Exposé écrit de l'Organisation de la Coopération Islamique

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186-20230724-WRI-13-00-EN
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1
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES
ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE
PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST.
Requête pour Avis Consultatif.
EXPOSÉ ÉCRIT présenté par
L'ORGANISATION DE LA COOPÉRATION ISLAMIQUE
Volume I : Observations écrites.
JUILLET 2023.
2
INTRODUCTION
1. Conformément aux possibilités ouvertes par la procédure engagée devant la Cour
Internationale de Justice, l'Organisation de la Coopération Islamique a l'honneur de présenter
ici ses observations sur la demande d'avis consultatif adressée à la Cour internationale de justice
par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 20 décembre 2022 au sujet des conséquences
découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est.
2. La demande formulée par l’Assemblée générale porte sur la double question suivante :
« a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du
droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation
et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment
des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut
de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures
discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) cidessus
ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences
juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »1.
3. À titre liminaire et pour éclairer l'esprit dans lequel elle formule ses observations,
l'Organisation de la Coopération Islamique tient à rappeler qu'elle est actuellement composée
de 57 États membres liés entre eux par une Charte constitutive en date du 4 Mars 19722. La
Palestine, reconnue comme État par tous les membres de l'Organisation, en est elle-même un
membre à part entière. Au-delà du but général de renforcement de la solidarité et de la
coopération entre les États membres, cette Charte mentionne expressément parmi les objectifs
poursuivis en commun :
1 Annexe 1, Assemblée générale des Nations unies, Résolution 77/247, 30 décembre 2022.
2 Toutes les informations relatives à l'Organisation se trouvent sur son site : http://www.oic-oci.org
3
"... Soutenir le peuple palestinien et lui donner les moyens d’exercer son droit à
l’autodétermination et à créer son Etat souverain, avec pour capitale al-Qods al-Charif, tout en
préservant le caractère historique et islamique ainsi que les Lieux Saints de cette ville " 3.
Il n'est donc pas étonnant que l'Organisation de la Coopération Islamique soit particulièrement
attentive et profondément préoccupée par la dégradation de la situation du peuple palestinien
soumis depuis 1948 au déni de ses droits fondamentaux et par la violence grandissante qui en
résulte et qui affecte la région.
4. Dès la création du mouvement sioniste, il y a eu de la part de ceux qui le portaient, le projet
de création d’un État hébreu en Palestine, projet sous-tendu par l’idée de reconstituer le
royaume de David tel qu’il avait été fantasmé dans la mémoire juive. Ce projet comportait une
prétention territoriale imprécise et pensée sans aucune considération du peuple arabe présent de
manière multiséculaire sur ce territoire. L’immigration juive en Palestine pendant longtemps
limitée, a été encouragée par le soutien de la Grande Bretagne. Elle s’est amplifiée sous le
mandat britannique et avec les persécutions nazies contre les Juifs, elle est devenue massive à
la fin de la Seconde guerre mondiale. C’est ainsi que s’est imposée l’idée d’un partage entre un
État d’Israël et un État de Palestine, destinés à vivre côte-à-côte l’un de l’autre. Cela ne pouvait
se faire qu’aux dépens du droit du peuple palestinien à son auto-détermination dans l’intégrité
du territoire colonisé.
5. Le peuple arabe de Palestine a d’abord rejeté le partage, cette amputation de son territoire
historique. De son côté, la population juive, érigée immédiatement en État d’Israël, se dota de
gouvernements affichant une volonté de plus en plus affirmée de ne pas accepter le compromis
territorial proposé par les Nations Unies, mais de s’approprier tout le territoire de la Palestine
mandataire. Cela devait engendrer immanquablement des violations répétées de toutes les
normes fondamentales du droit international : celle du droit des peuples à disposer d’euxmêmes
et celle de leur intégrité territoriale, celle de l’interdiction du recours à la force, de la
non-reconnaissance des territoires acquis par la force, celle du respect du droit humanitaire en
cas d’occupation militaire d’un territoire étranger, notamment celle de l’interdiction du transfert
3 Annexe 2, Charte de la Conférence Islamique, adoptée le 4 mars 1972 et modifiée en 2008, article II, A, par. 8.
4
de population de la puissance occupante vers le territoire occupé, enfin toutes celles relatives
aux droits de l’homme.
6. Ces violations répétées et grandissantes ont fait l’objet de multiples rapports et
condamnations et sont aujourd’hui parfaitement documentées. En 2003, l’Assemblée générale
des Nations Unies, soucieuse des graves conséquences que pouvait avoir sur la situation de la
Palestine l’édification de la barrière de sécurité qu’Israël avait entreprise pour ceinturer la
Cisjordanie et y introduire des enclaves, avait saisi la Cour d’une demande d’avis consultatif à
ce sujet. L’avis rendu par la Cour le 9 juillet 2004 a conclu à l’illégalité au regard du droit
international de cette construction ainsi qu’à l’obligation pesant sur Israël de la démanteler et
de réparer toutes les conséquences en découlant4. Toutefois, Israël n’a jusqu’ici en rien respecté
les conclusions de la Cour et a poursuivi le projet d’extension du mur de séparation pourtant
déclaré illégal.
7. Dans cette démarche d’ignorance des conclusions de la Cour, Israël n’a cessé de poursuivre
les pratiques et politiques alors dénoncées et de les amplifier. Des territoires ont été annexés,
l’occupation militaire de la Palestine s’est poursuivie, la politique de colonisation, encouragée
ouvertement par les gouvernements successifs d’Israël, a permis d’importantes implantations
juives à travers toute la Cisjordanie. Les colonies se développent grâce à l’appui de l’État et à
l’intervention de son armée. Cela entraîne la fragmentation territoriale de la Palestine, la
ségrégation et le contrôle de la population palestinienne, de très graves violations des droits de
l’homme et du droit humanitaire en cas de conflit armé applicable dans le Territoire palestinien
occupé, la dépossession des terres et des propriétés des Palestiniens et la privation de leurs droits
économiques et sociaux.
« Depuis sa création en 1948, Israël mène une politique visant à instituer et à entretenir
une hégémonie démographique juive et à optimiser son contrôle sur le territoire au
bénéfice des juifs et juives israéliens, tout en restreignant les droits de la population
palestinienne et en empêchant les réfugié(e)s palestiniens à rentrer chez eux »5.
4 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux conséquences juridiques de l’édification d’un mur en territoire
palestinien occupé. Recueil, 2004, pp. 136 et suivantes.
5 Annexe 3, Amnesty International, « L’apartheid israélien envers le peuple palestinien, un système cruel de
domination et un crime contre l’humanité », Rapport de février 2022, p. 7
5
8. La situation dans toute sa gravité a été relevée par l’Assemblée générale des Nations Unies
dans la résolution qui est à l’origine de la saisine de la Cour dans la présente procédure d’avis
consultatif. L’Assemblée note en effet :
«….. avec une vive préoccupation les violations systématiques des droits humains du
peuple palestinien qu’Israël, Puissance occupante, continue de commettre, notamment
l’usage excessif de la force et les opérations militaires occasionnant des morts et des
blessés parmi les civils palestiniens, y compris les enfants, les femmes et les manifestants
pacifiques et non violents, ainsi que les journalistes et les membres du personnel
médical et humanitaire ; l’incarcération et la détention arbitraires de Palestiniens,
parfois pendant des décennies ; le recours aux châtiments collectifs ; le bouclage de
certaines zones ; la confiscation de terres ; l’établissement d’implantations et leur
extension ; la construction, dans le Territoire palestinien occupé, d’un mur qui s’écarte
de la ligne d’armistice de 1949 ; la destruction de biens et d’infrastructures ; le
déplacement forcé de civils, notamment les tentatives de transfert forcé de familles
bédouines ; et toutes les autres mesures qu’Israël prend pour modifier le statut
juridique, le caractère géographique et la composition démographique du Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est… »6
9. Mais il ne s’agit pas de violations des droits humains comme d’autres peuples peuvent
malheureusement en connaître. Il s’agit plus gravement avec le projet de l’État d’Israël
d’entraver et de rendre à terme impossible la réalisation du droit fondamental des Palestiniens
à l’autodétermination. Cette intention avait déjà été dénoncée par la Cour dans son avis de 2004
:
« Les obligations erga omnes violées par Israël sont l'obligation de respecter le droit
du peuple palestinien à l'autodétermination ainsi que certaines des obligations qui sont
les siennes en vertu du droit international humanitaire.» 7.
Depuis cette date, la politique d’Israël s’est accentuée entraînant des conséquences dramatiques
et éloignant jusqu’à la réduire à néant, la possibilité de création d’un État palestinien.
6 Voir Annexe 1.
7 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux conséquences juridiques de l’édification d’un mur en territoire
palestinien occupé. Recueil, 2004, par. 155, p.199.
6
10. Contrairement aux obligations découlant de la Charte des Nations Unies et de la Charte
internationale des droits de l’homme, Israël n’a cessé de renforcer sa volonté de judaïser le pays.
Cette judaïsation de l’État d’Israël est en cours de réalisation et cela est en violation de l’article
2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dispose :
« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés, proclamés dans la
présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe,
de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale
ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. ».
Israël à sa naissance se reconnaissait pourtant comme un État laïc. Mais ce projet national a été
peu à peu modifié. Cet État s’affiche aujourd’hui comme un État religieux, les personnes de
confession juive étant les seules à bénéficier de l’ensemble des droits reconnus par l’État au
détriment des non-juifs qui sont ainsi discriminés. Cette évolution a atteint son paroxysme avec
la loi Israël, État-nation du peuple juif du 19 juillet 2018, adoptée par la Knesset comme l’une
des lois fondamentales du pays.8 Et les groupes au pouvoir ne se cachent pas de souhaiter
l’extension de l’État d’Israël à des parties considérables de la Cisjordanie
11. Dans ce contexte, la question de Jérusalem est devenue en enjeu majeur. En effet, le projet
d’un État religieux suppose parallèlement, un renforcement de la mainmise de l’État sur
l’ensemble de la ville de Jérusalem pour la vider de ses habitants arabes, en faire la capitale
réunifiée d’Israël et le centre de la confession juive. Cette judaïsation de Jérusalem se fait en
violation grossière des droits des Palestiniens sur cette ville, du respect des libertés religieuses
des autres religions que celle devenue religion d’État de l’État hébreu et cela dans une grave
indifférence aux dispositions du droit international en la matière.
12. L’ensemble de ces politiques, aussi bien les mesures tendant à priver le peuple palestinien
de son droit à l’auto-détermination, que celles accaparant la ville de Jérusalem, se sont
déployées depuis plusieurs décennies à travers des politiques de plus en plus violentes dans
8 Annexe 4, Loi fondamentale « Israël, État-nation du peuple juif », adoptée le 19 juillet 2018 par la Knesset.
7
lesquelles l’armée israélienne tient un rôle central. Elles mettent en grave danger la paix dans
cette région.
13. Persuadée que, seul un règlement complet et juste de la question palestinienne sous tous ses
aspects peut ramener la paix, l'Organisation de la Coopération Islamique espère que le nouvel
avis consultatif demandé à la Cour contribuera à la qualification juridique précise de tous les
aspects de la situation et par là même amènera les Nations Unies ainsi que tous les États
membres à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les violations de règles
fondamentales du droit international et ouvrir la voie à un juste règlement du conflit. C’est
pourquoi, elle utilise la possibilité qui lui est donnée de participer à cette procédure par le
présent exposé.
14. Les observations que l’Organisation de la Coopération Islamique soumet ici à la Cour
porteront sur les points suivants :
- la question de la compétence de la Cour pour rendre l’avis demandé dans cette affaire et de
la recevabilité de la demande d'avis (I) ;
- le contexte dans lequel s’est développée la situation soumise à l’examen de la Cour (II) ;
- le droit applicable pour répondre aux questions posées à la Cour (III) ;
-la violation répétée par Israël du droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les moyens
systématiquement employés pour entraver la réalisation de ce droit (IV) ;
- l’annexion et la colonisation de Jérusalem au mépris des droits des Palestiniens d’en faire leur
capitale (V) ;
- l’incidence des politiques et des pratiques d’Israël sur le statut juridique de l’occupation et les
conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations
Unies (VI).
8
I - COMPÉTENCE ET RECEVABILITÉ.
15. La Cour a été saisie dans le cas présent par application de l'article 96 de la Charte des
Nations Unies, paragraphe 1 qui dispose :
"1. L'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour
internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique".
Il faut toutefois vérifier que l’Assemblée générale en posant une question à la Cour n’outrepasse
pas la compétence que lui confère la Charte. On notera donc que l'Assemblée générale peut,
selon l'article 10 de la Charte, discuter de toute question ou affaire rentrant dans le cadre de
celle-ci et selon l'article 11 de toute question se rattachant au maintien de la paix ou de la sécurité
internationales. Or la paix est gravement menacée en Palestine depuis longtemps et davantage
encore avec le durcissement récent de la politique israélienne à cet égard. Aussi les Nations
unies ont-t-elle exprimé à de multiples reprises leur préoccupation à ce sujet. Le Conseil de
sécurité affirmait ainsi en 2016 que cette politique est "un obstacle majeur (...) à l’instauration
d’une paix globale, juste et durable"9.). Et l’Assemblée générale, dès 1980, considérait que les
politiques israéliennes faisaient « gravement obstacle à l'instauration d'une paix d'ensemble,
juste et durable »10. La demande d'avis adressée à la Cour le 20 décembre 2022 à propos de la
situation de la Palestine est l'une des expressions de cette préoccupation. Elle s'inscrit dans
l'accomplissement des missions qui incombent à l’Assemblée générale.
16. Toutefois cela doit se faire en respectant la répartition des compétences entre le Conseil de
sécurité et l’Assemblée générale telle que prévue par les dispositions de l’article 12, paragraphe
1 :
« Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation
quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée
générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à
moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande. »
La Cour a examiné en détails ce point dans son avis de 2004. Elle a retenu l'interprétation
contemporaine de l'article 12, qui établit désormais que, d'une part, l'Assemblée générale peut
9 Conseil de sécurité, Résolution 2334 du 23 décembre 2016, par. 1
10 Assemblée générale, Résolutions 476 et 478 du 30 juin 1980, par. 3 et 4)
9
se pencher sur des questions toujours à l'ordre du jour du Conseil de Sécurité lorsque celui-ci
n'adopte plus de résolutions sur ce sujet et, d'autre part, que les deux organes peuvent traiter en
même temps d'une même question, chacun le faisant sous un angle différent. Ainsi a-t-elle
conclu que :
« … la pratique acceptée de l’Assemblée générale, telle qu’elle a évolué, est compatible
avec le paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte. » et que « en présentant la demande
d’avis consultatif, l’Assemblée générale n’a pas outrepassé sa compétence »11.
Cette conclusion s’applique identiquement à la présente demande d’avis.
17. Il faut encore s’assurer que la procédure consultative porte bien sur l’examen d'une question
juridique. Dans le cas présent, le libellé même de la question posée suffit à confirmer ce
caractère juridique. En effet, il est demandé à la Cour de préciser quelles sont les conséquences
« juridiques » des politiques et pratiques d’Israël en Palestine. Et le paragraphe 18 de la
résolution comportant la demande d’avis précise que la Cour est priée de donner cet avis
« … compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des
Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de
l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de
l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 ».
C’est donc bien en application de ce corpus de droit international que la procédure est engagée.
La question posée est juridique et la réponse devra être fondée en droit.
18. Sans doute Israël ne manquera-t-il pas d’objecter que la situation revêt des aspects
politiques. Il faut rappeler à ce sujet la position de la Cour :
« Quels que soient les aspects politiques de la question posée, la Cour ne saurait refuser
un caractère juridique à une question qui l'invite à s'acquitter d'une tâche
11 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux conséquences juridiques de l’édification d’un mur en
territoire palestinien occupé. Recueil, 2004, par. 25, p. 148.
10
essentiellement judiciaire, à savoir l'appréciation de la licéité de la conduite éventuelle
d'États au regard des obligations que le droit international leur impose"12.
19. Le caractère juridique de la question posée dans la présente demande d’avis est renforcé par
le fait qu'il ne s'agit pas de se prononcer sur un phénomène hypothétique, la conduite
"éventuelle" de plusieurs États comme dans l'affaire en référence ci-dessus. Il y a ici une
situation de fait bien réelle et revendiquée par un État précis : la violation par la force des droits
fondamentaux d’un peuple à l’existence, à l’autodétermination et au respect le concernant de
toutes les dispositions du droit international, y compris le droit des droits de l’homme et le droit
international humanitaire. Il faut donc apprécier la légalité de la situation en cause au regard
des obligations internationales qui pèsent sur l'État responsable de cette situation.
20. Il reste un autre point à examiner relativement à la compétence de la Cour pour se prononcer
sur la demande d’avis qui lui est soumise. Se trouve-t-on devant un différend dans lequel la
fonction consultative serait déviée de son objectif et utilisée à tort comme un substitut à une
fonction contentieuse qui ne pourrait s'exercer faute d'accord des parties concernées ? Dans bien
des circonstances antérieures, la Cour a clarifié cette question. Elle a admis d'exercer son rôle
consultatif face à un différend, soit interétatique, soit opposant un État et une Organisation
internationale :
"Presque toutes les procédures consultatives ont été marquées par des divergences de
vue entre États sur des points de droit ; si les opinions des États concordaient, il serait
inutile de demander l'avis de la Cour"13.
21. Une chose est la réalité d’un éventuel différend entre États qui relèverait d’une procédure
contentieuse, autre chose est la nécessité pour l’organe plénier des Nations Unies, chargé de
veiller à la paix et à la sécurité internationale, d’obtenir des éclaircissements de nature juridique
pouvant lui être utiles pour prendre position face à une question relevant de sa compétence dans
ce domaine. Et il n’est pas discutable ici que l’Assemblée générale des Nations Unies
12 CIJ, Avis sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires du 8 juillet 1996, Recueil 1996,
paragraphe 13, p. 234.
