Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) - Arrêt de la Cour

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10331
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Number (Press Release, Order, etc)
1994/4
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C~UR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Pakisde laP& 25 17KILa Haye. TéL(070-3 0323).TéIbgr .:tercoiniLi Haye.

Télefax(070-36499 28).fila 32323.

Communiqué
non officia1
pour publfcitfon fmaddiate

t-torm
fva arabe

Le Greffe de la Cour internationale de Justice met à la disposition
de la presse les renseignements suivants :

Aujourd'hui;3 février 1994, la Cour internationale de Justice a
rendu son arrêt en l'affaire précitee. Dans son arrSt, la Cour dit que
la frontière entre la Libye et le Tchad est définie par le traité
d'amitié et de bon voisinage conclu le 10 août 1955 entre la France et la
Libye, et elle a dit quel est le tracé de cette frontière (voir croquis

no 4 en annexe1 .

La composition de la Cour était la suivante :

.. .
Sir Robert Jennings, Président; M. Oda, -; MM. Ago,
Schwebel, Bedjaoui, Ni, Evensen, Tarassov, Guillaume, Shahabuddeen,
Aguilar Mawdsley, Weeramantry, Ranjeva, Ajibola, Herczegh, juseç;
MM. Sette-Camara, Abi-Saab, iriseciad hoc; M. Valencia-Ospina, Greffia.

Le texte complet du dispositif de l'arrêt est reproduit ci-aprgs :

c77. Par ces motifs,

LA COUR,

Par 16 voix contre 1, 1) PFt que la frontière entre la Grande Jamahiriya arabe
libyenne populaire et socialiste et la République du Tchad est

définie par le traité d'amitié et de bon voisinage conclu le 10
aodt 1955 entre la République française et le Royaume-Uni de Libye;

2) U que le tracé de cette frontiere est le suivant :

du point d'intersection du 24'méridien est et du

parallèle 19' 30' nord, une ligne droite allant
jusqutau point d'intersection du tropique du Cancer et
du 16" méridien est; et de ce dernier point une ligne
droite allant jusqu'au point d'intersection du 15'

méridien est et du 23" parallele nord;

ces lignes sont indiquges, a titre d'illustration, sur le croquis

no 4 reproduit à la page 39 du présent arrêt.

POUR : Sir Robert Jennings, Pr6 " .,; M. Oda, Vice-Pr-;.
MM. Ago, Schwebel, Bedjaoui, Ni, Evensen, Tarassov, Guillaume,

Shahabuddeen, Aguilar Mawdsley, Weeramantry, Ranjeva, Ajibola,
Herczegh, juges; M. Abi-Saab, iuae ad hoc.

CONTRE : M. Sette-Camara, -ad hoc.*

M. Ago, juge, a joint une déclaration à ltarr@t de la Cour.

MM. ~hahabuddeen et Ajibola, juges, ont joint à l'arrêt l'expose de
leur opinion individuelle.

M. Sette-Camara, juge ad hr, a joint à l'arrêt l'exposé de son
opinion dissidente.

(Un résurne de la declaration et des opinions est annexé au present

communiqué) .

Le texte imprimé de l'arrêt sera disponible en temps utile
(s'adresser à la section de la distribution et des ventes, Office des

Nations Unies à Genève, 1211 Gen&ve IO; à la section des ventes, Nations
Unies, New York, N.Y. 10017; ou à toute librairie spGcialisee).

On trouvera ci-après un rgsurné de l'arrgt. Il a été établi par le
Greffe et n'engage en aucune façon la Cour. 11 ne saurait gtre cité à
l'encontre du texte de l'arrêt, dont il ne constitue par une
interprétation. La Cour décrit les étapes de la procédure depuis qu'elle a été saisie

de l'affaire (par. 1-16) et énonce les conclusions présentges par les
Parties (par. 17-21). Elle rappelle que l'instance a été introduite par
deux notifications successives du compromis que constitue l'naccord-cadre
du 31 août 1989 sur le règlement pacifique du différend territorial entre

la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste et la
RGpublique du Tchad* - la notification deposée par la Libye le 31 août
1990 et la communication faite par le Tchad le 3 septembre 1990, lue à la

lumigre de la lettre de l'agent du Tchad du 2S septembre 1990.

