Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Par une requête déposée au Greffe le 1er juin 2001, le Liechtenstein a introduit une instance contre l’Allemagne au sujet d’un différend afférent à
« des décisions prises par l’Allemagne, en 1998 et depuis lors, tendant à traiter certains biens des ressortissants du Liechtenstein comme des avoirs allemands « saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre » — c’est‑à‑dire comme conséquence de la seconde guerre mondiale —, sans prévoir d’indemniser leurs propriétaires pour la perte de ces biens, et au détriment du Liechtenstein lui-même ».
Le contexte historique du différend était le suivant. En 1945, la Tchécoslovaquie confisqua certains biens appartenant à des ressortissants du Liechtenstein, dont le prince Franz Josef II de Liechtenstein, en application des « décrets Beneš », qui autorisaient la confiscation des « biens agricoles » (y compris bâtiments, installations et biens meubles) de « toutes les personnes appartenant au peuple allemand ou hongrois, indépendamment de leur nationalité ». Un régime spécial concernant les avoirs et autres biens allemands à l’étranger saisis en rapport avec la seconde guerre mondiale fut institué aux termes de la « convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’occupation » (chapitre sixième), signée en 1952 à Bonn. En 1991, un tableau du maître hollandais Pieter van Laer fut prêté par un musée de Brno (Tchécoslovaquie) à un musée de Cologne (Allemagne) pour figurer dans une exposition. Ce tableau, propriété de la famille du prince régnant de Liechtenstein depuis le XVIIIe siècle, avait été confisqué en 1945 par la Tchécoslovaquie en application des décrets Beneš. Le prince Hans‑Adam II de Liechtenstein, agissant à titre personnel, saisit alors les tribunaux allemands d’une action en restitution de la toile, mais cette action fut rejetée au motif que, selon les termes de l’article 3 du chapitre sixième de la convention sur le règlement (article dont les paragraphes 1 et 3 sont toujours en vigueur), aucune réclamation ou action ayant trait aux mesures prises contre des avoirs allemands à l’étranger au lendemain de la seconde guerre mondiale n’était recevable devant les tribunaux allemands. Une requête introduite par le prince Hans‑Adam II devant la Cour européenne des droits de l’homme contre les décisions des tribunaux allemands fut également rejetée.
Comme base de compétence de la Cour, le Liechtenstein invoquait l’article premier de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends, faite à Strasbourg le 29 avril 1957.
Le 27 juin 2002, l’Allemagne a déposé des exceptions préliminaires d’incompétence et d’irrecevabilité, et la procédure sur le fond a en conséquence été suspendue. Le 15 novembre 2002, le Liechtenstein a déposé ses observations écrites sur les exceptions préliminaires de l’Allemagne dans le délai prescrit par le président de la Cour.
Après la tenue d’audiences publiques sur les exceptions préliminaires de l’Allemagne en juin 2004, la Cour a rendu son arrêt le 10 février 2005. Elle a d’abord rejeté la première exception préliminaire de l’Allemagne, selon laquelle la Cour n’avait pas compétence en raison de l’absence de différend entre les Parties.
La Cour a ensuite examiné la deuxième exception de l’Allemagne, qui lui demandait de déterminer, à la lumière des dispositions de l’alinéa a) de l’article 27 de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends, si le différend concernait des faits ou situations qui étaient antérieurs ou postérieurs au 18 février 1980, date d’entrée en vigueur de cette convention entre l’Allemagne et le Liechtenstein. La Cour a conclu que, si la présente instance avait été effectivement introduite par le Liechtenstein à la suite de décisions rendues par des tribunaux allemands concernant un tableau de Pieter van Laer, ces événements avaient eux-mêmes leur source dans certaines mesures prises par la Tchécoslovaquie en 1945, lesquelles avaient conduit à la confiscation de biens appartenant à certains ressortissants liechtensteinois, dont le prince Franz Josef II de Liechtenstein, ainsi que dans le régime spécial institué par la convention sur le règlement ; et que c’étaient la convention sur le règlement et les décrets Beneš qui étaient à l’origine ou constituaient par conséquent la cause réelle de ce différend. La Cour a donc retenu la deuxième exception préliminaire de l’Allemagne, concluant qu’elle ne pouvait se prononcer au fond sur les demandes du Liechtenstein.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.