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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
OBLIGATIONS DES ÉTATS EN MATIÈRE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF SOUMISE PAR L’ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
REPONSES AUX QUESTIONS DES JUGES
présentées par
LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Le 20 décembre 2024
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1. Par lettre du 13 décembre 2024, le Greffier de la Cour a transmis aux participants à la
procédure orale le texte des questions posées en audience du même jour par Madame la Juge
Cleveland, Monsieur le Juge Tladi, Monsieur le Juge Aurescu et Madame la Juge
Charlesworth.
2. La République démocratique du Congo (RDC) répondra ci-après aux questions de
Monsieur le Juge Tladi et Madame la Juge Charlesworth, au sujet desquelles la RDC espère
pouvoir être le mieux à même d’assister la Cour dans le temps imparti. Cela ne signifie
aucunement que la RDC accorderait une moindre importance aux questions de Monsieur le
Juge Aurescu et de Madame la Juge Cleveland.
A. QUESTION DE MONSIEUR LE JUGE TLADI
3. Monsieur le Juge Tladi a posé la question suivante :
“In their written and oral pleadings, participants have generally engaged in an
interpretation of the various paragraphs of Article 4 of the Paris Agreement. Many
participants have, on the basis of this interpretation, come to the conclusion that, to the
extent that Article 4 imposes any obligations in respect of Nationally Determined
Contributions, these are procedural obligations. Participants coming to this conclusion
have, in general, relied on the ordinary meaning of the words, context and sometimes
some elements in Article 31 (3) of the Vienna Convention on the Law of Treaties. I
would like to know from the participants whether, according to them, “the object and
purpose” of the Paris Agreement, and the object and purpose of the climate change treaty
framework in general, has any effect on this interpretation and if so, what effect does it
have?”
4. Cette question touche au coeur de l’Accord de Paris. L’objet et le but de l’Accord ont en
effet de profondes implications pour l’interprétation de son article 4, en particulier pour
déterminer si les obligations liées aux contributions déterminées au niveau national (CDN),
visées à l’article 4.2, sont strictement procédurales ou si elles comportent des dimensions
substantielles.
5. De l’avis de la République démocratique du Congo, les règles d’interprétation du droit
des traités requièrent que l’article 4.2 de l’Accord de Paris relatif aux contributions déterminées
au niveau national (CDN) soit interprété au regard de l’objet et du but énoncé dans le préambule
et l’article 2 de l’Accord de Paris (1), et tout autant au regard de l’article 4 dans son ensemble
et singulièrement de l’article 4.1. (2). Ces éléments d’interprétation mènent à interpréter
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l’article 4 de l’Accord de Paris dans le sens de l’existence d’obligations autant substantielles
que procédurales (3).
1. L’objet et le but de l’Accord de Paris (préambule et article 2)
6. L’objet et le but de l’Accord de Paris, tels qu’énoncés explicitement dans son préambule
et son article 2, sont de « renforcer la riposte mondiale à la menace des changements
climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté ».
7. L’article 2 de l’Accord de Paris fixe comme résultat à atteindre, la limitation de
l’augmentation de la température mondiale « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux
niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la
température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait
sensiblement les risques et les effets des changements climatiques », à renforcer la capacité
d’adaptation et à rendre les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un
développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements
climatiques.
8. Cela constitue le prisme à travers lequel toutes les dispositions de l’Accord, y compris
l’article 4, doivent être lues.
9. L’Accord de Paris est ainsi un enchaînement de buts et de moyens. Le préambule énonce
le but de l’Accord qui est rappelé dans l’article 2, qui identifie le moyen pour y parvenir (la
limitation de l’élévation de la température). Ensuite, ce moyen constitue lui-même le but au
regard duquel l’article 4, analysé ci-après, identifie de nouveaux moyens (le plafonnement des
émissions de gaz à effet de serre), qui constituent à leur tour des buts poursuivis par d’autres
moyens encore (les CDN et les différentes procédures prévues).
10. En outre, l’Accord de Paris n’existe pas de manière isolée. Il doit être interprété
notamment au regard de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques (CCNUCC). Or, l’objet et le but de ce cadre conventionnel, tels qu’énoncés à
l’article 2 de la CCNUCC, sont de parvenir à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre
à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique.
