Arrêt du 10 février 2005

Document Number
123-20050210-JUD-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING

CERTAIN PROPERTY
(LIECHTENSTEIv.GERMANY)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT OF lO FEBRUARY 2005

2005

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFSET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE

À CERTAINS BIENS
(LIECHTENSTEIc.ALLEMAGNE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

ARRÊT DU lO FÉVRIER 2005 Official citation:
Certain Property (Liechtensteiv. Germany),

Preliminary Objections, Judgment, l.CJ. Reports 2005,p. 6

Mode officiel de citatian:

Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne),
exceptions préliminaires,rrêt,CI.J. Recueil 2005,p. 6

Salcs number
ISSN 0074-4441
N° de vente: 896
ISBN 92-1-071007-X 10 FEBRUARY 2005

JUDGMENT

CERTAIN PROPERTY

(LIECHTENSTEIN v.GERMANY)

PRELiMINARY OBJECTIONS

CERTAINS BIENS
(LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

10 FÉVRIER 2005

ARRÊT 6

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2005
2005
IDfévrier
10 fénier2005 Rôle général
n°123

AFFAIRE RELATIVE

À CERTAINS BIENS

(LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Contexte historique - Confiscation par la Tchécoslovaquie en 1945, en appli­

cation des décrets BeneS, de biens appartenant au prince Franz Josef JJ de
Liechten.l'tein-Régime spécial concernant les avoirs et allfres biens allemands
à l'étrangersaisis en rapport (l\'ecla seconde guerre mondialeParagraphes 1
et3 de l'articl3 du chapitre sixiéme de la convention sur le règlementRègle­
ment définitif concernant l'Allemagne.
Tableau de Pieter van Laer confisqué en application des décrets Benes
- Rejet par les tribunaux allemands dans les années /990, sur la base de l'ar­

ticle3 du chapitre sixième de /a convention .l'lIrle règlement, de l'action en res­
titution du tableau intentée par le prince Hans-Adam JJ de Liechtenstein
- Rejet de la demande portée par le prince Hans-Adam 1/ de Liechtenstein
del'ant la Cour européenne des droits de l'homme.

• •

Compétence de la Cour fondée sur l'article premier de la convention euro­
péenne pour le règlement pacifique des différends -Limitation ratione tempo­
ris figurant à l'alinéaa) de l'articlede cetle convention.
Six exceptions préliminaires clla compétence de la Cour et à la rece)1{lhilitéde
la requêtesoulevées par l'Allemagne .


Première exception préliminaire de l'Allemagne.
Thèse de l'Allemagne selon laqllelle il n'y aurait pas de différend entre les
Parties- Absence selon l'Allemagne d'un «changement de position» de sa part
conce1ï1ant le traitement à appliquer aux biens liechtensteinois confisqués en
rapport avec la seconde guerre mondiale - Allemagne n'ayant jamais reconnu

la validitédes confiscations opéréesail titre des décrets BenesJurisprudence
constante des tribunaux allemands selon laquelle la convelltion sur le règlement

4 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 7

leur interdirait de se prononcer sur la Iicéitédes mesures de confiscations consé­
cutives à la seconde guerre mondiale - Position de l'Allemagne selon laquelle le
seul différend existant opposerait le Liechtenstein aux Etats successeurs de
l'ancienne Tchécoslovaquie.
Thèse du Liechtenstein selon laquelle il existerait un différend entre les

Parties - Affirmation selon laquelle l'Allemagne, à compter de 1995, aurait
permis pour la première fois que des avoirs liechtensteinois soient traités comme
des avoirs allemands à l'étranger aux fins de la convention sur le règlement
- Existence d'un différend distinct entre le Liechtenstein et la République
tchèque n'excluant pas l'existence d'un différend entre le Liechtenstein et l'AlIe­

magne - Affirmation du Liechtenstein selon laquelle l'Allemagne aurait recon­
nu l'existence du différend - Réfutation par l'Allemagne de celte affirmation.
Jurisprudence de la Cour et de sa devancière sur la question de l'existence
d'un différend - Griefs formulés en fait et en droit par le Liechtenstein contre
l'Allemagne rejetés par celle dernière - Existence d'un différend juridique
opposant les Parties - Position adoptée par l'Allemagne dans le cadre de

consultations bilatérales venant conforter celle affirmation - Objet du diffé­
rend - Rejet de la première exception préliminaire.

*
Deuxième exception préliminaire de l'Allemagne.

Thèse de l'Allemagne selon laquelle la Cour n'aurait pas compétence ratione
temporis sur la base de l'alinéa a) de l'article27 de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends - Argument de l'Allemagne selon
lequel, si la Cour devait conclure à l'existence d'un différend, celui-ci concerne­
rait la convention sur le règlement et les décrets Benes, qui sont antérieurs à la
date critique, à savoir la date de l'entrée en Iligueur entre le Liechtenstein et

l'Allemagne de la convention européenne pour le règlement pacifique des diffé­
rends (18 fëvrier 1980) - Affirmation selon laquelle les tribunaux allemands
auraient systématiquement déclarén'avoir pas compétence en vertu de la conven­
tion sur le règlement pour juger de la Iicéitédes confiscations opéréesen rapport
avec la seconde guerre mondiale.

Thèse du Liechtenstein selon laquelle la Cour serait compétente ratione tem­
poris - Allégation selon laquelle, avant que les tribunaux allemands ne se pro­
noncent sur l'affaire du Tableau de Picter van Laer, il aurait étéentendu entre
les Parties que la convention sur le règlement ne pouvait êtreconsidéréecomme
s'appliquant aux biens liechtensteinois confisqués en application des décrets
BeneS - Affirmation selon laquelle l'affaire duTableau de Pieter van Laer et la
position adoptée par le Gouvernement allemand après 1995 auraient déclenché

le différend.
Interprétation par les Parties de la jurisprudence de la Cour et de sa devan­
cière concernant les critères juridiques à retenir aux fins d'apprécier la compé­
tence ratione temporis.
Nécessitépour la Cour de déterminer si le différend concerne des faits ou
situations antérieurs ou postérieurs à la date critique - Affaire des Phosphates

du Maroe - Affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie
- Affaire du Droit de passage - Libellé de l'alinéa a) de l'article27 de la
convention européenne pour le règlement pacifique des différends ne s'écartant
pas en substance des limitations temporelles à la juridiction examinées dans ces
affaires - Critère retenu dans la jurisprudence antérieure, et consistalll à trou­
ver l'origine ou la cause réelle du différend, également applicable en l'espèce

- Absence d'une position commune entre le Liechtenstein et l'Allemagne, selon

5 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 8

laquelle la convention sur le réglemenrne s'appliquerait pas aux biens liechlen­
steillois - Jurisprudence cOllstante des tribunaux allemand.)'selon laquelle la
convention sur le règlement leur interdit de se prononcer sur la licèilè de toute
confiscation de biens Irailèspar l'Erat auleur de la cOllfisct/lion comme des biens
allemands - Absence de «situalion nouvelle» devan1 laquelfe les tribunaux alle­

mands se seraient trollves lorsqu'ils furent pour la premiérefois appelésciexa­
miner une affaire portant sur la confiscation de biens fiechtensteinois consécu­
tiveà la seconde guerre mondiale - Lien inextricable avec la convention sur le
reglemelll el les décrets Bend - Convention sur le règlement el décrets Bend
constilUant la cuuse réelle du différend - Deuxième exception préliminaire

devant êlreretenue compte tenu des dispositions de l'alinéaa) de l'article 27
de la convention européenne - Nul besoin pour la COllr d'examiner les
autres exceptions préliminaires de l'Allemagne - Défaut de competence pour
connaître de l'affaire.

ARRÊT

Présents,' M. SHI, présidem; M. RANJEVA,vice-présidelll; MM. GUILLAUME,
KOROMA,VERESliCHETIN , llleHIGGiNS, MM. PARRA-ARANGUREN,
KOOlJMANS, REZEK, AL-KHt\sAWNEH, BUERGENTHAL,ELARABY,

ÜWADA,TOMKA,juges; M. FLEISCHHAUERs,ir Franklin BERMAN,
juges ad hoc; M. COUVREURg ,reffier.

En l'affaire relativeàcertains biens,

entre

la Principauté de Liechtenstein,

représentée par
S. Exc. M. Alexander Goepfert, Freshfields Bruckhaus Deringer, Düsseldorf,
commissaire spécial de la l'rincipaulé de Liechtenstein,

comme agent;
S. Exc. M. Roland Marxer, ambassadeur, directeur de l'office pour les
affaires étrangéres de la Principauté de Licchtenstein,

comme avocat;
M. Dieter Blumenwitz, professeur de droit international public aux Univer­

sités de Würzburg et de Munich,
M. Thomas Bruha, professeur de droit public à l'Université de Hambourg,
M. James Crawford, S. c., professeur dc droit international,titulaire de la
chaire Whewell à l'Université de Cambridge, membre des barreaux
d'Angleterre et d'Australie, membre de l'Institut de droit international,

M. Gerhard Hafner, professeur de droit international public à l'Université de
Vienne, mcmbre associé de l'Institut de droit international,
M. Alain Pellct, professeur de droit international à l'Université de Paris X­
Nanterre, membre et ancien président de la Commission du droit interna­
tional,

comme conseils et avocats;

6------------------ -------- ----

CERTAINS BIENS (ARRÊT) 9

M. Malcolm Forster, professeur de droit international à l'University College
de Londres, Freshfields Bruckhaus Deringer, Londres,
Mme Juliane Hilf, membre de la chambre des avocats d'Allemagne, Fresh­

fields Bruekhaus Deringer, Cologne,
MmeLuey Reed, membre du barreau de l'Etat de New York, Freshfields Bruck­
haus Deringer, New York,
comme avocats;

M. Daniel Müller, attaché temporaire d'enseignement et de recherche à
l'Université de Paris X-Nanterre,
M. Stephan Wittich, professeur adjoint à l'Université de Vienne,

comme conseillers;

Mme Nadine Heider, Freshfields Bruckhaus Deringer, Cologne,
Mme Gabriele Klein, Freshfields Bruckhaus Deringer, Düsseldorf,
comme assistantes;

M. Thomas Dillmann, ECC Kohtes Klewes,
M. Thomas Pütz, ECC Kohtes Klewes,
comme attachés d'information,

el

la République fédéraled'Allemagne,

représentéepar
M. Thomas Uiufer, directeur généraldes affaires juridiques et conseiller juri­

dique du ministère fédéraldes affaires étrangères,
S. Exc. M. Edmund Duckwitz, ambassadeur de la République fédérale
d'Allemagne auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme agents;
M. Jochen Frowein, directeur éméritede l'Institut Max Planck pour le droit
public comparé et le droit international à Heidelberg, professeur de droit

international public à l'Université de Heidelberg,
M. Christian Tomuschat, professeur de droit international public à l'Univer­
sité Humboldt de Berlin,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international public à l'Univer­
sité de Paris (Panthéon-Assas) et à l'Institut universitaire européen de

Florence,
comme conseils;

M. Daniel Erasmus Khan, Privatdozent, professeur invité à l'Université de
Bayreuth,
M. Andreas Paulus, Université de Munich,
Mme Karin Oellers-Frahm, Institut Max Planck pour le droit public comparé
et le droit internationalà Heidelberg,

Mme Susanne Wasum-Rainer, chef de la division du droit international
public du ministère fédéraldes affaires étrangères,
M. Reinhard Hassenpflug, ministère fédéraldes affaires étrangères,
M. Gatz Reimann, ambassade de la République fédéraled'Allemagne à La
Haye,

comme conseillers;
Mme Fiona Sneddon,

comme assistante,

7 CERTAINS BIENS (ARRËT) 10

LA COUR,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l'arrêtsuivant:
er
1. Le 1 juin 2001, la Principauté de Liechtenstein (dénomméeci-après le
«Liechtenstein ») a déposéau Greffe de la Cour une requêteintroductive d'ins­
tance contre la Républiq ue fédéraled'Allemagne (dénomméeci-après 1'«Alle­
magne») au sujet d'un différend afférent à des

«décisions prises en 1998 et depuis lors par l'Allemagne qui tendent à trai­
ter certains biens de ressortissantsu Liechtenstein comme des avoirs alle­

mands «saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de
l'état de guerre» - c'est-à-dire comme une conséquence de la seconde
guerre mondiale -, sans prévoir d'indemniser leurs propriétaires pour la
perte de ces biens, et au détriment du Liechtenstein lui-même».

Pour fonder la compétence de la Cour, la requêteinvoquait l'article premier
de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends du
29 avril 1957, entrée en vigueur entre le Liechtenstein et l'Allemagne le

18 février 1980.
2. Conformément au paragraphe 2 de l'article 40 du Statut, la requêtea été
immédiatement communiquée au Gouvernement allemand par le greffier; et,
conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester
devant la Cour ont étéinformés de la requête.

3. Par ordonnance du 28 juin 200l, la Cour a fixéau 28 mars 2002 la date
d'expiration du délai pour le dépôt du mémoire du Liechtenstein et au 27 dé­
cembre 2002 la date d'expiration du délai pour le dépôt du contre-mémoire de
l'Allemagne, ce délai étant fixésans préjudice de l'application éventuelle du
paragraphe 1 de l'article 79 du Règlement de la Cour dans sa version revisée
er
applicable à compter du 1 février 2001. Le 28 mars 2002, dans le délai ainsi
prescrit,le Liechtenstein a déposéson mémoire au Greffe.
4. La Cour ne comptant sur le siégeaucun juge de nationalité liechtcnstei­
noise, le Liechtenstein s'est prévalu du droit que lui confère le paragraphe 2 de
l'article31 du Statut de procéder à la désignation d'un juge ad hoc pour siéger

en l'affaire. Il a d'abord désigné M. lan Brownlie, qui a démissionné le
25 avril 2002, puis sir Franklin Berman.
5. Par note verbale du 29 avril 2002, la République d'Autriche a demandé à
la Cour de lui faire tenir un exemplaire du mémoire du Liechtenstein. Après
s'êtrerenseignée auprès des Parties conformément au paragraphe 1 de l'ar­

ticle53 de son Règlement, la Cour a décidéqu'il n'était pas approprié d'accéder
à cette demande. Le greffier a communiqué cette décision à l'Autriche et aux
Parties par lettres en date du 18 juillet 2002.
6. Le 27 juin 2002, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l'article 79 du
Règlement, l'Allemagne a soulevédes exceptions préliminaires à la compétence
de la Cour pour connaître de l'affaire età la recevabilité de la requêtedu Liech­

tenstein. Le président de la Cour, constatant qu'en vertu des dispositions du
paragraphe 5 de l'article 79 du Règlement la procédure sur le fond était sus­
pendue, et après s'êtrerenseigné auprès des Parties lors d'une réunion tenue
avec les agents de celles-ci, a,ar ordonnance du 12juillet 2002, fixéau 15 no­
vembre 2002 la date d'expiration du délaidans lequel le Liechtenstein pourrait

présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les

8 CERTAINS BIENS (ARRÊT) li

exceptions préliminaires soulevées par l'Allemagne. Le Liechtenstein a déposé
un tel exposédans le délaiainsi fixé,et l'affaire s'est ainsi trouvée en état pour
ce qui est des exceptions préliminaires.
7. Par lettres en date du 13 mars 2003, le greffier a fait savoir aux Parties que
le juge Simma, de nationalité allemande, avait indiqué à la Cour qu'il ne pour­
rait participer au réglement de l'affaire, compte tenu des dispositions du para­

graphe 2 de l'article 17 du Statut. En application du paragraphe 3 de l'article 31
du Statut et du paragraphe 1 de l'article 37 du Réglement de la Cour, l'Alle­
magne a désignéM. Carl-A ugust Fleischhauer pour siéger en qualité de juge
ad hot.:en l'affaire.
8. Conformément au paragraphe 2 de l'article 53 de son Règlement, la Cour,

après s'êtrerenseignée auprès des Parties, a décidéque des exemplaires des
piécesde procédure ct des documents annexésseraient rendus accessibles au pu­
blic à l'ouverture de la procédure orale.
9. Des audiences publiques ont ététenues les 14, 16, 17 et 18 juin 2004, au
cours desquelles ont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour l'Allemagne: M. Thomas Liiurer,
M. Jochen Frowein,

M. Christian Tomuschat,
M. Pierre-Marie Dupuy.
Pour le LiechtensteilJ: S. Exc. M. Alexander Goepfert,

S. Exc. M. M. Roland Marxer,
M. James Crawford,
M. Dieter Blumenwitz,
M. Thomas Bruha,
M. Gerhard Hafner,

M. Alain Pellet.
10. Dans sa requête,le Liechtenstein a formulé les demandes suivantes:

«Pour les motifs ci"dessus, qui sont invoqués chacun à titre subsidiaire

par rapport à l'autre, le Liechtenstein, se réservant le droit de compléter ou
de modifier la présente requêteet assurant de produire devant la CaUf tous
déments de preuve et moyens pertinents, prie la Cour de dire et juger que
l'Allemagne a engagésa responsabilité juridique internationa.le et est tenue
de réparer de façon appropriée les dommages et les préjudices subis par le
Liechtenstein. Le Liechtenstein demande en outre que la nature et le mon­

tant de cette réparation soient déterminésel fixéspar la Cour au cas où les
Parties ne pourraient se mettre d'accord à ce sujet, le cas échéantlors d'une
phase distincte de la procédure.»

11. Dans la procédme écrite, les conclusions ci-après ont étéprésentéespar
les Parties:

Au nom du Gouvernement du Liechtenstein,

dans le mémoire:

,,1. Pour les motifs ci-dessus, la Principauté de Liechtenstein, se réser­
vant le droit de modifier ces conclusionsà la lumière de nouveaux éléments
de preuve et arguments, prie la Cour de dire et juger:

a) que par sa conduite concernant le Liechtenstein et les biens liechlen­
steinois, l'Allemagne n'a pas respecté la souveraineté et la neutralité

9 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 12

du Liechtenstein ni les droits que le Liechtenstein et ses ressortissants
peuvent faire valoir à l'égarddes biens en question;
b) qu'en n'indemnisant pas le Liechtenstein et ses ressortissants pour les
pertes qu'ilsont subies, l'Allemagne viole les régiesdu droit interna­
tional;

c) qu'en conséquence, l'Allemagne a engagé sa responsabilité juridique
internationale et est tenue de donner les assurances et garanties de
non-répétition qui s'imposent et de prendre les mesures voulues pour
réparer le dommage et le préjudice causés au Liechtenstein.

2. En outre, le Liechtenstein prie la Cour, au cas où les Parties ne pour­
raient se mettre d'accord à ce sujet. de déterminer et fixer le montant de
l'indemnité due au Liechtenstein lors d'une phase distincte de la procé­
dure.»

Au nom du GOl/vernement de l'Allemagne,

dans les exceptions préliminaires:

«Sur la base des conclusions ci-dessus, l'Allemagne résume comme suit
ses exceptions préliminaires:
1) Le présent différend échappe à la compétence de la Cour car

a) il n'y a pas de différend opposant le Liechtenstein et l'Allemagne au
sens du Statut de la Cour et de l'article 27 de la convention euro­
péenne pour le règlement pacifique des différends du 29 avril 1957;

b) tous les faits pertinents sont antérieursà la date d'entréeen vigueur
de la convention européenne entre les Parties;
c) les faits et événementssur lesquels le Liechtenstein fonde ses de­
mandes relèvent de la compétence nationale de l'Allemagne.

2) La requêtedu Liechtenstein est également irrecevable car
a) les demandes du Liechtenstein ne sont pas suffisamment étayées;
b) la Cour, pour statuer sur les demandes du Liechtenstein, devrait se

prononcer sur les droits et les obligations desEtats qui ont succédé
à la Tchécoslovaquie, en particulier la République tchéque, en
l'absence de ces Etats et sans leur consentement;
c) les victimes liechtensteinoises présuméesdes mesures de confisca­
tion prises par la Tchécoslovaquie n'ont pas épuisétoutes les voies
de recours internes qui leur étaient ouvertes.

Pour les motifs ci-dessus, l'Allemagne prie la Cour de dire et juger:

que la Cour n'a pas compétence pour connaître des demandes formu­
léesà l'encontre de l'Allemagne que la Principauté de Liechtenstein lui
a soumises par sa requêteen date du 30 mai 2001,

et/ou
que les demandes formulées à l'encontre de l'Allemagne par le Liech­
tenstein ne sont pas recevables dans la mesure précisée dans les pré­
sentes exceptions préliminaires.»

Au nom du Gouvernement du Liechtenstein,

dans son exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les excep­
tions préliminaires soulevées par l'Allemagne:

10 CERTAINS RIENS (ARRÊT) 13

«Pour tous les motifs qui précèdent,la Principauté de Liechtenstein, se
réservant le droit de modifier les présentesconclusions à la lumière de nou­
veaux arguments de l'Allemagne, prie respectueusement la Cour de dire et
juger:
a) que la Cour a compétence pour connaître des demandes formulées
dans la requêtede la Principauté de Liechtenstein, et que celles-ci sont

recevables;
et, en conséquence,
h) que les exceptions préliminaires sont rejetéesdans leur intégralité.»