Compte tenu des communications que les Parties lui ont adressees et
des conclusions qu'elles lui ont présentées, la Cour relsve que la Libye

considère qu'il n'existe pas de frontière et demande à la Cour d'en
déterminer une. Quant au Tchad, il considère qu'il existe une frontière
et demande à la Cour de dire quelle est cette frontière. Pour la Libye,

l'affaire a trait à un différend concernant l'attribution d'un territoire
tandis que, pour le Tchad, elle a trait à un différend sur le tracé d'une
frontière.

La Cour evoque ensuite les lignes revendiquées par le Tchad et par la
Libye, telles qu'indiquées sur le croquis no 1 reproduit dans l'arrêt; la
Libye fonde sa revendication sur une imbrication de droits et de titres :

ceux des populations autochtones, ceux de l'Ordre senoussi, ceux de
l'Empire ottoman, ceux de l'Italie et enfin ceux de la Libye elle-même;
le Tchad revendique une frontière sur la base du traité d'amitié et de

bon voisinage entre la République française et la Libye signé le
10 aoGt 1955; subsidiairement, le Tchad se fonde sur les effectivités
françaises que ce soit en relation avec les traités antérieurs, ou
indépendamment de ceux-ci.

. * , +p.- . .
Le twe d amr ie et d@-adeVre 1-
Libye 1war. 23-56)

La Cour rappelle que le différend a pour toile de fond une longue et
complexe histoire; elle rappelle que cette histoire est reflétée dans un
certain nombre d'instruments conventionnels et examine ceux qui lui

paraissent pertinents. La Cour observe que les deux Parties
reconnaissent que le trait6 d'amitié et de bon voisinage de 1955 entre la
France et la Libye constitue le point de départ logique de l'examen des

questions portges devant elle. Aucune des Parties ne met en question la
validité du traite de 1955, et la Libye ne conteste pas davantage le
droit du Tchad d'invoquer contre elle toute disposition du trait6
concernant les frontières du Tchad. Le traité de 1955 est complexe; il

comprend, outre le traité lui-même, quatre conventions jointes et
huit annexes, et porte sur une large gamme de questions concernant les
relations futures entre les deux parties. Aux termes de l'article 9 du

traite, les conventions et annexes qui y sont jointes en font partie
intégrante. L'une des questions spécifiquement visSes est celle des
frontières, qui font l'objet de l'article 3 et de l'annexe 1. La Cour examine ensuite l'article 3 du traité de 1955 et l'annexe à
laquelle cet article renvoie afin de décider si une frontière

conventionnelle entre les territoires des Parties résulte ou non du
traité. Elle releve que si une frontière en résulte, il est de ce fait
répondu aux questions soulevées par les Parties; et une r6ponse serait
ainsi donnée tout à la fois à la demande de la Libye tendant à ce que

soient determinées les limites des territoires respectifs des Parties et
à la demande du Tchad tendant à ce pue soit fixé le tracé de la
frontiére.

L'article 3 du traité se lit comme suit :

@Les deux Hautes Parties Contractantes reconnaissent que

les frontières séparant les territoires de la Tunisie, de
l'Algérie, de l'Afrique occidentale française et de laAfrique
€quaCoriale française d'une part, du territoire de la Libye
d'autre part, sont celles qui résultent des actes internationaux

en vigueur à la date de la constitution du Royaume Uni de Libye,
tels qu'ils sont définis dans l'échange de lettres ci-jointes
(annexe 1).B

L'annexe I au traité comprend un échange de lettres qui, après avoir
cité l'article 3, se lit comme suit :

*II s'agit des textes suivants :

- la convention franco-britanniquedu 14 juin 1898;

- la déclaration additionnelle,du 21 mars 1899, à la
convention précédente;

- les accords franco-italiens du 1"' novembre 1902;

- la convention entre la Rgpublique française et la sublime
Porte du 12 mai 1910;

- la convention franco-britannique du 8 septembre 1919;

