Résumé de l'arrêt du 16 avril 2013

Document Number
17318
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Number (Press Release, Order, etc)
2013/1
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2013/1
Le 16 avril 2013

Différend frontalier (Burkina Faso/Niger

Résumé de l’arrêt du 16 avril 2013

I. CONTEXTE PRODÉCURAL ET FACTUEL DE L ’AFFAIRE (par. 1-34)

La Cour rappelle que, par une lettre de notification conjointe datée du 12 mai 2010, le
Burkina Faso et la République du Niger ont fait tenir au greffier un compromis, signé à Niamey le
24 février 2009 et entré en vigueur le 20 novembre 2009, par lequel ils étaient convenus de
soumettre à la Cour le différend frontalier qui les opposait sur un secteur de leur frontière

commune. A cette lettre étaient joints le protocole d’échange des instruments de ratification dudit
compromis et un échange de notes en dates des 29 octobre et 2 novembre 2009 consacrant l’entente
entre les deux Etats sur les résultats des travaux de la commission mixte d’abornement concernant
les secteurs abornés de la frontière, allant, au nord, des hauteurs de N’Gouma à la borne
astronomique de Tong-Tong et, au sud, du début de la boucle de Botou à la rivière Mékrou. La
Cour rappelle en outre qu’elle était priée, aux termes de l’article 2 dudit compromis, de déterminer
le tracé de la frontière entre le Burkina Faso et le Niger dans le secteur allant de la borne

astronomique de Tong-Tong au début de la boucle de Botou et de donner acte aux Parties de leur
entente sur les résultats des travaux de la commission technique mixte d’abornement de la
frontière. La Cour expose ensuite le contexte historique et factuel du différend entre ces deux
anciennes colonies qui relevaient de l’Afrique occidentale française jusqu’à leur accession à
l’indépendance en 1960.

Avant d’examiner le différend qui oppose les Parties au sujet du tracé de leur frontière

commune entre la borne astronomique de Tong-Tong et le début de la boucle de Botou, la Cour se
penche sur la demande présentée par le Burkina Faso relative aux deux secteurs abornés de la
frontière.

II. A DEMANDE RELATIVE AUX DEUX SECTEURS ALLANT ,AU NORD ,DES HAUTEURS DE
N’G OUMA À LA BORNE ASTRONOMIQUE DE TONG -TONG ET ,AU SUD ,DU DÉBUT

DE LA BOUCLE DE B OTOU À LA RIVIÈRE M ÉKROU (par. 35-39)

La Cour relève qu’aux points 1 et 3 de ses conclusions finales, le Burkina Faso lui demande
de dire et juger que sa frontière avec le Niger suit, pour les deux secteurs abornés, un tracé
constitué par des lignes reliant des points dont il indique les coordonnées, lesquelles correspondent
à celles relevées en 2009 par la mission conjointe chargée de procéder aux relevés sur la base des

travaux de la commission technique mixte. Elle relève en outre que le Burkina Faso lui demande
d’incorporer ce tracé dans le dispositif de son arrêt, afin que les Parties soient liées à l’égard de ce
tracé de la même façon qu’elles le seront à l’égard du tracé de la frontière dans le secteur au sujet - 2 -

duquel il subsiste un différend. La Cour constate que, dans ses conclusions finales, le Niger
demande seulement à la Cour de tracer la frontière entre les deux Etats dans la partie en litige, celle

qui va de la borne astronomique de Tong-Tong au début de la boucle de Botou. Estimant qu’il
existe déjà un accord entre les Parties au sujet des deux secteurs abornés, le Niger juge inutile
d’incorporer dans le dispositif de l’arrêt une mention relative à ces secteurs. Il est cependant d’avis
que cette entente devrait être constatée par la Cour dans les motifs de son arrêt.

La Cour indique que, lorsqu’elle est saisie par voie de compromis, toute demande formulée
par une partie dans ses conclusions finales ne peut relever de sa compétence que si elle demeure

dans les limites définies par les dispositions dudit compromis. Or, elle estime que la demande
formulée par le Burkina Faso dans ses conclusions finales ne cadre pas exactement avec les termes
du compromis, dans la mesure où cet Etat ne lui demande pas de «donner acte aux Parties de leur
entente» concernant la délimitation de la frontière dans les deux secteurs abornés, mais plutôt de
délimiter la frontière selon un tracé qui correspondrait aux conclusions de la commission technique
mixte. Or, selon elle, une chose est de constater l’existence d’un accord entre les parties et de leur
en donner acte, autre chose est de s’approprier le contenu de cet accord pour en faire la substance

d’une décision de la Cour elle-même. Prise à la lettre, la Cour est d’avis que la demande du
Burkina Faso pourrait ainsi être rejetée comme excédant les limites de sa compétence telles que
définies par le compromis. Elle reconnaît toutefois qu’elle a le pouvoir d’interpréter les
conclusions finales des Parties de manière à les maintenir, dans la mesure du possible, dans les
limites de sa compétence résultant du compromis et, par conséquent, d’interpréter les conclusions
finales du Burkina Faso comme tendant en réalité à ce qu’elle donne acte aux Parties de leur
entente.

La Cour estime que cela ne serait cependant pas suffisant pour accueillir une telle demande
car il faudrait encore vérifier que l’objet de celle-ci se rattache à sa fonction judiciaire telle que
définie par son Statut qui est de «régler, conformément au droit international, les différends qui lui
sont soumis». La Cour note qu’en l’espèce, aucune des Parties n’a jamais prétendu qu’il subsistait
entre elles un différend relativement à la délimitation de la frontière dans les deux secteurs en cause
à la date d’introduction de l’instance – ni d’ailleurs qu’un tel différend serait apparu par la suite.
Elle observe que, si les Parties ont paru soutenir des thèses différentes, c’est sur la question de

savoir si l’ «entente» à laquelle se réfère le compromis a d’ores et déjà donné naissance à un accord
juridiquement contraignant pour les deux Parties en vertu du droit international. Or, selon elle, la
question déterminante est celle de savoir s’il existait à la date d’introduction de l’instance un
différend entre les Parties concernant ces deux secteurs ; peu importe, du point de vue de sa
fonction judiciaire, que l’ «entente» à laquelle les Parties sont parvenues ait été déjà incorporée
dans un instrument juridiquement contraignant. La Cour estime dès lors que la demande du
Burkina Faso outrepasse les limites de sa fonction judiciaire.

III. LE TRACÉ DE LA PORTION DE LA FRONTIÈRE DEMEURANT EN LITIGE (par.60-112)

A) Le droit applicable (par. 60-69)

La Cour relève que l’article 6 du compromis, intitulé «Droit applicable», stipule que «[l]es
règles et principes du droit international qui s’appliquent au différend sont ceux énumérés au
paragraphe premier de l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, y compris le

principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et l’accord du 28 mars 1987».
Elle observe que, parmi les règles de droit international applicables au différend, la disposition
susvisée met en exergue «le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et
l’accord du 28 mars 1987». Elle constate que le compromis fournit des indications spécifiques
quant à la manière dont le principe susmentionné doit être appliqué. En effet, l’article 6 de cet
instrument commande d’appliquer l’accord de 1987 qui lie les Parties et qui vise, d’après son titre,
à «la matérialisation de la frontière entre les deux pays». Elle relève que, bien que l’accord de

1987 ait pour objet la «matérialisation de la frontière entre les deux pays» par l’installation de - 3 -

bornes, il énonce avant tout les critères qui doivent être appliqués pour déterminer le «tracé» de la

frontière.