12. Dans la procédure orale, les conclusions ci-après ont étéprésentéespar
les Parties:

Ali nonl du Goul'ernement de l'Allemagne,
à l'audience du 17 juin 2004:

« L'Allemagne pric la Cour de dire et juger:
que la Cour n'a pas compétence pour connaître des demandes formu­
léesà l'encontre de l'Allemagne que la Principauté de Liechtenstein lui

a soumises par sa requêteen date du 30 mai 2001,
et
que les demandes formulées à l'encontre de l'Allemagne par le Liech­
tenstein ne sont pas recevables dans la mesure préciséedans ses excep­

tions préliminaires.»
Au nom du GOllvemement du Liechtenstein,

à l'audience du 18 juin 2004:
« Pour les motifs développésdans ses observations écrites et durant la
procédure orale, la Principauté de Liechtenstein prie respectueusement la

Cour:
a) de dire et juger que la Cour est compétente pour connaître des de­
mandes formulées dans sa requêteet que celles-ci sont recevables;
et, en conséquence,

h) de rejeter les exceptions préliminairesde l'Allemagne dans leur intégra­
lité.»

* * *
13. Au cours de la seconde guerre mondiale, la Tchécoslovaquie fut
l'une des puissances alliées et une partie belligérante dans le conflit avec

l'Allemagne. En 1945, elle adopta une série de décrets (les «décrets
Benes»), dont le décret n° 12 du 21 juin 1945, en application duquel
furent confisqués les «biens agricoles» de «toutes les personnes apparte­
nant au peuple allemand ou hongrois, indépendamment de leur nationa­
lité». Aux termes de ce décret, les «biens agricoles» couvraient notam­

ment les bâtiments, installations et biens meubles qui y étaient attachés.
Figuraient parmi les biens confisqués au titre du décret n° 12 des biens
appartenant à des ressortissants du Liechtenstein, dont le prince

Il CERTAINS BIENS (A'RRËT) 14

Franz Josef Il de Liechtenstein. Celui.-ci, :agissanà titre personnel,
contesta les mesures de confiscationde~an l:cour administrative de Bra­
tislava. Le21 novembre 1951, cette dernière conclut que les confiscations
des biens du prince de Liechtenstein étaient licites au regard du droit
tchécoslovaque.
14. Après la promulgation par les Alliésde divers textes concernant un

régimede réparations, en général,et les avoirs et autres biens allemands
à l'étranger saisis enrapport avec la seconde guerre mondiale, en parti­
culier, un régimespécial afférent à cette dernière matière fut instituéux
termes du chapitre sixième de la convention sur Je règlement de questions
issues de la guerre ete l'occupation, signée,le26 mai 1952 à Bonn par les

Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni, la France et la République
fédéraled'Allemagne (telle que modifiée parl'annexe IV au protocole sur
la cessation du régime d'occupation dans la République fédéraled'Alle­
magne, signéà Paris le 23 octobre 1954) et'entréeen vigueur le 5 mai 1955
(ci-après dénomméela «convention sur le f<ëglement»).

L'article 3 du chapitre sixième de la convention est ainsi rédigé:
«1. La République fédéralene soulèvera, dans l'avenir, aucune
objection contre les mesures qui ont étéprises ou qui seront prises à

l'égarddes avoirs allemands à l'étranger ou des autres biens saisis au
titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l'état de
guerre, ou en se fondant sur les accords que les trois puissances ont
conclus ou pourront conclure avec 'd'autres pays alliés,avec des pays
neutres ou avec d'anciens alliésde l'Allemagne.

3. Ne sont pas recevables les réclamations et les actions dirigées
contre des personnes qui ont acquis ou transférédes droits de pro­

priété,en vertu des mesures visées aux paragraphes 1 et 2 du présent
article, ainsi queontre des organismes internationaux, des gouver­
nements étrangers ou des personnes qui ,ont agi sur instruction de ces
organismes ou de ces gouvernements ,étrangers.»

Aux termes de l'article 5 du chapitre sixième de cette mêmeconven­
tion:

«La République fédéraleveillera àcc'que les anciens propriétaires
de biens saisis en exécution des mesures viséesaux articles 2 et 3 du
présent chapitre reçoivent une indemnisation.»

15. Le régime établi par la convention sur le règlement ne devait
demeurer en vigueur que jusqu'au moment où serait définitivement réglée
la question des réparations par «le traité de paix entre l'Allemagne et ses
anciens ennemis ou par des accords antérieurs relatifs à cette question»
(article 1 du chapitre sixième). Un règlement définitif intervint en 1990

par la conclusion du traité portant règlement définitif concernant l'Alle­
magne (signé à Moscou le 12 septembre 1990 et entré en vigueur le
15 mars 1991). Les parties à ce traité étaient les quatre anciennes puis­
sances occupantes, la République fédéraled'Allemagne et la République

12 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 15

démocratique allemande. Les 27 et 28 septembre 1990, il fut procédéà un
échange de notes entre les trois puissances occidentales et le Gouverne­

ment de la République fédéraled'Allemagne (les parties à la convention
sur le règlement), aux termes duquel cette convention cesserait d'êtreen
vigueur à la date d'entrée en vigueur du traité. Si cet échange de notes
mettait fin à la convention sur le règlement elle-même,et notamment à
l'article 5 du chapitre sixième (relatif à l'indemnisation par l'Allemagne),
il prévoyait que les paragraphes 1 et 3 de l'article 3 du chapitre sixième
«demeurer[aient] cependant en vigueur».

16. En 1991, un tableau de Pieter van Laer, peintre hollandais du
xvne siècle, fut prêtépar un musée de Brno (Tchécoslovaquie) à un
musée de Cologne (Allemagne) pour figurer dans une exposition. Ce
tableau, propriétéde la famille du prince régnant de Liechtenstein depuis
le XVIW siècle, avait étéconfisqué en 1945 par la Tchécoslovaquie en
application des décrets Benes. La cour administrative de Bratislava rejeta

en 1951 le recours que le prince Franz Josef Il de Liechtenstein avait
formé contre les mesures de confiscation en vertu desquelles ses biens, et
notamment le tableau de Pieter van Laer, avaient étésaisis (voir para­
graphe 13 ci-dessus). En 1991, le prince Hans-Adam II de Liechtenstein,
agissant à titre personnel, saisit lesibunaux allemands en vue d'obtenir
la mise sous séquestre de cette toile et sa restitution (affaire ci-après

dénommée «l'affaire du Tableau de Pieter l'anLaer»). Cette demande fut
rejetéepar le tribunal régional de Cologne le 10 octobre 1995, par la cour
d'appel de Cologne le 9 juillet 1996, par la Cour fédérale de justice
le 25 septembre 1997 et par la Cour constitutionnelle fédéralele 28 jan­
vier 1998, au motif que, selon les termes de l'article 3 du chapitre sixième
de la convention sur le règlement, aucune réclamation ou action ayant

trait aux mesures prises contre des avoirs allemands à l'étranger au len­
demain de la seconde guerre mondiale n'était recevable devant des tribu­
naux allemands.
17. En 1998, le prince Hans-Adam Il de Liechtenstein saisit la Cour
européenne des droits de l'homme d'une requête dirigée contre l'Alle­
magne, alléguant que les décisionssusmentionnées constituaient une viola­
tion des droits qu'il tiraitu paragraphe 1 de l'article 6 et de l'article 14

de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fon­
damentales du Conseil de l'Europe, ainsi que de l'article 1 du protocole
nO1 à cette convention. Le 12 juillet 2001, ladite Cour dit qu'il n'y avait
pas eu violation des articles invoqués par le demandeur.

* * *

18. TIest rappelé que, en la présente instance, le Liechtenstein fonde la
compétence de la Cour sur l'article premier de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends, qui dispose que

«Les Hautes Parties contractantes soumettront pour jugement à
la Cour internationale de Justice tous les différends juridiques rele-

13 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 16

vant du droit international qui s'élèveraient entre elles et notamment
ceux ayant pour objet:
a) l'interprétation d'un traité;
b) tout point de droit international;

c) la réalitéde tout fait qui, s'il était établi, constitueraitla viola­
tion d'une obligation internationale;
d) la nature ou l'étendue de la réparation due pour rupture d'une
obligation internationale.»

L'alinéa a) de l'article 27 de la convention européenne pour le règle­
ment pacifique des différends est ainsi libellé:

«Les dispositions de la présente convention ne s'appliquent pas:

a) aux différends concernant des faits ou situations antérieurs à
l'entrée en vigueur de la présente convention entre les parties au
différend. »

19. L'Allemagne a soulevé six exceptions préliminaires à la compé­
tence de la Cour et à la recevabilité de la requête du Liechtenstein. A titre
de première exception, l'Allemagne affirme qu'il n'y a pas de différend

l'opposant au Liechtenstein au sens des dispositions du Statut de la Cour
et de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique
des différends. Dans sa deuxième exception, elle fait valoir que tous les
faits pertinents sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la convention
européenne pour le règlement pacifique des différends entre les Parties.
Aux termes de sa troisième exception, l'Allemagne soutient que la conven­

tion européenne pour le règlement pacifique des différends n'est pas
applicable, les actes sur lesquels le Liechtenstein fonde ses demandes rele­
vant de la compétence nationale de l'Allemagne. Dans sa quatrième
exception, l'Allemagne allègue que les demandes du Liechtenstein ne sont
pas suffisamment étayées,contrairement à ce qu'exigent le paragraphe 1
de l'article40 du Statut de la Cour et le paragraphe 2 de l'article 38 de

son Règlement. L'Allemagne fait valoir, à titre de cinquième exception,
que la Cour, pour statuer sur les demandes du Liechtenstein, devrait se
prononcer sur les droits ct obligations des Etats ayant succédéà l'ancienne
Tchécoslovaquie, en particulier la République tchèque, et ce, en l'absence
de ces Etats et sans leur consentement. Enfin, aux termes de la sixième
exception préliminaire de l'Allemagne, les ressortissants du Liechtenstein

qui auraient subi les conséquences des mesures de confiscation prises par
la Tchécoslovaquie n'auraient pas épuisétoutes les voies de recours in­
ternes qui leur étaient ouvertes.
Dans l'exposé contenant ses observations écrites et dans ses conclu­
sions finales énoncées au cours de la procédure orale, le Liechtenstein
prie la Cour de rejeter dans leur intégralité les exceptions préliminaires

soulevées par l'Allemagne.

* *

14 CERTAINS' BIENS (ARRÊT) 18

Le Liechtenstein reconnaît l'existence d'un différend l'opposant par
ailleurs à la République tchèque, mais relève que cela n'exclut pas l'exis­
tence d'un différend distinct entre lui-mêmeet l'Allemagne, nédu com­
portement illicite de celle-cà son égard.
23. Le Liechtenstein soutient en outre que l'Allemagne a elle-même
admis l'existence du différend qui les oppose. Le Liechtenstein prétend en

eftèt que l'Allemagne a reconnu l'existence de ses demandes et d'une
divergence de points de vue juridiques à leur sujet, tant au cours de
consultations bilatérales tenues en juillet 1998 et en juin 1999 que dans
une lettre adressée le 20 janvier 2000 par le ministre allemand des affaires
étrangères à son homologue liechtensteinois. Cette lettre indiquait qu'«[i]l
[était] bien connu que le Gouvernement allemand ne partage[ait] pas

l'avisjuridique» du Gouvernement du Liechtenstein et «n'entrevo[yait]
pas la possibilité d'indemniser la Principauté de Liechtenstein pour les
pertes de biens qu'elle a[vait] subies du fait des expropriations qui [avaient]
eu lieu dans l'ancienne Tchécoslovaquie après la guerre», ces mesures
«ne [pouvant] en droit êtreimputées à l'Allemagne».
Pour sa part, l'Allemagne nie avoir admis l'existence d'un différend en

prenant part à des consultations diplomatiques à la demande du Liech­
tenstein. Elle estime que le fait de débattre de divergences de vues juri­
diques ne saurait prouver l'existence d'un différend au sens du Statut de
la Cour «avant d'avoir atteint un certain seuil ».

*

24. Selon la jurisprudence constante de la Cour et de la Cour perma­
nente de Justice internationale, un différend est un désaccord sur un
point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèsesjuri­
diques ou d'intérêtsentre des parties (voir Concessions Mavrommatis en

Palestine, arrêtn" 2, 1924, CP.J.!. sérieA n" 2, p. Il; Cameroun sep­
tentrional, exceptions préliminaires, arrêt, CI. J. Recueil 1963, p. 27;
Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de
l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des
Nations Unies, avis consultatif, C!.J. Recuei! 1988, p. 27, par. 35; Timor
oriental (Portugal c. Australie), arrêt,CrJ. Recueil 1995, p. 99-100,
par. 22). En outre, aux fins de déterminer s'il existe un différend juri­

dique, la Cour doit rechercher si «la réclamation de l'une des parties se
heurte à l'opposition manifeste de l'autre» (Sud-Ouest africain, excep­
tions préliminaires, arrét, C!.J. Recueil 1962, p. 328).
25. La Cour rappellera que le Liechtenstein présente l'objet du diffé­
rend qui l'oppose à l'Allemagne comme lié à une violation de sa souve­
raineté et desa neutralité par le défendeur, lequel aurait, pour la première

fois en 1995, traité les biens liechtensteinois saisis en application des
décrets Benes comme des avoirs allemands à l'étranger aux fins de la
convention sur le règlement, nonobstant le statut de neutralité du Liech­
tenstein. L'Allemagne, quant à elle, nie purement et simplement l'exis­
tence d'un différend qui l'opposerait au Liechtenstein. Elle affirme au

16 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 19

contraire que 1'«objet de cette affaire» réside dans la confiscation, sans

indemnisation, des biens liechtensteinois par la Tchécoslovaquie en 1945;
l'Allemagne estime en outre que ses tribunaux ont, dans le cas du Liech­
tenstein, simplement appliqué leur jurisprudence constante à des biens
considéréscomme des avoirs allemands àl'étranger au sens de la conven­
tion sur le règlement. La Cour relève en conséquence que, dans la pré­
sente instance, les griefs formulés en fait et endroit par le Liechtenstein

contre l'Allemagne sont rejetés par cette dernière. Conformément à sa
jurisprudence bien établie (voir paragraphe 24 ci-dessus), la Cour conclut
que «[d]u fait de ce rejet, il existe un différend d'ordre juridique)} entre le
Liechtenstein et l'Allemagne (Timor oriental (Portugal c. Australie),
arrêt,Cl.J. Recueil 1995, p. 100, par. 22; Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, exceptions pré­

liminaires, arrêt,Cf.!. Recueil/996, p. 615, par. 29). La Cour note par
ailleurs que la position adoptée par l'Allemagne dans le cadre de consul­
tations bilatérales et dans la lettre du 20 janvier 2000 émanant du mi­
nistre des affaires étrangères conforte l'affirmation selon laquelle les
revendications du Liechtenstein se sont heurtées à l'opposition manifeste

de l'Allemagne et que cette dernière l'a reconnu.
26. La Cour doit à présentdéterminer l'objet du différendqui lui est sou­
mis. Ayant examiné le dossier de l'affaire, la Cour conclut que l'objet du
différendest de savoir si, en appliquant l'article 3 du chapitre sixièmede la
convention sur le règlement à des biens liechtensteinois cont:isquéspar la
Tchécoslovaquie en 1945 au titre des décrets BeneS,l'Allemagne a violéles

obligations qui lui incombaient envers le Liechtenstein et, dans l'affirmative,
de déterminer quelle serait la responsabilitéinternationale de l'Allemagne.
27. Ayant établi l'existence d'un différend entre Je Liechtenstein et
l'Allemagne et déterminé son objet, la Cour conclut que la première
exception préliminaire de l'Allemagne doit êtrerejetée.

* *
28. La Cour examinera maintenant la deuxième exception préliminaire
de l'Allemagne, selon laquelle la requêtedu Liechtenstein doit êtrerejetée

au motif que la Cour n'a pas compétence ralione temporis pour trancher
le présent différend.

*

29. L'Allemagne fait valoir que, si la Cour devait conclure à l'existence
d'un différend, celui-ci n'en échapperait pas moins à la compétence de la
Cour en vertu de l'alinéa a) de l'article 27 de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends (voir paragraphe 18 ci-dessus).

Selon elle, un tel différend concernerait des faits ou des situations anté­
rieurs au [8 février 1980, date à laquelle la convention européenne pour
le règlement pacifique des différends est cntrée en vigueur entre l'Alle­
magne et le Liechtenstein. De l'avis de l'Allemagne, la requête devrait
dès lors êtrerejetée.

17 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 20

30. L'Allemagne soutient que l'élémentdétenninant aux fins de l'appli­
cation de l'alinéa a) de l'article 27 n'est pas d'établir la date à laquelle le

différend est né,mais de savoir si les faits ou situations que ce différend
concerne sont antérieurs ou postérieurs à la date critique. Ce n'est que
dans le cas où ces faits ou situations seraient survenus après la date cri­
tique, c'est-à-direaprès 1980, que la Cour serait compétente ralione tem­
poris en vertu de l'alinéa a) de l'article 27. Mais puisque, de l'avis de
l'Allemagne, ce différend concerne des faits etsituations antérieurs à 1980,

la Cour n'aurait pas la compétence requise.
31. L'Allemagne affinne que, à l'instar de biens appartenant à d'autres
ressortissants liechtensteinois, les biens du prince Franz Josef II de Liech­
tenstein, panni lesquels le tableau de Pieter van Laer, furent saisis en
Tchécoslovaquie en application des décrets Benes. La convention sur le

règlement imposait à l'Allemagne d'interdire à ses tribunaux de connaître
de toute action tendant à contester la licéitéde ces confiscations. De l'avis
de l'Allemagne, le procès intenté par le prince Hans-Adam II de Liech­
tenstein en vue de rentrer en possession du tableau de Pieter van Laer
relevait des dispositions de la convention sur le règlement. Les diverses
juridictions allemandes qui ont, en application de ces dispositions, rejeté

sa demande - à commencer par le tribunal régional de Cologne dans sa
décision de 1995 - se sont conformées à la jurisprudence allemande
antérieure. Selon l'Allemagne, ses tribunaux se sont systématiquement
déclarésincompétents pour juger de la licéitéde telles confiscations. Le
différend ayant vu le jour dans les années 1990 au sujet du tableau de

Pieter van Laer concernait directement la convention sur le règlement et
les décrets Benes; il trouvait son origine réelle,d'après l'Allemagne, dans
des faits et situations antérieurs à la date critique de 1980.
32. Le Liechtenstein soutient que, avant que les tribunaux allemands
se prononcent sur l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, il était entendu,
entre l'Allemagne et lui-même,que la convention sur le règlement ne pou­

vait, du fait de la neutralité du Liechtenstein, être considérée comme
s'appliquant aux biens liechtensteinois confisqués en application des
décrets Benes. Cette convention n'interdisait dès lors pas aux tribunaux
allemands d'apprécier la licéitéde ces confiscations. Pour le Liechten­
stein, les décisions rendues par les tribunaux allemands dans les
années 1990 au sujet du tableau, en montrant clairement que l'Allemagne
ne souscrivait plus à cette position jusqu'alors partagée par les Parties,

ont donc constitué un changement de position. Peu importe, selon le
Liechtenstein, de savoir si ces décisions ont marqué un changement
comme tel dans la position de l'Allemagne ou plutôt l'application pour la
première fois par celle-ci de sa jurisprudence antérieure à une situation
nouvelle.

33. Le Liechtenstein allègue entre autres que, dans la mesure où serait
intervenu "un changement de position de la part de l'Allemagne, ce
seraient les décisions rendues par les tribunaux allemands dans l'affaire
du Tableau de Pieter van Laer et les «positions adoptées par le Gouver­
nement allemand après 1995» qui auraient donné naissance au présent

181! .

CERTAINS BIENS (ARRÊT) 21

différend: dans ces décisions et prises de position, l'Allemagne aurait
indiqué clairement, et pour la première fois, qu'elle considérait les biens
liechtensteinois comme entrant dans le champ d'application du régime
des réparations de la convention sur le règlement (voir paragraphe 14 ci­

dessus). Ce seraient ces décisionsqui constitueraient les faits au sujet des­
quels le différend est né; auparavant, il n'aurait pas existéde différend
entre le Liechtenstein et l'Allemagne. Ce ne seraient par conséquent ni la
convention sur le règlement ni les décrets BeneSqui auraient déclenché le
présent différend, mais la décisionprise par l'Allemagne en 1995 d'appli­

quer la convention sur le règlement aux biens liechtensteinois.
34. Cette conclusion, affirme le Liechtenstein, satisfait aux critères
juridiques appliqués par la Cour permanente de Justice internationale et
par la Cour actuelle en matière de compétence ratione temporis, qui sont
pertinents aux fins de l'interprétation de l'alinéaa) de l'article 27 de la

convention européenne pour le règlement pacifique des ditTérends en
l'espèce.Selon le Liechtenstein, il ressort clairement de J'affaire des Phos­
phates du Maroc que les limites de la compétence ra!ione temporis
doivent êtreappréciéesen fonction non pas de la source de l'obligation
qui aurait étévioléeou du contexte factuel, mais bien plutôt du fait au sujet

duquel le différend est né, autrement dit du «fait générateur» du diffé­
rend. Selon le Liechtenstein, c'est cette approche qui a étéadoptée dans
l'a/Taire de la Compagnie d'électricitéde Sofia el de Bulgarie, la Cour
permanen te de Justice interna tionale faisant alors {(la distinction entre la

source des droits dont se prévalait le demandeur et la source du diffé­
rend»; «ce qui importe)), poursuit le Liechtenstein, «c'est le moment où
les droits ont étéviolés». Le Liechtenstein soutient en outre que, ainsi
qu'indiqué dans l'affaire du Droit de passage, c'est seulement au moment
où ~de sarties prennent des «positions de droit nettement définies » que

nait le différend, et ce, relativement au fait déclencheur, et nonà tous les
élémen ts juridiq ues et factuels dans le contexte desquels celui-ci doit être
apprécié».
35. L'Allemagne 80utient que, contrairement à ce qu'affirme le Liech­
tenstein, il n'y a «pas eu de changement de position» de sa part, parce
que les décisions rendues par ses tribuna ux dans les années 1990 ne sont

pas allées à l'encontre de la jurisprudence allemande antérieure perti­
nente. Selon elle, il n'existerait ainsi aucun fait ou situation juridique pos­
térieur à l'entréeen vigueur entre les parties de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends auquel le Liechtenstein pour­
rait se référerpour fonder la compétence de la Cour.

