire c'est que ce fut précisémentla reconnaissance de iure d'une

400
Mbmoiredu Portugal,p.69-70,par.2.22et Contre-mkmoee l'Australie,p.29,par.69.

Memoiredu Portugal,Annexes111.25,IL26.111.27I,IL28,11et IlI.39,vol.p210,
216,218,220,245 et 247.
402
MemoireduPonugal,p.61-63.par.2.14.et AnnexeIIL25,vol.V, p. 210.
403
Mkmoiredu Portugal,p.62,par.214.annexion du Timor oriental par l'Indonésie, et seulement elle, que le
Gouvernement australien opposa au Portugal dans ses rares réponses aux
.404
protestations de celui-ci .

6.11 L'essentielpour l'affairesub iudice consisteen ce que reconnaître de iure
l'annexion d'un temtoire non-autonome var un Etat si gnifie. var nécessité

loeique absolue. ne vlus reconnaître ce temtoire comme un temtoire non-
autonome. Dès février 1979, l'Australie non seulement dénie au Portueal la

qualitéde Puissance administrante du Timor oriental, mais encore elle dénieau
Timor oriental la qualité même de temtoire non-autonome.

6.12 Ainsiqu'ill'a le Portugal ne soutient pas que tout rapport avec

une puissance de fait, mêmeà i'égardd'un temtoire non-autonome, soit illicite.
Ce qui importe aux fins de l'espèceet ce que dit le Portugal c'est que de traiter

sur une base de iure par rapport à un temtoire non-autonome, avec une
puissance autre que la puissance administrante, méconnaîtnécessairement non

seulement les droits de la Puissanceadministrante mais encore le droit du peuple
de ce temtoire à disposer de lui-même ainsq iue sa souverainetépermanente sur

ses richesses et ressources naturelles. En conséquence,sont pour le moins illicites
les actes qui:

a) par leur nature même,supposent une non reconnaissance du

caractère non-autonome du territoire et de la qualité de la puissance
administrante;

b) indépendammentde leur nature, sont pratiqués en exécutiond'un

dénide ces qualités.

La non reconnaissance d'un temtoire non-autonome comme tel constitue, à tout
le moins, le débutou l'annonce de l'illiceit. es agissementspostérieursmettent

en oeuvre la non reconnaissance et concrétisentI'illiceité.

6.13 L'application de chacu dens critèresindiquésdétermine,seul de par lui-
même,I'illiceitédes comportements. Dans le cas d'espèceles deux critères sont

applicables aux conduites australiennesviséespar la Requête.

404 Mernoiredu Portuga, nnexes111.et 111.2,ol.Vp.210et 216.

405 ~uorap.ar5.10.Pour ce qui est du premier, faudra-t-il rappeler les mots du Ministre des Affaires
étrangèresaustralien en décembre 1978,jamais contestépar un gouvernement

postérieur:

'The negotiations, whentheystart, willsignifde recognition of
East Timor.

Recognition in not anythingother than a legaimove and if you are
to en&in this sort of negotiation the recognition occursand sobe
itt'[?] .

En ce qui concerne le second critère,ne fût-ce pas la reconnaissance de ~urede
l'annexion du Timor oriental par l'Indonésieque l'Australie invoqua dans ses

deux notes diplomatiques répondantaux protestations portugaises407? Ceci ne
signifie-t-il pas que l'Australie agissait sur la base et en exécution de cette

reconnaissance de iure ? LAccord", selon ses termes mêmes,ne porte-t-il pas
sur

"l'exploration et l'exploitation des ressources pétrolièresdans le
secteur du plateau continental situéentre la provinceindonésienne
du Timor onental et l'Australie septentrionale et devant encore
faire l'objet 'une délimitationpermanente entre les Etats
contractants40k ?

Les droits qui reviennent au Timor oriental n'y sont-ils pas traitéscomme des

droits d'un Etat tiers? N'est-ilpas vrai que l'"Accord exclu toute considération
des intérêtspropres et spécifiquesdu peuple du Timor onental ?

6.14 La situation de l'espèce est bien différente de celle que l'Australie

invoque409, à savoir celle d'Etats ayant passéavec 1'Indonésie des conventions
destinées à prévenir la double imposition et l'évasionfiscale et qui seraient

applicables au Timor oriental. Tout d'abord, la conclusion de ce type de

conventions n'entraîne, de par leur nature, aucun déni du droit dupeuple du

406 -EZa, par.6.09.

40' Memoiredu Portugal,Annexes111.2et 111.2,olV,p.210et 216.

408 Memoiredu Portugal,Annexe111.9,ol.V,p.94.

409 Contre-memoiredeI'Australie, ppendicC,p.213 et suiv.Timor oriental à disposer de lui-mêmeet de sa souverainetépermanente sur ses

richesses et ressources naturelles. Il s'agittout simplemelimie àtlexsercice
d'une autoritéqui est une autoritéde fait.

Ensuite, il est très parlant de comparer le texte de la disposition relative au
territoire d'application dans la convention australo-indonésienneavec celui que

l'on trouve dans la généralité des autconventions. Parmi les conventions que
l'Australiementionne àl'AppendiceC, mêmesile titre se réfèreà"SomeDouble

Tax Treaties Concluded With Indonesia Since 1976 Containing a Territorial
Clause", il y en a trois d'av1976:celle du13 novembre 1973 avec la Belgique

(iii), celle du 5 ma1973avec les Pays-Bas(xii)et celle d13mars 1974 avec le
Royaume-Uni (xix). Dans ces trois traitésla clause d'application territoriale pour
i'indonésieest toujours la même.Auxeffetsde la convention:

"the term 'Indonesia' means the territom of the Reuublic of
Indonesia and the parts of the seabed and subsoil under the
adjacentareas over whichthe Republic of in$%esia has sovereign
rights in accordance with international law" (soulignépar le
Portugal).

Aucune précisionn'étaitnécessaire:le temtoire de l'Indonésieselon le droit
international et selonses loisinternesétait, toutsimplement,le même.

Dans les conventions postérieuresla clause change par rapport à la définitionde
l'Indonésie(mais non par rapport à la définitionde l'autre Etat partie). On lit

désormaisqu'auxeffets de la convention:

"thea 'Indonesia' comvrises the territoof the Republic of
Indonesia as defined in -its laws and..Ila1 (souligne par le
Portugal).

Dire que "Indonesiameans the territos, of the Republic of Indonesia"n'étaitplus
suffisant,précisément parcqu'ily a une différenceentre le droit international et

les lois internes indonésiennes: le Timor oriental "fait uartie" du territoire
indonésien selonles lois internes de cet Etat mais il n'en fait vas partie selon le

droit international.

410
Contre-memoirede l'Australie,AppendiceC,p. 213et suiv.
411 Contre-mkmoirede l'Australie,AppendiceC,p.213et suiv.Quelle est alors la teneur de la clause d'applicationterritoriale de la Convention

pour la préventionde la double impositionentre l'Australieet l'Indonésie conclue
le 22 avril1992 ? Tout simplement et pour l'essentiel lam&mechose qu'avant
1976:

"the term 'Indonesia'means the 'toryunder the sovereimty of
the Republic of Indonesia and...4%'-'

Pour l'Australie, de dire "temtoire sous la souverainetéde la République de
l'IndonésieMcelacomprend le Timor oriental puisque l'Australie areconnu et
reconnaît de iure une annexion de celui-cipar l'Indonésie.Pour les autres Etats

-on. Tout en acceptant que les conventionssoient appliquéesdans le Territoire
du Timor oriental, ils n'exprimentpas la reconnaissance, de quelque nature que

ce soit, d'une quelconque annexion. 11faut expliciter les termes "selon ses lois"t
(c'est-à-dire, "selonles loisindonésiennes"),parce que, selon le droit international

que ces Etats respectent, le Timor oriental n'est pas temtoire indonésien- il est
un territoire non-autonome.

6.15 Deux remarques sont encore importantes.

En premier lieu, comme le Portugal l'a signalé,la reconnaissance de jure de
l'annexion d'un temtoire non-autonome par un Etat sienifie. Dar nécessité
loeisue absolue. de ne ~lus reconnaître ce temtoire comme un territoire non-

autonome. L'attitude australienne présente deux faces, - l'une affirmative:
reconnaissance de l'annexiondu Timor oriental par l'Indonésie -l'autre néeative:

non reconnaissance du Timor oriental comme temtoire non-autonome et du
Portugal comme sa Puissance administrante. Aux fins de l'espècec'est le &

néeatif aui imoorte. Les conduites australiennes sont illicites non parce que
l'Australie a traité spécifiquement avec l'Indonésie (ceciest constitutif de
l'illiceitéconsistanà traiter avec celui qui a occupéle Territoire par la force),

mais parce qu'ellea traitéavec auelau'un d'autreque la Puissance administrante
et en des termes qui concrétisentun déniau Portugal de la qualitéde Puissance

administrante et un deni au Timor oriental de la qualité de territoire non-
autonome.

412
înntre-mt5moiredeI'Australie,AppendiceC,p.213.6.16 En second lieu, le problème de la reconnaissance apparaît dans la

présente espèce à plus d'un titre et il faut bien gardeà l'esprit les fonctions
diverses de ces différentstitreLe Portugal soutient que le fait que l'Australieait

agi sur la base et en exécutiond'une reconnaissancede iure contraire àla qualité
du Portugal comme Puissance administrante duTimor oriental et contraire aussi

à la qualitémêmedu Timor oriental comme temtoire non-autonome est une des
raisons pour lesquelles les actions australiennes viséespar la Requête sont

illiciteLa reconnaissance de d'une annexion ou, plus exactement,

reconnaissance du Portugal comme la Puissanceadministrante du Timor oriental
et de celui-ci comme temtoire non-autonome remplissent une fonction
constitutive, cellede fondement mêmede I'illiceité.

L'Australie, pour sa part, invoque la question de reconnaissance dans une
fonction iustificativeet à un double titre. Sur le plan diplomatique, dans les deux

seules réponses aux nombreuses protestations portugaises413, l'Australie a
prétendu que sa reconnaissance d'une annexionindonésiennedu Timor oriental

était en quelque sorte une circonstance excluant I'illiceité.Puisque l'Australie
semble avoir abandonné l'argument dans le Contre-mémoire, le Portugal n'y

revient pas dans cette Réplique d'une manière détaillée414.Mais l'Australie
insiste maintenant sur le c6tédiscrétionnairede la reconnaissance.La libertéde

reconnaissance ne serait limitéeque si, dans un cas concret, les Nations Unies
demandent aux Etats de s'abstenirde reconnaître. En dehors de cette hypothèse,

les Etats seraient complètementlibres.Le furent-ils, celane changerait rien dans
le cas d'espèce.L'obligationque le Portugal accuse l'Australie d'avoir viet qui

est en cause c'est l'obligationde traiter un temtoire non-autonome et sa
Puissance administrante comme tels, c'estun devoir de non méconnaissance,et

non pas un devoir de non reconnaissance. La reconnaissance par l'Australie
contraire à la qualité du territoire du Timor oriental comme territoire non-

autonome, mêmesi elle étaitlibre, tout simplement ne dégagerait pasl'Australie
des obligations qu'ellea vis-à-visde ce territoire, de son peuple et de sa Puissance

administrante. Le Portugal ne manquera cependant pas, quoique ex abundanti
cautela, de se prononcer sur les allégationsaustraliennes relatives à la libertéde

reconnaissance. Le Portugal pourra alors montrer jusqu'où l'Australie voudrait
amener la Cour 415.

413 Mdmoire duPortugal,AnnexesIILZSet IIL26,vol.V, p.210et '16.

414 Mdmoire du Portugapl,.219-221,par.8.22-8.infrsect.2 duprbent Chapitre.

415 Infr se,t.2 dece Chapitre. D. La violation par l'Australie de l'obligation de favoriser I'exercice
par le peuple du Timor oriental de son droit h diswser de lui-
même
-

6.17 Il est évidentqu'en n'acceptantpas les résolutionsdes Nations Unies qui

qualifient le Timor oriental comme un territoire non-autonome et le Portugal
comme sa Puissance administrante et en méconnaissant cesqualitéset les droits

qui leur sont inhérents,l'Australiene faciIitepas, ni ne favorise I'exercicepar le
peuple duTimor oriental de son droit àdisposer de lui-mêmeD . e même, ellene

coopère pas avec les Nations Unies dans le but de rendre possible cet exercice.
L'Australie conteste toute obligation autre que celle "to respect the outcome of

an act of self-determinationLe Portugal croit avoirpu démontrerau Chapitre V
de la présenteRépliqueque l'Australiea tort.

E. La violation par l'Australie de la souverainete wrmanente du
peuple du Timor oriental sur ses richesseset ressources naturelles

6.18 Aussibien dans son Mémoireque dansla présente Réplique, le Portugal a

démontré quele peuple du Timor oriental a la souverainetépermanente sur ses
richesses et ressources naturelles et que l'Australiea porté atteinteà ce dr.it

Dans son Mémoire,le Portugal remarqua que l'Australiea violé lasouveraineté
permanente du peuple du Timor oriental à deux titres, auxquels se rapportent
respectivement la 2ème et la 3ème Conclusions de la Requêteportugaise. En

premier lieu, en méconnaissant le caractère non-autonome du Temtoire du
Timor oriental et la qualitédu Portugal comme sa Puissance administrante en

une matière qui concerne et ne concerne que lesdroits respectifsde l'Australieet
du peuple du Timor oriental sur ses richesseset ressources naturelles, l'Australie

a porté atteinte non seulement au droit du peuple du Timor orienàdisposer de
lui-mêmem , ais aussà la souverainetépermanente sur ses richesseset ressources

naturelles. En second lieu, en explorant et en exploitant dans la zone du "Timor
Gap" un espace sur lequel la Puissance administrante estime que le peuple du
Timor oriental a des droits, sans l'accord de la Puissance administrante et en

excluant toute négociation avec celle-ci, l'Australie viole à nouveau la
souveraineté permanente du peuple du Timor oriental sur ses richesses et

416 Memoire du Portugal,p. 100-114,par.4.39-4.61 et p.216-219, par.8-,5-8.21;et
chap.V,sect.4.ressources naturelles. 11s'agit bien de deux violations des droits du peuple du
Timor oriental. L'autonomie de la seconde est démontréepar le fait qu'elle

existerait mêmesi l'Australie agissait indépendammentde tout accord avec un
Etat tiers.

6.19 Le Portugal se doit de signaler que l'une et l'autre des violations de la

souveraineté permanente du peuple du Timor oriental sur ses richesses et

ressources naturelles sont indépendantes de toute délimitation du plateau
continental dans la zone du 'Timor Gap". Pour ce qui est de la première, il suffit

que l'Australie ait traité les ressources naturelles revenant au Timor oriental,
quelle que soit l'étenduede l'espace ou elles se trouvent, comme n'appartenant

pas à son peuple. En ce qui concerne la seconde, il suffitqu'ilexiste un conflit de
prétentionspour que l'Australieait un devoir de négocieravec le Portugal et de

ne pas explorer et exploiter au-delà de certaines limites, sans négocieravec la
Puissance administrante. Or, comme le Portugal l'a montréet l'Australie ne l'a

pas contesté,ce conflit existebien417. Par ailleurs, le peuple du Timor oriental
possèdedes titres sur toute la "Zone de coopération"et même,sur une partie de

celle-cides titres exclusifs,de l'avisdu ~ortu~al~'~.11reviendra sur ces point à la

section 4 du présentChapitre.

6.20 L'argument selon lequel "Australia had no practical alternative but ta
enter into negotiation with Indonesia to secure some agreement with respect to

theTimorGap" parce que "onlyIndonesiais ina positionta giveeffect ta such an
agreementu419 est inexact en tant qu'explicationdu comportement australien et

non valable en tant que justification de ce comportement. L'Australie n'a pas
traité avec un Etat tiers comme simple puissance de fait, mais comme un Etat

souverain sur le Timor oriental. L'Australien'a pas exclut la négociationavec le
Portugal parce que celui-cin'étaitpas la puissance de fait, maisparce que, à son

avis et en méconnaissance desrésolutionspertinentes des Nations Unies, le

Portugal:

417 Mkmoiredu Portugal, p.197-202,par.7.04-7.10. Voiraussinfra.sect.4 du pr&ent
Chapitreet Contre-mkmoiredeI'Australie, . 167-168,par.376.

418 MkmoireduPortugal, p.200-202,par.7.08-7.1Infras.ct.4 dupr&entChapitre.

419 Contre-mernoirede l'Australie,p. 173,4M)-401. "...o longer has any relevant continuinglegal interest ordlthority
in relation to offshoreareas appurtenant to EastTi..."

En i'espècece qui importe n'est pas de savoirce que l'Australie aurait pu faire,
mais ce qu'elle ne pouvait pas faire. Etce qu'elle ne pouvait pas faire c'est

exactement ce qu'elle afait. Elle ne pouvait pas, pour le moins, traiter sur une
base de iure avec quelqu'un d'autreque le Portugalet elle l'afait. Elle ne pouvait

pas en tout cas passer un accord qui supposerait une reconnaissance de iure
contraire au caractère non-autonome du Territoire du Timor oriental et elle l'a
passé.Ce fut le Gouvernement australien qui lui-même adit que les négociations

engagéesavec l'Indonésiesur le 'Timor Gap" impliquaient lareconnaissance &
iur de la souverainetéde celle-cisur le Timor LAccord n'est pas

"sovereignty neutral" à l'égarddu peuple du Timor oriental et du Portugal.
Certes, il ne s'agitpas d'untraitéde délimitation (les négociationsen vue de

celle-ci se poursuivent). Toutefois, d'une part c'est un accord pour 40ans, avec
reconduction automatique pour des périodesde 20ans422, incompatible par la

duréeprévueavec tout ce qui ne soit pas une reconnaissance de iure. D'autre
part, en organisant une participation de l'Australie auxrevenus de l'exploitation

de l'aireC et une exploitation conjointe de l'aA,e il implique l'exercice par
l'Australie de droits qui sont, tout au moins en tant que droits concurrents ou

"problématiques",des droits du peuple du Timor orientalet de personne d'autre.

L'Australie est fière de la solution trouvée.C'est dommage qu'elle ne l'ait pas
utiliséeplutôt là où elle ne méconnaîtrait paslesdroits d'unpeuple d'untemtoire
non-autonome.

6.21 Les passages que l'Australie invoque de l'ouvrage de Sir Hersch

~auter~acht~~~ confirment la position du Portugal. Aux endroits indiqués,
l'auteur considèrele cas de contacts et mêmede traitésavec une autorité non

reconnue. C'est précisémenlte contraire de ce que l'Australie a fait.

420 Memoiredu Portugal,Annexe IV.2,vol. V, p. 276.
421
MemoireduPortugal,p.69-70.par.2.22et par.6.09et 6.13.
422
Article33de l'"Acco. kmoiredu Portugal,Annexe11,ol. V, p. 110.
423 Contre-memoirede l'Australie.p. 14û2.ar.6.22 L'Australieaffie que:

'The pnnci le of permanent sovereigntyover natural resources is a
corollaryO/ t'e pn.ciple ofself-determination".

Puisque, pour l'Australie

"it has already beenshown that the pnnciple of self-determination
did not prevent Australia from concluding and implementing the
1989Treaty",

elle tire la conclusion que:

'nie same must be true of the cqy#lary principle of permanent
sovereigntyover natural resources" .

Le Portugal estime que la souverainetépermanente est plus qu'un corollaire du
droit d'un peuple à disposer de lui-même,mêmesi elle en est un aussi425. En

tout cas, le Portugal a montré que, par la négociationet la conclusion de
l'"Accord",l'Australie aporté atteinte au droit du peuple du Timor oriental à

disposer de lui-même.Sur la base de cette prémisse, la conclusionqu'ilfaut en
tirer est par conséquentl'inversede cellede 1'Australie.

Section2. L'Australiene mut pas s'apouversur le droit international de la

reconnaissance

6.23 Dans son Mémoire,le Portugal a fait référenceà l'évolutiondu droit des

peuples à disposer d'eux-mêmes ainsi qu'à ls aouveraineté permanente des

peuples sur leurs richesses et ressources naturelles et a démontré queces droits
entraînent des conséquencesjuridiques pour tous les Etats Membres des Nations

6.24 L'Australie répond en utilisant plusieurs lignes d'argumentation. Elle

prétend que les Etats sont essentiellement libres de reconnaître d'autres Etats et
des situations par la manifestation de leur volonté souveraine;et que, pour qu'un

424 Contre-mkrnoirde I'Australie168,par.377.

425 Sur>r aar.5.64et suiv.

426 Mernoiredu Portugal,p. 114et suiv.,par.4.62et suiv.Etat soit restreint dans ses rapports avec une puissance occupante en relation

avec le territoire que celle-cioccupeildoit existerdésrésolutions spécifiquedses
Nations Unies interdisant la reconnaissancedu titre de la puissance occupante ou

les relations aveccelle-ci.De plus,ces résolutionsdoiventêtreobligatoires, ce qui
ne seraitpas le cas siellesn'ontpas étéprisessousle chapitre VI1de la Charte.

6.25 concernant ces deux derniers points, l'Australieprétend d'une manière

concise dans la partie III,Chapitre 1 de son Contre-mémoire,et de façon plus
détailléedans la partie 1,Chapitre II, que les Résolutions384 et 389 du Conseil

de sécurité n'auraient pascondamnél'occupation militaireindonésienne;qu'elles
"contained no guidance as to the behaviour expected -even less imposed -on

third ~tates"~~~; qu'elles auraient évité tout "premature judgment" sur
l'autodéterminationdu Timor oriental et auraient seulement apportéleur soutien

au "general principle of self-determination"; qu'ellesne seraient pas obligatoires;
que l'Assembléegénéralen'aurait ni condamnél'actionde l'~ndonésie~~n ~i pris

aucune décisionobligatoire à l'encontre des Etats Membres qui interdirait à
l'Australie de traiter avec l'Indonésie;et que l'Assembléegénérale auraiten fait

acceptédès 1979l'intégrationdu Timor oriental à l'Indonésieet indiquéque ses
premièresrésolutions ne devraientplusêtreregardées commeen vigueur 429 .

6.26 Le Portugal a montré dansles chapitres IV et V ci-dessus qu'aucune de

ces affirmationsn'estfondée.

La présente section s'attachera au dernier élémentde l'argumentation
6.27
australienne, c'est-à-dire à l'affirmationselon laquelle, en cas d'absence d'une

"specific direction"430 à cette fin, les Etats tiers sont libres de traiter avec les
puissances occupantes de la manièrequ'ilsveulent.

427 Contre-memoirede l'Australie,p. 148,par.330.

428 Contre-memoiredeI'Australie,p. 149etsuiv.,par.332et suiv.

429 Contre-memoiredel'Australie,p. 149-154,par.332-346.

430 Contre-memoirede l'Australie,p. 146,par.324.6.28 La position du Portugal sur la reconnaissance de iure par l'Australie de

l'annexion du Timor oriental par l'Indonésiea étéclairement exposée dans le
~émoire~~l. La libertéde reconnaissancede l'Australiene peut pas êtreexercée

d'une manière telle qu'eue nie au Timor oriental la qualitéde territoire non-
autonome et qu'elle nieau Portugal la qualitéde Puissanceadministrante, et ainsi

qu'elle viole nécessairement les propres obligations de l'Australie relatives au

droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-mêmeet sa souverainetésur
ses richesses et ressources naturelies.

6.29
Le Timor oriental est occupé par l'Indonésie à la suite d'une action
militaire que les Nations Unies ont "déplorée". L'Assemblég eénérale, dansla

"Déclarationrelative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopérationentre Etats, conformémentà la Charte des Nations

Unies", a clairement indiqué que"[nlulle acquisition temtoriale obtenue par la
,8432
menace ou l'emploide la force ne serareconnue comme légale .

6.30 Le principe énoncé dans cette est confirmépar la pratique
prépondérante,et cette pratique était déjàbien établiem&meavant l'adoption de

la Il serait facile de démontrer, tout simplement en vertu de ces

principes juridiques, le caractère erroné de la prétention australienne selon

431 Memoire du Portugal, 212-216,par.8.09-8.1etsu~ra,sect1 du prhent Chapitre.

432 Resolution2625(XXV) de i'Assembl6egenkraled24 octobre1970.

433 Voir, par exemple, la Declaration formelle de la Communaute europeenne dans le
wntexte des problemes relatiàsla Yougoslavieet suivant les wnseils de son propre
wmite d'arbitrageselon lequ"nieyare determined not Io recognisechangesof borders

by force", Bulletin of Eurooean Cooveration718, 1991,p.115-116;voir aussi une
Declaration identique du Conseilde l'Atlantique norden da15juin1992,in NATO
w, juin 1992,p. 5. Voir, en outre, 1.Brownlie, International Law and the Use of
Force bv States, Oxford, Clarendon Press, 1963, p.410-422; J. Verhoeven.
reconnaissance internationale dans la pratiaue wmtemvoraLes.relations oubliques
internationales, Paris,Pédo1975,p.277-285.

434 Voir i'affirmation de la doctrine Stimson de non reconnaissance proclamee par la
Résolutionde l'Assembléede la Ligue des Nations lIl mars 1932,L.N.O s.eJil ,
supplement 101, 1932p.87-88.Voir aussH. Lauterpacht, Recognition in International
Law, Cambridge, Cambridge University Press, 1948. p.417; par.5 des articles
d'interpretation (du Pacte de Paris1928) adopte à la reunion de Budapest de
l'Associationde droit internati30aTransactions of the Grotius Soci1934,p.205-
206;Article2 du Traite Saavedra-Lamascontre la guerre d1933, 163 393,la

Convention de Montevideosur lesdroits et lesdevoirs des Etats de,165 19;
Article11du projet de Déclarationsur les droits et les devoirs des Etats, Yearbook
f.>C 1949,p.286, H. Waldock, "The Control of the Use of Force by States in
International Law81, R.C.A.D.I.1952,II. p455,481;Charpentier,La reconnaissance
internationale et I'evolutiondu droit des gens,Paris,1956,p.139-153.laquelle une liberté totale existerait en matière de reconnaissance. Cependant,

dans cette affaire, le Portugal ne se place pas du point de vue de l'obligation de
non reconnaissance de situations résultant de l'emploiillicite de la force, en tant

que telles. En effet, le Portugal considère que l'Australie a le devoir de respecter
l'unitéet i'intégritédu temtoire du Timor oriental ainsi que les droits du peuple
de ce Temtoire à disposer de lui-mêmeet à sa souveraineté permanente, et que

l'Australie ne peut pas se libérer unilatéralement elle-mêmede ces devoirs en
proclamant sa liberté souveraine de reconnaîtrde l'annexionindonésienne.

6.31 Insistant sur la liberté destiers de traiter avec des puissances occupantes

comme ils l'entendent, l'Australie se réfère à l'Affaire relative au Sahara
Occidental. Sur labase desdic teala Cour dans cette affaire, l'Australie constate

que l'Assembléegénérales'est réservéeune marge de discrétion relative aux
formes, méthodes et procédures à employer afin d'assurer l'exercice du droit à
l'autodétermination dans chaque cas d'espèce435.Alors que cette constatation

est bien entendu parfaitement exacte en elle-même,l'Australie en tire des
conclusions inexactes. Le fait que l'Assemblée trouve utile d'effectuer des

consultations pour s'informer des faits et pour rechercher des solutions négociées
ne signifie pas que les tiers soient libres d'agir comme ils I'entendent dans leurs

relationsavec la puissance occupante.

Très souvent, les Nations Unies utilisero-comme elles l'ont fait pour l'Afrique
du Sud en relation avec la Namibie - des techniques diverses, toutes entrant
simultanément en jeu. La pression, la collecte de renseignements, la consultation,

toutes jouent leur rôle dans la réalisation de l'autodétermination dans les cas
difficilesLe problème actuel de la Yougoslavie est un exemple typique d'une

situation où le Conseil de sécurité, enmêmetemps qu'il décrèteun embargo
contre certains Etats et demande au Secrétairegénéralde poursuivre une série

d'initiatives, exigede façon généralela coopération desEtats tiers pour réaliser
les buts visésdans la résolution .

435 Contre-m6moirede l'Australie.p. 144,par.319-320,citantC.I.J.Recueil 1975,p. 36-37
et p. 110.
436
Rksolution 724 du Conseil de s&uritb du 15dhmbr1991, surtout Je pr&mbuJe
paragraphe5, (se rapportala Rholution 713 (1991) du Conseil de dcurite et les
dispositifsdes paragraphes5 (c) and7).6.32 L'Australie,ne se contentant pas de jeter le doute sur le fait quele peuple

du Timor oriental a encore aujourd'huile droit à disposer de lui-même,prétend
ensuite que la discrétionde l'Assembléegénérale quant auxméthodesà employer

signifie qu'un plébiscitou un référendumn'est pas nécessairedans toutes les
situations. Etant donné qu'en cas de décolonisationil s'agit essentiellement de

savoir si le peuple du temtoire concerné désireêtreabsorbé dansun Etat autre
que la puissance coloniale plutôt que de devenirindépendant,la réalité estqu'ila
étéd'usage de procéder à un plébiscite, à un référendum,ou à des élections.

Quelques exemples de cette pratique typiqueont été donnéspar le Portugal dans
son ~émoire~~~et iln'estpas nécessairede lesrépétericiou de les compléter.

6.33 Le point clef, en tout cas, n'est pas de savoir si les Nations Unies sont

obligéesou non de procéder àun référendum au Timor oriental- parce que, pour
le moment, et comme c'était le caspendant tant d'années dansle Sud-Ouest

africain et au Sahara occidental, elles ne sont pas en mesure de le faire-mais
c'estplutôt qu'ilappartient aux Nations Unies de décidersi une expression valide

d'autodéterminationa eu lieu. Et il est bien évidentqu'ellen'apas eu lieu dans le
cas du Timor oriental, aucune résolution des NationsUnies ne suggèrantqu'ilen
438
serait autrement, bien au contraire. L'Australie elleaussi lereconnaît.

6.34 L'Australie rassemble dans l'Appendice Bde son Contre-mémoire une
série de résolutions apparemment destinées à démontrer que les Etats tiers
restent libres de traiter avec "the administering or occupying power". Il est

frappant de noter que l'Australiene fait pas de distinction entre les deux. Il est
bien entendu que les tiers restent libres de traiter avec une puissance

administrante (à moins que l'organecompétentn'aitmis finau statut de celle-ci,
comme ce fut le cas pour la qualitéde mandataire de l'&que du Sud dans le

Sud-Ouest africain).

Les exemples rassembléspar VAustralie,tels que les îlesSamoa américaines,l'ile
de Guam, les Bermudes, les iles Vierges britanniques, les îles Cayman,

Montserrat, les îles Turques et Caïque, Anguilla et les îles Vierges américaines
concernent des territoires qui étaienttous sur la voie de l'autodéterminationsous

437
Memoiredu Portugal,p. 139,par.5.26,note277.
438 Contre-memoire de I'Australie,p.28, par.66, et declaration du Premier Ministre
australienreproduitedansle MemoireduPortugal,p.72,par.2.24.leurs autorités administrantes légales. Ces territoires ne subissaient pas

l'occupation militaire et il est donc difficilede saisirce à quoi l'Australieveut en
venu.

Il est évidentque le Sahara occidental et la Namibie - tout comme le Timor

oriental- posent des problèmestrèsparticuliers. En ce qui concerne la Namibie,
les Nations Unies ont exercé, de manière très spécifique, leur pouvoir
discrétionnairesur les méthodesà employer. Les réalités politiquesont exigédes

approches assez différentes dansles affaires du Sahara occidental et du Timor
oriental. Comme il sera développéci-dessous, il est inexact de dire que les

méthodes choisies dans ces affaires laissent aux Etats tiers la liberté de
reconnaître la souverainetérésultant d'une occupation et d'en tuer les bénéfices.

Le point essentiel,que l'Australieméconnaîttout le longde son Contre-mémoire,
est que le droit d'autodéterminationexige nécessairementque le peuple d'un

territoire non-autonome soit traité commetel et que ses ressources ne soient pas
considérées comme n'étantpas lessiennes.

6.35 L'Australie accorde un poids significatif à la nature politique de la

reconnai~sance~~~,mais admet que cette discrétion politiqueest limitéepar le
devoir de ne violer aucune obligationjuridique qui lui incombe440. L'Australie

persiste à considérerqu'elle n'a aucune obligationjuridique au regard du Timor
oriental oudu Portugal.

6.36 Ainsi, l'Australie prétend que les questions d'autodétermination sont
normalement une affaire entre les Nations Unieset la puissanceadministrante, et

que les cas où des obligations sont imposéesà des Etats tiers sont rares et font
toujours l'objetde résolutions spécifiquesrdonnant la non-reconnaissance. Dans

l'Appendice B,l'Australiecite les exemplesde la Rhodésie dusud, de la Namibie,
des "homelands" d'Afrique du Sud, de l'Angola,du Mozambique, de la Guinée-

Bissau, de la Républiqueturque du nord de Chypre, de l'invasionirakienne du
Koweït et de l'occupationdes territoiris arabes par Israël, comme des cas où des

résolutionsont étéadoptéescontenant des ordres spécifiquesaux Etats Membres
de ne pas reconnaître des situations ou des prétentions visées dans ces

résolutions.Mais soutenir que, siune terminologieidentique n'estpas utilisée,les

439
Contre-memoiredel'Australie,p. 157-158,par.350-353.
440 Contre-mémoirede l'Australie,p. 157,par.350.Etats tiers seraient libres de reconnaître des événements constituant des

violations de principes fondamentaux du droit international général, c'est
méconnaître l'existence d'un principe pertinent et obligatoire du droit

international généralc,'est ignorer que les Nations Unies sont libres de modeler
leurs résolutionscomme elles l'entendent et oublier que les résolutionssur le

Timor oriental laissent apparaître clairement que lesEtats ne peuvent pas dénier
au peuple du Timor oriental son droit à disposer de lui-même,par le biais de la

reconnaissance de la souverainetéd'unEtat tiers.

6.37 La doctrine de la non-reconnaissancea été développée dansle contexte de
l'emploi illicitede la force. Mais, comme le Portugal l'a fait remarquer, ce

principe est dirigécontre la reconnaissancede situations ou d'actesincompatibles
avec "the most basic principlesof international law",dont un exemple notoire et

historique fut l'agression. L'obstacle mis à l'exercice du droit à
l'autodétermination -surtout lorsqu'ilrésultede l'occupation militaire - est un

exemple contemporain directement applicable au Timor oriental. Le Portugal a
démontrédans son Mémoire, partie II, Chapitre IV, comment le principe

d'autodétermination est devenu non seulement une obligation du droit
international,- comme cela a étéaffirmédans l'Affairedu Sahara occidental et

dans l'Affairedes Conséauencesiuridiaues pour lesEtats de la présence continue
de 1'Afriauedu Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution
276 (1970)du Conseil de sécurité -mais aussi,pour reprendre les termes du Juge

Lachs, "one of the most essential principles of international law of our day"441.
Le principe de non-reconnaissance s'applique à I'autodétermination et il ne

dépendpas d'ordresspécifiqueset détailléd su Conseilde sécurité.