L’Accord de Paris rend opérationnel cet objectif fondamental et doit être interprété de manière
cohérente avec lui.
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2. L’interprétation de l’article 4.2 au regard de l’article 4 dans son ensemble
11. Dès lors que, comme il a été montré ci-dessus, l’Accord de Paris est constitué d’un
enchaînement de buts (c’est-à-dire, de résultats à atteindre) et de moyens, il est évident que
l’article 4.2 relatif aux CDN ne peut être interprété en isolation de l’article 4.1. L’article 4.2 est
en effet un moyen au service de l’article 4.1.
12. L’article 4.1 commence par identifier le moyen pour atteindre l’objectif de température
à long terme énoncé à l’article 2 (qui est lui-même un moyen d’atteindre le but de l’Accord).
Ce moyen consiste en un plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre (GES), à
réaliser en conformité avec le principe de la responsabilité commune mais différenciée et des
capacités respectives :
« En vue d'atteindre l'objectif de température à long terme énoncé à l'article 2, les Parties
cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans
les meilleurs délais, étant entendu que le plafonnement prendra davantage de temps pour
les pays en développement Parties, et à opérer des réductions rapidement par la suite
conformément aux meilleures données scientifiques disponibles de façon à parvenir à un
équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques
par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle, sur la base
de l'équité, et dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la
pauvreté ».
13. L’article 4.1 n’a rien de procédural ; l’obligation est matérielle. La disposition dessine la
trajectoire d’atténuation que les Parties doivent poursuivre en vue de réaliser les objectifs de
l’article 2. Il s’agit certes d’une obligation de moyens, mais il ne s’agit pas moins d’une
obligation matérielle de droit international. Son caractère matériel concret résulte de
l’enchaînement des dispositions : le plafonnement mondial des émissions de GES doit
permettre de limiter l’élévation de la température comme le prescrit l’article 2. Son caractère
juridiquement obligatoire est confirmé par l’emploi du présent de l’indicatif et non du
conditionnel : les Parties « cherchent ».
14. L’obligation collective des Parties de poursuivre le plafonnement mondial des émissions
de GES est composée d’obligations individuelles dont la portée concrète varie, comme
l’énonce l’article 4.1, au regard du principe des responsabilités communes mais différenciées
et des capacités respectives.
15. L’article 4.1., énonce donc incontestablement une obligation matérielle à charge de
chacune des Parties.
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16. Les autres paragraphes de l’article 4 relatifs aux CDN doivent être lus à la lumière de ce
premier paragraphe qui dessine la trajectoire à suivre pour donner effet à l’Accord de Paris.
L’article 4.2 dispose ainsi que :
« Chaque Partie établit, communique et actualise les contributions déterminées au niveau
national successives qu'elle prévoit de réaliser. Les Parties prennent des mesures internes
pour l’atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites contributions ».
17. À première vue, cette formulation pourrait suggérer des obligations strictement
procédurales, exigeant des parties qu’elles soumettent des CDN et qu’elles prennent des
mesures internes en vue de les atteindre. Ces obligations ne peuvent toutefois être lues en
isolation de l’article 4.1. Au contraire, elles sont le moyen pour chaque Partie de remplir ses
obligations en vertu de l’article 4.1.
18. Ainsi, l’article 4.2 n’a pas la faiblesse d’une disposition « simplement » procédurale. Il a
toute la force d’une disposition procédurale qui vient renforcer l’effectivité des obligations
matérielles énoncées à l’article 4.1. Il est à la fois procédural et matériel, le volet procédural
venant concrétiser le volet matériel.
19. L’article 4.3 renforce encore l’interprétation de l’article 4.2 comme posant des
obligations substantielles, en exigeant que chaque CDN successive reflète le « niveau
d'ambition le plus élevé possible » et la « progression ». L’obligation d’accroître
progressivement l’ambition suppose que les CDN soient mises en oeuvre au niveau national et
que les progrès soient mesurés à l’aune des résultats obtenus dans le monde réel, et pas
seulement du respect des procédures. L’article 4.3 pose une obligation dynamique - une
obligation de fond, car elle exige des États qu’ils adoptent des mesures qui font progresser
concrètement l’objectif global de limitation de l’augmentation de la température.