36. L'Allemagne laisse aussi entendre que la distinction entre la source
des droits invoques par l'une des parties et la source du différend, opérée
par la Cour permanente de Justice internationale dans l'a/Taire de la
Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie et par la Cour internatio­
nale de Justice dans l'affaire du Droit de passage, est dépourvue de per­

tinence aux fins de la présenteespece. Il en est ainsi, affirme l'Allemagne,
parce qu'aucun des faits ou situations juridiques i<constituant réellement
la cause du différend allégué>} ne peut êtreconsidérécomme la consé-

19 CERTAINS lllENS (ARRËT) 22

quence OU l'occasion d'actes ou de décisions intervenus après 1980; au

contraire, ces faits ou situations juridiques seraient intrinsèquement liéà
la situation juridiq ue néeau lendemain de la seconde guerre mondiale et,
en particulier, à ,da conf'iscation par la Tchécoslovaquie de biens liech­
tensteinois qui a étéopéréeen 1945 et après cette date, ainsi qu'aux
conséquences juridiques éventuellesde ces mesures».
37. Selon l'Allemagne, les affaires de la Compagnie d'électricitéde

Sofia et de Bulgarie et du Droit de passage se distinguent également de la
présente espèce en ce que, dans ces deux cas, les parties concernées
avaient l'une et l'autre pleinement reconnu la situation juridique existant
entre elles avant que l'acte ou l'omission de l'une d'elles nedonnât nais­
sance à un différend. Dans la présenteaffaire, par contre, il n'y aurait eu

avant 1995 aucune reconnaissance similaire de J'existence d'une situation
juridique entre les deux Etats. L'Allemagne considère en revanche que la
présente affaire et celle des Phosphates du Maroc relèvent de la même
catégorie. Dans cette dernière affaire, la Cour «ne pouvait pas examiner
la question, parce que la situation juridique s'étaitcristallisée bien avant
l'application de la clause juridictionnelle et qu'aucun fait ou situation

juridique séparable n'étaiten jeu». De l'avis de l'Allemagne, tel est éga­
lement le cas ici. En l'espèce, le régime juridique «que les tribunaux
allemands ont appliqué en 1995 et ensuite [était] un régimeJuridique
valable pour l'Allemagne depuis 1955:»aux termes de la convention sur
le règlement.
38. Le Liechtenstein ne souscrit pas à l'interprétation que donne l'Alle­

magne de la jurisprudence applicable en l'espèce.Il affirme que la limita­
tion ratione temporis exprimée à l'alinéaa) de l'article 27 de la conven­
tion européenne pour le règlement pacifique des différends ;(renvoie au
fait générateur, qui déclenche le différend», Selon lui, ce ne sont ni la
convention sur le règlement ni les décrets Benes qui ont déclenchéle dif­

férend, la convention sur le règlement n'ayant, avant les années 1990,
jamais étéappliquée aux avoirs neutres et n'ayant par conséquent donné
lieu à aucun différend avec le pays neutre qu'était le Liechtenstein. Ce
seraient les décisions prisespar l'Allemagne à partir de 1995 qui seraient
il l'origine et se trouveraient au cŒur du présent différend. Tels seraient
les faits que le différend concerne.

'*

39. La deuxième exception préliminaire de l'Allemagne impose à la
Cour de déterminer, en appliquant les dispositions de l'alinéaa) de l'ar­
ticle 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique des
différends, si le présent différend concerne des faits ou situations qui

sont antérieurs ou postérieurs il la date critique de 1980.
40. Comme l'ont rappelé les Parties (voir paragraphes 34 et 36 à 38
ci-dessus), la Cour actuelle et la Cour permanente de Justice internatio­
nale ont eu J'occasion, dans plusieurs affaires, de traiter une question
semblable. Ainsi, dans l'affaire des Phosphates du Maroc, la déclaration

20 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 23

française d'acceptation de la juridiction de la Cour permanente évoquait
des «différends qui s'élèveraientaprès la ratification de la présente décla­
ration au sujet des situations ou des faits postérieurs à cette ratification»
(arrêt,1938, CP.JJ sérieAIB n° 74, p. 22). Si les parties à cette aflaire

s'accordaient à considérer que le différend avait vu le jour après la date
de la déclaration française, elles étaient en revanche divisées sur la date
«des situations ou des faits)} au sujet desquels le différend s'était élevé,
c'est-à-diresur la question de savoir si ces situations ou faits étaient anté­
rieurs ou postérieurs à la déclaration. La Cour conclut que le différend
avait pour objet le prétendu «accaparement des phosphates marocains»

(ibid., p. 25) et l'incompatibilité de ce régimede monopole avec des obli­
gations conventionnelles préalablement contractées par la France. Le
régimeen question avait étéétabli par voie législative avant la date cri­
tique. C'était au sujet de cette législation que le différend s'était élevé,
avait conclu la Cour.

41. Dans l'affaire de la Compagnie d'électrÎCÎté de Sofia et de Bulgarie,
la limitation ratione temporis invoquée par la Belgique était libellée en
des termes identiques à ceux de la déclaration française en cause dans
l'affaire des Phosphates du Maroc. Là aussi, les parties étaient d'accord
sur le fait que le différend avait vu le jour aprés la date critique, mais en

désaccord sur celui de savoir si les «faits ou situations» au sujet desquels
le différend s'était élevéétaient antérieurs ou postérieurs à cette date.
Dans J'affaire de la Compagnie d'électricité,la Bulgarie faisait valoir que
les sentences du Tribunal arbitral mixte belgo-bulgare, qui étaient anté­
rieures à la date critique, devaient êtreconsidéréescomme les (~situa­

tians» ayant donné lieu au différend. La Cour permanente de Justice
internationale rejeta cet argument et dit que, si les sentences enquestion
constituaient la source des droits revendiqués par la Belgique, elles
n'étaient pas celle du différend, car les parties s'étaienttoujours accordées
à reconnaître le caractère impératif desdites sentences.La Cour expliqua
sa conclusion de la manière suivante:

«II faut que la situation ou le fait au sujet duquel on prétend que
s'est élevéle différend en soit réellement la cause. Ce qui, dans

l'espèce, est au centre de la discussion et doit êtreconsidérécomme
les faits au sujet desquels le différend est né,ce sont les actes ulté­
rieurs reprochés par le Gouvernement belge aux autorités bulgares
relativement à une application particulière de la formule qui, en soi,
n'a jamais étécontestée.» (Compagnie d'électricité de Sofia et de
Bulgarie, arrêt,1939, c.P.].!. sérieAIB nO 77, p. 82.)

Ces faits ayant tous eu lieu après la date critique, la Cour rejeta l'excep­

tion préliminaire bulgare à sa compétence.
42. En l'affaire du Droit de passage, la présente Cour devait examiner
l'exception préliminaire ratione temporis de l'Inde. Cette exception était
fondée sur sa déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour «pour
tous les différends nésaprès Je 5 février 1930, concernant des situations

21 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 24

ou des faits postérieurs à ladite date». Dans cette affaire, la Cour a
d'abord conclu que le différends'étaitélevéen 1954, lorsque l'Inde avait
porté atteinte au droit de passage alléguéar lePortugal pour accéder à
certaines enclaves portugaises sur le territoire indien. La Cour a ensuite

examinéla question de la date des faits et situations au sujet desquels
différend s'était élevé.S'appuyant sur les conclusions formulées par la
Cour permanente de Justice internationale en l'affaire de la Compagnie
d'électricitéde Sofia et de Bulgarie, la Cour a souligné que, pour déter­
miner les faits ou situationaU sujet desquels le différend s'était élevé,

seuls devaient êtreretenus ceux qu'il fallait considérer comme généra­
teurs du différend, c'est-à-dire ceux quien étaient réellement la cause.
Enfin, laCour a conclu:

«Jusqu'en 1954, la situation de ces territoires avait pu donner lieu
à quelques incidents mineurs mais le passage avait étépratiqué sans
controverse sur le titre selon lequel il était pratiqué. C'est en 1954

seulement qu'une telle controverse a surgi et le différend porte à la
fois sur l'existenceun droit de passage pour accéderaux territoires
enclavéset surle manquement de l'Inde aux obligations qui, selon le
Portugal, lui incomberaient à cet égard.C'est de cet ensemble qu'est
né ledifférendsoumis à la Cour; c'est cet ensemble que concerne le

différend.Cet ensemble, quelle que soit l'origine ancienne de l'une de
ses parties, n'a existéqu'aprésle 5 février 1930.» (Droit de passage
sur territoire indien, fond, arrêt,C.I.1. Recueil /9p.,35.)

43. Par son libellé,l'alinéaa) de l'article 27 de la convention euro­
péennepour le règlement pacifique des différends(voir paragraphe 18ci­
dessus) ne s'écartepas en substance des limitations temporelleà la juri­

diction qui ont étéexaminées dans les affaires précitées.En particulier,
aucune conséquence ne saurait êtretiréede l'usage des mots «au sujet
de» ou «conccrnan qui~ ont été employés indiffëremmcnt dans les
divers textes en cause. La Cour observe en outre que, dans les affaires des
Pho~pha le s aroc, de la C()mpagnie d'électricitéde Sofia et de Bul­
garie et du Droit de passage, la Cour permanente de Justice internatio­

nale et elle-mémeont étéappeléesà interpréter des déclarations unilaté­
rales d'acceptation de la juridiction de laur en vertu du Statut, alors
que, dans la présente espèce, la Cour doit interpréter une convention
multilatérale.Sans se prononcer de manière plus généralesur la mesure
dans laquelle de tels instruments appellent un traitement comparable, la

Cour ne voit ici aucun motif d'interpréter la phrase en cause d'une
manière différente. Les Parties n'ont d'ailleurs pas laisséentendre qu'il
devrait en êtreautrement.
La Cour conclut en conséquence que sa jurisprudence antérieure
concernant les limitations temporelles est pertinente en l'espèce.

44. Lorsqu'elles ont interprétéces limitations ratione temporis, la pré­
sente Cour et, avant elle, la Cour permanente de Justice internationale
ont soulignéceci:

22 CERTAINS BIENS (ARRËT) 26

liechtensteinois saisis à l'étranger,en tant qu'«avoirs allemands à l'étran­
ger», au titre des réparations ou en raison de la guerre auraient échappé
aux dispositions de la convention sur le règlement. La question de savoir
si cette convention s'appliquait ou non aux biens liechtensteinois n'avait
jamais étésoulevéeauparavant devant des juridictions allemandes, pas
davantage qu'elle n'avait fait l'objet de discussions intergouvernemen­

tales entre l'Allemagne etle Liechtenstein. En outre, les juridictions alle­
mandes ont toujours jugé que la convention sur le règlement leur inter­
disait de se prononcer sur la licéitéde toute confiscation de biens traités
par l'Etat qui en était l'auteur comme des biens allemands (voir l'arrêt
de la Cour fédérale allemande de justice (Bundesgerichtshot) du

Il avril 1960, II ZR 64/58; voir égalementl'arrêtde la Cour fédéralealle­
mande de justice (Bundesgerichtshof) du 13décembre L956 (affaire AKU),
lT ZR 86/54). Dans l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, les juridic­
tions allemandes se sont bornéesà préciserque la convention sur le règle­
ment était applicable en cas de confiscations opéréesau titre du décret

nO 12 comme des autres décrets Benes, et qu'elle était en conséquence
également applicable à la confiscation de cette toile. L'argument du
Liechtenstein concernant J'existence d'un accord ou d'une entente préa­
lable et d'un prétendu «changemen t de position» de l'Allemagne ne sau­
rait dès lors êtreretenu.
S!. S'agissant de l'argumen t du Liechtenstein selon leque! le différend

concernerait l'application par les tribunaux allemands, à partir des
années 1990,de leur jurisprudence antérieure à 1990 àdes biens liechten­
steinois, laour relèveque, lorsqu'ils furent pour la première fois appelés
à examiner une affaire portant sur la confiscation de biens liechtenstei­
nais consécutive à la seconde guerre mondiale, les tribunaux allemands

ne se trouvèrent pas face à une «situation· nouvelle». La Cour considère
que cette affaire, comme celles qui l'avaient précédée et avaient trait à la
confiscation d'avoirs allemands à l'étranger,était inextricablement liéeà
la convention sur le règlement. La Cour estime que \es décisionsrendues
par les tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer ne

sauraient êtredissociéesde la convention sur le règlement ni des décrets
BeneS, et qu'elles ne sauraient, en conséquence, êtreregardées comme
étantà l'origine ou constituant la cause réelledu différendentre le Liech­
tenstein et l'Allemagne.
52. La Cour conclut que, si la présente instance a étéeffectivement
introduite par le Liechtenstein à la suite de décisionsrendues par des tri­

bunaux allemands concernant un tableau de Pieter van Laer, ces événe­
ments ont eux-mêmesleur source dans certaines mesures prises par la
Tchécoslovaquie en 1945, lesquelles ont conduit à la confiscation de biens
appartenant à certains ressortissants liechtensteinois, dont le prince
Franz Josef II de Liechtenstein, ainsi que dans le régimespécialinstitué

par la convention sur le règlement. Les décisionsaux termes desquelles
les tribunaux allemands rejetèrent, dans les années 1990, la demande de
restitution du tableau formée par le prinée Hans-Adam 11de Liechten­
stein étaient fondées sur l'article 3 du chapitre sixième de la convention

24

1 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 27

sur le règlement. Si ces décisionsont bien déclenchéle différend opposant
le Liechtenstein à l'Allemagne, ce sont la convention sur le règlement et
les décrets Benes qui sont à l'origine ou constituent la cause réellede ce

différend. A la lumière des dispositions de l'alinéaa) de J'article 27 de la
convention européenne pour le règlement pacifique des différends, la
deuxième exception préliminaire de l'Allemagne doit done êtrereten ue.

* * *

53. Ayant écartéla première exception préliminaire de l'Allemagne,

mais retenu la deuxième, la Cour conclut qu'il n'y a pas lieu pour elle
d'examiner les autres exceptions de l'Allemagne et qu'elle ne peut se pro­
noncer au fond sur les demandes du Liechtenstein.

* * *

54. Par ces motifs,

LA COUR,

1) a) Par quinze voix contre une,

Rejette l'exception préliminaire selon laquelle il n'existe pas de diffé­
rend entre le Liechtenstein et l'Allemagne;

POUR: M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koromll, Vereshchetin, MmeHiggins, MM. Parra-Amnguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasa wneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Tomka, juges;
SiTFranklin Berman, juge ad hoc;
CONTRE: M. Fleischhauer, jugead hoc;

b) Par douze voix contre quatre,

Relient l'exception préliminaire selon laquelle la requête du Liechten­
stein doit êtrerejetéeau motif que la Cour n'a pas compétence ratione
temporis pour trancher le différend;

POUR: M. Shi, président; M. Ranjcva, )Iice-présidentMM. Guillaume,
Koroma, Vereshl:hetin,M"'~ Higgins, MM. Parra-Aranguren, Re~ek ,l­
Khasawneh, Buergenthal, Tomka, juges; M. Fleischhauer, juge ad hoc;
CONTRE: MM. Kooijmans, Elaraby, Owada, juges;sir Frankli.n Berman,juge

ad hoc;
2) Par douze voix contre quatre,

Dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requêtedéposée
par le Liechtenstein le 1 juin 2001.

POUR: M. Shi, président; M. Ranjcva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchctin, MmeHiggins, MM. Parra-Aranguren, Rczek, AJ­
Khasawneh, Buergenthal, Tom ka, juges; M. Fleischhauer, juge ad hoc;

CONTRE: MM. Kooijmans, Elaraby, Owada, juges;sir Franklin Berman, juge
ad hoc.

25 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 28

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le dix févrierdeux mille cinq, en trois exemplaires, dont
l'un restera déposéaux archives de la Cour et les autres seront transmis

respectivement au Gouvernement de la Principauté de Liechtenstein et au
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne.

Le président,
(Signé) SHI Jiuyong.

Le greffier,

(Signé) Philippe COUVREUR.

MM. les juges KOOIJMANS, ELARABY et OWADA joignent à l'arrêtles

exposésde leur opinion dissiden te; M. le juge ad hoc FL EISCHH AUER join t
une déclaration à l'arrêt;M. le juge ad hoc sir Franklin BERMAN joint à
J'arrêtl'exposéde son opinion dissidente.

(Paraphé) J.Y.S.

(Paraphé) Ph.C.

26

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING

CERTAIN PROPERTY
(LIECHTENSTEIv.GERMANY)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT OF lO FEBRUARY 2005

2005

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFSET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE

À CERTAINS BIENS
(LIECHTENSTEIc.ALLEMAGNE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

ARRÊT DU lO FÉVRIER 2005 Official citation:
Certain Property (Liechtensteiv. Germany),

Preliminary Objections, Judgment, l.CJ. Reports 2005,p. 6

Mode officiel de citatian:

Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne),
exceptions préliminaires,rrêt,CI.J. Recueil 2005,p. 6

Salcs number
ISSN 0074-4441
N° de vente: 896
ISBN 92-1-071007-X 10 FEBRUARY 2005

JUDGMENT

CERTAIN PROPERTY

(LIECHTENSTEIN v.GERMANY)

PRELiMINARY OBJECTIONS

CERTAINS BIENS
(LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

10 FÉVRIER 2005

ARRÊT 6

INTERNATIONALCOURT OF JUSTICE

2005 YEAR 2005
10 February
General List
No. 123 10 Fcbruary2005

CASE CONCERNING

CERTAIN PROPERTY

(LIECHTENSTEIN v. GERMANY)

PRELIMINARYOBJECTIONS

His/orical background - Confiscalion hy Czechoslovakia in 1945 under Ihe
Bend Decrees of praperty belonging to Prince Fram: Josef li of Liechten­
stein - SpeCial régime with regard ta German externat assels and other prop­
erly seizedin connection willl the Second World War -Article 3. paragraphs 1

and 3, of Chapler Six of Ihe Selllcment Convemion - Final Selilemelll with
respect10 Germany.
Pieter van Laer painting confiscated Ululer the BeneS Deaees - Cfaim hy
Prince Hans-Adam li of Liechtenstein for the relurn of Ihe painling dismissed
by German cOllrtsin /990.1on Ihe basis of Article 3, Chapler Six; o/ille Setlle­
ment CO/1l'elllion- Claim brought by Prùlce Hans-Adam li of Liechtenstein
before the European Court of Human Righls dismissed.

'" '"
Jurisdiclion of Ihe Courl based on Article f of Ihe European Conve/1/iollfor
the Peacejul Seulement of Disputes - Limitationratione temporiscontained in

Arlicle27 Ca) o/Ihat Convention.
Six preliminary objeclions10 the jurisdiction of the Courl and the admissi­
bi/ity of Ihe Application raised by Germany.

,.

Germany's firsl pre/iminary ohjeclion
CO/1/elllionby Gemwny Iha! thtre is no dispute bellVeen the Parlies - No
"change ofposilion" \Vithregard to Germuny's Ireatment of Liechlellslein prop­
erty confiscaled in conneclion wilh the Second World War .)"(lid10 lIave
occurred - Germany has neva accepted the validity oI Ihe ReneS:confisca­

lions - Germall courts have consistently held that Ihey are barred hy Ihe
Seulement Convenlion }"rom adjudicaling 0/1the Imvfulness of confiscation

4 6

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2005
2005
IDfévrier
10 fénier2005 Rôle général
n°123

AFFAIRE RELATIVE

À CERTAINS BIENS

(LIECHTENSTEIN c. ALLEMAGNE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Contexte historique - Confiscation par la Tchécoslovaquie en 1945, en appli­

cation des décrets BeneS, de biens appartenant au prince Franz Josef JJ de
Liechten.l'tein-Régime spécial concernant les avoirs et allfres biens allemands
à l'étrangersaisis en rapport (l\'ecla seconde guerre mondialeParagraphes 1
et3 de l'articl3 du chapitre sixiéme de la convention sur le règlementRègle­
ment définitif concernant l'Allemagne.
Tableau de Pieter van Laer confisqué en application des décrets Benes
- Rejet par les tribunaux allemands dans les années /990, sur la base de l'ar­

ticle3 du chapitre sixième de /a convention .l'lIrle règlement, de l'action en res­
titution du tableau intentée par le prince Hans-Adam JJ de Liechtenstein
- Rejet de la demande portée par le prince Hans-Adam 1/ de Liechtenstein
del'ant la Cour européenne des droits de l'homme.