La Cour note que les deux premiers articles de cet accord précisent quels actes et documents
de l’administration coloniale française doivent être utilisés pour déterminer la ligne de délimitation
existant au moment de l’accession des deux pays à l’indépendance. Elle observe à cet égard qu’il
résulte de cet accord que l’arrêté du 31 août 1927 pris par le gouverneur général par intérim de
l’AOF aux fins de «fix[er] les limites des colonies de la -Volta et du Niger», tel qu’il a été précisé

par son erratum du 5 octobre 1927, constitue l’instrument à appliquer pour la délimitation de la
frontière. La Cour indique qu’il doit être interprété dans son contexte, en tenant compte des
circonstances de son adoption et de son exécution par les autorités coloniales. Pour ce qui est des
rapports entre l’arrêté et son erratum, la Cour relève que, dès lors que l’erratum a pour objet de
corriger rétroactivement le texte de l’arrêté, il s’incorpore à ce dernier. C’est pourquoi, chaque fois
qu’il sera question de l’«arrêté», il s’agira, sauf indication contraire, de l’arrêté dans la rédaction

que lui a donnée l’erratum. La Cour observe en outre que l’article 2 de l’accord de 1987 envisage
l’hypothèse d’une «insuffisance de l’arrêté et de[ème]erratum» et stipule que, dans ce cas, «le tracé
sera celui figurant sur la carte [au] 1/200 000 de l’Institut géographique national de France,
édition 1960» ou résultant de «tout autre document pertinent, accepté d’accord Parties». Elle
relève toutefois que les Parties ne considèrent pas avoir accepté de document pertinent autre que la
carte IGN de 1960.

B) Le tracé de la frontière (par. 70-112)

1. Le tracé de la frontière entre les bornes astronomiques de Tong-Tong et de Tao
(par. 72-79)

La Cour observe que les Parties s’accordent à considérer que, conformément à l’arrêté, leur
frontière commune relie les deux points où se situent respectivement les bornes astronomiques de

Tong-Tong et de Tao. Elle relève que le désaccord entre les Parties ne porte pas sur l’identification
et l’emplacement de ces bornes mais sur la manière de relier les points où elles se situent. Elle note
que le Burkina Faso souhaite que la Cour relie ces deux points par une ligne droite, alors que le
Niger se prononce en faveur du tracé de deux segments de droite, l’un allant de la borne de
Tong-Tong à la borne de Vibourié, l’autre de la borne de Vibourié à celle de Tao. La Cour est
d’avis que les fonctionnaires de l’administration coloniale ont interprété l’arrêté, dans le secteur en

cause, comme ayant entendu tracer une ligne droite entre les bornes astronomiques de Tong-Tong
et de Tao. Il y a lieu, dès lors, de retenir la ligne droite reliant les deux bornes comme constituant
la frontière entre le Burkina Faso et le Niger dans le secteur en cause.

2. Le tracé de la frontière entre la borne astronomique de Tao et la rivière Sirba à
Bossébangou (par. 80-99)

La Cour relève que l’arrêté ne permet pas de déterminer de quelle manière il convient de
relier la borne astronomique de Tao à «la rivière Sirba à Bossébangou» ; il se contente d’indiquer
que la «ligne s’infléchit … vers le Sud-Est pour couper la piste automobile de Téra à Dori à la
borne astronomique de Tao …, et atteindre la rivière Sirba à Bossébangou». La Cour observe que,
de l’avis du Burkina Faso, cette absence de précision doit être interprétée comme signifiant que les
deux points susmentionnés doivent être reliés par une ligne droite. Elle note que, de l’avis du

Niger, cette absence de précision révèle au contraire une «insuffisance de l’arrêté et de son
erratum» au sens de l’accord de 1987 qui prescrit de suivre, en principe, la ligne tracée sur la
carte IGN de 1960 dans la portion de frontière considérée, mais de s’en écarter légèrement vers
l’ouest sur deux segments correspondant au poste frontière de Petelkolé et au campement
d’Oussaltane, afin de laisser ces deux localités en territoire nigérien alors que ladite ligne les situe
du côté voltaïque de la limite intercoloniale. La Cour observe qu’il s’agirait alors, pour le Niger, de - 4 -

faire prévaloir les effectivités telles qu’elles pouvaient être constatées à la date critique des
indépendances. Elle note que le Niger considère par ailleurs qu’il conviendrait ensuite de s’écarter

de la carte IGN de 1960 pour définir le point terminal de la portion de la frontière dans le secteur
considéré, la ligne ne devant pas aboutir à Bossébangou mais descendre seulement jusqu’à un point
situé à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de cette localité, et, à partir de ce point, s’infléchir
vers le sud-ouest, laissant ainsi une large région autour de Bossébangou en territoire nigérien.

La Cour commence par examiner la question du point terminal de la portion de la frontière
dans le secteur considéré. Elle constate que l’arrêté prévoit expressis verbis que la limite

intercoloniale se prolonge jusqu’à la rivière Sirba. En conclusion, la Cour ne peut que constater
que la ligne frontière atteint nécessairement la rivière Sirba à Bossébangou.

La Cour aborde ensuite la question de savoir de quelle manière il convient de relier la «borne
astronomique de Tao» à la «rivière Sirba à Bossébangou» pour tracer la frontière. Elle relève tout
d’abord que le décret du président de la République française du 28 décembre 1926 «portant
transfèrement du chef-lieu de la colonie du Niger et modifications territoriales en Afrique
occidentale française», sur la base duquel l’arrêté a été pris, constitue un élément important du

contexte dans lequel celui-ci est intervenu. Elle observe que ledit décret avait un double objet :
transférer certains cercles et cantons de la colonie de la Haute-Volta vers la colonie du Niger et
attribuer compétence au gouverneur général de l’AOF pour tracer la nouvelle limite intercoloniale
entre le Niger et la Haute-Volta. Elle constate que le gouverneur général a cherché, à cette fin, à
identifier les limites préexistantes des cercles et des cantons mais que rien n’indiquait qu’elles
suivaient une ligne droite dans le secteur considéré. Elle observe qu’en pareil cas, il eût été facile
de reporter cette ligne sur une carte. La Cour constate ensuite que, en ce qui concerne le village de

Bangaré, il existe suffisamment de documents postérieurs à l’arrêté pour établir que, pendant la
période coloniale pertinente et jusqu’à la date critique des indépendances, ce village était
administré par les autorités de la colonie du Niger, comme le prétend ce dernier. Cette
considération conforte, selon elle, la conclusion selon laquelle l’arrêté ne doit pas être interprété, et
ne l’était pas en fait à l’époque coloniale, comme traçant une ligne droite reliant Tao à
Bossébangou.

La Cour déduit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté doit être regardé
comme entaché d’«insuffisance», au sens de l’accord de 1987, en ce qui concerne le secteur allant
de la borne astronomique de Tao à la rivière Sirba à Bossébangou. Il convient dès lors de recourir
au tracé figurant sur la carte IGN de 1960. Elle déclare par ailleurs ne pouvoir accueillir les
demandes du Niger tendant à s’écarter légèrement dudit tracé au niveau des localités de Petelkolé
et d’Oussaltane, au motif qu’elles auraient été administrées par le Niger au cours de la période
coloniale. Elle estime qu’une fois qu’il a été conclu à l’insuffisance de l’arrêté, et dans la mesure

de cette insuffisance, les effectivités ne peuvent plus jouer de rôle en l’espèce. En définitive, la
Cour conclut que, pour le secteur de la frontière qui va de la borne astronomique de Tao à «la
rivière Sirba à Bossébangou», il y a lieu de retenir le tracé figurant sur la carte IGN de 1960.

3. Le tracé de la frontière dans la région de Bossébangou (par. 100-107)

La Cour considère que, pour compléter la détermination de la ligne frontière en provenance
de la borne astronomique de Tao, il est nécessaire de préciser son point d’aboutissement lorsqu’elle

atteint «la rivière Sirba à Bossébangou». Elle indique que, de l’avis du Burkina Faso, ce point se
situe là où le segment de droite qui relie Tao à Bossébangou touche la rive droite de la Sirba près
de ce village. Elle constate que, pour sa part, le Niger ne se prononce pas sur la question en raison
de sa position selon laquelle la ligne frontière en provenance de Tao ne continue pas jusqu’à la
rivière Sirba mais s’infléchit vers le sud-ouest au point triple entre les cercles de Dori, Say et
Tillabéry, une trentaine de kilomètres avant d’atteindre cette rivière. - 5 -

D’après la description de l’arrêté, il est clair, selon la Cour, que la ligne frontière aboutit à la

rivière Sirba et non au village de Bossébangou. Le point terminal de la frontière dans cette partie
doit donc être situé dans la Sirba ou sur l’une de ses rives. Toutefois, l’utilisation dans l’arrêté du
terme «atteindre» n’indique pas que la ligne frontière franchit complètement la Sirba pour aboutir à
sa rive droite. Elle estime par ailleurs qu’aucun élément ne lui a été présenté attestant que la rivière
Sirba, dans la région de Bossébangou, aurait été entièrement attribuée à l’une ou l’autre colonie.
Elle relève à cet égard que l’exigence en matière d’accès aux ressources en eau de l’ensemble des
populations des villages riverains est mieux satisfaite par une frontière placée dans la rivière plutôt

que sur l’une ou l’autre rive. La Cour en conclut que, sur la base de l’arrêté, le point final de la
ligne frontière dans la région de Bossébangou est situé dans la rivière Sirba. Plus précisément,
celui-ci se trouve sur la ligne médiane, puisque, dans une rivière non navigable avec les
caractéristiques de la Sirba, cette ligne répond au mieux aux exigences de sécurité juridique propres
à la détermination d’une frontière.