13 CIJ, Avis consultatif du 21 juin 1971 sur les conséquences juridiques pour les États de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité,
Recueil 1971, paragraphe 34, p. 24.
11
confrontée à la question palestinienne puisse juger nécessaire d’être éclairée sur les aspects
juridiques de la situation.
22. Qu'il y ait ou non un différend précis comme enjeu d'une demande d'avis consultatif, est
sans importance. La finalité de la fonction consultative reste de donner des conseils d'ordre
juridique aux organes et institutions qui en font la demande. Et c'est bien un conseil de cet ordre
que sollicite l'Assemblée générale par sa résolution du 20 décembre 2022. L'identification
précise des normes en vigueur à un moment donné devant régir une situation particulière, leur
articulation entre elles, leur relation avec les principes généraux et leur application effective,
forment l’ensemble des conditions de réalisation d'un ordre public international qui est luimême
le socle de la paix. Or l'ordre public international est gravement atteint par la situation
développée en Palestine depuis 1947. L'Assemblée générale sollicite l’autorité de la Cour pour
évaluer cette situation dans ses aspects juridiques. Forte des réponses de la Cour, elle sera mieux
à même d'imaginer comment contribuer à mettre fin au grave désordre qui éloigne les
perspectives de paix en Palestine.
23. On ajoutera aussi pour confirmer qu’il n’y a aucun obstacle à ce que la Cour se prononce
sur la demande d'avis qui lui est soumise, que la procédure d’avis consultatif est indépendante
de toute adhésion de quelque État que ce soit à la juridiction de la Cour :
"La compétence de la Cour en vertu de l'article 96 de la Charte et de l'article 65 du
statut pour donner des avis consultatifs sur des questions juridiques permet à des entités
des Nations Unies de demander conseil à la Cour afin de mener leurs activités
conformément au droit Ces avis étant destinés à éclairer l'Organisation des Nations
Unies, le consentement des États ne conditionne pas la compétence de la Cour pour les
donner" 14.
Ou encore :
" aucun État, membre ou non membre des Nations Unies, n'a qualité pour empêcher
que soit donné suite à une demande d'avis dont les Nations Unies, pour s'éclairer dans
leur action propre, auraient reconnu l'opportunité. L'avis est donné par la Cour non
aux États, mais à l'organe habilité pour le lui demander ; la réponse constitue une
14 CIJ, Avis consultatif du 15 décembre 1989. Applicabilité de la section 22 de l'article VI de la Convention sur
les privilèges et immunités des Nations Unies, Recueil 1989, paragraphe 31, p. 188.
12
participation de la Cour, elle-même organe des Nations Unies, à l'action de
l'Organisation et, en principe, elle ne devrait pas être refusée ;"15
24. La Cour constatera, à n'en pas douter, que les textes gouvernant sa compétence en matière
d'avis consultatif lui permettent de répondre à la demande qui lui est adressée. Il y va de sa place
dans le système des Nations Unies où elle a le devoir de contribuer de la sorte au fonctionnement
régulier de l'ensemble de l'Organisation. Il faudrait des raisons décisives pour la conduire à un
refus. C'est tout au contraire de multiples raisons positives qui militent pour qu'elle éclaire
l'Assemblée générale et avec elle, tous les États membres et les autres organisations
intergouvernementales sur les dimensions juridiques d'une situation particulièrement
inquiétante.
15 CIJ, Avis du 30 Mars 1950, Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, première phase, Recueil 1950, p. 71.
13
II - LE CONTEXTE DANS LEQUEL S’EST DÉVELOPPÉE LA SITUATION
SOUMISE À l’EXAMEN DE LA COUR.
25. La situation que la Cour doit examiner pour répondre aux questions posées par l’Assemblée
générale des Nations unies est celle qui prévaut dans le Territoire palestinien occupé par Israël
depuis 1967. Toutefois cette situation précisément datée est le fruit d’une évolution qui s’est
déployée sur une longue période, de la durée d’un siècle. On ne peut la comprendre et la
qualifier juridiquement qu’à la lumière de l’ensemble des évènements qui l’ont précédée. Ce
que l’on nomme en effet, le conflit israélo-palestinien puise sa source au XIX è siècle lorsque
prend naissance le projet sioniste. Celui-ci, en se réalisant par la création de l’État d’Israël, a
percuté la marche vers la décolonisation du peuple palestinien et l’a entravée jusqu’à la rendre
aujourd’hui de plus en plus improbable.
26. Aussi, afin de saisir la logique qui a animé l’État d’Israël depuis sa matrice d’origine, le
projet sioniste, jusqu’à son occupation de tout le Territoire palestinien, on rappellera d’abord
les évènements d’une première période, celle antérieure à l’occupation de 1967 (A), avant
d’examiner les différentes étapes qui ont jalonné la période d’occupation proprement dite du
Territoire palestinien (B).
A – Les évènements antérieurs à l’occupation israélienne du Territoire palestinien.
27. L’occupation militaire par Israël en 1967 de la totalité de la Palestine, a été un moment
d’aboutissement logique dans une évolution préparée par des étapes antérieures. Il faut
distinguer :
- la période pré-mandataire (1) ;
- le mandat britannique de 1922 à 1947 (2) ;
- l’intervention des Nations Unies avec la résolution 181 (1947) et ses suites (3) ;
- la guerre israélo-arabe de 1948-1949 et ses conséquences territoriales et humaines (4) ;
14
1) La période pré-mandataire.
28. La région où se situe l’actuelle Palestine était incluse dans les provinces arabes qui furent
pendant 4 siècles sous le joug de l’Empire ottoman16. La Palestine moderne apparaît dans les
années 1860-1870 et elle est divisée en trois unités administratives avec pour chefs-lieux
respectifs : Acre, Naplouse, Jérusalem. Toutefois, Jérusalem forme un « sanjak » distinct
soumis à un régime fiscal particulier en raison de la présence des Lieux saints et des pèlerinages
qu’ils occasionnent. L’Europe s’intéresse à la Palestine dès le XIX è siècle, notamment à travers
l’expansion des missions religieuses de divers pays et les chantiers archéologiques liés aux
études bibliques.
29. Le sionisme qui tire son nom de Sion, l’une des collines de Jérusalem, apparaît au XIX è
siècle comme un nationalisme en quête d’État. Les Juifs étaient alors (et ils le sont toujours)
dispersés dans un très grand nombre d’États de tous les continents. Une partie d’entre eux
émigrèrent en Palestine pour fuir les persécutions auxquelles ils furent confrontés dans
différents pays : l’Espagne en raison de l’Inquisition au XV è siècle, la Pologne en raison des
massacres au XVII è, la Russie en raison des pogroms au XIX è ou encore la France où sévissait
l’affaire Dreyfus à la fin du XIX è siècle.
30. C’était alors un sionisme religieux, sans programme politique, ni visée de domination sur
la Palestine. À la fin du XIX è siècle, celui-ci se doubla d’un sionisme politique à partir des
écrits de Théodore Herzl lorsque ce dernier théorisa l’idée d’un État des Juifs comme la
meilleure solution pour combattre l’antisémitisme et le situa en Palestine 17. L’Organisation
sioniste mondiale apparaît en 1897 prônant l’établissement d’un État juif en Palestine. L’écho
rencontré par ce projet dans les milieux protestants messianiques entraine alors le soutien du
Gouvernement britannique et une réception favorable aux États-Unis. Affiché par Théodore
Herzl lui-même comme un programme « colonial », il a pour but la conquête de la terre et une
politique de peuplement de cette terre par des émigrés venus en colons.
31. Un proche du fondateur du sionisme, Israel Zangwill, explique dans la presse britannique
durant la première guerre mondiale :
16 Voir Elias Sanbar, « Les Palestiniens dans le siècle », Découvertes, Paris, Gallimard, 1994.
17 Théodor Herzl, « L’État juif », 1896, « L’État des Juifs, suivi de « Essai sur le sionisme : de l’État des Juifs à
l’État d’Israël », par Claude Klein, La Découverte, Paris, 1990.
15
« Si l’on pouvait exproprier avec compensation, les 600 000 Arabes de Palestine, ou si
l’on pouvait les amener à émigrer en Arabie, car ils se déplacent facilement, ce serait
la solution de la plus grande difficulté du sionisme »18.
Et le courant du sionisme fondé par Zangwill (la Jewish Territorial Organization) envisage
d’autres destinations que la Palestine pour le regroupement des Juifs.
32. Le sionisme se combinera alors avec les intérêts de la Grande Bretagne au Moyen Orient et
son intérêt stratégique pour la protection du Canal de Suez, ligne vitale de communication pour
ses possessions d’Asie. Les circonstances vont amener le Gouvernement Britannique à la tenue
d’un double discours dont les conséquences dramatiques n’ont cessé de se développer depuis.
33. Le soutien au projet sioniste amène Lord Balfour, Ministre des Affaires étrangères de
l’Angleterre, à se prononcer le 2 novembre 1917, par une lettre adressée au Vice-Président de
l’organisme représentatif des Juifs anglais. Son passage essentiel est le suivant :
« Le gouvernement de Sa majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine
d’un foyer national juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet
objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux
droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits
et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays ».19.
34. Cette déclaration concerne un territoire sur lequel la Grande Bretagne au moment où son
Ministre s’exprime, n’a aucun titre juridique lui permettant d’en disposer. Et elle n’a aucune
dimension de droit international, dans la mesure où elle s’adresse à un simple citoyen
britannique, personne privée. Fracturant une communauté dans laquelle jusqu’alors chrétiens,
musulmans et juifs vivaient pacifiquement, elle qualifie le peuple, principal occupant de cette
terre (les arabes représentaient alors 91% de la population), de « communautés non juives en
Palestine » et prescrit de ne pas porter atteinte à leurs droits civils et religieux, sans mentionner
leurs droits politiques.
18 Cité par Alain Gresh, « Israël-Palestine, vérité sur un conflit », Paris, Fayard, 2002, p. 91.
19 Déclaration Balfour, Lettre d'Arthur James Balfour, Ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, à Lord
Rothschild, 2 novembre 1917, texte original : "The Balfour Declaration", Ministère des affaires étrangères
d'Israël ; traduction française : "Le 100ème anniversaire de la Déclaration Balfour", Ambassade d'Israël en
France.
16
35. La promesse faite au mouvement sioniste de l’établissement en Palestine d’un Foyer
national pour le peuple juif est suffisamment ambigüe pour laisser croire à quelque chose qui
serait l’embryon d’un futur État, tout en n’étant pas assez claire pour mettre pleinement en
lumière la finalité de cette création. L’ambiguïté avait été voulue. Il s’agissait bien de masquer
les intentions nationalistes.
36. Mais parallèlement, et là est le double jeu britannique, l’Angleterre cherche à obtenir l’appui
des Arabes pour éliminer l’Empire ottoman. Aussi va-t-elle promettre au Shérif de la Mecque,
Hussein ibn Ali, la création d’un grand État arabe en contrepartie de son aide. Cela résulte
clairement de la correspondance échangée entre Sir Henry Mac Mahon, Haut-Commissaire
britannique au Caire et Hussein de juillet 1915 à février 1916. Sir Mac Mahon y confirme :
« … que la Grande Bretagne était disposée à reconnaître et à favoriser l’indépendance
des Arabes sur les territoires compris dans les limites proposées par le chérif de La
Mecque ».20.
37. Cette correspondance sera interprétée par les Britanniques comme n’ayant pas inclus la
Palestine dans le grand État arabe auquel on avait promis l’indépendance. Néanmoins, la presse
britannique publia postérieurement des extraits d’un mémorandum secret établi par le Political
Intelligence Department du Foreign Office à l’intention des délégations britanniques à la
Conférence de la Paix à Paris qui confirmait l’engagement du Gouvernement de Sa Majesté à
reconnaître l’indépendance de la totalité de la Palestine21.
38. Sur le plan militaire, une première offensive britannique pour prendre pied en Palestine
contre les Turcs s’était soldée d’abord, en mars 1917 à Gaza, par un lourd échec22. Mais après
la victoire contre les Turcs, le général Allenby en octobre 1917, occupe Gaza et Haïfa et entre
à Jérusalem le 11 décembre 1917, à pied par respect pour les Lieux saints. Il y établit l’autorité
militaire britannique. Les inquiétudes des dirigeants arabes informés de l’existence de la
Déclaration Balfour, se manifestent de manière croissante au cours de l’année 1918. Un
20 Annexe 5, Letter n°4, Translation of a letter from McMahon to Husayn, October 24,1915, The Hussein-
McMahon Correspondence, Jewish Virtual Library, American-Israeli Cooperative Enterprise.
21 « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et
sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-York, page 7,
citations tirées du Times de Londres en date du 17 avril 1974.
22 Henry Laurens, Op. Cit., Cet auteur mentionne deux batailles ayant fait en tout 10 000 victimes britanniques.
17
communiqué commun franco-anglais du 7 novembre 1918 a pour but de les apaiser. Il y est
affirmé que l’objectif de ces Puissances était bien :
«… l’émancipation complète et définitive des peuples arabes… et l’établissement de
gouvernements et administrations nationaux qui tirent leur autorité de l’initiative et du
libre choix des populations indigènes »23.
39. Mais lorsque s’ouvre la Conférence de la Paix le 18 janvier 1919, la Grande Bretagne,
oubliant les lettres échangées entre son représentant et le Sherif Hussein ibn Ali ainsi que la
position franco-anglaise affirmée deux mois plus tôt, obtient l’intégration de la Déclaration
Balfour à la problématique sur la Palestine.
40. Les troubles se développent au début de 1920, preuve de réactions très violentes chez les
Palestiniens. Malgré la révolte qui se généralise, les intérêts du mouvement sioniste et ceux de
la Grande Bretagne convergent en sorte que le 25 avril 1920, la Conférence de San Remo
nomme la Grande Bretagne mandataire sur la Palestine. Et le 24 juillet 1922, la Société des
Nations confirme à la Grande Bretagne son mandat sur la Palestine24. La Déclaration Balfour y
est intégrée.
2) La période du mandat britannique (1922-1947).
41. Le mandat attribué à la Grande Bretagne par la Société des Nations s’inscrit dans le système
mandataire prévu à l’article 22 du Pacte. Le paragraphe 4 de cet article s’applique plus
précisément aux territoires appartenant préalablement à l’Empire Ottoman :
« Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint
un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut
être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un mandataire
guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire
seules. Les voeux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour
le choix du mandataire ».
23 Annexe 6, Déclaration franco-britannique du 7 novembre 1918, 145 Parliamentary Debates H.C. (5th Series),
36, 1921, Pin John Norton Moore, « The Arab-Israeli conflict », Vol. III, Documents, Princeton University Press,
1974, p. 38.
24 Annexe 7, Société des Nations, Mandat sur la Palestine, 12 août 1922, C.529 M. 314.
18
42. Pour analyser les difficultés soulevées par l’application de ce mandat, l’on précisera d’abord
quel était le contexte idéologique et politique dans lequel est apparue l’idée même de mandat
(a). On rappellera comment ont été définies les limites territoriales du mandat sur la Palestine
(b). Enfin, l’on montrera les difficultés grandissantes rencontrées par le Gouvernement de
Londres jusqu’au moment où il a remis ce mandat entre les mains des Nations Unies (c).
a) Le contexte idéologique et politique ayant présidé à la création des mandats de la SDN.
43. Lors de la création de la Société des Nations, les puissances victorieuses de la Première
guerre mondiale sont et restent alors des puissances coloniales prêtes à se partager les territoires
confisqués aux vaincus. Toutefois, apparaissent aussi les idées émancipatrices au profit des
peuples dominés. Elles sont formulées notamment par le Président américain Thomas W.
Wilson dès son discours devant le Sénat américain le 27 mai 1916 et répétée à la Conférence
de la Paix de Paris :
« The fundamental idea would be that the world was acting as trustee through a
mandatory and would be in charge of the whole administration until the day when the
true wishes of the inhabitants could be ascertained”25.
44. Parmi les fameux Quatorze points par lesquels le Président des États-Unis fixait les
conditions de l’entrée en guerre de son pays aux côtés des Alliés, figuraient ceux qui allaient
présider au système mandataire26. Le Président Wilson les avait résumés lui-même le 11 février
1918 dans un discours au Congrès en précisant que les peuples et les régions ne devaient pas
faire l’objet de transactions de souveraineté à l’instar d’un « cheptel » et n’ayant comme seul
souci le « balance of power », et que tout règlement territorial devait prendre en compte les
intérêts et les avantages des populations concernées 27 . Cette position ouvrait la voie à
l’application aux territoires coloniaux du principe des nationalités, matrice du futur droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes.
25 Cité par Giovanni Distefano, « Commentaire sur le Pacte de la Société des Nations », sous la direction de
Robert Kolb, Bruylant, Université de Genève, 2015, page 844.
26 Woodrow Wilson, « Les 14 points », Texte original, "President Woodrow Wilson's 14 Points", National
Archives, Milestone Documents, États-Unis d'Amérique.
27 Giovanni Distefano, Op. Cit., page 844.
19
45. La prise en considération dans le système des mandats A, de la volonté des populations
concernées, a eu pour conséquence que le mandataire n’était pas le nouveau titulaire de la
souveraineté. Car si le mandataire avait l’exercice de prérogatives régaliennes, la souveraineté
elle-même était alors réservée aux pays sous mandat et le mandataire ne pouvait en aucun cas
en disposer28.