• •

Compétence de la Cour fondée sur l'article premier de la convention euro­
péenne pour le règlement pacifique des différends -Limitation ratione tempo­
ris figurant à l'alinéaa) de l'articlede cetle convention.
Six exceptions préliminaires clla compétence de la Cour et à la rece)1{lhilitéde
la requêtesoulevées par l'Allemagne .


Première exception préliminaire de l'Allemagne.
Thèse de l'Allemagne selon laqllelle il n'y aurait pas de différend entre les
Parties- Absence selon l'Allemagne d'un «changement de position» de sa part
conce1ï1ant le traitement à appliquer aux biens liechtensteinois confisqués en
rapport avec la seconde guerre mondiale - Allemagne n'ayant jamais reconnu

la validitédes confiscations opéréesail titre des décrets BenesJurisprudence
constante des tribunaux allemands selon laquelle la convelltion sur le règlement

47 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

measures resulting from the Second World War - According ta Germany,
the only dispute is one between Liechtenstein and the successor States of
former Czechoslovakia.

Contention by Liechtenstein that there is a dispute between the Parties -
Germany saül ta have al/owed, for thefirst time in1995, Liechtenstein assets ta
be treated as German external assets for purposes of the Settlement Conven­
tion - Existence of a separate dispute between Liechtenstein and the Czech
Republic does not negate the existence of a dispute between Liechtenstein and
Germany - According ta Liechtenstein, Germany has itself acknowledged the

existence of the dispute - Germany denies any such acknowledgment.

Jurisprudence of the Court and its predecessor regarding the question of the
existence of a dispute - Complaints offact and law formulated by Liechten­
stein against Germany denied by the latter - A legal dispute exists between the
Parties - Germany's position in course of bilateral consultations has eviden­
tiary value in this regard - Subject-maller of the dispute - First preliminary
objection dismissed.

*
Germany's second preliminary objection.
Contention by Germany that the Court lacks j/lrisdiction ratione temporis on
the basis of Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful Settle­
ment of Disputes - Were the Court tafind that there exists a dispute it 1V0uld,
according ta Germany, relate ta the Settlement Convention and the BeneS
Decrees, whichpredate the critical date, ie. the entry intoforce of the European
COlll'entionfor the Peaceful Settlement of Disputes as betlVeen Liechtenstein
and Germany (18 February 1980) - German courts said ta have consistently
held that they lacked jurisdiction under the Settlement COlll'entionta evaluate
the lawfu/ness of confiscations effected in cormection with the Second Wor/d
War.

Contention by Liechtenstein tllat the Court has jurisdiction ratione tempo­
ris - Allegation that wail the decisions in thePieter van Laer Painting case, it
lVasunderstaod between the Parties that Liechtenstein property confiscated pur­
suant ta the BeneS Decrees could not be deemed ta have been covered by the
Settlement Convention - Picter van Laer Painting case and position taken by
the German Government after 1995 said ta have triggered the dispute.

Parties' interpretation of jurisprudence of the Court and its predecessor
regarding the legal testfor temporal jurisdiction.

Need for the Court ta determine whether the dispute relates ta facts or situa­
tions that arase before or after the critical date - Phosphates in Morocco

case - Eleetrieity Company of Sofia and Bulgaria case - Right of Passage
case - Text of Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful
Seulement of Displlle.l'does not differ in substance from temporal jurisdiction
limitations dealtwith in tl/ose cases- Test ojjinding the source or real cause of
the dispute used in previous case law equal/y applicable in current instance -
No common understandingbetween Liechtenstein and Germanythat the Setllement
Convention did not apply ta Liechtenstein property - German courts have con-

5 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 7

leur interdirait de se prononcer sur la Iicéitédes mesures de confiscations consé­
cutives à la seconde guerre mondiale - Position de l'Allemagne selon laquelle le
seul différend existant opposerait le Liechtenstein aux Etats successeurs de
l'ancienne Tchécoslovaquie.
Thèse du Liechtenstein selon laquelle il existerait un différend entre les

Parties - Affirmation selon laquelle l'Allemagne, à compter de 1995, aurait
permis pour la première fois que des avoirs liechtensteinois soient traités comme
des avoirs allemands à l'étranger aux fins de la convention sur le règlement
- Existence d'un différend distinct entre le Liechtenstein et la République
tchèque n'excluant pas l'existence d'un différend entre le Liechtenstein et l'AlIe­

magne - Affirmation du Liechtenstein selon laquelle l'Allemagne aurait recon­
nu l'existence du différend - Réfutation par l'Allemagne de celte affirmation.
Jurisprudence de la Cour et de sa devancière sur la question de l'existence
d'un différend - Griefs formulés en fait et en droit par le Liechtenstein contre
l'Allemagne rejetés par celle dernière - Existence d'un différend juridique
opposant les Parties - Position adoptée par l'Allemagne dans le cadre de

consultations bilatérales venant conforter celle affirmation - Objet du diffé­
rend - Rejet de la première exception préliminaire.

*
Deuxième exception préliminaire de l'Allemagne.

Thèse de l'Allemagne selon laquelle la Cour n'aurait pas compétence ratione
temporis sur la base de l'alinéa a) de l'article27 de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends - Argument de l'Allemagne selon
lequel, si la Cour devait conclure à l'existence d'un différend, celui-ci concerne­
rait la convention sur le règlement et les décrets Benes, qui sont antérieurs à la
date critique, à savoir la date de l'entrée en Iligueur entre le Liechtenstein et

l'Allemagne de la convention européenne pour le règlement pacifique des diffé­
rends (18 fëvrier 1980) - Affirmation selon laquelle les tribunaux allemands
auraient systématiquement déclarén'avoir pas compétence en vertu de la conven­
tion sur le règlement pour juger de la Iicéitédes confiscations opéréesen rapport
avec la seconde guerre mondiale.

Thèse du Liechtenstein selon laquelle la Cour serait compétente ratione tem­
poris - Allégation selon laquelle, avant que les tribunaux allemands ne se pro­
noncent sur l'affaire du Tableau de Picter van Laer, il aurait étéentendu entre
les Parties que la convention sur le règlement ne pouvait êtreconsidéréecomme
s'appliquant aux biens liechtensteinois confisqués en application des décrets
BeneS - Affirmation selon laquelle l'affaire duTableau de Pieter van Laer et la
position adoptée par le Gouvernement allemand après 1995 auraient déclenché

le différend.
Interprétation par les Parties de la jurisprudence de la Cour et de sa devan­
cière concernant les critères juridiques à retenir aux fins d'apprécier la compé­
tence ratione temporis.
Nécessitépour la Cour de déterminer si le différend concerne des faits ou
situations antérieurs ou postérieurs à la date critique - Affaire des Phosphates

du Maroe - Affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie
- Affaire du Droit de passage - Libellé de l'alinéa a) de l'article27 de la
convention européenne pour le règlement pacifique des différends ne s'écartant
pas en substance des limitations temporelles à la juridiction examinées dans ces
affaires - Critère retenu dans la jurisprudence antérieure, et consistalll à trou­
ver l'origine ou la cause réelle du différend, également applicable en l'espèce

- Absence d'une position commune entre le Liechtenstein et l'Allemagne, selon

58 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

sistently he/d that the Seltlement Convention depril'ed them of jurisdiction to
address the legality of any confiscation of property treated as German property
by tlze confiscating State German courts did not face any "new situation"
when dea/ing for thefirst time with a case concerning the confiscation of Liech­
tenstein property as a result of the Second World War Inextricable link ta
the Setllement Convention and tlze Benes Decrees -The Selllement Conven­
tion and the Bend Decrees are the real cause of the disputeln fight of the
provisions of Artic27 (a) of the European Convention for the Peaceful Set/le­
ment of Disputes. the second preliminary objection has ta be upheldCourt
not required to consider Germany's other preliminary objectioNo -urisdic­
tian ta entertain the case.

JUDGMENT

Present: President SHI; Vice-President RANJEVAJ;udges GUILLAUMK E,OROMA,
VERESHCHETIN H,IGGINS,PARRA-ARANGUREK N, OIJMANSR , EZEK,
AL-KHASAWNEB HU, ERGENTHAE L,ARABYO ,WADA,TOMKA;Judges
ad hoc FLEISCHHAUE Sir,Franklin BERMANR ;egistrar COUVREUR.

ln the case conceming certain property,

between

the Principality of Liechtenstein,
representedby
H.E. Mr. Alexander Goepfert, Freshfields Bruckhaus Deringer, Düsseldorf,

Special Commissioner of the Principality of Liechtenstein,
as Agent;
H.E. Mr. Roland Marxer, Ambassador, Direclor of the Office for Foreign
Affairs of the Principality of Liechtenstein,

as Advocate;
Mr. Dieter Blumenwitz, Professorof Public International Law, Universities
of Würzburg and Munich,
Mr. Thomas Bruha, Professor of Public Law, University of Hamburg,
Mr. James Crawford, S.e., Whewell Professor of International Law, Univer­
sity of Cambridge, member of the English and Australian Bars, Member

of the Institute of International Law,
Mr. Gerhard Hafner, Professor of Public International Law, University of
Vienna, Associate Member of the Institute of International Law,
Mr. Alain Pellet, Profcssor of International Law, University of Paris X­
Nanterre, member and former Chairman of thc International Law Com­
mission,
as Counsel and Advocates;

6 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 8

laquelle la convention sur le réglemenrne s'appliquerait pas aux biens liechlen­
steillois - Jurisprudence cOllstante des tribunaux allemand.)'selon laquelle la
convention sur le règlement leur interdit de se prononcer sur la licèilè de toute
confiscation de biens Irailèspar l'Erat auleur de la cOllfisct/lion comme des biens
allemands - Absence de «situalion nouvelle» devan1 laquelfe les tribunaux alle­

mands se seraient trollves lorsqu'ils furent pour la premiérefois appelésciexa­
miner une affaire portant sur la confiscation de biens fiechtensteinois consécu­
tiveà la seconde guerre mondiale - Lien inextricable avec la convention sur le
reglemelll el les décrets Bend - Convention sur le règlement el décrets Bend
constilUant la cuuse réelle du différend - Deuxième exception préliminaire

devant êlreretenue compte tenu des dispositions de l'alinéaa) de l'article 27
de la convention européenne - Nul besoin pour la COllr d'examiner les
autres exceptions préliminaires de l'Allemagne - Défaut de competence pour
connaître de l'affaire.

ARRÊT

Présents,' M. SHI, présidem; M. RANJEVA,vice-présidelll; MM. GUILLAUME,
KOROMA,VERESliCHETIN , llleHIGGiNS, MM. PARRA-ARANGUREN,
KOOlJMANS, REZEK, AL-KHt\sAWNEH, BUERGENTHAL,ELARABY,

ÜWADA,TOMKA,juges; M. FLEISCHHAUERs,ir Franklin BERMAN,
juges ad hoc; M. COUVREURg ,reffier.

En l'affaire relativeàcertains biens,

entre

la Principauté de Liechtenstein,

représentée par
S. Exc. M. Alexander Goepfert, Freshfields Bruckhaus Deringer, Düsseldorf,
commissaire spécial de la l'rincipaulé de Liechtenstein,

comme agent;
S. Exc. M. Roland Marxer, ambassadeur, directeur de l'office pour les
affaires étrangéres de la Principauté de Licchtenstein,

comme avocat;
M. Dieter Blumenwitz, professeur de droit international public aux Univer­

sités de Würzburg et de Munich,
M. Thomas Bruha, professeur de droit public à l'Université de Hambourg,
M. James Crawford, S. c., professeur dc droit international,titulaire de la
chaire Whewell à l'Université de Cambridge, membre des barreaux
d'Angleterre et d'Australie, membre de l'Institut de droit international,

M. Gerhard Hafner, professeur de droit international public à l'Université de
Vienne, mcmbre associé de l'Institut de droit international,
M. Alain Pellct, professeur de droit international à l'Université de Paris X­
Nanterre, membre et ancien président de la Commission du droit interna­
tional,

comme conseils et avocats;

69 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

MT. Malcolm Forster, Professor of International Law, University College,
London, Freshfields Bruckhaus Deringer, London,
Ms Juliane Hill', member of the Chamber of Lawyers of Germany, Fresh­

fields Bruckhaus Deringer, Cologne,
Ms Lucy Reed, member of the $tate Bar of New York, Freshfields Bruck­
haus Deringer, New York,
as Advocates;
MT. Daniel Müller, temporary Lecturer and Research Assistant, University
of Paris X-Nanterre,

MT. Stephan Wittich, Assistant Professor, University of Vienna,
as Advisers;
Ms Nadine Heider, Freshfields Bruckhaus Deringer, Cologne,
Ms Gabriele Klein, Freshfields Bruekhaus Deringer, Düsseldorf,

as Assistants;
MT. Thomas Dillmann, ECC Kohtes Klcwes,
Mr. Thomas Pütz, ECC Kohtes Klewes,
as Information Officers,

and

the Federal Republic of Germany,
represented by

MT.Thomas Laufer, Direetor General for Legal Affairs and Legal Adviser,
Federal Foreign Office,
RE. MT. Edmund Duckwitz, Ambassador of the Federal Republic of Ger­
many to the Kingdom of the Netherlands,
as Agents;
MT. Jochen Frowein, Director Emeritus of the Max Planck Institutc for
Comparative Public Law and International Law, Heidelberg, Professor of

Public International Law, University of Heidelberg,
MT.Christian Tomuschat, Professor of Public International Law, Humboldt
University, Berlin,
MT. Pierre-Marie Dupuy, Professor of Public International Law, University
of Paris (Panthéon-Assas) and the European University Institute, Flor­
ence,
as Counsel;
MT. Daniel Erasmus Khan, Privatdozent, Visiting Professor, Bayreuth Uni­

versity,
Mr. Andreas Paulus, University of Munich,
Ms Karin Oellers-Frahm, Max Planck Institute for Comparative Public Law
and International Law, Heidelberg,
Ms Susanne Wasum-Rainer, Head of the Public International Law Division,
Federal Foreign Office,
MT. Reinhard Hassenpflug, Federal Foreign Office,
MT. G6tz Reimann, Embassy of the Federal Republic of Germany in The
Hague,
as Advisers;

Ms Fiona Sneddon,
as Assistant,

7------------------ -------- ----

CERTAINS BIENS (ARRÊT) 9

M. Malcolm Forster, professeur de droit international à l'University College
de Londres, Freshfields Bruckhaus Deringer, Londres,
Mme Juliane Hilf, membre de la chambre des avocats d'Allemagne, Fresh­

fields Bruekhaus Deringer, Cologne,
MmeLuey Reed, membre du barreau de l'Etat de New York, Freshfields Bruck­
haus Deringer, New York,
comme avocats;

M. Daniel Müller, attaché temporaire d'enseignement et de recherche à
l'Université de Paris X-Nanterre,
M. Stephan Wittich, professeur adjoint à l'Université de Vienne,

comme conseillers;

Mme Nadine Heider, Freshfields Bruckhaus Deringer, Cologne,
Mme Gabriele Klein, Freshfields Bruckhaus Deringer, Düsseldorf,
comme assistantes;

M. Thomas Dillmann, ECC Kohtes Klewes,
M. Thomas Pütz, ECC Kohtes Klewes,
comme attachés d'information,

el

la République fédéraled'Allemagne,

représentéepar
M. Thomas Uiufer, directeur généraldes affaires juridiques et conseiller juri­

dique du ministère fédéraldes affaires étrangères,
S. Exc. M. Edmund Duckwitz, ambassadeur de la République fédérale
d'Allemagne auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme agents;
M. Jochen Frowein, directeur éméritede l'Institut Max Planck pour le droit
public comparé et le droit international à Heidelberg, professeur de droit

international public à l'Université de Heidelberg,
M. Christian Tomuschat, professeur de droit international public à l'Univer­
sité Humboldt de Berlin,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international public à l'Univer­
sité de Paris (Panthéon-Assas) et à l'Institut universitaire européen de

Florence,
comme conseils;

M. Daniel Erasmus Khan, Privatdozent, professeur invité à l'Université de
Bayreuth,
M. Andreas Paulus, Université de Munich,
Mme Karin Oellers-Frahm, Institut Max Planck pour le droit public comparé
et le droit internationalà Heidelberg,

Mme Susanne Wasum-Rainer, chef de la division du droit international
public du ministère fédéraldes affaires étrangères,
M. Reinhard Hassenpflug, ministère fédéraldes affaires étrangères,
M. Gatz Reimann, ambassade de la République fédéraled'Allemagne à La
Haye,

comme conseillers;
Mme Fiona Sneddon,

comme assistante,

710 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

THE COURT,

composed as above,

after deIiberation,
delil'ers the following Judgment:

1. On 1 June 2001, the Principality of Liechtenstein (hereinafter referred to
as "Liechtenstein") filed in the Registry of the Court an Application instituting
proceedings against the Federal Republic of Germany (hereinafter referred to
as "German y") relating to a dispute concerning

"decisions of Germany, in and after 1998, to treat certain property of
Liechtenstein nationals as German assets having been 'seized for the pur­
poses of reparation or restitution, or as a result of the stale of war' -i.e.,
as a consequence of World War II -, without ensuring any compensation
for the lossof thal property to its owners, and to the detriment of Liech­
tenstein itseIr'.

In order to found the jurisdiction of the Court, the Application relied on
Article 1 of the European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes
of 29 April 1957, which entered into force between Liechtenstein and Germany
on 18 February 1980.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Application was
immediately communicated to the German Government by the Registrar; and,
in accordance with paragraph 3 of that Article, ail States entitled to appear
before the Court were notified of the Application.
3. By an Order of 28 June 2001, the Court fixed 28 March 2002 as the time­

limit for the filing of the Memorial of Liechtenstein and 27 December 2002 for
the filing of the Counter-Memorial of Germany, the latter time-limit being
fixed without prejudice to the possible application of Article 79, paragraph l, of
the Rulcs of Court, in their revised version applicable with eITectfrom 1 Feb­
ruary 2001. On 28 March 2002, within the time-Iimit thus prescribed, Liechten­
stein filed in the Registry its Memorial.
4. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
Liechtenstein, Liechtenstein exercised its right under Article 31, paragraph 2, of
the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the case. It first chose Mr. lan
Brownlie, who resigned on 25 April 2002, and subsequently Sir Franklin Ber­
man.
5. Bya Note Verbale of 29 April 2002, the Republic of Austria requested the
Court to furnish it with a copy of the Memorial of Liechtenstein. Having ascer­
tained the views of the Parties pursuant to Article 53, paragraph l, of the Rules
of Court, the Court decided that it was not appropriate to grant that request.
The Registrar communicated that decision to Austria and to the Parties by

letters dated 18 July 2002.
6. On 27 June 2002, within the time-limit prescribed in Article 79, para­
graph 1,of the Rules of Court, Germany raised preliminary objections relating
to the jurisdiction of the Court to entertain the case and to the admissibility of
the Application submitted by Liechtenstein. The President of the Court, noting
that, by virtue of Article 79, paragraph 5, of the Rules of Court, the proceed­
ings on the merits were suspended, and having ascertained the views of the
Parties at a meeting held with their Agents, by an Order dated 12 July 2002,
fixed 15 November 2002 as the time-limit within which Liechtenstein might
present a written statement of its o.bservations and submissions on the prelimi-

8 CERTAINS BIENS (ARRËT) 10

LA COUR,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l'arrêtsuivant:
er
1. Le 1 juin 2001, la Principauté de Liechtenstein (dénomméeci-après le
«Liechtenstein ») a déposéau Greffe de la Cour une requêteintroductive d'ins­
tance contre la Républiq ue fédéraled'Allemagne (dénomméeci-après 1'«Alle­
magne») au sujet d'un différend afférent à des

«décisions prises en 1998 et depuis lors par l'Allemagne qui tendent à trai­
ter certains biens de ressortissantsu Liechtenstein comme des avoirs alle­

mands «saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de
l'état de guerre» - c'est-à-dire comme une conséquence de la seconde
guerre mondiale -, sans prévoir d'indemniser leurs propriétaires pour la
perte de ces biens, et au détriment du Liechtenstein lui-même».

Pour fonder la compétence de la Cour, la requêteinvoquait l'article premier
de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends du
29 avril 1957, entrée en vigueur entre le Liechtenstein et l'Allemagne le

18 février 1980.
2. Conformément au paragraphe 2 de l'article 40 du Statut, la requêtea été
immédiatement communiquée au Gouvernement allemand par le greffier; et,
conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester
devant la Cour ont étéinformés de la requête.

