Exposé écrit du Gouvernement de la République du Yémen

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E XPOSÉ ÉCRIT DU G OUVERNEMENT DE LA R ÉPUBLIQUE DU Y ÉMEN

[Traduction]

Monsieur le président de la Cour internationale de Justice,

Madame et Messieurs les juges,

Nous nous trouvons à un moment historique, celui où l’éminente Cour internationale de
Justice commence à examiner la demande d’avis co nsultatif formulée par l’Assemblée générale de
l’Organisation des NationsUnies au sujet de l’ édification du mur que les autorités d’occupation

israéliennes construisent dans les territoires palestin iens occupés. L’examen de la demande a lieu
conformément aux dispositions de la résoluti onES-10/14 en date du 12décembre2003, qui fait
suite à la résolution adoptée à la dixième session ex traordinaire et datée du 21octobre2003 ainsi
qu’aux précédentes résolutions de l’Assemblée géné rale, dont la résolution 181 de novembre 1947

qui a divisé la Palestine en deux Etats, un Etat arabe et un Etat juif, et conformément aussi aux
résolutions pertinentes du Conseilde sécurité; le s résolutions importantes du Conseil sont au
nombre de treize, les premières étant les résolutions242 du 2novembre1967 et338

d’octobre 1973 et la dernière, la résolution 1515 en date du 19 novembre 2003.

La République du Yémen affirme à nouveau que t outes ces résolutions s’inspirent de règles
juridiques propres au droit international. Parmi ces règles, les plus importantes sont celle qui

interdit à tout pays de pénétrer par la force sur le territoire d’un autre Etat et celle de l’applicabilité
de la quatrièmeconvention de Ge nève et de son premier protoc ole additionnel aux territoires
palestiniens occupés y compris Jérusalem-Est. La République du Yémen affirme également à
nouveau que les colonies israéliennes situées dans le s territoires palestiniens occupés, y compris

Jérusalem-Est, sont illicites, considère ces colonies comme un obstacle sur la voie de la paix et du
développement économique et social et demande qu’il soit mis fin à toutes les activités de
peuplement.

Comme la Cour internationale de Justice le sait, la résolution susmentionnée rappelle celles
qui ont été adoptées antérieurement et dans lesquell es il est affirmé que les mesures prises par la
puissance occupante pour modifier l’identité et la structure démographique de Jérusalem-Est n’ont
aucune légitimité. Dans cette résolution, l’Assemblée générale est aussi gravement préoccupée par

le fait que les autorités israéliennes d’occupation construisent un mur sur les territoires palestiniens
occupés, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est. Elle considère la construction
de ce mur comme un acte qui va à l’encontre de la ligne d’armistice de1949 (appelée la Ligne
verte), entraîne la confiscation et la destruction de terres et de ressources palestiniennes, bouleverse

l’existence de centaines de milliers de civils vivant sous occupation et se traduit par l’appropriation
totale de vastes secteurs du territoire.

L’Assemblée générale fait état, dans sa résolu tion, du rejet de la construction de ce mur par

la communauté internationale et de l’effet dévast ateur de cette construction sur la population civile
palestinienne; elle considère aussi que le mu r fait obstacle à la paix dans la région du
Moyen-Orient. Elle fait également état du rapport de la Commission des droits de l’homme et de la
situation des droits de l’homme des Palestiniens dans les territoires occupés depuis 1967, ainsi que

du rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies établi en application de la
résolution de l’Assemblée générale du 21octobre20 03 relative au mur, dans lequel le Secrétaire
général souligne que les difficultés ne feront qus’aggraver concrètement avec le temps puisque
les autorités israéliennes d’occupation persistent à refuser de se conformer aux dispositions du droit

international en ce qui concerne la construction du mur et les conséquences qui en découlent. - 2 -

Monsieur le président,

La République du Yémen se réfère à une rè gle internationale énoncée tant en droit
international que dans tous les dr oits nationaux et qui stipule qu’a ucun droit ne peut découler d’un
acte illicite. Si nous partons du principe que la guerre en soi est un acte d’agression, nous pouvons
en déduire qu’il faut considérer comme un crim e international toutes les conséquences qui en

découlent de même que l’occupation de territoires appartenant à d’autres Etats. Le caractère
illégitime de l’occupation militaire est clairement établi au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte
des Nations Unies qui interdit aux Membres des Nations Unies de recourir à la force dans leurs
relations internationales ainsi qu ’à la menace ou à des actes milita ires contre l’intégrité et la

souveraineté politique de toute nation. Par conséquent, l’occupati on militaire est illicite,
conformément à la Charte des NationsUnies, pui sque le paragraphe4 de l’article2 a un champ
d’application large dans plusieurs domaines en ce qui intéresse la violence et ses répercussions.
Les dispositions de la Charte interdisent non seuleme nt de recourir à la force dans les relations

internationales mais également de menacer de recourir à la force.