6.38 Les résolutionsdes Nations Unies qui qualifient certains actes comme
illicites ne "créent" pasen elles-mêmes I'illicéides actes en question442, ni les

conséquences légales qui s'ensuivent nécessairement. Comme Sir Robert
Jennings l'a remarqué, la décision d'unecour "is merely declaratory of the

441 M. Lachs, "nie Developrnenrand General Trendsof ~nternationaiLaw in our Tirne",
R.C.AD.1.. 1980.IV,vol. 169.p.49.

442 Verhoeven.&., -eo, n.9,p.764; Gowlland-Debbas,CollectiveRemonses Io Illegal
Actsin InternationalLaw,Nijh1990,p.267.automatic operation of the Et ilen va de même pourles résolutionsdes

Nations Unies adoptées par des organes agissant dans le cadre de leur
compétence.

6.39 L'obligationfaite aux Membres des Nations Unies de ne pas traiter avec

l'Afrique du Sud au regard de la Namibie ne découlait pasdes résolutionsdes
Nations Unies - comme l'Australiele prétend -mais de la situation elle-même.

Dans cette affaire, lorsqu'ellea rendu son Avisconsultatif sur les Conséauences
juridiaues Dourles Etats de la vrésencecontinue de l'Afriquedu Sud en Namibie

(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276f1970),la Cour a affirméquele
mandat avait juridiquement pris fin par l'effet de résolutions qui étaient
obligatoires.La Cour internationale ayant affirmé lecaractère obligatoire des

résolutions,il ne lui étaitpas nécessairede considérerla question de savoir si
l'obligation de non-reconnaissance s'imposait auxMembres seulement comme

une conséquence des résolutions,ou comme une conséquencede la mise en
application d'une règlede droit international général. Mais la Cour ne s'en est

pastenue exclusivementauxrésolutionset elle a donnéson avis:

"sur les rapports avec le Gouvernement sud-africain qui,en vertu
de la Charte des Nations Unies et du droit international général,
doivent êtreconsidérés comme incompatibles avec la déclaration
d'illégalitet d'invaliditformuléeau aragraphe 2 de la résolution
276(1970), parce que'ilspeuvent impiquer une reconnaissance
caractère legal de la présence sud-africaine en Namibiev844h'
(soulignépar le Portugal).

Cette évaluation juridique fut reprisepar le Juge Onyeama qui obsewa dans son
opinion individuelle:

"En soi, l'affirmation de l'illégalitde la présence continue de
l'Afriquedu Sud en Namibie ne rendait pas cette présenceillégale;
elle constituait, selon moi, une déclarationpar laquelle le Conseil
de sécuritéappréciait, sur le plan juridique, le caractère de la
situation néedu fait que l'Afriquedu S~f~i'avaitpas obtempéréà
la résolutionde l'Assemblée général e.."

443
R.Y.Jennings,"Nullityand Effectivenessin InternationalLaw',rideeEssavsin
InternationalLaw.Essavsin Honourof LordsMacNair,London,Stevens,1965,p.67.
444
C.I.J.Recueil 1971,p.55,par.121.
445 Ibid.p.147.VoiraussiJudgePetrenp.136.Ce point de vue selon lequel une obligation mise à la charge des Etats dans

l'Affairedes Conséauencesiuridiaues Dourles Etats de la rése en ccentinue de
l'Afriaue du Sud en Namibie [Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276

(1970) du Conseil de sécuriténe dépendait pas des résolutions du Conseilde
sécurité trouve appuien doctrine446. L'analogie est frappante parce que, bien

que les Résolutions384et 389 duConseil de sécuritésoient obligatoires, comme
le Portugal I'amontréà la section 3 D) du Chapitre V ci-dessus,les obligations

des Etats tiers ne dépendent pas seulement de ces résolutions.Elles découlentdu
droit international général sur l'autodétermination et de la "constatation
déterminative" des Résolutionsdes Nations Unies quant à son applicabilitéau

peuple du Timor oriental.

6.40 Dans l'Affairedes Conséauencesiuridiaues Dourles Etats de la rése en ce
continue de l'Afriaue du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la

résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, laCour fit une observation
importante. M&mesi l'Assembléegénéralepossède en principe le pouvoir de

faire des recommandations, elle peut adopter, dans des cas déterminés relevant
de sa compétence, des "résolutionsayant le caractère de décisionsou procédant

d'une intention d'exécution"447. Dans le cas de la Namibie, c'étaitl'Assemblée
qui étaitcompétente pour faire des constatations de fait concernant le mandat et

des décisions exécutoires concernantla fin du mandat. Dans le cas du Timor
oriental, l'Assembléegénérale estl'organe compétent pour les territoires non-

autonomes et le droit de leurs peuples à l'autodétermination. Même sant senir
compte de la qualitéjuridique de ses résolutions -qui déploraientsi clairement
l'occupation militairepar l'Indonésie,rejetaient l'annexionet affirmaient le droit

continu du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même - il s'agissait de
résolutions ayant le caractère de décisions relevant de la compétence de

l'Assemblée.Les dispositions adresséesaux Etats tiers doivent êtreconsidérées
dans cet esprit; et, de toute manière,mêmesi les résolutionsdes Nations Unies

ne comprenaient aucune dispositionadresséeaux Etats tiers, il incomberait à ces
derniers des obligations de droit international généralconformément aux

"constatations et qualificationsdéterminatives"des résolutions.

446
Voir Gowlland-Debbasm., p.286-7;B. Bollecker,"L'avisconsultatifdu 21juin 1971
dansl'AffairdelaNamibie (Sud-Ouesafricainu., vol. 17, 1971,p.322.
447 C.I.J.Recueil 1971,p. 50,para.105.6.41 Tout cela est encore plus vrai, bien entendu, si le droit

d'autodéterminationn'est pas perçu seulement comme une norme d'importance
majeure mais comme une norme impérative.L'article19(3) du projet des articles

sur la responsabilitéélaboré parla Commissiondu droit international déclare
qu'un crimeinternational peut découlerde

"(b) a serious breach of an international obligation of essential
importance for safeguarding the nght of self-determination of
peoples, such as that prohibitiab eestablishment or maintenance
byforce of colonial domination" .

Le maintien de la force par n'importeauel pays,que ce soit lapuissance coloniale
ou non, afin d'empêcherl'exercicedu droit d'autodétermination, doit êtrerangée
dans la mêmecatégorie.L'opinion selonlaquelle l'autodéterminationest une

norme ayant un caractèredejus coeensa aussiété expriméepar leJuge Bedjaoui
en sa qualitéde membre de la Commissiondu droit international449 ainsi que

par le Rapporteur spécial de la Sous-commission sur la prévention de la
discriminationet la protection des minorités450.Les Juges Singhet Sette Camara

l'ont aussiavancée dans leursopinions individuellesdans l'Affairedes Activités
Militaires et Paramilitaires au Nicararma et contre celui-ci (Nicaragua c.

u)451. Il s'ensuitnécessairement que,si l'autodéterminationest une norme
impérative,la reconnaissance par l'Australiede la souverainetéde qui que ce soit

sur le Timor oriental est, en elle-mêmei,llicite.

6.42 L'Australie cherche à empêcherla Cour de considérer la question de
savoir s'il existe une obligation généraledu droit international de ne pas

reconnaître les situationsviolant ledroit d'autodétermination,en disant que ceci
impliquerait que la Cour doive considérerque les actes de l'Indonésieen 1975-
1976étaientilliciteset que l'Indonésien'apas la souverainetê,pas mêmeen 1989

- ce qu'elle serait empêchée de faire à cause du principe dégagépar elle dans
l'Affairede l'Ormonétairepris àRome en 1943~~'.

448 m., 1980,vol.II,PaTwo,p.30.

49 W., 1975,vol.p.48.

450 E/CN.4/Sub.U405/Rev.p. 12.
451
C.I.J.Recueil 19p.153etp.199.
452
C.I.J.Recueil 19p.37.6.43 Le Portugal ne demande pas à la Cour de faire ces constatations de novo.

11lui demande simplement de constater que le Conseilde sécuritet l'Assemblée
généraleont adopté des décisionsqui sont intra vires et qui rentrent dans l'objet

etles principes de la CharteLe Portugal demande respectueusement à la Cour
d'en tirer les conséquencesjuridiques. II ne lui demande pas de revoir les

décisionsdes autorités compétenteset de lesremplacer par sespropres décisions.
Tout comme Y'absencefrom the proceedings"de l'Afriquedu Sud dans l'Affaire

des Conséquencesiuridiaues pour les Etats de la présence continuede l'Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970) du

Conseil de sécurité453était sansconséquencesur la missionjudiciaire confiéeà
la Cour dans cette affaire, l'absence de l'Indonésieest sans conséquencesur le

rôlejudiciaire demandéàla Cour dans la présenteespèce.

6.44 Dans le cas du Timor oriental, les Nations Unies ont exercéleur pouvoir
d'adopter des décisionsexécutoires d'adresserdes demandes aux Etats tiers -y

compris l'Australie-comme ellesl'ontfait. Ellesont choisides termes différents,
exprimant plus explicitement la prohibitionde la reconnaissance, dans les cas où

la question immédiate se présentait elle-mêmecomme une demande de
reconnaissance par la communauté internationale. Ce fut le cas tant pour la

déclaration unilatéralede l'indépendancepar la Rhodésie (UDI) que pour
l'insistancesud-africaine sur la soi-disantindépendancedes Bantoustans. Dans le

cas des temtoires arabes occupésainsi que dans celuidu prétenduétablissement
d'un Etat indépendant au nord de Chypre, l'occupation plutôt que

l'autodétermination étaiplus immédiatementle point de mire, les appelsà tous
les Membres des Nations Unies pour la non-reconnaissancedesprétentionsétant
considéréscomme un besoin immédiat.

En revanche, dans l'Affairedu Sahara occidental454,où la Cour a émisl'avisque

leterritoire ne relevait de la souveraineténi du Maroc ni de la Mauritanie et qu'il

appartenait au peuple du Sahara occidental d'exercerson droit à disposer de lui-
même,aucune résolutiondes Nations Unies n'avaitdemandéauxEtats Membres
de ne pas reconnaître une quelconque tentative d'annexion militaireet de ne pas

traiter avec les Etats ayant des revendications sur le Sahara occidental. 11a fallu
17ans pour que le peuple de ce temtoire voit la possibilitéd'exercer le droit de

453
C.I. J.cueil1971p16.
4s4 C.I.J.Recue1974,p3.libre choix pour la détermination de son avenir mais les Etats Membres des
Nations Unies n'étaient paslibres, en l'absence de directives précises,de lui

refuser ce droit.

6.45 Les conséquencesdu droit international généralet son application aux

faits par l'Assembléegénérale et leConseil de sécuritsignifient que-mêmesi
les résolutionsdu Conseil de sécurin'étaientpas obligatoire-les Etats tiers ne

peuvent pas agir comme sile peuple du Timor oriental avait déjà exercé sdroit
d'autodétermination.Au contraire, cesEtats ont l'obligationde se conformer aux
déterminations selonlesquelles leTimor oriental est un territoire non-autonome,

de le traiter comme tel et de se conformer auxdéterminationsdes Nations Unies
selon lesquelles le Portugal reste la Puissanceadministrante ayant l'obligationde

faire tout son possible pour aider le peuple du Timor oriental à exercer son droit
à disposer de lui-même. L'Australiene peut pas se débarrasser de cette
obligation en prétendantque le Portugal compte sur les Etats tiers pour réaliser

me autodétermin Letioan^d^^la.Rhodésie a étéun exemple clair où
l'incapacité du Royaume-Uni,seul, de faire exercer le droit d'autodétermination
n'a pas libéréles Etats tiers de leur obligation de ne pas traiter avec le

gouvernement de Ian Smith. L'Australiene peut pas échapperà ses obligations
découlant du droit international général,de la Charte et des résolutions

applicables, par le simple faitd'insister d'un tonplaintik

"ButAustralia wasnever an administeringauthorityof the territory.
Its obligation is to respect the out~ome,,@~any act of self-
determination of the people of therritor...

Par ailleurs, I'Australie cherche elle-même à empêcher cet acte

d'autodétermination et affiche sa position en affirmant qu'en fait les Nations
Unies ne demandent plus leretrait des forcesindonésiennes57.

6.46 Bien que le Conseil de sécurité, n exerçant son pouvoir discrétionnaire
quant aux méthodeset procéduresà employer, ait choisi dans le cas du Timor

oriental de ne pas déterminer en détailles actes qui sont interdits aux Etats
Membres des Nations Unies, une chose est parfaitement claire: aucun Etat

455 Contre-memoirede I'Australie,p. 163-164,par.366.

456 Contre-memoirede I'Australie,p. 160,par.366.

4s7 Contre-memoirede I'Australie,p. 160,par.367.Membre des Nations Unies ne peut entreprendre des actes incompatibles avec

l'objectif de la réalisation de i'autodétermination.Lorsqu'elles demandent le
respect du droit d'un peuple d'un temtoire à disposer de lui-mêmeet qu'elles

appellent à la coopération de tous les Etats à cette fin - les Nations Unies ne
laissent pas ces derniers libres de s'engager dans des activités totalement

incompatibles avec ces objectifsdéclarés. Les actionstraitant le peuple duTimor
oriental comme n'ayant plus le droit à disposer de lui-mêmeet pas de

souveraineté sur ses propres richesses et ressources naturelles tombent
nécessairement dans cette catégorie. Le droit des peuples à disposer d'eux-
458
mêmesn'est pas, comme le déclarel'Australie dans son Contre-mémoire ,
simplement "their nght freely to determine their future political statu-un droit

dont l'Australie se lave les mains. L'Australieoublie par commoditéque le droit
énoncédans l'articlepremier des deux Pactes relatifs auxDroits de 1'Hommeest

le droit de déterminer"librement leur statut politique et assure[r] librement
dévelo~pement économiaue, social et culturel". (Soulignépar le Portugal).

Comme cela a étéreconnu depuis longtemps dans le cas de la Namibie, chaque
rapport avec une puissance occupante qui prive un peuple de ses ressources

naturelles et de son patrimoine économiquereporte la date à laquelle la liberté
politique pourra êtreobtenue.

6.47 Ces réalitésjuridiques ne peuvent pas non plus êtreécartéespar la
suggestionde 1'~ustralie~~~ d'aprèslaquelle,sileTimor oriental devenait unjour

un Etat indépendant:"itwouldbe up to the newstate to decide whether to accept
or reject a treaty". On ne peut pas disposer et tirer profit de ressources

appartenant à des tiers et prétendre que, si ces tiers sont ultérieurement en
mesure de revendiquer effectivement leurs propres droits à leurs ressources, ils

pourront alors déciderou non de continuer l'accord passé. 11n'appartient pas non
plus à l'Australie de déciderque PAccord" conclu par elle par-dessus la tête du

peuple du Timor oriental est "conduciveto international order, and the interests
of the people of the region"460. La justice est une partie intégrante de l'ordre

international et il appartient au peuple du Timor oriental (ou à sa Puissance
administrante) de décider quelest son intérêt. La négociation, la conclusionet la

mise en oeuvre de I"'Accord"par l'Australie est une violation effective et non

458 Contre-memoiredei'Australie,p. 167,par.375.

459 Contre-memoirede l'Australie,168,par.380.

460 Contre-memoirede l'Australie,p. 172,par.388.potentielle des droits du peuple du Timor oriental; tout comme l'exclusiondu

Portugal de toutes les négociationsconcernant la délimitation ou d'autres
négociationssur les richesses et ressources naturelles constitue une violation des

droits du Portugal qui a, en tant que Puissance administrante, un devoir de
sauvegarder lesdroits du Timor oriental.

6.48 L'Australiecherche àse conforter par le fait qu'ilexisterait certains traités

passésentre l'Indonésieet d'autresEtats en ce qui concerne leTimor oriental. La
portéede l'applicationde ces textes au Territoire du Timor oriental est discutée

ailleurs dans cette ~é~li~ue~'. Le Portugal note simplement iciqu'aucun de ces
traités n'apporte la reconnaissance de la souverainetéd'un Etat tiers sur le

Temtoire; aucun ne traite le Timor oriental comme autre chose qu'un territoire
non-autonome; et aucun ne nie le droit du peuple du Timor oriental àdisposer de

lui-mêmeet àsa souverainetésur sesrichesseset ressources naturelles.

6.49 En conclusion,comme on peut le voir, laRequêteportugaise porte sur un
devoir de l'Australiede non méconnaissance.Ici,le Portugal a répondu plutst aux

arguments australiens sur la reconnaissance.Comme il l'amontré,la position du
Portugal reste, tout simplement, que l'Australiea le devoirde respecter le statut

et les droits du peuple du Timor oriental et de ne pas méconnaîtreles droits du
Portugal y relatifs. Ceciimplique la non reconnaissancedes droits de tout autre

Etat sur le territoire et lesressourcesdu Timor oriental: ni plus, ni moins.

Section3. l'Australie ne wut Dass'a~~uversur une situation d'effectivitéau
Timor oriental

6.50 L'Australie souligne tout au long de son Contre-mémoirela "réalité" de

l'occupationpar l'Indonésiedu Territoire du Timor oriental,prétendantque:

"a stateis entitled to recognise another state in actual and effective
control of particular temtogfs sovereign overthat temtory, and
to deal withit on that basis" .

Voirpar.6.14.

462 Contre-mkmoiredeI'Australie, artIIIchap.2,sect. 1.L'Australieajoute:

"Australia's decision to conclude the Timor Gap Treaty with
Indonesia in December 1989was a consequence of a de &Km to
recognise the factual realityof the situationin East Timor" .

6.51 Le droit international qui est pertinent dans la présente affaire est tout
d'abord celui des Nations Unies et, principalement, les dispositions dela Charte

relatives aux temtoires non-autonomes et le droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes. Deux points sontà considérer. Le premier est de savoir si I'effectivqui

est icien cause -l'occupation indonésiennedu Timororiental - peut, dans le droit
des Nations Unies, enlever au peuple du Timor oriental son droit à disposer de

lui-mêmeet son droit à la souveraineté permanente sur ses richesses et
ressources naturelles.Le second, quine se pose que siune réponseaffirmative est

donnéeau premier point ci-dessus,est de voir si l'Australie a prouvéque c'est
bien ce qui est amvé. Le Portugal examinera,tour àtour, ces deux points.

6.52 L'effectivitéen elle-mêmene produitpas de conséquencesjuridiques. Elle

constitue un élément du systèmejuridiqueinternational et sa pertinence dans une
situation donnée est dictée parles règlesde ce système.Elle agit dans un ordre

international juridique particulier et n'estpas indépendantede celui-ci.Comme le
Professeur Pinto l'a exprimé"[Ll'effectivitéd'une situation de fait - conduites,

pratiques, actions - est une notion juridique. Elle est définie par le droit
interr~ational"~~~C. ette observation importante avait déjàétéfaite par Kelsen

qui constatait que les "legalconsequences cannot simplybe deduced from facts,
but only £rom legal mles which confer upon facts the effect of creating new

Doehring le résume,de façon incisive, ainsi:

"Effectiveness is only legallyrelevant in so far as the legal system
permits it. Effectiveness a10 s a consequence of a mere factual
event does not create rights,888.

463
Contre-memoirede l'Australie,p. 158, par.354. Cette affirmationde l'Australieest
d'ailleursfausse.V=,r par.6.09.6.10et6.13einfra.ar.6.20.
464
R405.nto, "LaPrescriptionen DroitInternatio8,7 R.C.A.D.I.,vol. 87,1,1955, p. 390,

465 H. Kelsen, Princiulesof InternationalLaw.2nd ed.R. Tucker,New York, Holt
RhinehartandWinston,1966,p.421-2.

466 "Effectivenes,ncvclo~aediaof Public Internatilaw, vol.7Max PlanckInstitute
For Comparative PubliLaw and InternationalLaw,ed. R. Bernhardt.1984, Nonh
Holland,Amsterdam. New YorkO. xforp.70.Ainsi, le fait que l'Australie aurait invoqué la "réalité"de l'occupation
indonésienne n'a aucune signification. Il reste qu'ilfaut évaluercette "réalitéou

"effectivité"dans lecadre de l'ordrejuridique actuel.

6.53 Les conséquences juridiques de I'effectivitévarient selon le contexte
juridique. Il existe évidemment une différenceprofonde entre la démonstration

d'effectivitéssuffisantes pour satisfaire les exigences des règles concernant, par
exemple, I'occupation d'un territoire res nullius, et l'invocation d'une effectivité

comme moyen de contourner une situation illicite.

6.54 Afin que le droit et la réalité ne s'écartent patsrop l'unde l'autre, le droit
international a ses propres règles relatives au processus de légitimation des

situations qui, sans cela, seraient illicites. Telle est la règle de la prescription
acquisitive en relation avec la souverainetésur un temtoire.La prescription est le

procédéjuridique par lequel un titre douteux peut devenir légitime àla fois par le
passage du temps et le consentement du souverain précédent.L'objectif politique

rempli par cette légitimation d'un titre est celui de la stabilité et de la
certitude467. Ce qui importe c'est l'absencede contestation du nouveau titre par

l'ancien souverain, que ce soit oralement ou par écrit468.Il est évident que le
Portugal n'a pas donné son consentement à I'occupation du Timor oriental par

l'Indonésie.

6.55 11y a un autre point important. Tandis que les effectivitéspeuvent parfois-
avec le consentement de 1'Etatdont le droit a étévioléet avec l'approbation de la

communauté internationale - êtrevalidées, celane sera pas le cas où l'illiceité
constitue une violation du jus coeens. Ainsi Sir Hersch Lauterpacht a pu dire en

écrivant précisément sur des questions de souveraineté sur les zones sous-
marines:

467
D. Johnson, "AcquisitivePrescription in InternatiLaw", u., vol. 27, 1950,
p.332.
46û
1.MacGibbon, "TheSmpe of Acquiescencein InternationalLaw".3W., vol. 34,
1951,p. 143. "itis probably true to saythat the absence of protest is irrelevant if
the action of the state claiming to acquire title is so wrongful in
relation to any particular state or so patently at variance with
general international law as to rsgpr it wholly incapable of
becoming the source of a legalnght" .

La prohibition de I'emplojde la force (sauf en cas de légitimedéfense) faitpartie
du jus coe-ns contemporain, tout comme la prohibition de faire obstacle à

l'exercicedu droit d'autodétermination.Mais:

"..an act or omissionwhichiscontraryto ajus coeens rule isdevoid
of any legal effect. It cannot give place throufQ76ecognition,
acquiescence or prescription to a newlegalregime ..'

6.56 Les actes de l'Indonésiesi clairement "déplorésp "ar les Nations Unies ne

peuvent avoir pour conséquence la négationdes droits du peuple du Timor
oriental. Ce point cardinal, qui est d'une pertinence fondamentale pour le cas du

Timor oriental, est illustrépar Pinto qui déclareque:

"la situation de fait - transformations territoriales par annexion,
conquête,occupation illégale -peut avoir été crééeen violation du
droit international en vigueur. Dans ce cas I'effectivitédu fait
condition, n'apparaît pas coqitpe un titre suffisant à l'exercicedes
compétencesrevendiquées" .

Sir Robert Jennings a constatéaussique:

"the law will alwayslean towards the principle that a4+yo.gfulact
must be ineffectiveto changeor to create legal rights"

Ce principe s'applique a fortiori lorsque les droits mis en cause par I'effectivité

sont précisémentlesdroits qui sont la raisond'être du chapitre XI de la Charte: le
droit d'un peuple non-autonome à êtrereconnu comme tel, protégé parla

puissance administrante, et àprocéderàl'autodétermination.

469 H.Lauterpacht,"SovereignoverSubmarineAreas",B.Y.L vol.,7, 1950p.389.

470 G. Abi-Saab,LagonissiConference,cit6 dans Gowlland-Debbas,g.ciSUD p.250,
note 1.

471 *.cit., suora,n.p.426.

472 R.Y.Jenningsm., p.72.6.57 En tout cas, l'Australie n'a pas démontréles conséquencesjuridiques
qu'elle prétend fairedécoulerde l'occupationindonésienne,alors que c'est à la

partie qui émetune prétention d'enfournirla preuvejuridique473.

6.58 Dans i'ordre juridique établipar la Charte pour les territoires non-

autonomes et pour l'autodéterminationdeux exigences doivent êtreremplies:
pour pouvoir s'en remettre à l'occupation indonésienne comme une "réalité

factuelle"qui permettrait de méconnaître les droitsdu peuple duTimor oriental à
I'autodéterminationet à la souveraineté sur sesressources naturelles, l'Australie

doit démontrer que ces faits ont eu cette conséquencejuridique. Ceciimplique,

premièrement, de démontrer quela Puissanceadministrante a donnéson accord
pour cesser son rBle au Timor oriental et, deuxièmement, de démontrer que

l'Assembléegénéralea accepté de changer le statut du territoire du Timor
oriental.

6.59 Le Portugal n'a pas donnéson consentement pour cesser d'agir pour le

compte du peuple du Timor oriental. L'historiquede son opposition est rappelé

en détaildans le ~émoire~~~.Depuis 1975,le Portugal a toujours affirméle
droit, qui existe encore aujourd'hui, du peuple du Timor oriental à

l'autodétermination,et recherchésa réalisation,par tous les moyens possibles,
tout en affirmant sa qualité de Puissance administrante. A aucun moment, le

Portugal n'a donnéson consentement auxrevendicationsde l'Indonésied'untitre
sur le Temtoire du Timor oriental et seszones maritimeset sous-marines comme

une conséquence de l'annexion. En fait, le Portugal protesta à l'encontre des

autorités australiennes lorsqu'il devintapparent que l'Australie se préparait à
reconnaître de iure l'incorporation de ce territoire à et par l'Indonésie. Le

Portugal aindiqué clairementqu'ildemeurait responsable de la "promotion et de
la sauvegarde" des droits du Timor oriental à I'autodétermination,pour assurer

"qu'ilsoit accordéau peuple du Timor oriental l'opportunitéde choisirlibrement
sa future destinée"et qu'il poursuivrait "avecpatience et confiance la route qui

permettrait d'atteindre cet objectif0475.

473 Affaire des Activitésmilitaireset oaramilitairesau Nicaraeuaet contre cC.LJ.ci,
Recuei l984p.437,par.101.

474 Memoiredu Portugal,chap. 1sect.2,et chap.IIIsect4et chap.IV,sect4.

475 Contre-memoirede l'Australie,Annexe 22-23,p.A70-A73 et Memoire du Portugal,
AnnexeIII.16,vol. V,p188.6.60 Mêmesi la communauté internationale s'étaitmontrée indifférente,ou

avait laissé penser qu'elle acquiescait à l'occupation illégale du fait d'une
quelconque passivité,cela ne pourrait pas suffire à changer le titre en l'absence

de l'acquiescement du ~ortu~a1~~~E . t mêmesi l'attitude de la communauté

internationale étaitseulepertinente àla reconnaissance des effectivitésnouvelles,
l'Australie n'est pas en mesure de démontrer une acceptation généralede

l'annexiondu Territoire par l'Indonésie.

L'Australie énumère les mentions de réalités politiquesfaites par certains

~tats~~~mais elle n'examinepas les conséquencesjuridiquesque ces Etats eux-
mêmesauraient essayéde tirer de leurs observations. Un petit nombre d'Etats

ont exprimél'opinionselon laquelle le peuple du Timor oriental avait exercé son

droit à disposer de lui-même. Commeil a étévu, l'Australie s'est efforcée
d'attirer l'attention de la Cour sur ces opinions, tout en admettant elle-mêmeque

le droit reste à satisfaire478. L'Australie ne dit pas à la Cour si ces pays ont

procédé à la reconnaissance de iure de l'annexion par l'Indonésiedu Timor
oriental (une position prise par l'Australied'une manière inconséquentemalgré

sa déclaration que le peuple du Timor oriental conserve toujours le droit

d'autodétermination).En effet, l'Australiene fournit mêmepas l'indicationqu'un
quelconque de ces Etats aurait procédé àune reconnaissance de facto, sauf peut-

êtrele L'Australie oublie que ces points de vue n'ont pasétérepris
dans les résolutionsdes Nations Unies. Ellene fournit pas non plus la preuve que

cette minoritéd'Etats, ayant exercéleur droit d'exprimerleur point de vue, aurait

476 Ainsi, meme s'il ne s'agissait pasd'une question sur l'effectinte de l'occupation illicite
maisd'uneapplication contestee des lignesdroites dans une delimitation côtikre, la Cour
a eig6 sirnultanement "la tolerance genkrale de la communaut6 internationale" et le

manquement d'une protestation de la pan du Royaume-Uni; voir Affaire desP&cheries
{Royaume-Uni c.Norv&ee). .I.J.Rec..il 1951,p. 139.
477
Contre-memoire de l'Australie,p. 152-154,par. 339-345.

478 Voir, par exemple,leContre-memoirede l'Australie,p.30,par. 71.

479 Aux pages85et 153de son Contre-memoire, par. 175et 344,l'Australie fait reference à
la Suede.Le Gouvernement suedois a declare trèsrecemment que jamais la Suede n'a
accepte l'annexion du Timor oriental:e Swedish Govemment has never accepted
Indonesia'sannexation of East Timor. This annexation is a breach of international law,
which we have stressed in different contexts on repeated occasions. We have long

supported the idea of a referendum in East Timor so that the people there shall have an
opportunity to exercisetheir rightof self-determination".11.39, eplique, vol. III,
p. 215.refusé alorsd'admettre que les résolutionsde l'hsemblée générale,organe ayant

le pouvoir d'identifier les territoires non-autonomes, aient un caractère
obligatoire.

6.61 En tout cas, ce qui est important c'est qu'iln'ya eu aucun acquiescement

de la part de la Puissance administrante, doublé d'une acceptation par la
communauté des Etats et les Nations Unies d'un transfert de titràl'Indonésie.

L'effectivitéde I'occupation par l'Indonésien'a pas ététraduite en conséquence
juridique.

6.62 L'Australie n'a fait état d'aucune résolutiondes organes compétents des

Nations Unies mettant fin à la qualité du Portugal comme Puissance
administrante; d'aucune résolutiondéclarant que le droit du peuple du Timor

orientalà disposer de lui-mêmeait étéexercé,ou que d'une certaine manière ce
peuple ait été "déchu" d'un tel droit à cause de la "réalité factuelle"de

I'occupation indonésienne.Or, ces exigencesjuridiques ont étéle fondement de la
pratique des Nations Unies pendant des années.

6.63 Le contrôle effectif de l'Afriquedu sud sur la Namibie pendant de longues

annéesne pouvait pas êtremis en doute. Maiscette effectivitén'a pas empêchéle
Conseil des Nations Unies pour la Namibie de préciserdans son célèbredécret

no 1 du 27septembre 1974 que tout intérêjuridique que les Etats tiers puissent
espérer avoir dans les ressources naturelles de la Namibie dépendait du

consentement et l'autorisation du Conseil, seul organe autoriàéagir pour son
compte480. Les termes de ce décret ont étéconfirméspar la résolution 3295

(XXIX) de l'Assembléegénérale. La seule autorité autorisée à agir pour le
compte de Timor oriental est le Portugal, qui demeure encore sa Puissance

administrante. Ainsi, une fois de plus, I'effectivitédu pouvoir dedonésieest
sans pertinence juridique.

6.64 Le refus continu des '~ations Unies d'octroyer une conséquencejuridique

à certaines catégories d'effectivités est également illustré par la série de
résolutions relativesàI'occupationpar Israël des territoires arLeeConseil de

sécuritéa soulignédans la Résolution242(1967) que "the acquisition of territory
by military conquest is inadmissible". Cette résolution fut réaffirmée dans les

VoirlaRésolution224(S-V )eI'Assemblkeknérale.résolutions267(1967),271 (1969)et 298 (1971)du Conseil de sécurité, quitoutes
ont soulignéà nouveau "the established principle that acquisition of temtory by

military conquest is inadmissible".En 1980, le Conseil de sécuritéa refuséde
reconnaître une loi israélienne proclamantJérusalem commela capitale d'Israël.
Le critère d'autoritéeffective a étérejetée en faveur de la réaffirmation que

l'acquisitiondu territoire par la forceest inadmissible.

6.65 La prétendue annexion par Israël des Hauteurs du Golan - fondée
également sur une autorité effective de longue durée - n'a pas non plus été

reconnue481. Que les événementsillicitesà un moment critique donné soient
récents482ou existent depuis longtemps, le principe juridique reste le même:la

non-reconnaissance en vertu du principe ex iniuria ius non oritur et des
obligationsdécoulantde la Chartedes Nations Unies.

6.66 L'Australie cherche à s'excuserd'avoir conclul'"Accord"en déclarantque

cette conclusion a eu lieu 14ans après la sumenance des "controversial
event~"~~~M . ais- mêmesi l'onfait abstraction du fait que l'Australie a reconnu,

à la première occasion, l'intégratiodu Timor oriental àl'Indonésieet qu'elle l'a
fait de iure-cet argument est infondé.En effet, la duréede l'autoritéde fait de

l'Afrique du Sud et d'Israël n'a pas suffi pour entraîner les conséquences
juridiques que l'Australie cherche à tirer du passage du temps ou des réalités

militaires.

6.67 Bien qu'il soit évidentque la réalitéfactuelle de l'occupation du Timor
oriental par l'Indonésiedure encore, l'Australiene peut démontreraucune "legal

reality" qui en résulterait - c'est-à-dire, le retrait par la communauté
internationale des droits au peuple du Timor oriental, représentépar le Portugal

en tant que Puissance administrante. Les résolutions des Nations Unies
demeurent obligatoires, ledroit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-

481
Voir laRésolution 497(1981)duConseildesécuritedu 17decembre1981.
482
Voir le refusde lapretendueannexionirakienne du Koweïtparla Résolution662 (1990)
du Conseil de secunte. Voiraussi ladéclade la Communaute~uropeenneen date
du28 aoot 1991en relation aveclesévenemde laYougoslavie:The Communityand
its Member Stateswill neveraccepta policyof faitaccomvli".Bulletinof the Eurovean
Communiy 718,1991,p.116.
483 Contre-memoiredeI'Australie,p. 161.par.358.mêmereste insatisfait, les efforts des Nations Unies continuent dans divers fors,

et la grande majoritédes Etats ne reconnaît pas l'annexionpar 1'1ndonésie~~e~ t
la perte des droits du peuple du Timor oriental qui en résulterait.Il ne peut en

êtreautrement en droit international général.