3. Par ordonnance du 28 juin 200l, la Cour a fixéau 28 mars 2002 la date
d'expiration du délai pour le dépôt du mémoire du Liechtenstein et au 27 dé­
cembre 2002 la date d'expiration du délai pour le dépôt du contre-mémoire de
l'Allemagne, ce délai étant fixésans préjudice de l'application éventuelle du
paragraphe 1 de l'article 79 du Règlement de la Cour dans sa version revisée
er
applicable à compter du 1 février 2001. Le 28 mars 2002, dans le délai ainsi
prescrit,le Liechtenstein a déposéson mémoire au Greffe.
4. La Cour ne comptant sur le siégeaucun juge de nationalité liechtcnstei­
noise, le Liechtenstein s'est prévalu du droit que lui confère le paragraphe 2 de
l'article31 du Statut de procéder à la désignation d'un juge ad hoc pour siéger

en l'affaire. Il a d'abord désigné M. lan Brownlie, qui a démissionné le
25 avril 2002, puis sir Franklin Berman.
5. Par note verbale du 29 avril 2002, la République d'Autriche a demandé à
la Cour de lui faire tenir un exemplaire du mémoire du Liechtenstein. Après
s'êtrerenseignée auprès des Parties conformément au paragraphe 1 de l'ar­

ticle53 de son Règlement, la Cour a décidéqu'il n'était pas approprié d'accéder
à cette demande. Le greffier a communiqué cette décision à l'Autriche et aux
Parties par lettres en date du 18 juillet 2002.
6. Le 27 juin 2002, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l'article 79 du
Règlement, l'Allemagne a soulevédes exceptions préliminaires à la compétence
de la Cour pour connaître de l'affaire età la recevabilité de la requêtedu Liech­

tenstein. Le président de la Cour, constatant qu'en vertu des dispositions du
paragraphe 5 de l'article 79 du Règlement la procédure sur le fond était sus­
pendue, et après s'êtrerenseigné auprès des Parties lors d'une réunion tenue
avec les agents de celles-ci, a,ar ordonnance du 12juillet 2002, fixéau 15 no­
vembre 2002 la date d'expiration du délaidans lequel le Liechtenstein pourrait

présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les

8II CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

nary objections raised by Germany. Liechtenstein filed such a statement within

the time-limit so fixed, and the case thereupon became ready for hearing in
respect of the preliminary objections.
7. By leUers dated 13 March 2003, the Registrar informed the Parties that
Judge Simma, of German nationality, had indicated to the Court that he would
not be able to participate in the decision of the case in view of the provisions of
Article 17, paragraph 2, of the Statute. In accordance with Article 31, para­
graph 3, of the Statute and Article 37, paragraph l, of the Rules of Court, Ger­
many chose Mr. Carl-August Fleischhauer to sit as judge ad hoc in the case.

8. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of its Rules, the Court, having ascer­
tained the views of the Parties, decided that copies of the pleadings and docu­
ments annexed would be made accessible to the public on the opening of the
oral proceedings.

9. Public hearings were held on 14, 16, 17 and 18 June 2004, during which
the Court heard the oral arguments and replies of:
For Germany: Mr. Thomas Laufer,
Mr. Jochen Frowein,
Mr. Christian Tomuschat,

Mr. Pierre-Marie Dupuy.
For Liechtenstein: H.E. Mr. Alexander Goepfert,
H.E. Mr. M. Roland Marxer,
Mr. James Crawford,
Mr. Dieter B1umenwitz,
Mr. Thomas Bruha,
Mr. Gerhard Hafner,
Mr. Alain Pellet.

10. In its Application, the following requests were made by Liechtenstein:

"For these reasons, each of which is pleaded in the alternative, Liech­
tenstein, reserving the right to supplement or to amend this Application
and subject to the presentation to the Court of the relevant evidence and
legal argument, requests the Court to adjudge and declare that Germany
has incurred international legal responsibility andis bound to make appro­
priate reparation to Liechtenstein for the damage and prejudice suffered.
Liechtenstein further requests that the nature and amount of sueh repara­
tion should, in the absence of agreement .between the Parties, be assessed
and determined by the Court, if necessary, in a separate phase of the pro­
ceedings."

II. In the written proceedings, the following submissions were presented by
the Parties:

011behalf of the GOl'ernmentof Liechtenstein,

in the Memorial:
"1. For the reasons set out above, and reserving the right to amend
these submissions in the light of further evidence and argument, the Prin­

cipality of Liechtenstein requests the Court to adjudge and declare that:
(a) by its conduct with respect to Liechtenstein and the Liechtenstein
property, Germany has failcd to respect the sovereignty and neutral-

9 CERTAINS BIENS (ARRÊT) li

exceptions préliminaires soulevées par l'Allemagne. Le Liechtenstein a déposé
un tel exposédans le délaiainsi fixé,et l'affaire s'est ainsi trouvée en état pour
ce qui est des exceptions préliminaires.
7. Par lettres en date du 13 mars 2003, le greffier a fait savoir aux Parties que
le juge Simma, de nationalité allemande, avait indiqué à la Cour qu'il ne pour­
rait participer au réglement de l'affaire, compte tenu des dispositions du para­

graphe 2 de l'article 17 du Statut. En application du paragraphe 3 de l'article 31
du Statut et du paragraphe 1 de l'article 37 du Réglement de la Cour, l'Alle­
magne a désignéM. Carl-A ugust Fleischhauer pour siéger en qualité de juge
ad hot.:en l'affaire.
8. Conformément au paragraphe 2 de l'article 53 de son Règlement, la Cour,

après s'êtrerenseignée auprès des Parties, a décidéque des exemplaires des
piécesde procédure ct des documents annexésseraient rendus accessibles au pu­
blic à l'ouverture de la procédure orale.
9. Des audiences publiques ont ététenues les 14, 16, 17 et 18 juin 2004, au
cours desquelles ont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour l'Allemagne: M. Thomas Liiurer,
M. Jochen Frowein,

M. Christian Tomuschat,
M. Pierre-Marie Dupuy.
Pour le LiechtensteilJ: S. Exc. M. Alexander Goepfert,

S. Exc. M. M. Roland Marxer,
M. James Crawford,
M. Dieter Blumenwitz,
M. Thomas Bruha,
M. Gerhard Hafner,

M. Alain Pellet.
10. Dans sa requête,le Liechtenstein a formulé les demandes suivantes:

«Pour les motifs ci"dessus, qui sont invoqués chacun à titre subsidiaire

par rapport à l'autre, le Liechtenstein, se réservant le droit de compléter ou
de modifier la présente requêteet assurant de produire devant la CaUf tous
déments de preuve et moyens pertinents, prie la Cour de dire et juger que
l'Allemagne a engagésa responsabilité juridique internationa.le et est tenue
de réparer de façon appropriée les dommages et les préjudices subis par le
Liechtenstein. Le Liechtenstein demande en outre que la nature et le mon­

tant de cette réparation soient déterminésel fixéspar la Cour au cas où les
Parties ne pourraient se mettre d'accord à ce sujet, le cas échéantlors d'une
phase distincte de la procédure.»

11. Dans la procédme écrite, les conclusions ci-après ont étéprésentéespar
les Parties:

Au nom du Gouvernement du Liechtenstein,

dans le mémoire:

,,1. Pour les motifs ci-dessus, la Principauté de Liechtenstein, se réser­
vant le droit de modifier ces conclusionsà la lumière de nouveaux éléments
de preuve et arguments, prie la Cour de dire et juger:

a) que par sa conduite concernant le Liechtenstein et les biens liechlen­
steinois, l'Allemagne n'a pas respecté la souveraineté et la neutralité

912 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

ity of Liechtenstein and the legal rights of Liechtenstein and its
nationals with respect ta the property;
(h) by its failure to make compensation for losses suffered by Liechten­
stein and its nationals, Germany is in breach of the rules of intema­
tionallaw;
(c) consequently Germany has incurred intemationallegal responsibility
and is bound ta provide appropriate assurances and guarantees of

non-repetition, and to make appropriate reparation ta Liechtenstein
for the damage and prejudice suffered.
2. Liechtenstein further requests that the amount of compensation
should, in the absence of agreement between the Parties, be assessed and
detennined by the Court in a separate phase of the proceedings."

On behalf of Ille Government of Germany,

in the Preliminary Objections:
"On the basis of the preceding Submissions, Gennany summarizes its
Prdiminary Objections as follows :

(1) The case is outside the jurisdiction of the Court since
(a) there exists no dispute as bctween Liechtenstein and Gennany in
the sense required by the Statule of the Court and Article 27 of

the European Convention fOfthe Peaceful Seulement of Disputes
of 29 April 1957;
(b) ail the relevant facts occurred before the entry into force of the
European Convention as between the Parties;
(c:) the occurrences on which Liechtenstein bases its claims fall within
the domestic jurisdiction of Germany.
(2) Licchtenstein's Application is furthermore inadmissible since

(a) Liechtenstein's daims have not becn sufficiently substantiated;
(h) adjudication of L.iechtenstein'sclaims would require the Court to
pass judgment on rights and obligations of the successor States of
former Czechoslovakia, in particular the Czech Republic, in their
absence and without Iheir consent;
(c) the alleged Liechtenstein victims of the measures of confiscatian
carried out by Czechoslovakia have failed ta exhaust the avail­
able local rcmedies.

For the reasons advanced, Germany requests the Court ta adjudge and
dec\are tha t;
it lacks jurisdiction over the daims brought against Germany by the
Principality of Liechtenstein, referred to it by the Application of liech­
tenstein of 30 May 2001,

and/or that
the daims brought against Germany by the Principa!ity of Liechten­
stein arc inadmissible ta the extent specified in the present Preliminary

Objections. "
On behaff of the Governmellf of Liechtenstein,

in the Written Statement of ilSobservations and submissions on the prelimi­
nary objections raiscd by Gennany:

10 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 12

du Liechtenstein ni les droits que le Liechtenstein et ses ressortissants
peuvent faire valoir à l'égarddes biens en question;
b) qu'en n'indemnisant pas le Liechtenstein et ses ressortissants pour les
pertes qu'ilsont subies, l'Allemagne viole les régiesdu droit interna­
tional;

c) qu'en conséquence, l'Allemagne a engagé sa responsabilité juridique
internationale et est tenue de donner les assurances et garanties de
non-répétition qui s'imposent et de prendre les mesures voulues pour
réparer le dommage et le préjudice causés au Liechtenstein.

2. En outre, le Liechtenstein prie la Cour, au cas où les Parties ne pour­
raient se mettre d'accord à ce sujet. de déterminer et fixer le montant de
l'indemnité due au Liechtenstein lors d'une phase distincte de la procé­
dure.»

Au nom du GOl/vernement de l'Allemagne,

dans les exceptions préliminaires:

«Sur la base des conclusions ci-dessus, l'Allemagne résume comme suit
ses exceptions préliminaires:
1) Le présent différend échappe à la compétence de la Cour car

a) il n'y a pas de différend opposant le Liechtenstein et l'Allemagne au
sens du Statut de la Cour et de l'article 27 de la convention euro­
péenne pour le règlement pacifique des différends du 29 avril 1957;

b) tous les faits pertinents sont antérieursà la date d'entréeen vigueur
de la convention européenne entre les Parties;
c) les faits et événementssur lesquels le Liechtenstein fonde ses de­
mandes relèvent de la compétence nationale de l'Allemagne.

2) La requêtedu Liechtenstein est également irrecevable car
a) les demandes du Liechtenstein ne sont pas suffisamment étayées;
b) la Cour, pour statuer sur les demandes du Liechtenstein, devrait se

prononcer sur les droits et les obligations desEtats qui ont succédé
à la Tchécoslovaquie, en particulier la République tchéque, en
l'absence de ces Etats et sans leur consentement;
c) les victimes liechtensteinoises présuméesdes mesures de confisca­
tion prises par la Tchécoslovaquie n'ont pas épuisétoutes les voies
de recours internes qui leur étaient ouvertes.

Pour les motifs ci-dessus, l'Allemagne prie la Cour de dire et juger:

que la Cour n'a pas compétence pour connaître des demandes formu­
léesà l'encontre de l'Allemagne que la Principauté de Liechtenstein lui
a soumises par sa requêteen date du 30 mai 2001,

et/ou
que les demandes formulées à l'encontre de l'Allemagne par le Liech­
tenstein ne sont pas recevables dans la mesure précisée dans les pré­
sentes exceptions préliminaires.»

Au nom du Gouvernement du Liechtenstein,

dans son exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les excep­
tions préliminaires soulevées par l'Allemagne:

10 13 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

"For ail these reasons, and reserving the right of the Principality of
Liechtenstein to supplement them in view of any further German argu­
ments, it is respectfully submitted:

(a) that the Court has jurisdiction over the claims presented in the
Application of the Principality of Liechtenstein, and that they are
admissible; .
and correspondingly
(h) that the Preliminary Objections of Germany be rejected in their

entirety."
12. At the oral proceedings, the following submissions were presented by the
Parties:

On hehalf of the GOllernmentof Germany,
at the hearing of 17 June 2004:

"Germany requests the Court to adjudge and declare that:
it lacks jurisdiction over the claims brought against Germany by the
Principalityof Liechtenstein, referred to it by the Application of Liech­
tensteinof 30 May 2001,

and that
the claims brought against Germany by the Principality of Liechten­
stein are inadmissible to the extent specifiedn its Preliminary Objec­
tions."

011hehalf of the GOllernmelltof Liechtenstein,
at the hearing of 18 June 2004:

"For the rcasons set out in its Written Observations and during the oral
proceedings, the Principality of Liechtenstein respectfully requests the
Court:
(a) to adjudge and declare that the Court has jurisdiction over the claims
presented in its Application and that they are admissible;
and accordingly,

(h) to reject the Preliminary Objections of Germany in their entirety."

• • •

13. During the Second World War Czechoslovakia was an allied
country and a belligerent in the war against Germany. In 1945, it
adopted a series of decrees (the "Benes Decrees"), among them Decree
No. 12 of21 June 1945, under which "agricultural property" of "ail per­

sons belonging to the German and Hungarian people, regardless of their
nationality" was confiscated. Under the terms of this Decree, "agricul­
tural property" included, inter alia, buildings, installations and movable
property pertaining thereto. The properties confiscated under Decree
No. 12 comprised sorne owned by Liechtenstein nationals, including
Prince Franz Josef II of Liechtenstein. These measures were contested by

11 CERTAINS RIENS (ARRÊT) 13

«Pour tous les motifs qui précèdent,la Principauté de Liechtenstein, se
réservant le droit de modifier les présentesconclusions à la lumière de nou­
veaux arguments de l'Allemagne, prie respectueusement la Cour de dire et
juger:
a) que la Cour a compétence pour connaître des demandes formulées
dans la requêtede la Principauté de Liechtenstein, et que celles-ci sont

recevables;
et, en conséquence,
h) que les exceptions préliminaires sont rejetéesdans leur intégralité.»

12. Dans la procédure orale, les conclusions ci-après ont étéprésentéespar
les Parties:

Ali nonl du Goul'ernement de l'Allemagne,
à l'audience du 17 juin 2004:

« L'Allemagne pric la Cour de dire et juger:
que la Cour n'a pas compétence pour connaître des demandes formu­
léesà l'encontre de l'Allemagne que la Principauté de Liechtenstein lui

a soumises par sa requêteen date du 30 mai 2001,
et
que les demandes formulées à l'encontre de l'Allemagne par le Liech­
tenstein ne sont pas recevables dans la mesure préciséedans ses excep­

tions préliminaires.»
Au nom du GOllvemement du Liechtenstein,

à l'audience du 18 juin 2004:
« Pour les motifs développésdans ses observations écrites et durant la
procédure orale, la Principauté de Liechtenstein prie respectueusement la

Cour:
a) de dire et juger que la Cour est compétente pour connaître des de­
mandes formulées dans sa requêteet que celles-ci sont recevables;
et, en conséquence,

h) de rejeter les exceptions préliminairesde l'Allemagne dans leur intégra­
lité.»

* * *
13. Au cours de la seconde guerre mondiale, la Tchécoslovaquie fut
l'une des puissances alliées et une partie belligérante dans le conflit avec

l'Allemagne. En 1945, elle adopta une série de décrets (les «décrets
Benes»), dont le décret n° 12 du 21 juin 1945, en application duquel
furent confisqués les «biens agricoles» de «toutes les personnes apparte­
nant au peuple allemand ou hongrois, indépendamment de leur nationa­
lité». Aux termes de ce décret, les «biens agricoles» couvraient notam­

ment les bâtiments, installations et biens meubles qui y étaient attachés.
Figuraient parmi les biens confisqués au titre du décret n° 12 des biens
appartenant à des ressortissants du Liechtenstein, dont le prince

Il14 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

Prince Franz Josef Il in his personal capacity before the Administrative

Court in Bratislava. On 21 November 1951, it held that the confiscations
of the property of the Prince of Liechtenstein were lawful under the law
of Czechoslovakia.

14. Following earlier Allied enactments concerning a reparations

régimein general and German external assets and other property seized
in connection with the Second World War in particular, a special régime
dealing with the latter subject was created by Chapter Six of the Conven­
tion on the Settlement of Matters Arising out of the War and the Occu­
pation, signed by the United States of America, the United Kingdom,

France and the Federal Republic of Germany, at Bonn on 26 May 1952
(as amended by Schedule IV to the Protocol on the Termination of the
Occupation Régime in the Federal Republic of Germany, signed at Paris
on 23 October 1954) (hereinafter referred to as the "Settlement Conven­
tion"). This Convention entered into force on 5 May 1955.

Article 3 of Chapter Six of the Settlement Convention read as follows:
"1. The Federal Republic shaIl in the future raise no objections
against the measures which have been, or wiIl be, carried out with

regard to German external assets or other property, seized for the
purpose of reparation or restitution, or as a result of the state of
war, or on the basis of agreements concluded, or to be concluded, by
the Three Powers with other AIIied countries, neutral countries or
former aIlies of Germany.

3. No claim or action shaIl be admissible against persons who
shall have acquired or transferred titIe to property on the basis of the
measures referred to in paragraph 1 and 2 of this Article, or against

international organizations, foreign governments or persons who
have acted upon instructions of such organizations or governments."

Article 5 of Chapter Six of the Settlement Convention provided that:

"The Federal Republic shaIl ensure that the former owners of

property seized pursuant to the measures referred to in Articles 2
and 3 of this Chapter shaIl be compensated."

15. The régimeof the Settlement Convention was intended to be tem­
porary until the problem of reparation was finaIly settled "by the peace
treaty between Germany and its former enemies or by earlier agreements
concerning this matter" (Article 1 of Chapter Six). A final settlement was
brought about through the conclusion in 1990 of the Treaty on the Final
Settlement with respect to Germany (signed at Moscow on 12 Septem­

ber 1990 and entered into force on 15 March 1991). The parties to this
Treaty were the four former Occupying Powers, the Federal Republic of
Germany and the German Democratic Republic. On 27 and 28 Septem-

12 CERTAINS BIENS (A'RRËT) 14

Franz Josef Il de Liechtenstein. Celui.-ci, :agissanà titre personnel,
contesta les mesures de confiscationde~an l:cour administrative de Bra­
tislava. Le21 novembre 1951, cette dernière conclut que les confiscations
des biens du prince de Liechtenstein étaient licites au regard du droit
tchécoslovaque.
14. Après la promulgation par les Alliésde divers textes concernant un

régimede réparations, en général,et les avoirs et autres biens allemands
à l'étranger saisis enrapport avec la seconde guerre mondiale, en parti­
culier, un régimespécial afférent à cette dernière matière fut instituéux
termes du chapitre sixième de la convention sur Je règlement de questions
issues de la guerre ete l'occupation, signée,le26 mai 1952 à Bonn par les

Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni, la France et la République
fédéraled'Allemagne (telle que modifiée parl'annexe IV au protocole sur
la cessation du régime d'occupation dans la République fédéraled'Alle­
magne, signéà Paris le 23 octobre 1954) et'entréeen vigueur le 5 mai 1955
(ci-après dénomméela «convention sur le f<ëglement»).

L'article 3 du chapitre sixième de la convention est ainsi rédigé:
«1. La République fédéralene soulèvera, dans l'avenir, aucune
objection contre les mesures qui ont étéprises ou qui seront prises à

l'égarddes avoirs allemands à l'étranger ou des autres biens saisis au
titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l'état de
guerre, ou en se fondant sur les accords que les trois puissances ont
conclus ou pourront conclure avec 'd'autres pays alliés,avec des pays
neutres ou avec d'anciens alliésde l'Allemagne.

3. Ne sont pas recevables les réclamations et les actions dirigées
contre des personnes qui ont acquis ou transférédes droits de pro­

priété,en vertu des mesures visées aux paragraphes 1 et 2 du présent
article, ainsi queontre des organismes internationaux, des gouver­
nements étrangers ou des personnes qui ,ont agi sur instruction de ces
organismes ou de ces gouvernements ,étrangers.»

Aux termes de l'article 5 du chapitre sixième de cette mêmeconven­
tion:

«La République fédéraleveillera àcc'que les anciens propriétaires
de biens saisis en exécution des mesures viséesaux articles 2 et 3 du
présent chapitre reçoivent une indemnisation.»