46. En contradiction avec cette approche, les Britanniques proposèrent un article 1er du mandat
sur la Palestine rédigé comme suit :
« His Britannic Majesty shall have the right to exercise as Mandatory all the powers
inherent in the Government of a Sovereign State, save as they may be limited by the
terms of the present mandate”29.
La Grande Bretagne prétendait alors considérer comme souverains les pouvoirs qu’elle
détiendrait sur le territoire qui lui était confié. Mais l’opposition d’autres délégations conduisit
à débarrasser l’article 1er du mandat britannique de toute référence à la souveraineté. Il se borne
à énoncer « des pleins pouvoirs de législation et d’administration ».
47. Le peuple de Palestine ne fut pas consulté sur l’attribution du mandat à la Grande Bretagne
bien que le Pacte de la Société des Nations ait prévu à propos des communautés politiques
concernées : « Les voeux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour
le choix du mandataire. ». Et alors que le système des mandats était célébré par la plupart des
orateurs de la Conférence de la Paix, le délégué du Royaume du Hedjaz, Mr Haidar, apporta 14
février 2019, une sérieuse nuance :
« I only wish to say that the nations in whose name I speak intend to remain free to
choose the Power whose advice they will ask. Their right to decide their fate in the future
has been recognized in principle. Very well! But you will allow me to say, Gentlemen,
that a secret agreement to dispose of these nations had been prepared about which they
have not been consulted”30.
28 Voir infra, para 247.
29 Giovanni Distefano, Op. Cit., page 897.
30 Ibidem., page 854.
20
48. La Commission dite King-Crane du nom de ses participants envoyée après la tenue de la
Conférence de la Paix par les Alliés fut informée de l’opposition arabe aux plans en cours
d’élaboration au sujet de la Palestine. La Commission recommanda alors pour la Palestine :
« … une modification profonde du programme sioniste extrémiste pour la Palestine, à
savoir l’immigration des Juifs dans le but final de faire clairement de la Palestine un
État Juif…. Pour que la volonté de la population palestinienne soit déterminante, il faut
se souvenir que la population non juive de la Palestine – près du neuf dixième du total
– est résolument hostile à tout le programme sioniste. Il apparaît qu’il n’y a pas de
question sur laquelle la population palestinienne soit plus unie. Imposer à un peuple
ainsi disposé, une immigration illimitée et des pressions financières et sociales
constantes pour qu’il cède ses terres serait une violation flagrante du principe … du
droit des peuples…. »31.
49. Les conclusions de cette Commission ne furent pas prises en considération et le projet
Balfour l’emporta. Les inquiétudes de certains parlementaires britanniques s’exprimèrent à
l’occasion des débats au sujet du mandat sur la Palestine devant les Chambres lorsque Lord
Sydenham répondit à Lord Balfour en ces termes 32 :
« … le mal fait en déversant une population étrangère sur un pays arabe - dont tout
l’arrière-pays est arabe- ne sera peut-être jamais réparé… Nous avons, pour des
concessions, faites non pas au peuple juif mais à sa faction sioniste extrémiste, implanté
un abcès purulent en Orient et personne ne peut dire jusqu’où le mal s’étendra »33.
50. Cette sombre prédiction commença à se réaliser pendant la période du mandat. Et elle
connut un effet concret notoire lors de la sortie des mandats A. L’indépendance des peuples
ainsi administrés fut consacrée dans les années suivantes : l’Iraq obtint son indépendance le 3
31 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990, p. 26.
32 La Chambre des Lords se prononça par un vote pour l’abrogation de la Déclaration Balfour. Mais la Chambre
des Communes et le Gouvernement britannique acceptèrent le mandat avec l’incorporation de la Déclaration.
33 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990, p.31.
21
octobre 1944, le Liban le 22 novembre 1943, la Syrie le 1er janvier 1944, la Jordanie le 22 mars
1946. Seule la Palestine fut privée de ce droit à l’indépendance.
51. Le mandat sur la Palestine permettait au Gouvernement de la Grande Bretagne d’y exercer
une administration directe. Mais deux problèmes majeurs s’imposaient à lui : la définition
territoriale de la Palestine avec la nécessité d’en fixer les frontières avec précision ; et
l’administration du territoire dans l’impossible conciliation entre le respect des populations
d’une part et l’application de la déclaration Balfour porteuse de ce Foyer national Juif promis
au Mouvement sioniste d’autre part.
b) Les limites territoriales de la Palestine mandataire.
52. Conçues pour permettre une immigration juive illimitée, les prétentions territoriales de
l’Organisation sioniste mondiale étaient beaucoup plus vastes que ne le fut finalement le
territoire de la Palestine mandataire. Elles débordaient en Syrie, au Liban, en Transjordanie et
en Égypte de la manière suivante :
« … au nord, les rives nord et sud du fleuve Litani jusqu’à la latitude 33°45’. De là, en
direction sud-est, jusqu’à un point situé juste au sud du territoire de Damas, et
légèrement à l’ouest de la ligne de chemin de fer du Hedjaz. À l’est, une ligne à l’ouest
proche du chemin de fer du Hedjaz. Au sud, une ligne partant d’un point situé à
proximité d’Akaba et allant jusqu’à El Arish. À l’ouest, la mer Méditerranée. »34.
34 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990. pp. 32-33.
22
Carte n° 1, La Palestine revendiquée par l’Organisation sioniste mondiale, 1919, reproduite dans « Origines et
évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et sous la direction du
Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p. 100.
53. Les frontières de la Palestine telles qu’elles furent établies à l’époque du mandat
délimitaient un territoire plus restreint :
23
Carte n° 2, La Palestine mandataire, tirée de Alain Gresh, « Israël, Palestine, Vérités sur un conflit » Fayard,
Paris, 2002, Cahier central.
24
54. La frontière Sud entre l’Empire ottoman et l’Égypte avait été déterminée par un échange
de notes entre la Grande Bretagne et l’Empire ottoman des 14 et 15 mai 190635. Elle part de
Ras-Taba (à 10 miles au sud-ouest d’Aqaba) et va en ligne droite jusqu’à Rafah :
Carte n° 3, La frontière sud du mandat sur la Palestine. Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, « Les
frontières au Moyen-Orient », L’Harmattan, Paris, 2004, planche VIII.
35 Annexe 8, Échange de notes des 14 et 15 mai 1906 entre la Turquie et la Grande-Bretagne concernant le
maintien du statu quo dans la Péninsule du Sinaï, in Heinrich Triepel, Nouveau Recueil général de traités, t. V,
Leipzig, Theodor Weicher, 1923, pp. 880-882.
25
55. La frontière Nord fut établie par convention avec la France puisqu’il s’agissait de délimiter
les mandats français sur la Syrie et le Liban des mandats britanniques sur la Palestine et la
Mésopotamie36. Ce ne fut pas sans difficultés car sous la conduite du général Allenby, les
Anglais avaient poussé au-delà de ce qui avait été convenu par les accords Sykes-Picot :
Carte n° 4, La frontière Nord de la Palestine mandataire. Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, « Les
frontières au Moyen-Orient », L’Harmattan, Paris, 2004, planche IX.
36 Annexe 9 a, Convention entre la France et la Grande-Bretagne du 23 décembre 1920 concernant les mandats
sur la Palestine, la Mésopotamie, la Syrie et le Liban, in Heinrich Triepel, Nouveau Recueil général des traités,
Tome V, Leipzig, Librairie Theodor Weicher, 1923, pp. 582-586.
Annexe 9 b, Échange de Notes entre la France et la Grande-Bretagne du 7 mars 1923 afin de ratifier le Rapport
de la Commission désignée pour fixer le tracé de la frontière entre le Liban et la Syrie d’une part, et la Palestine
d’autre part de la Méditerranée à El Hammé, in Heinrich Triepel, Nouveau Recueil général des traités, Tome
XVII, Leipzig, Librairie Theodor Weicher, 1927, pp. 208-215.
26
Pour le mouvement sioniste l’enjeu était capital en raison des ressources en eau. Les
Britanniques tentèrent d’ailleurs d’obtenir davantage encore, mais la France ne céda pas à toutes
leurs exigences, ce qui provoqua la colère des sionistes qui multiplièrent les pressions sur les
Britanniques comme sur les Français37.
56. Quant à la frontière Est, qui partage la Palestine de ce qui se nommait alors la Transjordanie,
elle sépara les deux territoires avec l’accord des Britanniques peu désireux de voir s’étendre les
prétentions du mouvement sioniste sur les deux rives du Jourdain. Aussi, en dépit de leurs
réactions très vives à ce sujet, la frontière telle qu’elle est fixée, suit le Jourdain, traverse la Mer
Morte en son milieu, puis longe le Wadi Araba jusqu’au Golfe d’Aqaba. Elle fut approuvée par
le Conseil de la Société des Nations le 16 septembre 1922.
57. Avec la Méditerranée comme frontière Ouest, la Palestine était ainsi délimitée et dans la
logique émancipatrice de la Société des Nations, elle aurait dû devenir indépendante au profit
du peuple arabe largement majoritaire dans ces limites territoriales. C’est dans ce cadre que
s’est développée la longue crise qui a marqué l’administration britannique jusqu’en 1947.
c) La gestion chaotique du mandat marqué par des ambiguïtés insurmontables.
58. Avant même le début de l’administration mandataire, les autorités britanniques furent
averties des véritables prétentions du mouvement sioniste. C’est ainsi que suite à la Commission
sioniste envoyée en Palestine en avril 1918 et à ses propositions au Foreign Office, Lord
Curzon, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, commentant à Balfour les propositions de
cette Commission lui écrivait :
« … pour ce qui est de Weizmann et de la Palestine, il ne fait pas de doute pour moi
qu’il veut un gouvernement juif, sinon maintenant, du moins dans un avenir proche….
Je suis donc à peu près sûr que même si Weizmann vous dit une chose ou si l’expression
« foyer national » a un certain sens pour vous, c’est toute autre chose qu’il vise. Il
envisage un État juif, une nation juive, une population arabe subalterne, etc. gouvernée
par des Juifs, les Juifs possédant la meilleure part des richesses de la terre et dirigeant
l’administration. Il essaie d’y parvenir en s’abritant derrière le paravent de la tutelle
37 Voir à ce sujet, Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, Op., Cit., p. 89.
27
britannique. Je n’envie pas les mandataires lorsqu’ils se rendront compte de la pression
dont ils feront nécessairement l’objet »38.
59. Ces prétentions sionistes s’exprimèrent par la poussée du peuplement juif sur la Palestine
visant à un basculement démographique aux dépens de la population arabe, par une politique
d’accaparement systématique des terres arabes et par l’impossibilité de protéger les droits de la
population arabe et de la mener à des institutions de libre gouvernement, obligations pourtant
affirmées dans le Pacte de la Société des Nations.
La montée en puissance de l’immigration juive en Palestine pendant la période mandataire.
60. Dans la logique de son soutien à la Déclaration Balfour, le Gouvernement de la Grande
Bretagne, fut au début du mandat, favorable à une immigration juive de nature à faire basculer
l’équilibre démographique de la Palestine. Mais la montée des troubles dus aux réactions de la
population arabe amena le mandataire à quelques essais de restrictions de cette immigration qui
ne furent pas suivis d’effet.
61. Un Mémorandum Churchill du 1er juillet 1922 expose la politique britannique en la matière
:
« … la déclaration Balfour, confirmée par la Conférence des principales puissances
alliées à San Remo, et à nouveau dans le Traité de Sèvres, ne peut plus être modifiée…
mais pour que cette communauté (juive) ait devant elle les perspectives les plus
favorables de libre développement et pour qu’elle fournisse au peuple juif l’occasion
d’exercer librement ses aptitudes, il est indispensable qu’elle sache que, si elle se trouve
en Palestine, c’est en vertu d’un droit et non par tolérance. Telle est la raison pour
laquelle il est nécessaire que l’existence d’un foyer national juif en Palestine soit placée
sous une garantie internationale et qu’elle soit formellement reconnue comme se
justifiant par des traditions historiques anciennes.
Pour mener à bien cette politique, il est nécessaire que la communauté juive de Palestine
puisse augmenter son nombre par l’immigration. Cette immigration ne doit
38 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990, p. 23.
28
pas excéder la capacité économique du pays au moment de l’arrivée de nouveaux
immigrants »39.
Soutenant l’idéologie sioniste, ce mémorandum donne consistance à l’idée de « droits » des
juifs sur la Palestine et les justifie par des « traditions historiques anciennes ». Il le fait en
contradiction avec le droit international alors en formation relatif au droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, droit qui s’appliquait aux peuples tels qu’ils avaient été colonisés, sans référence
à des passés historiques au demeurant peu documentés.
62. Un Livre blanc britannique de 1922 reprend l’idée d’une immigration favorisée, mais
cependant contrôlée en fonction des capacités d’absorption économique de la Palestine. Les
milieux sionistes maintiennent néanmoins leur pression en faveur d’une immigration illimitée.
Dans les faits, celle-ci progresse à un rythme soutenu jusqu’en 1924-26, mais baisse alors
sensiblement :
Tableau n°1, Immigration en Palestine de 1920 à 1929, Palestine Royal Commission Report, publié dans
« Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et sous
la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p. 39.
39 Mémorandum Churchill, 1er juillet 1922, cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-
1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits
inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p. 37.
29
Environ 100 000 Juifs arrivent cependant en Palestine pendant cette décennie, ce qui fait passer
leur proportion dans la population de 10% à plus de 17%. Sous la pression du mouvement
sioniste, les dirigeants britanniques oscillent entre réglementation ou encouragement envers la
montée en puissance du peuplement juif.
63. Dans les années 30 et notamment après l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne,
l’immigration juive reprend. Beaucoup de Juifs préféraient fuir aux États-Unis ou ailleurs
qu’en Palestine, mais finalement ce sont les nazis qui, paradoxalement, les pousseront à
prendre cette destination. Par une négociation menée par l’Agence juive, les nazis promettent
aux Juifs prêts à émigrer en Palestine, la possibilité d’y transférer une partie de leurs
capitaux40. L’immigration juive va ainsi reprendre assez fortement au cours des années 30 :
Tableau n°2, Immigration en Palestine de 1930 à 1939. « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-
1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits
inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p. 44.
40 Voir Henry Laurens, « Nouveaux regards sur la Palestine », Revue d’Études palestiniennes, n° 104, 2004,
p.15.
30
64. En 1930, le Gouvernement britannique, pour calmer les tensions qui s’exacerbent publie un
nouveau Livre blanc dit Passefield du nom de son auteur. Il se veut conciliant avec les Arabes,
annonce son intention de reprendre en mains les questions d’immigration et de transfert de
terres laissées jusque-là aux décisions de l’Agence juive. Toutefois, face aux très vives critiques
de l’Organisation sioniste et de ses partisans, le premier Ministre du Gouvernement de Londres,
Lord Mac Donald, adresse au président de l’Organisation sioniste, une lettre par laquelle il
désavoue le Livre blanc Passefield et renonce à toute restriction à l’immigration juive et au
transfert de terres.
65. Dans son ouvrage « Trial and Error » (New York, harper, 1949) Chaim Weizmann,
Président de l’Organisation sioniste s’en réjouit :
« C’est grâce à cette lettre que l’immigration juive en Palestine a pu atteindre les
chiffres de 40 000 en 1934 et 52 000 en 1935 qui auraient paru tout-à-fait irréalistes en
1930 »41.
66. La Grande Bretagne tente encore de limiter l’immigration juive par un nouveau Livre Blanc
en date du 17 mai 193942. On y lit :
« Au cours des cinq prochaines années, l'immigration juive se fera à un rythme qui, si
la capacité d'absorption économique le permet, portera la population juive à environ
un tiers de la population totale du pays. Compte tenu de l'accroissement naturel attendu
de la population arabe et juive et du nombre d'immigrants juifs illégaux actuellement
dans le pays, cela permettrait l'admission, dès le début du mois d'avril de cette année,
d'environ 75 000 immigrants au cours des cinq prochaines années….Au terme de cette
période de cinq ans, aucune immigration juive ne sera plus autorisée à moins que les
Arabes de Palestine ne soient disposés à y consentir » 43.
67. Les plus extrémistes des sionistes et les milices qu’ils avaient formées, mènent alors des
actions armées contre les Britanniques. Le groupe Stern organise une série d’attentats contre
41 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990, p. 44.
42 Annexe 10, Gouvernement du Royaume-Uni, « Livre Blanc : Déclaration de politique générale sur la
Palestine », 23 mai 1939. Texte intégral.
43 Voir Annexe 10, p. 14.
31
les troupes anglaises en Palestine. L’Irgoun à son tour passe au terrorisme. Toutefois,
l’immigration juive se poursuivra d’autant plus que le monde découvre ce qu’est
l’extermination des Juifs par les nazis. Ce sera alors une immigration illégale impossible à
maîtriser par le mandataire britannique. Les Juifs représentent 32,6% de la population de la
Palestine en 1944. Et la pression migratoire juive se poursuit dans les années qui suivent.
Une politique d’accaparement systématique des terres arabes.
68. L’encouragement à l’émigration des Juifs vers la Palestine supposait l’accès des nouveaux
immigrés à des propriétés foncières. Pour favoriser la percée rapide du sionisme, des transferts
de propriété favorables au Yishow (nom donné à l’ensemble du peuplement juif avant
l’avènement d’Israël) avaient été organisés avant même le mandat britannique. Sous l’égide de
l’Agence juive, plusieurs organisations financées par le Fonds national juif avaient lancé des
programmes systématiques d’achat de terres pour les colons. Ces achats fonciers soutenaient
une agriculture privée, mais aussi des structures collectives de type coopératif (les moshavim)
ou collectiviste (les kibboutzim).
69. Dès 1919, la Commission King-Crane s’inquiétait du projet sioniste de transformation de
la Palestine aux dépens des populations arabes par le biais du foncier :
« Lors des entretiens entre les membres de la Commission et les représentants juifs, il
est apparu à plusieurs reprises que les sionistes avaient l’intention de déposséder
presque complètement les habitants non juifs de la Palestine, en ayant recours à
diverses formes d’achats »44.