- l'arrangement franco-italien du 12 septembre 1913.3

La Cour rappelle que, selon le droit international coutumier qui a
trouvG son expression dans l'article 31 de la convention de Vienne

de 1569 sur le droit des traites, un traité doit Ctre interprgté de bonne
foi suivant le sens ordinaire à attribuer A ses termes dans leur contexte
et à la lumigre de son objet et de son but. L'interprétation doit être
fondée avant tout sur le texte du traité lui-même. Il peut être fait

appel à titre complgmentaire à des moyens d'interprgtation tels que les
travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a
eté conclu. A l'article 3 du traité de 1955, les parties ererowss~nt que les
frontières ... sont celles qui résultent* de certains actes
internationaux. Le verbe ureconnaîtrer que le traité utilise indique

qu'une obligation juridique est contractée. Reconna%tre une frontière,
c'est avant tout «accepter» cette frontièrej c'est-à-dire tirer les
conséquences juridiques de son existence, la respecter et renoncer à la
contester pour l'avenir.

De l'avis de la Cour, il ressort des termes du traité que les Parties
reconnaissaient pue luensemble des frontigres entre leurs territoires

respectifs resultait de l'effet conjugug de tous les actes définis à
l'annexe 1. Aucune frontière pertinente ne devait être laissée
indétermide et aucun acte defini a l'annexe 1 n'est superflu. Soutenir
que seuls certains des actes spécifi6s ont concouru à la définition de la

frontière, ou qu'une frontiere particulière n'a pas été détermin&e,
serait incompatible avec une reconnaissance exprirnbe dans de tels termes;
cela équivaudrait B vider l'article 3 du traité et l'annexe 1 de leur

sens ordinaire. En concluant le traité, les parties ont reconnu les
frontières auxquelles le texte de ce trait4 se r&f&rait; la tache de la
Cour est donc de déterminer le contenu exact de l'engagement ainsi pris.

La fixation d'une frontière dépend de la volonté des Etats souverains
directement intéressés. Rien n'empêche les parties de décider d'un
commun accord de considérer une certaine ligne comme une frontière, quel

qu'ait &té son statut antérieur. S'il s'agissait déjà d'une frontière,
celle-ci est purement et simplement confirmée. S'il ne s'agissait pas
d'une frontière, le consentement des parties à la ereconnaîtren comme

telle confère à la ligne une force juridique qui lui faisait auparavant
defaut. Une telle reconnaissance peut revêtir diverses formes, ainsi que
l'attestent les conventions et la jurisprudence internationales. En
precisant que les frontières reconnues sont acelles qui résultent des

actes internationaux* définis à l'annexe 1, l'article 3 du traité
implique que toutes les frontières reçultent de ces actes. Toute autre
interpretation serait contraire aux termes mêmes de l'article 3 et

priverait totalement d'effet la mention de l'un ou l'autre de ces actes à
l'annexe 1. L'article 3 du traité de 1955 se refère aux actes
internationaux (<envigueurn à la date de la constitution du Royaume-Uni
de Libye, *tels quuils sunt définis dans l'&change de lettres

ci-jointes». La Libye soutient que les accords mentionnés à l'annexe I
sur lesquels le Tchad s'appuie n'étaient plus, selon elle, en vigueur à
la date pertinente. La Cour ne peut partager ces thèses car l'article 3

ne vise pas simplement les actes internationaux en vigueur à la date de
la constitution du Royaume-Uni de Libye, mais les actes internationaux
nen vigueur» à cette date tels qu'ils sont dkfinisu à l'annexe 1.

Dresser une liste d'actes applicables tout en remettant à un examen
ulterieur la question de savoir s'ils étaient en vigueur eût été dépourvu
de sens. Pour la Cour, il est clair que les parties étaient d'accord
pour considérer ces actes comme étant en vigueur aux fins de l'article 3

car, dans le cas contraire, elles ne les auraient pas fait figurer B
l'annexe. Le texte de l'article 3 traduit clairement l'intention des
parties d'assurer un règlement définitif de la question de leurs

frontières communes. L'article 3 et l'annexe 1 visent à définir des
frontières par référence à des actes propres à en établir le tracé.Toute autre lecture de ces textes serait contraire à l'un des principes

fondamentaux d*interpr&tation des trait&, constamment admis dans la
jurisprudence internationale, celui de l'effet utile.