15. Le régime établi par la convention sur le règlement ne devait
demeurer en vigueur que jusqu'au moment où serait définitivement réglée
la question des réparations par «le traité de paix entre l'Allemagne et ses
anciens ennemis ou par des accords antérieurs relatifs à cette question»
(article 1 du chapitre sixième). Un règlement définitif intervint en 1990

par la conclusion du traité portant règlement définitif concernant l'Alle­
magne (signé à Moscou le 12 septembre 1990 et entré en vigueur le
15 mars 1991). Les parties à ce traité étaient les quatre anciennes puis­
sances occupantes, la République fédéraled'Allemagne et la République

1215 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

ber 1990, an Exchange of Notes was executed between the three Western

Powers and the Government of the Federal Republic of Germany (the
parties to the Settlement Convention) under which that Convention
would terminate simultaneously with the entry into force of the Treaty.
Whereas that Exchange of Notes terminated the Settlement Convention
itself, including Article 5of Chapter Six (relating to compensation by
Germany), it provided that paragraphs 1 and 3 of Article 3, Chapter Six,

"shalI,however, remain in force".

16. In 1991, a painting by the seventeenth-century Dutch artist
Pieter van Laer was lent by a museum in Brno (Czechoslovakia) to a
museum in Cologne (Germany) for inclusion in an exhibition. This paint­
ing had been the property of the family of the Reigning Prince of Liech­
tenstein since the eighteenth century; it was confiscated in 1945 by

Czechoslovakia under the Benes Decrees. The Administrative Court of
Bratislava in 1951 dismissed the appeal by Prince Franz Josef II of Liech­
tenstein against the measures of confiscation pursuant to which his prop­
erty, including the Pieter van Laer painting, had been seized (see para­
graph 13 above). In 1991, Prince Hans-Adam II of Liechtenstein filed a
lawsuit in the German courts in his personal capacity to have the paint­

ing sequcstered and returned to him as his property (hereinafter referred
to as the "Pieter l'anLaer Painting case"). The c1aim was dismissed by
the Cologne Regional Court on 10 October 1995, by the Cologne Court
of Appeal on 9 July 1996, by the Federal Court of Justice on 25 Septem­
ber 1997, and by the Federal Constitution al Court on 28 January 1998,
on the basis that, under Article, Chapter Six, of the Settlement Conven­

tion, no c1aim or action in connection with measures taken against Ger­
man external assets in the aftermath of the Second World War was
admissible in German courts.

17. In 1998 Prince Hans-Adam TIof Liechtenstein instituted proceed­
ings before the European Court of Human Rights against Germany,
claiming that the above decisions of the German courts violated his rights
under Articles 6, paragraph 1, and 14 of the Convention for the Protec­

tion of Human Rights and Fundamental Freedoms of the Council of
Europe, as welI as Article 1 of Protocol No. 1 to that Convention. That
Court, on 12 July 200l, held that there had been no violation of the
Articles invoked by the Applicant.

* * *

18. Tt is recalIed that in the present proceedings, Liechtenstein based
the Court's jurisdiction on Article 1 of the European Convention for the

Peaceful Settlement of Disputes which provides that:
"The High Contracting Parties shalI submit to the judgement of

the International Court of Justice ail international legal disputes

13 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 15

démocratique allemande. Les 27 et 28 septembre 1990, il fut procédéà un
échange de notes entre les trois puissances occidentales et le Gouverne­

ment de la République fédéraled'Allemagne (les parties à la convention
sur le règlement), aux termes duquel cette convention cesserait d'êtreen
vigueur à la date d'entrée en vigueur du traité. Si cet échange de notes
mettait fin à la convention sur le règlement elle-même,et notamment à
l'article 5 du chapitre sixième (relatif à l'indemnisation par l'Allemagne),
il prévoyait que les paragraphes 1 et 3 de l'article 3 du chapitre sixième
«demeurer[aient] cependant en vigueur».

16. En 1991, un tableau de Pieter van Laer, peintre hollandais du
xvne siècle, fut prêtépar un musée de Brno (Tchécoslovaquie) à un
musée de Cologne (Allemagne) pour figurer dans une exposition. Ce
tableau, propriétéde la famille du prince régnant de Liechtenstein depuis
le XVIW siècle, avait étéconfisqué en 1945 par la Tchécoslovaquie en
application des décrets Benes. La cour administrative de Bratislava rejeta

en 1951 le recours que le prince Franz Josef Il de Liechtenstein avait
formé contre les mesures de confiscation en vertu desquelles ses biens, et
notamment le tableau de Pieter van Laer, avaient étésaisis (voir para­
graphe 13 ci-dessus). En 1991, le prince Hans-Adam II de Liechtenstein,
agissant à titre personnel, saisit lesibunaux allemands en vue d'obtenir
la mise sous séquestre de cette toile et sa restitution (affaire ci-après

dénommée «l'affaire du Tableau de Pieter l'anLaer»). Cette demande fut
rejetéepar le tribunal régional de Cologne le 10 octobre 1995, par la cour
d'appel de Cologne le 9 juillet 1996, par la Cour fédérale de justice
le 25 septembre 1997 et par la Cour constitutionnelle fédéralele 28 jan­
vier 1998, au motif que, selon les termes de l'article 3 du chapitre sixième
de la convention sur le règlement, aucune réclamation ou action ayant

trait aux mesures prises contre des avoirs allemands à l'étranger au len­
demain de la seconde guerre mondiale n'était recevable devant des tribu­
naux allemands.
17. En 1998, le prince Hans-Adam Il de Liechtenstein saisit la Cour
européenne des droits de l'homme d'une requête dirigée contre l'Alle­
magne, alléguant que les décisionssusmentionnées constituaient une viola­
tion des droits qu'il tiraitu paragraphe 1 de l'article 6 et de l'article 14

de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fon­
damentales du Conseil de l'Europe, ainsi que de l'article 1 du protocole
nO1 à cette convention. Le 12 juillet 2001, ladite Cour dit qu'il n'y avait
pas eu violation des articles invoqués par le demandeur.

* * *

18. TIest rappelé que, en la présente instance, le Liechtenstein fonde la
compétence de la Cour sur l'article premier de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends, qui dispose que

«Les Hautes Parties contractantes soumettront pour jugement à
la Cour internationale de Justice tous les différends juridiques rele-

1316 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

which may arise between them including, in particular, those con­
cerning:
(a) the interpretation ofa treaty;

(b) any question of international law;
(c) the existence of any fact which, if established, would constitute
a breach of an international obligation;
(d) the nature or extent of the reparation to be made for the breach
of an international obligation."

Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful Seulement
of Disputes reads as follows:

"The provisions of this Convention shall not apply to:

(a) disputes relating to facts or situations prior to the entry into
force of this Convention as between the parties to the dispute."

19. Germany has raised six preliminary objections to the jurisdiction
of the Court and to the admissibility of Liechtenstein's Application.

According to the first objection put forward by Germany, there exists no
dispute between Liechtenstein and Germany within the meaning of the
Statute of the Court and Article 27 of the European Convention for the
Peaceful Settlement of Disputes. In its second objection, Germany argues
that ail the relevant facts occurred before the entry into force of the
European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes as between

the Parties. Germany contends in its third objection that the European
Convention for the Peaceful SettIement of Disputes has no application
because the acts on which Liechtenstein bases its c1aims fall within the
domestic jurisdiction of Germany. In its fourth objection, Germany sub­
mits that Liechtenstein's c1aims have not been sufficiently substantiated
as required by Article 40, paragraph 1, of the Statute of the Court and

Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court. Gemlany argues in its
fifth objection that adjudication of Liechtenstein's c1aims would require
the Court to pass judgment on rights and obligations of the successor
States of the former Czechoslovakia, in particular the Czech Republic, in
their absence and without their consent. Finally, according to Germany's
sixth objection, the alleged Liechtenstein victims of the measures of con­

fiscation carriedout by Czechoslovakia have failed to exhaust the avail­
able local remedies.

In its written observations and final submissions during the oral pro­
ceedings, Liechtenstein requested the Court to reject Germany's prelimi­

nary objections in their entirety.

* *

14 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 16

vant du droit international qui s'élèveraient entre elles et notamment
ceux ayant pour objet:
a) l'interprétation d'un traité;
b) tout point de droit international;

c) la réalitéde tout fait qui, s'il était établi, constitueraitla viola­
tion d'une obligation internationale;
d) la nature ou l'étendue de la réparation due pour rupture d'une
obligation internationale.»

L'alinéa a) de l'article 27 de la convention européenne pour le règle­
ment pacifique des différends est ainsi libellé:

«Les dispositions de la présente convention ne s'appliquent pas:

a) aux différends concernant des faits ou situations antérieurs à
l'entrée en vigueur de la présente convention entre les parties au
différend. »

19. L'Allemagne a soulevé six exceptions préliminaires à la compé­
tence de la Cour et à la recevabilité de la requête du Liechtenstein. A titre
de première exception, l'Allemagne affirme qu'il n'y a pas de différend

l'opposant au Liechtenstein au sens des dispositions du Statut de la Cour
et de l'article 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique
des différends. Dans sa deuxième exception, elle fait valoir que tous les
faits pertinents sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la convention
européenne pour le règlement pacifique des différends entre les Parties.
Aux termes de sa troisième exception, l'Allemagne soutient que la conven­

tion européenne pour le règlement pacifique des différends n'est pas
applicable, les actes sur lesquels le Liechtenstein fonde ses demandes rele­
vant de la compétence nationale de l'Allemagne. Dans sa quatrième
exception, l'Allemagne allègue que les demandes du Liechtenstein ne sont
pas suffisamment étayées,contrairement à ce qu'exigent le paragraphe 1
de l'article40 du Statut de la Cour et le paragraphe 2 de l'article 38 de

son Règlement. L'Allemagne fait valoir, à titre de cinquième exception,
que la Cour, pour statuer sur les demandes du Liechtenstein, devrait se
prononcer sur les droits ct obligations des Etats ayant succédéà l'ancienne
Tchécoslovaquie, en particulier la République tchèque, et ce, en l'absence
de ces Etats et sans leur consentement. Enfin, aux termes de la sixième
exception préliminaire de l'Allemagne, les ressortissants du Liechtenstein

qui auraient subi les conséquences des mesures de confiscation prises par
la Tchécoslovaquie n'auraient pas épuisétoutes les voies de recours in­
ternes qui leur étaient ouvertes.
Dans l'exposé contenant ses observations écrites et dans ses conclu­
sions finales énoncées au cours de la procédure orale, le Liechtenstein
prie la Cour de rejeter dans leur intégralité les exceptions préliminaires

soulevées par l'Allemagne.

* *

1418 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

Liechtenstein recognizes the existence of another dispute, one between
itsclfand the Czech Republic, but observes that this does not negate the
existence of a separate dispute between itself and Germany, based on
Germany's unlawful conduct in relation to Liechtenstein.
23. Liechtenstein contends further that Germany itself acknowledged

the existence of the dispute between them. Liechtenstein thus submits
that Germany recognized the existence of the Liechtenstein daims and a
divergence of legal opinions over these daims, both in the course of bi­
lateral consultations held in July 1998 and June 1999, and in a letter from
the German Minister for Foreign Affairs to his Liechtenstein counterpart

dated 20 January 2000. This letter stated that "[i]t [was] known that the
German Government [did] not share the legal opinion" of the Govern­
ment of Liechtenstein and "[did] not see a possibility to make compen­
sation payments to the Principality of Liechtenstein for losses of property
suffered as a result of post-war expropriations in former Czechoslovakia"

as those measures "[could not] be attributed to Germany on a construc­
tive legalbasis".
For its part, Germany denies that il acknowledged the existence of a
dispute by participating in diplomatie consultations at the request of
Liechtenstein. Il argues that a discussion of divergent legal opinions

should not be considered as evidence of the existence of a dispute in the
sense of the Court's Statute "before it reaches a certain threshold".

*
24. According to the consistent jurisprudence of the Court and the

Permanent Court of International Justice, a dispute is a disagreement on
a point of law or fact, a conflict of legal views or interests between parties
(see Mavrommati.\·Palestine Concessions. Judgment No. 2,1924, P.CI.J.,
Series A, No. 2, p. Il; Northern Cameroons, Preliminary Objections,
Judgment, l.e.J. Reports 1963, p. 27; Applicability of the Obligation to
Arbilrate under Section 21 of the United Nations Headquarters Agree­

ment of 26 June /947, Advisory Opinion, 1.CJ. Reports 1988, p. 27,
para. 35; East Timor (Portugal v. Australia) , Judgment, /.CJ. Reports
/995, pp. 99-100, para. 22). Moreover, for the purposes of verifying the
existence of a legal dispute it falls to the Court to determine whether "the
daim of one party is positively opposed by the other" (South West

Africa, Preliminary Objections, Judgment, 1.CJ. Reports 1962, p. 328).

25. The Court recalls that Liechtenstein has characterized its dispute
with Gernlany as involving the violation of its sovereignty and neutrality
by the Respondent, which, for the first time in 1995, treated Liechtenstein

property confiscated under the Benes Decrees as German external assets
for the purposes of the Settlement Convention, notwithstanding Liech­
tenstein'sstatus as a neutral State. Germany for its part denies altogether
the existence of a dispute with Liechtenstein. It asserts instead that "the
subject-matter of this case" is the confiscation by Czechoslovakia in 1945

16 CERTAINS' BIENS (ARRÊT) 18

Le Liechtenstein reconnaît l'existence d'un différend l'opposant par
ailleurs à la République tchèque, mais relève que cela n'exclut pas l'exis­
tence d'un différend distinct entre lui-mêmeet l'Allemagne, nédu com­
portement illicite de celle-cà son égard.
23. Le Liechtenstein soutient en outre que l'Allemagne a elle-même
admis l'existence du différend qui les oppose. Le Liechtenstein prétend en

eftèt que l'Allemagne a reconnu l'existence de ses demandes et d'une
divergence de points de vue juridiques à leur sujet, tant au cours de
consultations bilatérales tenues en juillet 1998 et en juin 1999 que dans
une lettre adressée le 20 janvier 2000 par le ministre allemand des affaires
étrangères à son homologue liechtensteinois. Cette lettre indiquait qu'«[i]l
[était] bien connu que le Gouvernement allemand ne partage[ait] pas

l'avisjuridique» du Gouvernement du Liechtenstein et «n'entrevo[yait]
pas la possibilité d'indemniser la Principauté de Liechtenstein pour les
pertes de biens qu'elle a[vait] subies du fait des expropriations qui [avaient]
eu lieu dans l'ancienne Tchécoslovaquie après la guerre», ces mesures
«ne [pouvant] en droit êtreimputées à l'Allemagne».
Pour sa part, l'Allemagne nie avoir admis l'existence d'un différend en

prenant part à des consultations diplomatiques à la demande du Liech­
tenstein. Elle estime que le fait de débattre de divergences de vues juri­
diques ne saurait prouver l'existence d'un différend au sens du Statut de
la Cour «avant d'avoir atteint un certain seuil ».

*

24. Selon la jurisprudence constante de la Cour et de la Cour perma­
nente de Justice internationale, un différend est un désaccord sur un
point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèsesjuri­
diques ou d'intérêtsentre des parties (voir Concessions Mavrommatis en

Palestine, arrêtn" 2, 1924, CP.J.!. sérieA n" 2, p. Il; Cameroun sep­
tentrional, exceptions préliminaires, arrêt, CI. J. Recueil 1963, p. 27;
Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de
l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des
Nations Unies, avis consultatif, C!.J. Recuei! 1988, p. 27, par. 35; Timor
oriental (Portugal c. Australie), arrêt,CrJ. Recueil 1995, p. 99-100,
par. 22). En outre, aux fins de déterminer s'il existe un différend juri­

dique, la Cour doit rechercher si «la réclamation de l'une des parties se
heurte à l'opposition manifeste de l'autre» (Sud-Ouest africain, excep­
tions préliminaires, arrét, C!.J. Recueil 1962, p. 328).
25. La Cour rappellera que le Liechtenstein présente l'objet du diffé­
rend qui l'oppose à l'Allemagne comme lié à une violation de sa souve­
raineté et desa neutralité par le défendeur, lequel aurait, pour la première

fois en 1995, traité les biens liechtensteinois saisis en application des
décrets Benes comme des avoirs allemands à l'étranger aux fins de la
convention sur le règlement, nonobstant le statut de neutralité du Liech­
tenstein. L'Allemagne, quant à elle, nie purement et simplement l'exis­
tence d'un différend qui l'opposerait au Liechtenstein. Elle affirme au

1619 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

of Liechtenstein property without compensation; Germany considers

further that, in the case of Liechtenstein, German courts simply applied
their consistent case law to what were deemed German external assets
under the Settlement Convention. The Court thus finds that in the
present proceedings complaints of fact and law formulated by Liechten­
stein against Germany are denied by the latter. ln conformity with well­

established jurisprudence (see paragraph 24 above), the Court concludes
that "[b]y virtue of this denial, there is a legal dispute" between Liech­
tenstein and Germany (East Timor (Portugal v. Australia) , ludgment,
J.Cl. Reports 1995, p. 100, para. 22; Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, Preliminary
Objections, ludgment, I.Cl. Reports /996, p. 615, para. 29). The Court

further notes that Germany's position taken in the course of bilateral
consultations and in the letter by the Minister for Foreign Affairs of
20 January 2000 has evidentiary value in support of the proposition that
Liechtenstein's c1aims were positively opposed by Germany and that this
was recognized by the latter.

26. It remains for the Court to identify the subject-matter of the dis­
pute before it.Upon examination of the case file, the Court finds that the
subject-matter of the dispute is whether, by applying Article 3, Chap­
ter Six, of the Settlement Convention to Liechtenstein property that had
been confiscated in Czechoslovakia under the Benes Decrees in 1945,

Germany was in breach of the international obligations it owed to Liech­
tenstein and, if so, what is Germany's international responsibility.
27. Having established the existence of a dispute betwccn Liechten­
stein and Germany and identified its subject-mattcr, the Court concludes
that the first preliminary objection of Germany must be dismissed.

* *
28. The Court will now examine Germany's second preliminary objec­
tion that Liechtenstein's Application should be rejected on the grounds

that the Court lacks jurisdiction ratione temporis to decide the present
dispute.

*
29. Germany asserts that were the Court to find that there exists a
dispute, it would nevertheless fall outside the jurisdiction of the Court
by virtue of Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful
Settlement of Disputes (see paragraph 18 above). In its view, such a

dispute would relate to facts or situations prior to 18 February 1980,
the date when the European Convention for the Peaceful Settlement of
Disputes entered into force between Germany and Liechtenstein. ln
Germany's vicw, the Application should therefore be rejected.

17 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 19

contraire que 1'«objet de cette affaire» réside dans la confiscation, sans

indemnisation, des biens liechtensteinois par la Tchécoslovaquie en 1945;
l'Allemagne estime en outre que ses tribunaux ont, dans le cas du Liech­
tenstein, simplement appliqué leur jurisprudence constante à des biens
considéréscomme des avoirs allemands àl'étranger au sens de la conven­
tion sur le règlement. La Cour relève en conséquence que, dans la pré­
sente instance, les griefs formulés en fait et endroit par le Liechtenstein

contre l'Allemagne sont rejetés par cette dernière. Conformément à sa
jurisprudence bien établie (voir paragraphe 24 ci-dessus), la Cour conclut
que «[d]u fait de ce rejet, il existe un différend d'ordre juridique)} entre le
Liechtenstein et l'Allemagne (Timor oriental (Portugal c. Australie),
arrêt,Cl.J. Recueil 1995, p. 100, par. 22; Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, exceptions pré­

liminaires, arrêt,Cf.!. Recueil/996, p. 615, par. 29). La Cour note par
ailleurs que la position adoptée par l'Allemagne dans le cadre de consul­
tations bilatérales et dans la lettre du 20 janvier 2000 émanant du mi­
nistre des affaires étrangères conforte l'affirmation selon laquelle les
revendications du Liechtenstein se sont heurtées à l'opposition manifeste

de l'Allemagne et que cette dernière l'a reconnu.
26. La Cour doit à présentdéterminer l'objet du différendqui lui est sou­
mis. Ayant examiné le dossier de l'affaire, la Cour conclut que l'objet du
différendest de savoir si, en appliquant l'article 3 du chapitre sixièmede la
convention sur le règlement à des biens liechtensteinois cont:isquéspar la
Tchécoslovaquie en 1945 au titre des décrets BeneS,l'Allemagne a violéles

obligations qui lui incombaient envers le Liechtenstein et, dans l'affirmative,
de déterminer quelle serait la responsabilitéinternationale de l'Allemagne.
27. Ayant établi l'existence d'un différend entre Je Liechtenstein et
l'Allemagne et déterminé son objet, la Cour conclut que la première
exception préliminaire de l'Allemagne doit êtrerejetée.

* *
28. La Cour examinera maintenant la deuxième exception préliminaire
de l'Allemagne, selon laquelle la requêtedu Liechtenstein doit êtrerejetée

au motif que la Cour n'a pas compétence ralione temporis pour trancher
le présent différend.

*

29. L'Allemagne fait valoir que, si la Cour devait conclure à l'existence
d'un différend, celui-ci n'en échapperait pas moins à la compétence de la
Cour en vertu de l'alinéa a) de l'article 27 de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends (voir paragraphe 18 ci-dessus).