70. La déstabilisation de la société arabe causée par l’établissement de frontières en 1920,
séparant la Palestine de la Syrie et du Liban eut sur la question des terres des conséquences dont
les colons juifs tirèrent parti. Des familles arabes établies sur plusieurs de ces territoires
choisirent de se regrouper et vendirent alors leurs terres qui furent rachetées par des Juifs à des
propriétaires absents45. Ainsi entre 1920 et 1929, les Juifs doublèrent la superficie des terres
44 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990. Page 38, d’après « The Political History of Palestine under the British Administration »,
Gouvernement britannique, (Mémorandum destiné à la Commission spéciale des Nations Unies pour la
Palestine), Jérusalem, 1947, p. 3.
45 Voir pour une analyse détaillée des transferts fonciers, Henry Laurens, « La question de Palestine, Tome
deuxième, 1922-1947, Une mission sacrée de civilisation », Paris, Fayard, 2002, pp. 143-149
32
qu’ils possédaient, la proportion passant d’environ 2,5% à 5% de la superficie totale de la
Palestine. Elles augmentèrent encore de 50% entre 1929 et 1945 :
Tableau n°3, « Croissance de la propriété juive enregistrée légalement, concessions de terres gouvernementales
exclues ». in Henry Laurens, « La question de Palestine, Tome deuxième, 1922-1947, Une mission sacrée de
civilisation », Paris, Fayard, 2002, p. 133-134.
33
71. La politique d’acquisition des terres menée par les organisations sionistes, se doubla de
restrictions raciales dans leur exploitation. Les Juifs ne pouvaient employer une main d’oeuvre
arabe ou vendre leurs biens à des acheteurs arabes. Bien que contraires aux clauses du mandat
britannique (selon lesquelles l’immigration juive ne devait pas porter atteinte aux droits des
habitants de la Palestine), ces dispositions furent appliquées de manière stricte par les
agriculteurs juifs.
72. En 1923, une commission présidée par Sir John Hope Simpson fut chargée d’étudier les
questions d’immigration et de transferts de terres. On y trouve décrites les conditions d’achat
et d’exploitation des terres par les Juifs :
« La terre doit être acquise pour devenir un bien juif et… elle restera la propriété
inaliénable du peuple juif….L’Agence favorise la colonisation agricole fondée sur le
travail juif… la nécessité d’employer de la main-d’oeuvre juive est une question de
principe » (Constitution de l’Agence juive). »
Ou encore :
« … Le preneur s’engage à faire exécuter tous les travaux relatifs à la culture de la terre
par de la main d’oeuvre juive uniquement. Le preneur qui ne s’acquitte pas de cette
obligation et engage les services de travailleurs non-juifs pourra avoir à verser une
indemnité. »
Il est également stipulé dans le bail que :
« …le propriétaire de la terre ne pourra être qu’un juif. » (Projet de bail du Keren-
Kazameth) »46.
73. La même Commission notait à propos de ces mesures qu’elles étaient contraires aux termes
mêmes du mandat :
46 Cité dans « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à
l’intention et sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-
York, 1990, p. 41.
34
« … Le principe du boycottage persistant et délibéré de la main d’oeuvre arabe dans les
colonies sionistes, non seulement enfreint les dispositions de l’article 6 du Mandat, mais
également fait peser une menace constante et croissante sur le pays »47.
L’absence d’opposition du mandataire permit à ce mouvement de se développer sans entrave.
L’aggravation de la crise politique, la montée des violences en Palestine et le retrait du
mandataire britannique.
74. Lorsqu’à la fin de la première guerre mondiale, les Alliés débattent du sort des territoires
qui avaient été soumis à l’Empire ottoman, et que se dessine le projet de constitution d’un Foyer
national juif en Palestine, la population arabe comprend que son droit à l’auto-détermination
est compromis par la Déclaration Balfour. Les premières manifestations d’opposition à ce projet
eurent lieu en avril 1920. Elles se renouvellent en mai 1921, notamment à Jaffa.
75. Le Mur Occidental était un objet de tensions entre les Arabes et les Juifs depuis 1918 avec
la tentative sioniste d’en faire l’acquisition. En 1926, les sionistes demandent l’expropriation
des bâtiments du Quartier Maghrébin et des pratiques des célébrants juifs font craindre de leur
part à une appropriation du Mur. Le gouvernement britannique doit apaiser les préoccupations
des Arabes en confirmant qu’il appliquera le statu quo à cette question.
76. Une nouvelle explosion de violence éclate en août 1929. Elle fait 220 morts et 520 blessés
à Jérusalem. Les autorités britanniques durent alors faire appel à des renforts extérieurs
militarisés pour maîtriser la situation.
77. La Commission permanente des mandats, lors de sa session de Genève du 6 au 26 novembre
2029, est préoccupée par les troubles en Palestine. Les Arabes n’acceptant pas les termes du
mandat et réclamant des institutions de self government, la position britannique est très
affaiblie. L’Agence juive s’inquiète du fait que l’on considère la Palestine comme surpeuplée
et que l’on impute les troubles au fait que la politique foncière en faveur des Juifs a créé une
catégorie de population arabe privée de terre. Elle considère la Transjordanie comme une
réserve foncière et évoque la possibilité d’un « transfert » d’une partie de la population arabe48.
47 Ibidem, p. 42.
48 Henry Laurens, « La question de Palestine, Tome deuxième, 1922-1947, Une mission sacrée de civilisation »,
Paris, Fayard, 2002, p. 199.
35
78. Les Arabes comprennent l’inéluctabilité de la création d’un État juif aux dépens de leur
accès à l’indépendance. De nouvelles violences dirigées contre la puissance mandataire éclatent
en 1933, notamment à Jérusalem et à Jaffa.
79. Une révolte généralisée éclate en 1936. Grèves, attaques contre les Anglais autant que
contre les Juifs, actes de sabotage contre les routes, les chemins de fer, les lignes de téléphone
et de télégraphe, les pipelines pétroliers, se succèdent jusqu’en 1939 49. Les partis politiques
palestiniens unis dans un Comité suprême arabe demandent la constitution d’un gouvernement
national. Les autorités britanniques se livrent à une forte répression, elles enrôlent 20 000 juifs
dans une police auxiliaire contre les rebelles et mettent la Palestine entière sous contrôle
militaire. Mais le coût humain fut très élevé puisque pour l’année 1938, on dénombra 3 717
victimes50.
80. La Commission Royale alors constituée, dite Commission Peel, fit le constat de la
contradiction fondamentale qui avait miné le mandat sur la Palestine. Elle reconnut que de tenter
de mettre les dispositions du mandat en oeuvre par la force était une politique « qui ne mène
nulle part ».
« L’établissement d’une Palestine unique et autonome sera tout aussi impossible demain
qu’elle l’est aujourd’hui. Il n’est pas facile de s’enfoncer dans les noirceurs de la
répression sans avoir la moindre lueur d’espoir »51.
81. Le Gouvernement britannique publia en 1937 (alors que la rébellion faisait rage) un nouveau
Livre blanc favorable à la solution du partage, dernière chance de solution pacifique. Cela fut
rejeté par les deux peuples concernés. Les Arabes s’en tenaient au droit des Palestiniens à
l’indépendance totale dans l’ensemble de la Palestine. Le Congrès de l’Organisation sioniste
tenu à Zürich en août 1937, s’opposa à cette proposition, restant en majorité en faveur d’un État
juif sur tout le territoire de la Palestine. Les positions étaient radicalement inconciliables.
49 « La question de Palestine, » Nations Unies, New-York, 1979, p. 13.
50 « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et
sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p. 51,
d’après Royal Institute of International Affairs (R.I.I.A.) Great Britain and Palestine, Londres, Chatham House,
1946, pp. 116 à 118.
51 Gouvernement Britannique, Palestine Royal Commission report, (1937) pp. 41-42, cité dans « Origines et
évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et sous la direction du
Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p. 55.
36
82. La répression s’intensifie. Des villages arabes sont ratissés, les maisons des paysans
saccagées. Des escadrons nocturnes spéciaux composés de soldats britanniques et de
volontaires de la Haganah pratiquent l’assassinat de cadres politiques arabes 52. L’Irgoun entre
dans le cycle infernal des actions de représailles. Le sentiment populaire antibritannique
s’accroît dans les pays arabes.
83. Le Gouvernement de la Grande Bretagne prit alors plusieurs initiatives, toutes infructueuses
pour sortir de la situation où il s’était mis. Il chargea une Commission technique d’étudier
d’autres formules de partage. Mais la reprise des violences l’obligea à constater qu’il était
impossible de recourir à cette solution. Les protagonistes furent alors conviés à une table ronde
à Londres qui n’eut pas de suite.
84. Le Gouvernement de Londres dans le Livre blanc de mai 1939 (par lequel, on l’a vu, il avait
tardivement tenté de limiter l’immigration juive en Palestine), fit une proposition inédite, celle
d’un État binational dans lequel le pouvoir serait partagé entre les deux communautés :
« L'objectif du Gouvernement de Sa Majesté est d'établir, dans un délai de 10 ans, un
État de Palestine indépendant dans le cadre des relations conventionnelles avec le
Royaume-Uni, afin de répondre de manière satisfaisante aux besoins commerciaux et
stratégiques des deux pays dans l'avenir. La proposition de création de l'État
indépendant impliquerait des consultations avec le Conseil de la Société des Nations en
vue de mettre fin au mandat de l'État.
L'État indépendant doit être un État dans lequel Arabes et Juifs partagent le
gouvernement de manière à garantir que les intérêts essentiels de chaque communauté
soient sauvegardés »53.
Mais pas plus que les autres propositions, celle-ci ne rencontra l’assentiment des deux Parties,
juive et arabe.
85. Avec le début de la Seconde guerre mondiale et la politique nazie d’extermination des Juifs
d’Europe, l’immigration juive illégale s’amplifia. Des groupes juifs extrémistes apparaissent et
52 Henry Laurens, Op. Cit., p. 390.
53 Voir Annexe 10, p. 8.
37
le 22 juillet 1946, un attentat contre l’hôtel King David, siège des autorités britanniques, cause
une centaine de morts. Le 18 février 1947, l’impasse étant totale la Grande Bretagne annonça :
« … nous avons décidé que nous n’étions pas en mesure d’accepter tant le plan avancé
par les Arabes que le plan avancé par les Juifs, ou d’imposer nous -mêmes une solution
qui nous soit propre. Nous sommes donc arrivés à la conclusion que la seule voie qui
nous restait ouverte était de soumettre le problème au jugement de l’Organisation des
Nations Unies »54.
3 - L’intervention des Nations Unies, la résolution 181 (1947) et ses suites.
86. Les Nations Unies héritèrent en février 1947, avec la renonciation du Gouvernement
britannique à ses obligations de mandataire sur la Palestine, de l’un des dossiers les plus
explosifs de l’après-guerre. La situation sur le terrain étant chaque jour plus grave, c’est une
session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU qui examina les questions concernant
« le gouvernement futur de la Palestine ». Les délégations arabes demandèrent alors que soit
inscrit à l’ordre du jour un point intitulé « Cessation du mandat sur la Palestine et proclamation
de l’indépendance de ce pays ». Mais l’Assemblée décida plutôt d’entendre les représentants
de l’Agence juive et du Haut Comité arabe.
87. Une Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine (UNSCOP) ayant été chargée
de faire des recommandations au sujet du Gouvernement futur de la Palestine, il fallait en fixer
la composition et l’objectif. La logique de confrontation qui s’était développée pendant les
années du mandat britannique, se retrouva alors dans les débats.
88. Le délégué de l’Agence juive (organisation non-gouvernementale qui avait été admise à
participer aux délibérations de l’Organisation des Nations Unies) insistait pour que
l’immigration juive en Palestine soit illimitée. Toutefois, parce qu’elle liait la question des Juifs
en Europe et de leur devenir avec celle de l’avenir de la Palestine, elle fut contestée par de
nombreuses délégations. Ainsi le délégué de la Syrie rappela que la question de Palestine était
entièrement indépendante de celle des personnes qui, subissant de mauvais traitements en
Europe, cherchaient ailleurs un refuge. Mais la question du sort des Juifs d’Europe resta centrale
54 « La question de Palestine », Nations Unies, New-York, 1979, p. 17.
38
dans les préoccupations de la Commission55. Celle-ci, après avoir enquêté en Palestine, se rendit
dans les camps de réfugiés en Allemagne et en Autriche où elle constata leur immense désir de
rallier la Palestine.
89. De leur côté, les délégations arabes cherchèrent (sans succès) à inclure dans le mandat de
l’UNSCOP une référence à la question de « l’établissement de l’État démocratique indépendant
de Palestine ». Le Haut Comité arabe refusa alors de comparaître devant l’UNSCOP lorsque la
Commission se rendit sur les lieux à la mi-juin 1947.
90. Confrontée à la situation dramatique laissée par l’administration mandataire, la Commission
observa :
« En ce qui concerne le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, s’il a été
internationalement reconnu à la fin de la Première Guerre mondiale, et s’il a été admis
en ce qui concerne les autres territoires arabes à l’époque de la création des mandats
« A », il ne s’appliquait pas à la Palestine car on avait sans doute l’intention de
permettre la création d’un foyer national juif dans ce pays. En fait, il est permis de dire
que le foyer national juif et le mandat conçu spécialement pour la Palestine vont à
l’encontre de ce principe ».
91. Forte de ce constat, l’UNSCOP fut unanime à recommander qu’un terme soit mis au mandat
britannique. Non sans hésitations, la majorité se rallia à l’idée de partage. La question fut alors
débattue de savoir si l’Assemblée générale disposait de la compétence légale pour réaliser le
partage de la Palestine. On songea même à saisir la Cour internationale de justice à ce sujet
mais la proposition en ce sens fut rejetée à une voix. Cette question resta alors sans réponse.
Lors du débat à l’Assemblée générale, les États opposés au partage affirmèrent que celui-ci
violait le droit à l’autodétermination en le refusant au peuple palestinien et entrait aussi en
contradiction avec l’article 6 du mandat qui garantissait qu’il ne serait pas porté atteinte aux
droits et à la situation des parties non juives de la population.
92. Il fallait alors que la proposition de la Commission ad hoc fasse l’objet d’une résolution de
l’Assemblée générale qui devait recueillir une majorité des 2/3. Ce vote fut l’occasion de
55 Annexe 11, Documents officiels de l’Assemblée générale, deuxième session, Commission spéciale pour la
Palestine, vol. I, 1947, pp. 54-55.
39
négociations et de marchandages intenses56. La résolution 181 (II) du 29 novembre 1947 fut
adoptée par 33 voix contre 13 et avec 10 abstentions57.
Carte n° 5, Le plan de partage de la Palestine proposé par l’ONU in « Quel État pour la Palestine ? » sous la
direction de Raphaël Porteilla, Jacques Fontaine, Philippe Icard, André Larceneux, L’Harmattan, Paris, 2011,
cahier central, figure 8.
56 Voir pour le détail de ces négociations et les pressions exercées sur certaines délégations, Henry Laurens, « La
question de Palestine, Tome deuxième, 1922-1947, Une mission sacrée de civilisation », Paris, Fayard, 2002, pp.
600 à 603.
57 Annexe 12, Assemblée générale des Nations Unies, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947
40
93. Par cette résolution, l’Assemblée générale recommandait au Royaume Uni en tant que
Puissance mandataire pour la Palestine, ainsi qu'à tous les autres États Membres de
l'Organisation des Nations Unies, l'adoption et la mise à exécution, d’un Plan de partage avec
Union économique. La Palestine devait être divisée en un État juif et un État arabe, Jérusalem
étant constitué en « corpus separatum ». L’État juif couvrait 14 100 km2 et comprenait la
Galilée orientale, la bande côtière d’Acre à Isdud ainsi que le Neguev. L’État arabe s’étendait
sur 11 500 km2 et englobait la Galilée occidentale, la Samarie et la bande côtière dans la région
de Gaza. La logique du partage était d’assurer que l’État juif comporterait le plus grand nombre
possible de Juifs et de réduire à un nombre minimum (quelques 10 000 personnes) le nombre
de ceux d’entre eux qui resteraient dans l’État arabe. Mais compte tenu de la situation
démographique sur le terrain, un très grand nombre d’Arabes palestiniens demeureraient dans
l’État juif (nombre estimé à 407 000)58.
94. Jérusalem était placée sous un régime international spécial. La liberté d’accès aux Lieux
saints était garantie. L’administration de la ville qui comprenait la cité elle-même, plus certains
villages et centres avoisinants, était confiée au Conseil de Tutelle des Nations Unies pendant
une période de 10 ans. Selon les termes de la résolution 181 :
« A l'expiration de cette période, l'ensemble du Statut devra faire l'objet d'une révision
de la part du Conseil de tutelle, à la lumière de l'expérience acquise au cours de cette
première période de fonctionnement. Les personnes ayant leur résidence dans la Ville
auront alors toute liberté de faire connaitre, par voie de referendum, leurs suggestions
relatives à d'éventuelles modifications au régime de la Ville ».
95. Le Royaume Uni devait se retirer au plus tard le 1er août 1948 mettant toutefois à la
disposition de l’État juif, avant le 1er février 1948, une zone possédant un port maritime pour
faciliter une « immigration importante ».
96. Il était demandé au Conseil de sécurité de mettre en oeuvre le plan de partage et aux
« habitants » de la Palestine de prendre des mesures pour le mettre en vigueur. La résolution
181 comportait aussi des mesures de sauvegarde des droits des minorités.
58 « Origines et évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, Étude établie à l’intention et
sous la direction du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New-York, 1990, p.