La Cour note que, dans sa rédaction originelle, l’arrêté plaçait plus en aval le point de
contact de la ligne frontière en provenance de Tao avec la rivière Sirba et précisait que cette ligne
allait «rejoindre ensuite la rivière Sirba». Il était clair, selon cette rédaction, que la frontière était
censée remonter cette rivière sur une certaine distance. La Cour estime que, si le langage de
l’erratum est moins net, il spécifie toutefois qu’après avoir atteint la Sirba, la ligne frontière
«remonte presque aussitôt vers le Nord-Ouest». On peut donc retenir que l’erratum n’a pas
entendu corriger l’arrêté entièrement sur ce point et qu’il implique que la ligne doit suivre la Sirba

sur une courte distance. Pour les raisons données plus haut, la Cour considère que la frontière suit
la ligne médiane de la Sirba.

La Cour observe que la rédaction corrigée de l’arrêté, d’après laquelle la ligne frontière
«remonte presque aussitôt vers le Nord-Ouest», ne permet pas d’établir avec précision le point où
cette ligne quitte la rivière Sirba pour «remonter». Il n’y a aucune indication à cet égard dans le

texte, à l’exception du fait qu’il s’agit d’un lieu proche de Bossébangou. De même, le tracé de la
frontière, une fois que cette dernière quitte la Sirba, est indiqué dans l’arrêté d’une manière qui ne
permet pas d’établir la ligne avec précision. Selon la Cour, force est donc de conclure que l’arrêté
est insuffisant pour déterminer la ligne frontière dans cette partie et qu’il est donc nécessaire de se
référer à la carte IGN de 1960 pour définir avec précision le point où la ligne frontière quitte la
rivière Sirba pour «remonte[r] … vers le Nord-Ouest» et le tracé qu’elle doit suivre à partir de ce
point.

La Cour indique que, selon l’arrêté, la ligne frontière, après être remontée vers le nord-ouest,
«rev[ient] au Sud, … [et] coupe de nouveau la Sirba à hauteur du parallèle de Say». Elle estime
qu’une fois ce lieu déterminé, on peut suivre vers le nord le méridien passant par ce lieu jusqu’au
parallèle passant par le point auquel la ligne tracée sur la carte IGN de 1960 revient vers le sud. La
Cour observe que, si, dans sa rédaction originelle, l’arrêté se référait à «une ligne partant
approximativement de la Sirba à la hauteur du parallèle de Say», le texte de l’erratum est beaucoup

plus catégorique à cet égard et ne peut être ainsi considéré comme insuffisant. Il vise le point
d’intersection entre le parallèle passant par Say et la osvière Sirba. On peut même en déduire, selon
elle, que ce point, dénommé point I sur les croquis n 3 et 4, est situé sur la rive droite de la Sirba
(aux coordonnées 13° 06' 12,08" de latitude nord et 00° 59' 30,9" de longitude est), puisque,
d’après l’erratum, la ligne frontière en provenance du nord coupe la rivière avant de continuer vers
le sud-est. Selon la Cour, la frontière ainsi tracée entre la région de Bossébangou et le point

d’intersection du parallèle de Say et de la rivière Sirba forme ce qu’on pourrait appeler un
«saillant», conformément à la description contenue dans l’arrêté. Le Niger reconnaît qu’au
contraire la ligne frontière qu’il propose ne permet pas, quant à elle, de «créer un saillant dans cette
zone».

La Cour conclut que la ligne frontière, après avoir atteint, en se dirigeant vers Bossébangou,
la ligne médiane de la rivière Sirba, au point de coordonnées 13° 21' 15,9" de latitude nord et
os
01° 17' 07,2" de longitude est, dénommé point SB sur les croquis n 1, 2, 3 et 4, suit cette ligne, en - 6 -

amont, jusqu’à son intersection avec la ligne IGN, au point de coordonnées 13° 20' 01os" de
latitude nord et 01° 07' 29,3" de longitude est, dénommé point A sur les croquis n 3 et 4. A partir
de ce point, la ligne frontière suit la ligne IGN en remontant vers le nord-ouest jusqu’au point,
dénommé point B sur le croquis n 3, de coordonnées 13° 22' 28,9" de latitude nord et
00° 59' 34,8" de longitude est, où la ligne IGN change notablement de direction pour se diriger

plein sud en suivant un segment de droite. Ce point d’inflexion B étant situé quelque 200 mètres à
l’est du méridien passant par l’intersection du parallèle de Say avec la rivière Sirba, la ligne IGN ne
coupe pas la rivière au parallèle de Say. Or, relève la Cour, l’arrêté requiert expressément que la
ligne frontière coupe la Sirba au niveau de ce parallèle. La ligne frontière doit donc s’écarter de la
ligne IGN à partir du point B et, au lieu de s’y infléchir, se prolonger en direction plein ouest, sous
la forme d’un segment de droite, jusqu’au point, de coordonnées 13° 22' 28,9" de latitude nord et

00° 59' 30,9" de longitude est, où elle atteint le méridien passant par l’intersectios du parallèle de
Say avec la rive droite de la rivière Sirba, dénommé point C sur les croquis n 3 et 4. La ligne
frontière longe ensuite ce méridien en direction du sud jusqu’à ladite intersection, au point de
coordonnées 13° 06' 12,08" de latitude nord et 00° 59' 30,9" de longitude est, dénommé point I sur
les croquis n 3 et 4.

4. Le tracé de la partie sud de la frontière (par. 108-112)

La Cour observe que le point d’intersection entre la Sirba et le parallèle de Say est le point
de départ d’une autre portion de la frontière. D’après l’arrêté, «[d]e ce point la frontière, suivant

une direction Est-Sud-Est, se prolonge en ligne droite jusqu’à un point situé à 1200 mètres Ouest
du village de Tchenguiliba». Elle relève que ce dernier point a été identifié d’une manière
concordante par les Parties, puisqu’il marque le début du secteur sud de la partie déjà abornée de la
frontière. La Cour note que l’arrêté spécifie que, dans cette partie, la frontière «se prolonge en
ligne droite». Elle estime qu’il est précis en ce qu’il établit la ligne frontière par un segment de
ligne droite entre le point d’intersection du parallèle de Say avec la Sirba et le point situé à

1200 mètres ouest du village de Tchenguiliba. On ne pourrait donc pas prétendre, selon elle, que
l’arrêté présente une insuffisance pour cette portion de la frontière.

La Cour conclut que, dans cette partie de la frontière, la ligne est constituée par un segment
de droite entre l’intersection du parallèle de Say avec la rive droite de la rivière Sirba et le début de

la boucle de Botou.

*

Ayant procédé à la détermination du tracé de la frontière entre les deux pays, la Cour
exprime le souhait que chaque Partie, en exerçant son autorité sur le territoire qui relève de sa
souveraineté, tienne dûment compte des besoins des populations concernées, en particulier des
populations nomades ou semi-nomades, et de la nécessité de surmonter les difficultés qui
pourraient surgir pour ces populations du fait de la frontière. La Cour prend note de la coopération
sur une base régionale et bilatérale qui s’est déjà instaurée entre les Parties à ce propos, notamment

en vertu du chapitre III du protocole d’accord de 1987, et les encourage à la développer
ultérieurement.

