Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) - La Cour dit que la demande d'intervention présentée par le Honduras en l'affaire ne peut être admise

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16514
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2011/17
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

N o2011/17
Le 4 mai 2011

Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie)

La Cour dit que la demande d’intervention présentée par le Honduras en l’affaire
ne peut être admise

LA HAYE, le 4 mai 2011. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des NationsUnies, a rendu ce jour son ar rêt au sujet de l’admission de la requête à fin
d’intervention déposée par le Hondur as dans l’affaire relative au Différend territorial et maritime
(Nicaragua c. Colombie).

Dans son arrêt, la Cour

«Par treize voix contre deux,

Dit que la requête à fin d’intervention en l’instance, en tant que partie ou en tant
que non-partie, déposée par la République du Honduras en vertu de l’article62 du
Statut de la Cour, ne peut être admise.

POUR : M. Owada, président, M. omka, vice-président ; MM. Koroma,

Al-Khasawneh, Simma, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,
Cançado Trindade, Yusuf, Mme Xue, juges ; MM. Cot, Gaja, juges ad hoc

C ONTRE : M. Abraham, Mme Donoghue, juges.»

L’arrêt de la Cour a été lu par le présidede la Cour, M.HisashiOwada, au cours d’une
séance publique tenue au Palais de la Paix, à La Haye, après une autre séance publique au cours de
laquelle le président avait donné lecture de l’at de la Cour relatif à l’admission d’une autre
demande d’intervention présentée par le Costa Rica.

Historique de la procédure

Pour consulter l’historique de la procédure, il convient de se reporter aux paragraphes 1
à 17 de l’arrêt rendu ce jour par la Cour et disponible sur son site Intwww.icj-cij.org ), à la

rubrique «Affaires».

Raisonnement de la Cour

Après un historique succinct de la procédure, la Cour dresse le cadre juridique dans lequel
s’inscrit la demande d’intervention du Honduras. - 2 -

I. CADRE JURIDIQUE DE L ’INTERVENTION (par. 20-48)

A cet égard, la Cour rappelle tout d’abord que, dans sa requête à fin d’intervention en date du
10juin2010, le Honduras a indiqué qu’il sollicitait , à titre principal, l’au torisation d’intervenir
dans l’instance pendante en qualité de partie et que, si la Cour n’accédait pas à cette demande, il

souhaitait, subsidiairement, être autorisé à interven ir en qualité de non-partie. La Cour relève que,
quelle que soit la qualité au titre de laquelle un Etat demande à intervenir, il doit établir l’existence
d’un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision de la Cour dans la
procédure principale et l’objet précis de son intervention.

La Cour précise en deuxième lieu que, contrairem ent à l’article 63 du Statut, l’article 62 (sur
lequel le Honduras appuie sa demande) ne confère pas à l’Etat tiers un droit à intervenir, et qu’il ne
suffit pas à cet Etat d’estimer qu’il a un intérêt d’ ordre juridique susceptible d’être affecté par la

décision de la Cour dans la pr océdure principale pour avoir ipso facto un droit à intervenir dans
cette procédure. Elle ajoute que l’intérêt d’or dre juridique à démontrer n’est pas limité au seul
dispositif d’un arrêt, mais qu’il peut égalemen t concerner les motifs qui constituent le support
nécessaire du dispositif.

Troisièmement, la Cour fait remarquer que l’ objet précis de l’intervention doit se rattacher
à l’objet du différend principal qui oppose les Parties. Elle poursuit en soulignant que les

procédures écrite et orale relatives à la requête à fin d’intervention ne sont pas, pour l’Etat qui
demande à intervenir ou pour les Parties, l’occasion de débattre de questions de fond relevant de la
procédure principale, et que l’Etat qui demande à intervenir ne peut, sous couvert d’intervention,
chercher à introduire une instance nouvelle aux côtés de la procédure principale. La Cour rappelle

que si unEtat autorisé à intervenir en tant que partie peut certes lui soumettre, pour décision, des
demandes qui lui sont propres, celles-ci doivent être liées à l’objet du différend principal.

II. EXAMEN DE LA REQUÊTE À FIN D ’INTERVENTION DU H ONDURAS (par. 49-75)

La Cour procède ensuite à l’ examen de la requête à fin d’intervention du Honduras. La
zone dans laquelle le Honduras pr étend avoir un intérêt d’ordre juridique à protéger fait l’objet,

dans l’arrêt, d’un croquis à fin d’illustration, qui est reproduit en annexe à ce communiqué.