125.
41
97. Les États arabes et plusieurs autres États déclarèrent qu’ils ne se considéraient pas liés par
la recommandation de l’Assemblée générale car ils la jugeaient contraire à la Charte elle-même.
Et le Haut Comité arabe appela à une grève générale pour protester contre cette proposition.
L’Organisation sioniste pour sa part, l’accepta car elle y voyait un moyen de se rapprocher de
son objectif. Toutefois, en Palestine les forces paramilitaires sionistes intensifièrent leurs
actions contre la puissance mandataire en déclin. Perdant tout contrôle, la Grande Bretagne
décida de son retrait pour le 15 mai 1948, plusieurs mois avant la date qui avait été prévue par
l’Assemblée générale.
98. Alors que les troupes britanniques organisaient leur retrait, les forces militaires sionistes
multiplièrent les attaques contre les installations militaires en s’emparant d’armes britanniques.
Elles instaurèrent leur contrôle non seulement sur la partie de la Palestine attribuée par la
résolution 181 à l’État juif, mais au-delà.
99. La situation ne permettait pas au Conseil de sécurité, nommément sollicité par l’Assemblée
générale pour mettre en oeuvre le plan de partage, de prendre des décisions effectives. Le 5 mars
1948, au vu de l’évolution de la situation sur le terrain, la résolution 42 décide:
« …..d'inviter les membres permanents du Conseil à se concerter et à tenir le Conseil
de sécurité au courant de la situation en ce qui concerne la Palestine, et à lui faire,
après s'être ainsi concertés, des recommandations quant aux directives et aux
instructions que le Conseil pourrait utilement donner à la Commission pour la Palestine
en vue de la mise en oeuvre de la résolution de l'Assemblée générale. Le Conseil de
sécurité invite ses membres permanents à lui faire rapport sur le résultat de leurs
consultations dans un délai de dix jours ;»59.
Les termes alors employés illustrent l’impuissance dans laquelle se trouvait l’Organisation des
Nations Unies.
100. Le 14 mai, 1948, les dernières forces britanniques s’apprêtaient à quitter la Palestine et le
lendemain, 15 mai, Israël proclama son indépendance. Toute l’idéologie sioniste se retrouvait
dans cette réalisation. Et cet avènement d’un État d’Israël était considéré comme
59 Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 42 (1948) du 5 mars 1948
42
« .. le droit du peuple juif à la renaissance nationale dans son propre pays »60.
Les Arabes de Palestine qui s’y trouvaient depuis des siècles n’étaient mentionnés que comme
les obligés d’Israël puisqu’il y était dit des Juifs venus en colons en Palestine :
« Ils apportèrent les bienfaits du progrès à tous les habitants »61.
La violence s’intensifia alors de part et d’autre. La première guerre israélo-arabe devenait
inéluctable.
4 - La guerre israélo-arabe de 1948-1949 et ses conséquences.
101. Alors que les forces britanniques sont sur leur retrait, la Haganah qui a appelé à la
mobilisation générale dès le 6 mars, lance le 4 avril 1948 le plan Daleth, du nom de code de la
stratégie élaborée par l’état-major de la Haganah pour mener des opérations de conquête sur le
territoire dévolu à l’État palestinien62. La Haganah, cette force militaire du mouvement sioniste
qui a intégré d’autres milices partisanes dissoutes (Irgoun, Stern, Palmah), dispose de 35 000
hommes adultes dont 2 200 dans les bataillons de choc du Palmah, plus les 9 500 membres des
bataillons de jeunesse de la Gadna63. Ils vont mener 13 offensives de conquête auxquelles
tenteront de s’opposer sans succès deux ou trois milliers de combattants palestiniens. Le but
non dissimulé est alors d’expulser de gré ou de force le maximum d’Arabes palestiniens des
zones qui étaient proposées à l’État juif mais aussi dans certaines parties réservées à un État
arabe, mais convoitées par les Juifs. C’est ainsi que des massacres (dont le plus connu est celui
de Deir-Yassine le 9 avril 1948), eurent lieu avant le retrait britannique64.
102. C’est dans ce contexte que le lendemain de la Déclaration d’indépendance d’Israël, les
armées de six États arabes interviennent en Palestine. Il convient de faire le bilan de cette
60 Annexe 13. Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël, 14 mai 1948, traduction in Pouvoirs, n° 72, 1995,
pp. 121-123.
61 Ibidem, 3è paragraphe.
62 Annexe 14, Le Plan Daleth, 10 mars 1948, traduction in Le droit au retour, Farouk Mardam -Bey et Élias
Sanbar (dir.) Arles, Actes Sud, 2002, pp. 87-98.
63 Benny Morris, « The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949”, Cambridge, University Press,
Cambridge, 1987, pp 21-22.
64 Annexe 15, Jacques de Reynier (délégué du Comité international de la Croix Rouge pour la Palestine), « 1948
À Jérusalem », Éditions de la Baconnière, Neuchatel, Suisse, 1969, pp. 69-78.
43
intervention armée (a), d’en mesurer les conséquences concrètes sur la Palestine arabe (b) et
d’analyser l’impuissance des Nations Unies à faire appliquer à cette situation les principes de
la Charte (c).
a) Les opérations militaires entre les pays arabes et Israël et leurs conséquences
territoriales.
103. L’écrasement des Palestiniens dans les derniers jours du mandat et la prise par les armées
juives de grandes parties du territoire réservé à l’État de Palestine dans le plan de partage de
l’ONU entraînent l’intervention des armées arabes conformément à une décision prise par le
Comité politique de la Ligue des États arabes qui avait été fondée en 1945. Elle est annoncée
au Secrétaire général des Nations unies dans les termes suivants :
« Les Gouvernements des États arabes confirment aujourd’hui par la présente
déclaration l’opinion qu’ils ont énoncée à plusieurs reprises dans le passé …. : la seule
solution équitable et juste du problème de la Palestine est la création de l’État uni de
Palestine fondé sur les principes démocratiques qui permettront à tous ses habitants de
jouir de l’égalité devant la loi et qui garantiront à toutes les minorités les droits prévus
dans tous les États constitutionnels démocratiques, tout en offrant en même temps une
protection efficace et libre accès aux Lieux saints »65.
104. Les combats font rage pendant plusieurs semaines. Si les forces israéliennes paraissent
d’abord sur la défensive, leur situation se révèlera meilleure assez rapidement avec le renfort
de nouveaux immigrants et l’afflux d’armes en provenance de l’Ouest comme de l’Est grâce à
un pont aérien depuis la base tchèque de Zatec66. En juin 1948, le Conseil de sécurité parvient
à faire accepter une trêve de quatre semaines, puis il ordonne le cessez-le-feu le 15 juillet 194867.
En octobre, l’armée israélienne rompt la trêve et attaque le Neguev. Le 16 novembre, le Conseil
de sécurité décide qu’un armistice sera conclu dans tous les secteurs de la Palestine. Le 29
novembre 1948, Israël et la Transjordanie concluent un cessez-le-feu à Jérusalem, sanctionnant
le partage de la ville un an jour pour jour après que les Nations Unies en aient
65 Document publié dans Irène Errera-Hoechstetter, « Le conflit israélo-arabe », PUF, 1974, p. 25.
66 Voir Dominique Vidal, « Le péché originel d’Israël, L’expulsion des Palestiniens revisitée par les « nouveaux
historiens israéliens », Les Éditions de l’Atelier, Paris, 2002, p. 59.
67 Résolution 54 du Conseil de sécurité, 15 juillet 1948.
44
recommandé l’internationalisation68. Le 24 janvier 1949, la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont
sous administration de la Transjordanie. Le principe de l’armistice est accepté par tous les États
intéressés entre novembre 1948 et mars 1949. Un accord de suspension d’armes est signé entre
Israël et l’Égypte le 24 janvier 1949 après une offensive israélienne dans le Neguev, un autre
avec la Transjordanie le 11 mars 1949, après une offensive-éclair des Israéliens sur le port
d’Eilat.
105. Ensuite des conventions d’armistice seront négociées à Rhodes par l’intermédiaire de R.
Bunche, médiateur des Nations unies. Elles sont signées avec l’Égypte le 24 février 194969,
avec le Liban le 23 mars, avec la Transjordanie le 3 avril, avec la Syrie le 20 juillet. Entérinant
les conquêtes territoriales d’Israël, ces conventions fixent des lignes de démarcation sans
rapport avec les frontières prévues par le plan de partage. Mais il est mentionné dans chacun de
ces accords que leurs dispositions ne préjugent en aucune manière les droits, revendications et
positions de l’une ou l’autre des parties lors du règlement pacifique définitif de la question
palestinienne.
68 Voir Dominique Vidal, Op. Cit., p. 71.
69 Annexe 16, Convention d’armistice générale entre l’Égypte et Israël, 24 février 1949, Nations unies, Recueil
des traités, volume 42, 1949, pp. 251-285.
45
Carte n° 6, Les annexions de 1947-48, tirée de Alain Gresh, « Israël, Palestine, Vérités sur un conflit » Fayard,
Paris, 2002, Cahier central.
46
106. Le territoire contrôlé par Israël est désormais de 77% de celui de la Palestine mandataire.
Les incidents se multiplient sur les lignes de démarcation et conduisent à la paralysie des
Commissions d’armistice. Les Palestiniens s’organisent en petits groupes armés pour lancer des
opérations militaires contre Israël à partir de la Syrie, de la Jordanie, de Gaza. Une poignée de
responsables palestiniens fondent le Fath en 1959 à Koweit. Ils le dotent d’une branche militaire
et déclencheront la lutte armée dans la nuit du 31 décembre 1964. Toutefois, le mouvement ne
compte que quelques centaines de membres et essuie de lourdes pertes au cours des raids
entrepris.
b) Les conséquences de la guerre israélo-arabe de 1948 en termes de population.
107. Les opérations militaires menées en 1948 par les forces israéliennes furent accompagnées
de la volonté de vider le plus possible les territoires de leurs occupants, condition nécessaire au
développement de la poursuite de l’immigration juive. Tel est le sens des massacres qui eurent
lieu avant même le départ des forces britanniques. Ils devaient, en créant un sentiment de
panique parmi les populations arabes, indiquer aux Palestiniens que le départ était pour eux la
seule possibilité de survie.
108. Les responsables sionistes, devenus désormais les responsables politiques israéliens,
s’employèrent longtemps à dissimuler cet aspect de leur projet, inavouable sur le plan humain,
mais aussi condamnable juridiquement par le droit international qui s’affirmait alors. Aussi, ne
pouvant nier que 700 000 à 900 000 Palestiniens avaient fui leurs foyers entre le départ des
britanniques au 15 mai 1948 et les armistices de 1949, s’efforcèrent-ils d’une part, d’en
minimiser le nombre, et d’autre part, de soutenir que ces fuites en masse étaient le résultat
d’appels des dirigeants palestiniens qui auraient conseillé à leurs administrés de partir en leur
garantissant la possibilité d’un retour après la victoire :
« … nous avons des documents explicites témoignant qu’ils ont quitté la Palestine en
suivant les instructions de dirigeants arabes, le mufti en tête, et sur la base de
l’hypothèse que l’invasion des armées arabes (…) détruirait l’État juif et pousserait tous
les Juifs à la mer »70.
70 Discours de Ben Gourion devant la Knesset en 1961, cité par Benny Morris, « 1948 and After, Israel and the
Palestinians », Clarendon Press, Oxford, 1990, p. 30.
47
109. Dans les années 90, une nouvelle génération d’historiens israéliens, dite « nouveaux
historiens » ayant accès à des archives israéliennes devenues consultables, permit des avancées
sur la réalité des faits71. Cela confirma qu’il y eut une politique déterminée d’expulsion du plus
grand nombre possible de Palestiniens, non seulement de la partie de la Palestine destinée par
la résolution de partage à devenir l’État juif, mais au-delà sur des parties du territoire destinées
à former un État arabe.
110. Il apparaît que l’exode de la population arabe se produisit par vagues. La première, de
décembre 1947 à mars 1948, est d’abord limitée à des Palestiniens des villes craignant un
affrontement généralisé avec l’annonce du plan de partage (environ 70 000 personnes). Mais le
désordre s’amplifiant, les flux grossissent sous l’effet des raids de la Haganah, notamment à
Jérusalem, ou des exactions du Palmah à Césarée. Josef Weitz, chargé d’organiser la judaïsation
des villes et des villages, prend l’initiative d’expulsions locales.
111. La seconde vague, déclenchée au moment du départ des Britanniques en avril-mai 1948,
est liée à la mise en place du plan Daleth présenté à l’état-major par David Ben Gourion le 28
mars72. Il s’agit d’une offensive juive favorisée par la réception d’armements, de fonds collectés
aux États-Unis et par la mobilisation générale des 18-25 ans. Ces éléments permettent à la
Haganah de totaliser six brigades.
71 Tom Segev, 1949: « The first Israelis », hébreu : 1984 traduction française : « Les premiers Israéliens »,
Paris, Calmann-Lévy, 1998.
Simha Flapan, “The birth of Israel : myths and realities”, New York, Pantheon Books, 1987.
Benny Morris, “The birth of the Palestinian refugee problem”, 1947-1949”, Cambridge, Cambridge University
Press, 1987. Benny Morris, “1948 and after : Israel and the Palestinians”, Oxford, Clarendon Press,
1994 . Benny Morris, “The birth of the Palestinian refugee problem revisited, 1947-1949”,
Cambridge, Cambridge University Press, 2004. Benny Morris, “1948 : a history of the first Arab-Israeli
war”, New Haven (Conn.), Yale University Press, 2008.
Avi Shlaïm, “Collusion across the Jordan : King Abdullah, the Zionist Movement and the partition of Palestine,
1988” ; réédité en 1990 sous le titre “The politics of partition”.
Ilan Pappé, « The making of the Arab-Israeli conflict, 1947-1951 », I.B. Tauris, 1992 (trad. française : « La
guerre de 1948 en Palestine », La Fabrique, 2000 . Ilan Pappé, « The ethnic cleansing of Palestine », Oneworld
Publications, 2007 ( [trad. par P. Chemla : « Le nettoyage ethnique de la Palestine », Fayard, 2008.
72 Voir Annexe 14.
48
« … à partir du début avril, il y a des traces claires d’une politique d’expulsion à la fois
au niveau national et local en ce qui concerne certains districts et secteurs stratégiquesclés
»73.
L’exode est décuplé par la nouvelle du massacre de Der Yassine survenu le 9 avril 1948.
Lorsque la Haganah s’empare d’Haïfa, il ne restera que 3 000 à 4 000 de ses habitants arabes
sur les 70 000 qu’elle comportait. La même chose se produit à Jaffa et dans d’autres localités.
Le plan D (Daneth) s’applique à toute la Galilée, orientale comme occidentale74.
112. La troisième vague de l’exode palestinien commence le 9 juillet. La volonté d’expulsion
de la population arabe est alors plus explicite. Des bombardements intensifs poussent à l’exode
et les ordres vont dans ce sens. Tsahal, l’armée d’Israël, lance une offensive en direction de
Jérusalem et prend deux villes situées en territoire arabe, Lydda (où 250 civils sont massacrés)
et Ramleh. Ce sont plus de 60 000 Palestiniens qui seront alors expulsés de ces localités les 12
et 13 juillet75. L’armée d’Israël va ensuite prendre Nazareth, étape vers la judaïsation de la
Galilée. Le flux des réfugiés sera accru par les opérations menées par les forces israéliennes du
18 juillet au 15 octobre 1948. Dans la région dite du « Petit Triangle » (zone arabe comprise
entre Naplouse, Tulkarem et Jenine), des bombardements aériens et des atrocités obligent les
Arabes à quitter les lieux comme le constatent des enquêteurs des Nations unies :
« …. lors de l’achèvement de l’attaque… tous les habitants des trois villages furent
contraints de les quitter »76.
113. La quatrième vague d’expulsion des populations arabes débute dans le Neguev où la
population est expulsée vers Gaza. Un massacre perpétré à ad-Dawayima déclenche la panique
de la population. Au terme des combats d’octobre-novembre 1948, le nombre de réfugiés dans
la Bande de Gaza est passé de 100 000 à 230 000. Au même moment, dans le Nord, une
opération de trois jours force à la fuite environ 30 000 personnes.
73 Benny Morris, «The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949”, Cambridge, University Press,
Cambridge, 1987, p. 64.
74 Voir Annexe 14.
75 Voir Nur Masalha, « Le concept de « transfert » dans la doctrine et dans la pratique du mouvement sioniste »,
in « Le droit au retour. Le problème des réfugiés palestiniens », Textes réunis et présentés par Farouk Mardam-
Bey et Élias Sanbar, Actes Sud, Sindbab, Arles, 2002, p. 41.
76 Ibidem, p. 214.
49
« Sur aucun front, il n’a été émis d’ordres généraux en vue de chasser les populations
arabes. Mais les commandants de brigade, de bataillon et de compagnie, en octobre
1948, étaient en général d’avis que le mieux serait que l’État juif ait aussi peu d’Arabes
que possible… Les expulsions lorsqu’elles se produisirent, eurent généralement lieu à
l’initiative des commandants locaux. À ce qui précède, on doit ajouter le « facteur
atrocité » qui a joué un rôle majeur en précipitant la fuite de divers groupes de villages
musulmans de Galilée ainsi que de ad-Dawayima dans le Sud… Au total, les opérations
Hiram et Yoav ont transformé environ 100 000 -150 000 Arabes en réfugiés »77.
114. Entre novembre 1948 et Juillet 1949, d’autres expulsions seront le fait d’actions de
l’armée israélienne pour éliminer le plus possible la population arabe des zones frontalières ou
chasser les tribus Bédouines du Neguev. Le gouvernement israélien tente de minimiser ses
responsabilités dans la question des réfugiés palestiniens afin de ne pas compromettre sa
demande d’admission d’Israël aux Nations unies dont la date approche. Le nombre de réfugiés
palestiniens suite à la guerre de 1948-1949 a été selon l’UNRWA estimé à 800 000 à 900 000.