Section 4. L'Australiene veut vas s'aoouversur le droitde la mer

A. L'Australie ne veut vas dire qu'elle a des "droits souverains

invoqués deouis ionetemps" sur toute la zone du plateau
continental B laquelle seraowrte l'"Accordn

6.68 Contrairement à ce qu'elle affirme, l'Australien'a pas de "long-asserted

sovereign rights over the area of seabed coveredby the ~reaty"~~~.D'une part, il

ne s'agitpas de droits établismais de prétentionsque le Portugal a contestéeset
conteste toujours. D'autre part, les prétentions australiennes concernant le

plateau continental dansla zone du 'TimorGap"ont évoluéea su fildu temps.

6.69 11convient, tout d'abord, de rappeler que la limite nord de la "Zone de

coopération"ainsi que de I'aire C viséesdans 1"'Accordest une ligne simplifiée
de l'axebathymétriquede la "fossede Timor". La limite sud de la "Zone" et de

I'aireB correspond à une lignede 200millesà partir du Timor oriental. La limite
sud de I'aireA (et nord de I'aire B) est la lignemédiane. Enfin,la limite nord de

I'aireA (et sud de I'aireC) apparaît comme une "lignesimplifiéede l'isobathe de
,1486
1500m .

484 Voir, par exemple, la declaration recente du Royaume-Uni qu'il ne reconnaît pas
l'annexion du Timor oriental par les autorités indonésiennes:Hansard Parliamentary
m, House of Commons,Written Answers,18December 1991,col. 181.Voir aussi
la reponse du Gouvernement britannique indiquant que "nie United Kingdom has not
recognized annexation of East Timor, nor has the [European] Community", Hansard
Parliamentary Debates, House of Lor16juillet 1992,c409,Annexe II.4Replique,
vol.IIIp.220.Voir aussi la declaration du Departement fkdkraldes Affairesetrangeres

de la Suisse en date 2udecembre 1991selon laquelle"LaSuisse n'ajamais rewnnu
l'annexion parla prise par la forcede cette ancienne colonie portugaisepar l'Indonésie".
Annexe 11.41,Replique, vol. III, p. 223. Pcerqui est du Mozambique, auquel
l'Australie fait refkrence,voir sa position très clairequi appuie la lutte du peuple du
Timor oriental pour l'exercicede son droiA disposer de lui-m@me,Annexe 11.42,
Replique, vol. III224.

485 Contre-mémoirede l'Australie,p. 170,par. 382.

486 Memoire du Portugal, p.58, par2.08et Annexes 111.et111.8vol.V, p. 71 e77, en
particulier lescarte76et 83.6.70 L'Australie affirme que:

"...the Pearl Fishenes Act 2) 1953 defined the continental
to thecoasts of Australia to epth 'of not more than 100fathoms's
(approximately 200 meters)" .

Con peut aisémentvérifier,par la carte no1en regard de cette page, que la ligne

de 200mètres de profondeur se situe bien en-deçà non seulement de la limite
nord de la "Zone de coopération"maisencore de la limitenord de I'aireA.

La limite de la "zone adjacente" établiepar le Petroleum Submereed Lands Act

m)488 se place elle aussi à l'intérieurde l'aire A. On peut le vérifierpar la
comparaison entre la carte no1en regard de cette page et le croquis au regard de

la page 198du Mémoiredu Portugal, la limitede la "zone adjacente" coïncidant
approximativement avec le segment de droite unissant les points terminaux de la

frontière australo-indonésienne de 1972. Sur le mêmecroquis on peut aussi
observer qu'en 1974aucun permis pétrolieroctroyépar l'Australie nedépassait

cette limitede la "zoneadjacente".

Dans sa note du 5 mars 1973adresséeau Portugal, l'Australiesoutenait la thèse
que les droits australiens s'étendaient

"out to the lower edge of the margin, where it slws down to, and
merges in, the deep ocean-flooror abyssalplain" .

Quel que soit l'emplacement exactde cette limite, ellen'atteindrait sûrement pas

l'isobathe de 1500mètres, oùse termine I'aireA de la "Zone de coopération"et,
encore moins, I'axebathymétriquede la "fossede Timor". Ce n'est que plus tard

que l'Australie aétenduses prétentionsjusqu'à I'axebathymétriquede la "fosse
de Timor". Le Portugal en a pris connaissance par le document en date du

23février1990joint en Annexe IV.12du ~émoire~~'.

487
Contre-memoirede l'Australie,p. 170,par.382.
488
MemoireduPortugal,p. 197,par.7.04.Annexe11.43,Replique,vol. III,p.230.
489
MemoireduPortugal,AnnexeIV.6,vol. V, p.287.
490 MemoireduPortugal.AnnexeIV.12,vol. V,p.333.6.71 Depuis longtemps le Portugal s'oppose auxprétentions australiennes,

m&mequand elles étaientmoins ambitieuses qu'ellesne le sont aujourd'hui. Un
résuméde l'histoiredu différendà cet égard,que l'Australien'a pas contesté,se

trouve aux paragraphes 7.04 et 7.05 du Mémoiredu ~ortu~al~~'. Le Portugal

maintient sa position, selon laquelle l'exercicedes droits appartenant au Timor
onental et à l'Australiesur le plateau continental doit êtredélipar une ligne

d'équidistance.Il l'afait savoàrnouveau àl'Australiepar sa note du 22février
1991~~~.

B. La situation du plateau continental dans la zone du "Timor G~D"
est caractériséepar l'existenced'un conflit de prétentionsentre le

Portugal et l'Australie et d'une concurrence de droits entre le

Timor oriental et'Australie

6.72 La situation du plateau continental dans la zone du 'Timor Gap" se
caractérise, tout d'abord, par un conflit de prétentions entre le Portugal et

l'Australie.En ce qui concerne la "Zone de coopération"viséepar l'"Accord, ce
conflitcouvre lesaires A eC.

6.73 La présente affaire n'est pas une affaire de délimitation du plateau

continental. Sur cela les Parties sont d'accord493. En tout état de cause, le
Portugal estime que l'Australiene peut pas opposer un titre au Timor oriental au-

delà de la ligne de 200 millesà partir des lignes de base australiennes; et que le
Timor oriental a un titre jusqu'à200 millesartir de sa côte4.

Le conflit de prétentions sedouble ainsi d'un chevauchement de titres et d'une

concurrence ou concours de droits. Ce conflitet ce concours se rapportent à des
espaces marins partiellement différents: leconflitde prétentionsa tàal'espace

entre la ligne médiane et l'axe bathymétrique de la "fosse de Timor" et le
concours de droits est relatifl'espace situéentre les deux lignes de 200milles
495
marins .

4% Mémoire dPuortugal,p. 197-1ar.7.04-7.05.

492 MemoireduPortugal,AnnexeIV.1vol.V.p.271.

4g3 Contre-mémoirdeel'Austral, .16,ar.376.

4% VoirCroquisno5enregarddelapage200duMemoireduPortugal.

495 Mémoire dPuortugal,p.200-202r.7.08-7.10. C. En excluant toute neeociation avec le Portueal. en tant aue
Puissance administrante du Territoire du Timor oriental.

l'Australie a manau6 et manaue au devoir de négociermur
harmoniserles droitsrespectifsen cas de concoursde droitsou de

prétentionssur des espacesmaritimes

6.74
Comme la Chambre de la Cour l'adit dans l'Affairedu Golfe du Maine et
comme le Portugal Sarappelédansson Mémoire 4% ,

"leprincipe du droit international-àsavoirque la délimitationdoit
s'effectuer par voie d'accord-,...insi que, si l'onveut, la règlequi
lui est sous-jacente, sont des principesjàclairement affirméspar
le droit international coutumier, des principes qui, cause de cela,
sont certainement d'application génerale,et valables à l'égardde
tous lesErahainsi que par rapport àtoutes sortes de délimitations
maritimes .

Le mêmeprincipe est valable pour l'exploration et l'exploitation des espaces

maritimes indépendamment de toute délimitation,là où tout au moins existe un
conflit de prétentions. L'Australie le reconnaît et invoque cette obligation de

négocier498.Elle oublie cependant que les règlesdu droit de la mer ne peuvent
pas êtreappliquéesen dehors du cadredesautres règlesde droit international et,
en I'espèce,de cellesrelativesauxtemtoires non-autonomes.

D. L'Australie ne wut pas invwuer des droits et des devoirs

découlant du droit de la mer sans tenir comDte du droit
internationalrelatifauxtemtoires non-autonomes

6.75 En l'espèce, ce sont les règles du droit international relatives aux

temtoires non-autonomes qui disent àqui appartient la souverainetépermanente
sur les richesses et ressources situéesdans des espaces pouvant revenir au Timor

oriental -c'estau peuple du-Timororiental -et avec qui le devoir de négociation
existe: laPuissance administrante du Timor oriental.

496
MbmoireduPortugal,p.218,par.8.18.
497 C.I.JRecueil1984,p.293,par90.

498 Contre-mbmoird eeI'Australi,. 174,pa404.En méconnaissantle caractère non-autonome du temtoire du Timor oriental et

la qualité du Portugal comme sa Puissance administrante en une matière qui
concerne et ne concerne que les droits respectifs de l'Australieet du peuple du

Timor oriental sur leurs richesseset ressources naturelles, l'Australiméconnu
la souverainetéde ce peuple sur ses richesseset ressources naturelles. Quand elle

explore et exploiteune zone du plateau continental oùilya conflitde prétentions
entre l'Australieet le peuple du Timor oriental, et excluant, dansle mêmetemps,

toute négociationavec la Puissanceadministrante du Temtoire, l'AustralieMole,
à nouveau, la souveraineté permanente du peuple du Timor oriental sur ses

richesses et ressources naturellesLa négociationque l'Australieaurait dû avoir
et doit avoir avec le Portugal est la condition de la sauvegarde des droits du

peuple du Timor oriental et des intérêtsspécifiqueset particuliers de ce peuple.
En droit, toute obligation implique,par définition,un sacrifice. L'Australie ne

peut pas ne rien sacrifierauxdroits d'un peuple.Moinsencore est-elle autoriséà
profiter de la situation de ce peuple.

Section5. L'Australie nepeut invwuer l'existenced'un conflit d'oblieations

pour échapper $ ses devoirsBI'é~ard du wuple du Timor oriental
et de sa Puissance administrante

6.76 Le Portugal a déjàrappeléplus haut les contours précisde la Requête

portugaise et l'objet exactdu différend qu'ellporte devant la Cour entre, d'une
part, le Portugal et d'autre part, l'Australieet elle 11a insistésur le fait

qu'il ne demande pas à la Cour de prononcer l'invaliditéde l'"Accord mais
simplement de dire que l'Australieengage sa responsabilitéinternationale pour

l'avoir négocié, concleut en avoir commencél'exécution. Le Portugal est enfin
revenu sur le fait que, de par les termes de sameconclusionb), en particulier,

il ne demande pas à la Cour de résoudreun quelconque conflit d'obligationsqui
résulterait pour l'Australie.de la conclusion de l'"Accord"avec l'Indonésie.Or

c'est pourtant ce qu'affirme leContre-mémoirede l'Australie à ses paragraphes
185et suivants.

Cette allégationpourrait êtrenégligée puisqu'ellene correspond pas à la réalité
de la demande portugaise. Si, toutefois, on acceptait mêmede se placer sur le

terrain choisi par l'argumentation australienne,le Portugal pourrait brièvement

499 Sugra.chapII.répondre en deux points. En premier lieu, un conflit d'obligations n'équivaut
jamais à une exonération de responsabilité,et ce qui est en cause ici c'est la

responsabilitéaustralienne. En second lieu, si l'onvoulait, dépassant laRequête
portugaise, rentrer dans l'examen du conflit d'obligationsentre celles résultant

pour l'Australie de sa qualité d'Etat Membre des Nations Unies et celles
procédant de la conclusion de l'"Accord"avec l'Indonésie,on trouverait dans

l'article 103de la Charte un principe évidentde prévalencedes premières sur les
secondes.

A. Un conflit d'oblipationsn'équivaud t e toute facon vas à une cause

d'exonération dereswnsabilité

6.77 En droit des traités,la Convention de Vienne de 1969indique bien qu'elle
dispose sousréservede

"toute question de responsabilité quipeut naître pour un Etat de la
conclusion ou de l'applicationd'untraité dontles dispositions sont
incompatibles avec les obligationsqui lui incombent a l'égard d'un
autreEtat en vertu d'unautre traité',

ce qui a fait remarquer à plusieurs auteurs que cette convention est loin de
couvrir toutes les questions de responsabilité résultantdes relations entre
500
traités .

6.78 Mais, précisément,si, pour tenter d'en savoir plus, on se rapporte à la
première partie du projet de codificationdu droit de la responsabilitéétablipar la

Commission du droit international et que l'on examine les dispositions qu'il
consacre aux circonstances excluant l'illicite,c'est-à-dire auxcauses d'exemption

de responsabilité, on y trouvera des dispositions pertinentes à propos du
consentement donné par un Etat à la commission d'un faitillicitepar un autreà

la prise de contre-mesures, à la force majeure et au cas fortuit, à la détresse,à
l'étatde nécessitéou à la légitimedéfense.Mais c'esten vain que l'onchercherait

une disposition indiquant qu'en casde conflit d'obligationsrésultant de deux

D. Bowett, Treaties and State Responsi&ilLe droit international au service de la
paix, de la justice et du developpement, Melanees Michel Virally, Pa1991,Pedone,
pp .37-145;Sir Ian Sinclair, The Vienna Convention on the Law of Treaties, Second
Edition, Manchester University P1984,p.165;Paul Reuter, Introduction au droit
des traites, Paris,P1985P .58.traitésincompatibles auxquels un mêmeEtat est partie, l'entréeen vigueur du

second aurait pour effet de dégager cetEtat de sa responsabilité à l'égardde ses
cocontractants pour violationdu traitéinitial.

En l'occurrencedonc, la conclusionet la miseen oeuvre de I"'Accord"engagent la

responsabilité internationale de l'Australie pour une violation qui lui est

imputable, indépendamment même de la prise en considérationde l'article 103
de la Charte. Mais s'ils'avèraitnécessairede recourir à ce dernier, la conclusion

qu'il conviendrait d'en tirer mérite d'être rappeléeé , tant donnépar ailleurs

l'acharnement mis par l'Australie à occulter soigneusement les caractéristiques
institutionnelles du droit des Nations uniesSo1.

B. Une hiérarchied'oblieations,de toute facon,résultede l'article 103

de la Charte des Nations Unies

6.79 L'article 103 est, parmi plusieurs autres, une manifestation

particulièrement éloquente du caractère constitutionnel du droit des Nations
Unies. Il souligne le caractère dérogatoireau droit commun de la Charte. 11

achève de démontrer que celle-ci est inassimilable à une convention

internationale ordinaire, en disposant:

"En cas de conflit entre les obligationsdes Membres des Nations
Unies en vertu de la présenteCharte et leurs obligationsen v
de tout autre accord internationale, lespremièresprévaudront" fB' .

501 Suora par.5.17-5.19.

502 Cet articleb6 très abondammentcomment6en doctrine pour souligner son caractkre
original et dkrogatoire au droit commun, en raison de son caractkre constitutionnel,
certains allant m&mejusqu'àparàeson kgard,non peut-@tresans certaines confusions,
de "supranationalité".Voir en particulLeGoodrich, E. Hambro et AP. Simons,
charter of the United Nations. &mmentan>and documents,3kme e1969,New York,
p.614-617;L.Kopelmanas,L'Organisation des NationsUnies,Par1947,p.165-191;H.
Kelsen, The Law of the United Nations, Stevens.Londres1950,p. 1116-1119;J.

Combacau.Le ouv vode sanction de I'ONU,Pedone, Par1974,p. 268-28Th. Fïory,
in5, sous la direction de J.P.
Cot et A Pellet, Paris,Emnomica, 2kmee1991,p.1381-1389;R. Bernhardt, in Charta
der Vereinten Nationen. Kommentar, herausgegeben von Bruno Simma, München,
Beck'sVerlag,1991,p.1066-1073.La prééminencenormative qu'établitcette disposition entraîne que tout autre
engagement conventionnel,même consentipar un Etat Membre postérieurement

à l'entrée en vigueur de la Charte, doit céder devant elle si le respect de ses
dispositions s'avère incompatibleavec les obligations qu'ellemet à la charge des

Etats Membres.

On sait que c'est ce que la Cour a eu à deux reprises au moins l'occasion de

rappeler. Elle le fit avec une fermetéparticulièreà l'occasionde l'examen de sa
compétencedans l'Affairedes activités militaireset paramilitaires au Nicaraeua

et contre celui-ci.Confrontéeàla question de laconcurrenceéventuelleentre des
systèmesrégionauxde règlement des différendset sa propre compétence, elle

rappela qu':

"Ilimporte aussi de ne pas perdre de vue que tous les accords
régionaux,bilatérauxet même multilatérauxq ,ue les Parties à la
présente affaire vt avoir conclus au sujet du règlement des
différendsou de a juridiction de la Cour internationale de Justice,
sont toujyby subordonnésaux dispositions de l'article 103 de la
Charte ..."

6.80 La Cour a eu de plus tout récemment l'occasion de rappeler que la

prééminence du droit des Nations Unies sur tout autre engagement
conventionnel s'étendaitégalementauxdécisionsprisespar le Conseil de sécurité

en application de la Charte. Elle l'aindiquéen effet en termes identiquesdans ses
deux ordonnances du 14avril 1992concernant l'maire relative à des questions

d'intemrétation et d'a~olicationde la Convention de Montréalde 1971 résultant
de l'incidentaériende I-ockerbie504.

503
C.I.J.Recuei19û4,p. 440,pa107.
504
Demande en indication de mesures conservatoires.(Jamahiriva arabe libvenne c. Etats-
Unis d'Amériaue) par. 42 et (Jamahiriva arabe libvenne c. Royaume-Uni) par. 39:
"Consideran1que la Libyeet les Etats-Unis (ou le Royaume-Uni), en tant que Membres
de l'Organisation des Natiow Unies, sont dans l'obligationd'accepteret d'appliquer les
décisions du Conseilde shritconform6ment à l'artic25 de la Charte; (...) et que,
conformément à I'articl103 de la Charte, les obligations des Paràicet Bgard
prevalent sur leurs obligations en venu de tout autre amrd interycompris la
convention de Montréal;"6.81 Cette prééminencenormative entre en opposition manifeste avec le droit

international commun en matière de conflit intertemporel entre traités.Elle ne
peut dèslors se justifier qu'auregard de la nature et de la portéespécifiquedes

règles poséespar la Charte, dans un cadre à la fois normatif et institutionnel
inassimilable au droit conventio~el classique. L'article 30 alinéa 1 de la

Convention de Vienne sur le droit des traitésmarque d'ailleurs biencette place
éminenteet particulière faite aux dispositionsde la Charte par rapport à celles

établies dansd'autres conventions,puisqu'ilindique bien que son énoncé propre,
destiné à règlementer l'application des traités successifs portant sur le même

objet, est à lire "Sous réservedes dispositions de l'article 103 de la Charte des
Nations Unies...".

6.82 En l'occurrence, la Requêteportugaise ne demande pas à la Cour de

résoudreun conflit d'obligations. Ellese situe en-deça d'une telle demande. Mais
si la Cour voulait s'engager dans cet autre procès, I'article 103 donnerait une

solution évidente.Etant donné quel'"Accord"organise un régimed'exploitation
des ressources naturelles du Timor oriental manifestement incompatible avec le

respect des droits de ce peuple et, notamment, de sa souveraineté sur ses
richesses et ressources naturelles tel qu'affirméepar le droit des Nations Unies, il

suffirait àla Cour de constatercette incompatiblitépour que l'Australiene puisse
utiliser 1"'Accordàl'instard'un bouclier, afinde se prémunir desa responsabilité
du fait du manquement àses obligationsen tant que Membre des Nations Unies. PARTIEII

LARECEVABILïïEDE LA REOUFTEPORTUGAISE

CHAPITRE M
REPONSEALAlEREEXCEPTION AUSTRALIENNL E:SPARTUES A

L'INSTANCE SONTLES PARTIES PERTINENTES

Section 1. Considérationsgénérales

7.01 Dans le présentChapitre, le Portugal répondauxarguments présentéspar
l'Australieau Chapitre 1de la Partie II de son Contre-mémoire,sous le titre "The
Tnie Respondent is not a Party to these Proceedii11s'agitlà de la première

exception australienàel'encontrede la Requêteportugaise.

7.02 L'Australie avance deux thèses, à savoir: le wai défendeur c'est
l'Indonésie,non 1'Australie;et, en tout étatdeilfaudrait pour le moins que

l'Indonésieait consenti àlajuridiction de la Cour et qu'elle soitpartie àl'instance
pour que la Cour puisse déciderau fond.La première thèse australienne est

expriméenotamment par le titre même duchapitre 'The tme respondent is not a
party to these proceedings",par l'alternativepàson paragraphe 180et par

les sous-sections A eB de sa sectionIIIPar cette thèse l'Australie conteste
qu'elle soitune partie correcte et par la seconde que làsl'instancesoient

suffisantes.

7.03 La première thèse de l'Australie est absolument extraordinaire.
L'Austraiie, qui essaie tout le temps d'invoquerl'Affairede l'Ormonétaàrepris
Rome en 1943, voudrait que le Portugal ait adressé contre l'Indonésieune

instance par laquelle il demanderaàtla Cour qu'elle juge que les droits du
peuple du Timor oriental et la qualité du Portugal comme Puissance

administrante du Temtoire sont opposables à l'Australie, que l'Australie a
commis tel ou tel fait illicite, que l'Australie a engagé sa responsabilité

internationale et doit réparation au peuple du Timor oriental et au Portugal,
enfin que l'Australie doit, vis-à-visdu peuple du Timor oriental et du Portugal,

s'abstenir de continuer et de répéterles illiceités! Si l'onvoulait rechercher une
situation correspondant exactemeàla doctrine de l'Ormonétaire,la voilà. Les
intérêtde l'Australie ne seraient-ils pas l'objetmêmedela dé'sollicit?e

Quel sens auraient de telles demandes contre un Etat autre que l'Australie si ladécision n'étaitpas obligatoire pour celle-ci? Et comment pourrait-elle l'êtresi

l'Australie n'était pas partie à I'instance? La première thèse australienne
constitue la meilleure démonstration, par reductio ad absurdum, de l'artifice

consistant àjongler entre "ailegeddifferend"et "realdifferend".

7.04 C'est donc la deuxième thèse australienne - viciée elle aussi par les
déformations que l'Australie aintroduit dans la Requêteportugaise505 - qu'il

convient d'analyser. Le Portugal estime que les parties à I'instance sont
suffisantes et que le consentement donné par le Portugal et par l'Australie à la
jundiction de la Cour est lui aussitouà fait suffisantpour permettreàcelle-cide

répondre, sur le fond, à toutes les Conclusions portugaises. Pour que les
problèmes soient correctement posés, il faut cependant remarquer que la

question de la suffisancedes parties et du consentement à la juridiction doit être
appreciée par rapport à chaque Conclusion. Ainsi, par exemple, l'argument

australien relatif au confüt d'obligationsne concerne, comme il l'a étésouligné,
qu'une partie de i'alinéab) de la SèmeConclusiondu ~ortu~al~O~P . ar exemple

encore, l'argument fondésur le fait que l'unedes illiceitésque le Portugal impute
à l'Australiene concerne qu'unepartie de la 2èmeConclusion.

Afin qu'iln'y ait aucun malentendu, le Portugal répètequ'il considère que les

Parties à I'instanceet leur consentement àlajundiction sont tout à fait suffisants
pour que la Cour se prononce, au fond, sur toutes les demandes vortu~aises et
pour qu'elle y donne satisfaction. Cependant, la rigueur du raisonnement exige

que l'on ait à l'esprit, par rapport à chaque argument, les limites de la portée
possible de ce dernier.

7.05 Le Portugal considèrera tout d'abord la question de la suffisance des

parties à l'instanceen relation avec la lère Conclusionde la Requêteportugaise
(section 2).Ensuite, il répondra à certains arguments australiens basés sur des

déformations de la Requête portugaise déjà relevéesau Chapitre II de la
présente Réplique (section 3). Finalement, il considèrera la question de la

suffisance des parties à I'instance en relation avec le prononcé sur la
responsabilitéde l'Australie en raison des faits illicites qui lui sont imputables

SuDra c.ap.II.
506 Suora par.2.17.(section 4).Le Portugal aura ainsimontréque le critèrejustifiant lajurisprudence

de la Cour dans l'Affairede l'Ormonétaireoris à Rome en 1943n'est nullement
applicable à la présenteespèce.

Section 2. La Cour n'a aas besoin de la adsence d'un autre Etat Bl'instance

pour acceater aue leTimororiental est un territoire non-autonome
et que le Porhieal en est la Puissance administranteainsi que mur

déclarerI'oamsabilit6 de cesaualitésBl'Australie

A. Considérationsaréliminaires

7.06 Par sa lère Conclusion, laRépubliqueportugaise prie la Cour de dire et
juger que:

"d'une part, les droits du peuple du Timor orientalà disposer de
lui-même, à l'intégritéet à l'unitéde son temtoire ...et à sa
souverainetépermanente sur ses richesseset ressources naturelles,
et, d'autre part, les devoirs, les compétences et les droits du
Portugal en tant que Puissance administrante du tem'toire du
Timororiental sonf opoosables à l'Australie.laquelle est tenue de
ne oas les méconnaître et de les resoecter" (souligné par le
Poriugal).

Cette Conclusion concerne donc i'ooposabilitédes droits du peuple du Timor
oriental et du Portugal àl'Australieet les devoirsde l'Australieà cet égard,et ne

concerne que cette oo~osabiiitéet ces devoirs. Le Portugal a bien mis en
évidence,d'ailleurs507,que ce fut precisémentsur I'oooosabilitédes droits du

peuple du Timor oriental et de la qualitédu Portugal, bref,sur l'opposabilitédu
caractère non-autonome du Temtoire, que le différendentre le Portugal et

l'Australie est néLa Cour n'est appeléeà se prononcer,dans le dispositifde son
arrêtet avecautoritéde chosejugéeentre les Parties, que sur cette opposabilità

l'Australieet sur les obligations quien découlentpour elle.

Evidemment, pour dire et juger que le caractère non-autonome du Territoire du
Timor oriental et la qualitédu Portugal comme sa Puissance administrante sont
opposables à l'Australie,il faut que,dans son raisonnement, la Cour admette ce

caractère et cette qualité.L'Australieplaide que la Cour ne peut pas le faire en
l'absence de l'Indonésie,parce qu'une telle admission impliquerait le règlement

507 Suora .ar2.23.d'un différendentre le Portugal et cet autre Etat. Le Portugal, pour sa part,

estime que les Parties à l'instanceet leur consentement àlajuridiction sont tout à
fait suffisants pour que la Cour se prononce sur cette Conclusion portugaise et

puisse adopter comme fondement de sa décisionque le Timor oriental est un
territoire non-autonome et que le Portugal en est la Puissance administrante.

7.07 La position du Portugal se base, tout d'abord, sur deux sortes de raisons,

chacune se suffisant à elle-mgme. La première tient à ce que les qualitésdu
Temtoire du Timor oriental comme territoire non-autonome et du Portugal

comme sa Puissance administrante constituent des données dans la présente
affaire.La seconde tient à ce que les qualitésjuridiques et les droits que le

Portugal fait valoir en l'espècesont des qualitéset des droits erea omnes. Le

Portugal ajoutera une raison complémentairede ces deux là,tiréedes caractères
de lajuridiction internationale.

B. Le caractère non-autonome du Territoire du Timor oriental et la

aualite du Portueal comme Puissance administrante du Territoire
constituent des donnéesdans la rirésenteaffaire

7.08 Dans son ~émoire~~~,le Portugal souligne que le caractère non-

autonome du Temtoire du Timor oriental et la qualitédu Portugal comme sa
Puissance administrante se trouvant établis,de façonobligatoire par le Conseilde

sécuritéet par l'Assembléegénérale, constituent des données,aussi bien pour
tous les Etats Membres (donc notamment pour l'Australie)que pour la Cour, qui

est elle-mêmeun organe des Nations Unies.

509
7.09 Le Portugal croit avoir pu établirces données,tant dans son Mémoire
que dans la présente ~é~li~ue~l~.Bien sûr, il faut que la Cour évalue les

allégationsdes Parties à cet égardet se prononce sur elles. Mais, comme la
remarque en a étéfaite511, la démarche nécessaire à cette fin porte sur

l'interprétationdes résolutionspertinentes et sur les normes de compétence, non

508 Memoiredu Portugal, 73,par.3.02

'O9 Memoiredu Portugal,nparticulieauChapitreVII.

chap.IV.

511 Suora .ar2.22et4.30.sur l'application des normes substantielles, lesquellesont déjà étéappliquées

précisémentpar les résolutionsen cause. Iine s'agit pas de juger ex novo si le
Temtoire du Timor oriental est un temtoire non-autonome, si le Portugal en est

la Puissance administrante, sile peuple du Timor onental jouit toujours du droit à
disposer de lui-mêmeet de sa souverainetépermanente sur ses richesses et

ressources naturelles. 11s'agit simplement de savoir si les Nations Unies l'ont
déclaréd'une façon obligatoire pour tous les Etats Membres. Si la réponse est
affirmative, comme le Portugal estime avoir étécapable de le démontrer, la

question est close.

7.10 Or, cette démarchene concerne pas la prétentiond'unEtat ou d'un autre
au sujet du Timor oriental et par conséquent ellen'exigepas qu'une quelconque

prétention de ce type fasse l'objet d'une nouvelle décision.Elle porte
exclusivementsur des actes des organes des Nations Unies.A partir du moment

où la Cour aura estiméque les Nations Unies qualifient toujours, et de manière
obligatoire, le Timor onental comme un temtoire non-autonome et le Portugal

comme sa Puissance administrante, alors, mêmesi, areuendo, l'onconsidèreque
ces qualifications impliquent le règlement d'un différendentre le Portugal et

l'Indonésie,le fait est qu'il a déjàétédécidé .a Cour n'en aura qu'à prendre
note.

7.11 Au regard de la recevabilitéde la Requête portugaise, le problème

consiste donc exclusivementà savoirsi la présencede l'Indonésie à l'instance et
son consentement àlajuridictionseraient nécessairespour quelaCour interprète
les résolutionsdes Nations Unies concernant le Timor oriental et prenne position

sur leur valeurLa réponsene peut êtrequenégative.

Si les résolutionspertinentes sont obligatoires, ellesle sont erPa omnes, c'est-à-
dire, à tout le moins pour tous lesEtats Membres des Nations Unies. L'Indonésie

pourra avoir un intérêt à l'interprétationou à la valeur qui leur sera attribuée.
Mais, en tant qu'intérêt j&dique, il n'est pas, à cet égard, essentiellement

différentde celuide tout autre Etat Membre. En tout état decause, jamais on ne
pourra dire qu'en interprétant les résolutionsdes Nations Unies relatives au

Timor oriental et en reconnaissant leur valeur, la Cour porterait un jugement sur
les intérêtsmêmesde l'Indonésie.Si une décisionporte sur ces intêrets,cette

décisionest déjà contenue dans les résolutionsdu Conseil de securité et del'Assembléegénérale.Une divergenceentre un Etat et les Nations Unies ne peut
pas empêcherla Cour de reconnaître l'autoritéde cette dernière et de I'imposer

dans un quelconque différend.

Par ailleurs, conformémentàl'article59 de son Statut, le prononcéde la Cour sur
l'interprétation des résolutionset sur leur valeur, quant à lui, n'aura d'autre

portée que celle de seMr de fondement au règlement d'un différendentre le
Portugal et SAustralie, avec l'autoritéde chose jugéepour ces deux Etats et rien
que pour eux.

C. Les aualitéset les droits aue le Portueal fait valoir en I'esaècesont

des aualit6s et des droits erea omnes

7.12 Par sa Requête,le Portugal prétend faire valoir, vis-à-visde l'Australie,

des qualités et des droits erea omnes: la qualité du Timor oriental comme
territoire non-autonome et les droits de son peuple à disposer de lui-même,à

l'intégritéterritoriale et à sa souveraineté permanente sur ses richesses et
ressources naturelles et enfin la qualité du Portugal comme Puissance

administrante du Territoire et lesdroits quiluisont inhérents.

7.13 Or, dans la généralité des systèmesjuridiques, ainsi que dans le droit

international, le problème des parties àl'instancese pose différemmentselon que
l'on fait valoir des qualitésou des droits erga omnes-c'est-à-dire opposables à

tous -ou que l'onfait valoir des droitsqui, par leur structure même,se rapportent
à des personnes déterminées, ayant pour objet des prestations (actions ou

ommissions) de cespersonnes, commele sont lesdroits de créance(oblieationes).
Les droits de ce dernier type sont couramment appelés dans le langage

continental, ou du droit civil,"droitsrelatifs"(par opposition à "droits absolus"ouerga omnes) et, dans le langage de "common law",droits in oersonam512. On
pourra iciles appeler, d'unemanièrevisantàdépasserlesdifférencesde langage,

"droitserea sineulos".

Dans l'Affaire de l'Or monétairepris à Rome en 1943'13, le droit que l'Italie
voulait faire valoir était un "droit erea sineulum", lequel consistait en une

prétendue créance surl'Albaniedécoulantde la responsabilitéinternationale de

celle-ci.En effet, l'Italiepriait la Cour de dire et de juger que les gouvernements
de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique devraient lui

remettre l'or monétaire, reconnu comme appartenant à l'Albanie, en
acquittement d'unedette de cette dernière.

Ilest possible que, par rapport à un "droit erea sineulos" le demandeur ait un

intérêtlégitimeà obtenir une décisionengageant d'autres sujets de droit que le
débiteur.C'est ce quise serait passédans l'Affairede l'Ormonétairesi l'Albanie

avait consenti à la juridiction et si la requêteavaprésentéeaussi contre elle.