IV. D ÉSIGNATION D ’EXPERTS (par. 113)

La Cour relève qu’aux termes du paragraphe 4 de l’article 7 du compromis, les Parties l’ont
priée de désigner dans son arrêt trois experts qui les assisteront, en tant que de besoin, aux fins de
la démarcation de leur frontière dans la zone contestée. Elle note que les deux Parties, dans les - 7 -

conclusions finales présentées à l’audience, ont réitéré cette demande. La Cour est prête à accepter

la mission que les Parties lui ont ainsi confiée. Toutefois, eu égard aux circonstances de la présente
espèce, elle est d’avis qu’il n’y a pas lieu de procéder pour l’instant à la désignation sollicitée par
les Parties. Elle y procédera ainsi plus tard, par voie d’ordonnance, après s’être informée des vues
de celles-ci, notamment en ce qui concerne les aspects pratiques de l’exercice par les experts de
leurs fonctions.

V. D ISPOSITIF (par. 114)

Par ces motifs,

La COUR ,

1) A l’unanimité,

Dit qu’elle ne peut accueillir les demandes formulées aux points 1 et 3 des conclusions
finales du Burkina Faso ;

2) A l’unanimité,

Décide que, de la borne astronomique de Tong-Tong, située au point de coordonnées
géographiques 14° 24' 53,2" de latitude nord et 00° 12' 51,7" de longitude est, à la borne

astronomique de Tao, dont les coordonnées doivent être déterminées par les Parties, comme
indiqué au paragraphe 72 du présent arrêt, le tracé de la frontière entre le Burkina Faso et la
République du Niger prend la forme d’un segment de droite ;

3) A l’unanimité,

Décide que, à partir de la borne astronomique de Tao, le tracé de la frontière suit la ligne qui
ème
figure sur la carte au 1/200 000 éditée en 1960 par l’Institut géographique national (IGN) de
France (dénommée ci-après la «ligne IGN»), jusqu’à son intersection avec la ligne médiane de la
rivière Sirba au point de coordonnées géographiques 13° 21' 15,9" de latitude nord et
01° 17' 07,2" de longitude est ;

4) A l’unanimité,

Décide que, de ce dernier point, le tracé de la frontière suit la ligne médiane de la rivière

Sirba, en amont, jusqu’à son intersection avec la ligne IGN, au point de coordonnées
géographiques 13° 20' 01,8" de latitude nord et 01° 07' 29,3" de longitude est ; de ce point, le tracé
de la frontière suit la ligne IGN en remontant vers le nord-ouest jusqu’au point, de coordonnées
géographiques 13° 22' 28,9" de latitude nord et 00° 59' 34,8" de longitude est, où la ligne IGN se
dirige vers le sud ; à ce point, le tracé de la frontière quitte la ligne IGN pour se prolonger en
direction plein ouest, sous la forme d’un segment de droite, jusqu’au point, de coordonnées

géographiques 13° 22' 28,9" de latitude nord et 00° 59' 30,9" de longitude est, où il atteint le
méridien passant par l’intersection du parallèle de Say avec la rive droite de la rivière Sirba ; puis il
longe ce méridien en direction du sud jusqu’à ladite intersection, au point de coordonnées
géographiques 13° 06' 12,08" de latitude nord et 00° 59' 30,9" de longitude est ;

5) A l’unanimité,

Décide que, de ce dernier point au point situé au début de la boucle de Botou, de
coordonnées géographiques 12° 36' 19,2" de latitude nord et 01° 52' 06,9" de longitude est, le tracé
de la frontière prend la forme d’un segment de droite ; - 8 -

6) A l’unanimité,

Décide qu’elle désignera ultérieurement, par ordonnance, trois experts conformément au
paragraphe 4 de l’article 7 du compromis du 24 février 2009.

M. le juge Bennouna joint une déclaration à l’arrêt ; MM. les juges Cançado Trindade
et Yusuf, ainsi que MM. les juges ad hoc Mahiou et Daudet, joignent à l’arrêt les exposés de leur
opinion individuelle.

___________ Annexe 1 au résumé 2013/1

Déclaration de M. le juge Bennouna

Tout en appuyant la décision de la Cour, le juge Bennouna rappelle que, suivant la
jurisprudence de celle-ci, le droit colonial n’est pas pris en compte en tant que tel, mais seulement
comme un élément de fait ou un moyen de preuve du legs colonial.

Pour le juge Bennouna, cette distinction s’est révélée difficile dans cette affaire dans la
mesure où le compromis demandait à la Cour de se fonder sur un arrêté assez sommaire du
gouverneur général de l’Afrique occidentale française de 1927 qui n’avait comme unique

préoccupation que de séparer, pour une meilleure administration territoriale, des entités qui
relevaient de la même puissance coloniale.

Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

1. Dans son opinion individuelle, composée de 12 parties, M. le juge Cançado Trindade
commence par préciser que, bien qu’il ait voté en faveur de l’adoption du présent arrêt rendu en
l’affaire du Différend territorial (Burkina Faso c. Niger), dans lequel la Cour a, à la demande des
Parties, déterminé le tracé de leur frontière, certains points, auxquels il attribue une grande
importance, n’ont pas été dûment pris en considération dans les motifs de l’arrêt ou n’y ont pas été
suffisamment soulignés. Le juge Cançado Trindade entend donc et s’estime tenu de le faire
consigner sa position personnelle sur ces points, notamment en ce qui concerne les territoires en

cause et les populations locales (nomades et semi-nomades).

2. Les réflexions du juge Cançado Trindade, qui reposent sur la documentation formant le
dossier de la présente espèce (documentation qui n’est pas entièrement reflétée dans le présent
arrêt), portent, ainsi qu’il est indiqué dans la partie I, sur :

a) les dispositions conventionnelles (postérieures à l’indépendance de 1960) dans lesquelles est

exprimé l’intérêt des Parties pour les populations locales ;

b) l’intérêt pour les populations locales que les Parties ont exprimé dans leurs écritures ;

c) les communiqués (postérieurs à l’indépendance de 1960) dans lesquels est exprimé l’intérêt des
Parties pour les populations locales ;

d) les vues des Parties concernant les villages ;

e) l’intérêt pour les populations locales que les Parties ont exprimé à l’audience (premier et second
tour de plaidoiries) ;

f) l’intérêt pour les populations locales tel qu’exprimé dans les réponses que les Parties ont
apportées aux questions qui leur ont été posées par les juges ;

g) le tracé de la ligne frontière sur la carte IGN.

3. Le juge Cançado Trindade relève que, en répondant aux questions qui leurs ont été posées
par les juges, les Parties ont versé au dossier de la présente espèce un grand nombre d’éléments qui
ne sont pas pleinement ou suffisamment reflétés dans le présent arrêt rendu par la Cour. Il
s’attache plus particulièrement aux éléments suivants : - 2 -

a) le facteur humain et les frontières ;

b) la reconnaissance, par les Parties, qu’elles sont liées par leur engagement de coopérer à l’égard
des populations locales (engagement pris dans le cadre d’enceintes africaines multilatérales
ainsi que dans des accords bilatéraux constituant le régime de transhumance) ;

c) la population et le territoire considérés conjointement, pour former «un système de solidarité»
(partie qui englobe les axes de réflexion suivants : la transhumance et le «système de
solidarité» ; les populations et le territoire considérés conjointement ; la solidarité dans le cadre
du jus gentium). Le juge Cançado Trindade expose ensuite ses conclusions.

4. Le juge Cançado Trindade rappelle que, dans le présent arrêt rendu en l’affaire du
Différend territorial (Burkina Faso c. Niger), la Cour a commencé par préciser que le différend en
cause s’inscrivait dans un contexte historique marqué par l’accession à l’indépendance des
deux Parties, qui faisaient autrefois partie de l’Afrique occidentale française (par. 12). Dans son
opinion individuelle, il attache une importance particulière aux documents postérieurs à
l’indépendance de 1960. Selon lui, il convient de se féliciter de ce que les deux Parties aient jugé

utile d’insérer, dans les traités qu’elles ont conclus après cette date, des dispositions manifestant
leur intérêt pour les populations locales (partie II).

5. Le juge Cançado Trindade rappelle également l’intérêt pour les populations locales que les
Parties ont exprimé dans leurs écritures, et se penche sur chacun des arguments qu’elles ont
avancés à ce sujet (partie III). Ce même intérêt se retrouve dans les communiqués publiés par le
Burkina Faso et le Niger (après l’indépendance de 1960) en ce qui concerne la liberté de circulation

des populations locales (libre circulation des personnes et des biens ; commerce, transport et
douanes) (partie IV). Le juge Cançado Trindade poursuit en examinant les vues des Parties
concernant les villages situés dans la région frontalière (partie V).