3. Conclusion sur une lecture d’ensemble de l’Accord de Paris
20. L’interprétation de l’article 4 dans son ensemble, au regard de ses termes et à la lumière
de l’objet et du but de l’Accord, a des implications concrètes qui vont au-delà d’un aspect
strictement procédural.
21. D’abord, comme la RDC vient de le démontrer, l’Accord de Paris dans son ensemble et
l’article 4 en particulier comportent un enchaînement de résultats à atteindre et de moyens pour
y parvenir. Dans cet enchaînement, les obligations procédurales ont pour fonction de renforcer
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l’effectivité des obligations matérielles. Concrètement, les parties doivent s’assurer que leurs
CDN sont alignées sur les objectifs de plafonnement des émissions et les objectifs de
température de l’Accord et qu’elles reflètent l’ambition la plus élevée possible à la lumière des
circonstances nationales.
22. Ensuite, le principe de bonne foi, tel qu’il est énoncé à l’article 26 de la Convention de
Vienne sur le droit des traités (et qui constitue aussi un moyen d’interprétation repris à l’article
31 § 1 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités), exige dans ce contexte que
les parties mettent en oeuvre avec diligence les mesures d’atténuation nationales, en prenant
toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés et qu’elles ont
communiqués aux autres Parties, créant chez ces dernières des attentes légitimes. L’article 4.8
prévoit d’ailleurs dans ce contexte qu’en communiquant leurs contributions déterminées au
niveau national, toutes les Parties présentent l’information nécessaire à la « clarté », la
« transparence » et la « compréhension » de leur engagement. Ces informations sont utilisées
pour vérifier l’adéquation entre les CDNs agrégées et les objectifs posés à l’article 2 et à
l’article 4.1 de l’Accord.
23. Ainsi, l’objet et le but de l’Accord de Paris, dans le contexte plus large de l’ensemble du
régime international sur le changement climatique, exigent une interprétation de l’article 4 qui
aille au-delà d’une lecture procédurale étroite. Les obligations liées aux CDN doivent être
comprises comme intrinsèquement substantielles, exigeant des États qu’ils prennent des
mesures significatives et ambitieuses qui s’alignent sur l’objectif fondamental de l’Accord, à
savoir limiter l’augmentation de la température mondiale. Le principe de bonne foi renforce
encore cette interprétation, en exigeant des États de mettre en oeuvre leurs engagements de
manière diligente et crédible. Cette interprétation respecte non seulement la Convention de
Vienne sur le droit des traités, mais garantit également l’efficacité de l’Accord de Paris en tant
qu’instrument juridique pour lutter contre la menace existentielle du changement climatique.
La gravité de la crise climatique exige en effet une interprétation qui garantisse que l’Accord
puisse remplir l’objectif que les Parties se sont donné.
B. QUESTION DE MADAME LA JUGE CHARLESWORTH
24. Madame la Juge Charlesworth a posé la question suivante :
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“In your understanding, what is the significance of the declarations made by some States
on becoming parties to the UNFCCC and the Paris Agreement to the effect that no
provision in these agreements may be interpreted as derogating from principles of general
international law or any claims or rights concerning compensation or liability due to the
adverse effects of climate change?”
25. En répondant à cette question, la RDC aura égard au texte de la déclaration faite par Fidji
lors de la signature de l’Accord de Paris, suivant laquelle
“The Government of Fiji declares its understanding that signature of the Convention shall,
in no way, constitute a renunciation of any rights under international law concerning state
responsibility for the adverse effects of climate change, and that no provisions in the
Convention can be interpreted as derogating from the principles of general international
law.”1
“Le Gouvernement de la République de Fidji déclare que selon son interprétation, la
signature de la Convention ne constitue en aucune manière une renonciation à l'un
quelconque des droits découlant du droit international en ce qui concerne la responsabilité
des États pour les effets néfastes des changements climatiques et qu'aucune disposition
de la Convention ne peut être interprétée comme dérogeant aux principes du droit
international général.”
26. Comme la RDC l’a relevé dans ses Observations écrites,2 Kiribati, Nauru, Tuvalu et la
Papouasie-Nouvelle-Guinée ont fait une déclaration identique ou similaire.3
27. La RDC relève d’emblée que la déclaration est formulée de manière très générale,
comme en témoignent les termes « en aucune manière », « l’un quelconque des droits »,
« aucune disposition de la Convention », ainsi que le renvoi générique aux « droits découlant
du droit international en ce qui concerne la responsabilité des États » et aux « principes du droit
international général ».