Puisque l'Accord de Paris du 14janvier 1946 avait confiéà la France, au
Royaume-Uni et aux Etats-Unis une missiond'exécutiondu droit, l'Italie aurait

eu de bonnes raisons de vouloir que la décisioneût force obligatoire pour eux, en
plus de l'Albanie.11se peut aussi qu'encas de pluralitéde débiteursla demande

soit dirigéesimplement contre l'und'entre eux.C'étaitla situation dans l'Affaire
relativeà Certaines terresà phos~hates à Nauru (Exceptions Préliminaires)514.

Ce qui s'avèreimpossible c'estd'obtenir unedécisionconcernant un "droit aga
sineulos" qui n'engage pas le prétendu débiteurou aucun des prétendus

512
Memoire du Portugal, p. 205, par. 8.03, note 379. Pour la distinction entre droits dits
relatifs et absolus,voir, par exemple,en France,AlexWeillet François Terre, Droit civil,
Introduction Generale, Dalloz, Paris, @me ed.p.261; en Allemagne, iarenz,
Allaemeiner Teil des Deuüchen Büreerlichen Rechts, Beck'sVerlag, München, &me
ed.1983,p. 216-219;en Italie, Francesw Santoro-Passerelli, "Diritti assoluti e relativi",
Enciclo~edia del Diritto,'Giuffr&, Milan, vol.XII, 1964, p. 748 et suiv.; en Espagne,
Federiw de CastyoBravo,Com~endiode Derecho Civil.IntroducYDerecho de la
Perso 5&nae.d., Madrid. 1970,p. 134-135;au Portugal, Manuel de Teoriae,
Gera1 das obrieacôes, 3&meed., Almedina, Coimbra, p.48 et suivt;Galvao
Telles, Direito das ~briea&es, 6è,oimbraEditora, Coimbra, 1989,p. 15et suiv.;
Antunes Varela. Das Obrieacijes em eeral, vol.1,&me ed., Almedina, Coimbra, 1989,
p. 168et suiv.Pour ladistinction entre "rightsin personam"et "rightsin rem"en wmmon
voir Diceyand Morris,The ConflicLM,f 116meed.,Lawren,ceCollins, London,
vol. 1,1987,p. 264et 377.

513 C.LJ.Recueil 1954,p. 18.

514 C.I.J.Recueil 1992.débiteurs.Telle était la situation dans l'Affairede l'Or monétaire. L'Italie n'avait

aucun droit autonome vis-à-visde la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis,
qui n'agissaient que comme exécuteurs. Le droit qu'elle prétendait faire valoir

étaitun droit contre l'AlbanieLa Cour setrouvait donc devant un dilemme: elle
ne pouvait pas ordonner que l'or soit remis àl'Italie en acquittement d'une dette

de l'Albanie sans établir cette dette de façon obligatoire à l'égard de cette
dernière; elle ne pouvait cependant pas le faire faute du consentement de

l'Albanieàsajuridiction et en l'absence de celle-ciàl'instance.

7.14 La situation se présente d'une façon tout à fait différente quand le

demandeur veut faire valoir un droit erea omnes. Tout d'abord, il serait
impraticable d'exiger que l'instance soitintroduite contre tous les obligés, c'est-à-

dire, contre tous ceux qui sont tenus de respecter le droit. Ensuite, de par la
nature même du droit erea omnes, chacun est, isolément, tenu de le respecter.

Par conséquent, celui qui prétend êtrele titulaire d'un droit erea omnes peut le
faire valoir contre quiconque le dénieou le conteste, le met en cause ou le viole,

ce qui est en l'occurrence le cas de l'Australie.contestation ou la violation du
droit eraa omnes par un Etat déterminéindividualise ce dernier parmi tous les

obligés etjustifie le titulaire de ce droit de lui en demander le respect. Quiconque
aurait, selon le demandeur, agit ainsi est partie suffisanLe. demandeur peut

adresser la demande contre plusieurs personnes, s'ila un intértégitimeet s'ille
veut. On setrouve dans le domaine de la libertéque possède le demandeur de
choisir le ou les défendeurs. De par la nature même du droit erea omnes,

l'autoritéde chose jugée par rapport à quiconque le dénieou le conteste, le met
en cause ou le viole, est utile et a du sens,indépendamment de l'autoritéde chose

jugéepar rapport àd'autres.

D. L'importance des caractères de la iuridiction internationale aux
fins deI'esoèce

7.15 Les développements contenus dans les deux sous-sections précédentes

prennent une signification toute particulière si l'on tient compte des
caractéristiques de la juridiction internationale, dominée par le principe du

consensualisme et où la Cour est dépourvue du pouvoir de prescrire laparticipation à l'instanced'unEtat tierss1'. Sile fait qu'unEtat tiers conteste les
droits que le demandeur veut faire valoir, ou qu'il prétend avoir des droits

incompatibles avec ceux-là, le rendait "partie indispensable", un Etat, en ne
consentantpas à la juridiction,pourrait empêcherun autre de défendreles droits

qu'il invoque par la voie juridictionnelle vis-à-visde quiconque. A la limite, un
Etat, en ne consentant pas àlajuridiction,pourrait tout simplement empêcherun

autre de jamais accéderà la Cour: il suffirait qu'ilconteste l'existencejuridique

mêmede ce dernier comme Etat, en revendiquant, par exemple, tout son
temtoire. C'est à un résultatde ce type qu'amèneraitle raisonnement australien,

selon lequel les prétentionsindonésiennesau Timor oriental interdiraient à la
Cour de juger le casd'espèce. Si l'onsuivaitce raisonnementjusqu'au bout, ce sur

quoi la Cour serait tout d'abord empêchée de se prononcer ce ne serait pas le
fond, ce serait le locusstandi mêmedu Portugal.

11est évidentque de telles ca~itis deminutiones dépassentles fondements du

principe du consentement à la juridiction. Chacun est d'accord pour dire
qu'aucune décisionobligatoire pour un Etat ne peut êtrerendue sicelui-cin'apas

consenti à la juridiction et n'est pas partie à l'instance. Mais,de même,1'Etatqui

ne consent pas à lajuridiction ne peut empêcherque les Etats qui y ont consenti
soumettent à la Cour leurs différendset les voient réglésm , êmesi, à cet effet, la

Cour aura à résoudre des questions qui peuvent intéresserI'Etat qui n'a pas
consenti. Jamais la décisionqui sera rendue ne l'engagera, de par la règle de

l'articl59 du Statut de la Cour.

7.16 En résumé,mêmesi la Cour avait à se prononcer ex novo sur le droit du
peuple du Timor oriental et sur la qualité duPortugal, de l'avisdu Portugal elle

pourrait le faire. En l'espèce,cependant, la question ne se pose mêmepas, parce
que la qualité du Timor oriental comme territoire non-autonome et celle du

Portugal comme sa Puissance administrante se trouvent établies, de façon

obligatoire, par lesNations Unies.

515 Affaire des activités militairet varamilitairesau Nicaragu'et antre celui-ci
[Nicaraeuac. Etats-Unisd'Am6riauel.arretdu 26 novembre 1984.(comv6tencede la
Cour et recevabilitede la requ&t, .I.J. Recueil 1984.p.431, par.88, et Affairede
certainesterreà vhosvhatesA Nauni (Nauni c.Australie)(Excevtionsvr6liminairesJ
C.I.J.Recueil1992p.24, par.24.7.17 La responsabilitéinternationalepeut découlersoit de la violation de droits

erea omnes soit de la violation de "droits erea sineulos". En l'espèce, la
responsabilitéde l'Australie provient de la violation de droits erea omnes. Les

droits nés de la responsabilité internationale sont, cependant, en eux-mêmes,
toujours "erea sineulum":les droits de celui qui est contre celui qui a commis

la violation. Les 4ème et 5ème Conclusions du Portugal concernent ces droits.
Mais le défendeur y est le débiteur.

Dans la section 4 le Portugal démontrera que la Cour peut établir la
responsabilitéde l'Australiesans avoiràse prononcer sur celle de l'Indonésie.

Section 3. Sont d6pourvus d'obiet les armiments selon lesauels la Cour ne

pourrait pas. en l'absence d'un Etat aui n'est pas partie à
l'instance, se prononcer sur certaines Conclusions du Portugal

parce aue celles-ci viseraient la validit6 d'un accord entre
l'Australieet cet Etat ou la résolutiond'un conflit d'oblieations

7.18 Dans l'introduction ainsi que dans le Chapitre 1,section II,A, de son

Contre-mémoire, l'Australie prétend que la Cour ne pourrait pas se prononcer
sur le fond, à la fois parce que les demandes portugaisesviseraient la validitéde

1"'Accord"et parce que le Portugal prierait la Cour de résoudre un conflit entre
les obligations de l'Australie vis-à-vis,d'une part, du Portugal et du peuple du
Timor oriental et, d'autre part, de l'Indonésie.

Le Portugal a déjà remarquéque ces arguments sont contradictoires516. Il a noté

en plus qu'ils se basent sur des déformationsde la Requêteportugaise et du
différendportédevant la cour5''. 11s'agitdonc d'arguments qui sont dépourvus
518
d'objet; c'estégalementle casd'unautre quisera discutéplustard .

SuDra p.r.2.16.

517 b, par.2.08-2.17.
518 w, par.2.20infra.ar.7.28. A. Est déwurvu d'obiet I'areument selon leauel la Cour ne wumit

pas. en l'absence d'un Etat qui n'est Das ~artie B l'instance. se
prononcer sur la 2ème Conclusion du Portugal Darce aue celle-ci

viserait la validitd d'un accord entre l'Australie et cet Etat

7.19 Il s'agit là de la simple mais irréfragable conséquence du fait que la
Requêteportugaise ne concerne pas la validitéde l'"Accord",ni celui-ci en tant

que conjonction de volontés visant à produire des effets juridiques519. La
Requête portugaise ne vise que des conduites de l'Australie et que l'illiceitéde
ces conduites découlant du fait que l'Australie n'a pas traité le Timor oriental

comme un temtoire non-autonome, ni respecté les résolutions pertinentes des
Nations Unies. Plus loin dans cette Réplique, le Portugal démontrera que la

responsabilité de l'Australie peut êtreétabliesans que la Cour ait besoin de se
prononcer sur une quelconque question de responsabilitéde l'Indonésie, c'est-à-

dire, notamment que le fait que les conduites de l'Australie, dont la déclaration
d'illiceité est demandée, aient un rapport avec les conduites de l'Indonésie

n'empêche pas la Cour d'établir, de façon séparée, la responsabilité
australienne520.

7.20 Si le problème posépar la présente instance n'est pas celui de la validité

de l'"Accord", il n'est pas non plus,en conséquence, celui des fondements
possibles d'une allégationd'invalidité,en tant que tels, notamment l'absence de
capacité ("capacity") ou de légitimation ("entitlement") de l'Indonésie pour le

conclure. Ce sontlà des fondements auxquels l'Australiepourrait éventuellement
penser si elle voulait un jour mettre en cause la validitéde l'''Accordn.Pour le

Portuga1,en qualitéde Puissance administrante du Timor oriental, et donc aussi
pour le peuple du Timor oriental, l'"Accord",du point de vue des effets qu'il vise

à produire, est res inter alios acta.

7.21 La distinction entre questions de lice ittde validité, ainsi que la
possibilitépour un tribunal international de déclarerI'illideilaconduite d'un

Etat à l'égard d'unautre Etat résultantde la conclusion d'un traité, sansque le
tribunal ait juridiction sur l'autre partie au traité,ni qu'ilne déclarela nullitéde

celui-ci, ont étéreconnues par la Cour de justice centraméricaine dans son arrêt

519 Sur>ra .r2.08-2.16.

520 ~nfrasect.4.du 30septembre 1916rendu entre le Costa-Rica etle Nicaragua, que l'Australie
elle-même invoque521. L'affaire mettait en cause le Traité Bryan-Chamorro

entre le Nicaragua et les Etats-Unis d'AmériqueLe Costa-Rica estimait que le
traitéviolait les obligations du Nicaragua envers lui et lésait lesdroits qui lui

appartenaient et qui découlaient du Traité Canas-Jerez, de l'arbitrage du
President Cleveland et de l'artiIXedu TraitéGénérad le Paixet d'Amitié, signé
le 20 décembre 1907 entre les cinq Républiques qui avaient fait partie de

l'ancienne République Fédérale de l'AmériqueCentrale. Dans ses conclusions,le
Costa-Rica demandait àlaCour de dire etjuger:

"First.-That the Bryan-Chamorro Treaty....violates the rights of
Cleveland Award, and the Central American Treaty of Washington,
in that

Second. -That the violation of Costa Rica's rightsin the particulars
above set forth, or in any one of them, renders the said Bryan-
Chamorro pact void,particularlyin viewofthe fact that when it was
signed both contracting parties well knew of Nicaragua's lack of
legal capacity to sign unrestrictedly; that is, they knew of
Nicaragua's incapacityto sign without holdingharmless the rights
which Costa Rica possesses in the waters and territories that are
involvedin the convention,and

points render theasaid Bwan-Chamorro Treaty nul1and void andeding
without effect,especiallywith respect to Costa Rica, and that the
Court declarefid adjudge said treaty to be nul1 and void and
without effect" .

La Cour a décidé comme suit:

"l0- Que l'exception péremptoire soulevéepar la Haute Partie
défenderesse est rejetée,et qu'en conséquence cette Cour est
compétente pourjuger de la requêteintentee par le gouvernement
de la République de Costa Rica contre le gouvernement de la
Républiquedu Nicaragua.

2O - Que le gouvernement du Nicaragua a violéau préjudicede
Costa Rica, les droits concédés ce dernier par le traitéde limites
Canas-Jerez du 15avril 1858,par la sentence Cleveland du22mars
1888 et par le traité de paix et d'amitié centre-américaidu 20
décembre1907;

521 Contre-mkmoirede l'Australie,p.91-92,par.189.

522 AmericanJournalof InternationalLaw,vol.XI, 1917,p.201-202. 3O- Et ue, en ce qui concerne la requete tendant à ce que le traité
Bryan-2 hamorro soit déclarénul et sans e4f%ij,cetteCour ne peut
faireaucune déclaration, quellequ'elle soit".

C'est-à-dire que la Cour de justice centraméricainea estiméqu'elle ne pouvait
pas se prononcer sur la nullitédu TraitéBryan-Chamorro parce que l'une des

parties àce traité,les Etats-Unis, n'étaitni partie àl'instanceni sujet possible à la
juridiction de la Cour. Nonobstant, elle s'est considéréeà mêmede déclarer
I'illicei.is-à-visdu Costa-Rica.de la conclusiondu traitévar le Nicarama.

7.22 De même, parson arrêtdu 2 mars 1917 rendu dans l'affaire entre El

Salvador et le ~icara~ua,~~~concernant égalementleTraitéBryan-Chamorro, la
Cour dejustice centraméricainea considéré qu'elle avaitle pouvoir de décider:

"...3.que, par l'octroid'unebase navale dans la baie de Fonseca, le
traitéBryan-Chamorro du 5août 1914menace la sécurité nationale
du Salvador et violeses droits de copropriété dans laditebaie, de la
manièreet dans les conditionsprécedemmentétablies.

4.que ledit traitéviole les articles2 et 9du traitéde paixet d'amitié
conclu par les5gtats centre-américains à Washington le 20
décembre1907" .

B. Est d6pourvu d'obiet I'areument selon leauel la Cour ne pourrait
pas. en l'absence d'un Etat oui n'est pas partie B I'instance. se
prononcer sur la SèmeConclusion.alinéabl du Portueal parce que

la satisfaction de cette Conclusion impliauerait aue la Cour décide
sur lesoblieations de l'Australievis-8-visdecet Etat

7.23 Ainsi qu'il a étédit et répétél ,e Portugal prie la Cour d'indiquer les

obligations de 1'Australàeson égard,et non pas de se prononcer sur celles dont
elle peut être tenue vis-à-vis de l'Indonésie.S'il peut y avoir un conflit

d'obligations pour l'Australie,le Portugal ne demande pas à la Cour de le
résoudre526.Rien, dans la Requêteportugaise, ne concerne les obligations de

523 Revue eenerale de droit internationalpublic, 1932, p. 169-170. Le texte integral de
I'arret,dans la langueoriginale(le castillan),se trouvepublit!in Revista Americanade
Derecho Internacional,ToXI,1917,p. 1û4et suiv.

.. 524 RevistaAmericanade DerechoInternacion, omoXI, 1917;p.706et suiv.

525 R.G.D.I.P.,1932.p.175.

526 W. par.2.17.l'Australie vis-à-visd'un Etat tierLa situation est donc tout à fait étrangèreà
ceUede l'Ormonétaire ris àRome en 1943(il n'estpas nécessairede discuter si

elle le serait ou non en d'autrescirconstances).

Sila Courdonne satisfactionàla 5èmeConclusion,alinéab) du Portugal, comme
elle est priéede le faire, et sil'Australiene s'abstient pasd'explorer et d'exploiter

le plateau continental dans la zone du 'Timor Gap" sur la base de tout titre
plurilatéralauquel le Portugal ne serait pas partie, elle engagera à nouveau sa

responsabilitéinternationale vis-à-visdu Portugal. Il s'agira(et il s'agitdéjà)de la
situation prévue à l'article 30, paragraphe 5 de la Convention de Vienne sur le

droit des traités,visant la responsabilitéqui peut naître pour un Etat envers un
autre Etat de l'application d'un traité auquel ce dernier n'est pas partie. Rien

d'autre n'est en cause que les droits du Portugal et les obligations de l'Australie
vis-à-visdu Portugal.

7.24 La situation en l'espèceest donc diffèrentede celle soumise à la Cour de

justice centraméricaine dans l'affaire El Salvador c. Nicaragua, déjà
mentionnée527.En plus de réclamerla déclarationde I'illiceité de la conclusion

par le Nicaragua du traité Bryan-Chamorro à laquelle la Cour fit droit, El
Salvador priait, dans sa demande initiale,que:

"...the Government of Nicaragua wjoined to abstain from
fulfillingthe Bryan-ChamorroTreaty' .

El Salvador n'assortissait sa demande d'aucune restriction qui la limiterait aux
seuls rapports entre les deux Etats parties à l'instancLa Cour a donc refuséde

se prononcer sur cette dernière demande.

La conclusion d'ElSalvador dépassait les limites des rapports entre lui et le
Nicaragua. Elle ne les aurait pas excédées siEl Salvador s'étaitbornéà prier la

Cour d'établirles devoirs du Nicaragua envers lui. En effet, la Cour a estimé
qu'elle était à mêmede se prononcer sur une demande qu'El Salvador avait

formulée postérieurement529,laquelle couvrait ces devoirs,et décida:

527 par.7.22.

-, vol. XI, 1917,683.Voir aussi RevistaAmericanade Derecho Intemacional,
Tomo XI. 1917p.715.

5z9 RevistaAmericanade DerechoIntemacional,TomoXI, 1917,p.717-718. "5.que le gouvernement du Nicaragua se trouve dans l'obligation -
à exécuter de tous les moyens possibles procurés par le droit
international -de rétabliret de maintenu la situation juridique qui
existait antérieurement au traité Bryan-Chamorro entre les
Républiques litigantes dans toute la %sure où elle affecte les
matières envisagéesdans cette section" .

Section4. La Cour mut se prononcersur la reswnsabilite internationalede

l'Australiesansavoir A se prononcersurcellede l'Indonésie

7.25 Aux sections précédentes,il a étémontréque la satisfaction des diverses
Conclusions de la Requêteportugaise pouvait êtreparfaitement réaliséepar la

Cour sans la participation d'aucun Etat tiers à l'instanceet, en particulier, sans la
participation de l'Indonésie. Cependant, l'Australie insiste dans son Contre-

mémoiresur deux idées complémentaires.

D'une part, la Cour ne pourrait connaître d'allégations mettant en cause la
responsabilité d'un Etat pour des agissements consécutifs à des faits illicites d'un

autre ~tat~~l. Autre fason de dire la m&mechose, elle affirme dans la même
veine:

consideration of Australia's position"&l.ty is a precondition to any

L'Australie prolonge ensuite ce raisonnement pour en tirer la conclusion que
l'établissement de la responsabilité "consécutive" d'un Etat suppose le
consentement préalable de 1'Etat responsable à titre principal, affirmation lui

permettant de se dépeindre comme "simplya third State which has responded to
a situation brought about bytwo other States -Portugal and Indonesia -4,53.

530 R.G.D.I.P., 1932. p. 175-176.Voir aussiRevista Americanade Derecho Internacional,
Tomo XI, 1917,p.762-763.
531
Part.II,chap. 1,sectB.p.92.
532
Contre-mernoirede l'Australi%,ppar.1%.
533
Contre-rn6rnoide l'Australie,p.98, par.202.D'autre part, et de façon d'ailleurs assez contradictoire, le Contre-mémoire
avance une autre argumentation qui consiste à dire que la responsabilité de

l'Australie n'est pas consécutive à celle de l'Indonésie, mais simultanée
puisqu'elle serait constituée par la conclusion d'un traité bilatéralavec elle, et

que:

"Any Australian responsibility being derived from conclusion of a
bilateraJ3pty must be shared with the other party to the
Treaty" .

7.26 En définitive,l'argumentation de l'Australie cherche ainsi à enfermer la
Requêteportugaise dans un dilemme, en concluant:

"In fact, Portugal's claims concern either the individual
responsibility of Indone+& alone, or the joint responsibility of
Australia and Indonesia" .

Comme le Portugal va le montrer, cette alternative est cependant purement
fictive; tant le véritable objet de la Requêteportugaise que la nature des faits

illicites imputables à l'Australie permettent en effet d'affirmer tout au contraire

que l'établissement de la responsabilité de l'Indonésien'est pas un préalable à
celle de l'Australie, caractérisée au contraire par son autonomie(A), et que cette

autonomie de la responsabilité australienne, intégrale,n'est pas remise en cause
par le fait que l'une des illiceités consiste dans la conclusion d'un accord

international (B).

Cette démonstration obligera nécessairement à revenir en partie sur des
problèmes de fond, tant les questions substantielles et procédurales sont liées

dans la présente affaire. Leur examen prend, quoiqu'ilen soit, sa place ici c'est-à-
dire à propos de la réfutationdes arguments australiens quant à la recevabilitéde

la Requête portugaise; c'est en effet dans ce contexte procédural (seconde partie

de son Contre-mémoire) que le Contre-mémoire de l'Australie les aborde lui-
mêmeet qu'il convientpar conséquent d'yrépondre.

- -

534 Pan. IIchap. 1,sectIII,E,p.105.

535 Contre-memoire deI'Australie,.106,par.227 A. L'établissement de la reswnsabilité de l'Indonésie n'estpas un

préalable celle de l'Australie

7.27 Comme lePortugal i'arappelé dèsl'introduction de la présente Réplique,
l'un des points essentiels de la stratégie australienne consiste à tenter de

convaincre la Cour qu'elle devrait d'abord juger de la liceitédes agissements de
l'Indonésie au Timor oriental si elle veut examiner le fond de la Requête

portugaise, dont elle s'attache constamment àdéformerl'objet.

7.28 11faut dès lors rappeler deux données de base. En premier lieu, à
supposer, à titre de pure hypothèse, que l'établissementde la responsabilité de

l'Indonésie à l'égard du peuple du Timor oriental et de sa puissance
administrante soit véritablement un préalable à celui de la responsabilité de

l'Australie, il se trouve qu'en l'espèce, leconstat de cette responsabilité initiale,
ou en tout cas de I'illiceitéde ses faits générateurs,ce qui revient au même,a

d'ores et déjà été établi par les organes juridiquement compétents de
l'organisation des Nations Unies. Or la Cour n'est pas icichargéede contrôler la

légalitédes actes que ces organes adoptent. Il ne lui est d'ailleurs pas davantage
demandé par la Requête d'établir ex novo le caractère non-autonome du

territoire du Timor onental ni l'identitéde sa Puissance administrante, parce que
cela a déjàétélégalement effectué.Par ailleurs, il convient de rappeler que ce

n'est pas sur la violation du devoir de non reconnaissance d'une situation
résultant de l'emploi illicite de la force, en tant que telle, mais sur la

méconnaissance par l'Australie des droits existants du peuple du Timor oriental
et du Portugal que porte la Requêteportugaise536. L'argument australien sur ce

point est ainsi purement et simplement dépourw d'objet.

7.29 En second lieu, et en dehors même dela circonstance précitée,il se trouve
que les faits illicites imputablesà l'Australie sont juridiquement parfaitement

indépendants de ceux qui sont attribuables à l'Indonésie. Le constat de droit
pertinent est en réalité fort simple: la responsabilité de l'Australie est

parfaitement autonome et indépendante de celle de tous les Etats tiers à
l'instance. Ceci est vrai mêmesi la commission des faits illicites qui lui sont
imputables a étérendue matériellementpossible par une occasion: la situation de

fait crééeunilatéralement à raison des actions de l'Indonésieau Timor oriental.

par2.19et2.20.Cette autonomie de la responsabilitéaustralienne doit êtreà présent examinée

de façon plus approfondie, d'abord à raison du caractère des obligations violées
et du cadre d'intervention de leur violation, ensuite en fonction de l'application

des règlesgouvernant la responsabilitédes Etats en droitinternational général.

1. Les obligations méconnuestmr l'Australie ont un caractere
prioritairementinstitutionnelet statutaire

7.30 Ainsi qu'on l'a vu plus haut, contrairement à ce que celle-ci voudrait

toujours accréditer, la responsabilitéinternationale de l'Australie ne se situe pas
d'abord sur le plan latéralde relations ordinaires entre ~tats~~~.Elle se place au

contraire dans le cadre particulier du droit gouvernant les rapports entre une
institution internationale et ses différentsmembres. La source première de la

responsabilité de l'Australie se trouve dans son manquement au devoir
fondamental fait à tous les Etats Membres des Nations Unies "de remplir de

bonne foi les obligations qu'ilsont assuméesaux termes de la présente Charte"
(article2, paragraphe 2).Ce manquement vise en particulier la méconnaissance

par l'Australie du principe du respect des droits des Peuples à disposer d'eux-
mêmesdont lesfondements et les développementsontété suffisamment rappelés

dans le Mémoire portugais et à nouveau évoqués plushaut dans la présente
Réplique pourqu'ilsoitinutile d'y revenir.

7.31 La seule lecturedes résolutionspertinentes de l'Assembléegénéraleet du

Conseil de sécurité suffit à établir quel'Indonésie,quant à elle, a égalementviolé
ses obligations institutionnelles et statutaires. Par là, elle engage,

indépendamment de l'Australie,sa responsabilitéà l'égardde l'organisation et
de ses Etats Membres, comme il résultedes résolutionspertinentes prises par les

organes compétents538. Mais les violations du droit des Nations Unies
imputables à l'Indonésie s'appuient sur des agissements quiluisont imputablesen

propre et de toute façon ne sont pas portésdevant la Cour. Certes, l'un comme
l'autre, ces deux Etats ont méconnule principe du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Mais ils I'ont fait dans des conditions et selon des modalitésbien

différentes. L'Indonésiel'a fait notamment en envahissant par la force le

Territoire du Timor oriental puis en conduisantjusqu'à aujourd'hui la répression

537 chap.V, sect.3, A.

538 Suora .hap.IVet chap.V, sect.3, D.systématique et meurtrière des mouvements de libération nationale et de la

population timoréenne, comme l'ont encore montré les tueries de novembre
1991, àDili, la capitale du Territoire.

7.32 L'Australie, quant à elle, n'est évidemment l'auteur d'aucun acte de

violence directe contre le peuple du Timor oriental. Mais, confrontée à une
situation de fait comme aux résolutions des Nations Unies qualifiant sans

ambigüitéle Timor oriental de territoire non-autonome et le Portugal comme sa
Puissance administrante, loin de respecter ces résolutions,elle n'a pas tardé à

reconnaître de iure l'annexion du Timor oriental à l'Indonésie, c'est-à-dire à
méconnaître le statut du Timor oriental et l'identité de sa Puissance

administrante, ceci afin de permettre les négociations qui devaient finalement
conduire àla conclusion de l'"Accord".Dans la réalitédes faits, la constitution des

actes illicites imputableà l'Australie a de la sorte commencé à s'établir dixans
avant la conclusion de l'"Accord",pour se concrétiser progressivement par la

suite, augréde sa négociation puisde sa conclusion. C'estainsi, et pas autrement,
que l'Australie aengagé sa responsabilité à l'égarddu peuple du Timor oriental

et du Portugal.

7.33 Ce qui compte en d'autres termes dans la présente affaire pour se
prononcer sur la responsabilité de l'Australie et sur elle seule, c'est d'abord de

savoir comment, confrontée en tant au'Etat Membre des Nations Unies à une
situation de fait comme aux résolutionsdes Nations Unies relatives au statut du

Timor oriental. elle a réaeà cette situation. L'a-t-ellefait en conformitéavec les
obligations qui lui sont faites cet égardpar le droit des Nations Unies ? L'a-t-

elle fait au contraire en violation de cesnormes ?

Mutatis mutandis, les mêmes questions se posent au regard des Pactes des
Nations Unies relatifs aux droits de l'homme comme à l'égard du droit

international général.Mais, en tout état de cause, point n'est besoin pour
résoudre ces questions d'examiner l'a liceité des agissements de l'Indonésie.

L'Australie et l'Indonésiesont respectivement les auteurs de faits illicitesdistincts
et "àfaits illicitesdistincts, responsabilitésinternationales distinctes". 2. Les règlesa~~lieablesdu droit de la reswnsabilit6 internationale

des Etats conBrment l'autonomie de la resin>nssbilité
internationalede l'Australie

7.34 Le constat d'individualisation de la responsabilité internationale de

1'Australiepour les faits illicites qui lui sont propres ne repose cependant pas
seulement sur la spécificité institutionnet statutaire de ses obligations au titre

d'Etat Membre des Nations Unies, obligations que Von retrouve d'ailleurs
identiquementquant àleur contenu dans lesPactes relatifs auxdroits de l'homme

auxquels elle est partie et dans le droit international gé. n parvient en effet
à la meme conclusion d'autonomie sur la base des règles applicables du droit

international de la responsabilité desEtats, tel qu'ila étéd'ores et déjàcodifié,
sur les rapports deM. Roberto Ago,alors rapporteur spécialàla Commissiondu

droit international sur cette question.

7.35 Pour synthétiserle contenu de ces règles,on peut partir de l'observation
suivante. Dune façon générale,le droit intemational de la responsabilité est

fondésur l'idéede l'individualisationdes faits illicitesimputablàchaque Etat,
lesquels génèrent une responsabilité qui lui est propre; c'est ce qu'exprime

notamment l'articlepremier de la première partie du projet précitlorsqu'ilpose
que "tout fait internationalement illicite d'un Etat engage sa responsabilité

internationale".

11en résulteque les cas de responsabilité indirecte ouvicarious ou bien ceuxde
complicitéd'un Etat dans la commissiond'un fait illicite par un autre Etat sont

exceptionnels. Sur ce point comme sur tant d'autres, les rapports du premier
rapporteur spécialont contribuéà clarifier les données de la pratique. Dans le

chapitre IV consacré à I"'imp1icationd'un Etat dans le fait internationalement
illicite d'un autre Etat", que I'ontrouve au septième rapport deM. ~~o5~~,le

rapporteur spéciala pris soin d'éliminertoutes les hypothèses prétendues de
"participation" d'un Etat à la réalisationd'un fait intemationalement illicite par

un autre Etat, pour n'en retenir finalement qu'une seule. C'est celle de la
complicité, qui

539 Doc. A/CN.4,+307t ADD.1 et 2u. 1978,vol.II,premikrepartie,p. 29 et suiv.,
partie.p49etsuiv. "présuppose nécessairement l'intention de collaborer à la
réalisationd'un fait de cette nature et donc, dans les cas envisagés,
la connaissance du but spécifiqueen vue duquel 1'Etatdestinataire
de la foyfliture de certains moyens entend se se~r de ces
derniers" .

7.36 Encore que les donnéesde la présenteaffaire soient irréconciliables avec
l'hypothèse visée à l'article 27, on doit en tout état de cause constater qu'elle ne

débouche nullement sur la fusion ou la subordination de la responsabilité du
complice et de celle de l'auteur principal de l'infraction internationale. Bien au

contraire, la solution retenue par le rapporteur spécial à l'article 25 de son
rapport et consacrée à l'article 27 du projet (première partie) présenté par la

Commission du droit international à l'Assembléegénéraleconsacre la règle
inverse: celle de l'autonomie et de l'individualisation de la responsabilité de
"1'Etatcomplice ,641.

7.37 On constate donc que même dansl'hypothèse limiteet isolée - qui en tous

cas n'est pas celle de la présente espèce - où le fait illicite d'un Etat est
directement lié à celui d'un autre, le droit international, dont l'article 27 précité

rend un compte exact, distingue sans aucune ambigüitéla responsabilitédes deux
Etats en cause542. La règlegénérale d'autonomiede la responsabilitéde chaque

Etat s'applique dèslors a fortiori lorsque chacun d'entre eux, comme dans le cas
présent, a accompli des faits illicites différents,et parfaitement distincts les uns

des autres, matériellement et juridiquement. On peut d'ailleurs penser que le
principe d'individualisation de la responsabilitépropre à chaque Etat constitue

unesorte de corollaire de l'individualitésouveraine qui s'attache àchacun d'entre
eux dans l'ordrejuridique international.

7.38 La même conclusion résulte au demeurant des travaux du troisème
rapporteur spécial à la Commission du droit international, compétent pour la

seconde partie du projet de codification du droit de la responsabilité

540 Ibid.p.56,par.72.

54l Elle le faitdansles termes suivants:"del'assistand'unEtatà unautre Etat,s'il
estktabliqu'elle estpret& pour la perpetrationd'un faitinternationalement illicite
rhlisk parce dernier,constitueelle aussiun faitinternationalement , &mesi,m
priseisolement, cette aeu assistance ne constittaslaviolationd'uneobligation
internationale".

542 Voirparexempleen ce sens1.Brownlie,StateResponsibilit, an. 1,Clarendon Press,
Oxford,1983,p.189.internationale des Etats,M. Caetano Arangio-Ruiz. Se plaçant quant à lui sous

l'anglede la réparation,comme l'implique l'objetde ce second projet, il affirmait
en 1989que:

"In case ofconcurring causes of damaeeach concerned State [is]
responsible onlyfor its ownbehaviour" .

On serait d'ailleurs normalement en droit de penser que le Gouvernement de
l'Australie souscritlui-mêmeau bien fondéde cette affirmation. Reprenant en

effet mot pour mot la citation quiprécède,iln'avaitpas hésité àaffirmer dans son
exposé écritsur les exceptions préliminairesqu'ilprésentaità la Cour quant à la

compétencede celle-ci dans l'Affairede Certaines terres à Dhos~hatesà Nauru
que l'opiniondu rapporteur spécialsur la secondepartie du projet de codification

de la Commissiondu droit international constituaitune "authority forthe obvious
principle that each State isresponsiblefor itsownacts1,54.