6. Il rappelle ensuite l’intérêt pour les populations locales que les Parties ont manifesté à
l’audience (premier et second tour de la procédure orale partie VI). En réponse aux questions

que le juge Cançado Trindade leur a posées au terme de l’audience publique tenue le
17 octobre 2012, le Burkina Faso et le Niger ont, dans trois documents consécutifs, fourni à la Cour
une grande quantité d’informations supplémentaires (140 pages), parmi lesquelles certains
éléments pertinents aux fins de l’examen de la présente espèce (partie VII).

7. Selon le juge Cançado Trindade, certains passages des réponses apportées par les Parties
sont particulièrement instructifs, notamment ceux qui ont trait aux populations nomades. Ainsi, les

mouvements de transhumance étaient dictés par la nature et les ressources naturelles, sans qu’il soit
tenu compte des lignes frontière entre Etats ; ces mouvements de populations reposaient sur la
solidarité. Le Niger et le Burkina Faso ont par ailleurs précisé que la libre circulation des
populations locales et des biens entre les deux Etats était garantie par les accords bilatéraux et
multilatéraux relatifs à la liberté de circulation et à l’accès aux ressources naturelles auxquelles ils
sont parties ; à cet égard, le modus vivendi a pu être maintenu.

8. Dans leurs réponses, les Parties ont indiqué ce qui suit :

a) il existe des populations nomades et semi-nomades dans la zone frontalière et dans la région ;

b) ces populations traversent les zones dans lesquelles serait située toute frontière revendiquée par
les Parties ; - 3 -

c) les Parties entendent et sont tenues de le faire (de par leur qualité de membre d’organisations

régionales et leurs engagements bilatéraux) continuer à garantir la libre circulation des
populations nomades (par. 46). Dès lors, le juge Cançado Trindade estime qu’«aucun tracé
frontalier ne devrait avoir d’incidence sur ces populations, tant que les deux Etats continuent de
garantir la libre circulation des nomades et semi-nomades, dont les conditions de vie ne
devraient pas se trouver modifiées par la détermination de la frontière (par la Cour)» (par. 47)

9. Le juge Cançado Trindade fait ensuite observer (partie VIII) que, dans la zone située entre

la borne astronomique de Tao et Bossébangou, la ligne représentée sur la carte IGN apparaît, «du
point de vue des relations entre les populations et le territoire, comme étant la ligne appropriée»
(par. 61). Il ressort de l’ensemble des éléments qui ont été versés au dossier de la présente espèce,
ainsi que des archives de la Cour, que la ligne de la carte IGN a été tracée en tenant compte des
consultations menées sur le terrain par les cartographes de l’IGN auprès des chefs de village et des
populations locales. Et le juge Cançado de préciser ce qui suit :

«Les populations et le territoire forment un tout ; dans le cadre du jus gentium
contemporain, il est tout à fait clair que les différends territoriaux ou frontaliers ne
sauraient être réglés en faisant abstraction des populations locales concernées … [L]a
ligne de la carte IGN — et, de fait, la frontière tracée par la Cour en la présente espèce
dans le secteur allant de la borne astronomique de Tao à Bossébangou — traverse les
zones où ont aujourd’hui lieu des mouvements de populations, et ce, de manière
équilibrée et équitable» (par. 62).

10. Dans la partie suivante de son opinion individuelle, qui porte sur le facteur humain et les
frontières (partie IX), le juge Cançado Trindade se réfère à certaines études réalisées par des
historiens et des anthropologues, qui étayent sa position selon laquelle, dans des affaires telle que la
présente espèce, qui ont trait à des frontières à proximité desquelles vivent des populations
nomades et semi-nomades, «les populations et le territoire forment un tout» (par. 63). Selon lui,
«dans le cas de frontières dans des régions où vivent des groupes humains présentant des

caractéristiques culturelles aussi denses, on ne saurait se contenter de tracer des lignes
manifestement tout à fait «artificielles», sans tenir compte de l’élément humain» ; le juge
Cançado Trindade considère que les êtres humains constituent l’élément central (par. 69).

11. Dans le présent arrêt rendu en l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/Niger), la
Cour a exprimé «le souhait» que chaque Partie tienne dûment compte des besoins des populations
concernées, en particulier des populations nomades ou semi-nomades (par. 112). Selon

le juge Cançado Trindade, cela est «fort rassurant», puisque, de fait, les Parties elles-mêmes ont, en
réponse aux questions qu’il leur a posées, précisé qu’elles se considéraient tenues de le faire, en
raison de l’engagement de coopération à l’égard des populations locales (et, en particulier, des
populations nomades et semi-nomades) qu’elles ont pris dans le cadre d’enceintes africaines
multilatérales, ainsi que dans des accords bilatéraux constituant le régime de transhumance
(engagement qui prévoit que ces populations locales puissent traverser librement leur
frontière partie X).

12. Les Parties ont en outre précisé que les conditions de vie des populations locales ne
seraient pas affectées par le tracé de la ligne frontière séparant les deux Etats. Elles ont confirmé
que, selon elles, le régime de transhumance s’était constitué en tant que véritable «système de
solidarité» (par. 87) (partie XI). Le juge Cançado Trindade observe que la Cour considère
désormais que les populations et le territoire vont de pair : «en matière territoriale, il ne saurait être

fait abstraction des populations, en particulier dans des affaires d’une densité culturelle aussi - 4 -

importante que la présente espèce. Après tout, depuis l’époque des «pères fondateurs», la solidarité
n’a cessé d’être présente dans le corpus juris du droit des gens (jus gentium)» (par. 87).

13. Le juge Cançado Trindade relève que «même un sujet classique tel que le territoire» est
aujourd’hui considéré y compris par la Cour comme ne pouvant être dissocié des
populations ; ainsi, dans l’ordonnance en indication de mesures conservatoires (du 18 juillet 2011)
qu’elle a rendue en l’affaire relative au Temple de Préah Vihéar (demande en interprétation,
Cambodge c. Thaïlande), la Cour a considéré le territoire conjointement avec la population

(affectée), et décidé ce qui était sans précédent dans sa jurisprudence de créer une zone
démilitarisée dans les environs du temple (à proximité de la ligne frontière entre les deux pays
par. 89).

14. Et le juge Cançado Trindade d’ajouter que ce qui sous-tend cette jurisprudence, «c’est le
principe d’humanité, qui oriente la quête de l’amélioration des conditions de vie de la

societas gentium et celle de la réalisation du bien commun … dans le cadre du nouveau jus gentium
de notre temps» (par. 90). La décision que la Cour a rendue en 2011 en l’affaire relative au
Temple de Préah Vihéar n’en est cependant pas le seul exemple ; l’on pourrait également se référer
à d’autres décisions récentes de la Cour, dans lesquelles celle-ci a, de la même manière, reconnu la
nécessité de considérer conjointement les populations et le territoire.

15. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle avait auparavant (le 13 juillet 2009) rendu en l’affaire du

Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), la
Cour avait confirmé le droit coutumier de pêche à des fins de subsistance (par. 143-144) des
habitants des deux rives du fleuve San Juan. Pareille activité n’avait d’ailleurs jamais été contestée
(par le défendeur) ; de plus, en dernière analyse, ceux qui se livrent à la pêche à des fins de
subsistances ne sont pas les Etats mais les «êtres humains touchés par la pauvreté» (par. 92). Peu
de temps après, dans l’arrêt qu’elle a rendu (le 20 avril 2010) en l’affaire relative à des Usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), la Cour, en examinant les arguments et

éléments de preuve que lui avaient présentés les Parties (relativement à la protection de
l’environnement sur le fleuve Uruguay), a pris en compte certains aspects ayant trait aux
populations locales concernées et à leur consultation (par. 93).