L'objet et le but du trait& ainsi rappelés dans son préambule,

confirment l'interprétation du trait6 qui a été donnée ci-dessus dans la
mesure où cet objet et ce but conduisent naturellement à la definition du
territoire de la Libye, et donc de ses frontières.

Les conclusions auxquelles est ainsi parvenue la Cour sont renforcees
par l'examen du contexte du traité, et notamment de la convention de bon
voisinage conclue entre la France et la Libye en même temps que le

traite, ainsi que par l'examen des travaux préparatoires.

Etant parvenue à In conclusion que les parties contractantes ont
entendu par le traité de 1955, et tout spécialement par son article 3,
dgfinir leur frontière commune, la Cour examine quelle est la frontière

entre la Libye et le Tchad qui résulte des actes internationaux dgfinis à I
l'annexe 1.

La déclaration franco-britannique de 1399, qui cornplete la convention
de 1898, définit une ligne limitant la zone (ou sphère d'influence)

française au nord-est vers 1'Egypte et la vallée du Nil, déjà sous
contrôle britannique. Le paragraphe 3 de cette dgclaration est ainsi
libellé :

a11 est entendu en principe qu'au nord du ise parallèle la
zone fran~aise sera limitée au nord-est et à l'est par une ligne
qui partira du point de rencontre du tropique du Cancer avec le

16'degré de longitude est de Greenwich (13' 40' est de Paris),
descendra dans la direction du sud-est juçqu'à sa rencontre avec
le 24' degré de longitude est de Greenwich (21' 40' est de
Paris), et suivra ensuite le 24" degré jusqu'à sa rencontre au

nord du 15"parallèle de latitude avec la frontière du Darfour
telle qu'elle sera ultérieurement fixée.$

Différentes interprétations de ce texte Btaient possibles car le

point d'intersection de la ligne avec le 24" méridien est n'était pas
precisB et le texte original de la déclaration n'était pas accompagne
d'une carte indiquant le tracé de la ligne convenue. Or, quelques jours

aprgs l'adoption de cette déclaration, les autorites françaises en
publièrent le texte dans un J.ivre im gui comprenait une carte. Sur
ladite carte, la ligne suivait non une direction strictement sud-est,
mais plut8t une direction est-sud-est, pour aboutir approximativement au

point d'intersection du 24' méridien est et du 19' parallèle nord.

Aux fins du présent arrêt, la question de l'emplacement de la limite
de la zone française peut être considgrée comme resolue par la convention

entre la France et la Grande-Bretagne, signée à Paris le
8 septembre 1919. 11 s'agissait d'une convention supplémentaire à la
declaration de 1899.Son dernier paragraphe &tait ainsi libellé :

*Il est entendu que la présente convention ne modifiera en

rien l'interprétation donnee à la déclaration du 21 mars 1899,
d'après laquelle les termes de l'article 3 uelle se dirigera
ensuite vers le sud-est jusqu'au 24* degré de longitude est de

Greenwich {21° 40' est de Paris), signifient *elle prendra une
direction sud-est jusqu'au 24' degré de longitude est de
Greenwich au point d'intersection dudit degré de longitude avec

le parallèle 19" 30' de latitude*.*

Le texte de la convention de 1919 presente cette ligne comme une

interprétation de la déclaration de 1899; de l'avis de la cour, il n'y a,
aux fins du présent arrêt, aucune raison de la qualifier de confirmation
ou de modification de la déclaration. Dans la mesure oQ les deux Etats

parties à la convention sont ceux-là mêmes qui avaient conclu la
déclaration de 1899, il ne fait aucun doute que lieinterprétation, en
question a constitué, à compter de 1919, et dans leurs relations
mutuelles, l'interprétation correcte et contraignante de la déclaration

de 1899. Cette interprétation est opposable à la Libye en vertu du
traité de 1955. Pour ces raisons, la Cour en conclut que la ligne
decrite dans la convention de 1919 représente la frontière entre la Libye

et le Tchad à l'est du 16' méridien est.