En spécifiant les intérêts d’ordre juridique qui sont pour lui en cause, le Honduras affirme
dans sa requête qu’il est reconnu, dans le traité de délimitation maritime conclu en1986 entre

luiemême et la Colombie (ci-apeès dénommé le «traité de1986»), que la zone située au nord du
15 parallèle et à l’est du 82 méridien recouvre certains de ses droits et intérêts d’ordre juridique
légitimes. Le Honduras fait valoir que la Cour, dans la décision qu ’elle rendra en l’espèce, devra

dûment tenir compte de ces droits et intérêts, lesquels, soutient-il, n’ont pas été pris en
considération dans l’arrêt que la Cour a rendu en 2007 en l’affaire du Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras da ns la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) . Le
Honduras est convaincu qu’une décision rendue dans la procédure opposant le Nicaragua et la

Colombie sans qu’il ait particip é en tant qu’Etat intervenant à l’instance pourrait affecter de
manière irréversible ses intérêts juridiques si la Cour en arrivait à faire droit à certaines des
demandes avancées par le Nicaragua. Le Honduras fait en outre valoir que l’arrêt de 2007 n’a pas
fixé dans son intégralité la frontière séparant le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes,

puisque la Cour n’a pas fixé le point terminal de sa frontière avec le Nicaragua et n’a pas non plus
spécifié que ce point serait situé sur l’azimut de la bissectrice marquant la frontière.

La Cour rappelle que le Nicaragua et la Colombie, les Parties à la procédure principale, ont
des positions divergentes à l’égard de la requête du Honduras. Le Nicaragua est résolument opposé
à la demande d’intervention du Honduras, que ce soit en qualité de partie ou en qualité de
non-partie. Il considère notamment que la requê te du Honduras ne spécifie pas l’intérêt d’ordre

juridique qui est pour lui en cause au sens de l’article 62 du Statut de la Cour, et qu’elle remet en - 3 -

question l’autorité de la chose jugée dont est revêtu l’arrêt de 2007. La Colombie, quant à elle, fait
valoir que le Honduras satisfait aux conditions requises pour intervenir en tant que non partie en

vertu de l’article62 du Statut, ajoutant qu’elle n’élève aucune objection contre la demande du
Honduras à intervenir en tant que partie.

A ce point de son raisonnement, la Cour examine (par.57 à 75) l’intérêt d’ordre juridique

que le Honduras indique chercher à protéger par l’intervention demandée.

Le Honduras précise que la zone recouvrant cet intérêt d’ordre juridique susceptible d’être
affecté par la décision de la Cour s’inscrit grosso modo dans un rectangle dont le tracé des côtés

sud et est se confond avec la frontière du traité de 1986 (voir croquis). La Cour relève que, pour
démontrer qu’il possède un intérêt d’ordre juridique en l’affaire, le Honduras prétend pouvoir s’y
prévaloir de droits en matière de concessions pé trolières, de patrouilles navales et d’activités de
pêche. Dans son argumentation, le Honduras s oulève un certain nombre de points qui, selon la

Cour, remettent directement en question l’arrêt de2007, par lequel a été délimitée la frontière
maritime entre le Honduras et le Nicaragua.

La Cour estime que la déterm ination de l’intérêt d’ordre juridique du Honduras se résume

pour l’essentiel à l’examen de deux questions : d’une part, celle de savoir si l’arrêt de 2007 a fixé
dans son intégralité la frontière maritime sép arant le Honduras et le Nicaragua dans la
merdesCaraïbes, et, d’autre part, celle des effets qu’aura, le cas échéant, la décision de la Cour
dans la procédure principale, qui oppose le Nicaragua et la Colomb ie, sur les droits dont jouit le

Honduras en vertu du traité de 1986.

Sur la première question, la Cour rappelle qu’elle a déjà tracé la frontière maritime définitive
entre le Nicaragua et le Honduras dans son arrê t de 2007. Sur le croquis ci-joint, ce tracé est

notamment matérialisé par une bissectrice rouge en pointillés qui traverse entièrement le rectangle
(bleu) indiquant la zone dans laquelle le Honduras prétend avoi r un intérêt d’ordre juridique à
protéger. La Cour souligne que sa décision de 2007 relative à la délimitation maritime dans la mer
des Caraïbes entre le Honduras et le Nicaragua es t définitive, en application du principe de

l’autorité de la chose jugée. Elle relève également que le H onduras n’a pas laissé entendre qu’il
subsisterait un différend non résolu ou des éléments de nature à prouver que la ligne bissectrice
marquant la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua n’était ni complète ni définitive ;
quand bien même il l’aurait fait dans la présente procédure, la question aurait été exclue du champ

d’application de l’article 62 du Statut, qui concerne l’intervention, et aurait relevé de l’article 61,
qui concerne la revision. Comme les de mandes du Honduras reposent essentiellement sur
l’argument selon lequel l’exposé des motifs contenus aux paragraphes 306 à 319 de l’arrêt de 2007

n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée, la Cour poursuit son examen en se penchant sur
cette question (par. 66 à 70 de l’arrêt). Elle place, pour ce faire, la demande du Honduras dans le
contexte spécifique de l’affaire.