De l'autonomie de la responsabilitéde l'Australie,établiesur les règlesde fond

qui précèdent,il résulted'un point de we procéduralque cette responsabilité
peut &tre prononcée par la Cour sans que celle-ci ait à déciderde celle d'un

quelconque Etat tiers.

B. L'autonomiede la reswnsabilité de l'Australie n'estpas remise en
cause par lefait que I'unedes illiceitésconsiste dans la conclusion

d'un accord international

7.39 En dépitde la clartédu constat de droit qui précède,existerait-ilpourtant

des limites à cette règle généraled'individualisationde la responsabilité, en
particulier dans le cas où un acte illicite est constituépar la négociationet la

conclusiond'un accord bilatéral? Peut-on, en d'autres termes, mettre en cause la
responsabilitéinternationale de I'unedes deux parties à un traitésans mettre en

cause celle de l'autre ? C'est ceque l'Australiepersiste à nier dans son Contre-
mémoire,

Doc.A/CN.4/425,du 9 juin 198, ar.44 etsuiv.

Preliminarobjectionsp.127. "For in negotiating, concluding and initiating the performance of
the Treaty, Australia and indonesia acted together. Both States
shared responsibility fo54p acts, and for any international wrong
to which they gave rise" .

A ce type de question, cependant, la Cour a eu tout récemment l'occasion de
répondre, en écartant les arguments très analogues que la même Australie

brandissait également pour contester sa juridiction. 11est donc particulièrement
utile d'examiner la solution rendue par la Cour dansson arr&tdu 26juin 1992, en

l'Affaire de Certaines terresà ohos~hates àNauru, tout en gardant à l'esprit que
les circonstances respectives de cette affaire et celles de la présente affaire, au-
delà de certaines similitudes frappantes, comportent également des différences

importantes.

7.40 En l'Affaire de Certaines terres à~hos~hates àNauni, pour reprendre les
termes de la Cour elle-même,l'Australiesoutenait d'abord que:

"dans la mesure où les réclamations de Nauru se fondent sur le
comportement de l'Australie agissant en tant que I'un des trois
Etats constituant l'autorité administrante en vertu de l'accord de
tutelle, la responsabilité de ce chef est de nature telle qu'une
réclamation ne saurait êtreprésentéeque contre les trois Etatf $6"
conjointement et non contre I'und'entre eux àtitre individuel" .

7.41 La Cour a répondu en refusant cette liaison des responsabilitéssuggérée
par le défendeur. Elle n'a en effet pas estiméqu'ilait étédémontré

"qu'une demande formée contre l'un des trois Etats seulement
soulève des questions relatives à l'administration du territoirelle
laquelle participaient deux autres Etats". à

Et elle poursuit:

"En effet, il est indéniableque l'Australie était tenue d'obligations
en vertu de l'accord de tutelle, dans la mesure où elle&it 1un des
trois Etats qui constituaient l'autorité administrante" .

545 Contre-memoire del'Australi,.106par.228.

546 1992,par48.

547 Ibid.7.42 On peut donc dresser le constat suivant: dans l'Affairede Certaines terres

à vhosuhates à Nauru existait l'accord de tutelie liant l'Australie à deux autres
Etats non présents à l'instance; cet accord plaçait, qui plus est, en principe les

trois parties sur un plein pied d'égalit;ourtant, la Cour ne s'est pas arrêtéeà la
nature de l'instrument juridique qui unissait les trois responsables de la tutelle sur

ce temtoire. Faisant, là aussi, application de la règle d'individualisation de la
responsabilité revenant à chacun, elle a préférés'en tenir au constat que, si

l'accord de tutelle faisait naître des obligations à la charge de l'Australie vis-à-vis
du peuple du temtoire de Nauru, ce dernier était fondé, une fois acquise la

capacitéjuridique pour ce faire, àluidemander réparation pour leur violation. Ce
faisant, elle a écartéune discussion qui avait longuement retenu les parties: celle

relative à la nature des obligations liant l'Australie au Royaume-Uni et à la
Nouvelle-Zélande, selonqu'ellesseraient conjointes, solidairesou autres.

7.43 Pour ce qui intéressela présente affaire, la conclusion àretenir de l'arret

du 26juin 1992 paraît simple, mais essentielle: cet arrêtconfirme le bien fondé,
tant sur le plan du fond que sur celui de la procédure, de la règle

d'individualisation et d'autonomie de la responsabilité internationale des Etats,
règle qu'on pourrait résumer sous l'adage "à chacun sa responsabilité". L'arrêt

rendu par la Cour dans l'Affairede Certainesterres àuhosuhates àNauru illustre
une nouvelle fois le fait que l'existenced'un lienconventionnel entre deux Etats

n'empêchenullement que sa conclusion ou sa mise en oeuvre, si elles s'avèrent
incompatibles avec les obligations des Parties contractantes vis-à-vis d'autres

Etats, engagent individuellement la responsabilité de chacune d'entre elles à
l'égardde ces derniers.

7.44 Cette règle s'applique d'autant plus en la présente espèce que les

circonstances qui la caractérisent se situent bien en deçà de celles de l'Affaire de
Certaines terres à uhosuhates à Nauru. Ceci est vrai tant en ce qui concerne

l'intensitéque la nature du lien juridique établi entre l'Australie et I'Etat tiers
dont elle prétend iciaussi que la serait indispensable à la recevabilitéde
la Requêtedu demandeur. En la présente affaire, il n'existe en effet aucun lien

équivalent à l'accord de tutelle qui liait légalement et sur un pied d'égalitéles
trois Etats précédemment nommés à l'égardde Nauru, conformément à un

mandat reçu des Nations Unies. Il est ainsi d'autant plus inutile ici de s'engager
dans la discussion qui avait opposéles deux parties dansl'Affaire de Certainesterres à Dhos~hates à Nauru sans d'ailleurs êtrereprise par la Cour dans son

arrêt,à propos de la différencede nature ou de régimejurididique entre les
responsabilités"solidaires"ou "conjointes".

7.45 Ici, les choses sont encore beaucoup plus simples. La seule convention

effectivement invocable est la Charte des Nations Unies, qui soumet aussi bien
l'Australie que l'Indonésie,ou tout autre Etat, au respect des mêmesobligations
vis-à-visdes autres Etats membres et de l'organisation elle-même.Qui plus est,

les faits illicites imputables à l'Australieet à l'Indonésiesont, comme on lvu,
distincts les uns des autres. Ils ne sont ni conjointsni solidaires mais tout au plus

"parallèles",si du moins l'oncherche à toute force à qualifier les rapports qu'ils
entretiennent éventuellementlesuns avecles autres.

7.46 A ce stade de l'exposé,on peut dès lors constater que l'autonomie et

l'individualisationde la responsabilitéde l'Australiedécoulenttant de la nature
de ses faits illicites que des règles applicables du droit de la responsabilité

internationale des Etats. La règle généraleselon laquelle chaque Etat est
responsable de ses propres faits illicites, énoncée dèsl'article premier de la

première partie du projet de codification par la Commission du droit
international de la responsabilité,ne souffre pas d'exceptionlorsque le fait illicite

dont il s'agit est constituépar la conclusiond'un accord international. Qui plus
est, la responsabilitéinternationale de l'Australieest constituée,d'une façon plus

générale,par l'ensemble de ses comportements révélantla méconnaissance du
statut juridique du Territoire du Timor oriental et de sa Puissance administrante.
En d'autres termes, la responsabilitéde l'Australie est autonome au sens où,

engagée par desfaits illicitesqui lui sont imputables en propre, elle est à la fois
non subséquente à celle de l'Indonésieet parfaitement individualisée.Ces

circonstances interdisent que la participation d'unEtat tiàla présenteinstance
soit indispensable.

Le Portugal arrive ainsi naturellement à la conclusion qu'on ne se trouve

nullement dans la situation requise pour écarter la juridiction de la Cour en
application de sajurisprudence de 1954 dans l'Affairede l'Ormonétaire. Section5. La non vérification en I'esoécedu critère iustifiant la

jurisorudence de la Cour dans l'Affairede I'Or monétaire
pris BRomeen 1943

7.47 @est, on vient de le voir,au prixde i'omissiondes principaux élémentde

fait et de droit propres à la présente affaire que l'Australie invoque,
particulièrement aux paragraphes 191 à 204 de son Contre-mémoire, la

jurisprudence de la Cour dans l'maire de l'Or monétaireuns à Rome en 1943.
Dans ce passage, en effet, elle revient à ses idées favorites selonlesquelles: "a
challenge to actions under a bilateral treaty requires the consent of both

parties"548, ou bien encore 'The Court cannot hear allegations of breaches of
rights made against a State that are consequential on breaches of dutyby another

tat te"^ ^^,enfin "Adjudicationof the 'consequentiai' responsibility ofState
requires the consent of the Stateithoriginal responsibility" .

Toutes ces affirmations sont utiliséespar l'Australiepour tenter d'atteindre un

objectif: persuader la Cour, dans la présente affaire, que celle-ci ne pourrait
statuer sur une requêteprésentéecontre la seule Australie sans la participatiàn

l'instance de l'Indonésie.11n'est cependant pas difficilede répondreà de telles
allégations.11suffitpour cela de se référerà lajunsprudence de la Courà la fois

caractériséepar la clarté du critère qu'elle énonce et par la constance avec
laquelle elle1a misen oeuvre et préciséàtravers différentesespèces.

A. Clart6 du critèrewsé dans l'affairede I'Or monétaireet précision
croissantedes conditions desa miseen oeuvre

1. Lecritère

7.48 En 1954,à l'occasionde l'Affairede I'Ormonétaire ris à Rome en 1943,

la Cour avait énoncésans ambigüitéle critère de son incompétencelorsque le
défaut de participation à l'instance d'un Etat tiers s'avère un obstacle

incontournable au règlement du différendO. n peut, en paraphrasant le passage
pertinent de l'arrêt,tirer de la jurisprudence de l'or monétaireque la Cour ne

548
Contre-memoirede l'Australie,p.90. par.183.
549
Contre-memoiredel'Australp.93.
550 Contre-memoiredel'Australp.97.peut pas se prononcer au fond chaque fois qu'en l'espèce,les intérêts juridiques
de 1'Etat tiers concerné "seraient non seulement touchéspar une décision,mais

constitueraient l'objet mêmede ladite décisionnss1.

7.49 L'absence de compétence de la Cour pour défaut de la partie
indispensable constitue au demeurant un argument tentant pour les Etats

soucieux d'échapper à sa juridiction. Ainsi, entre l'affaire jugée en 1954 et la
présente affaire, on rencontre l'argument de la partie indispensable en 1984,lors

de l'Affaire des Activités militairesetaram militairausNicaraeua et contre celui-
ci (Nicaraeua c. Etats-Unis d'Amérique)dans laquelle les Etats-Unis invoquèrent

en leur faveur le précédentde l'Or monétaire; en 1990,devant une Chambre de
la Cour, ce fut le Nicaragua qui, à son tour, mais cette fois dans l'Affaire du

Différend frontalier terrestre. insulaire et maritime (El Salvador/Honduras),
invoqua le précédentde 1954pour prévenirun arrêt dela Chambre. Enfin, dans

l'Affaire relativeà Certaines terres à ~hosvhates à Nauru, l'Australie a déjà,
comme dans la présente affaire, soulevéune exception pratiquement identique,

en suggérant à la Cour de se déclarer incompétenteen l'absence du Royaume-

Uni et de la Nouvelle-Zélande, au motif que ces deux pays étaient également
parties àl'accord de tutelle sur Nauru et que, donc, iln'étaitpas possible de juger

de sa propre responsabilité sans le faire également à l'égard de ses co-
contractants.

2. Précisioncroissante des conditions de mise en oeuvredu critère de

la partie indiswnsable

7.50 Ce qui frappe à travers tous les cas précités,c'est lafermetéavec laquelle
la Cour a maintenu la jurisprudence qu'elle avait établiedèsl'arrêtde 1954, en

précisantau fur et à mesure de ses arrêtsultérieursles conditions dans lesquelles
on doit se résoudre à conclure àl'identitéentre l'objet mêmede la décisionet les

intérêtsjuridiques en cause. On constate à la lecture comparée des arrêts
concernésque le critère dans l'&faire de l'Or monétairen'ajamais plus par

la suite trouvéà s'appliquer, tant il étaitlié aux circonstancesdont la singularité

5S1 "Enl'espkce,les interetsjuridiquesde l'Albanieseraient non seulementtouch6 parune
decision,mais wnstitueraientl'objetmemede laditedecision.En pareilcas,le Statut ne
peut etre fflnsidert!fflmmeautorisantimplicitementla wntinuation dela prenédure
l'absence del'Albanie".C.I.J. Recueil 19p.,32; repris dans l'Affaire relaàive
Certainesterreàohosphatesà Nauni,C.I.J.Recueil1992,par.50.est telle que la Cour a tenu à les rappeler dans son arrêtdu 26juin 1992pour

mieuxles comparer à cellesdes cas ultérieursdans lesquels l'exceptiondite de "la
552
partie indispensable"a été invoquée .

7.51 Ainsi que l'indiquel'arrêtde 1954lui-même, ces circonstances étaienten

effet tout-à-fait originales553. C'est ce qui explique,que dans l'Affaire de l'Or
monétaire ris à Rome en 1943un préalableindispensable à la satisfaction de la

requète du demandeur étaitconstituépar un prononcéde la Cour sur la réalité

de la responsabilité internationale de i'Albanie, Etat tiers à l'instance. Ainsi,
comme l'aobservéun membre de la Cour à propos de cetteespèce singulière:

"En cette affaire il n'étaitpas demandé à la Cour de rendre une
décisionstatuant entre les parties à l'instanceen se fondant sur des
motifssusceptibles d'être étendus à un Etat qui n'yétaitpas partie;
la décisionaurait statuédirectement sur la responsabilitéde 1'Etat
qui n'étaitpas partie et entraîné des effets concrets aractère
dps8
dispositifen droit quant àla propriété reconnuede I'or" .

552 Affaire relatiàeCertaines terreà ohosohatesà Nauni (Nauni c. Australie), amet du
26juin 1992,par. 50-56LaCour dansl'Affairede l'Ormonetaire indiquai"Lapremikre
demande enoncke dans la requete gravite autour d'une rkclamatio" de l'ltalie contre
l'Albanie,rkclamationd'indemnitepour dommagepretendu. L'Italie estimeavoir contre
l'Albanie droià rkparation d'un delit international que, selon l'Italie, l'Albanie aurait

commis enverselle. En consequence,pour dMerminersi l'Italie atiàrrecevoir I'or,il
est nécessairede determiner si l'Albaniea commisun délitinternational contre l'Italieet
si elleest tenàerkparation envers elle; puis,dacas,de determiner aussi le montant
de I'indemnite. Pour trancheces questions, il est necessaire de determiner si la loi
albanaise du 13janvier 1945etait contraire au droit international. A la solution de ces
questions. lesquelles concernent le caractere licite ou illicite de certains actes de
l'Albanievis-à-visde l'Italie,deuxEtats seulement, l'Italieet l'Albanie.sont directement
interesses'.C.I.J. Recueil 1954,p.32.

553 En réalite,deux pretentions concurrentes s'yaffrontaàeregard d'une meme part de

l'Or monetaire prià Rome par lesa'llemandsen 1943.D'unepart, celle que la Grande-
Bretagne exerçait,en vued'effectuerune sorte de saisie-am&tsur la part de I'orrevenant
A l'Albanie, cecien paiement des indemnit& dues par ce pays au Royaume-Uni en
consequence du jugement rendu parla Cour dans l'affairedu detroit de Corfou; d'autre
pan. la pretention formulee par l'Italie,qui declarait egalemenr avoir droit Arbparation
d'unautre delit international que l'Albanieetait reputéeavoir cAson egard;cette
circonstance produisit d'ailleurs unrésultat qualifiePinsolite" par la Cour elle-meme,
situation qui ne se reproduisit d'ailleurs jamaisdepuis, puisqu'onvit,en cette affaire une
partie demanderesse soulever elle-meme une exception préliminaire C.I.J.Recueil
1954,p. 28et suiv.

554
Opinion individuelle de M. Shahabuddeen sous I'arret intervenu dans l'Affaire de
Certaines terreàohosohates àNauru,arr&tdu 26juillet 1992,cinquikme partie,p. 24.7.52 Or, comme l'a montré la jurisprudence ultérieure de la Cour, ce type de

situation demeure en pratique très exceptionnel. Ainsi qu'elle l'indiqua elle-
mêmequelques trente ans plus tard, lors de l'examen de sa compétence dans

l'Affaire des Activités militaireset varamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
de 1984:

"Les circonstances de l'affaire de l'Or monétaire marquent
vraisemblablement la,,Qete du pouvoir de la Cour de refuser
d'exercer sajuridiction .

Ceci explique que, jamais après cette affaire, la Cour n'ait été aàerefuser

d'exercer sa juridiction à l'égarddu règlement d'un différendporté deva.t elle,
sous le prétextequ'ilmettrait directement en cause les droits d'un Etat tiers.

7.53 Ainsi, comme elle a pris du reste elle-mêmela peine de le rappeler dans le

dernier arrêtqu'elle ait rendu à ce sujetss6, la Cour eut d'abord l'occasion dans
son arrêtde 1984 précité, immédiatement après avoir repris le critère retenu en
1954 (identité du droit du tiers avec l'"objet même dudifférend"),de préciser si

besoin en étaitsajurisprudence antérieure dans les termes suivants:

"En revanche lorsque des prétentions d'ordre juridique sont
formulées par un demandeur contre un défendeur dans une
instance devant la Cour et se traduisent par des conclusions, la
Cour, en principe, ne peut que se prononcer sur ces conclusions,
avec effet obligatoirour 1 arties et pour nul autre Etat, en
vertu de l'artic59 du tatut"Y.

Comme le montre déjà la citation qui précède,on constate qu'au delà de la
constance de sa référenceau critère posédans l'Affairede l'Or monétaire pris à

Rome en 1943 la Cour a, d'espèce en espèce, préciséencore sa jurisprudence
antérieure, en distinguant notamment entre "droits" du tiers à l'instance qui

constituent l'objet mêmede la décisionet "intérê"u tiersà l'instance dont les
droits ne constituent pas l'objetmêmede la décision.

555 C.I.J.Recueil 1p.431,par.88.

556 5). araphosahatest
juin 199par.51.
557
C.I.J.Recueil 1p.431,pa88. B. La distinction entre droitdu tiers constituant l'obiet mêmde la

décisionet int6rêituridiauedutiers concernévar le différend

7.54 Dans lecadre de cette jurisprudence, ilest important de noter que la Cour

s'est toujours attachée distinguer, d'une part, le cas exceptionnel des Etats tiers
à l'instance dont les droits ou obligations se confondraient avec "l'objet mêmede

la décision"et, d'autre part, les situations dans lesquelles un ou plusieurs Etats
auraient seulement un intér&tjuridique concerné par le différend soumis à la
Cour, leurs droits ou obligations ne constituant pas l'objet mêmede la décision

demandée.

Elle en fit la remarque dans i'arrêtrendu en 1984 dans l'Affaire des Activités

militaires etaramilitaires au Nicaraeua et contre celui-ci en rangeant dans la
seconde des deux catégories sus-mentionnées les Etats d'Amérique centrale

(Costa-Rica,El Salvador et Honduras); elle reconnut qu'ilspouvaient certes avoir
un intérêtd'ordre juridique concernépar le prononcé de son arrêtau fond mais

ne se trouvaient pas pour autant dans la même situationque l'Albanie en1954.
Un peu plus tard, en1986 ,ne Chambre de la Cour eut également l'occasion de

faireune remarque analogue, lors de l'Affaire relative au Différendfrontalier qui
opposait alors le Burkina Faso au Mali, à propos du point d'aboutissement de la

frontière entrel'un et l'autre, alors que ce point se situe là où commence le
temtoire d'un troisièmeEtat, le Niger, qui étaittàel'instance8.

7.55 Plus tard, lors de l'examen de la demande d'intervention du Nicaragua

dans l'Affaire du Différend frontalier terrestre. insulaire et maritime (Reauête à
fin d'intervention) mettant en présencEl Salvador et le Honduras, la Chambre

de la Cour en charge de cette affaire prit quant àelle d'autant plus dàfaire
la distinction entre intérêt d'orjuridique éventuellement concernéet identité

entre l'objet de la décisionet les droits et obligations dettiersà l'instance
que la demande d'intervention nicaragueyenne étaitelle-mêmeen partie fondée

sur l'invocation du précédentconstitué par l'Affaire de l'Or monétaire ris à
Rome en 1943~~ A~.ant constatéquece dernier n'étaitpas invocable en l'espèce

en dépit de la CO-riverainetédu Nicaragua sur un golfe dont il s'agissait de

C.I.J.Recue1986p.579,par49.

5S9 C.I.J.Recueil 1,rretdu 13septembre1990,pa51et 74.déterminer le statut juridique, la Chambre établit "que les conditions d'une
intervention du Nicaragua sur cet aspect de l'affaire n'en sont pas moins
te560
manifestement remplies .

7.56 Le Portugal ne peut dans ces conditions qu'accueillir avec satisfaction la
déclaration d'un des conseils de l'Australie, lorsqu'il déclarait, lors de la phase

orale des plaidoiries relatives à la juridiction de la Cour dans l'Affaire de
Certainesterres à~hos~hates à Nauni:

"IIne suffit pas qu'un Etat soit intéressé, simplement intéresp,ar
le règlement d'une affaire pendante devant la Cour entre deux
autres Etats pour que celle-ci doive décliner l'exercice
compétence et, commeje l'aidit, l'Australieen est d'accord,,5t. fa

La Cour devait d'ailleurs montrer ultérieurement qu'en l'espèce,la circonstance

que le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélandeétaientparties à l'accord de tutelle
sur Nauru, dans des conditions juridiquement identiques à celles du défendeur,

n'avait cependant pas pour effet de leur donner autre chose qu'un éventuel
intérêtà l'arrêtapportant solution à I'affaireen cause. Elle le fit dans les termes

suivants:

"Dans la présente affaire, toute décisionde la Cour sur l'existence
ou le contenu de la responsabilitéque Nauru impute à l'Australie
pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des
deux autres Etats concernés, mais la Cour n'aura pas à se
prononcer surcette situation juridique pour prendre sadecision sur
les griefs formulés par Nauru contre l'Australie. Par v?jg2de
conséquence,la Cour ne peut refuser d'exercer sajuridiction .

7.57 De l'avisdu Portugal, et compte tenu des différencesde situations existant

entre l'affaire de Nauru et la présenteespèce, il ne peut ici a fortiori qu'en aller

de même.En effet, on ne retrouve même pasen l'occurrence de lien de droit
invocable entre l'Australie et l'Indonésiequi soit seulement analogue à l'accord

de tutelle qui liait l'Australie aux deux autres Etats exerçant la tutelle;
notamment, pour les raisons énoncéesprécédemmento ,n ne saurait placer sur le

C.I.J.Recueil 1990,arretdu 13septembre1990,par.73.

562 AffairerelatiàCertainesterreàDhos~hatesANauru(Nauru c.Australie),ardu 26
juin1992par.55.mêmepied l'accord de tutelle dans l'affaire de Nauru et l'"Accord" dans la
présenteaffaire563. Ici,la conclusionde 1"'Accord"par l'Australieest, lui-même,

un fait illicite.

7.58 On ne peut d'ailleurs qu'êtrefrappé,mutatis mutandis, par la similitude
des situations existant entre certains aspects de la présente espèce et ceux

d'autres affaires à propos desquelles le critère d'incompétence énoncé dans
l'Affaire de l'Or monétairevris à Rome en 1943 fut invoquépar un Etat mais

toujours rejeté par la Cour. Ainsi, pour revenir un instant sur les circonstances
examinéespar la Chambre de la Cour lors de la demande d'intervention du

Nicaragua dans l'Affairedu Différend frontalier terrestre. insulaireet maritime,
le Honduras, et l'on peut ici citer les propres termes de l'arrêt13 septembre

1990, "tout en niant que l'arrêtd1917 luisoitopposable, ne demand(ait) pas à la
Chambre d'en prononcer la nullité".Ceci fut précisément relevé par la Chambre

pour conclure que le prononcé de son arrêt n'aurait pas de conséquence
déterminante surla situation politique du Nicaragua,par ailleurs l'unedes parties

au différendjugé par la Cour de justice centraméricaine en 1917~~~. Cette
position fut du reste ultérieurementconfirméepar la Chambre dans son arrêtau

fond, rendu le 11 septembre 1992~~~ .u demeurant, la Chambre, dans le même
arrêt,considéraqu'ellen'avaitnul besoin de se prononcer sur le caractère de

judicata de la sentence de 1917 pour rendre son propre arrêtrelativement à la
déterminationdu statut juridique deseaux du Golfede Fonseca 566 .

De la mêmemanière, dans la présente affaire, le Portugal ne demande pas

davantage que l'"Accord"soit déclaréinvalide par la Cour. II lui demande
simplement de juger que l'Australie a enfreint ses obligations envers lui et le

Peuple du Timor oriental en négociant, concluantet commençant à exécuter
l'"Accord".

563 SuDra par.7.42-7.45.

564 C.I.J.Recueil 1990,p. 122,par.73.

565 Affaire duDiffkrendfrontalier terrestre, iet maritime(El Salvadorkionduras;
Nicaragua(intervenant)),arretdu Il septembre1992,par.424.

566 m.. par.402:"1n'apparaldoncpasquelaChambredoive maintenantse prononcersur
le point de savoirsirretde 1917est res iudicataentre lesEtats qui etaiant parties
L'affaen question,et dontunseulest panie laprbente procedure".7.59 Dès lors, pour l'ensemble des raisons évoquéesdans les paragraphes qui

précèdent,l'Australie ne saurait-elle se réfugierdemère une sorte de théorie du
"traité-bouclier"d'apréslaquelle, lorsque lesfaits illicitesqui lui sont reprochésen

propre sont en relation avec la conclusiond'un accord qui la lie avec un Etat tiers,
sa responsabilité à l'égardde 1'Etatléséne saurait êtreinvoquée.S'il devait en

aller autrement, il suffirait à tout Etat désirant échapper à ses responsabilités
internationales d'établiravec d'autres un lien juridique qui, d'une façon ou d'une

autre, serait liéà ses propres agissements, pour prévenir toute contestation de
leur caractère illicite.Un tel résultat,inadmissible du point de vue normatif, serait

qui plus est inacceptable du point de vue juridictionnel car très préjudiciable à
l'exercice par la Cour de sa fonction contentieuse, chaque fois qu'elle sera

appelée à juger de la responsabilité d'une partie à l'instance qui invoquerait la
relation des faits illicitesluiétantreprochésavec les obligations d'autres Etats.

Dans le cadre d'un procès international, prétendre empêcherla Cour de statuer

sans la présence d'un ou d'autres Etats tiers alors mêmeque les parties à
l'instance ont accepté sajuridiction reviendrait ainsi à restreindre gravement ses

facultésjudiciaires.

C. Plénituded'exercicede sa fonction judiciaire var la Cour

7.60 S'ilest une règle sur laquelle la Cour a constamment insistéà travers ses
arrêts,c'est que, toujours soucieuse de respecter le consentement des parties à

l'exercice de sa juridiction, elle n'en devait pas moins exercer cette dernière dans
toute sa plénitude. Ainsi devait-elle déclarer en 1984, examinant la requêtede

l'Italie aux fins d'intervention dans l'affaire opposant Malte à la Libye
relativement à la délimitation du plateau continental, qu'à moins d'en être

empêchéepar la réalisation ducritère établidansl'Affairede l'Or monétaire ris
à Rome en 1943, elle devait essayer "de se prononcer aussi complètement que
,9567
possible dans les circonstances de chaque espèce .

56' Affaire du Plateau continental (Jarnahirivaarabe IihvenneIMalte). Reau&tA de I'ltalie
fin d'intewcniion, C.I.J.Recueilp.25.par.40.De la mêmemanière, comme devait l'affirmer un peu plus tard la Chambre de la
Cour saisie du Différend frontalier opposant le Burkina Faso au Mali en

s'appuyant elle-mêmesurune sériede précédents:

"...en l'absence de 'considérationsqui [peuvent l'amener à ne pas
statuer' (C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 1a Cour a le devoir
d'exercer les fonctions que lui confère son Statut. Par aillelas
Cour a encore confirmérécemment le principe suivant lequel elle
'nedoit pas excéderla compétenceque lui ont reconnue les Parties,
mais...doit exercer toute cette com étence'(Plateau cont!,gggtal
Jamahiriya arabe libyenne/Malte)C.F.J. Recueil 1985,p. 23) .

D. Moyens et rèelesde droit proteeeant les int6rêtsdu tiers

7.61 Au demeurant, des dispositions existent dans le Statut complétépar le

Règlement de la Cour qui permettent de protéger la situation des Etats tiers.
L'un a étédéjà rencontré plus haut. 11s'agit de la possibilité pour un Etat,

lorsqu'il "estime que, dans un différend,un intérd'ordre jundique est pour lui
en cause", d'"adresser à la Cour une requête,à fin d'intervention". Cet article 62,

comme l'article 81 qui lui fait pendant dans le Règlement, est doté d'un
interprétation aujourd'hui bien établie sur la base d'une série de précédents

récents.On ne saurait plus prétendre qu'iloffre aux Etats tiers à une instance des
possibilités illusoirespour protéger leurs intérêts, puisquela Cour a été amenée
récemment à accorder au Nicaragua le droit d'intervenir dans l'Affaire du

Différend frontalier terrestre. insulaire et maritime opposant le HonduràsEl
Salvador à propos du statut jundique du Golfe de Fonseca dont il est l'un des

trois CO-riverains.Dans ces conditions, si l'Indonésies'estime affectée dans ses
intérêtsd'ordre juridique par la décision demandée par le Portugal dans la

présente espèce, ce n'est pas à l'Australie de s'en préoccuper màil'Indonésie
d'adresser, si elle le veut, une demande aux finsd'intervention.

7.62 L'autre disposition pertinente du Statut de la Cour également destinàe
protéger les intérêtsdesEtats tierestbien entendu son articl59.Il indique que

"la décisionde la Cour n'est obligatoire que pour les parties en litigeet dans le cas
qui a étédécidé". A cet égard,il est inutile de faire la liste de tous les arrêts,liés

notamment à l'examen d'exceptions d'incompétence ou aux demandes
d'intervention, dans lesquels la Cour a rappeléle principe de l'autorité relativede
la chose jugée aux seules Parties. Elle le fit notamment en 1984en l'arrêtràlatif

568
C.I.J.Recue1986.p.577par.45. sa compétence dans l'Affaire des Activités militaires et oaramilitaires au

Nicaragua et contre celui-ci569.L'unede ses Chambres le fit aussi deux ans plus
tard, dans l'Affaire du Différend frontalierentre le Burkina-Faso et le Mali, en

rappelant que:

"la solution n'a de valeurjuridique et obligatoire qu'entre les Etats
qui l'ont acceptée,soit directement, soit vs% 'tde l'acceptation de
la compétencedujuge pour régler l'affaire .

Elle l'aconfirméencore tout récemment,en déclarant dans l'arrêr tendu au fond
en l'Affaire du Différend frontalier terrestre.insulaire et maritime opposant El
Salvador au Honduras, que "le présentarrêtn'a pas autoritéde la chose jugéeà

l'égarddu Nicaragua ,857.

7.63 On pourrait d'ailleurs tout aussi bien remonter à des précédentsbien

antérieurs, dans lesquels la mise en cause indirecte d'un Etat tiers n'a pas
empêché la Cour de statuer, sachant que l'arrêtainsirendu n'aurait d'effet qu'à

l'égarddes parties. Ainsi,en 1949,le Royaume-Uni demandait-il à la Cour de se
prononcer sur la responsabilité internationalede l'Albanieet d'elleseule pour les

dommages subis par les navires britanniques dans les eaux territoriales
albanaises, mêmesi, à plusieurs reprises au cours de l'instance, laresponsabilité

d'unEtat tiers (en l'occurrencela Yougoslavie) avaitpu êtreévoquéee ,n relation
au demeurant beaucoup plus directe avec les faits alléguéq sue tout ce qui peut

intéresserdans le contexte de la présenteaffaire eu égardaux agissements d'un
tiers572.

La conclusion qui s'impose est donc qu'en dépit des efforts accomplis par

l'Australie dans son Contre-mémoire pour déformerl'objet de la Requête
portugaise et la nature des faits illicites qui lui sont reprochés, les "intérêts

juridiques" de l'Indonésiene constituent nullement l'objet mêmede la décision
que la Cour est appeléeàrendre.

569 C.I.J. Recueil 1984,p.431,88..

570 C.LJ.Recueil 1986p.577,par46.

571 Affairedu Diffkrendfrontalier terrestre. iet maritime(El SalvadorRionduras),
arr&dt uIl septembre1992,par.424.

572 AffaireduDbtroitdeCorfou(Rovaume-UniIAlbanieC),.I.J.Recueil1949,p. 15-16. CHAPITRE VIIi
REPONSEALA2EMEEXCEPTiON AUSTRALIENNE :E PORTUGAL A

QUALITE POURAGIRDANSLAPRESENTEINSTANCE

Section 1. Considerations uréliminaires

8.01 Selon l'Australie, le Portugal n'aurait pas le droit d'obtenir de la Cour un
jugement sur ses demandes et cela pour plusieurs raisons. Pour ledéfendeur en la

présente instance, ni des droits du demandeur seraient en cause,yaurait une
identification suffisante entre des droits du demandeuret des droits du peuple du

Timor oriental, ni la satisfaction par la Cour des demandes du Portugal lui
procurerait un bénéficejuridique, ni le Portugal serait en position pour exécuter

un arrêt ou répondre à des réclamations qui pourraient découler ou êtrela

conséquence de cette décision. Enfin, l'Australienie l'existence d'unfondement
juridiqueà I'accomplissement d'une mission de service public international par le

~ortu~a1573.