Selon elle, un tel différend concernerait des faits ou des situations anté­
rieurs au [8 février 1980, date à laquelle la convention européenne pour
le règlement pacifique des différends est cntrée en vigueur entre l'Alle­
magne et le Liechtenstein. De l'avis de l'Allemagne, la requête devrait
dès lors êtrerejetée.

1720 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

30. Germany contends that the key issue for the purpose of applying
Article 27 (a) is not the date when this dispute arase, but whether the

dispute relates to facts or situations that arase before or after the critical
date. Only if these facls or situations took place after the critical date,
tha! is after 1980, would the Court have jurisdiction ratione tempo ris
under Article 27 (a). But sinee, in Germany's view, this dispute relates
to faets and situations that predate 1980, the Court lacks the requisite

jurisdiction.

31. Germany daims that the property of Prince Franz Joseph TI of
Liechtenstein, including the painting by Pieter van Laer, as weil as prop­
erty belonging to other Liechtenstein nationals, was seized in Czechoslo­

vakia pursuant ta the Benes Decrees. The Settlement Convention required
Germany to bar any action in ils courts that sought to challenge the
legality of such confiscations. In Germany's view, the lawsuit brought by
Prince Hans-Adam Il of Liechtenstein to recover the Pieter van Laer
painting was governed by the provisions of the Settlement Convention.

The dismissal of the lawsuit by various German courts, beginning with
the decision of the Cola gne Regional Court in 1995, acting in cornpliance
wilh the provisions of that Convention, was in conformity with earlier
decisions of German courts. According to Germany, its courts have con­
sistently held that they lacked jurisdiction to evaluate the lawfulness of

such confiscations. The dispute. which arase in the 1990s with regard to
the Pieter van Laer painting was directly related to the Seltlement Con­
vention and the BeneS Decrees; it had its real source, according to Ger­
many, in faets and situations existing prior to the 1980 eritical date.

32. Liechtenstein contends that until the decisions of the German

courts in the Pieter )lan Laer Painting case, it was understood between
Germany and Liechtenstein that Liechtenstein property confiscated pur­
suant ta the Benes Decrees could not be deemed to have been covered by
the Settlement Convention because of Liechtenstein's neutrality. German
courts would therefore not be barred by that Convention from passing
on the lawfulness of these confiscations. In Liechtenstein's view, the decέ

sions of the German courts in the 1990s \Vithregard ta the painting made
clear that Germany no longer adhered to that shared view, and thus
amounted to a change of position. Ttmattered not, according to Liech­
tenstein, whether the decisions in that case marked a change as such in
Germany's position or whether Germany was now applying its earlier

case law to a new situation.

33. Liechtenstein maintains, inter alia, that, in so far as there was a
change of position by Germany, the decisions of the German courts in
the Pieter l'an Laer Painting case and the "positions taken by the Ger­

man Government, in the period after 1995" gave rise to the present dis­
pute. ln these decisions and positions, Germany made clear for the first

18 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 20

30. L'Allemagne soutient que l'élémentdétenninant aux fins de l'appli­
cation de l'alinéa a) de l'article 27 n'est pas d'établir la date à laquelle le

différend est né,mais de savoir si les faits ou situations que ce différend
concerne sont antérieurs ou postérieurs à la date critique. Ce n'est que
dans le cas où ces faits ou situations seraient survenus après la date cri­
tique, c'est-à-direaprès 1980, que la Cour serait compétente ralione tem­
poris en vertu de l'alinéa a) de l'article 27. Mais puisque, de l'avis de
l'Allemagne, ce différend concerne des faits etsituations antérieurs à 1980,

la Cour n'aurait pas la compétence requise.
31. L'Allemagne affinne que, à l'instar de biens appartenant à d'autres
ressortissants liechtensteinois, les biens du prince Franz Josef II de Liech­
tenstein, panni lesquels le tableau de Pieter van Laer, furent saisis en
Tchécoslovaquie en application des décrets Benes. La convention sur le

règlement imposait à l'Allemagne d'interdire à ses tribunaux de connaître
de toute action tendant à contester la licéitéde ces confiscations. De l'avis
de l'Allemagne, le procès intenté par le prince Hans-Adam II de Liech­
tenstein en vue de rentrer en possession du tableau de Pieter van Laer
relevait des dispositions de la convention sur le règlement. Les diverses
juridictions allemandes qui ont, en application de ces dispositions, rejeté

sa demande - à commencer par le tribunal régional de Cologne dans sa
décision de 1995 - se sont conformées à la jurisprudence allemande
antérieure. Selon l'Allemagne, ses tribunaux se sont systématiquement
déclarésincompétents pour juger de la licéitéde telles confiscations. Le
différend ayant vu le jour dans les années 1990 au sujet du tableau de

Pieter van Laer concernait directement la convention sur le règlement et
les décrets Benes; il trouvait son origine réelle,d'après l'Allemagne, dans
des faits et situations antérieurs à la date critique de 1980.
32. Le Liechtenstein soutient que, avant que les tribunaux allemands
se prononcent sur l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, il était entendu,
entre l'Allemagne et lui-même,que la convention sur le règlement ne pou­

vait, du fait de la neutralité du Liechtenstein, être considérée comme
s'appliquant aux biens liechtensteinois confisqués en application des
décrets Benes. Cette convention n'interdisait dès lors pas aux tribunaux
allemands d'apprécier la licéitéde ces confiscations. Pour le Liechten­
stein, les décisions rendues par les tribunaux allemands dans les
années 1990 au sujet du tableau, en montrant clairement que l'Allemagne
ne souscrivait plus à cette position jusqu'alors partagée par les Parties,

ont donc constitué un changement de position. Peu importe, selon le
Liechtenstein, de savoir si ces décisions ont marqué un changement
comme tel dans la position de l'Allemagne ou plutôt l'application pour la
première fois par celle-ci de sa jurisprudence antérieure à une situation
nouvelle.

33. Le Liechtenstein allègue entre autres que, dans la mesure où serait
intervenu "un changement de position de la part de l'Allemagne, ce
seraient les décisions rendues par les tribunaux allemands dans l'affaire
du Tableau de Pieter van Laer et les «positions adoptées par le Gouver­
nement allemand après 1995» qui auraient donné naissance au présent

1821 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

time that it regarded Liechtenstein property as coming within the scope

of the reparations régimeof the Settlement Convention (see paragraph 14
above). These were the facts with regard to which the dispute arose. Prior
thereto there was no dispute between Liechtenstein and Germany. The
facts that triggered the present dispute were therefore not the Settlement
Convention or the Benes Decrees, but Germany's decision in 1995 to

apply the Settlement Convention to Liechtenstein property.

34. The foregoing conclusion, Liechtenstein argues, accords with the

legal test for temporal jurisdiction applied by the Permanent Court of
International Justice and by this Court, which is relevant to the interpre­
tation of Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful Settle­
ment of Disputes in this case. ln Liechtenstein's view, the Phosphates in
Morocco case makes c1ear that the limits of temporal jurisdiction are to
be construed not by looking at the source of the obligation said to have

been violated or at the surrounding factual situation, but by focusing on
the fact with regard to which the dispute arose, that is, the "fait généra­
teur" of the dispute. According to Liechtenstein, the Permanent Court of
International Justice adopted that same approach in the Electricity Com­
pany of Sofia and Bulgaria case, where it "distinguish[ed] between the

source of the rights relied on by the Claimant and the source of the dis­
pute; what matters is the point at which the rights are denied". Liechten­
stein further contends that, as the Right of Passage case indicates, it is
only when the "parties 'adopt c1early-defined legal positions' that the dis­
pute arises, and it arises in relation to the triggering event, not the whole

legal and factual matrix against the background of which the event is to
be understood".

35. Germany subrrùts that, contrary to Liechtenstein's allegations,
there was "no change of position" by Germany because the judicial deci­

sions in the 1990s did not depart from prior German case law on the sub­
ject. In Germany's view, there are thus no facts or legal situations that
took place subsequent to the entry into force between the parties of the
European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes to which
Liechtenstein can point to establish the jurisdiction of the Court.

36. Germany also suggests that the distinction between the source of
the rights c1aimed by one of the parties and the source of the dispute,
referred to by the Permanent Court of International Justice in the Elec­
tricity Company of Sofia and Bulgaria case and by the International

Court of Justice in the Right of Passage case, is of no relevance to the
present case. This is so, Germany submits, because none of the legal and
factual situations "which are the real cause of the alleged dispute" can be
attributed to or involve acts or decisions taken after 1980; rather, they

191! .

CERTAINS BIENS (ARRÊT) 21

différend: dans ces décisions et prises de position, l'Allemagne aurait
indiqué clairement, et pour la première fois, qu'elle considérait les biens
liechtensteinois comme entrant dans le champ d'application du régime
des réparations de la convention sur le règlement (voir paragraphe 14 ci­

dessus). Ce seraient ces décisionsqui constitueraient les faits au sujet des­
quels le différend est né; auparavant, il n'aurait pas existéde différend
entre le Liechtenstein et l'Allemagne. Ce ne seraient par conséquent ni la
convention sur le règlement ni les décrets BeneSqui auraient déclenché le
présent différend, mais la décisionprise par l'Allemagne en 1995 d'appli­

quer la convention sur le règlement aux biens liechtensteinois.
34. Cette conclusion, affirme le Liechtenstein, satisfait aux critères
juridiques appliqués par la Cour permanente de Justice internationale et
par la Cour actuelle en matière de compétence ratione temporis, qui sont
pertinents aux fins de l'interprétation de l'alinéaa) de l'article 27 de la

convention européenne pour le règlement pacifique des ditTérends en
l'espèce.Selon le Liechtenstein, il ressort clairement de J'affaire des Phos­
phates du Maroc que les limites de la compétence ra!ione temporis
doivent êtreappréciéesen fonction non pas de la source de l'obligation
qui aurait étévioléeou du contexte factuel, mais bien plutôt du fait au sujet

duquel le différend est né, autrement dit du «fait générateur» du diffé­
rend. Selon le Liechtenstein, c'est cette approche qui a étéadoptée dans
l'a/Taire de la Compagnie d'électricitéde Sofia el de Bulgarie, la Cour
permanen te de Justice interna tionale faisant alors {(la distinction entre la

source des droits dont se prévalait le demandeur et la source du diffé­
rend»; «ce qui importe)), poursuit le Liechtenstein, «c'est le moment où
les droits ont étéviolés». Le Liechtenstein soutient en outre que, ainsi
qu'indiqué dans l'affaire du Droit de passage, c'est seulement au moment
où ~de sarties prennent des «positions de droit nettement définies » que

nait le différend, et ce, relativement au fait déclencheur, et nonà tous les
élémen ts juridiq ues et factuels dans le contexte desquels celui-ci doit être
apprécié».
35. L'Allemagne 80utient que, contrairement à ce qu'affirme le Liech­
tenstein, il n'y a «pas eu de changement de position» de sa part, parce
que les décisions rendues par ses tribuna ux dans les années 1990 ne sont

pas allées à l'encontre de la jurisprudence allemande antérieure perti­
nente. Selon elle, il n'existerait ainsi aucun fait ou situation juridique pos­
térieur à l'entréeen vigueur entre les parties de la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends auquel le Liechtenstein pour­
rait se référerpour fonder la compétence de la Cour.

36. L'Allemagne laisse aussi entendre que la distinction entre la source
des droits invoques par l'une des parties et la source du différend, opérée
par la Cour permanente de Justice internationale dans l'a/Taire de la
Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie et par la Cour internatio­
nale de Justice dans l'affaire du Droit de passage, est dépourvue de per­

tinence aux fins de la présenteespece. Il en est ainsi, affirme l'Allemagne,
parce qu'aucun des faits ou situations juridiques i<constituant réellement
la cause du différend allégué>} ne peut êtreconsidérécomme la consé-

1922 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

relate entirely to the legal situation created in the aftermath of the Second
World War and, in particular, to "the confiscation of Liechtenstein prop­
erty by Czechoslovakia in 1945 and thereafter and possible legal conse­
quences of these confiscations".

37. A further difference, according to Germany, between the Elu·tri­
city Company of Sofia and Bulgaria and the Rigil! of Passage cases, on
the one hand, and the present case, on the other, is that in those two
cases, the legal situation existing between the parties had been fully
recognized by both sides before the act or omission by one party gave rise

to the dispute.In the present case, by contrast, there was prior to 1995no
similar recognition of the legal situation existing between the two States.
On the contrary, Germany considers that the present case and the Phos­
phates in Morocco case fall into the same category. Tn the Phosphates
case, "the Court could TIotlook into the matter because the legal situa­
tion had been exactly the same since long before the jurisdictional clause

applied and no separable facts or legal situations were at issue". Accord­
ing ta Germany, that is also the situation in the present case. Here the
legal régime applied by "German courts in 1995 and later was a legal
régime applicable fOf Germany since 1955" by virtue of the Settlement
Convention.

38. Liechtenstein disagrees with Gemlany's Interpretation of the juris­
prudence applicable to this case. lt argues that the temporal limitation
expressed in Article 27 (a) of the European Convention for the Peaceful
Settlement of Disputes "refers to the generating fact ... which triggers
the dispute". In its view, the dispute was triggered neither by the Settle­
ment Convention nor by the Benes Decrees because, prior to the 1990s,

that Convention had never been applied ta neutral assets and thus gave
fise to no dispute with neutral Liechtenstein. In Liechtenstein's view,
Germany's decisions in the years from 1995 onwards were the origin and
are at the heart of the present dispute. They are the facts to which the
dispute relates.

*

39. Germany's second preliminary objection requires the Court to
decide whether, applying the provisions of Article 27 (a) of the Euro­
pean Convention for the Peaceful Settlement of Disputes, the present dis­

pute relates to facts or situations that arose before or after the 1980
critical date.
40. As recalled by the Parties (see paragraphs 34 and 36 to 38 above),
this Court and the Permanent Court of International Justice have dealt
with a comparable issue in a number of cases. Thus, in the Phosphates in
Morocco case, the French declaration accepting the Permanent Court of

20 CERTAINS lllENS (ARRËT) 22

quence OU l'occasion d'actes ou de décisions intervenus après 1980; au

contraire, ces faits ou situations juridiques seraient intrinsèquement liéà
la situation juridiq ue néeau lendemain de la seconde guerre mondiale et,
en particulier, à ,da conf'iscation par la Tchécoslovaquie de biens liech­
tensteinois qui a étéopéréeen 1945 et après cette date, ainsi qu'aux
conséquences juridiques éventuellesde ces mesures».
37. Selon l'Allemagne, les affaires de la Compagnie d'électricitéde

Sofia et de Bulgarie et du Droit de passage se distinguent également de la
présente espèce en ce que, dans ces deux cas, les parties concernées
avaient l'une et l'autre pleinement reconnu la situation juridique existant
entre elles avant que l'acte ou l'omission de l'une d'elles nedonnât nais­
sance à un différend. Dans la présenteaffaire, par contre, il n'y aurait eu

avant 1995 aucune reconnaissance similaire de J'existence d'une situation
juridique entre les deux Etats. L'Allemagne considère en revanche que la
présente affaire et celle des Phosphates du Maroc relèvent de la même
catégorie. Dans cette dernière affaire, la Cour «ne pouvait pas examiner
la question, parce que la situation juridique s'étaitcristallisée bien avant
l'application de la clause juridictionnelle et qu'aucun fait ou situation

juridique séparable n'étaiten jeu». De l'avis de l'Allemagne, tel est éga­
lement le cas ici. En l'espèce, le régime juridique «que les tribunaux
allemands ont appliqué en 1995 et ensuite [était] un régimeJuridique
valable pour l'Allemagne depuis 1955:»aux termes de la convention sur
le règlement.
38. Le Liechtenstein ne souscrit pas à l'interprétation que donne l'Alle­

magne de la jurisprudence applicable en l'espèce.Il affirme que la limita­
tion ratione temporis exprimée à l'alinéaa) de l'article 27 de la conven­
tion européenne pour le règlement pacifique des différends ;(renvoie au
fait générateur, qui déclenche le différend», Selon lui, ce ne sont ni la
convention sur le règlement ni les décrets Benes qui ont déclenchéle dif­

férend, la convention sur le règlement n'ayant, avant les années 1990,
jamais étéappliquée aux avoirs neutres et n'ayant par conséquent donné
lieu à aucun différend avec le pays neutre qu'était le Liechtenstein. Ce
seraient les décisions prisespar l'Allemagne à partir de 1995 qui seraient
il l'origine et se trouveraient au cŒur du présent différend. Tels seraient
les faits que le différend concerne.

'*

39. La deuxième exception préliminaire de l'Allemagne impose à la
Cour de déterminer, en appliquant les dispositions de l'alinéaa) de l'ar­
ticle 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique des
différends, si le présent différend concerne des faits ou situations qui

sont antérieurs ou postérieurs il la date critique de 1980.
40. Comme l'ont rappelé les Parties (voir paragraphes 34 et 36 à 38
ci-dessus), la Cour actuelle et la Cour permanente de Justice internatio­
nale ont eu J'occasion, dans plusieurs affaires, de traiter une question
semblable. Ainsi, dans l'affaire des Phosphates du Maroc, la déclaration

2023 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

International Justice's jurisdiction spoke of "disputes which may arise
after the ratificationof the present declaration with regard to situations
or tacts subsequent to this ratification" (Judgment, 1938, P.Cl.J.,
Series AIB, No. 74, p. 22). While the parties in that case agreed that the
dispute arase subsequent to the date of the French declaration, the issue
that divided them concerned the date of the "situations or facts" with

regard to which the dispute arase, that is, whether it was prior or subse­
quent to the declaration. The Court found that the subject of the dispute
was the so-called "monopolization of the Moraccan phosphates" (ibid.,
p. 25) and the inconsistency of that monopoly régimewith earlier French
treaty obligations. This régime was established by legislation adopted

before the criticaI date. lt was that legislation, the Court ruled, with
regard to which the dispute arose.

41. In the Electricity Company afSofia and Bulgaria case, the wording
of the Belgian limitation ralione temporis was identical ta the relevant

language of the French dec1aration in the Phosphates in Morocco case.
Here, tao, the parties agreed that the dispute arase after the critical date,
but they disagreed as to whether the "facts or situations" with regard to
which the dispute arose were prior or subsequent to that date. In the
Electricity Company case, Bulgar1a argued that the awards of the Belgo­
Bulgarian Mixed Arbitral Tribunal, which predated the critical date, had

ta be treated as the "situations" that gave rise ta the dispute. The Per­
manent Court of International Justice rejected this argument and held
that, while these awards constituted the source of the rights claimed by
Belgium, they were not the source of the dispute because the parties had
been in agreement throughout regarding their binding character. The
Court explained this conclusion as follows:

"A situation or fact in regard ta which a dispute is said ta have

arisen must be the real cause of the dispute. In the present case it is
the subsequent acts with which the Belgian Government reproaehes
the Bulgarian authorities with regard ta a particular application of
the formula - which in itself has never been disputed - which form
the centre point of the argument and must be regarded as constitut­
ing the facts with regard to which the dispute arose." (Eleclricity

Company of Sofia and Bufgaria, Judgmenl, 1939, P.ClJ.,
Series AIB, No. 77, p. 82.)

Since these facts all took place after the crîtieal date, the Court rejected
the Bulgarian preliminary objection to its jurisdiction.
42. In the Righl of Passage case, this Court had ta deal with lndia's
preliminary objection ralÎone tempo ris. The objection was based on its
declaration accepting the Court's jurisdietion "over ail disputes arising
after 5 February 1930, with regard to situations or faets subsequent ta

21 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 23

française d'acceptation de la juridiction de la Cour permanente évoquait
des «différends qui s'élèveraientaprès la ratification de la présente décla­
ration au sujet des situations ou des faits postérieurs à cette ratification»
(arrêt,1938, CP.JJ sérieAIB n° 74, p. 22). Si les parties à cette aflaire

s'accordaient à considérer que le différend avait vu le jour après la date
de la déclaration française, elles étaient en revanche divisées sur la date
«des situations ou des faits)} au sujet desquels le différend s'était élevé,
c'est-à-diresur la question de savoir si ces situations ou faits étaient anté­
rieurs ou postérieurs à la déclaration. La Cour conclut que le différend
avait pour objet le prétendu «accaparement des phosphates marocains»

(ibid., p. 25) et l'incompatibilité de ce régimede monopole avec des obli­
gations conventionnelles préalablement contractées par la France. Le
régimeen question avait étéétabli par voie législative avant la date cri­
tique. C'était au sujet de cette législation que le différend s'était élevé,
avait conclu la Cour.