Lsaccord franco-italien (échange de lettres) du 1"'novembre 1902
précise que

<par la limite de l'expansion française en Afrique
septentrionale visée dans Ilal lettre précitée du

14 décembre 1900, on entend bien la frontière de la Tripolitaine
indiquée par la carte annexée à la déclaration du 21 mars 18993.

La carte ainsi mentionnée ne pouvait être que celle du Lvre j w sur
laquelle figurait une ligne en pointillé indiquant la frontière de la
Tripolitaine. La Cour a donc examiné cette ligne.

Il est clair qu'à l'est, le point terminal de la frontière sera situé

sur le 24' méridien est, qui constitue à cet endroit la frontiere du
Soudan. A l'ouest, il n'est pas demand6 à la Cour de déterminer le point
triple Libye-Niger-Tchad; dans ses conclusions, le Tchad a simplement

prié la Cour de dire quel est le tracé de la fronti&re ujusqu'au 15" degré
est de Greenwichm. En tout état de cause, la décision de la Cour à ce
sujet, comme en l 'affaire du -, ane sera pas . .

opposable au Niger en ce qul concerne le tracé de ses propres frontières*
tC.1.J. ReuPil 1986, p. 580, par. 50) . Entre le 24' et le 16' méridien
est de Greenwich, la ligne est determinée par la convention

franco-britannique du 8 septembre 1919 : la frontière est donc constituée
par une ligne droite reliant le point d'intersection du 24' méridien est
et du parallèle 19" 30' nord au point d'intersection du 16" méridien est

et du tropique du Cancer. A partir de ce point, la ligne est dgterrninée
par l'échange de lettres franco-italien du ler novembre 1902, par
référence à la carte du J.ivre jau : cette ligne, comme le montre ladite

carte, se dirige vers un point se trouvant immédiatement au sud de
Toummo; toutefois, avant de l'atteindre, elle coupe le 15' méridien est,sur lequel se situait, à partir de 1930, le point de depart de la

frontière entre l'Afrique occidentale française et l'Afrique Gquatoriale
française. Confirmation de cette dernière ligne peut être trouvée dans
les rkférences faites à la convention particuliere annexée au traité

de 1955 à un endroit désigné sous le nom de Muri Idié.

Le Tchad qui, dans ses conclusions, prie la Cour de &terminer la

frontière à l'ouest jusqu'au 15" méridien est, n'a pas défini le point où,
selon lui, la frontiere coupe ce méridien. Les Parties n'ont pas
davantage indiqué a la Cour les coordonnées exactes du point libyen de
Toummo. Toutefois, au vu des informations disponibles et notamment des

cartes fournies par les Parties, la Cour est parvenue à la conclusion que
la ligne de la carte du Livre -iw coupe le 15' méridien est au point
d'intersection de ce méridien et du 23' parallele nord. Dans ce secteur,

la frontière est donc constituée par une ligne droite reliant ce dernier
point au point d'intersection du 16' méridien est et du tropique du
Cancer.

Ayant conclu qu'une frontière résultait du traité de 1955, et ayant

déterminé oii cette frontière se situait, la Cour gtudie les attitudes que
les Parties ont adoptées par la suite a l'égard de la question des
frontières. Elle dit qu'aucun accord ultérieur entre la France et la

Libye ou entre la Libye et le Tchad n'a remis en cause la frontière dans
cette région, découlant du traite de 1955. Tout au contraire, si l'on
considère les traités postérieurs à l'entrge en vigueur du traité
de 1955, ceux-ci confortent la these selon laquelle, après 1955, les

Parties ont reconnu l'existence d'une frontigre déterminGe et ont agi en
conséquence.