8.02 Quelques uns des arguments de l'Australiesontétroitement liésau fond et
pour cette raison là une réponse leur a étédonnée à d'autres endroits de la

présente Réplique.C'est en effei àd'autres passages que le Portugal oppose qu'il
est toujours le titulaire de droits lui appartenant en sa qualité de Puissance

administrante du Timor que ces droits sont opposableà1'Australie
et que l'Australie les a violés575,que le peuple du Timor oriental accepte cette

qualité du Portugal, désire qu'elle puisse êtrepleinement exercée et approuve
l'introduction de la présente instance576, que l'introduction de la présente

instance n'avait pas à être autorisée ou demandée par les Nations Unies
lesquelles, d'ailleurs, la connaissent et ne l'ont nullement mise en question ou

censurée577 et que les effets du jugement demandé à la Cour seront utiles et

573 Contre-memoirede I'Australie,p. 108-109,par.US-236.

S74 Voir- par.4.12-4.30.

575 Voir-eo, chap.V et VI.

576 Voir- 3.13-3.18.

577 VoirW. par.4.57-4.68.efficaces578.Au présentChapitre seront donc discutésseulement les arguments
de l'Australie à caractère strictement procédural et portant directement sur la

question de la qualitédu Portugal pour agir.

Le Portugal estime que de tels arguments ne peuvent pas réussir àluinier le droit

de se présenter devant la Cour en la présenteinstance. A cet effet, le Portugal
possède la qualitépour agir provenant de deux sources parallèles:sa titularité -

vis-à-visdu défendeur -de droits et intérêturidiques spécifiqueslui appartenant
en nom propre (section 1) et son pouvoir - devoir juridique d'assurer la

représentation internationale du peuple du temtoire non-autonome du Timor
oriental (section2).

Sectiont. Le Portunal est titulaire. vis-A-visde l'Australie. de droits et

intkrêtsiuridiaues spécifiauesaui lui savartiennent en son nom

PrODce

8.03 Le Portugal conserve toujours la qualité juridique de Puissance

administrante du Timor oriental, comme il l'adémontréen d'autres passages de
la présenteRépliqueet au ~émoire~~'.Les droits d'une puissanceadrninistrante

concernant le temtoire non-autonome reposent sur des obligations inhérentesà
cette qualitén'étant,pour ainsidire, que de simplesinstruments lui permettant de

remplir ses obligations580. Mais le caractère fonctionnel, limité, partagé et
contralédes pouvoirsde la puissance administrante n'équivautpas àl'inexistence

de droits de cette puissance.Elle a -vis-à-visde l'organisation des Nations Unies
et des Etats tiers- le droit d'accomplir les obligationsqui lui incombent en cette

qualité.Tant que son titre fait l'objet d'une qualification déterminativepar les
organes compétents des Nations Unies, le droit de la puissance administrante à

exercer tous les pouvoirs inhérentsà une telle qualitéest juridiquement protégé.
Cette protection découle non seulement des règles de droit international

578 Voirinfrapar.9.309.49.

579 Voir par.4.12-4.56;Memoiredu Portugal,p. 161-164,166-167,169-172,175-180,
185-187,191et 193,par.6.02.6.03. 6.04.6.06. 6.10,6.13,6.15,6.29,6.30,6.31, 6.32.6.33,
6.34,6.35,6.37.6.38,6.41,6.52,6.54,6.5et6.64. ..
580
Conseauencesiuridiauesvourles Etatsde la urésewntinue de I'Afriauedu Sud en. 329;
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstana Résolution276 (1970) du Conseil de
securite.C.I.J.Recueil1971,p.32,par.54.appliquéespar la décisionde qualificationdéterminativemais aussides règlesde

droit international qui établissentles compétencesdes Etats en généralet des
puissances administrantes en particulier81.

A c6téde leur compétence principale de promouvoir et garantir le processus

d'autodéterminationdu peuple du territoire non-autonome, en consultation avec
les représentantsde ce peuple et sousla supe~sion ou I'observationdes Nations

Unies, les puissances administrantes ont aussi d'autres pouvoirs parmi lesquels
figurent nécessairement ceux de préserver i'intégritédu territoire et la

souverainetépermanente de son peuple sur sesrichesseset ressources naturelles.
Cette conservation doit certainement pouvoir êtrepoursuivie par les moyens
d'action conférés à tous les Etats souverains par le droit international général,

dont le jus tractum et le droit de s'adresserauxjuridictionsinternationales en vue
d'un règlement pacifique des différendsavec d'autres Etats sur des questions

ayant trait au territoire.

8.04 La qualitéde puissance administrante est éminemmentjuridique et les
pouvoirs de représentation internationale d'un territoire non-autonome et de

protection des droits de son peuple le sont aussi.La puissance administrante a
droit àce que cette qualitéet à ce que ces pouvoirs ne soient pas méconnuspar

des Etats tiers, notamment soit à raison de négociationset de stipulations
conventionnelles sur l'exploration et l'exploitation d'un plateau continental

revenant au territoire sur la base de droits inhérents,exclusifsou concurrents, soit
encore à raison de négociationssur la délimitationde ce plateau. Et personne ne

pourrait nier la nature juridique des droits de la puissanceadministrante à exiger
réparation des préjudices causés par de tels agissements et à demander la
cessation et la non-répétitides violations quisont àleur origine.

8.05 C'est donc en tant que titulaire de droits et pouvoirs spécifiquesde droit

international, violéspar l'Australie,et de sujet d'obligationsspécifiquesde droit
international, dont~'~ustralirend plusdifficilel'exécutioen les méconnaissant,

que le Portugal se présentedevant la Cour. Ille fait,tout en établissantqu'ila vis-
à-vis du défendeuren l'espècedes droits et des intérêtjsuridiques au regard de

Mémoiredu Portugal,p. 151,par.5.44.l'objetde la demande luipermettant d'obtenir l'arret qu'ilsollicite,ou en d'autres
termes qu'il est une partie devant laquelle l'Etat défendeurest responsable en

vertu des règlesde droit pertinentes582,583

8.06 La Cour n'ajamais été appeléeà se prononcer d'une manièreexplicitesur
la question de la représentationinternationale, devant elle, de territoires dont les

populations ne s'administrentpas complètementelles-mêmes. Mais l'examed nes
affaires pertinentes appuie la conclusion selon laquelle la pratique générale,

acceptée aussi bien par les parties que par la Cour, a toujours étécelle
d'admettre sans discussion laqualitépour agir des puissances administrantes de

territoires "séparéset distincts"àl'occasionde différendsinternationaux relàtifs
ces territoires.

Dans l'Affaire des Décretsde nationalité~romuleuésen Tunisie et au Maroc, il

s'agissaitessentiellement d'un différendentre le Royaume-Uni et la France et

aucune objection ne fut soulevéequant à la qualitépour agir de la France pour
faire une demande (bien qu'elle l'ait faite par le biais d'une demande d'avis
584
consultatif) concernant son Protectorat sur la Tunisi.

Dans l'AffaireOscar Chinn, le différend portaitsur les obligationsinternationales
envers le Royaume-Uni de la Belgique - en tant que puissance coloniale du

Congo - résultant du régime international du Bassin du Congo d'après la
Convention de Saint-Germain-en-Laye du 10septembre 1919,et subsidiairement

des obligations résultant des principes généraux dudroit international
commun 585.

Affairedu Sud-Ouest africain,Deuxihe nhase,C.I.J.Recuei33-34par. 48.

583 Se prononçant sur la question du locus standi du Portugal en la prbente instance et
contre le besoin d'une autorisation des Nations Unies pour son introduction, le
Professeur Christine Chirikinde la Facult.6de droit de I'Universit.6de Sidney &rit: "In
this case Portugal bas not anticipated takinganyaction which mightotherwise be illegal,
and therefore does nor require any specific Security Council authorisation. Indeed it
seemsabsurd to argue that it asa pany to the dispute. pursue one of the peaceful
methods for the settlement of disputes listed in33rof the United Nations
Charter". Voir Leeal Issues Arisine from the East Timor Conflict3,Theer No.
Merits of Portugal's Cla-m Against Austr&l21 March 1992. UniversofNew
South Waies. 1%. 9.

584 Avisconsultatif, 1C.P. Se.iIB,.o4.

585 Affaire Oscar Chi1934 ,.P.J.SerieAlB.Arrets, Ordonnances et AvisConsultatifs,
Fasciculena63, 65et79.Dans l'Affairerelative aux Droitsdes ressortisants des Etats-Unis dlAmériaueau

Maroc, le différend portait surla conformitéd'unarrêtédu résidentgénéral de la
Républiquefrançaise au Maroc avecl'actegénéral d'Algesirasdu 7 avril 1906,qui

établissaitle principe de la libertééconomique sansaucune inégalitée,t -aussi -
sur l'étenduede la juridiction consulaire des Etats-Unis dans la zone française du

Maroc. Le Gouvernement français ne mettait pas en cause que le Maroc, à
l'époque partiellement sous le protectorat de la France, conservait sa

personnalitéd'Etat en droit international. L'instanceayant étéintroduite par la
France, les Etats-Unis d'Amérique ont soulevé une exception préliminaire,

estimant que la requêten'identifiaitpas en des termes inéquivoquesàquel titre la
France agissait. Mais,en face d'unedéclaration duGouvernement français selon

laquelle la France agissaitsimultanémenten son propre nom et pour son propre
compte et comme Etat protecteur du Maroc, l'exceptionfut retirée.En tout cas,

la qualitéde la France pour agir en son propre nom et aussi pour le compte du
Maroc en sa qualitéde protecteur de cet Etat dans un litige qui avaitpour objet

des questions concernant l'administrationdu Maroc ne fut nullement mise en
cause, par les Etats-Unis d'Amériqueni par la Cour elle-même586 .

Dans l'Affairedes Minquiers et des Ecréhous,dont l'instancefut introduite par la

France contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, il fut
dit expressémentque les "vraies parties"étaientJersey et la rance^^ E n.effet

les îlots et rochers des groupes des Minquiers et des Ecréhous, dont ondiscutait
la question de savoir qui était le titulaire du droità la souveraineti, étaient

considéréspar le Gouvernement du Royaume-Uni comme des dépendancesde
~erse~~~~L .es îles de la Manche (Channel Islands), parmi lesquelles figure l'île

de Jersey, ne font pas partie du Royaume-Uni. Elles constituent, avec le
Royaume-Uni, les Iles Bmtanniques(British Islands).Elles sont dépendantesde

la Couronne et appartiennent aux "Dominions"de Sa MajestéBritannique. Bien
que tombant sous la définitionde "British possession",elles ne sont pas des

586
Affaire relativeaux Droits des ressortissantsdes Etats-Unis d'hau Maroc
{France c.Etats-Unisd'hbrique), C.I.J.Recueil 1952, 7aoOt1952,p. 176-179et
183-186;xceptionsprklirninaiparles Etats-Unisd'bkrique et lettrede l'Agentdes
Etats-Unis d'bkrique.Mbmoires, Plaidoiries et Documents, 1, p.235,p.434;
Ordonnancede laCourdu31 octobre1951,C.LJ.Recueil 1951,p. 109-110.
587
Mkmoires,Plaidoirieset Documents,II,p.20-21et 146.
5% Affairesdes Minquierset des Ecrehous(France c.Rovaume-Uni).C.I.J.Recueil 1953.
p.60.colonies. Leur statut est unique et elles bénéficient d'uneautonomie presque

totale fondéesur de trèsanciennes conventionsconstit~tionnelles~~~B . ien quele
Gouvernement du Royaume-Uni ait comparu devant la Cour pour défendre les

intérêtsde Jersey sur les îlots litigieuxet que Jersey soit une entitépolitique à
base territoriale "séparéeet distincte" du Royaume-Uni, il fut simplement

présupposé - par la Cour et par les partie-que le Royaume-Uni avait la qualité
pour agir devant la Cour pour le compte de Jersey.

Finalement, dans l'maire du droit de Dassa eesur temtoire Indien, le Portugal a

pu soumettre une demande de déclaration d'un droit de passage entre le
territoire cdtier de Damao et les enclavesde Dadri et de Nagar-Aveliet entre les

enclaves elles-mêmes,tous des temtoires, dans la péninsulede l'Inde, dont le
Portugal exer~ait administration^^^.

8.07 Il est difficile d'effectuer, par rapport aux affaires mentionnées aux

paragraphes précédents,une nette distinctionentre cellesoù I'Etat litigant aurait
agi pour son propre compte en défense d'intérêl tsi revenant directement et

celles où 1'Etatse serait présentédevant la Cour agissant aussipour le compte du
temtoire "séparéet distinct"et en défensed'intérêts spécifiquesappartenant au

peuple de ce dernier. Les intérêtgséographiquementet socialement circonscripts
à un temtoire administrépar un Etat auquel ce temtoire n'est pas pleinement

intégrésont assuméspar la puissance administrante sur le plan des relations
internationales comme étantaussi les siens.11en est ainsi notamment sur le plan
des relations interétatiques puisque c'est à la puissance administrante

qu'incombent le pouvoiret le devoir de préserverles intérêtl ségitimesdu peuple
du territoire administré contre les intérêts adverses d'Etats tiers.

L'accomplissement de cette tâche apporte à 1'Etatadministrant la conservation
de sa propre sphère juridique internationale (lorsque ses propres pouvoirs

étatiques seraient mis en cause) et aussi, tout au moins dans certaines situations
où l'administration n'est pas simplement de iure, la possibilitéde bénéfices

économiquesmédiats.

589 VoirS.A.de Smith, Constitutionalandadministrativelaw, penguin Books, Harmonds-
worth,1971.p.622-626.

590 Affaire du Droit de Dassaeesur Territoire indien(fond). Arr&tdu 12avC.LJ.960,
Recueil1960p.6.8.08 On peut cependant affirmer que, plus clair sur le plan juridique sera le
caractère "séparéet distinct" du temtoire, plus sera évidentela conjonction de

différentestitulantés des intérêtjsuridiques sous-jacents àla qualitépour agir de
1'Etat administrant et litigant. Pour les raisons exposées,il serait difficile, sinon

impossible, qu'en défendantdes intéretssituéssurle territoire "séparéet distinct",
cet Etat ne soit pas en train de défendreaussi des droits et intérêtjuridiques lui

appartenant directement en sa qualité d'entitésouveraine et de sujet de droit
international. Mais il est notoire que, à c6té de ses propres droits et intérêts

juridiques, I'Etat défenddes droits et des intérêtjsuridiques directement rattachés

au peuple du territoire non-autonome, et agit pour le compte de ce peuple en ces
mêmestermes. Cette double appartenance des situations juridiques subjectives

donnant la qualité pour agir devant la Cour est évidente quand un Etat tiers
(l'Australie en le cas d'espèce) a méconnule droit à l'autodétermination du

peuple du territoire non-autonome et d'autres droits directement y attenants.

Section3. Le Portugal, en tant sue Puissance administrante du Timor
oriental. a aussi laaualite mur agir devant la Cour s'agissant de

différendsportant sur la violation par un autre Etat des droits du

peuple de ceTerritoire

8.09 La titularité par le peuple du Timor oriental du droit à disposer de lui-
même,du droit à l'intégritéterritoriale eà la souveraineté permanente sur ses

richesses et ressources naturelles a étéamplement établie par le ~ortu~al~~'. Le
Portugal a démontré la nature juridique de ces droits sur le plan du droit

international et sur leur opposabilité universelle592.Le caractère "séparéet
distinct" d'un territoire constituant une "self-determination unit" implique, pour le

moins jusqu'à ce que le droit à l'autodétermination ait étéexercé, l'existencede
droits ou "legal rights" séparés appartenant à son peuple. Dans le droit

international contemporain, les peuples des territoires non-autonomes sont

devenus eux aussi sujets de droit internati~nal~~~. Dans l'Affaire du Sahara

591 Mkmoire du Portugal, chap. IV, V et VI. Voir aussi chap. IV et V de la présente
Replique.

592 Memoiredu Portugal,p. 113, 123, 141et 142,p4.58,4.59,4.71,5.29,5.35.31.

593 Voir James Crawford.The Riehts of Peo~les. Clarendon Press, Oxford.19p.162;
James Crawford.The ~reation of States in InternatLaw,lOxford~niversity-press,
1979,p.366, NagendraSingh,nie Role andRecordoftheInternational Courtof Justice,
Nijhoff,Dordrecht, 1989,p. 152-153.Occidental, la Cour a reconnu nettement l'existence d'un "droit", c'est-à-dire,

d'une situation juridique existante sous une norme de droit international
applicable à la décolonisationdes temtoires non autonomes placéssous l'égide

des Nations

8.10 Comme la Cour l'a déjàdéclaré,"Les sujets de droit, dans un système
juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à

l'étenduede leurs droits"59S. La personnalité juridique conféréeaux peuples par
le droit international ne signifie pas qu'ils aient une capacitéjuridique égaleà

celle des Etats. Un des aspects de cette limitation de la capacitéjuridique des

peuples des temtoires non-autonome~~~~résultede l'article34 du Statut de la
Cour, selon lequel "Seulsles Etatsont qualitépour se présenter devant la Cour".
Cette limitation rend nécessaire la représentation judiciaire des peuples des

territoires non-autonomes par des Etats. Cette représentation permet à un
peuple d'un temtoire non-autonome de faire valoir ses droits contre des Etats

(autres que la puissance administrante) devant la plus haute juridiction

internationale.

8.11 Si alors, une telle représentation constitue la condition nécessaire pour
que des droits fondamentaux de sujets de droit international ayant une assise

territoriale ne soient pas privésde protection juridictionnelle, il est heureux que
le droit applicable autorise cette représentation. Comme l'observe le Professeur

James Crawford, le fait que le droit àl'autodétermination,dont un certain peuple
est titulaire, soit tout d'abord un droit contre I'Etat qui administre le territoire

n'empêchepas quece droit soit aussi un droit vis-à-visdes autres Etats. Et le fait
que ce droit - quand il existe - appartient à un peuple et non à un Etat

("government") n'empêche pasles Etats de considérer, pour fonder leurs
comportements ("relying on"), le droit d'autodetermination appartenant en

certaines circonstances àun peuple particulier. Cet auteur ajoute:

"There are many examples ofstates, although not in any direct
sense beneficiaries of the rights, in effect taking up the cause of a
particular people through diplomatic or other means. A wellknown

594 Voir,encesens, l'opinionindividuelleduJugeDillard. C.I.J.Recup.121.75,

595 Avis surla Reoarationdes dommagessubisau seMce des Nations Unies, C.I.J.Recueil
1949p. 178.

596 Voir 1.Brownlie,Princivlesof Public InternLaw,&me edition, OxfordUniversity
Press, Oxford,19p.60. example was the South-West Africa Cases, where Ethiopia and
Libena sought to vindicate the rights of self-determination of the
Narnibian people implicit in the mandate for South-West Africa.
The case failed, notoriously, on technical grounds, but there is no
difficultyin principle with a legal systemvesting in third arties the
right to bnng proceedings to vindicate the rights O! another,
especithc where those rights cannot be asserted directly by the
other"

8.12 Le JugeKébaMbaye a observé,àson tour:

"Le titulaire de l'actionenjustice est généralementtitulaire du droit
que cette action tend à protéger. Mais l'exercicedu pouvoir d'agir
peut, compte tenu des circonstances, êtreréservéà,ggp~tre sujet
de droit que celui àqui appartient le droàprotéger .

Comme rappelle le même auteur, un Etat peut introduire une action
internationale pour prendre "fait et cause pour l'un de ses ressortissants,a59.

Cette circonstance correspondant à la pratique de la Cour suffit pour démontrer
que la rati duoparagraphe 1 de l'articl34 du Statut de la Cour n'est pas de

limiter la qualitépour agir des Etats aux seuls cas où les intérqui justifient la
demande leurappartiennent directement.

En réservant aux Etats la qualité pour agir devant la Cour, le Statut reflète

l'articl94 de la Charte des Nations Unies selon lequel la non satisfaction des
obligations incombant à une partie à un litige en vertu d'un arrêtrendu par la

Cour ouvre pour l'autre partie la possibilitéde recourir au Conseil de sécurité.Si
l'on considère la teneur des compétences du Conseil de sécurité dansle cadre
d'une Organisation exclusivement composée d'Etats, on comprend alors que la

juridiction non consultative de la Cour ait étéréservéeaux litiges ayant des Etats
comme parties. Mais cette restriction n'implique pas que les Etats se voient

empêchésde porter un différend devant la Cour pour le compte d'un peuple
d'une unitéterritoriale "séparéeet distincte" dont ilsont l'administration.

597
JamesCrawford.The Riehtsof Peoples,Clarendon Press, Ox,988p.164.
598
K6ba Mbaye, i'Int6rtt pour agir devant la Cour internationaledeJustice, R.C.AD.1.
1988,IIp.253.

1988,IIp.259I'Int6retoour aeir devant la Cour internationalede Justice, R.C.AD.1.Etant donné quedes différendssusceptiblesde menacer le maintien de la paixet
de la sécurité internationalespeuvent naître entre des peuples de temtoires non-

autonomes et des Etats, si les Etats auxquels échoit la responsabilité
internationale pour ces territoires ne pouvaient en rechercher la solution par la

voie du règlement judiciaire, ilaurait étéintroduit une entrave, tout à fait
absurde, à l'application du principe du règlement pacifique des différends

internationaux.

8.13 L'Affairedes Minauiers et des Ecréhousapporte un exemple illustrant le
règlement juridictionnel des intérêts d'une entité temtoriale à caractère non-

étatiquepar le biais de la participation primaire d'unEtat au litige. Ainsique le
Portugal l'a déjàsouligné,Jersey ne fait pas partie du Royaume-Uni de Grande-

Bretagne et Irlande du Nord. Or, comme des auteurs l'ont observé,la partie
600
intéressée dans l'affaireétaitvraiment Jersey .

8.14 L'Australie confond ce qui est une demande présentéepar un Etat en
représentation des intérêtsd'un peuple d'un territoire non-autonome dont il est

la puissance administrante et ce qui serait l'introduction d'une instance dans le
simple cadre d'une actio ~opularis,où le demandeur n'invoqueraitque sa qualité

d'Etat Membre des Nations ~nies'Ol.

8.15 Le Portugal n'apas fondé saqualitépour agir contre l'Australiedevant la
Cour sur sa simple qualitéd'Etat Membre des Nations Unies, intéressé de par ce

fait à la conservation des droits eà l'achèvementde la libre autodétermination
de tous et de chaquepeuple des territoires non autonomes encore existants.Dans

sa Requête, lePortugal a fondésa qualitéd'agirdans lestermes suivants:

"C'est d'ailleurs en cette qualité juridique de puissance
administrante du Territoire du Timor oriental, attributive des
devoirs et pouvoirs nécessairesà I'accomplissementde son seMce
public international, que le Portugal introduit la présente requête,
agissant de ce fait à.la fois pour le compte et dans l'intérêd tu

600 VoirRosenne.TheWorldCourt:Whatit is andhowit works ?,Sijthoff,LeidenIOcrana:
Dobbs Ferry, 1973, 3ème edition, p.142. Affaire des Minauien et des
Ecrehous,Metnoires.Plaidoirieset DocumentII,20-21, 146 et 1. Scobie, The East
Timor Case Implicatioof procedureforlitigationstrategy,OiCasnLawTaxation
w, 1991p.275.

601 Contre-mkmoire de l'Australie,p. 118-120,par.258-265. euple du Timor oriental et pour le sienpropre (dans la mesure où
% Portugal a le droit de s'acquitterde ses responsabi$.& envers ce
peuple etàl'égardde la communautéinternationale) .

Le Portugal est conscient de la distinctionentre le rBlede l'exécutionfidèlede la

mission sacrée assignéepar l'article 73 de la Charte des Nations Unies à la
Puissance administrante et le droit différent confàtous les Etats Membres de

l'organisation des Nations Unies d'assurer I'accomplissement de cette
missionoo3. Le Portugal reconnaît ce droit à tousàechacun des Etats Membres

des Nations unies604. En l'espèce cependant, il ne considère pas qu'il soit
nécessaire que la Cour se prononce sur la possibilité,à ce titre, d'une actio

po~ularis.Le problème seposerait plut8t dans la situation anormale où le peuple
d'un temtoire non-autonome se trouve confrontéà l'inexistence d'unepuissance

administrante ou au non exercice, ayant un caractère grave, des fonctions de
protection judiciaire par la Puissance administrante. Dans cette situation, un

quelconque autre Etat Membre des Nations Unies aurait la qualité procédurale
pour défendreles intérêtdsu peuple en question.

Mais, en tant que demandeur, le Portugal n'a pas besoin d'utiliser ce genre

d'intérêjturidique dont il est aussi titulaire. En effet, en plus de ses droits et
intérêts propresen tant qu'entité souveraine ayant des titres surle territoire du

Timor oriental, le Portugal est de droit le représentant internationaldu peuple du
Timor oriental.

b02 Requete Introductived'Instance,p. 9-10,par. 14.

a3
Sur une telle distinction, faiteàpropos du rkgimedu mandat, voir AffairesduSud-Ouest
afric aEthopie c. Afrique du Sud; Liberia c. Afrique du Sud). Exceutions
Préliminaires,Arrê21udecembre 196C.I.JRecueil 1962,p.336.
Sereferant aux possibles fondements du caractkre essentiellement juridique (et non
seulement moral ou humanitaire) de I'intéretde tAuI'ammplissement de la
"missionsacree", la Cour a consider6que, pour engendrer des droits et des obligations
juridiques, il étaitnecessaireque ce principeait "uneexpressionet une formejuridique".
Et la Cour a ajoute: "Une de ces formes pourrait etre le régimede tutelle des Nations
Unies; une autre pourrait etre celle aue ~rkvoit pour les territoires autonomes le
chauitre XI de la Charte, qui se r6fkreexàune 'missionsacrée'.Dans chaque

casles droits et lesobligationsjuridiquessont ceuxet uniquement ceuxque prévoient les
textes pertinents, quels qu'ils soient' (souligne par le Portugal). Affaire du Sud-Ouest
afric (athopie c. Afrique du Sud; Liberia c Afrique du Sud), C.I.J. Recueil, 1966,
p.34par.51.8.16 L'Australiese trompe enfin -le Portugal le répète-en confondant "service
public international"605 avec l'exercicede l'actio~o~ularis.Comme le Portugal

l'a déjàexposé,le "service publicinternational" est l'idéequi traduit de nosjours
le mieux le principe ancien de la "mission sacrée". Cette idéen'exprime pas une

t$che de chaque Etat Membre des Nations Unies, maisla mission spécifiqueet
propre de la puissance administrante, laquelle, animée par les intérêtsde la

communauté des Etats Membres des Nations Unies, prend en charge la
satisfaction des besoins fondamentaux du peuple du temtoire administréoo6.Il

s'agit donc d'une mission ayant un titulaire individualisé,sujet d'obligations
internationales en cette qualitémais aussi détenteur de pouvoirs et droits sans

lesquels lesobligationsne pourraient jamais êtreremplies.

8.17 En conclusion, le Portugal se présente devant la Cour avec une qualité

pour agir ressortissant d'une double source: d'un cBtéses propres droits et
intérêtsen tant qu'Etat souverain investi de pouvoirs d'administration du

Territoire du Timor oriental, d'unautre cBtéen tant qu'Etat titulaire du pouvoir
de représenter internationalement le peuple du Territoire du Timor oriental,

agissant pour le compte de celui-cià l'occasiondu règlement juridictionneld'un
différendoù ce peuple est, lui aussi,partie. Ce ne serait que s'iln'existaitpas de

puissance administrante du Territoire du Timor oriental que le Portugal aurait
besoin d'invoquer, comme fondement de sa qualitépour agir, son autre intérêt

juridique: celui provenant de sa qualitéde Membre de I'Organisationdes Nations
Unies portant sur la sauvegarde des droits de tous les peuples non autonomes à

disposer d'eux-mêmeset à voir respecter leur intégritétemtoriale et leur
souverainetépermanente sur leurs ressources et richesses naturelles, dont celui
607
du Timor oriental .

60s Contre-memoirede l'Australie,p. 118,par.258etsuiv.

Memoiredu Portugal,p. 149-150et 161-163,par.5.42et 6.03.

607 Bien que l'Australiese trompede cible en attribuantau Portugal.I'exdecl'w
popularis,il fautaussinoter quele zèledudefendeurà rejetercette possibilitbde droit
internationalprocéduraslembled'autantplusinsoliteq-bien qu'atitre subsidia-re
l'Australiese soit d6jApréseneevantla Couren se prévalante cette qualite.Voir
Affairesdes Essais nucléaires(Austi. France),Memoires,Plaidoirieset Documents.
1,p.337etsuiv. CHAPITRE IX

REPONSESAUX3EMEET4EMEEXCEPTIONSAUSTRALIENNES:LES
EiTEïS DEL'ARREïDEMANDE A LA COURSONTLEGFTIMES,

CONFORMES AUDROIT GT UTnES

Section 1. Lediff6rendsoumis hla Courest un diff6ereiusticiable

9.01 L'Australie affirme qu'unarrêten faveur du Portugal ne satisferait aucun
objet légitimeoo8,parce que 'The dispute over East Timor is to be solved by

negotiation between the parties directlyncerr~ed"~~~L.e rapport entre ces
deux affirmations et leur relation avec la question de la recevabiliténe sont pas
clairs. Cependant, I'idéede I'Australie semble être queles Nations Unies ont

décidéque le litige devait êtrerésolupar la négociation;que, par conséquent,
tout recours au règlementjudiciaire par le Portugal est dépourvud'objet légitime;

etque donc la Requêteportugaise serait irrecevable.

9.02 L'argument, dans son ensemble, est mal conçu, fondé commeil l'est sur
l'insistancede I'Australie selonlaquelle le différendqui est portédevant la Cour

est relatif à l'intervention militaireindonésienneau Timor oriental etes
conséquencessur le droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même.

Qu'importe que l'Australierépètesouvent cette affirmation,car il est clair que le
différend quia étéportédevant la Cour a trait àune question difféàesavoir

l'obligationde l'Australiede ne pas agir d'une manièrequi, en méconnaissant les
droits du peuple du Timor oriental et du Portugal, rendrait plus difficile au

peuple du Timor oriental son accessionà l'autodéterminationet qui violerait son
droit àla souveraineté permanentesur sesrichesseset ressources naturelles.

9.03 L'affirmationde l'Australieselon laquellela Requêteest irrecevable n'est
apparemment pas - ou comme I'Australie l'indique, timply"- fondéesur le

fait que des organes politiques des Nations uniesolo sont égalementsaisisde la
question du Timor oriental. Il existe une jurisprudence considérable selon

laquelle il n'ya aucun obstacle à la compétencede la Cour, à condition que les

608 Contre-memoiredel'Australie,p.122,par.269-270.

6û9 Contre-memoiredeI'Australie,p. 128,par.287.
610
Contre-memoiredel'Australie,p. 132,par.299.questionsportées devant elle rentrent dans l'unedes catégoriesprévuesàl'article
36 paragraphe 2 du statut611. iln'y a en principe rien qui pourrait empêcher
l'exercice d'une compétence concurrente. Les Nations Unies sont "...une

Organisation politique, ayant une mission politique d'un caractère très
important ...8612

En revanche, la Cour internationale de Justice est un organe judiciaire "dont la

mission est de réglerconformémentau droit international les différends qui lui
sont soumis ."613. Un arrêtde la Cour "n'infirmerait pas" une résolution de

l'Assembléegénéraleou du Conseilde sécu"té614.Les compétencesrespectives
des organes judiciaires et politiques ne sont pas rivales; plutôt, elles sont

complémentaires, car tous les organes travaillent ensemble à la réalisationdes
buts et des principes des Nations Unies:

"Le Conseil a des attributions politiques; la Cour exerce des
fonctions purement judiciaires. Les deux organes peuvent donc
s'acquitter de leurs fonctions Bptes mais complémentaires à
propos des mêmes événements" .

Dans une observation d'une pertinence particulière pour la présente affaire, un
juge, dans son opinion individuellejointe àl'ordonnance rendue dans l'Affairedu

plateau continental de la Mer E~ée,déclara:

"..a Cour actuelle,dont le Statut est liébeaucoup plusétroitement
à la Charte des Nations Unies que ne l'étaitcelui de sa devancikre
au Pacte de la SdN,devrait-ellese montrer prêteà saisir I'occasion
de rappeler aux Etats Membres intéressés à un différenddont elle
est saisie certaines obligations découlant du droit international

6L1
Activités militaireset paramilitaires au Nicaraeua et contre celui-ci.C.I.J. Recueil 19%.
p.433;Personnel di~lomatiaue et commentaire des Etats Unis ATthtran. C.I.J. Recueil
1980,p. 21-22.
612
Re~aration desdomma& subisau se~ce des Nations UniesC.I.JRecueil 1949p.179.
613
Article 38(1)du Statutde la Cour internationale de Justice.
614
Cameroun seotentrionalC.LJ .ecueil 1%3, p. 33; voir aussi l'opinion dissidente du
Juge Bedjaoui, affirmant que, quand la Cour a l'occasiond'examinerles résolutions du
Conseil de s6curité.sa fonction n'estpas d'exercerun contrble judiciaire. Affaire relative
Ades auestions d'intemretation et d'applicationde la Convention de Montreal de 1971
résultant de l'incident a6rien de Lockerbie. demande en indication de mesures
wnsewatoires, Ordonnance du 14avril 1992,C.I.J.Recueil p.143.
615 Activitésmilitaireset paramilitaires auNicaraguaet contre celui-ci,(am&) C.I.J. Recueil
1984,p. 435,par. 95. énéralou de la Charte..Je pense qu'aucun texte n'empêchaitla
résolutiondue8onseil de sécuritet des déclarationO2s.ielles des
représentants des deux Etats. Les déclarations du Conseil ne
dispensaient pas la Cour, en tant qu'organe judiciaireindépendant,
d'exprimer saPrRr opinion sur la gravitéde la situation dans la
régioncontestee" .

Ce mêmejuge est revenu sur cette question dans l'Affaire relative à des
Questions d'intemrétationet d'a~~licationde la Conventionde Montréalde 1971

résultantde l'incident aériende Lockerbie, mesures conservatoires, ordonnance
du 14 avri1992, où ila parlédu r8lde la Cour, comme

"...la gardienne de la légalpour la communauté internationale
dans son ensemble, tant à l'intérieur qu'endehors du cadre de
l'organisation des Nations Unies. L'onpeut donc Iégitimement
supposer que l'intention des fondateurs n'étaitpas d'encourager
des oeillèr à maisceplut8t d'avoir entre eux une interactionec
fructueuse"17.

Un autre juge a longuement examiné la relationqui pouvait exister entre le

Conseil de sécuritéet la Cour dans son opinion dissidente jointeà la même
affaire. Il a noté que différents organespeuvent Iégitimements'occuper d'une

mêmequestion, maisque:

"Ce qui relève de la fonction judiciaire est le domaine de
competence propre de la Cour. S'ilamve que [dles conséquences
politiques résultent d'unedécision judiciaire,lglg'est pas de
natureà la soustraire àcette sphèrede compétence" .