28. La RDC considère que ces déclarations ont été formulées par excès de précaution (ex
abundantia cautelae) ; elles ne constituent que des déclarations interprétatives, et non des
réserves (1). Étant déclaratoires de la portée que la CCNUCC et l’Accord de Paris (ci-après
aussi : « les instruments ») ont pour toutes les parties, elles ne font que confirmer, comme la
1 Nations Unies, Traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général, chap. XXVII.7, pp. 933–934.
2 RDC, Observations écrites, §44.
3 Nations Unies, Traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général, chap. XXVII.7, pp. 933–934. Les
déclarations de Nauru et de Tuvalu sont identiques à celle de Fidji. La déclaration de Kiribati en diffère
uniquement en ce qu’elle fait référence à la signature et à la ratification, plutôt qu’à la seule signature. La
déclaration de la Papouasie-Nouvelle-Guinée est similaire et rédigée comme suit : « Le Gouvernement de l'État
indépendant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée déclare que selon son interprétation, la ratification de la
Convention ne vaut nullement renonciation à tous droits découlant du droit international de la responsabilité des
États à raison des effets néfastes des changements climatiques par dérogation aux principes du droit international.
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RDC le montrera également ci-dessous, deux éléments. D’abord, ces deux instruments
n’affectent pas la responsabilité des Parties en vertu du droit international, ni pour la violation
d’autres règles du droit international, ni pour la violation desdits instruments-mêmes (2).
Ensuite, il en ressort aussi une reconnaissance que les changements climatiques sont à tout le
moins susceptibles de causer des préjudices aux États engageant la responsabilité internationale
d’autres États (3).
1. Les déclarations sont strictement interprétatives et ne sont pas assimilables à des
réserves
29. Les déclarations auxquelles la question de Madame la Juge Charlesworth fait référence,
visent selon leurs termes-mêmes à préciser la portée que la CCNUCC et l’Accord de Paris ont
selon les auteurs des déclarations. Il ne s’agit pas de réserves qui viseraient à modifier la portée
des engagements des auteurs des déclarations (et qui sont interdites par les deux instruments4).
Aucune Partie à la CCNUCC ou à l’Accord de Paris n’a d’ailleurs estimé que ces déclarations
seraient équivalentes à des réserves.
30. Aucune Partie à la CCNUCC ou à l’Accord de Paris n’a d’ailleurs objecté à ces
déclarations ou a fait des déclarations en sens contraire. Ce constat indique que les déclarations
reflètent la portée de la CCNUCC et de l’Accord de Paris telle qu’elle était entendue par toutes
les Parties à l’époque des déclarations.
31. Il en résulte que les déclarations concernées n’avaient pas pour but ou pour effet de
promouvoir une interprétation particulière des instruments qui n’était pas partagée par certaines
Parties à l’époque. Les déclarations concernées ont été formulées par excès de précaution
(ex abundantia cautelae) pour expliciter une interprétation quis’impose par ailleurs,
comme il est montré ci-après, lorsqu’on interprète les instruments selon les règles coutumières
de l’interprétation des traités.
4 CCNUCC, article 24 ; Accord de Paris, article 27.
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2. Les instruments n’affectent pas la responsabilité des Parties en vertu du droit
international, ni pour la violation d’autres règles du droit international, ni pour
la violation des instruments-mêmes
32. Concrètement, les déclarations visées par la question de la Juge Charlesworth confirment
que les instruments n’affectent pas la responsabilité des Parties conformément au droit
international général, que ce soit pour la violation de règles coutumières ou conventionnelles
autres que les instruments, ou pour la violation de ceux-ci.
a. L’inaffectation de la responsabilité pour la violation de règles autres que les
instruments
33. Tout d’abord, les déclarations confirment que les instruments laissent inaffectée la
responsabilité des parties, conformément au droit international général, pour la violation de
règles conventionnelles ou coutumières ou conventionnelles autres que les instruments.