Puis la Cour examine l'attitude que les Parties ont adoptge après la
conclusion du traite de 1955, lorsque des problèmes en rapport avec les
frontières ont été soulevés devant des instances internationales; elle
relève que la conduite du Tchad n'a pas varié en ce qui concerne

l'emplacement de sa frontière.

ar. 72-73)

Enfin, de l'avis de la Cour, nonobstant les dispositions de
l'article 11 portant que *Le présent traité est conclu pour une durée de

vingt années*, et qu'il peut y être mis fin unilatéralement, le traité
de 1955 doit être considéré comme ayant établi une frontière permanente.
Rien n'indique dans le tralte de 1955 que la frontigre convenue devait
être provisoire ou ternporalre; la frontière porte au contraire toutes les

marques du définitif. L'établissement de cette frontière est un fait
qui, des l'origine, a eu une exisrence juridique propre, indépendante du
sort du traité de 1955. Une fois convenue, la frontière demeure, car

toute autre approche priverait d'effets le principe fondamental de la
stabilité des frontières. Une frontière établie par trait& acquiert ainsi
une permanence que le traité lui-même ne connaît pas ngcessairement.
Lorsqu'une frontière a fait l'objet d'un accord, sa persistance ne dépend

pas de la survie du traite par lequel ladite frontiere a été convenue. CROQUIS No.4

Ligne frontière
déterminée par laCour

dans son arrêt
NB:Le!raenpointillfrontierss
internatioesfourseulement
à definsd'tlIustration. Je reste, pour ma part, convaincu que lors de l'accès à l'indépendance du nouvel
Etat libyen, la frontière méridionale de ce pays avec les possessions françaises
d'Afrique occidentale et d'Afrique équatoriale entre Toummo et la frontière du Soudan
anglo-égyptien n'avait pas encore fait l'objet d'une délimitation conventionnelle

entre les parties alors directement concernées. Mais je reconnais qu'en concluant
avec la France le traité du 10 août 1955, le Gouvernement libyen, inlSress& surtout
par d'autres aspects de l'ensemble des questions à regler, avait implicitement

reconnu, à propos de ladite frontigre méridionale, les déductions que le Gouvernement
franqais tirait des instruments mentionnés A l'Annexe 1 dudit traité.

C'est pour cette raison que j'ai décidé de joindre mon vote à celui de mes
collègues qui se sont exprimes en faveur de l'arrêt.

Dans son opinion individuelle, M. Shahabuddeen a fait observer que l'affaire
évoquait un certain nombre de problèmes importants ligs à l'état de la communauté

internationale il y a un siecle. Ces problèmes se trouvaient neanmoins écartés par
la rgponse que la Cour avait donn&e à la question reconnue par les deux Parties comme
liminaire : celle de savoir si la frontière revendiquée par le Tchad trouvait un
fondement dans le traité franco-libyen de 1955. La réponse donnée par la Cour

résultait nécessairement de l'application des principes ordinaires d'interprétation
aux dispositions du traité. Pour M. Shahabuddeen, il n'était ni pertinent ni
nécessaire d'invoquer le principe de la stabilité des frontières à l'appui de cette

réponse. La question qui se posait 5.la Cour etait de savoir s'il existait un traité
dGfinissant la frontière, et à son avis le principe de la stabilité des frontières
n'était d'aucun secours pour répondre à cette question.

..
lle de M, At-

Dans son opinion individuelle, M. Ajibola approuve dans l'ensemble l'arrêt de la
Cour, en particulier la constatation selon laquelle le traité d'amitié et de bon
voisinage entre la République française et la Libye, du 10 août 1955, a bien pour
effet de trancher le diffgrend frontalier entre la Libye et le Tchad.

M. Ajibola examine ensuite certains aspects qui ont trait au mode
d'interprétation des dispositions du traité de 1955, en analysant plus

particulièrement certaines questions telles que l'objet et le but du traité, la bonne
foi et les actes ulterieurs des Parties.

M. Ajibola examine aussi les prétentions et conclusions des Parties et plus
particulierement celles de la Libye par rapport à ce qu'il appelle la ustratggie de
l'action* sur la question des conf fin sa.

Enfin, M. Ajibola examine deux autres moyens extrinsèques mais suppl6mentaires 2
l'appui des conclusions auxquelles la Cour est parvenue dans son arrêt, le premier
fondé sur lTestonnel, l'acquiescement, la forclusion et la reconnaissance, et le

second sur le principe de l'uti oossidetin.