9.04 11semble, cependant, que l'Australie cherche à apporter de nouvelles
restrictionsà la position claire de la Cour, en affirmant que toutefois une

demande est irrecevable lorsque (i)les organes politiquesse sont volontairement
abstenus de proposer que le litigesoit résolupar la voiejudiciaire; et que (ii) les
organes politiques ont eux-mêmesmisen place des mécanismessupplémentaires

pour la résolution dulitige.'Chacunede ces deux affirmations sera examinéeci-
dessous. Il sera aussi examinécinq autres arguments avancéspar l'Australiepour

tenter de nier le caractèrejusticiabledu différend.

616 M.Lachs,O~inionindividuelle.C.I.J.Recuep.20.76.

617 M.Lachs,Opinion individuelle,C.I.J.Recup.138.92,

618 M.Weeramantry,Opiniondissidente,C.I.J.Rep.166.9.05 Premièrement, pour l'AustralielaCour nepeut s'occuperd'undifférendsi
les organes politiques des Nations Unies se sont abstenus de faire des

recommandations en faveur du règlementjudiciaire.Dans sonContre-mémoire,

"Australia contends that if the Court were to entertain Portugal's
claimsit would be called upon to pass an adverse judgment on the
consistent course of action of the political organs of the United
Nations as to the means to be employed to resolve t& dispute
between Portugal and Indonesia concerningEast Timor" 9.

Mais une décisionde recevabilitéde la demande du Portugal selon laquelle

l'Australiea violéle droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-mêmeet
sa souverainetépermanente sur ses richesses et ressources naturelles n'implique

en aucune façon un jugement quant à la déterminationpar le Conseil de sécurité
et l'Assembléegénérale surla meilleure manièrede procéderpour s'assurer du

retrait des forces indonésiennesdu Timor oriental et de l'exercicedu droit de son
peuple à disposer de lui-même.De même,on ne voit pas pourquoi la Cour

devrait décliner sa compétence par crainte qu'un quelconque arrêt qu'elle
pourrait rendre ne puisse êtrecaractérisé par certains comme une "critique"des

organes politiques des Nations Unies. Comme la Cour l'anotédans l'Affairedes
Activitésmilitaireset oaramilitaires au Nicarama et contre celuis illui avait été

demandé:

"...de se prononcer sur certains aspects juridiques d'une question
qui a étéaussi examinéepar le Conseil, ce qui est parfaitement
confomà sa situation d'organe judiciaire principal des Nations
Unies" .

9.06 L'Australieaffirmeen outre que:

"To decide the case in Portugal's favourwould require the Court, in
effect, to take decisions that the competent political organs of the
United Nations have already refrained from taking. They have
done so, it must be presumed, not out of negligenceor neglect but
as a matter of deliberate politicaljudgment.It isnot the function of
the Court to take political decisionsthat the competent orms of
the United Nations havedeliberatelyrefrained from taking" .

619 Contre-mkmoire de l'Australie,p. 131,par.296.

620 Activitésmilitaireseara militaiesNicaraeuaet contre celui-ci,C.I.J.Recueil 1984,
p.436, par.98.

621 Contre-mkmoiredel'Australie,p. 131,par.297.9.07 Cette affirmation est inexacteàplusieurs égards.11n'a pas étédemandéà

la Cour de rendre une décision"that the competent political organs have already
refrained from taking".En effet, il n'aétdemandéni à l'Assembléegénérale, ni

au Conseil de sécurité,d'examiner le comportement de l'Australie en ce qui
concerne I"'Accord".11n'ya rien dans la Requete du Portugal qui puisse donner

l'impression que les organes politiques des Nations Unies auraient agi "out of
negligence or neglect", ou que leur évaluation politique de l'intervention

indonésienneserait mise en question. En outre, il n'apas étédemandé à la Cour
"to take political decisions"de quelque sorte que ce soit. En fait, le Portugal

demande à la Cour de se prononcer sur des questions qui tombent clairement
dansledomaine de l'article36paragraphe 2du Statut.

9.08 Lorsqu'ils élaborent les textes des différentesrésolutions, leConseil de

sécuritéet l'Assembléegénérale doiventtenir compte de toutes les considérations
pertinentes:

"Un organe politique a pour fonction principale d'examiner les
questions au point de vue politique, c'est-à-diresous tous les
aspects. 11en résulteque les Membres de cet organe qui ont la
responsabilitéde formgj2a décisionont à examiner les questions
soustous les aspects... .

Parmi les éléments que le Conseilde sécurité et l'Assembléegénérale auront pris
en considérationse trouve le fait que l'Indonésien'apas acceptéla juridiction de

la Cour internationale de Justice. Mêmesi l'intervention militaireindonésienne
avait soulevédes questions de droit qui avaient besoin d'êtreéclaircies(ce qui
n'étaitévidemmentpas l'avisdu Conseil de sécurité et de l'Assembléegénérale,

qui ont pu sans états d'$me caractérisercette action comme "déplorable"),il
n'aurait serviàrien de suggérerau Portugalet àl'Indonésiede faire résoudre leur

différendpar la Cour internationale de Justice.

En outre, le droit du peuple du Timororiental àdisposerde lui-même relevait de
la compétencede l'Assemblée générale du fait du r61equ'elleest appeléeàjouer

en matière de décolonisation.11n'yavait besoin d'avoirrecours à la Cour pour
aucune des questions dont le Conseilde sécurité et l'Assembléegénérale étaient

saisis et il ne pouvaytavoir aucun espoir réalisteque l'Indonésieconsentirait à

622 Conditionsde l'admissiond'unEtat commeMembredes Nations Unies (article4 de la
Charte), C.LJ.Recueil 1947-1948, opinion dissidente codes Juges Basdevant,
Winiarski,McNairet Readp.85.un tel recours. Une décisionde la Cour se prononçant sur la demande du

Portugal visant la violationpar l'Australiedes droits du peuple du Timor oriental
à disposer de lui-mêmeet à sa souveraineté permanente n'implique aucune
critique du Conseil de sécurité ou de l'Assembléegénérale pource qui concerne

les décisionsqu'ils ont pris le plus grand soin d'élaborer relativementà des
questions tout àfait différentes.

9.09 Finalement, les organes politiquesdes Nations Unies n'ont pas interdit -et

ils n'auraient pas pu le faire - le recours au règlement judiciaire pour des
questions relatives au Timor oriental. L'Australie recherche à retirer le plus de

bénéfices possibles -par son comportement pour lequel elle est seule responsable
- de l'occupation du Timor oriental par l'Indonésie.Elle cherche à se baser sur
ces "realities", pour effectuer des réclamations sur les ressourcesnaturelles du

Timor oriental - et ensuite pour prétendre que sa conduite ne peut faire l'objet
d'unexamenjudiciaire parce que l'Indonésien'estpas devant la Cour:

'There isno bilateral disputebetween Portugal and Australia which
can be detached from the United Nations discussionson the East
Timor question, or from tl&,$Jmted Nations decisions concerning
themeans of its resolution" .

Mais il ressort clairement de l'examen des textes de ces discussions et de ces
résolutions qu'unlitigedifférentde celui actuellement portédevant la Cour a été
considérépar ces organes politiques - et que, de toute façon, il n'ya eu aucune

interdiction spécifiquede recourir àla Cour.

9.10 Deuxièmement, "Other organs of United Nations have assumed the
responsibility for negociating a settlement of the East Timor question ,062.

L'Australieaffirme que les organes politiquesdes Nations Unies ont décidé que:

"the rights of the people of East Timor to self-determination ...
should be resolved through the processes of conciliation,
consultation and negotiaiabetween Indonesia, representatives of
EastTimor and Portugal .

623 Contre-memoiredeI'Australie,p. 131.p296.
=24
Contre-memoirede I'Australie,paII,chapIIIp. 128.
625
Australia'sreferenceto theseresolutionsas"deci(in invertedmmmas),par.296. byLes résolutionsétaient,bien sûr, dirigéessur le problèmede l'autodétermination

du Timor oriental à la suite de l'occupation indonésienne. Elles n'étaientpas
dirigéescontre la violation postérieure par l'Australie du droit du peuple du

Timor oriental à disposer de lui-m&meet de sa souverainetépermanente sur ses
richesses et ressources natureiles. L'Australiea cheràhse reposer sur diverses

décisions relativesau règlement des différendsprises par ces organes mêmesi
leur caractère obligatoire a étérejeté avecforce au Chapitre 2 de son Contre-

mémoire. Lesrésolutionsne seraient apparemment pas obligatoires à l'encontre
de l'Australie, lui laissant ainsi l'entièrelibertéd'agirvis-à-visdu Timor oriental

exactement comme elle le désire;mais par contre seraient obligatoires pour le
Portugal lorsqu'elles décrèteraientque seulement la négociationpourrait être

poursuivie comme moyen de règlement d'un quelconque différend entre le
Portugal et un tiers relativement aux droits du peuple du Timor oriental. La
proposition est manifestement viciée.

9.11 La Cour a, en fait, clairement établique non seulement eile n'est pas

empêchéede se prononcer judiciairement sur une question parce que cette
question se trouve également devant un organe politique, mais encore que ce

principe fondamental n'est pas mis en cause lorsqu'unorgane politique poursuit
ses propres procéduresafin de résoudrele différend.En discutant la demande

grecque en indication de mesures conservatoires dans l'Affaire du Plateau
continental de la Mer Eeée,la Cour a spécifiquementnotéque non seulement

l'affaire se trouvait en même temps devantle Conseil de sécurité,mais encore
que des réunionsavaient eu lieu entre les Parties et que la Résolution395(1965)
les avaient instamment priésde reprendre les négociationsdiplomatiques626.La

décisionde la Cour de ne pas indiquer des mesures conservatoires fut prise sur
des bases différentes.La demande turque que l'affaire soitrayée durôle de la

Cour ne fut pas acceptée. Dansun commentaire directement pertinent pour la
présenteespèce,la Cour a indiqué:

"L'attitude du Gouvernement de la Tur uie pourrait donc
s'interpréter comme sous-entendant que la 8 our ne devrait pas
connaître de l'affaire tant que les parties continuentégocieret
ue l'existence de négociationsactivement menées empêchela
8our d'exercer sa compétence en l'espèce. La Cour ne saurait
partager cette manière de voir. La negociation et le règlement
judiciaire sont'une et l'autre citéscomme moyens de règlement
pacifique des différendsà l'article33 de la Charte des Nations
Unies. La jurisprudence de la Cour fournit divers exemples

626
C.I.J.Recueil 1p,3. d'affaires dans lesquelles négociationset règlement judiciaire se
sont poursuivis en mêmetemps. Plusieurs affaires,dont la plus
récente est celle du Procès de orisonniers de euerre oakistanais
(C.LJ. Recueil 1973,p. 347),attestent qu'ilpeut êtremis fin à une
instance judiciaire lorsque de telles négociationsaboutissent à un
règlement. Par conséquent, le fait que des négociations se
poursuivent activement pendant la procedure actuelle ne constitue
pa. en df&$ un obstacle à l'exercicepar la Cour de sa fonction
judiciaire .

9.12 Aujourd'hui, il existe devant les organes politiques des Nations Unies une
question importante: celle de la réalisation dudroit du peuple du Timor oriental

à disposer de lui-même.Cette question continue d'êtrele sujet de consultations
entre les Nations Unies, I'indonésieet le Portugal. En outre, à l'automne 1991,

des propositions furent avancéespour la visite d'une délégation parlementaire
portugaise au Timor oriental. On voit mal à quel titre elle se rendrait la-bas, si ce

n'està titre d'émanationde la Puissanceadministrante. Aucun de ces évènements
n'empêchela Cour de considérer la réclamation portée devant elle par le

Portugal. Dans l'Affairedu Plateau continental de la Mer Eeée,des négociations
baséessur des résolutions duConseil de sécuritén'ont pas retiré à la Cour sa

compétence.De même,dans la présenteespèceles consultations basées surune
Résolutionde l'Assembléegénérale n'empêchent pas la Cour de déciderau fond.

9.13 Les Etats Unis ont déposé une requêtd eevant la Cour dans l'Affaire du

Personnel di~iomatiaue et consulaire des Etats Unis à Téhéranalors que la
question était encore devant le Conseil de sécurité. AussitBtaprès, le Conseil a

adoptéla Résolution457 (1979),par laquelle il "wouldremain activelyseized of
the matter" et il fut demandé au Secrétaire généraldes Nations Unies de

soumettre, d'une manièreurgente, un rapport sur les développements pertinents.
Quelques trois mois plus tard après l'adoption de cette résolution,le Secrétaire

généralmit en place une commission ayant pour mission d'établir les faits. La
Cour a dit de la questionjuridictionnelle:

"..ilne fait aucun doute que leConseil de sécuritéétait'activement
saisi de la question' et qu'il avait donnéexpressémentmandat au
Secrétaire général de prêter ses bons offices lorsque, le
15décembre 1979, la Cour a décidé à l'unanimité qu'elle avait
compétence pour connaître de la demande en indication de
mesures msewatoires des Etats-Unis et a indiqué de telles
mesures" .

627 Ibid.p.12,par29.

628 C.I.JRecueil1980,p.21,par.40.Les fameuses remarques de la Cour sur le caractère approprié de l'"exercice
simultané de leurs fonctions respectives par la Cour et par le Conseil de
sécurité"629 et sur la structure de la Charte qui conduisiràncette conclusio?

furent faites alors que des procéduresnon juridictionnelles et très spécifiquesde
résolutionde différendsétaienten cours. Se référantàla commissionétabliepar

leSecrétairegénérae ln vertu de la Résolution477(1979)du Conseil de sécurité,
la Cour a noté qu'elle avaitétéétablie en tant qu'organe de médiation, de

conciliationou de négociation,et que

"[L]a constitution de la commissionpar le Secrétaire général avec
l'accord des deux Etats ne saurait donc en aucune fason être
considéréecomme incompatible en elle-même avecla poursuite
d'une procédure parallèle devant la Cour. La négociation,
l'enquête,la médiation,la conciliation, l'arbitrageet le règlement
judiciaire sont énumérésensemble à l'article33 dg a Charte
comme moyensde règlement pacifiquedes différends" 3b.

9.14 D'autres affaires ont aussi mis en évidence lecaractère incorrect de
l'affirmation australienne selon laquelle la Requête du Portugal serait

irrecevable, parce que les organes politiques auraient eux-mêmes prisla
responsabilité d'unesolution négociée de la question du Timor oriental. Dans

l'Affaire du Différend frontalier (Burkina Faso c. Mali), il est clair que la
Chambre n'étaitpas de l'avisque les négociations quise déroulaient sous les
auspices de l'"Accordde non-agression et d'assistance en matière de défense"

l'empêchaientde prendre en considération une demande en indication de
mesures conservatoires.La Chambre a observé que:

"...les Etats sont toujours libres de négocierou de réglercertains
aspects d'un différend soumis à la Cour;...le fait que les deux
Parties ont chargéun autre organe de définirles modalitésdu
retrait des troupes ne prive nullement la Chambre de;6&oits et
devoirs quisont les siensdans l'affaireportéedevant elle .

Et, dans l'Affairedes ~ctivitks militaireset paramilitaires au Nicaraeua et contre
celui-ci,laCour n'a pas seulement jugé que la juridiction concourrante des
organesjudiciaires et politiquesne posaient pas de problème,maisencore qu'elle

n'était

629 m.

630 I.*id p.23, par.43.
631
Diffkrendfrontalier,C.I.J.Recueip.10,par.24. "...pas en mesure d'admettre ...que l'existence du processus de
Contadora empw la Cour en l'espèce d'examiner la requête
nicaragueyenne" .

9.15 Cette jurisprudence démontre amplement que la Cour peut exercer
valablement sa juridiction mêmesi l'affairefait l'objetde l'attention des organes

des Nations Unies. Et il suffira de comparer les résolutionspertinentes et les
débatsavec la Requête quele Portugal a adresséeà la Cour pour voir que les
circonstances indiquéespar cette jurisprudence n'existent même pasdans cette

affaire. Ce qui a étéportédevant les Nations Unies est la question de l'invasion
indonésienneet des conditions de la satisfaction du droit du peuple du Timor

oriental à disposer de lui-même.Ce qui a étéporté devant la Cour est une
question différente,c'estcellede savoirsil'Australiea violélesobligations qu'elle

a en vertu du droit international vis-à-visdu Portugal et en ce qui concerne le
respect des droits du peuple du Timor oriental. Les déterminations non
équivoquesde la Cour sur sa liberté de poursuivre ou non son propre rôle

judiciaire en parallèle du r61e politique du Conseil de sécurité sont en
conséquenceun a fortiori dans la présenteaffaire.

9.16 L'Australie avance encore une variété d'autres argumentsdirigés à
l'encontre du caractèreprétendument nonjusticiable de ce différend.

9.17 Troisièmement, selon l'Australie "the subject-matter makes the case

unsuitable for adjudication by the Court in the proceedings"633. L'Australie
appuiecette prétentionpar deuxarguments liésl'unàl'autre. Lepremier est que:

"the international community is not yet a eed even as to basic
should nowbe recognized ...334 to which Ynd.nesia's sovereignty

632 Affairedes Actintb militaireset varamilitairesau Nicaraeuaet contre celui-CL(antt)
C.I.JRecueil 1984,440par.101.

633 Contre-memoirede I'Australie,p. 131.
634
Contre-memoiredel'Australie,p. 131-132,par.298.C'est une affirmation qui est manifestement erronée, commele montre le texte
mêmedes résolutionsdes Nations Unies demandant le retrait de l'Indonésieet

qui se réfèreaux droits du Portugal et du peuple du Timor oriental; et comme le
montre aussi le fait que l'Australie a reconnu la souveraineté de iure de

SIndonésiesur le Territoire du Timor oriental.

9.18 Il n'y a rien qui serait inhérent "à l'objet mêmedu différend" qui

empêcherait la Cour d'exercer sa juridiction sur Sespèce. Bien que, comme
l'Australie l'indique, beaucoup de choses sont complexes en matière de

décolonisation, il n'en résultepas que des questions juridiques relatives à la
décolonisation tombant sous l'article36 paragraphe 2 du Statut sont

inappropriéesau règlementjudiciaire. La Cour est tout àfait habituéeàtraiter de
questions complexes.

9.19 Le Portugal a déjàdémontréqu'étaient sansfondement les tentatives

australiennes de montrer qu'il existerait une incertitude de la communauté

internationale à l'égarddes prétentionsindonésiennesà la souverainetésur le
Timor oriental. A la connaissance du Portugal, l'Australie,seule, reconnaît &

l'annexionindonésienne. La position de la communauté internationale,dans
son ensemble, se reflète dansles résolutionspertinentes des Nations Unies. Mais

ceci n'est pas ce qui est en question devant la Cour. L'Australie ne peut pas
continuer à reconnaître un droit à disposer de lui-mêmeau peuple du Timor

et, en mêmetemps, dire que les réclamationsavancées,au nom de ce
peuple, par le Portugal à cet égardsont injusticiables,à cause d'une prétendue

incertitude de la communauté internationalesur la souveraineté indonésienne.

9.20 Toujours sous ce troisièmepoint, le second argument de l'Australie est

que "adjudication, in the proceedings, couldnot be dispositiveof the underlying
dispute"636.L'Australieaffirme que 'The primary issuein this case"est "the legal

status of Indonesia'sadministration in East ~imor..."~~~. aiscela n'ajamais été
une condition de recevabilitéqu'unqu'ilconquearrêtque la Cour pourrait rendre

635 Voir, parexemple,la dkclaratdu Ministredes Affairesetrangeresd8avril1983,
Comm. Rec. 402; on 4dhmbre 1983, AB8pV.17, p.78: Australian Practicein
Internationalaw, 1981-1983Voir aussila reponsekcrite duMinistredes Affaires
etrangeresdu 4septembr1984HR Deb. 1984,562-562. ..

636 Contre-mkmoirdeel'Australi,.132,par299.

637 Ibid.devrait &trecapable de résoudretous les aspects d'un différend. Le r61e de la

Cour est de déciderde tous lesdifférendsjuridiques, telqu'ilssont identifiésdans
l'articl36 paragraphe 2,alinéasa) àd) de son Statut.

Comme leJuge Mosler l'aécrit:

"the only preliminary objection possibleagainst the jurisdiction of
theCourt on the admissibilityof an application based on this clause
is, therefore, to claqjffatthe dispute does not belong to one of
these four categories" .

Si une requêterentre sous cette catégorie,il ne peut pas êtreprétendu qu'elle

n'est pas justiciable parce que la solution des questions qu'elle contient ne
résoudraitpas la totalitéd'un différend. Ceci a étérécemmentconfirmépar la

Cour dans l'Affaire relative à des Actions frontalières et transfrontalières.
Comme la Cour l'adit:

"Il est incontestable que les questions soumises à la Cour
pourraient êtreconsidérées comme faisanp t artie d'un problème
régionalplus large. La Cour n'ignorepas les difficultésqui peuvent
surgir lorsque des aspects particuliers d'une situation générale
complexe sont soumis à t8& tribunal pour qu'il se prononce
séparémentsur cesaspects .

Néanmoins, comme la Cour I'a fait observer dans l'Affaire du Personnel
diulomatique et consulaire des Etats-Unis àTéhéran:

"aucune dispositiondu Statut ou du Règlementne lui interdit de se
saisir d'un aspect d'un différendpour la simple raison que ce
difî&nd comporterait d'autres aspects, si importants soient-
ils" .

9.21 La Cour a indiqué,d'une manièreexplicite,dans cette mêmeaffaire, que
sajuridiction pour déciderd'une questionjuridique n'étaitpas circonscrite par le

fait que la question soumise.n'étaitqu'un aspect d'un différendpolitique641. 11

638 M. Mosler,"PoliticalandJusticiableLe~alDisputes:Revivalof an OldControvenv",in
ContemoorarvProblemsof ~nternatio~alL&, ed. B. Chengand E. Brown, ond don,
Stevens, 1988,p. 221.

639 C1.J.Recueil1988,p.92,par.52.

640 C.I.J.Recueil1980,p. 19,par.36.

641 C.LJ.Recueil1980,p. 19, par.36.doit êtreégalement vrai que la compétence de la Cour, pour décider d'une

question juridique, n'estpas circonscritepar lefait que cette questionjuridique ne
règle pas la totalitédes questions juridiques qui pourraient se poser si tous les

aspects du différend,juridiqueset politiques,qui ysont liés,devaient &trerésolus.
D'une telle position, en fait

"...il en résulterait unerestriction considérableet injustifiéede son
rBle en maiPd5 de règlement pacifique des différends
internationaux .

9.22 Quatrièmement, l'Australie affirme que la prétention du Portugal est
irrecevable parce que "the Court cannot make reliable finding of facts on issues
central tothe casett643.

9.23 La Cour a établi lesfaits qui lui étaientnécessairesen des circonstances

difficiles comme l'a mis en évidenceson jugement dans l'Affaire des Activités
militaires et aram militairesu Nicaraeua et contre celui-ci.La Cour n'a jamais

considéréque le fait qu'une partie ne se présente pas devant elle pose des
problèmes d'établissementdes faits de telle sorte qu'elledevrait immédiatement

déclarer que l'affaire serait irrecevable. A fortiori, l'absence d'une non-partie
(comme l'est l'Indonésie) empêcheencore moins I'établissementdes faits.

Cependant, dans la présenteaffaire, laCour n'estpas appelée à établirdes faits.
Les questions portées devant la Cour par la Requête portugaise sont des

questions de droit relatives à la conduite australienne au regard du peuple du
Timor oriental et du Portugal. C'est seulement dans l'affaire qu'ellea imaginée
que l'Australie répèteavec insistance à la Cour qu'illui est demandéde décider

de novo (si "lndonesia's claim to sovereignty over the territory is j~stified"~~~)
qu'un tel problèmepourrait se poser.

9.24 En tout cas, la question n'est pas une question de juridiction. C'est à la

partie qui affirme des faits particuliersde les prouver.Comme la Cour l'aobsewé
dans l'Affaire des Activités militaireset Daramilitairesau Nicaraeua et contre

642 m., p.20,par.37.
643
Contre-memoirede I'Australiep. 132.
644 Contre-memoirede l'Australp.133,par.3û2.celui-ci, lorsqu'une preuve satisfaisante se fait attendre, une thèse peut &tre
rejetée par I'arr&tcomme n'étantpas prouvée,"maiselle ne saurait &tredéclarée
,645
irrecevable in limineparce qu'onprévoitque lespreuves feront défaut .

9.25 Cinauièmement, l'Australie prétend que "the case cannot be suitable for
adjudication if the Court's decision could not contribute to the resolution of the

dispute with which it is ~oncerned"~~~.Une foule d'arguments sont avancésà
l'appui de cette affirmation. L'Australieaffirme que l'absence de la partie "most

directly concemed" signifieque la Cour ne peut pas contribuer au règlement du
différend.Mais la Partie directement concernéeest l'Australie,seule sa conduite

est en question. L'Australieindique que les donnéesfactuelles ne sont pas devant

la Cour, à cause de l'absence de l'Indonésie,et que l'Indonésiene peut pas être
liée.Ceci n'est pas pertinent àl'affairequiest devant la Cour. L'Australieprétend

que le Portugal demande à la Cour de "depriveAustralia of its sovereign nghts",
mais le point de savoir si l'Australie a le droit d'entrer dans des traitésqui ne

tiennent pas compte des droits du peuple du Timor oriental est une question tout
à fait appropriée à une décisionsur le fond. L'Australie,après avoir accoléà sa

thèse le jugement politique qui sert sa cause, c'est-à-dire qu'une décisionen
faveur du Portugal serait au détrimentdu peuple du Timor oriental, prétend que,

si la Cour devait déciderde la question juridique qui lui est soumise, elle ne se
confinerait pas à sa fonction judiciaire. Cette affirmation est déconcertante et

sansfondement.

Section 2. Lesdemandes du Portugal sont conformesau droit

9.26 A la partie II, Chapitre 4 de son Contre-mémoire, l'Australie avance
différentes raisons de 'Tudicialpropriety" selon lesquelles la Cour ne pourrait

poursuivre sur le fond de l'affaire. Selon l'Australie,

"Portugal invites the Court to decide Ind~nesia&~nghts and
responsibilities inits absence andwithout itsconsent" .

645 C.I.J.Recueil 198p.437,par.101.

646 Contre-memoirede l'Australip. 134.

647 Contre-memoirede l'Australip. 136.Ceci est essentiellement une répétitiondes arguments que i'Australie avait déjà

avancésau Chapitre 1, Partie 2 de son Contre-mémoire. Le Portugal a présenté
sa réponsedans les ChapitresIIet VI1 de cette Réplique.

En outre, selon l'Australie:"Judgrnentfor Portugal may advantage Indonesia to
the detriment of the people of East ~imor"~~~.L'Australie agitele spectre de

l'Indonésie"at large to pursue its owninterests, unencumbered by any agreement
with the neighbouring tat te"^ Un^e.invitationà la spéculationsur de telles

possibilités hypothétiques peut difficilement être considérée comme un
fondement de I'judicialpropriety whythe Court should not decide this casev6..0

L'Australie ajoute que, bien que les bénéficesde l'"Accord" retombent
maintenant sur l'Indonésie,ilspourraient revenir au peuple du Timor oriental si
l'Indonésiechoisissaitde faire en sorte qu'une"equitableshare" de ses profits leur

soit versée.Par cette suggestionque le peuple du Timor oriental puisse obtenir
"an equitable share" de ses propres ressources, cecidevant êtredécidépar la

puissance occupante si elle choisit de le faire, l'Australie, délibérém,ie sa
propre responsabilité. La suggestion est blessante et n'a rien à voir avec la

Tudicialpropriety".

9.27 L'Australie affirme aussi que même cette "perspective" de bénéfice
pourrait disparaître si la Requête du Portugal était acceptée, parce que

l'Australie ne pourrait alors faire aucun arrangement comparable pour
l'exploitationcommerciale des ressourcesdu "TimorGap"avecle Portugal, car ce
dernier "is not the relevant coastal state with authority over the territory.

L'opposabilité à l'Australie du statut du Portugal en tant que Puissance
administrante est exactementl'unedes questionssurlesquellesila étédemandé à

la Cour de se prononcer652. Affirmer simplement une conclusion négativeet
l'offrircomme une raison de "judicialpropriety" empêchantla Cour de juger de

l'affaireest tendancieux et constitueun cerclevicieux.

648 Contre-memoirede l'Australie,p. 137.

6-39 Contre-memoirede l'Australie,p. 137,par.310.

650 Contre-memoiredel'Australie,p. 136,par.306.

651 Contre-memoirede l'Australie,p. 138,par.313.
652
Requeteet MemoireduPortugal,lere Conclusion,p.235.9.28
Selon l'Australie encore, "Portugal invites the Court to decide a non-
justiciable dispute"653. L'Australie affirme qu'une affaire n'est pas justiciable si
"itcannot be decided accordingto L'Australierépèteavec insistance que

l'affaireexige la participation de'Indonésieet la non-participation de l'Australie
elle-même (n'étant pas une partie"directement concernée").L'Australie ajoute

ensuite que la Cour ne peut pas établir les faits pertinents ou contribuer à
,8655
résoudre "the fundamentalmatters at the heart of thiscase .

9.29 Le Portugal a montré,dans son Mémoireet dans cette Réplique,que ses
demandes sont dirigéescontre l'Australie,à cause de sa propre conduite, et que

la liceitéou illiceitéde cette conduite peut êtredécidéepar la Cour sans la
présencede l'Indonésie. La décisionsur ces questionsjuridiques ne nécessite pas

un établissement desfaits que la Cour ne soit pas en mesure de faire en l'absence
de l'Indonésie.De même,il n'est pas nécessairepour la Cour d'apporter sa

contribution à la résolutiond'autres questions qui ne sont pas devant elle, avant
qu'elle puisse passer à l'exercicede sa compétencesur les questions qui lui ont

été correctement soumises.

Section3. Les effetsde I'arrêt demandéseront utiles et etficaces

A. Les effetsde l'arrêt serontutiles

9.30 L'Australie affirme que la Requêtedu Portugal est irrecevable parce
qu'un "Judgment for Portugal cannot serveanylegitimateobject 11656.

9.31 L'objet de l'arrêt demandé par le Portugal est en réalitélégitime.Il s'agit

de conserver les droits du peuple du Timor oriental à disposer de lui-mêmeet à
ses richesses et ressources naturelles. A cette fin légitime,le jugement attendu

cherche à empêcherl'Australie de disposer des ressources sur lesquelles un
peuple non-autonome a des droits présentset inaliénables.

653 Contre-mémoirdee L'Australie.39.

654 Contre-mémoirdee I'Austral, . 139,par.315.

655 Contre-mbmoirede I'Austral, . 139,par.316.

656 Contre-memoirede L'Australie,.22.9.32 L'Australie prétend qu'une quelconque décisionen faveur du Portugal

serait "devoid of object or purpose"657. L'Australie ajoute que seulement des
jugements qui lieraient l'Indonésieauraient un "object or purpose", dans le sens
de la résolutionde ï"under1yingdispute".Cet argument -qui estrépété presque à

chaque titre des arguments australiens sur la recevabilité -tourne en rond. En
ignorant la question juridique des devoirs des Etats, conformément au droit

international, de respecter le droit d'un peuple à disposer de lui-mêmeet à sa
souverainetépermanente, l'Australieinvente un nouveau différenddont elle dit

qu'ilexisterait entre le Portugal et l'Indonés,épèteavecinsistancequece serait
en réalitéle différendque le Portugal a portédevant la Cour, et alors nie le

pouvoir de la Cour de se prononcer sur un différendqui ne luiajamais été soumis
surlabase que l'Indonésien'est pas,devant elle,en tant que défendeur.

9.33 L'Australie invoque l'Affaire des Essais nucléaires et l'Affaire du
Cameroun Se~tentrional à l'appui de son affirmation que l'instance dans la

présente affaire serait "fniitless".Dans l'Affairedu Cameroun Se~tentnonal, la
Cour a dit que son jugement doit avoir des conséquencespratiques dans le sens

"qu'il doit pouvoir affecter les droits ou obligations juridiques existant des
parties..."658.La Cour a accepté l'idée qu'ellepourrait rendre un jugement

déclaratoire,maisétaitconfrontéeau problèmeque le différendétait

"relatifà l'interprétationetàl'applicationd'unTraité -l'accordde
tutelle- qui a pris fin, qui n'est plus en vigueur; [qul'iln'y a plus
aucune ~ossibilitéaue ce traitéfasse à l'avenir lobiet d un acte
d'inteFétaggg ou 'd'applicationconforme à un jugément rendu
par la our" .

Ce fut dans ce contexte très spécifiqueque la Cour s'est trouvée obligée
d'examiner "si l'arrêt, unefois rendu, sera susceptible d'application ou

d'exécutionà un moment quelconquede IIavait déjàété mis finà la
tutelle par une résolutionde l'Assembléegénéraleet comme le Juge Nagendra

Singhl'écrivitplustard

6s7 Contre-memoirede I'Australie,p. 122,par.271.

658 C.I.J.Recueil 1963,p.34.

6s9 Ibid.p.37.

6b0 Ibid.,p.37. "0th sidesrecognizedthat the resolutions ofthe General Assembly
legal situation" .the trusteeship and irrevocably created a new

9.34 iiest clair que ces circonstancesparticulières qui ont conduit la Cour à

rejeter la requête,comme étant dénuée de finalitépratique, n'existent pasdans la
présenteespèce.L'Assembléegénérale n'apas misfin au statut de territoire non-

autonome du Timor oriental et les Parties à l'affairen'ont pas reconnu que cela
soit le cas. Tous les traités qu'il convient d'interprét-rla Charte, les Pactes
relatifs aux droits de l'homme et l'"Accord" - sont en vigueur. De même,des

questions de droit international général applicable sont également devant la
Cour.

9.35 Dans l'Affairedes Essaisnucléaires,la Cour considéraqu'elle

"doit teRgre que l'objet de la demande a éteatteint d'une autred a
manière .

La Cour a noté que les déclarationsde la France concernant la cessation des

essaisnucléairesavait eu ce résultatjuridiqueet qu'enconséquenceun règlement
judiciaire devenait dépourvud'objet. Ce fut dans ce contexte spécifiqueque la

Cour a décidé contrela poursuite d'"une procédure qu'elle sait condamnée à
rester stérile"663.Dans la présente affaire, en revanche, le différend n'a pas
"disparu". Les buts de la Requêten'ont pas étéatteints par d'autres moyens.