16. Le juge Cançado Trindade s’intéresse ensuite à la définition du «précepte naturel» de
solidarité par l’un des pères fondateurs du droit des gens, Francisco Suárez (par. 97), dans son
magistral ouvrage De Legibus, Ac Deo Legislatore (1612), qui avait été précédée par celle de la

recta ratio dans les écrit de Cicéron (De Legibus, 52-43 avant J.C) : «la solidarité et
l’interdépendance sont toujours présentes dans la réglementation des relations entre membres de la
societas universelle» (par. 98). Et le juge Cançado Trindade d’ajouter que «la solidarité a toujours
eu sa place dans le jus gentium, ou droit des gens. Les circonstances du cas d’espèce porté devant
la Cour par le Burkina Faso et le Niger en témoignent, en ce qui concerne les populations (locales)
nomades et semi-nomades de ces deux Etats» (par. 98).

17. Le juge Cançado Trindade conclut (partie XII) que la principale leçon qu’il convient de
tirer de la présente espèce est que «le fait de déterminer une ligne frontière en gardant à l’esprit les
besoins des populations locales est tout à fait justifié et viable» (par. 99). Le droit «ne saurait être
appliqué de manière mécanique» (par. 104), et le droit des gens ne saurait être abordé
exclusivement suivant le paradigme interétatique. «Après tout, d’un point de vue historique ou
temporel, les populations — nomades et semi-nomades, aussi bien que sédentaires — ont
nettement précédé l’émergence des Etats dans le jus gentium classique» (par. 104). - 5 -

18. Historiquement, ajoute le juge Cançado Trindade, les Etats «se sont formés pour veiller
au bien-être des personnes humaines relevant de leurs juridictions respectives, et tendre vers le bien

commun. Les Etats ont des finalités humaines. Bien au-delà de la souveraineté de l’Etat, la leçon
essentielle qui doit être tirée de la présente espèce est, selon moi, celle de la solidarité humaine en
tant qu’élément central, mise sur le même plan que la nécessaire sécurité juridique des frontières.
Nous sommes là dans le droit fil de la sociabilité, qui trouve son origine dans la recta ratio, élément
fondateur du jus gentium. La recta ratio était présente dans la pensée des «pères fondateurs» du
droit des gens, et continue aujourd’hui de résonner dans la conscience humaine» (par. 107).

Opinion individuelle de M. le juge Yusuf

1. M. le juge Yusuf joint une opinion individuelle à l’arrêt afin d’aborder «certaines
questions que la Cour n’a pas traitées de manière adéquate dans les motifs de [celui-ci], notamment
en ce qui concerne les principes applicables invoqués par les Parties dans leurs écritures et
plaidoiries (voir paragraphe 63 de l’arrêt)».

2. Le juge Yusuf précise que le principe de l’uti possidetis juris et le principe du respect des
frontières énoncé par l’Organisation de l’unité africaine (ci-après «OUA») puis par
l’Union africaine (ci-après «UA») ne devraient pas être considérés comme identiques ou
équivalents, et qu’il convient d’établir entre eux une distinction, étant donné que leurs origines,
leurs buts, leurs portées juridiques et leurs natures diffèrent. Aussi la Cour aurait-elle dû dissiper
cette confusion dans le présent arrêt, de même qu’elle aurait dû aborder la question de savoir si les
deux principes avaient un rôle effectif à jouer en l’espèce.

3. Le postulat de l’équivalence de ces deux principes trouve son origine dans une déclaration
faite par une chambre de la Cour en l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du
Mali) (arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 565, par. 22), selon laquelle la charte de l’Organisation de
l’unité africaine évoquait «indirectement» le principe de l’uti possidetis, que les rédacteurs de la
résolution adoptée au Caire en 1964 par l’OUA «[avaient tenu] à préciser et à renforcer». Ce point
n’a jamais été remis en cause dans les arrêts rendus ultérieurement au sujet de différends frontaliers

en Afrique.

4. Le juge Yusuf relève que les documents officiels ayant trait aux conflits et aux différends
territoriaux ou frontaliers en Afrique adoptés par l’OUA ou son successeur, l’UA, ne font
aucunement référence au principe de l’uti possidetis, pas plus qu’ils ne le mentionnent. La
diversité des régimes frontaliers qui existaient sur le continent africain au moment de
l’indépendance, et le fait que les Etats africains nouvellement indépendants répugnaient à légitimer

le droit colonial dans leurs relations, ont conduit l’OUA, puis l’UA, à élaborer leur propre principe,
dont la portée juridique et la nature diffèrent de ceux de l’uti possidetis juris. Si les Etats membres
de ces deux organisations n’ont pas fait référence à l’uti possidetis juris, ce n’est donc pas faute
d’en avoir connu l’existence en tant que principe ou d’avoir su que, un siècle plus tôt, les Etats
hispano-américains y avaient eu recours au lendemain de leur décolonisation. S’ils n’y ont pas fait
référence, c’est parce que des situations et circonstances historiques différentes imposaient
d’adopter des règles et des principes juridiques différents.

5. Le principe du respect des frontières consacré par la résolution adoptée au Caire en 1964
et à l’article 4 b) de l’Acte constitutif de l’Union africaine met les frontières existant au moment de
l’indépendance «en attente» notamment pour éviter que les prétentions territoriales ne
débouchent sur des conflits armés , jusqu’à ce que les parties aient trouvé une solution
satisfaisante et pacifique à leur différend conformément au droit international, ou que tous les Etats - 6 -

africains (ou certains d’entre eux) soient parvenus à une intégration et une unité accrues,
conformément à la vision panafricaine. En tant que tel, ce principe implique donc l’interdiction du

recours à la force pour régler les différends frontaliers et l’obligation de ne pas s’emparer d’une
partie du territoire d’un autre Etat africain. En revanche, il n’établit pas de méthode particulière
pour procéder à la délimitation des frontières, pas plus qu’il ne constitue un critère pour déterminer
l’origine des lignes frontières.

6. Le juge Yusuf fait également observer que le titre territorial constitue un élément central
du principe de l’uti possidetis juris, principe qui repose sur une nette dichotomie entre titre

juridique et effectivités, suivant laquelle le premier, s’il existe, l’emporte sur les effectivités ou la
possession effective du territoire. En Amérique latine, le titre pertinent était la législation
espagnole de l’époque, et il a servi à transformer des limites autrefois internes en frontières
internationales. Le principe du respect des frontières énoncé par l’OUA puis par l’UA est, quant à
lui, un principe plus large prescrivant le respect des frontières des Etats africains après
l’indépendance, en attendant que soit réglé tout différend bilatéral, et ce, afin de préserver la paix et
la stabilité sur le continent. Il ne repose pas sur la distinction entre titre et effectivités, pas plus

qu’il ne s’y réfère, et ne fait pas prévaloir l’un de ces éléments sur l’autre.

7. La relation entre titre et effectivités aux fins de déterminer la frontière devant être
respectée n’a jamais été précisée ni même mentionnée dans les documents de l’OUA ou de l’UA.
Compte tenu de la diversité et de la complexité du processus d’accession à l’indépendance des
Etats africains, de la variété des régimes juridiques sur la base desquels la délimitation de leurs
frontières avait été effectuée avant l’indépendance (traités internationaux, frontières administratives

ou accords de tutelle, par exemple), et des fortes divergences d’opinion entre Etats africains au
moment de l’accession à l’indépendance, les deux organisations se sont délibérément abstenues
d’examiner de manière approfondie des questions juridiques telles que celle de savoir si le titre
territorial devait prévaloir sur les effectivités, ou l’inverse. De même, elles ont refusé d’établir,
dans le cadre du droit public africain, une méthode pacifique particulière applicable au règlement
de tout éventuel différend frontalier entre Etats africains, ou à la détermination du tracé des
frontières correspondantes.

8. Pour le juge Yusuf, il ne fait aucun doute que le principe de l’uti possidetis juris a, à bien
des égards, joué un rôle positif en Amérique latine au fil du temps, et qu’il continue d’être utile
pour régler des différends frontaliers dans d’autres parties du monde. Pour autant, il ne saurait être
considéré comme un synonyme du principe consacré par l’OUA en 1964, puis inscrit dans l’Acte
constitutif de l’UA, principe qui interdit de modifier les frontières existantes par la force, en
attendant que soient réglés pacifiquement les différends entre Etats africains.