77 Ibidem, pp. 235-236.
50
Carte n° 7, L’expulsion des Palestiniens en 1948-1949, in « Quel État pour la Palestine ? » sous la direction de
Raphaël Porteilla, Jacques Fontaine, Philippe Icard, André Larceneux, L’Harmattan, Paris, 2011, cahier central,
figure 10
51
115. Les sionistes qui étaient aux commandes en Palestine pendant le mandat, n’avaient accepté
le plan de partage recommandé par les Nations Unies que comme une étape dans une extension
territoriale à venir. Leur projet visait également à gagner le contrôle des zones d'implantation
et de concentration juives qui étaient situées en dehors des frontières fixées à Israël par la
résolution de partage. Ce projet, mis en oeuvre avant même la fin du mandat britannique, devient
systématique à partir de mai-juin 1948. L’extension du territoire alloué à Israël par les Nations
Unies est bien au coeur du projet.
116. En 1948, le territoire sous la domination d’Israël passe alors des 56% de la Palestine
mandataire alloués à l’État juif par la résolution des Nations Unies, à 78%. Mais la politique
d’expulsion des Palestiniens de leurs villages et de leurs villes était aussi motivée par une
volonté d’accaparement de leurs biens. Le mouvement sioniste, avait montré depuis sa création
son avidité à s’emparer de terres palestiniennes. Il ne suffit pas à Israël d’avoir acquis le
« dominium » politique sur le territoire ainsi conquis par la force. Les responsables israéliens
ne se cachent pas d’avoir un projet de captation territoriale et de chercher à expulser de gré ou
de force les habitants arabes pour s’emparer des terres arabes et en distribuer la propriété à des
colons juifs.
117. Josef Weitz en sera l’artisan en tant que Directeur du Département de la terre au Fonds
National juif (FNJ), organisme chargé d’acheter les terrains nécessaires au développement du
projet sioniste. Il expose sans fard dans son journal, le lien entre l’accaparement des terres et la
nécessité d’expulsion des Arabes :
« Il doit être clair qu’il n’y a pas d’espace dans le pays pour deux peuples… Si les
Arabes s’en vont, le pays deviendra large et spacieux pour nous… La seule solution,
c’est la Terre d’Israël, au moins la partie occidentale de la Terre, sans Arabes. Il n’y a
pas de compromis possible sur ce point. Il n’y a pas d’autre moyen que de transférer les
Arabes d’ici vers les pays voisins, de les transférer tous, sauf peut-être ceux de
Bethléem, de Nazareth et de la vieille Jérusalem. Pas un village ne doit rester, pas une
tribu. Le transfert doit être organisé vers l’Irak, la Syrie et même la Transjordanie. Pour
cet objectif, les fonds doivent être trouvés. … Et c’est seulement après ce transfert que
52
le pays sera à même d’accueillir des millions de nos frères, et le problème juif cessera
d’exister. Il n’y a pas d’autre solution »78.
118. Le Gouvernement israélien adopte la Loi d’urgence relative aux propriétés des absents,
édictée le 30 juin 1948. Elle sera mise en oeuvre à partir du 31 mars 1950 et permet la
confiscation de 40% des terres palestiniennes, soit environ 16 millions de dunums (1, 6 millions
d’hectares). Sont considérés comme absents tous les Arabes ayant quitté leur lieu de résidence
habituelle entre le 29 novembre 1947 et le 1er septembre 1948. Leurs biens (maisons, terres,
troupeaux, etc.) pourront revenir à la garde des propriétés des absents79.
119. Les historiens font alors le constat suivant :
« Les habitations arabes abandonnées dans les villes ne sont pas …restées vides.
…L’existence de ces maisons arabes - vides et prêtes à être occupées – a, dans une large
mesure, résolu le plus grand problème immédiat auquel les autorités israéliennes
étaient confrontées pour l’absorption des immigrants. Elle a aussi diminué
considérablement le fardeau financier de leur intégration »80.
Le bilan de ces confiscations va permettre d’installer les colons juifs sur les terres ainsi
confisquées et les richesses appropriées à cette occasion vont servir à financer cette installation.
c) L’évolution politique de la situation et l’impuissance des Nations unies.
120. L’Assemblée générale qui n’avait pas de pouvoirs de décision, avait dans sa résolution
181 demandé au Conseil de sécurité de faire appliquer les dispositions territoriales esquissées.
Mais le refus arabe d’acquiescer à un partage considéré comme une violation massive des droits
du peuple palestinien, la situation de conflit armé qui prévalait en Palestine et les conquêtes
territoriales opérées par la force par Israël, rendaient impossible toute mesure visant à faire
appliquer le plan de partage.
121. Le Comte Bernadotte, chargé par l’Assemblée générale des Nations unies « de promouvoir
un ajustement pacifique de la situation future de la Palestine », ne fut pas en mesure d’organiser
78 Cité par Benny Morris, Op. Cit., p. 27.
79 Pour la définition des “absents », voir Ussama Rafik Halabi, « La Direction des biens des absents en Israël »,
in « Le droit au retour. Le problème des réfugiés palestiniens », Textes réunis et présentés par Farouk Mardam-
Bey et Élias Sanbar, Actes Sud, Sindbab, Arles, 2002, pp. 263-282.
80 Simha Flapan, « The Birth of Israel. Myths and Realities”, Croom Helm, Londres et Sydney, 1987, p.107.
53
des négociations entre les parties. Il obtint cependant une trêve provisoire et proposa alors un
autre plan de partage prévoyant un État arabe composé de la Transjordanie, plus les territoires
attribués à un État arabe par la résolution 181 mais avec des aménagements aux termes desquels
le Neguev revenait à l’État arabe alors que la Galilée revenait à Israël. C’est alors que
Bernadotte fut assassiné le 17 septembre 1948 par le Groupe Stern, l’une des organisations
juives terroristes qui opéraient ouvertement depuis la fin du mandat.
122. Mr Ralph Bunche, nommé médiateur par intérim, fut l’artisan des entretiens de Rhodes
qui aboutirent aux accords d’armistice signés avec les différents pays arabes en 1949. Ces
accords ne préjugeaient pas du règlement définitif du conflit. Et la question de l’attribution des
territoires desquels s’était retirée la puissance mandataire, n’avait alors pas de solution. La
région était totalement bouleversée par l’ampleur des déplacements de Palestiniens. Faisant face
à cette urgence, l’Assemblée générale des Nations unies adopte le 11 décembre 1948, la
résolution 194 par laquelle elle créait une Commission de conciliation sur la Palestine,
demandait la démilitarisation et l’internationalisation de Jérusalem et surtout, décidait du droit
au retour au profit des Palestiniens exilés :
« … qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers
le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent
être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer
dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé… »81.
123. La Commission de conciliation était confrontée aux trois problèmes que la situation de
sortie chaotique du mandat, suivie de la guerre israélo-arabe de 1948 avaient engendrés, celui
du territoire, celui du sort de Jérusalem et celui des réfugiés. Elle ne fut pas en conditions de
progresser sur aucun d’entre eux. Sur la question territoriale, Israël manifesta son intention très
déterminée de conserver les territoires conquis par la force en 1948 ainsi que la région de Gaza,
laissant la Rive occidentale sous administration jordanienne.
124. C’est dans ce contexte créé par le rapport de forces que le 29 novembre 1948, un an après
le vote de la résolution de partage, Israël demanda son admission à l’Organisation des Nations
unies. Cette demande fut d’abord rejetée par le Conseil de sécurité. Après qu’Israël ait donné
81 Annexe 17, Assemblée générale des Nations unies, résolution 194 (III) du 11 décembre 1948.
54
au cours des débats l’assurance qu’il respecterait les résolutions des Nations unies,82 son
admission fut acceptée le 11 mai 1949 avec une référence précise à l’engagement pris par cet
État d’accepter sans réserve les obligations découlant de la Charte.83
125. En dépit de la parole ainsi donnée, Israël appliqua immédiatement ses lois aux territoires
occupés en 1948, entérinant ainsi une annexion par la force. Il en alla de même de Jérusalem-
Ouest qui en janvier 1950 fut déclarée capitale d’Israël. Ces mesures n’avaient pour Israël aucun
caractère provisoire en dépit de l’absence de règlement international de la situation.
126. En 1950, la Jordanie (qui ne deviendra membre des Nations unies qu’en 1955), déclara la
Rive occidentale officiellement sous son contrôle en dépit de l’opposition des autres États
arabes.
127. La situation fut ensuite gelée pendant près de deux décennies. Une commission de
conciliation des Nations unies fut créée en janvier 1949. Ses efforts diplomatiques furent sans
succès. Son rôle se limita à des fonctions administratives comme la tenue de listes de biens de
réfugiés avec indication de leurs propriétaires, de comptes en banque bloqués, etc.
128. Le peuple palestinien, éclaté entre ceux restés sur le territoire israélien tel que fixé par la
résolution 181, ceux demeurés dans les parties arabes conquises par Israël en1948 et tous ceux
ayant fui, soit à Gaza, soit en Cisjordanie (alors sous administration jordanienne), soit encore
de l’autre côté du Jourdain, ou dans d’autres pays, s’en trouvaient inorganisés politiquement et
il fallut plusieurs années avant que n’apparaisse en 1964 l’Organisation de Libération de la
Palestine, comme mouvement politique de défense de leurs droits. Les États arabes qui avaient
voté contre le plan de partage en 1947, exigeaient alors d’Israël, mais sans succès, le retrait à
l’intérieur des limites fixées à l’État juif par ce plan.
129. L’Organisation des Nations unies aux prises avec la Guerre froide et les luttes de libération
nationale engagées par les peuples colonisés, eut pendant de longues années le regard porté
ailleurs. La guerre de Suez en 1956, sans lien direct avec la question palestinienne, avait
cependant contribué à cristalliser l’opposition entre Israël et ses alliés occidentaux d’une part
82 Annexe 18, « Déclaration acceptant les obligations de la Charte", Déclaration officielle du Ministre des
affaires étrangères du Gouvernement provisoire d'Israël, adressée au Secrétaire général de l'ONU, 29 novembre
1948, Nations Unies, Conseil de sécurité, S/1093.
83 Annexe 19, Assemblée générale, Résolution 273 (III) du 11 mai 1949.
55
et les pays arabes de l’autre. Le conflit latent pendant des années éclata sous forme militaire à
nouveau en 1967. Cette guerre est à l’origine de l’occupation militaire du territoire palestinien.
B - L’occupation militaire par Israël du Territoire palestinien et ses conséquences.
130. Les faits qui caractérisent la situation soumise à la Cour par les questions de l’Assemblée
générale à partir de 1967, se décomposent en trois périodes :
- la guerre de 1967 et l’occupation militaire par Israël de l’ensemble de la Palestine, y compris
Jérusalem (1) ;
- la première Intifada qui débute en 1987 et mène aux Accords d’Oslo de 1995 (2) ;
- l’échec du processus d’Oslo, les tentatives pour lui donner une suite avec la Feuille de route
et la dégradation continue de la situation (3).
1- La guerre de 1967 et l’occupation militaire par Israël de l’ensemble de la Palestine, y
compris Jérusalem.
131. En 1967 la guerre dite des Six jours et l’occupation de toute la Palestine par l’armée
israélienne, ouvre une nouvelle période. Elle est marquée par le rapport de forces militaires, (a)
par des modifications de la situation en termes de contrôle des territoires et de déplacements de
populations (b) et par les difficultés des Nations unies à faire respecter leurs décisions (c).
a) Les opérations militaires de 1967, celles de 1973 et des années suivantes.
132. La constitution de l’OLP avait été accompagnée de l’ouverture de camps d’entrainement
pour les Palestiniens. Entre 1964 et 1966, divers groupes (branche militaire de l’OLP, branche
militaire du Fath, branche palestinienne de Mouvement nationaliste arabe) engagent des actions
armées contre Israël. Suite à l’action militaire israélienne qui a été menée dans la partie
méridionale de la zone d'Hébron, le 13 novembre 1966, le Conseil de sécurité constate :
« ….. que cet incident constitue une action militaire de grande envergure et
soigneusement préparée des forces armées israéliennes en territoire jordanien,… »
56
Par cette résolution, il « censure » Israël pour cette violation de la Charte des Nations Unies et
de la Convention d’armistice avec la Jordanie84.
133. Les armées de la Syrie et de l’Égypte sont mises alors en état d’alerte. Le 20 mai 1967,
l’ensemble des États arabes se déclare solidaires en cas d’attaque contre l’un d’entre eux. Et le
22 mai 1967, Nasser annonce la fermeture du Détroit de Tiran, à quoi Israël répond qu’il
recourra à la force si nécessaire pour le faire réouvrir. Israël s’engage alors le 5 juin 1967 dans
une offensive dite « préventive », appelée depuis la Guerre des Six jours. En moins d'une
semaine, Israël tripla son emprise territoriale : l'Égypte perdit la bande de Gaza et la péninsule
du Sinaï, la Syrie fut amputée du plateau du Golan et la Jordanie de la Cisjordanie et
de Jérusalem-Est. Plus symbolique encore que la défaite arabe, fut la prise de la vieille ville de
Jérusalem le 7 juin 1967.
« Moins d’une semaine après la conquête de Jérusalem-Est, le 7 juin 1967, le Quartier
des Maghrébins datant du XIIè siècle et qui jouxte le Mur occidental et le Haram al-
Charif, ainsi que sa petite mosquée (zawiya) avaient disparu de la surface de la terre.
Arrivés avant l’aube, les bulldozers israéliens avaient encerclé le quartier, donnant aux
habitants trois heures pour évacuer leurs maisons…. Avant la fin du mois, le 28 juin
1967 exactement, les frontières de la municipalité de Jérusalem furent arbitrairement
élargies de six à soixante-treize kilomètres carrés et ce, aux dépens des territoires de
Cisjordanie occupée »85.
134. Dès le début de l’offensive israélienne, le Conseil de sécurité vote deux résolutions de
cessez-le-feu non suivies d’effet 86. Le 22 novembre 1967, par sa résolution 242, le Conseil de
sécurité demande le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent
conflit, le droit de chaque État de la région de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et
reconnues et un juste règlement du problème des réfugiés87.
84 Résolution 228 (1966) du 13 novembre 1966 du Conseil de sécurité.
85 Walid Khalidi, « Pour une solution juste et viable de la question de Jérusalem », in « Jérusalem, le sacré et le
politique », Textes réunis et présentés par Farouk Mardam-Bey et Élias Sanbar, Sindbad Actes Sud, Arles, 2000,
p. 336.
86 Résolutions 234 du 7 juin 1967 et 237 du 14 juin 1967.
87 Annexe 20, Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 242, 22 novembre 1967.
57
135. La guerre de 1967 a pour résultat que la totalité de la Palestine mandataire se trouve sous
occupation militaire d’Israël. Les organisations militaires palestiniennes se renforcent depuis la
Jordanie et le Liban où elles sont implantées et lancent des attaques, celle de Karamé en mars
1968 étant la plus importante. Et Israël maintient que l’hypothèse d’un retour aux frontières de
1967 est exclue.
« Même si un accord de paix est signé entre Israël et les États arabes, les forces
israéliennes ne se retireront jamais de Jérusalem, des hauteurs du Golan, de Gaza et de
Charm el-Cheikh »88.
136. Pendant l’été 1973, la presse laisse entendre qu’Israël envisageait délibérément l’annexion
des territoires occupés89. Et par un retournement inattendu dans le conflit israélo-arabe, long
déjà d’un quart de siècle, l’Égypte et la Syrie déclenchent le 6 octobre 1973 une guerre qui
portera le nom de Guerre du Kippour. Décidée dans le plus grand secret, mais précédée par un
accord syro-égyptien conclu au Caire le 12 septembre 197390, elle renverse la croyance alors
bien établie de la suprématie militaire israélienne dans la région. La guerre a pour but la
reconquête des territoires occupés par Israël en Égypte et en Syrie, mais aussi la restitution de
ses droits au peuple palestinien.
137. Israël est pris au dépourvu, ayant sous-estimé les capacités des armées arabes qui se sont
renforcées depuis 1967. Cependant, suite à une mobilisation de ses réservistes, l’armée
israélienne peut consolider puis améliorer ses positions. Le 22 octobre, le Conseil de sécurité
demande aux parties un cessez-le-feu immédiat, le retour sur leurs positions antérieures et
décide de la création d’une Force d’urgence91. En dépit de son déploiement, de nombreuses
88 Annexe 21, Déclaration de Golda Meier, première Ministre d’Israël, « Mme Meier affirme qu’Israël ne rendra
pas tous les territoires occupés « même si un accord de paix est signé avec les pays arabes » », Le Monde, 11
avril 1972.
89 Annexe 22, Déclarations du général Dayan, « Israël conservera les territoires occupés où des localités juives
auront été implantées », le Monde 23 août 1973.
90 Annexe 23 a, Éric Rouleau, « La guerre d’octobre ou la diplomatie du canon, I La chance de ne pas être
cru », Le Monde, 24 novembre 1973.
Annexe 23 b, Éric Rouleau, « La guerre d’octobre et la diplomatie du canon, II Les dédales de l’opération
« BADR » », Le Monde, 26 novembre 1973.
91 Résolutions 338 du 22 octobre 1973, 339 du 23 octobre 1973 et 340 du 25 octobre 1973.
58
violations du cessez-le-feu ont lieu dans les mois qui suivent. Du côté égyptien, le dégagement
a lieu en mars 1974, du côté syrien en juin.
b) Conséquences des opérations militaires de cette période en termes de contrôle des
territoires et de déplacements des populations.