L’édification du mur par l’autorité d’occupation israélienne est à considérer comme un crime
prohibé en vertu du droit international. La qua trième convention de Ge nève de1949, dans son

article49, interdit la déportation obligatoire, ta nt collective qu’individuelle, de populations ainsi
que le bannissement de terres occ upées. La convention internationa le sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination raciale fait mention, da ns son article 5, de la lutte contre toute forme
de discrimination raciale à l’égard de toute pe rsonne, quelle que soit sa race, son origine ethnique

ou sa couleur et dispose que toute personne a le dro it de circuler librement à l’intérieur du pays
(occupé) ainsi que de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir.

Monsieur le président,

L’édification du mur par l’autorité d’occupation israélienne entraîne la confiscation de terres
privées. Cela est en contradiction avec l’article 17 de la Déclaration uni verselle des droits de
l’homme. De même, l’instrument qui régit l’occupation militair e interdit la saisie de fonds

appartenant à des personnes civiles pendant l’occupation militaire. L’article 33 de la convention de
Genève de1949 condamne également l’appropria tion du numéraire appartenant à des personnes
civiles ainsi que la prise de mesures illicites contre leurs biens.

L’autorité d’occupation israélienne a détruit d es villages entiers. Elle a détruit de nombreux
logements ainsi que des établissements culturels et religieux. Elle a pour objectif de détruire le lien
qui rattache les Palestiniens à leur identité culture lle et religieuse et de s’assurer par conséquent la
domination totale et le contrôle du Territoire occupé, ce qui revient à priver le peuple palestinien de

ses racines.

Monsieur le président,

La République du Yémen s’exprime ainsi en se fondant sur les rapports de l’Organisation
des Nations Unies et les conséquences de la construction du mur.

La conclusion selon laquelle construire le mur n’aura que des effets fâcheux a fait  et fait

toujours  l’unanimité au sein de la communauté internationale. Ce sujet a d’ailleurs été vivement
débattu en Israël même; nous y reviendrons.

Outre les répercussions politiques que le mur a sur la population palestinienne, sa

construction a également causé à des préjudices importants sur les plans humain, économique et
social, par exemple : - 3 -

 la production d’olives diminuera en moyenne de 2200tonnes par an par suite de la coupe de
milliers de vieux arbres;

 la production de fruits diminuera en moyenne de 50000tonnes par an et la production
maraîchère de 100 000 tonnes;

 la disparition de pâturages portera su r une surface utilisée par approximativement
dix mille têtes de bétail;

 la destruction de centaines de serres, de ferm es avicoles et de fermes d’élevage va conduire à
tout une série de pertes substantielles pour l’économie palestinienne;

 l’édification du mur comme barrière à caractère racial dans le nord de la Cisjordanie se traduit

par la disparition de 8600hectares à Qalqilya , ce qui représente 72% des terres irriguées de
cette localité. En outre, Qalqilya est devenue la plus grande prison du monde à la suite des
mesures prises par les occupants israéliens qui consistent à encercler Qalqilya au moyen du
mur de discrimination raciale, de barbelés et de fossés sur quatre côtés, à l’exception d’une

entrée de 8mètres de large gardée par les occ upants israéliens, ces gardes ouvrant et fermant
cette porte selon leur bon plaisir. C’est ce que les 42 000 habitants de Qalqilya ont fait valoir
dans l’appel à l’aide en date du 16octobre2003 qu’ils ont adressé au secrétaire général de la
Ligue des Etats arabes qui a transmis une lettre au Conseil de sécurité le 5 novembre 2003;

 l’édification du mur aboutira à confisquer 12 % du terr itoire de la Cisjordanie. Une fois le mur
achevé, le nombre total de col ons s’établira à troiscentquarantemille. Ce plan a également

entraîné la confiscation de trente puits dans l es provinces de Qalqilya et de Tolkarm, ce qui
équivaut pour les Palestiniens à perdre 18 % de le ur part sur cette région. Après la destruction
totale de leur économie, la te rre appartenant à deux cent cinquante neuf villages palestiniens
sera annexée;

 la deuxième étape de ce plan consistera à couper Jérusalem de la Cisjordanie après avoir isolé
deux cent mille Palestiniens à l’intérieur de la zone délimitée par la Ligne verte.

Une étude de la Banque mondiale donne des est imations correspondant aux chiffres obtenus
par d’autres études, à savoir que le mur de séparat ion peut engloutir 12% de la superficie de la
Cisjordanie. Suivant l’étude en question, la pr emière étape de la construction du mur a causé des
pertes directes à environ douze mille Palestiniens vivant dans quinze villages. Après achèvement,

ce seront quatre-vingtquinzemille Palestiniens qui vivront entre le mur et la Ligne verte, dont
soixante et un mille habitent la région de Jérusalem (selon le journal israélien Harets à la date du
8 mai 2003).