Aucun engagement n'a étépris par l'Australie - que ce soit par déclaration
unilatérale ou autrement -de respecter le droit du peuple du Timor oriental à

disposer de lui-mêmeet à sa souveraineté permanente sur ses richesses et
ressources naturelles, ni d'offrirune réparation au peuple du Timor oriental et au
Portugal.

N. Singh,The Role and Recordof the InternationalCourt of Justice,Nijhoff, 1989,
p. 130.

662 C.I.J.Recueil1974,p.271,par.58.

663 Ibid.,p. 271,par.56.9.36 L'Australie affirme que, en l'absence de l'Indonésie,"no judgment in

Portugal's favour would be capable of effective legal application"664. Mais une

décisionen faveur du Portugal le serait contre l'Australie, noncontre l'Indonésie.
Et comme la Cour l'a observée dans l'Affaire des Activités militaireset

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, elle "ne peut ni doit envisager
l'éventualitéque I9arr&tresterait ine~écuté"~~~ E.n bref, la suggestion d'une

possible non-exécutionne peut pas rendre une requête irrecevable car ceci
encouragerait la non-coopération avecla Cour.

9.37 L'Australieaffirme en outre que la Cour ne peut pas exiger d'elle qu'elle

viole une obligation conventionnelle qu'elle a envers un Etat tiers. II a été
réponduà ces arguments au Chapitre VI, section 5, et au ChapitreVII, section

3.B de cette Réplique. La seule chose que le Portugal puisse ajouter c'est
qu'aucun Etat ne peut conclure un traité avec un autre Etat qui violerait une

obligation du droit international et prétendre qu'une réclamation à l'encontre
d'une telle violation est irrecevable parce qu'elle impliquerait la violation d'une

obligation conventionnelle valide. Au cas où la Cour déterminerait que, par la

négociation, la conclusion et le commencement d'exécution de 1"'Accord,
l'Australiea violé lesdroits du peuple du Timor oriental, l'Australieaurait à tirer

ses propres conclusions sur la manière dont elle devrait agir. A cet égard, le
Portugal ne demande pas à la Cour de résoudre un quelconque conflit

d'obligations.Aucune question de '3udicialpropriety"ne se pose.

9.38 L'Australie prétend qu'un jugement en faveur du Portugal constituerait
une négation de son droit à la protection de ses "long asserted sovereign

~i~hts"~~~ D.ans ce contexte, l'Australieaffirme qu'étantdonnéel'absence d'une
quelconque décisionpertinente des Nations Unies, elle aeu le droit d'agircomme

le fitLe Portugal a déjàmontréque les décisionspertinentes des Nations Unies

ont affirmé,en les termes les plus clairs, le droit du peuple du Timor oriental
disposer de lui-mêmeet sa souveraineté permanente sur ses richesses et

ressources naturelles et que 1'~ustràlie a agi en pleine connaissance de ces
décisions.

Contre-mkmoirede l'Australie,p. 125277..

665 Activités militaireest varamilau Nicaraguet contre celui-ci,C.I.J.Recueil 1984,
p. 437,par.101citantl'Affairede l'Usinede Chorzbw,C.P.J.I.SeriesA, no17,p.63.

666 Contre-mkmoirede l'Austral, . 127.9.39 L'Australie regarde ses "sovereign rights"dans la zone du 'Timor Gap"

comme un fait donné et la Requêtedu Portugal comme une tentative de nier
toute protection de ces droits. Mais l'étenduedes droits de l'Australie dans cette

zone dépenddu droit international. La ligneprécise,à tracer, entre la juridiction
de l'Australie et celle du Timor oriental, ainsi que l'établissement d'une

quelconquezone de collaboration, doivent êtrerésolusau moyen de négociations
avec le Portugal comme étant1'Etatayant autorité pour traiter de ses matières

pour le compte du peuple du Timor oriental et en conformité avecles règles du
droit international. Ces règlescomprennent les obligations relatives au droit à

l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur les richesses et
ressources naturelles. L'Australie ne peut pas protéger des droits qu'elle

revendique dans le 'Timor Gap" en violant d'autres exigences du droit
international.

9.40 Ainsi, on peut le voir, la demande d'unjugement en faveur du Portugal a

un objet légitime:la conservation des droits du peuple du Timor oriental; et en
fait, le Portugalen tant que Puissanceadministrante est obligéde rechercher une

telle protection.Le recours judiciaire est aujourd'hui le moyen le plus effectif
dont le Portugal dispose pour honorer cette obligation.

B. Les effetsde l'arrêt seronefficaces

9.41 C'est à la section IV du Chapitre 2 de la deuxièmepartie de son Contre-
mémoire quel'Australiedéveloppele thèmeselon lequel lejugement requis de la

Cour serait dépourvud'efficacité, c'est-à-die'effet concret:

"Judgment for Portugal would benefit neither Portugal nor the
people of East Timor, and Portugal could not implement any such
judgment ,bb fulfilling the responsibilities that would arise
therefrom" .

9.42 Sans avoir à revenir sur ce qui a édit plushaut, il convient d'observer ici

qu'une telle affirmation ne se conçoit qu'en fonction des déformations que le
Contre-mémoireautralien veut àtoute force faire subir à l'objetde la Requêtedu

Portugal, qu'il s'acharne à dépeindre comme un demandeur animé d'amères
penséesinavouées.

667 înntre-mkmoire de l'Austrp.120.9.43 En réalité, telsne sont evidemment pas les effets concrets que le Portugal

attend du jugement de la Cour; il s'essuffisamment expliqué sur les buts très
explicites qu'ilrecherche dans sa Requêtepour ne pas avoir àles répéter.L'objet

de sa Requête,étalonen fonction duquel doit êtreévaluéeI'efficacitéde l'arrêt
qu'il demande, n'est pas de régler la question du Timor onental en tous ses

aspects ni de demander à la Cour d'ordonner l'organisation d'un référendum
d'autodétermination. Il est plus simplement de faire respecter le statut juridique

du Temtoire du Timor oriental par l'Australie et, en tant que Puissance
administrante de ce Temtoire, de défendre les droits de son peuple, en

particulier son droit sur ses ressources naturelles. Si la Cour fait droit aux
demandes du Portugal, ces objectifs seront réaliséset l'arrêt,ayant atteint ses

buts, sera donc pleinement efficace.

9.44 Le fait que le Portugal ne soit pas en mesure aujourd'hui d'exercer le
contrôle effectif du Timor oriental ne fait pas disparaitre l'ensemble des

obligations qu'il est toujours en mesure d'accomplir, et il a le devoir de s'y
soumettre,par toutes les voies appropriées, organiques(par la coopération active

avec les organes compétents des Nations Unies et des autres institutions
internationales concernées), diplomatiques (dans ses rapports avec les autres

Etats) ou, en l'occurrence, juridictionnelles. en effet le devoir de saisir tous les
moyens qui s'offrent àlui pour la défense internationale des droits du peuple dont

ilcontinue àavoir la charge.

9.45 Pour définir globalement l'objet de l'action menée par le Portugal devant
la Cour, en fonction duquel peut seulement être appréciée I'efficacité du

jugement qu'il attend d'elle, on pourrait ainsi dire qu'au sens le plus large et le
plus génériquedu terme, il intente devant elle une "action conservatoire des

droits du peuple du Timor onental et du Portugal à l'encontre des actions
attentatoiresà ces droits menéespar l'Australie"et que c'esten fonction seule de

la nature et des fins de cette action que l'efficacitéde l'arrêtà venir doit être
appréciée.

9.46 C'est dans une telle perspective qu'ilconvient de rappeler trèsbrièvement

ce que le Portugal a énoncéau Chapitre IX de son Mémoire concernant la
réparation des préjudicesque le peuple du Timor oriental et le Portugal ont subiet continuent de subir668. 11insistaitalors sur la nature des dommages provoqués
par les faits illicitesde l'Australiepour soulignerqu'ilsétaientessentiellement des

préjudices juridiques ou moraux, relevant à ce titre de modes réparatoires
appropriés.

9.47 Aprèsavoir dresséle constat de l'opposabilitéà l'Australiedes qualitésdu

Timor oriental et du Portugal et de la commission par elle des faits illicites
découlantde la méconnaissanceactivede ces qualités,la Cour est priéede dire à

l'Australie de cesser ces faits illicites et de ne pas les répéter, autant de
Conclusions qui, si elles sont effectivement consacrées,réaliserontla réparation,

par la voie de la "satisfaction",des préjudices juridiqueset moraux subis par le
peuple du Timor oriental et sa Puissance administrante. II appartiendra

cependant à la Cour d'adapter ou de compléter éventuellementces réparations
en fonction de l'importance particulièredes règles de droit méconnues par

l'Australieet de la gravitéde cesviolations.

9.48 Comme dans toute action en responsabilité, l'effec toncret de l'arrêtde la

Cour sera en particulier d'obliger l'Australieà traiter à nouveau effectivement le
Timor oriental comme un territoire non-autonome, sa population comme un

peuple et Ie Portugal comme sa Puissance administrante et à s'abstenir de tous
actes attentatoiresà leurs droits respectifs.

Aucun autre Etat ne sera de toute façon juridiquement obligépar l'arrêtde la

Cour, en vertu de l'article59 de son Statut. Une Chambre de la Cour a du reste
encore eu très récemmentl'occasionde montrer l'ampleur de la portée de cette

disposition669.Elle l'afait à propos d'un Etat intervenu à l'instance,en relation
avec l'aspect maritimede l'affairequi opposait leHonduras à El Salvador dans le

cadre de leur différend frontalierterrestre, insulaireet maritime; c'estdire qu'elle
l'a faità propos d'un Etat dont un "intérêd t'ordrejuridique" étaitmis en cause

dans l'affaire précitée.On peut déduire a fortiori d'un tel précédent que,en
l'absence d'interventiond'untiers, l'arrêtaura, envertu de l'article59,une portée

incontestablement restreinte auxdeuxseules Parties àl'instance.

668 Memoiredu Portugal,p.228-234,par.9.03-9.13.

669 Affaire dudifferendfrontalier terrestre. iet maritime(El SalvadorHonduras),
C.I.JRecueil1992,par.424.9.49 La question de la réparation desdommages matérielscauséspar le début

de mise en oeuvre de l'"Accord"relève d'autres modes réparatoires que les
préjudices juridiques et moraux ressentis par le peuple du Timor et par le

Portugal. Comme i'anoté cedernierdansson Mémoire,

"En tout étatde cause, toute exploitation entreprise par l'Australie
au-delà de la ligne des00millesnautiques àpartir de ses lignesde
base peut d'ores et déjaêtreconsidérées ,ielle étaitér comme
portant atteinte auxdroitsexclusifsdu peuple du Timor"&O .

Or, depuis le dépôt dudit Mémoire, la menace d'atteinte matérielle aux
ressourcesnaturelles sur lesquellesle peuple du Timor oriental détientdes droits

exclusifsn'a fait que se préciser671.Le Portugal préconisedans ces conditions
l'allocation au peuple du Timor oriental d'une réparation provisionnelle dont il

sera l'unique bénéficiairesous la garantie de sa Puissance administrante. Mais la
Cour demeure de toute façon, ici encore, libre de définirpar elle-même les

réparations qu'elle jugera les plus appropriées compte tenu de l'état de la
situationau moment du prononcéde l'arrêt.

670
Memoire du Portugal,234,par.9.13.
671
AnnexeILS,Replique,vol.II,p. 184;AnnexeIL6,Replique,vol.I186etAnnexe IL7,
vol.IIp.188. CONCLUSIONS

Vu les faits et lespoints de droit exposésdans la présente Répliqueet sous

réserve de tous élémentsde fait et de droit et de toutes preuves soumis
ultérieurement, ainsi que du droit de compléter et d'amender les présentes

conclusions,

le Portugal a l'honneur de:

- Prier la Cour de rejeter les exceptions australiennes et dire et juger qu'elle

a juridiction pour se prononcer sur la Requêtedu Portugal et que celle-ci
est recevable, et

- Demander qu'ilplaise àla Cour de:

Dire et juger que, d'une part, les droits du peuple du Timor oriental à
1)
disposer de lui-meme, à l'intégritéet à l'unité de son territoire et à sa
souveraineté permanente sur ses richesses et ressources naturelles et, d'autre

part, les devoirs, les compétenceset les droits du Portugal en tant que Puissance
administrante du Territoire du Timor oriental sont opposables à l'Australie,

laquelleest tenue de ne pas les méconnaîtreet de les respecter.

2) Dire et juger que l'Australie, du fait d'abord d'avoir négocié, concluet
commencé l'exécutionde l'Accord du Il décembre 1989, ainsi que d'avoir pris
des mesures législativesinternes pour son application, et de négocier toujours

avec I'Etat partià cet Accord la délimitationdu plateau continental dans la zone
du 'Timor Gap", du fait ensuite d'avoirexclu toute négociationavec la Puissance

administrante quant àl'exploration et àl'exploitationdu plateau continental dans
la mêmezone, du fait enfin de se proposer d'explorer et d'exploiter le sous-solde

la mer dans le 'Timor Gap" sur la base d'un titre plurilatéral auquel le Portugal
n'est pas partie (chacun decës faits étant,àluiseul, suffisant):

a) a porté et porte atteinte au droit du peuple du Timor orientalà disposer

de lui-même, àl'intégritet à l'unitéde son territoire àtsa souveraineté
permanente sur ses richesses et ressources naturelles et viole l'obligation

de ne pas méconnaître et de respecter ce droit, cette intégritéet cette
souveraineté; a portéet porte atteinte aux compétencesdu Portugal comme Puissance
b)
administrante du Temtoire du Timor oriental, fait obstacle à
I'accomplissementde ses devoirs vis-à-visdu peuple du Timor oriental et

de la communauté internationale, porte atteinte au droit du Portugal
d'accomplirses responsabilités,et violeI'obligationde ne pas méconnaître

et de respecter cescompétences,ces devoirset ce droit;

c) enfreint lesRésolutions384et 389du Conseilde sécuritév ,iole l'obligation
d'acceptation et d'applicationdes résolutionsde ce Conseilimposéepar la

Charte des Nations Unies, méconnait le caractère obligatoire des
résolutionsdes organes des Nations Unies relatives au Timor oriental et,

plus généralement,viole les devoirsde coopération,de bonne foi, avec les
Nations Unies,propres auxEtats Membres.

Dire et juger que, du fait d'avoir excluet d'excluretoute négociationavec
3)
le Portugal en tant que Puissance administrante du Temtoire du Timor oriental,
quant à l'exploration et à l'exploitationdu plateau continental dans la zone du

'Timor Gap", l'Australie a manqué et manque au devoir de négocier pour
harmoniser les droits respectifs en cas de concoursde droits ou de prétentionssur

les espaces maritimes.

4) Dire et juger que, de par lesviolationsmentionnéesauxparagraphes 2 et 3
des présentesConclusions, l'Australie aengagésa responsabilitéinternationale et

causépréjudice, dont elle doit réparation au peuple du Timor oriental et au
Portugal, sous les formes et selon les modalités qu'il appartient à la Cour

d'indiquer,compte tenu de la nature des obligationsviolées.

5) Dire et juger que l'Australie doit,vis-à-visdu peuple du Timor oriental, du
Portugal et de la communautéinternationale, cesser toute violation des droits et

des normes internationales visés aux paragraphes 1, 2 et 3 des présentes
Conclusions,et notamment, jusqu'à ceque le peuple du Timor oriental ait exercé

son droit de disposer de lui-même,dans les conditions fixéespar les Nations
Unies: s'abstenir de toute négociation,signature ou ratification de tout accord
a)
avec un Etat autre que la Puissance administrante concernant la
délimitation, ainsi que l'exploration et l'exploitation du plateau

continental, ou l'exercicede la juridiction sur celui-ci, dans la zone du
'Timor Gap";

s'abstenir de tout acte relatif à l'explorationet à l'exploitationdu plateau
b)
continental dans la zone du 'Timor Gap" ou à l'exercicede la juridiction
sur ce plateau, sur la base de tout titre plurilatéralauquel le Portugal, en

tant que Puissanceadministrante du Territoire du Timor oriental, ne serait
pas partie.

Antonio Guilherme Lopes de Oliveira Cascais
Agent du Gouvernement de laRépubliqueportugaise LISTE DESANNEXES
(VolumeII)

1. Documents du Conseil de sécurité. del'Assembléee6nérale. du
Secrétariateénérae lt du Comitédes 24concernant leTimor oriental

a) Documentsdu Conseilde sécurité
L 1
sécuritédu 21juin 1976d....................................................1..........
..........................

1.2 Conseil de sécurité,Note du Président du Conseil de sécurité,
Document Sl12104,21juin 1976 .............................................3...........................

b) Documents de l'Assemblée générale

L3 Assemblée générale, 46ème session, procès-verbal rovisoire de la
7èmeséance,Document Al46PV.7, ler octobre 1991.&raits) ...............5.........
1.4 Assemblée générale,47ème session, procès-verbal rovisoire de la
7èmeséance,Document Al47PV.7, ler octobre 1992.&raits) ...............0.......

c) Documents du Secrétariatgénéral

L5 Assembléegénérale,Comité spécial chargé d'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de
1indépendanceauxpa s et auxpeuples coloniaux,Timor. Document de
travail établi par leiecrétariat. Document NAC.109L.972. 21août

1.6 Conseil de sécurité,Rapport du Secrétaire général, présenté en
application de la résolution389 (1976) duConseil de sécurité, nnexe
et Appendice, Document S/12106,22juin 1976 ...................................................

1.7 Assembléegénérale,Comité spécial chargé d'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de
1indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Timor oriental,
Document de travail établi par le Secrétariat, Document
A/AC.109/1115,17juillet 1992 ............................................4..................
............
Assemblée générale,47ème session, Question du Timor oriental,
1.8 Rapport intérimaire du Secrétaire général, Document 4471435,
Il septembre 1992 ........................................................3.......
................................

d) Documents du Comitédes24

I9 Assembléegénérale,Comité spécial chargé d'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de
1indépendanceaux pays et au peuples coloniaux,Déclarationfaite par
le President du Comité spécial le 14iuin 1976,A/AC.109/527. 15juinAssembléegénérale,Comitéspécialchargéd'étudierla situation en ce
qui concerne I'appIication de la déclaration sur I'octroi de
lindépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1053ème séance,
Document NAC.109ffV.1053, 9septembre 1976.(Extraits) ...................9...........

Assembléegénérale,Comitéspécial chargé d'étudier lasituation en ce
l indépendance aux pa s et aux peuples coloniaux, 1123ème séance,
Document A/~~.109/P$.1123, 25août 1978.(Extraits) .......................71...............

Assembléegénérale,Comitéspécial chargé d'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur I'octroi de
l indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1161èmeséance,
Document NAC.109/PV.1161, 17août 1979.(Extraits) .......................73.................

Assemblée généraleC , omité spéciaclhargé d'étudier lasituation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur I'octroi de
l indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1174ème séance,
Document NAC.109PV.1174, 14août 1980.(Extraits) .......................7...............
Assembléegénérale,Comité spéciac lhargéd'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur I'octroi de
lindépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1194ème séance,
Document NAC.109PV.1194, 14août 1981.(Extraits) .......................78...............

Assembléegénérale,Comité spécial chargé d'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur I'octroi de
l indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1126èmeséance,
Document NAC.109/PV.1226, 14septembre 1982.(Extraits) ..................0..........
Assembléegénérale,Comitéspécial chargé d'étudierla situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de
lindépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1241èmeséance,
Document A/AC.109/PV.1241,17octobre 1983.(Extraits) ....................4............

Assembléegénérale,Comitéspécialchargé d'étudier la situation en ce
qui concerne l'application de la déclaration sur I'octroi de
1indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1260èmeséance,
Document NAC.109PV.1260, 14septembre 1984.(Extraits) ..................6..........

AssembléegénéraleC , omitéspécial chargé d'étudierla situation en ce
Iindépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1284ème séance,i de
Document &AC. 109/PV.1284,20août 1985.(Extraits) .......................98..............

Assembléegénérale,Comitéspécialchargé d'étudier la situation en ce
ui concerne l'application de la déclaration sur I'octroi de
?indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, 1341èmeséance,
Document NAC.109ffV.1341, 24août 1988.(Extraits) ......................10.............

Assembléegénérale,Comitéspécial chargé d'étudierla situation en ce
ui concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de
DocumentdanNAC.109PV.1385, 27août 1991.(Extraits)V85......................10..............2 quiemconcerneral'application declargdéclaration suritl'octroi dee
lindépendance aux pa et aux euples coloniaux, 1398èmeséance,
Document A/AC.l09/P r .1398,19kévner1992.(Extraits..................10............

1.22 quiemconcerneral'application dellahadéclaration sursil'octroi dece
l indépendance aux pa s et aux peuples coloniaux, 1406èmeséance,
Document A/AC.l09/P .1406,28août 1992.(Extraits)....................1...............

1.23 Assembléegénérale, 46èmesession,Rapport du Comité spécialchargé
d'étudierla situation en ce qui concerne l'applicationde la déclaration
portant sur les activitésenn1991), Document A/46 P3 (PartieiV),,
$octobre 1991.(Extrait...............................................4.............
...................

II. Autresdocuments

IL1 Copie de la lettre de l'Agentde la République portugaiseau Greffieren
date du lerjuin 1992 et copie de la communication de l'Agent de
l'Australieau Greffier en date du 10juin............................15.................
IL2 Déclarationdu Gouverneur du Timor oriental, Portuguese MPs should
talk onlyto officials,Jakarta Post, 12Octobe........................1.6...............

IL3 Annexe relative auxréactionsaustraliennesaurèsle massacre de

- Senator Brian Harradine, Media Release, Anger Spreading at
Deaths in East Timor, Canberra, 13November 1991

- Lettres des Sénateurs Bruce Childs Jim McKiernan au Ministre
13novembre 1991Affaires étrangères et du Commerce, en date du

- Lettre de 59 membres du Parlement de I'Etat de Victoria au
Ministre australien des Affairesétrangèreset du Commerce, en date
du 13novembre 1991
- Senator Vicki Bourne, News Release, East Timor - Australia's
Shame, 20November 1991

11.4 Débatau Sénat del'Australieen date du 26 novembre 1991,Hansard,
p. 3319-3339.(Extraits)................................................3........
......................
11.5 Minister For Resources, Alan Griffiths MP, Media Release, Zone of
Cooperation ExplorationAgreement Signed,12December 1991 ............18......

11.6 General Assembly, Secunty Council, letter dated 18December 1991
from the Permanent Representative of Portugal to the United Nations
5123339,31December 1991ry.............................................86............
...............

11.7 Embassy ofPortugal, Canberra, Press Release, 18December 199..........1......renforcement de lati C& Tim-rConvergence ationaliste Timoréenne,
19 mai 1991.(Traduction).................................................9................
..................

Timor oriental. Proposition de solution, Abllio de Arafij10 octobre
1991. (Traduction d'extrait.............................................1..................
.............
Messa e de Xanana Gusmao, Conseil Nationalde RésistanceMaubère,
Falinti,24 novembre 1991.(Traduction)...................................0.........................

Article 7 de la Constitution portugaise du 2 avril1976. (Traduction
d'extraits)................................................................
..............................................

October 4,n1992.........................................................21.....
....................................

Ji11Jollife. Timor, Terra Sangrenta, O jornal, Lisbonne1989, Timor,
Terre sanglante.(Traduction d'extraits).................................21........................

(Traduction)............................................................255..
......................................

Discours du Premier Ministre, Mota Pinto, Journal Officiel de
l'Assembléede la République, 1 Série, 5 décembre 1978, p.380.381.
(Traduction d'extrait....................................................5............
........................
Discours du Premier Ministre, Francisco de Sa Carneiro, Journal
Officielde I'Assembléede la République,1Série, 12janvier1980, p.50-
51.(Traduction d'extraits...............................................26..............
.................

Lettre no 291 du Représentant permanent du Portugal aux Nations
Unies adressée au Secrétaireéneral,27 octobre 1992......................................
Lettre no LA41TR1212 du Secrétaire généraldes Nations Unies au
Représentant permanent du Portugal, 29 octobre1992

Permanent Mission of Portugal to the United Nations, Press Release,
Reasons for the suspension of a visit b a Portuguese Parliamentary
Delegationto East Timor, 31 October 19!1 ...............................267......................
Permanent Missionof Portugal, Press Release, Indonesia'sJustification
for its obstruction to a Portuguese Parliamentary Delegation tovisit
East Timor, 21November 1991

National CouncilofMaubere Resistance (CNRM),sent2November of the
1991 ................................................................
.27...................................................

Mémorandumde Carlos Filipe X. Belo, Administrateur apostolique de
Dili,à la délégationparlementaire portu aise à propos de sa visite au
Timor, Dili, ler octobre991.(~raductiony ...............................28.....................
Communiqué du Ministre des Affaires étrangèresdu Portugal, New
York, 24janvier 1992.(Traduction).......................................2.......................
..

PressRelease, 26 September 1992........................................28......................
... (Volume III)

No 2839. De l'Ambassadeur du Portugal à Londres au Ministre des
Affaires étrangères.Télégramme no407, Londres, 18décembre 1941.
No2840. De 1Ambassadeur du Portugal à Londres au Ministre des
Affaires étrangères,télégramme no408,Londres, 18décembre1941,
Ministèredes Affairesétrangères,Dix ansde politique extérieure(1936-
1947), La nation portugaise et la deuxièmeguerre mondiale, VolumeX,
p. 308-311.(Traduction)...................................................1.............
.........................

Affaires étran ères, télégrammeno 541, Londres, 25août 1945re desb
Ministèredes haires étrangères,Dix ansde politique extérieure(1936-
1947), La nation portugaise et la deuxièmeguerre mondiale, Volume
XI, p. 435-436.(Traduction...............................................................
................

No454. De l'Ambassadeur du Portugal à Washington au Ministre des
Affaires étrangères, télégrammn eo759, Washington, 25 juillet 1944.
No657. Du Ministre des Affaires étrangères a l'Ambassadeur du
No679. Présidence du Conseil, Note officieuse, Lisbonne, 6 octobre
1945 b Ministère des Affaires étrangères, Dix ans de politique
extérieure 19361948), La nation portugaise et la deuxième guerre
mondiale, \5olumeXIII,p. 89, 330-332, 349-350(. raduction.................7.........

Exposé de l'Auteur, Extraits, III. Lettre du Duc de Palmela à
l'Ambassadeur MarcelloMathias, Lisbonne,3avril 1963,IV. Réponse
avril 1963,V. Nouvelle lettre du Duc de PalmelalàMarcello Mathias, 11
Lisbonne, 23avril 1963, XXXIX. Documents relatifs à Timor, The
Chargé d'affaires in Portugal (Crocker) to the Secretary of State,
Lisbon, September 12, 1945,The Acting Secretary of State to the
Ambassador in the United Kingdom(Winant), Washington,September
17, 1945,The Ambassador in Portu al (Baruch) to the Secretary of
State, Lisbon, September 19, 194 !, Corres ondance Marcello
Mathias/Salazar, 1947-1968,Difel, 1984, p. 66-7f 602-607, 663-665.
(Traduction)..............................................................
...........................................
Franco Nogueira, Salazar III, Les grandes crises (1936-1945),AtlAntida
Editora, p. 581-585.(Traduction..........................................6....................
.......

Mana da Graça Bretes. Timor entre des envahisseurs,1941-1945L, ivros
Horizonte, p. 35-45.(Traduction..........................................7.....................
.......

Australia'sSupport for Indonesia'sTakeover of East Timor, Testimony
of Patrick Walsh before the Permanent People's Tribunal,Lisbon, 19-
22June, 1981 .............................................................4.
..........................................
General Assembly,Special Committee on the Situation with regard to
the Implementation of the Declaration on the Granting of
Independence to Colonial Countries and Peoples, Question of East
Timor, Letter dated 7August 1990from the Chargéd'affairesa.i. of the
Permanent Mission of Indonesian to the United Nations addressed to
the Chairman of the Special Committee, Document
A/AC.l09/1045/Add.1,7August 1990 ...........................................................Assembléegénérale,Résolution222 (III), Cessation de la transmission
des renseignements en vertu de l'Article73 de la Charte, 3novembre
1948 ..................................................................
121....................................................

Assemblée générale, Résolution 3181 (XXVIII), Pouvoirs des
17décembre1973 la.......................................................123.........
................................

Assemblée générale, Résolution3113 (XXVIII , Question des
territoires administréspar le Portugal, 12décembre73 ....................24...........

Comité des droits de l'homme conformément au paragraphe 4 dear le
I'article40 du Pacte international relatif aux droitssetpolitiques (à
la date d'avril1989),CCPR/C/21/Rev.l, 19 mai1989 .......................127..............

Etats parties en vertu de I'article 40 du Pacte, Deuxièmes rap orts
périodiques des Etats parties qui devaient 2tre présentés en 7986,
Additif,Pays-Bas,CCPR/C/42/Add.6,ler août 1988(Extraits) .................6........

Comitédes droits de I'homme,Examen des rapports présentéspar les
périodiques des Etats partiesrtui devaient êtreprésentésen 1989,orts
Additif,Finlande, CCPR/C/58/A d.5, 10novembre 1989(Extraits) ..........198.....

Comité des droits de l'Homme, 32èmesession, Examen des ra ports
présentés parles Etatsprties en vertu de l'article40 du Pacte Juite),
CCPR/C/SR.807,18mai 1988(Extraits) ...................................20.........................
Comité des droits de l'Homme, 37ème session, Examen des rap orts
présentéspar les Etats parties conformément à l'article 40 du8acte
(suite),CPR/C/SR.936,8décembre1989(Extraits) .......................20...............

N"n19911921:29,Reply givenon Friday,20March 1992eas.....................215.............

Parliamentary Debates (Hansard), House of Lords -Official Reports,
vol.539,No 40, 16July 1992,London: HMSO, p. 405-410...................21............
Suisse, Département fédéral desAffaires étrangères, l'Heure des
questions du 2 décembre1991,Question oséepar P. Mistelli au sujet
du massacre au Timor oriental, Réponse.firaduction).....................22..............

Télégrammeno 162de l'Ambassadeurdu Portugal au Mozambique au
annonçantdel'envoi d'une copie du projet de résolution sur le Timor
oriental qui a étéapprouvé par 1Assembléede la République du
Mozambique le 4 avril 1992et texte de ce dernier........................2.4................

Australia, Petroleum (SubmergedLands) Act, 1967.(Extraits)..............230.......III.

Le massacre de Santa Cruz................................................5..............
................

Amnesty international, East Timor, The Santa Cruz Massacre,
1991o...............................................................
.2...................................................

Communiquéde presse du Gouvernement portugais sur la situation des
Droits de1Homme au Timor oriental, 12 novembre 1991................................

Motion de l'Assemblée de la Ré ublique, Journal officiel de
(Traduction d'Extrait................................................................
.......................

Motion de l'Assemblée de la Républiqueet Discours du Présidentde la
République portugaise, M.Mhrio Soares, Journal officiel de
l'Assembléede la République, Série1,11 décembre 1991, p.261-262 et
p.269-270.(Traduction d'extrait.........................................8........................
Présidencedu Conseildes Ministres,Décretno 57-A/91 du 18novembre
1991, Journal officielde la République,Supplémentno 265, SérieLB.
(Traduction)..........................................................2..3
.........................................

de Deus Pinheiro, envoyéeià ses homologues des Etats siégeantà laJoao
Commissiondes droitsde l'homme, 29janvier1992 .......................2..................

General Assembly, Security Council,46th session, Irnplementation of
the Declaration on the Grantingof independence to Colonial Countries
and Peoples Human Rights Questions,Letter dated 22November 1991,
addressed to the Secretaty-General andAnnex, DocumentUniA/46/699-ns
S/23242,25 November 1991.............................................3..1............
...............

Statement bythe Rt Hon DouglasHurd CBE MP,Secretas, of State for
Foreign and Commonwealth Affairs of the United Kingdom of Great
of the Euro ean Communities, to the United Nations General of Ministers
Assembly, 22leptember 1991.(Extraits............................................................

111.10 Commission on Human Ri hts, Report on the forîy-eighth session
27January -6 March 1992, Economic and Social Council, Official
kecords, 1992,Supplement J o.2,No. 457.(Extraits......................30...............
III11 Sous-Commissionde la lutte contre les mesures discriminatoires et la
protection des minorités, résolution992120,La situation au Timor
oriental7 août 1992,E/CN.4/Sub.2/1992/L 11lAdd.3.(Extraits............30.......

III.12 Declaration on East Timor, (Informal Meeting of Ministers of Foreign
Déclaration sur la situationà Timor-Est,i'Réunion. informelle des
Ministres des Affaires étrangèresde la Communauté Européenne,
Bruxelles, décembre 1991) et, Statement on East Timor bythe Council
ofMinisters of theEuropean Community, 13 February 1992................31.........IIL13 Résolution surles massacres à Timor-Est, Parlement européen, 21
novembre 1992, Journal officiel des Communautés européennes,
noC326/182 .............................................................6..
..........................................
111.14 RésolutionnoB3-1044192 du Parlementeuropéen,9juillet 1992.............318.........

111.15 Directive n0470 (1991), Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe,25novembre 1991 ................................................................
..............
111.16 FinalCornmuni ue ofthe 89th sessionofthe Committee of Ministersof
the Council Jur a, Strasbourg, 26November 1991, Appendoi:
Declaration bythe8 ommitteeofMinistersofthe Councilof Europe on
East-Timoradopted on 26November1991 .................................2......................
III.17 United European Organization,Resolution 84on the situation in East-
Timor and Fourteenth sitting, 5. The situation in East Timor,
5December 1991 ..............................................................
.................................
IIL18 Letter dated lOJuly 1992 from the Permanent Representative of
Portugal to the United Nations addressed to the Secretary-General,
Annex: Statement made by the spokesman of the Ministry of Foreign
sentencing of East Timorese in Jakarta and Dili, Document/47/331,
16July 1992..............................................................
..........................................

III.19 Letter dated lOJuly 1992 from the Permanent Representative of
Annex:Statement made atNaLisbonon 2July 1992by the spokesman ofal,
the Ministry of Foreign Affairs of Portugal on the sentencing to life
emprisonmentofa TimoreseinDili,Document 4471332 .................................
111.20
Indonesia 'Killedtoo fewThe Independant,5 November 1992 .......................
111.21 E.Timor Gov. SaysNot Enough Demonstrating Mourners Shot, Daily
Yorniuri,5November1992 ...............................................8...............
...............

Document file FR
Document
Document Long Title

Réplique du Gouvernement de la République portugaise

Links