La Cour relève qu’il est un principe juridi que bien établi et généralement reconnu qu’une

décision rendue par un organe judiciaire a force oblig atoire pour les parties au différend. Elle note
que les droits du Honduras sur la zone située au nord de la ligne bis
sectrice n’ont été contestés ni
par le Nicaragua ni par la Colombie et en dédu it qu’il ne saurait donc y avoir pour le Honduras, à

l’égard de cette zone, un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision de la
Cour dans la procédure principale. Aux fins d’établir si le Honduras possède un intérêt d’ordre
juridique dans la zone située au sud de la ligne bissectrice, la question essentielle que doit trancher
la Cour est celle de savoir dans quelle mesure l’ arrêt de2007 a défini le tracé de la frontière

maritime unique entre les mers territoriales, portions de plateau continental et zones économiques
exclusives relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras. La Cour considère que le tracé
de la ligne bissectrice, tel qu’il a été indiqué au point3) du dispositif de son arrêt de2007
(paragraphe321), est clair. Au point3 du dis positif, lequel est incontestablement revêtu de

l’autorité de la chose jugée, la Cour a précisé que, «[à] partir du point F, [la frontière] se poursuivra
le long de la ligne d’azimut 70°14'41,25" jusqu’à atteindre la zone dans la quelle elle risque de - 4 -

mettre en cause les droits d’Etats tiers». La Cour fait observer que les motifs qui figurent aux
paragraphes 306 à 319 de l’arrêt de 2007 et constituent le support nécessaire du dispositif de l’arrêt

sont, sur ce point, également dépourvus d’ambiguïté . ea Cour a clairement indiqué dans ces
paragraphes que la bissectrice s’étendrait au-delà du 82 méridien jusqu’à atteindre la zone dans
laquelle pourraient être affectés les droits d’un Et at tiers et que son point terminal demeurerait
indéterminé tant que n’auraient pa s été établis les droits de cet Etat tiers. Sans cet exposé des

motifs, il pourrait être difficile de comprendre pourquoi la Cour n’a pas fixé, dans son arrêt, de
point terminal. Compte tenu de ces motifs, la d écision à laquelle la Cour est parvenue dans son
arrêt de 2007 ne se prête à aucune autre interprétation, conclut-elle.

La deuxième question soulevée par le Honduras à l’appui de sa demande d’intervention
concerne les effets qu’aura, le cas échéant, la décision de la Cour dans la procédure principale sur
les droits dont il jouit en vertu du traité bilaté ral de 1986 entre le Honduras et la Colombie. Sur ce
point, la Cour précise qu’un traité bilatéral ne conf ère pas davantage de droits à un Etattiers (en

l’occurrence: le Nicaragua) qu’il ne lui impos e d’obligations. Elle conclut donc que, pour
déterminer la frontière maritime entre la Colombie et le Nicaragua, elle ne se fondera pas sur ledit
traité.

Au terme de son arrêt, la Cour conclut que le Honduras n’ est pas parvenu à démontrer qu’il
possédait un intérêt d’ordre juridique susceptible d’êt re affecté par sa décision dans la procédure
principale, et qu’en conséquence, elle n’a besoin d’examiner aucune autre des questions soulevées
devant elle dans la présente procédure.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M.Owada, président ; M. Tomka, vice-président ;

MM. Koroma, Al-Khasawneh, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,
CançadoTrindade, Yusuf, MmesXue, Donoghue, juges ; MM. Cot, Gaja, juges ad hoc ;
M. Couvreur, greffier.

M.le jugeAl-Khasawneh joint une déclaration à l’arrêt; M.le jugeAbraham joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion dissidente ; Ml.e j ugeKeith joint une déclaration à l’arrêt;
MM.les juges CançadoTrindade et Yusuf jo ignent une déclaration commune à l’arrêt;
Mme le juge Donoghue joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

Annexe : croquis

___________

Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé : «Résumé n o2011/4», auquel sont
annexés les résumés des déclarations et des opini ons jointes. Le présent communiqué de presse, le

résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles sur le site Internet de la
Cour (www.icj-cij.org), sous la rubrique «Affaires».

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire dela Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)

M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistanteadministrative (+31 (0)70 302 2396) tØ

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