34. Le constat découle d’abord de la lecture du paragraphe 8 du préambule de la CCNUCC.
Ce paragraphe rappelle l’obligation de diligence requise en matière environnementale par
référence aux principes du droit international et suivant les termes de la jurisprudence de la
Cour. Ce rappel – qui engage toutes les Parties à la CCNUCC – serait dépourvu d’effet utile si
les Parties à la CCNUCC étaient libérées de leur responsabilité en vertu du droit international
général.
35. La même conclusion peut être déduite de l’article 8 de l’Accord de Paris traitant des
« pertes et préjudices ». L’article 8 a fait l’objet d’une précision dans la Décision 1/CP.21 de
la Conférence des Parties à la CCNUCC portant adoption de l’Accord de Paris. Dans cette
Décision, la Conférence des Parties à la CCCNUCC a convenu « que l’article 8 de l’Accord ne
peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation »5. L’article
8 ne consacre pas de lex specialis en matière de responsabilité internationale. Il n’exonère donc
pas les Parties de leur responsabilité éventuelle en vertu du droit international général.
36. La Décision 1/CP.21 est aussi d’une importance fondamentale en ce qu’elle ne dit pas.
La Décision a pour objet spécifique d’énoncer les rapports entre l’Article 8 de l’Accord de
5 Décision 1/CP.21, Doc. FCCC/CP/2015/10/Add.1 du 21 janvier 2016, para. 51.
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Paris et la responsabilité internationale. Or, elle ne dispose pas que l’article 8 de l’Accord de
Paris est libératoire de la responsabilité selon le droit international général ou particulier.
37. Les États parties au régime conventionnel climatique ne sont donc pas libérés de leur
responsabilité éventuelle en vertu du droit international général, pour la violation de règles
coutumières ou conventionnelles existant en dehors des Instruments.
b. L’inaffectation de la responsabilité pour la violation des instruments
38. Au regard de leur généralité, lesdites déclarations signifient aussi que les parties à la
CCNUCC et à l’Accord de Paris peuvent être tenus responsables de la violation de ces deux
instruments, conformément au droit international coutumier de la responsabilité de l’État.
39. Cela découle d’abord de la déclaration contenue dans la Décision 1/CP.21 qui, comme il
a été montré ci-dessus, signifie que l’Accord de Paris ne consacre pas de lex specialis en
matière de responsabilité.
40. Cela se trouve encore confirmé par la circonstance que la CCNUCC prévoit que les
différends « au sujet de l’interprétation ou de l’application » de la Convention (article 14, §1er)
peuvent être soumis, parmi d’autres modes de règlement, à la Cour internationale de Justice ou
à l’arbitrage (article 14, §2). Ces dispositions sont applicables mutatis mutandis à l’Accord de
Paris (article 24). Or la soumission de différends relatifs à l’application de ces instruments au
règlement juridictionnel implique que la responsabilité des parties pour violation de ces
Instruments est susceptible d’être engagée. Dès lors que ces instruments ne consacrent pas de
régime de responsabilité particulier, le droit coutumier de la responsabilité internationale
trouve à s’appliquer.
41. En conclusion sur ce point, les déclarations auxquelles la question de Madame la Juge
Charlesworth fait référence confirment que les parties à la CCNUCC et à l’Accord de Paris
peuvent être tenues responsables, en application du droit international général relatif à la
responsabilité de l’État, pour la violation des instruments.
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3. La reconnaissance que les changements climatiques sont à tout le moins
susceptibles de causer des préjudices engageant la responsabilité de l’État
42. Enfin, les déclarations visées par la question de Madame la Juge Charlesworth impliquent
que leurs auteurs considèrent qu’ils subissent des dommages, ou sont à tout le moins
susceptibles de subir des dommages, pouvant engager la responsabilité d’autres États en vertu
du droit international général.
43. À nouveau, cette implication n’a pas été contestée par les autres Parties aux instruments.
44. Cette implication n’est pas non plus contredite par les instruments. Au contraire, l’article
8 de l’Accord de Paris comprend une reconnaissance de ce que les changements climatiques
causent des préjudices aux États.
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Fait à Kinshasa, le 20 décembre 2024
Pour la République Démocratique du Congo
Son Agent
Ivon Mingashang
Réponse écrite de la République démocratique du Congo aux questions posées par M. le juge Tladi et Mme la juge Charlesworth au terme de l'audience tenue le 13 décembre 2024