41. Dans l'affaire de la Compagnie d'électrÎCÎté de Sofia et de Bulgarie,
la limitation ratione temporis invoquée par la Belgique était libellée en
des termes identiques à ceux de la déclaration française en cause dans
l'affaire des Phosphates du Maroc. Là aussi, les parties étaient d'accord
sur le fait que le différend avait vu le jour aprés la date critique, mais en

désaccord sur celui de savoir si les «faits ou situations» au sujet desquels
le différend s'était élevéétaient antérieurs ou postérieurs à cette date.
Dans J'affaire de la Compagnie d'électricité,la Bulgarie faisait valoir que
les sentences du Tribunal arbitral mixte belgo-bulgare, qui étaient anté­
rieures à la date critique, devaient êtreconsidéréescomme les (~situa­

tians» ayant donné lieu au différend. La Cour permanente de Justice
internationale rejeta cet argument et dit que, si les sentences enquestion
constituaient la source des droits revendiqués par la Belgique, elles
n'étaient pas celle du différend, car les parties s'étaienttoujours accordées
à reconnaître le caractère impératif desdites sentences.La Cour expliqua
sa conclusion de la manière suivante:

«II faut que la situation ou le fait au sujet duquel on prétend que
s'est élevéle différend en soit réellement la cause. Ce qui, dans

l'espèce, est au centre de la discussion et doit êtreconsidérécomme
les faits au sujet desquels le différend est né,ce sont les actes ulté­
rieurs reprochés par le Gouvernement belge aux autorités bulgares
relativement à une application particulière de la formule qui, en soi,
n'a jamais étécontestée.» (Compagnie d'électricité de Sofia et de
Bulgarie, arrêt,1939, c.P.].!. sérieAIB nO 77, p. 82.)

Ces faits ayant tous eu lieu après la date critique, la Cour rejeta l'excep­

tion préliminaire bulgare à sa compétence.
42. En l'affaire du Droit de passage, la présente Cour devait examiner
l'exception préliminaire ratione temporis de l'Inde. Cette exception était
fondée sur sa déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour «pour
tous les différends nésaprès Je 5 février 1930, concernant des situations

2124 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

the same date". Here the Court first found that the dispute arose in 1954,
when India interfered with Portugal's alleged right of passage over Tndian
territory to certain Portuguese enclaves. The Court turned next to the
question of the date of the situations or faets with regard to whieh the
dispute arose. Relying on the holding of the Permanent Court of Inter­

national Justice in the Electricity Company of Sofia and Bu/garia case,
the Court emphasized that in detcrmining the facts or situations with
regard to which a dispute has arisen, only thase facts or situations are
relevant that can be considered as being the source of the dispute, that is,
its real cause. It then made the following finding:

"Up ta 1954 the situation of those territories may have given rise
ta a few minor incidents, but passage had been effected without any
eontroversy as to the title under whîch it was effected. It was only in
1954 that such a controvers y arase and the dispute relates both to
the existence of a right of passage to go into the enclaved territories

and ta India's failure ta comply with obligations which, aeeording to
Portugal, werc binding upon it in this connection. lt was from all of
this that the dispute referred ta the Court arose; i tis with regard to
ail of this that the dispute exists. This whole, whatever may have
been the earlier origin of one of its parts, came into existence only

after 5 February 1930." (Right of Passage over [ndian Terri/ory,
Merils, Judgment, r.Cl. Reports 1960, p. 35.)

43. The text of Article 27 (a) of the European Convention for the
Peaceful Settlement of Disputes (see paragraph 18 above) does not differ
in substance From the temporaljurisdiction limitations dealt with in those
cases. ln particular, no consequence can be drawn from the use of the
expressions "with regard to" or "re1ating to" which have been employed
indifferently in the various lexts in question. The Court notes further that

in the Phosphates in Morocco case, the Electricity Company in Sofia and
Bulgaria case and the Right of Passage case, the Permanent Court of
International Justice and this Court were calied upon to interpret uni­
lateral declarations accepting the Court's jurisdiction under its Statu te,
whereas, in the present case, the Court has to interpret a multilateral
Convention. Without pronouncing in any more general sense upon the

extent to whîch such instruments are to be treated comparably, the Court
finds no reason on this ground ta interpret differently the phrase in issue.
Nor have the Parties suggested otherwise.

Accordingly, the Court finds its previous jurisprudence on temporal
limitations of rdevance in the present case.
44. In interpreting the latter ratione lemporis limitations, this Court
and the Permanent Court of International Justice before it emphasized
that

22 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 24

ou des faits postérieurs à ladite date». Dans cette affaire, la Cour a
d'abord conclu que le différends'étaitélevéen 1954, lorsque l'Inde avait
porté atteinte au droit de passage alléguéar lePortugal pour accéder à
certaines enclaves portugaises sur le territoire indien. La Cour a ensuite

examinéla question de la date des faits et situations au sujet desquels
différend s'était élevé.S'appuyant sur les conclusions formulées par la
Cour permanente de Justice internationale en l'affaire de la Compagnie
d'électricitéde Sofia et de Bulgarie, la Cour a souligné que, pour déter­
miner les faits ou situationaU sujet desquels le différend s'était élevé,

seuls devaient êtreretenus ceux qu'il fallait considérer comme généra­
teurs du différend, c'est-à-dire ceux quien étaient réellement la cause.
Enfin, laCour a conclu:

«Jusqu'en 1954, la situation de ces territoires avait pu donner lieu
à quelques incidents mineurs mais le passage avait étépratiqué sans
controverse sur le titre selon lequel il était pratiqué. C'est en 1954

seulement qu'une telle controverse a surgi et le différend porte à la
fois sur l'existenceun droit de passage pour accéderaux territoires
enclavéset surle manquement de l'Inde aux obligations qui, selon le
Portugal, lui incomberaient à cet égard.C'est de cet ensemble qu'est
né ledifférendsoumis à la Cour; c'est cet ensemble que concerne le

différend.Cet ensemble, quelle que soit l'origine ancienne de l'une de
ses parties, n'a existéqu'aprésle 5 février 1930.» (Droit de passage
sur territoire indien, fond, arrêt,C.I.1. Recueil /9p.,35.)

43. Par son libellé,l'alinéaa) de l'article 27 de la convention euro­
péennepour le règlement pacifique des différends(voir paragraphe 18ci­
dessus) ne s'écartepas en substance des limitations temporelleà la juri­

diction qui ont étéexaminées dans les affaires précitées.En particulier,
aucune conséquence ne saurait êtretiréede l'usage des mots «au sujet
de» ou «conccrnan qui~ ont été employés indiffëremmcnt dans les
divers textes en cause. La Cour observe en outre que, dans les affaires des
Pho~pha le s aroc, de la C()mpagnie d'électricitéde Sofia et de Bul­
garie et du Droit de passage, la Cour permanente de Justice internatio­

nale et elle-mémeont étéappeléesà interpréter des déclarations unilaté­
rales d'acceptation de la juridiction de laur en vertu du Statut, alors
que, dans la présente espèce, la Cour doit interpréter une convention
multilatérale.Sans se prononcer de manière plus généralesur la mesure
dans laquelle de tels instruments appellent un traitement comparable, la

Cour ne voit ici aucun motif d'interpréter la phrase en cause d'une
manière différente. Les Parties n'ont d'ailleurs pas laisséentendre qu'il
devrait en êtreautrement.
La Cour conclut en conséquence que sa jurisprudence antérieure
concernant les limitations temporelles est pertinente en l'espèce.

44. Lorsqu'elles ont interprétéces limitations ratione temporis, la pré­
sente Cour et, avant elle, la Cour permanente de Justice internationale
ont soulignéceci:

22 25 CERTAIN PROPERTY (JUDGMEl'n)

"[t]he facts or situations to which regard must be had ... are those
with regard to which the dispute has arisen or, in other words, as
was said by the Permanent Court in the case concerning the Elec­
tricity Company of Sofia and Bulgaria, only 'those which must be
considered as being the source of the dispute', those which are its

'realcause'" (RighI of Passage over Indian Territory. Merits, Judg­
ment, 1.C.1. Reports 1960, p. 35).

45. Thus in the Phosphates În Morocco case, the tacts with regard to
which the dispute arose were found ta be legislative measures that pre­

dated the critical date. The objection ratione temporis was accordingly
upheld. ln the Electricily Company of Sofia and Bulgaria and the Righ!
of Passage cases, the disputes were found to have had their source in
facts or situations subsequent to the critical date and thus the objections
ratione temporis were rejected.
46. The Court considers that, in so far as it has to determine the facts

or situations to which this dispu te relates, the foregoing test of finding the
source or real cause of the dispute is equally applicable to this case.

47. The Court wîll now consider whether the present dispute has its
source or real cause in the facts or situations which occurred in the 1990s

in Germany and, particularly, in the decisiollS by the German courts in
the Pieter van Laer Painting case, or whether its source or real cause is
the Benes Decrees under which the painting was confiscated and the
Settlement Convention which the German courts invoked as ground
for declaring themselves without jurisdiction to hear that case.

48. The Court observes that it is not contested that the present dispute
was triggered by the decisions of the German courts in the afore­
mentioned case. This conclusion does not, however, dispose of the
question the Court is called upon to decîde, for under Article 27 (a) of
the European Convention for the Peaceful SeWement of Disputes, the

critical issue isot the date when the dispute arose, but the date of the
facts or situations in relation to which the dispute arose.
49. In the Court's view, the present dispute could only relate to the
events that transpired in the 1990s if, as argued by Liechtenstein, in this
period, Germany either departed from a previous common position that
the Settlement Convention did not apply to Liechtenstein property, or if

German courts, by applying their earlier case law under the Settlement
Convention for the first time to Liechtenstein property, applicd that Con­
vention "to a new situation" after the critical date.

50. With regard to the first alternative, the Court has no basis for
.concluding that prior to the decîsions of the German courts in the
Pieter l'anLaer Painting case, there existed a common understanding or
agreement between Liechtenstein and Germany that the Settlement Con-

2326 CERTAIN PI{QPERTY (JUDGMENT)

vention did not apply to the Liechtenstein property seized abroad as
"German external assets" for the purpose of reparation or as a result of
the war. The issue whether or not the Settlement Convention applied to
Liechtenstein property had not previously arisen before German courts,
nor had it been dealt with prior thereto in intergovernmental talks

between Germany and Liechtenstein. Moreover, German courts have
consistently held that the Settlement Convention deprived them of juris­
diction to address the legalityof any confiscation of property treated as
Germa n property by the confiscating State (see Judgment of the German
Federal Court of Justice (Bundesgerichtshof) of II April 1960, II ZR 64/

58; see also Judgment of the German Federal Court of Justice (Bundes­
gerichtshof) of 13 December 1956 (AKU case), Il ZR 86/54). In the
PÎeler van Laer Painting case, the German courts confined themselves ta
stating that the Seulement Convention was applicable in cases of confis­
cation under Decree No. 12, as with the other BeneSDecrees, and that,

consequently, it was also applicable to the confiscation of the painting.
Liechtenstein's contention regarding the existence of a prior agreement or
cornmon understanding and an alleged "change of position" by Germany
cannot therefore be upheld.

51. As ta Liechtenstein's contention that the dispute relates to the
application, for the tirst time, of pre-1990 German jurisprudence to
Liechtenstein property in the 1990s, the Court points out that German
courts did not face any "new situation" when dealing for the first time
with a case concerning the confiscation of Liechtenstein property as a

result of the Second World War. The Court finds that this case, like pre­
vious ones on the confiscation of German external asscts, was inextric­
ably linked to the Settlcment Convention. The Court further finds that the
decisions of the German courts in the Pieter l'an Laer Painting case can­
nat be separated from the Settlement Convention and the BeneSDecrees,
and that these decisions cannot consequently be considered as the source

or feal cause of the dispute between Liechtenstein and Germany.

52. The Court concludes that, although these proceedings were insti­

tuted by Liechtenstein as a result of decisions by German courts regard­
ing a painting by Pieter van Laer, these events have their source in
specifie measures taken by Czechoslovakia in 1945, which led to the
confiscation of property owned by sorne Liechtenstein nationals, includ­
ing Prince Franz Jozef IIof Liechtenstein, as well as in the special régime

created by the Settlement Convention. The decisions of the German
courts in the 1990s dismissing the claim filed by Prince Hans-Adam II of
Liechtenstein for the return of the painting ta him were taken on the
basis of Article 3, Chapter Six, of the Settlement Convention. Whîle these
decisions triggered the dispute between Liechtenstein and Germany, the

24 CERTAINS BIENS (ARRËT) 26

liechtensteinois saisis à l'étranger,en tant qu'«avoirs allemands à l'étran­
ger», au titre des réparations ou en raison de la guerre auraient échappé
aux dispositions de la convention sur le règlement. La question de savoir
si cette convention s'appliquait ou non aux biens liechtensteinois n'avait
jamais étésoulevéeauparavant devant des juridictions allemandes, pas
davantage qu'elle n'avait fait l'objet de discussions intergouvernemen­

tales entre l'Allemagne etle Liechtenstein. En outre, les juridictions alle­
mandes ont toujours jugé que la convention sur le règlement leur inter­
disait de se prononcer sur la licéitéde toute confiscation de biens traités
par l'Etat qui en était l'auteur comme des biens allemands (voir l'arrêt
de la Cour fédérale allemande de justice (Bundesgerichtshot) du

Il avril 1960, II ZR 64/58; voir égalementl'arrêtde la Cour fédéralealle­
mande de justice (Bundesgerichtshof) du 13décembre L956 (affaire AKU),
lT ZR 86/54). Dans l'affaire du Tableau de Pieter van Laer, les juridic­
tions allemandes se sont bornéesà préciserque la convention sur le règle­
ment était applicable en cas de confiscations opéréesau titre du décret

nO 12 comme des autres décrets Benes, et qu'elle était en conséquence
également applicable à la confiscation de cette toile. L'argument du
Liechtenstein concernant J'existence d'un accord ou d'une entente préa­
lable et d'un prétendu «changemen t de position» de l'Allemagne ne sau­
rait dès lors êtreretenu.
S!. S'agissant de l'argumen t du Liechtenstein selon leque! le différend

concernerait l'application par les tribunaux allemands, à partir des
années 1990,de leur jurisprudence antérieure à 1990 àdes biens liechten­
steinois, laour relèveque, lorsqu'ils furent pour la première fois appelés
à examiner une affaire portant sur la confiscation de biens liechtenstei­
nais consécutive à la seconde guerre mondiale, les tribunaux allemands

ne se trouvèrent pas face à une «situation· nouvelle». La Cour considère
que cette affaire, comme celles qui l'avaient précédée et avaient trait à la
confiscation d'avoirs allemands à l'étranger,était inextricablement liéeà
la convention sur le règlement. La Cour estime que \es décisionsrendues
par les tribunaux allemands en l'affaire du Tableau de Pieter van Laer ne

sauraient êtredissociéesde la convention sur le règlement ni des décrets
BeneS, et qu'elles ne sauraient, en conséquence, êtreregardées comme
étantà l'origine ou constituant la cause réelledu différendentre le Liech­
tenstein et l'Allemagne.
52. La Cour conclut que, si la présente instance a étéeffectivement
introduite par le Liechtenstein à la suite de décisionsrendues par des tri­

bunaux allemands concernant un tableau de Pieter van Laer, ces événe­
ments ont eux-mêmesleur source dans certaines mesures prises par la
Tchécoslovaquie en 1945, lesquelles ont conduit à la confiscation de biens
appartenant à certains ressortissants liechtensteinois, dont le prince
Franz Josef II de Liechtenstein, ainsi que dans le régimespécialinstitué

par la convention sur le règlement. Les décisionsaux termes desquelles
les tribunaux allemands rejetèrent, dans les années 1990, la demande de
restitution du tableau formée par le prinée Hans-Adam 11de Liechten­
stein étaient fondées sur l'article 3 du chapitre sixième de la convention

24

127 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

source or real cause of the dispute is to be found in the Settlement Con­
vention and the BeneS Decrees. [n light of the provisions of Article 27 (a)

of the European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes,
Germany's second preliminary objection must therefore be upheld.

* * *

53. Having dismissed the first preliminary objection of Germany, but
upheld its second, the Courtfinds that it is not required to consider
Germany's other objections and that it cannat rule on Liechtenstein's

daims on the mcrits.

* >1< >1<

54. For these reasons,

THE COURT,

(1) (a) by tifteen votes to one,

Rejecls the preliminary objection that there is no dispute between
Liechtenstein and Germany;

IN FAVOUR: President Shi; Vice-President Ranjeva; Judges Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, J-liggins,Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al­
Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Tomka; Judge ad hoc Sir
Franklin Bem1an;
AGAINST: Judge ad hoc Fleischhauer;

(b) by twelve votes to four,

Upholds the preliminary objection that Liechtenstein's Application
should be rejected on the grounds that the Court lacks jurisdiction
ratione tempor is to decîde the dispute;

IN FAVOUR: President Shi; Vice-President Ranjeva; ludges Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Higgins, Parra-Aranguren, Rezek, Al-Khasawneh,
Buergenthal, Tomka; ludge ad hoc Fleischhauer;

AGAINST: ludges Kooijmans, Elaraby, Owada; Judge ad hoc Sir Franklin
Berman;

(2) by twe1ve votes to four,

Finds that it has no jurisdiction to entertain the Application filed by
Liechtenstein on 1 June 200l.

IN FAVOUR: President Shi; Vice-President Ranjeva; Judges Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, J-liggins,Parra-Aranguren, Rezek, AI-Khasawneh,
Buergenthal, Tomka; Judge .ad hoc Fleischhauer;
AGAINST: ludges Kooijmans, Elaraby, Owada; Judge ad hoc Sir Franklin
Serman.

25 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 27

sur le règlement. Si ces décisionsont bien déclenchéle différend opposant
le Liechtenstein à l'Allemagne, ce sont la convention sur le règlement et
les décrets Benes qui sont à l'origine ou constituent la cause réellede ce

différend. A la lumière des dispositions de l'alinéaa) de J'article 27 de la
convention européenne pour le règlement pacifique des différends, la
deuxième exception préliminaire de l'Allemagne doit done êtrereten ue.

* * *

53. Ayant écartéla première exception préliminaire de l'Allemagne,

mais retenu la deuxième, la Cour conclut qu'il n'y a pas lieu pour elle
d'examiner les autres exceptions de l'Allemagne et qu'elle ne peut se pro­
noncer au fond sur les demandes du Liechtenstein.

* * *

54. Par ces motifs,

LA COUR,

1) a) Par quinze voix contre une,

Rejette l'exception préliminaire selon laquelle il n'existe pas de diffé­
rend entre le Liechtenstein et l'Allemagne;

POUR: M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koromll, Vereshchetin, MmeHiggins, MM. Parra-Amnguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasa wneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Tomka, juges;
SiTFranklin Berman, juge ad hoc;
CONTRE: M. Fleischhauer, jugead hoc;

b) Par douze voix contre quatre,

Relient l'exception préliminaire selon laquelle la requête du Liechten­
stein doit êtrerejetéeau motif que la Cour n'a pas compétence ratione
temporis pour trancher le différend;

POUR: M. Shi, président; M. Ranjcva, )Iice-présidentMM. Guillaume,
Koroma, Vereshl:hetin,M"'~ Higgins, MM. Parra-Aranguren, Re~ek ,l­
Khasawneh, Buergenthal, Tomka, juges; M. Fleischhauer, juge ad hoc;
CONTRE: MM. Kooijmans, Elaraby, Owada, juges;sir Frankli.n Berman,juge

ad hoc;
2) Par douze voix contre quatre,

Dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requêtedéposée
par le Liechtenstein le 1 juin 2001.

POUR: M. Shi, président; M. Ranjcva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchctin, MmeHiggins, MM. Parra-Aranguren, Rczek, AJ­
Khasawneh, Buergenthal, Tom ka, juges; M. Fleischhauer, juge ad hoc;

CONTRE: MM. Kooijmans, Elaraby, Owada, juges;sir Franklin Berman, juge
ad hoc.

2528 CERTAIN PROPERTY (JUDGMENT)

Done in English and in French, the EngJish text being authoritatîve, at
the Peace Palace, The Hague, this tenth day of February, two thollsand
and five, in three copies, one ofwhic·h will be plinthe archives of the
Court and the others transmitted ta the Government of the Principalîty
of Liechtenstein and the Government of the Federal Republic of Ger­

many, respeclively.

(Signed) SHI Jiuyong,

President.
(Signed) Philippe COUVREUR,

Registrar.

Judges KOOIJMANSE ,LARABY and OWADAappend dissenting opinions
to the Judgment of the Court; Judge ad hoc FLEISCHHAUEa Rppends a
declaration to the Judgment of the Court; Judge ad hoc Sir Franklin

BERMAN appends a dissenting opinion to the Judgment of the Court.

(Initial/ed) J.Y.S.

(Initialled)Ph.C.

26 CERTAINS BIENS (ARRÊT) 28

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le dix févrierdeux mille cinq, en trois exemplaires, dont
l'un restera déposéaux archives de la Cour et les autres seront transmis

respectivement au Gouvernement de la Principauté de Liechtenstein et au
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne.

Le président,
(Signé) SHI Jiuyong.

Le greffier,

(Signé) Philippe COUVREUR.

MM. les juges KOOIJMANS, ELARABY et OWADA joignent à l'arrêtles

exposésde leur opinion dissiden te; M. le juge ad hoc FL EISCHH AUER join t
une déclaration à l'arrêt;M. le juge ad hoc sir Franklin BERMAN joint à
J'arrêtl'exposéde son opinion dissidente.

(Paraphé) J.Y.S.

(Paraphé) Ph.C.

26

ICJ document subtitle

Exceptions préliminaires

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 10 février 2005

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