La Cour dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article 22 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, pour connaître de la requête déposée par l’Arménie

Document Number
180-20241112-PRE-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2024/73
Date of the Document
Document File

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Communiqué de presse
Non officiel
No 2024/73
Le 12 novembre 2024
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan) La Cour dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article 22 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, pour connaître de la requête déposée par l’Arménie
LA HAYE, le 12 novembre 2024. La Cour internationale de Justice a rendu aujourd’hui son arrêt sur les exceptions préliminaires soulevées par l’Azerbaïdjan en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan).
Il est rappelé que, le 16 septembre 2021, l’Arménie a introduit une instance contre l’Azerbaïdjan à raison de violations alléguées de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (la « CIEDR ») (voir le communiqué de presse no 2021/20). L’Arménie a invoqué comme base de compétence de la Cour le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de celle-ci et l’article 22 de la CIEDR, à laquelle les deux États sont parties. Le 21 avril 2023, l’Azerbaïdjan a soulevé deux exceptions préliminaires d’incompétence de la Cour (voir le communiqué de presse no 2023/22). Des audiences publiques sur ces exceptions préliminaires se sont tenues du 15 au 19 avril 2024 (voir le communiqué de presse no 2024/33).
Dans l’arrêt rendu ce jour, la Cour rejette les deux exceptions préliminaires soulevées par l’Azerbaïdjan.
Dans sa première exception préliminaire, l’Azerbaïdjan faisait valoir que la Cour n’avait pas compétence en vertu de l’article 22 de la CIEDR parce que la condition préalable de négociation définie dans cette disposition n’avait pas été remplie. Dans l’arrêt rendu ce jour, après s’être intéressée à la correspondance échangée et aux réunions que les Parties ont tenues entre les mois de novembre 2020 et d’octobre 2021, la Cour conclut que l’Arménie a vraiment tenté d’engager des discussions avec l’Azerbaïdjan en vue de régler le différend, et que les négociations étaient devenues inutiles au 16 septembre 2021, date à laquelle l’Arménie a déposé sa requête. Par conséquent, la Cour juge que la condition préalable de négociation est remplie en l’espèce et que la première exception préliminaire soulevée par l’Azerbaïdjan doit être rejetée.
Dans sa seconde exception préliminaire, l’Azerbaïdjan affirmait que certaines demandes de l’Arménie ne relevaient pas de la compétence ratione materiae que la Cour tient de l’article 22 de la CIEDR car elles n’étaient fondées sur aucun des motifs de discrimination raciale prohibés tels qu’énumérés au paragraphe 1 de l’article premier de la convention. Dans son arrêt, la Cour souligne
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que, même si la protection contre la discrimination raciale offerte par la CIEDR continue de s’appliquer dans un conflit armé, sa compétence en l’espèce est néanmoins circonscrite aux demandes formulées par l’Arménie au titre de cette convention. C’est pourquoi la Cour doit rechercher si les faits spécifiques dont l’Arménie tire grief sont susceptibles d’attester un traitement discriminatoire fondé sur l’origine nationale ou ethnique arménienne des victimes.
S’agissant des griefs que faisait l’Arménie à l’Azerbaïdjan d’avoir commis des faits de meurtre, de torture et de traitement inhumain contre des civils ou des membres des forces armées d’origine ethnique arménienne, sur le fondement de cette origine, la Cour rappelle que la CIEDR ne fait pas de distinction entre civils et militaires. Elle conclut que les faits allégués par l’Arménie sont susceptibles d’être constitutifs de discrimination à l’égard des membres des forces armées et des civils « fondée sur » leur origine nationale ou ethnique arménienne, ayant pour but ou pour effet de porter atteinte à des droits protégés par le paragraphe 1 de l’article 2, l’alinéa a) de l’article 4 et l’alinéa b) de l’article 5 de la CIEDR.
En outre, compte tenu des raisons qu’elle a exposées dans son analyse des demandes de l’Arménie relatives à des faits de meurtre, de torture et de traitement inhumain, la Cour conclut que les faits allégués par la demanderesse concernant la détention arbitraire et la disparition forcée de civils d’origine ethnique arménienne étaient eux aussi susceptibles de constituer un traitement discriminatoire « fondé[] sur » l’origine nationale ou ethnique arménienne ayant pour but ou pour effet de porter atteinte à des droits protégés par l’article 2 et l’alinéa a) de l’article 5 de la CIEDR.
La Cour conclut donc que les demandes de l’Arménie susmentionnées entrent dans le champ d’application de la CIEDR et que la seconde exception préliminaire d’incompétence soulevée par l’Azerbaïdjan doit être rejetée.
Dans le dispositif de son arrêt, lequel est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour,
« 1) Par seize voix contre une,
Rejette la première exception préliminaire soulevée par la République d’Azerbaïdjan ;
POUR : M. Salam, président ; Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, MM. Aurescu, Tladi, juges ; M. Daudet, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Koroma, juge ad hoc ;
2) Par quinze voix contre deux,
Rejette la seconde exception préliminaire soulevée par la République d’Azerbaïdjan ;
POUR : M. Salam, président ; Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, MM. Aurescu, Tladi, juges ; M. Daudet, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Yusuf, juge ; M. Koroma, juge ad hoc ;
3) Par quinze voix contre deux,
Dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article 22 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, pour connaître de la requête déposée par la République d’Arménie le 16 septembre 2021.
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POUR : M. Salam, président ; Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, MM. Aurescu, Tladi, juges ; M. Daudet, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Yusuf, juge ; M. Koroma, juge ad hoc. »
*
M. le juge YUSUF joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; M. le juge IWASAWA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. le juge ad hoc KOROMA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.
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Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé « Résumé 2024/9 ». Ce résumé ainsi que le texte intégral de l’arrêt sont disponibles sur la page de l’affaire sur le site Internet de la Cour.
Les communiqués de presse précédents concernant l’affaire sont également disponibles sur le site Internet de la Cour.
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Remarque : Les communiqués de presse de la Cour sont établis par son Greffe à des fins d’information uniquement et ne constituent pas des documents officiels.
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La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé ses activités en avril 1946. La Cour est composée de 15 juges, élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU. Elle a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). La Cour a une double mission, consistant, d’une part, à régler, conformément au droit international, les différends juridiques dont elle est saisie par les États et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui lui sont soumises par les organes de l’ONU et les institutions du système des Nations Unies dûment autorisés à le faire.
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