9. Le juge Yusuf en vient ensuite à la relation entre uti possidetis juris et intégrité territoriale.
Il est d’avis que, dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), la
chambre de la Cour a commis une erreur en interprétant la référence à l’intégrité territoriale
figurant dans la charte de l’OUA comme une référence «indirecte» à l’uti possidetis. Ces principes
de droit international qui sont différents ne doivent pas être confondus. Si la référence faite

dans la résolution du Caire au paragraphe 3 de l’article III de la charte de l’OUA peut être
interprétée comme une référence à l’inviolabilité des frontières, qui est implicite dans le principe de
l’intégrité territoriale, on ne saurait soutenir, comme l’a fait la chambre de la Cour, que, par cette
référence, les Etats africains «[ont tenu] à préciser et à renforcer le principe de l’uti possidetis juris
qui n’apparaissait que de façon implicite dans la charte de leur organisation». Inviolabilité n’est
toutefois pas synonyme d’intangibilité des frontières ; cela signifie que les ajustements territoriaux
doivent être effectués d’un commun accord. - 7 -

10. Enfin, le juge Yusuf relève que la présente espèce diffère des affaires précédentes, étant
donné que les Parties ont, en 1987, conclu un accord délimitant leur frontière commune. La Cour

devait seulement interpréter et appliquer cet instrument. Elle n’avait pas à déterminer ce qui
constituait, pour chacune des Parties, l’héritage colonial auquel devait s’appliquer l’uti possidetis.
Cela avait déjà été précisé par les Parties dans leur accord de délimitation. Dès lors, le principe de
l’uti possidetis juris n’avait aucun rôle à jouer dans la présente affaire.

Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mahiou

Tout en souscrivant à la démarche d’ensemble de la Cour et à la plupart des conclusions
auxquelles elle est parvenue dans la présente affaire, il convient de faire état de quelques
observations sur certains points à propos desquels la position de la Cour appelle des nuances ou
précisions complémentaires. Il s’agit des points relatifs, d’une part, au statut des différents
documents invoqués au cours de l’instance et, d’autre part, au statut des effectivités ou plus
précisément leur place et rôle pour la détermination des différents tronçons de la frontière.

La délimitation de la frontière repose sur une application et une interprétation des

dispositions du décret du 28 décembre 1926, de l’arrêté du 31 août 1927 et de l’erratum
du 5 octobre 1927, de la carte IGN 1960 et des effectivités sur le terrain. Ces textes, documents et
effectivités montrent que le tracé est une combinaison de lignes droites et de sinuosités tenant
compte des limites intercoloniales et des effectivités à la date de l’indépendance du Niger et du
Burkina Faso. Il est permis de regretter que la Cour ne fasse pas toute la place qui revient à ces
effectivités.

Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Daudet

L’opinion individuelle du juge ad hoc Daudet porte sur les points 3 et 4 du dispositif de
l’arrêt.

1. S’agissant du point 3 relatif au tracé de la frontière entre la borne astronomique de Tao et
la rivière Sirba à Bossébangou, selon lui c’est à juste titre que, pour le déterminer, la Cour a eu

recours à la carte IGN de 1960. Mais à son avis un tracé en ligne droite reste néanmoins plausible
et les arguments avancés par la Cour en faveur du recours à la carte et son tracé sinueux suscitent
des interrogations de sa part.

La Cour a estimé que si l’arrêté de 1927 avait opté pour un tracé rectiligne, il aurait dû le
préciser formellement comme il l’a fait pour d’autres tronçons et puisque tel n’a pas été le cas, il
est difficile d’admettre qu’il y ait ici une ligne droite. Le juge ad hoc Daudet convient du caractère

sérieux de cet argument a contrario. Il avance toutefois plusieurs raisons qui, selon lui, en
affaiblissent la portée, à commencer par les limites inhérentes à tout raisonnement a contrario. Il
convient aussi de tenir compte des caractéristiques des tronçons en cause : celui qui s’étend de Tao
à la rivière Sirba à Bossébangou fait immédiatement suite à un tracé lui-même rectiligne dont il
assure la continuité et cela selon une pratique coloniale habituelle, alors qu’ailleurs les tracés
explicitement décrits comme rectilignes par l’arrêté font suite à des portions sinueuses (comme le
cours de la Sirba) ou à des changements marqués de direction. Le juge ad hoc Daudet relève

également que, s’il est vrai que le «tracé consensuel» a cessé de pouvoir s’appliquer entre les
Parties, il fixait une ligne droite qu’elles ont un moment jugée pertinente. - 8 -

Il est ensuite en désaccord avec la Cour sur son analyse des termes du décret du président de
la République française de 1926, base de l’arrêté de 1927 et de la nature des pouvoirs reconnus au

gouverneur général. Selon lui et à la différence du point de vue de la Cour, le décret confère au
gouverneur général de larges pouvoirs pour tenter de fixer les limites entre les deux colonies et
implique que l’arrêté lui-même ait un caractère constitutif.

Enfin, à la différence de la Cour, il estime que le cas du village de Bangaré ne doit pas être
traité comme le fait la Cour «au titre de la pratique suivie par les autorités coloniales pour
l’application de l’arrêté». Pour lui, le cas de Bangaré ne relève pas d’un raisonnement différent de

celui appliqué dans l’arrêt à Oussaltane et Pételkolé, où le recours aux effectivités est écarté.

Cependant et quoi qu’il en soit de ses désaccords avec le raisonnement de la Cour, le
juge ad hoc Daudet estime que si, sur la base de l’arrêté tel qu’il peut être interprété en raison de
son laconisme, la ligne droite est plausible, il n’éprouve cependant aucune certitude à cet égard et
admet que d’autres interprétations soient tout aussi possibles. Ce qui témoigne du caractère
«insuffisant» de l’arrêté pour déterminer une ligne ou une autre et oblige, selon les termes du
compromis, à retenir la carte IGN de 1960.

2. S’agissant du point 4 du dispositif, le juge ad hoc Daudet ne partage pas l’interprétation de
la Cour à propos du point d’aboutissement de la ligne à la rivière Sirba à Bossébangou. Ce point
commande ensuite le tracé de la ligne qui remonte le cours de la Sirba jusque-là où elle doit la
quitter afin de laisser au Niger le «saillant des quatre villages». Afin de pouvoir décider que le
tracé suit la ligne médiane de la rivière, la Cour interprète l’arrêté de manière telle que le terme
«atteindre» (la Sirba à Bossébangou) «n’indique pas que la ligne frontière franchit complètement la

Sirba et atteint sa rive droite», en sorte que le point d’aboutissement peut se situer au milieu de la
rivière, permettant de «mieux satisfai[re]» à «l’exigence en matière d’accès aux ressources en eau
de l’ensemble des populations des villages riverains». Ce choix de la Cour est pleinement justifié
du point de vue de l’équité. Cependant, il n’est pas demandé à la Cour de tracer une frontière
équitable, mais une frontière fondée sur l’arrêté de 1927 ou, en cas d’insuffisance de ce dernier, sur
la carte IGN de 1960. Pour cette raison, tout en conservant cette considération d’équité en quelque
sorte en «arrière-plan», la Cour a tenté, mais sans totalement y parvenir, de maintenir son

raisonnement dans le cadre de l’arrêté.