138. En 1967, par l’utilisation de la force armée, Israël a occupé l’intégralité de la Cisjordanie
et va y pratiquer une politique du fait accompli. Les opérations militaires avaient entraîné un
nouvel afflux de réfugiés fuyant les combats. Et Israël va implanter systématiquement des
colonies de peuplement à des endroits considérés comme stratégiques. Cette occupation et sa
prolongation ont été réalisées en 1967 aux dépens du peuple palestinien de Cisjordanie qui était
sous administration de la Jordanie depuis 1950. L’État hébreu a occupé également la Bande de
Gaza, et cela au détriment du peuple palestinien de cette partie du territoire qui était sous
administration de l’Égypte.
139. Comme l’avait annoncé Golda Meier, l’injonction formulée par le Conseil de sécurité dans
la Résolution 242 du 22 novembre 1967 relative au retrait par Israël des territoires occupés, est
restée sans effet et cela jusqu’à nos jours en ce qui concerne la Cisjordanie92.
140. Près de 439 000 personnes forment alors de nouveaux réfugiés, dont près de la moitié
vivent leur deuxième exil, car la guerre de 1948 les avait déjà poussés à fuir. Sur ce nombre,
200 000 déplacés l’ont été sur ordre du Gouverneur israélien de la Cisjordanie, Haïm Herzog,
qui fut ensuite le président d’Israël de 1983 à 1993. L’intéressé lui-même a reconnu avoir
organisé le départ de ces Palestiniens vers la Jordanie dans une déclaration du 8 novembre 1991
reprise par l’Agence France Presse93.
141. La politique israélienne à l’égard de la population palestinienne sous occupation a été
relativement libérale dans les premières années. Elle s’est durcie progressivement, avec la
volonté d’Israël d’ignorer les obligations de la Quatrième Convention de Genève de 1949
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (alors qu’Israël en était
signataire depuis le 8 décembre 1949 et l’avait ratifiée le 17 décembre 1951). Israël a ignoré
également la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de
92 Pour ce qui est de Gaza évacué par Israël en 2003, mais maintenu sous blocus par l’armée israélienne, voir
plus loin, par. 184.
93 Annexe 24, Déclaration de Haïm Herzog, Président d’Israël, « Le Président Herzog reconnaît avoir organisé
le départ de 200 000 Palestiniens en 1967 », Le Monde, 10-11 novembre 1991.
59
conflit armé (alors qu’Israël en était signataire depuis le 14 mai1954 et l’avait ratifiée au 3
octobre 1957) .
142. L’autre volet de la politique israélienne, complémentaire de sa volonté d’expulser le plus
possible de Palestiniens des territoires occupés par la force, était d’implanter peu à peu le
maximum de colons juifs dans ces mêmes territoires. Dès l’été 1967, le gouvernement israélien
prépare un plan de colonisation sous le nom de plan Allon.
Carte n° 8, Le Plan Allon, (in Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, « Les frontières au Moyen-
Orient », L’Harmattan, Paris, 2004, p. 186).
60
La justification donnée à ce plan est dans la proximité des frontières de 1948 (correspondant à
des prises territoriales opérées par la force), notamment celles de l’Est, de la côte
méditerranéenne ce qui ne permet pas à Israël une profondeur stratégique suffisante.
143. En septembre 1973, le parti travailliste adopte le document Galili concernant la politique
à mener dans les territoires occupés. Une colonisation globale et systématique est envisagée.
Un sionisme politico-religieux se développe avec le « Goush Emounim », (Bloc de la foi), lequel
considère l’installation des Juifs sur la terre de Palestine comme un impératif religieux. Lorsque
Menahem Begin, leader du Likoud succède à Rabin en 1977, son programme politique est fondé
sur le projet de « Grand Israël » avec poursuite des colonies de peuplement et appropriations
foncières. La politique relative aux biens des « absents » appliquée aux Palestiniens ayant fui
en 1948, est appliquée à nouveau aux biens des réfugiés.
144. La colonisation en Cisjordanie et à Gaza s’accélère. Les sites des implantations sont choisis
de façon à fragmenter systématiquement les zones de fort peuplement palestinien. En octobre
1978, le plan Drobless est publié sous l’autorité politique d’Ariel Sharon, alors ministre de
l’Agriculture. Il s’agit d’un plan cadre pour le développement de la colonisation de peuplement
de la Cisjordanie. À partir de 1981, la population des colons en territoires occupés passe de 6
000 en 1977 à plus de 44 000 en 198494. En 1990, un gouvernement Shamir accorde aux
implantations juives en territoire palestinien des facilités fiscales, des prêts exceptionnels et des
subventions spéciales. En 1991, 13% des habitants des territoires occupés sont des colons juifs.
145. Cette politique continue de colonisation va de pair avec diverses techniques
d’accaparement des terres palestiniennes. Confisquer les terres et les déclarer interdites aux fins
d’entrainement militaire, les décréter terres du domaine public, les exproprier pour cause
d’utilité publique, ou les confisquer au prétexte d’y installer des réserves naturelles, tous ces
moyens sont utilisés alors par les autorités israéliennes. Ces enclaves israéliennes en territoire
palestinien, sont exclues de la législation s’appliquant dans le reste du territoire palestinien et
sont soumises au droit israélien.
c) L’évolution politique de la situation et le rôle des Nations unies jusqu’à la première
Intifada en décembre 1987.
94 Chiffres donnés par Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, « Les frontières au Moyen-Orient »,
L’Harmattan, Paris, 2004, p.199.
61
146. La politique du fait accompli menée par Israël dans le territoire palestinien occupé à partir
de 1967, a eu des conséquences d’abord dans la population palestinienne, celle de l’intérieur
comme celle en exil à l’extérieur, et ont donné une audience particulière dans toute la région
aux organisations palestiniennes. Celles-ci sont restées néanmoins dépendantes des États de la
région sur le territoire desquels elles étaient implantées.
147. Par sa résolution 237 du 14 juin 1967, le Conseil de sécurité priait le Gouvernement
israélien de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis de ces zones depuis le
déclenchement des hostilités et recommandait aux gouvernements intéressés de respecter
scrupuleusement les principes humanitaires régissant le traitement des prisonniers de guerre et
la protection des civils en temps de guerre, tels qu'énoncés dans les Conventions de Genève du
12 août 194995. Israël n’en tint aucun compte.
148. La résolution 242 du 22 novembre 1967 du Conseil de sécurité représentait une prise de
position claire de l’Organisation des Nations unies, d’autant plus qu’elle avait été adoptée à
l’unanimité96 . Israël l’ignora comme les précédentes. Le désaccord indépassable entre les
Parties à propos du préalable du retrait israélien des territoires occupés, point sur lequel la
position d’Israël restait inflexible, engendre alors une situation confuse marquée par des accès
de violence.
149. Dans les années qui suivent la Guerre des Six jours, l’Assemblée générale se prononce à
plusieurs reprises sur la question palestinienne. Dans sa résolution 2452 A, s’adressant
directement au gouvernement d’Israël, elle
« … le prie de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis »97.
En 1968, elle crée un Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant
les droits de l’homme dans les territoires occupés. Mais Israël refusa à ce Comité l’autorisation
de se rendre sur les lieux. En 1969, l’Assemblée générale affirme la nécessité d’un respect
intégral des droits inaliénables du peuple de Palestine98. En 1973, elle se prononce sur
95 Conseil de sécurité, Résolution 237 du 14 juin 1967, supra, note 91.
96 Voir Annexe 20.
97 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 2452 (XXIII) du 19 décembre 1968.
98 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 2535 B (XIV) du 10 décembre 1969.
62
« … la légitimité de la lutte des peuples pour se libérer de la domination coloniale et
étrangère et de l’emprise étrangère par tous les moyens en leur pouvoir, y compris la
lutte armée » 99.
En 1974, l’OLP fut invitée à participer à titre d’observateur aux travaux de l’Assemblée
générale. En 1975, un Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien fut
constitué et chargé de mettre sur pied un programme d’application de ces droits.
150. Contestant la politique israélienne de colonisation, le Conseil de sécurité dans une
résolution de 1979, demande à Israël de respecter la Convention de Genève de 1949 sur la
protection des personnes civiles en temps de guerre. Il exigeait d’Israël :
« …de rapporter les mesures qui ont déjà été prises et de s'abstenir de toute mesure qui
modifierait le statut juridique et le caractère géographique des territoires arabes
occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, et influerait sensiblement sur leur
composition démographique, et, en particulier, de ne pas transférer des éléments de sa
propre population civile dans les territoires arabes occupés ; » 100.
Dans la même résolution, le Conseil de sécurité décidait de la création d’une Commission
chargée d’étudier la situation concernant les colonies de peuplement dans les territoires arabes
occupés depuis 1967, y compris Jérusalem. Cette Commission ne parvint pas à obtenir la
coopération du Gouvernement israélien.
151. En mars 1982, des manifestations se produisent dans plusieurs villes de la rive occidentale
suite à la destitution du maire et des autorités municipales de El Bireh par les autorités
israéliennes d’occupation. En dépit de ces réactions de la population, les autorités israéliennes
destituent également les maires de Naplouse et de Ramallah. Les nouvelles protestations de la
population palestinienne entraînent l’intervention de l’armée israélienne.
152. En 1983, devant la gravité de la situation due à l’invasion du Liban par Israël, aux
massacres de Sabra et Chatila et à l’annexion rampante de la Cisjordanie, l’Assemblée générale
décide de convoquer à Genève, du 29 août au 7 septembre 1983, une Conférence internationale
99 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 3070 (XXVIII) du 30 novembre 1973.
100 Conseil de sécurité, Résolution 446 (1979) du 22 mars 1979.
63
sur la question de Palestine. Elle adopte une Déclaration de principes directeurs devant servir
de base à une action internationale concertée en vue de régler la question de Palestine101.
153. Dans les mois et les années qui suivent, la situation en Palestine ne cesse de se dégrader.
Israël persiste dans sa politique de judaïsation systématique du territoire palestinien occupé.
L’État hébreu s’appuie sur une réglementation d’urgence qu’il applique à travers la
multiplication des arrestations, la détention de nombreux civils, ou des mesures de détention
administrative102. Malgré les préoccupations de la communauté internationale et l’espoir de la
réunion d’une Conférence internationale à ce sujet, les incidents s’aggravent en 1987 et
débouchent sur la première Intifada qui marque une nouvelle période.
2 – La première Intifada en 1987 et la marche vers les Accords d’Oslo en 1995.
154. L’Intifada ou révolte des pierres débute le 9 décembre 1987. Elle va bouleverser les
données politiques relatives à la Palestine dans tous les domaines (a). L’ampleur de ces
bouleversements ouvre la voie à des démarches diplomatiques qui aboutiront à l’ébauche d’un
règlement politique qui se cristallisera plusieurs années plus tard avec les Accords d’Oslo (b).
a) Les bouleversements engendrés par la première Intifada.
155. Le mouvement a été déclenché par la mort de quatre Palestiniens dans un accident survenu
entre un taxi collectif palestinien et un camion israélien dans la Bande de Gaza. En quelques
jours, l’embrasement est général. Les villes, les villages, les camps de réfugiés sont alors
touchés par une action spontanée qui va rapidement s’organiser. C’est une démonstration du
déséquilibre des forces. Des manifestants sans armes, et pour la plupart très jeunes, attaquent
avec des pierres une armée hautement équipée. Une « direction patriotique unifiée de l’Intifada
» est créée et publie un premier communiqué le 4 janvier 1988. La population palestinienne
s’organise en comités locaux qui gèrent les différents aspects du mouvement : manifestations
massives, grèves, boycottage des produits israéliens, refus de payer les taxes israéliennes,
diverses formes de désobéissance civile. Ils organisent aussi la solidarité qui va permettre à la
population de survivre. Itzhak Rabin, ministre de la Défense décrète l’état
101 Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 13 décembre 1983 38/58 C
102 Annexe 25, Assemblée générale des Nations unies, Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les
pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires
occupés, 3 octobre 2022, A/77/501.
64
d’urgence afin « de mater par tous les moyens la subversion »103. Il ordonne à ses soldats de
briser les os des manifestants, ce qui est appliqué à la lettre. Des images sont diffusées par CBS.
156. L’ampleur du mouvement s’explique par la situation faite aux Palestiniens depuis des
années : confiscation de terres, accaparement de 70% des ressources en eau, développement
systématique des colonies juives, mesures de harcèlement et de répression, aggravation du
chômage (qui touche alors 60% de la population active).
« L’Intifada, ou soulèvement, est, à son origine, totalement spontané. La politique
israélienne de pressions multiples a dépassé le point d’équilibre où la peur de la
répression ne compense plus la désespérance en l’avenir »104.
Le mouvement bénéficie alors de l’unité politique qui s’est exprimée lors du Conseil national
palestinien tenu à Alger en avril 1987.
157. Cette révolte va déclencher une vague de solidarité de la part des Arabes israéliens qui
observent une grève générale dès le 21 décembre 1987. Et si, en Israël, il renforce le camp ultra
nationaliste partisan de la répression de l’Intifada par la force, il suscite dans la partie plus
modérée de la société israélienne le désir d’en arriver à une solution politique négociée.
Toutefois, les élections israéliennes du 1er novembre 1988 marquent un durcissement.
158. Mais, parallèlement, le Conseil national palestinien réuni à Alger en novembre 1988,
reconnaît le droit d’Israël à l’existence et à la sécurité105. Cette offensive de paix va ouvrir la
voie à un dialogue entre les États-Unis et l’OLP, tandis que les bureaux de l’organisation
palestinienne dans différents États européens sont élevés au rang de délégations et que des
dizaines de pays reconnaissent la Palestine comme État. L’Assemblée générale des Nations
unies dans une résolution du 15 décembre 1988 prend acte de la proclamation de la Palestine et
décide que la désignation « Palestine » sera désormais employée au sein des Nations unies106.
103 Annexe 26, Déclaration d’Itzhak Rabin, Ministre de la Défense d’Israël, « Le gouvernement israélien a
approuvé l’installation de colons dans un quartier arabe de Jérusalem », Le Monde, 10 décembre1991.
104 Henry Laurens, « Le grand jeu, Orient arabe et rivalité internationale depuis 1945 », Paris, Armand Colin,
1991, p. 382.
105 Annexe 27, Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations unies, Déclaration d’indépendance de
l’État de Palestine, 18novembre 1988., A/43/827 S/20278, Annexe III, pp. 13-16.
106 Résolution 43/177 du 15 décembre 1988 de l’Assemblée générale des Nations unies.
65
159. Bien avant le déclenchement de l’Intifada, dès la fin des années 60, des contacts avaient
été établis entre représentants palestiniens et membres du Parti communiste israélien Rakah. En
1981, un plan de paix du roi Fahd d’Arabie circule, mais l’invasion du Liban par Israël détourne
l’attention. En 1983, une Conférence internationale sur la question de Palestine, longtemps
réclamée par les Nations unies, s’ouvre enfin à Genève et favorise à nouveau les rencontres. La
révolte des pierres dans les territoires occupés ne freine pas ces contacts.
160. Lors de la tenue à Genève de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 1988,
Yasser Arafat affirme reconnaître l’existence d’Israël et renoncer au terrorisme. En mai, à Paris,
il déclare que l’article de la Charte nationale palestinienne qui appelle à la destruction d’Israël,
est « caduc ». En 1990/91, la suprématie américaine affirmée par la première Guerre du Golfe,
et l’attitude personnelle et déterminée de James Baker, permettront l’ouverture d’une
conférence de paix israélo-palestinienne à Madrid le 30 octobre 1991. Elle réunit Israël, la Syrie,
l’Égypte et la Jordanie. La délégation palestinienne est incluse comme une « équipe » dans la
délégation jordanienne. Le processus devant conduire aux Accords d’Oslo est alors engagé.
b) L’ébauche d’un règlement politique et sa cristallisation dans les Accords d’Oslo.
161. Suite à la Conférence de Madrid, des négociations débutent à Washington le 10 décembre
1991 et ont pour objectif l’application des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité.
Jusqu’en 1993, les pourparlers connaissent une intense activité à laquelle les Palestiniens sont
associés. Alors que le Gouvernement d’Yitzhak Shamir fait traîner les pourparlers tout en
renforçant la répression dans les territoires, l’arrivée au pouvoir des travaillistes en Israël permet
une stratégie plus constructive et l’ouverture de canaux de négociations. Le 15 janvier 1993,
Israël abroge la loi du 6 août 1986 par laquelle les contacts entre Israël et l’OLP étaient interdits.
162. C’est ainsi qu’un Accord intérimaire de paix est signé à Washington le 13 septembre 1993
par Shimon Pérès et Abou Mazen, suivi d’une poignée de mains entre Yitzhak Rabin et Yasser
Arafat. Ce geste illustre la reconnaissance réciproque et simultanée entre Israël et le
66
représentant du peuple palestinien. Cette reconnaissance mutuelle est consignée dans un
échange de lettres datées toutes deux du 9 septembre 1993107.
163. Pendant une période intérimaire de cinq ans, un auto-gouvernement provisoire sera
constitué qui débouchera ensuite sur le « statut permanent » des territoires occupés 108. Cet
auto-gouvernement disposera de la totalité des pouvoirs, hormis la sécurité extérieure et les
Affaires étrangères. Toutefois les citoyens israéliens présents en Palestine échappent à l’autorité
palestinienne et les routes servant d’accès aux colonies israéliennes sont placées sous contrôle
israélien. Des élections générales et démocratiques sont prévues en juillet 1994 pour désigner
le Conseil palestinien. L’accord prévoit qu’Israël se retire de la zone de Jéricho et de la Bande
de Gaza dès la signature. Le redéploiement de son armée hors des zones peuplées dans
l’ensemble des territoires occupés aura lieu au plus tard à la veille des élections. Une
Commission composée de la Jordanie, de l’Égypte, d’Israël et des Palestiniens, négociera les
modalités et le rythme du retour des Palestiniens déplacés en 1967 vers les pays arabes. Il était
prévu que les négociations sur le statut définitif commenceront au plus tard au début de la
troisième année de la période transitoire.