Dans son opinion dissidente, M. Sette-Carnara a fait valoir que les confins
n'ont jamais constitue une L~rra- susceptible d'être occupée en vertu du
droit international. Le territoire étair occupé par des tribus autochtones et des

confédérations de tribus, souvent organisées sous l'autorité de l'Ordre senoussi.
En outre, il était soumis à la souveraineté discante et relâchée de l'Empire
ottoman qui marquait sa presence par une délégation de pouvoir à la population

locale. Les grandes puissances européennes se sont ernployees à morceler l'Afrique mais
ne sont pas allées au-delà d'une répartition de sphères d'influence.

La présence française dans les confins ne s'est manifestée qu'en 1913, à la
suite du traité dtOuchy qui mettait fin à La guerre entre l'Italie et l'Empire
ottoman. Le titre historique sur la région a d'abord appartenu aux peuples

autochtones avant d15tre finalement transmis à l'Empire ottoman puis à l'Italie.

Les frictions dues aux ambitions des puissances coloniales aboutirent à

l'incident de Fashoda qui a déclenché les négociations menant A la déclaration
de 1899 laquelle a procéde à un partage des sphères d'influence et défini les
limites de l'expansion française vers le nord et vers l'est.

En fait, la présente affaire posait deux questions clefs qui appelaient une
réponse : 1) y a-t-il ou y a-t-il jamais eu une frontière conventionnelle entre la
Libye et le Tchad a l'est de Toummo ? 2) les conventions énumérées à l'annexe I du

traité d'amitié et de bon voisinage de 1955 entre la Libye et la France
constituent-elles effectivement des traites frontaliers ?

S'agissant de la prerniGre question, M. Sette-Carnara est convaincu qu'il n'y a

pas et qu'il n'y a jamais eu de ligne marquant la frontiere, si ce n'est la ligne
arrêtge par le traité Laval-Mussolini de 1935 qui n'a pas &tg ratifig. d

Pour ce qui est de la deuxième question, M. Sette-Camara estime qu'aucun des
traités énumérés à l'annexe 1 ne peut être considéré comme un traite frontalier :
la déclaration de 1899 ne faisait pue partager des sphères d'influence. Le traité

Barrère-Prinetti de 1902, à savoir un échange secret de lettres conclu par la
France et l'Italie, concernait le respect réciproque des intérêts de la France au
Maroc et des ambitions italiennes en Tripolitaine et en Cyrénaique et empiétait sur
un territoire relevant de la souverainetg de l'Empire ottoman. La convention

de 1919, elle aussi, partageait des sphères d'influence et traitait essentiellement
de la frontière Ouadai-Darfour. Quant au traité de 1955, la pierre angulaire de
l'argumentation tchadienne, il a, en vertu de son article 11, une durée convenue de

vingt ans. Le contre-mémoire tchadien lui-même a reconnu que le traité s'est
&teint en 1975.

La question des ~ffectivltb ne peut être prise en compte étant donné qu'aucun

élément de preuve n'a &té avancé par les Parties en la matière.
Dans une série de traités conclue depuis 1972 par les deux pays, rien n'est
dit de l'existence d'un autre différend.

M. Sette-Camara est d'avis que les titres revendiqués par la Libye sur le
territoire en cause sont valables. Ni la France ni le Tchad n'en n'ont présenté de
plus solides.

De l'avis de M. Sette-Carnara, il est regrettable que ni la Cour ni les Parties
n'aient étudi6 la solution de compromis qu'aurait constitde la ligne tracée sur la

carte no 241 de l'ONU qui est très proche de la ligne de 1935 sans lui être
identique ou ne soient revenues à la ligne strictement sud-est de 1899 qui é~ait B
l'origine du différend et qui continue de figurer sur des cartes très récentes, par
exemple la carte de l'OUA de 1988 jointe en annexe au rapport de son sous-cornitg

sur le diffgrend ~ibye-Tchad.

L'une et l'autre de ces lignes auraient eu pour avantage de partager entre les

deux pays le massif du Tibesti que l'un et l'autre soutiennent être essentiel pour
leur défense.

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- Arrêt de la Cour

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Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) - Arrêt de la Cour

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