L'Argentine introduit une instance contre l'Uruguay et demande à la Cour d'indiquer des mesures conservatoires

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135-20060504-PRE-01-00-EN
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2006/17
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél:+31 (0)70 302 23 23. Télégr.:Intercourt,
La Haye. Télécopie:+ 31 (0)70 364 99 28. Télex:32323. Adresse électronique:
[email protected]. Adresse Internet: http://www.icj-cij.org.

Communiquéde presse
Non officiel

N° 2006/17
Le 4 mai 2006

L'Argentine introduit une instance contre l'Uruguay et demande
àla Cour d'indiquer des mesures conservatoires

LA HAYE, le 4 mai 2006. L'Argentine a saisi la Cour internationale de Justice (CU),

le 4 mai 2006 en fin d'après-midi, d'un différend qui l'oppose à l'Uruguay au sujet de prétendues
violations par l'Uruguay des obligations découlant pour celui-ci du statut du fleuve Uruguay, traité
signépar l'Argentine et l'Uruguay le 26 février1975 (ci-après «le statut de 1975»).

Cet instrument a pour objet «d'établir les mécanismes communs nécessaires à l'utilisation

rationnelle et optimale du fleuve», partagépar les deux Etats et constituant en partie leur frontière
commune. Le statut réglemente notamment «la conservation, l'utilisation et l'exploitation [de]
ressources naturelles [et] la prévention de la pollution» et créeune commission administrative du
fleuve Uruguay (CARU, selon le sigle en espagnol), dotée de fonctions réglementaires et de
coordination.

Dans sa requête, l'Argentine reproche au Gouvernement de l'Uruguay d'avoir, en
octobre 2003, «autoriséde manière unilatérale ... la construction d'une usine de pâte à papier dans
les alentours de la ville de Fray Bentos ... sans respecter la procédure obligatoire d'information et
de consultationpréalables»prévuepar le statut de 1975.

L'Argentine indique que, malgré ses protestations réitérées,directement auprès du
Gouvernement de l'Uruguay et auprès de la CARU, «le Gouvernement uruguayen a persistédans
son refus de suivre les procéduresprévues». Selon la requête,l'Uruguay a même«aggravé le
différend»en autorisant en 2005 la construction, dans la mêmezone, d'une deuxième usine de pâte
à papier et d'un port réservéà cette usine.

Selon l'Argentine, ces usines, construites sur la rive faisant face à la ville argentine de
Gualeguaychu, «portent atteinte à l'environnement du fleuve Uruguay et de sa zone d'influence»,
affectant une population de plus de 300 000 habitants. Celle-ci est inquiétéepar les «risques
importants de pollution du fleuve, de détériorationde la biodiversité, d'effets nocifs sur la santéet

de dommages aux ressources halieutiques» et soucieuse des «répercussions extrêmementgraves sur
le tourisme et autres intérêtsnomiques».

Dans sa requête,l'Argentine préciseen outre que, à la suite du changement de gouvernement
intervenu en Uruguay en mars 2005, les deux Etats concernésont constituéun groupe technique de

haut niveau (GTAN, selon le sigle en espagnol) afin de résoudrele différend les opposant. Selon la
requête,les douze réunions de cet organe entre août2005 et fin janvier 2006 n'ont toutefois pas
permis aux deux pays de parvenir àun accord. -2-

Par conséquent, l'Argentine «prie la Cour de dire et juger :

1) que l'Uruguay a manqué aux obligations lui incombant en vertu du Statut de 1975 et des
autres règles de droit international auxquelles ce statut renvoie, y compris mais pas
exclusivement:

illl'obligation de prendre toute mesure nécessaire à l'utilisation rationnelle et optimale du
fleuve Uruguay;

hl l'obligation d'informer préalablement la CARU et l'Argentine;

_ç}l'obligation de se conformer aux procéduresprévuespar le chapitre II du Statut de 1975;

Q2 1'obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour préserver le milieu aquatique et
d'empêcher la pollution et l'obligation de protéger la biodiversité et les pêcheries, y

compris l'obligation de procéder à une étude d'impact sur l'environnement complète et
objective;

~ les obligations de coopération en matière de prévention de la pollution et de la protection

de la biodiversité et des pêcheries; et

2) que, par son comportement, l'Uruguay a engagé sa responsabilité internationale à l'égard de
1'Argentine;

3) que l'Uruguay est tenu de cesser son comportement illicite et de respecter scrupuleusement à
l'avenir les obligations lui incombant; et

4) que l'Uruguay est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le non-respect des

obligations lui incombant.»

Dans sa requête, l'Argentine invoque comme base de la compétence de la Cour le
paragraphe 1 de l'article 60 du statut de 1975. Celui-ci stipule que «Tout différend concernant

l'interprétation ou l'application du Traité et du Statut qui ne pourrait êtreréglépar négociation
directe peut êtresoumis par l'une ou l'autre des Parties à la Cour internationale de Justice.»

L'Argentine a également déposé ce jour une demande en indication de mesures
conservatoires. Elle y expose que «la poursuite de la construction des ouvrages en cause dans les

conditions présentes aggravera de manière significative leur impact préjudiciable sur le plan
économique et social». Le Gouvernement argentin préciseque les conséquences dommageables de
ces activités seraient «d'une nature telle qu'elles ne pourraient pas simplement êtreréparées
moyennant une indemnitépécuniaire ou une autre prestation matérielle». Il ajoute que la «mise en

service des usines ... avant qu'un arrêtdéfinitif ne soit rendu [par la Cour] provoquerait des
préjudices graves et irréversibles à la préservation de l'environnement du fleuve Uruguay et de ses
zones d'influence ainsi que aux droits de l'Argentine et des habitants des zones avoisinantes sous
sa juridiction». Selon l'Argentine, la poursuite de la construction des usines parachèverait la

démarche unilatérale de l'Uruguay tendant à créer un «fait accompli» et à rendre irréversible
l'emplacement actuel des usines.

En conséquence, l'Argentine demande à la Cour d'indiquer, en attendant l'arrêtdéfinitif

dans la présente instance, des mesures conservatoires tendant à ce que l'Uruguay : suspende
immédiatement toutes les autorisations pour la construction des usines visées; prenne les mesures
nécessaires pour assurer la suspension de tous travaux de construction desdites usines; coopère de
bonne foi avec l'Argentine en vue d'assurer l'utilisation rationnelle et optimale du fleuve Uruguay; - 3 -

s'abstienne de prendre toute autre mesure unilatérale relative à la construction de ces usines qui ne
respecterait pas le statut de 1975; et s'abstienne de toute autre mesure qui pourrait aggraver,

étendreou rendre plus difficile le règlement du différendobjet de la présenteinstance.

Le texte intégral de la requêteintroductive d'instance et de la demande en indication de
mesures conservatoires de l'Argentine seront bientôt disponibles sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).

Département de l'information:

Mme Laurence Blairon, chef du département ( + 31 70 302 23 36)
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachésd'information ( + 31 70 302 23 37)
Adresse de courrier électronique : information @icj-cij.org

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