Le juge ad hoc Daudet éprouve donc des réserves d’abord en ce qui concerne le contenu de
l’interprétation de l’arrêté par la Cour car il ne voit rien qui permette, dans ce contexte, de donner
le sens conféré par la Cour au verbe «atteindre» et estime tout au contraire que puisque l’arrêté dit
que la ligne «attein[t] la Sirba à Bossébangou», c’est donc qu’elle se poursuit jusqu’à la rive droite
de la rivière où est situé ce village. Pour atteindre cet emplacement, la ligne a donc nécessairement

traversé la rivière (et la traversera de nouveau ultérieurement) dans sa totalité. C’est ensuite à
partir de ce point et donc en suivant la rive droite, que doit être tracée la ligne remontant la rivière.
Cette opinion est d’ailleurs confortée par le tracé de la carte IGN de 1960 dont les croisillons
coupent la rivière Sirba à Bossébangou dans sa totalité, puis, après avoir été indiqués le long de la
rive droite de la rivière, la coupent à nouveau pour créer le saillant des quatre villages. Du point de
vue du juge ad hoc Daudet, en décidant autrement, la Cour a plutôt statué en équité tout en essayant
de maintenir son raisonnement dans le cadre prescrit par le compromis, c’est-à-dire en appliquant

l’arrêté selon l’interprétation qu’elle en a donné. Il se demande si, pourtant, la Cour n’aurait pas pu
opter pour la délimitation à la rive, selon lui davantage en conformité avec les termes de l’arrêté, et
inciter les Etats à mettre en place des mécanismes de coopération (dans l’esprit du paragraphe 112
de l’arrêt) corrigeant le caractère inéquitable de ce tracé et favorisant une utilisation commune des
ressources en eau. Néanmoins, si, en dépit de ces réserves, le juge ad hoc Daudet a tout de même
voté en faveur du point 4 du dispositif, c’est en raison du fait qu’il admet qu’une interprétation - 9 -

aussi littérale de l’arrêté, pour exacte qu’elle soit selon lui, aboutit à un résultat marqué d’un excès
de formalisme, mettant en lumière le caractère «décalé» que peut avoir aujourd’hui dans certains

cas l’uti possidetis appliqué aux situations du monde actuel : les enjeux d’une limite administrative
interne tracée le long d’une rivière entre deux colonies relevant de la même puissance coloniale n’a
qu’un lointain rapport avec ceux de cette même ligne dès lors qu’elle constitue la frontière
internationale entre deux Etats souverains.

Le juge ad hoc Daudet explique aussi son vote en faveur du point 4 par le fait que celui-ci est
également relatif à d’autres portions sur le tracé desquelles il est en accord avec la Cour.

___________ Annexe 2 au résumé 2013/1

Croquis n 1 : Prétentions des Parties et ligne figurant sur la carte IGN de 1960 ;

Croquis n 2 : Tracé de la frontière de la borne astronomique de Tao au point où elle «attein[t]

la rivière Sirba à Bossébangou ;

Croquis n 3 : Tracé de la frontière depuis le point où elle «attein[t] la rivière Sirba à

Bossébangou» jusqu’à l’intersection de la rivière Sirba avec le parallèle de Say ;

Croquis n 4 : Tracé de la frontière tel que déterminé par la Cour. Croquis n°1:
PRÉTENTIONS DES PARTIES ET LIGNE FIGURANT SUR LA CARTE IGN DE 1960

Cecroquisaétéétabliàseulefind’illustration

0º 00’ 0º 30’ 1º 00’ 1º 30’ 2º 00’ 2º 30’ 3º 00’

secteurs abornés de la frontière
MALI ligne revendiquée par le Burkina Faso
ligne revendiquée par le Niger

15º 00’ ligne figurant sur la carte IGN de 1960 15º 00’
SB : point où la frontière «attein[t] la rivière Sirba
Mont N’Gouma à Bossébangou»

P : point situé à 1200 mètres à l’ouest deTchenguiliba
marquant le début du boucle de Botou

0 20 40 60 80 100km
14º 30’ échellepréciseà13°30’N 14º 30’
Borne astronomique deTong-Tong DatumetEllipsoïdeWGS84

Tillabéri

Borne astronomique deTao
14º 00’ Pisteautomobilede Téra 14º 00’
TéraàDorien1927 F l
eu
ve
NIGER N
ig
er
a NIAMEY
rb
13º 30’ Si 13º 30’

Bossébangou
e
èr
vi
Ri Say

13º 00’ 13º 00’

BURKINA
FASO

P
12º 30’ 12º 30’

u
kr o
M é
Fada N’Gourma

12º 00’ e 12º 00’
r
è
vi
i
R

11º 30’ 11º 30’
BÉNIN

11º 00’

0º 00’ 0º 30’ 1º 00’ 1º 30’ 2º 00’ 2º 30’ 3º 00’ Croquis n°2:
TRACÉ DE LA FRONTIÈRE DE LA BORNE ASTRONOMIQUE DETAO AU POINT OÙ ELLE «ATTEIN[T] LA RIVIÈRE SIRBA À BOSSÉBANGOU»
0º 20’ 0º 30’ 0º 40’ 0º 50’ 1º 00’ 1º 10’ 1º 20’
Cecroquisaétéétabliàseulefind’illustration

Borne astronomique deTao
Tracé de la frontière tel que déterminé par la Cour
TéraàDorien1927de SB : point où la frontière «attein[t] la rivière Sirba à Bossébangou»
14º 00’ Petelkolé Téra 14º 00’
0 5 10 15 20 25km
échellepréciseà13°30’N
DatumetEllipsoïdeWGS84

Oussaltane

13º 50’ 13º 50’

Bangaré

NIGER

13º 40’ 13º 40’

BURKINA
FASO

13º 30’ 13º 30’

a
irb
S

èr e
vi SB
Ri Bossébangou
13º 20’ 13º 20’

0º 20’ 0º 30’ 0º 40’ 0º 50’ 1º 00’ 1º 10’ 1º 20’ Croquis n°3:
TRACÉ DE LA FRONTIÈRE DEPUIS LE POINT OÙ ELLE «ATTEIN[T] LA RIVIÈRE SIRBA À BOSSÉBANGOU

JUSQU’À L’INTERSECTION DE LA RIVIÈRE SIRBA AVEC LE PARALLÈLE DE SAY
Cecroquisaétéétabliàseulefind’illustration

1º 00’ 1º 10’

BURKINA

C B FASO

SB
r ba
A Si Bossébangou
13º 20’ iè re 13º 20’
R iv
(d'après la carte
IGN de 1960)

1º 00’
13º 23’

0 0,5 1km
C B
ligne IGN

Agrandissement de la zone
autour des points B et C

a
rb
S i
13º 10 NIGER 13º 10
e
èr
ii
R 0 5 10 15 20 25km
échellepréciseà13°30’N
DatumetEllipsoïdeWGS84
parallèlede Say(13º06’12.08”N)
I
tracé de la frontière tel que déterminé par la Cour
SB : point où la frontière «attein[t] la rivière Sirba à Bossébangou»
A : point d'intersection de la ligne médiane de la rivière Sirba avec
la ligne IGN
B : point où la ligne IGN se dirige vers le sud

C : point où la ligne frontière atteint le méridien passant par
l’intersection du parallèle de Say avec la rive droite de la rivière Sirba
I : point d'intersection de la rivière Sirba avec le parallèle de Say

13º 00’ 13º 00’

1º 00’ 1º 10’ Croquis n° 4:

TRACÉ DE LA FRONTIÈRETEL QUE DÉTERMINÉ PAR LA COUR

Cecroquisaétéétabliàseulefind’illustration

0º 10’ 0º 20’ 0º 30’ 0º 40’ 0º 50’ 1º 00’ 1º 10’ 1º 20’ 1º 30’ 1º 40’ 1º 50’

Borne astronomiquede Tong-Tong

14º 20’ 14º 20’

Tillabéri

14º 10’ 14º 10’

Borne astronomiquede Tao

14º 00’ 14º 00’
Pisteautomobilede Téra
TéraàDorien1927 F
le
u v
13º 50’ e 13º 50’
N
NIGER ig
e r
13º 40’ 13º 40’
BURKINA

FASO a
13º 30’ rb 13º 30’
i
C S
A SB
13º 20’ Bossébangou 13º 20’
re
0 10 20 30 40 50km iè
iv
13º 10’ échellepréciseà13°30’N R 13º 10’
DatumetEllipsoïde WGS84 I parallèledeSay(13º06’12.08”N)

13º 00’ tracé de la frontière tel que déterminé par la Cour 13º 00’

SB : point où la frontière attein[t] la rivière Sirba à Bossébangou
A : point d'intersection de la ligne médiane de la rivière Sirba avec
12º 50’ la ligne IGN 12º 50’

C : point où la ligne frontière atteint le méridien passant par l’intersection
du parallèle de Say avec la rive droite de la rivière Sirba
12º 40’ I : point d'intersection de la rivière Sirba avec le parallèle de Say 12º 40’

P : point situé à 1200 mètres à l’ouest deTchenguiliba marquant le P
début du boucle de Botou
12º 30’ 12º 30’

0º 10’ 0º 20’ 0º 30’ 0º 40’ 0º 50’ 1º 00’ 1º 10’ 1º 20’ 1º 30’ 1º 40’ 1º 50’

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Résumé de l'arrêt du 16 avril 2013

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