En ce qui concerne les préjudices d’ordre social, les quatre phases de l’édification du mur
vont donner lieu à la plus vaste opération de démolition de logements et d’infrastructures
palestiniennes. Amnesty International indique dans un rapport récent que le mur aura des
conséquences économiques et sociales graves pour plus de deux cent mille Palestiniens qui habitent

des communes et des villages situés au voisinage du mur.

 Le mur va couper des douzaines de villages palestin iens de la Cisjordanie et/ou de leurs terres
agricoles.

 Edifier ce mur constitue une violation des droits de l’homme établis et reconnus au niveau
international. Cette construction prive les Pales tiniens de leur droit à la liberté de mouvement

et de leur droit de propriété puisqu’ils se voien t confisquer leurs terres et également priver de - 4 -

leur source de revenus avec la perte de leurs terr es agricoles qui sont leur seul gagne-pain.
L’existence du mur va également perturber leur vie quotidienne puisque le mur les isolera de

leur habitat naturel et que son édification cau sera la destruction de leurs logements.
Deux cent quatre-vingt bâtiments ont déjà été démolis.

Nous, en République du Yémen, partageons les idées que le Secrétaire général énonce à la

section E du rapport susmentionné et qui sont les suivantes :

1) l’autorité d’occupation israélienne refuse d’ obéir à l’Assemblée géné rale quand celle-ci lui
enjoint de mettre fin à la construction du mur à l’intérieur des territoires palestiniens;

2) l’édification du mur fait naître de vives préoccupations et a des effets préjudiciables à de futures
négociations de paix;

3) la sécurité d’Israël ne doit pas être assurée par des moyens qui contreviennent aux règles de

droit international ni par des moyens qui pourra ient faire obstacle aux perspectives de paix à
long terme, en empêchant la création d’un Et at palestinien indépe ndant et permanent
susceptible de coexister avec les Etats voisins ou en aggravant les souffrances des Palestiniens;

4) par conséquent, il est manifeste qu’il est im possible d’assurer la sécurité des populations
palestinienne et israélienne sans passer par un rè glement juste, global, pacifique et permanent
du conflit sur la base des résolutions du Conse il de sécurité 242 de 1967 et 338 de 1973, lequel

répondra aux conditions prévues dans les réso lutions du Conseil de sécurité1397 de2002
et 1515 de 2003.

Monsieur le président,

Nous sommes convaincus que la Cour a plei nement conscience des incidences politiques qui
découlent de l’édification de ce mur et sont les suivantes :

1) la résolution 242, qui demande le retrait de l’occupation israélienne jusqu’après la frontière telle

qu’elle existait avant le 4 juin 1967, est méconnue;

2) la puissance occupante impose ses vues comme une r éalité de fait et elle impose également de
manière unilatérale le tracé de la frontière;

3) elle conserve des colonies enclavées à l’intérieu r du territoire de la Cisjordanie qui divisent ce
dernier en trois zones séparées.

Nombreux sont ceux qui ont étudié la question des préjudices subis par les Palestiniens à la
suite de la construction du mur. Le Secrétai re général de l’Organisa tion des NationsUnies a
également abordé cette question devant la dixième session extraordinaire, dans son rapport en date
du 24 novembre 2003 portant sur les mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et

dans le reste du Territoire palestinien occupé.

Une fondation israélienne de dé fense des droits de l’homme, Betselim, a également présenté
un rapport complet dans lequel sont expliquées en détail les répercussions économiques, sociales et

politiques du mur sur les Palestiniens. La fondation Betselim souligne que ce mur en cours de
construction à l’intérieur des territoires de Cisjor danie y pénètre jusqu’à 6à7kilomètres dans
certaines zones.

La zone séparant le mur de la Ligne verte qui est située entre Salen et Al-Kanna représente
approximativement 69 500 hectares, dont 7200 constituent le territoire désigné pour la construction
de dix colonies. - 5 -

Monsieur le président,

Madame et Messieurs les juges,

La République du Yémen est pers uadée que la requête pour avis consultatif transmise à la
Cour par l’Assemblée générale est légitime. Nous espérons vivement que la Cour internationale

de Justice dira dans son avis que lle est l’étendue des violations d es droits des Palestiniens causées
par la construction de ce mur, c onformément aux dispositions de la convention de Genève de 1949
et des autres conventions internationales connexes, et va interdire à la puissance occupante de
procéder à quelque modification que ce soit de la situation dans les territoires occupés.

Nous vous remercions de votre attention.

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