164. Les difficultés apparurent rapidement sur l’impossibilité de tenir les délais prévus. Ce fut
notamment le cas pour les dispositions concernant la zone de Jéricho et la Bande de Gaza.
L’accord sur ces deux zones, prévu pour le 12 décembre 1993, ne fut signé que le 4 mai 1994.
Toutefois, quelques mois plus tard, un nouvel accord intérimaire est conclu à Washington le 28
septembre 1995 qui organise l’autonomie pour l’ensemble de la Cisjordanie et de Gaza109.
165. Le nouvel accord intérimaire organise un véritable transfert de pouvoirs importants aux
nouvelles institutions de Cisjordanie et de Gaza. Ce transfert est exprimé dans un texte
prolifique (29 pages et 7 annexes de plus de 300 pages). Les parties s’entendent sur des mesures
107 Annexe 28, Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nation unies, Lettres de reconnaissance mutuelle
échangées entre Israël et la Palestine du 9 septembre 1993, 7 mars 2001, A/55/823 S/2001/197, Annexe I, pp. 3-
4.
108 Annexe 29, Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations unies, Déclaration de principes sur des
Arrangements intérimaires d’autonomie, 11 octobre 1993, A/48/486 S/26560, Annexe, pp. 4-8.
109 Annexe 30, Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations unies, Accord intérimaire israélopalestinien
sur la Rive occidentale et la bande de Gaza du 28 septembre 1995, 5 mai 1997, A/51/889 S/1997/357,
Annexe, pp. 4-29.
67
provisoires, mais elles affirment leur volonté de négocier un accord permanent qui devra
prendre effet à partir du 4 mai 1999.
166. Les pouvoirs du Conseil palestinien sont des pouvoirs d’attribution, Israël gardant la
compétence pour tous les pouvoirs non expressément transférés. Si le Conseil palestinien a bien
juridiction sur l’ensemble du territoire occupé, la division de ce territoire en trois zones
différenciées restreint en réalité considérablement ses compétences. La zone A concerne des
zones peuplées et dépourvues de colonies israéliennes. Le transfert des pouvoirs y est prévu dès
la première phase. Dans la zone B où se trouvent des intérêts israéliens, le transfert est étalé sur
18 mois et même si un retrait complet des forces israéliennes est prévu, des patrouilles
homogènes, ou parfois mixtes, peuvent être prévues. Enfin, dans la zone C où Israël a mis en
place des installations militaires, ou développé des colonies juives, les questions qui concernent
ces colonies, ces installations, mais aussi les frontières, Jérusalem et les réfugiés, restent de la
compétence d’Israël et seront négociées dans le cadre du statut permanent. Il s’agit, on le voit
des problèmes les plus sensibles, de ceux dont dépendait la réalité de l’autodétermination des
Palestiniens.
68
Carte n° 9, Le Monde diplomatique, Archives municipales de Jérusalem, département des plans urbains ;
administration civile Bet El, plan routier « arc-en-ciel », 1994-1995 ; Yedioth Aharonot, 6 octobre 1995 ; texte
officiel des accords d’Oslo I
69
167. Comme dans le premier accord de 1993, en matière de personnes, la juridiction
palestinienne ne s’étend pas aux Israéliens, notamment les colons résidant en territoire occupé.
Ceux-ci relèvent directement de la juridiction d’Israël. Et Israël garde le contrôle des frontières.
Dans les domaines économique et financier, les responsables palestiniens jouissent d'une
véritable autonomie. Toutefois, Israël garde un pouvoir de tutelle, car il peut intervenir à tout
moment dans ces domaines pour des raisons de « sécurité ».
168. Cette organisation territoriale complexe, négociée dans des accords qui représentaient pour
le peuple de Palestine un pas vers l’autonomie, étape à leurs yeux vers l’autodétermination, et
les bouclages imposés fréquemment par l’armée israélienne, ont eu pour conséquence
paradoxale que la population a considéré alors que la situation avait empiré. C’est dans ce
contexte qu’intervient l’assassinat d’Itzhak Rabin le novembre 1995 par un extrémiste juif
opposé aux Accords d’Oslo.
169. Les élections du premier Conseil palestinien eurent lieu le 20 janvier 1996, en même temps
que celle du président de l’Autorité palestinienne. Elles furent remportées par l’OLP et sa
principale composante, le Fatah, et Yasser Arafat fut élu président de l’Autorité palestinienne.
Ces nouvelles institutions palestiniennes bénéficient d’une autonomie étroitement contrôlée. Le
mot « État » n’apparaît pas et il n’est pas question de souveraineté. L’autonomie est étroitement
limitée et surveillée par une véritable tutelle de l’État hébreu.
170. Les avancées fragiles des accords de 1993, puis de 1995, supposaient une dynamique
positive. Mais les élections israéliennes du 29 mai 1996, en ramenant au pouvoir une coalition
de droite dirigée par le Likoud avec pour leader Benjamin Netanyahou, a provoqué un
raidissement de la partie israélienne. Près de deux décennies plus tard, tout indique que le
processus amorcé a été enrayé.
3 - L’échec du processus d’Oslo, les tentatives pour lui donner une suite avec la Feuille de
route et la dégradation continue de la situation en Palestine.
171. À partir de 1995, et contrairement à ce qui avait été prévu dans les Accords de 1993 puis
de 1995, la dynamique de paix s’est enrayée. Le Gouvernement des États-Unis, soucieux pour
l’image de sa politique extérieure, de pouvoir se prévaloir d’avancées sur le dossier de la
Palestine, va provoquer plusieurs réunions diplomatiques. Leurs résultats font parfois renaître
l’espoir d’une possibilité de règlement (a). Toutefois, la poursuite par Israël de sa politique de
colonisation et de répression ne permet aucune avancée significative (b).
70
a) Des tentatives diplomatiques infructueuses.
172. À partir de 1995, les négociations se succèdent entérinant le même résultat, à savoir le
report à plus tard des engagements annoncés. Les réunions d’Hébron en janvier 1997, de Wye
River en octobre 1998, sont l’occasion de la réaffirmation rituelle de la volonté commune
d’aboutir au statut permanent, en même temps que celui-ci est indéfiniment repoussé, et alors
même que, dès le début des négociations, la conclusion d’un accord permanent avait été prévu
pour 1999 110.
Carte n° 10, La Palestine à la veille de la seconde Intifada en septembre 2000, tirée de Alain Gresh, « Israël,
Palestine, Vérités sur un conflit » Fayard, Paris, 2002, Cahier central
110 Voir Annexe 29, Déclaration de principes sur les Arrangements intérimaires de 1993, article V, par. 1.
71
173. À Charm-El-Cheikh en septembre 1999, les choses semblèrent un peu différentes en raison
de l’élection d’Ehud Barack comme premier ministre travailliste d’Israël, lequel semblait
décidé à donner un nouvel élan au processus de paix. Le bilan fut néanmoins particulièrement
mince. L’autonomie palestinienne qui devait s’étendre progressivement à l’ensemble du
territoire occupé par Israël, reste alors cantonnée à un territoire bien inférieur à ce qui avait été
prévu. Il est formé de lambeaux de terres sans continuité. L’Autorité palestinienne ne contrôle
alors vraiment que la zone A qui représente 3% du territoire englobant 26% de la population
palestinienne. La zone B (sous contrôle mixte) s’étend sur 27% du territoire avec 70% de la
population palestinienne et la zone C qui couvre le reste est entièrement sous contrôle israélien.
Le redéploiement prévu à Charm-El-Cheikh n’augmentera le contrôle par les Palestiniens que
de 13% du territoire. La question d’un passage protégé entre Gaza et la Cisjordanie, question
décisive dans la mesure où les Accords reconnaissaient qu’il s’agissait d’un territoire intégré,
ne fait alors l’objet que d’une décision décevante. En effet, ce passage accepté n’est toutefois
pas ouvert en permanence et les candidats à l’entrée ou à la sortie font l’objet d’un contrôle
strict.
174. Sur la question décisive de l’aboutissement à un État palestinien dans l’accord permanent,
le résultat de la rencontre de Charm-El-Cheikh est mitigé. La démarche est scindée en deux
temps : un accord cadre doit intervenir en février 2000 fixant les principes sur tous les sujets en
suspens : sort des colonies, fixation des frontières, statut de Jérusalem, retour de réfugiés,
gestion de la sécurité. Et l’accord définitif est attendu en septembre 2000.
175. Mais l’année 2000 renforcera les déceptions. Le redéploiement israélien piétine. Les États-
Unis tentent de forcer les choses et organisent les négociations de Camp David du 11 au 25
juillet 2000. Mais l’entente est impossible sur le retour des réfugiés et surtout sur Jérusalem,
Israël jugeant irrecevable la demande palestinienne de la souveraineté sur la partie Est et surtout
sur l’Esplanade des Mosquées. Une déclaration commune des Parties rappelle leur volonté
d’aboutir à un accord111. Mais les prétentions d’Israël rendent celui-ci impossible.
111 Annexe 31, Déclaration commune israélo-palestinienne, George Marion, « Sans avoir abouti, le sommet de
Camp David a levé de nombreux tabous », Le Monde, 27 juillet 2000.
72
Carte n° 11, Statut final de la Cisjordanie présentée par Israël en mai 2000, in Tanya Reinhart, « Détruire la
Palestine ou comment terminer la guerre de 1948 », La Fabrique éditions, Paris,2002, p. 33
176. Illustrant la détermination des Israéliens à ne rien céder sur Jérusalem, Ariel Sharon en se
rendant sur l’Esplanade des Mosquées le 28 septembre 2000 déclenche une seconde Intifada.
La violence s’exacerbe et l’on compte 350 morts et plusieurs milliers de blessés à la fin de
l’année 2000. En dépit de ce climat, la médiation américaine se poursuit et aboutit aux
« Propositions Clinton ». Elles représentent des avancées, d’une part sur Jérusalem dans la
mesure où le président américain propose la reconnaissance de la souveraineté palestinienne
sur l’Esplanade des Mosquées ainsi que sur les zones de la ville à peuplement arabe, et d’autre
part sur le territoire puisque la restitution doit porter sur 90% de la Cisjordanie, 100% de la
73
Bande de Gaza et assurer la continuité territoriale112. Il restait cependant la question irréductible
du retour des réfugiés.
177. Bien qu’il y ait eu de réels progrès dans ces propositions, leur venue tardive, la dégradation
du climat sur place et le fait que le président américain était en fin de mandat, ne permirent pas
une conclusion positive. Deux réunions tentées à Taba fin décembre 2000, puis à la frontière
égyptienne du 21 au 24 janvier 2001, au cours desquels il sembla qu’un accord était enfin
possible, ne permirent pas de conclure.
« Déjà moribond depuis plusieurs années, le processus de paix d’Oslo n’a plus
désormais, ni réalité, ni avenir : le cheminement concerté vers une autonomie assise sur
une base territoriale viable est abandonné, comme aussi bien la perspective d’une issue,
naturelle en quelque sorte, vers un État indépendant accepté par tous »113.
178. L’Autorité palestinienne a fait alors en 2000 et 2001 l’objet d’attaques d’une rare violence.
Les principales infrastructures, souvent construites avec l’aide européenne ont été atteintes :
installations de la radio et de la télévision, aéroport et port de Gaza, bâtiments publics, prisons,
câbles du téléphone et de l’électricité, ont été fortement endommagés. Selon une évaluation de
la Commission européenne, 13,851 millions d’Euros d’aides européennes auraient été réduites
à néant 114. L’économie palestinienne a été étranglée par les retards incessants et parfois même
les refus de versements par Israël des sommes dues au titre des taxes perçues pour le compte de
l’Autorité palestinienne.
179. Le troisième redéploiement d’Israël n’a pas eu lieu, alors que les colonies et leurs voies
d’accès se développaient. L’autonomie de l’Autorité palestinienne qui devait être la plus large
possible sur la zone A, a été réduite à néant par les intrusions de l’armée israélienne. La
privation de liberté à laquelle le président de l’Autorité palestinienne a été soumis à partir de la
fin de 2001 a scellé toute possibilité de reprise des négociations. Face à la montée des violences
et suite à l’incursion israélienne à l’intérieur du camp de Jénin, le Conseil de sécurité demande
112 Annexe 32, Texte des Propositions Clinton, « Les propositions de Bill Clinton aux négociateurs palestiniens
et israéliens » le Monde, 4 janvier 2001.
113 Alain Bockel, « Le pari perdu d’Oslo : le règlement du conflit israélo-palestinien dans l’impasse », Annuaire
Français de Droit International, 2000, p. 136.
114 Annexe 33, Jean Quatremer, « L’Europe chiffre les destructions israéliennes », Libération, 22 janvier 2001.
74
en avril 2002, la constitution d’une Commission d’établissement des faits 115 . Mais cette
demande fut refusée par Israël.
180. À partir de mars 2002, Ariel Sharon lance l’opération Mur de protection, décidant ainsi de
l’édification d’une barrière sur un tracé mordant en partie sur le territoire palestinien occupé.
Cette construction fut ensuite déclarée illégale par la Cour internationale de justice à l’occasion
d’un avis consultatif116. Israël en a néanmoins poursuivi activement l’édification.
181. Devant l’enlisement de la situation, le nouveau Président américain, Georges B.W. Bush,
dans un discours du 24 juin 2002, veut relancer une initiative pour la paix dans ce conflit. Un
Quartet composé des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et des Nations unies. Il
produira un document appelé Feuille de route publié le 30 avril 2003117. Le document est
accepté par les Parties, non sans réserve cependant de la part d’Israël. Il est entériné par le
Conseil de sécurité le 19 novembre 2003118. Comme les Accords intérimaires de 1993 et de
1995, celui-ci prévoit un processus par étapes avec pour objectif la coexistence de deux États
démocratiques et viables. Des engagements parallèles et simultanés des deux parties sur la
sécurité et les institutions doivent permettre des avancées. Et un mécanisme d’évaluation et de
surveillance indépendant doit superviser la démarche.
182. Mais le cycle infernal des attentats et des représailles se poursuit. En dépit de l’acceptation
donnée du bout des lèvres par les Israéliens (avec 14 réserves qui en ruinaient la logique), le
nouveau plan n’était pas compatible avec le projet permanent d’Israël :
« … tracer soi-même les frontières du pays, en englobant le maximum de terres pour
des raisons sécuritaires, économiques ou idéologiques et religieuses, et en excluant le
maximum d’habitants non-juifs »119.
115 Résolution du Conseil de sécurité 1405 du 29 avril 2002.
116 CIJ. Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. Avis consultatif
du 9 juillet 2004, Recueil, pp. 136-203.
117 Annexe 34, Conseil de sécurité des Nations Unies, « Feuille de route axée sur des résultats en vue d’un
règlement permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États », 7 mai 2003, S/2003/529, Annex.
118 Conseil de sécurité, Résolution 1515 du 19 novembre 2003
119 Alain Bockel, « Le retrait israélien de Gaza et ses conséquences sur le droit international », Annuaire
français de droit international, 2005, p. 19.
75
183. À rebours de ces tentatives positives de règlement du conflit, Ariel Sharon fait alors le
choix d’une politique unilatérale avec la décision de retrait de Gaza. Il s’agit d’un redéploiement
des colonies dans la perspective d’une nette séparation d’avec les Arabes. Sont concernées
toutes les colonies juives de Gaza mais aussi 4 petites colonies du nord de la Cisjordanie
coincées entre des zones de peuplement palestinien dans la région de Jenin. Annoncé de longs
mois à l’avance, ce plan de retrait sera finalement approuvé par le Quartet. Toutefois celui-ci
soumet son approbation à des conditions qui ne furent pas respectées (ne pas accroître les
colonies en Cisjordanie, libérer les prisonniers palestiniens, ralentir la construction du mur de
séparation). Le retrait sera mis oeuvre en août 2005 avec une forte publicité.
184. S’il y a bien eu démantèlement des colonies juives et retrait des forces armées israéliennes
de la Bande de Gaza, ce territoire n’était pas rendu pour autant à une véritable autonomie. La
Bande de Gaza doit être exempte d’armes, l’État d’Israël garde le contrôle du périmètre terrestre
extérieur de ce territoire, il domine de façon exclusive l’espace aérien et poursuit ses activités
dans l’espace maritime. Toutes les communications avec l’extérieur sont sous le contrôle
d’Israël. Il a été obtenu (sur insistance des États-Unis) que l’Autorité palestinienne ait la gestion
du poste frontière avec l’Égypte. Dès décembre 2005, une zone de sécurité de un kilomètre de
large est instaurée dans la partie nord de la Bande de Gaza. Elle est clôturée et toute circulation
y est interdite.
185. Alors qu’il avait été reconnu dans les Accords intérimaires de 1993 que la Cisjordanie et
Gaza formaient un territoire unique et que ces deux territoires constituaient ensemble l’entité
palestinienne, leur séparation physique et leur situation différente face à Israël n’ont cessé de
les éloigner l’une de l’autre. La Cisjordanie est une sorte d’archipel aux multiples fragments
isolés les uns des autres. Gaza est une « île-prison »120 verrouillée par une clôture électrifiée.
186. La montée en puissance politique du Hamas sur le territoire gazaoui, alors que ce
mouvement ne reconnaît pas Israël, alla de pair à partir de 2006, avec un accroissement de la
violence. Et Gaza va se trouver soumis à un blocus israélien à partir de 2007. Depuis lors, les
tirs de roquettes depuis Gaza ont déclenché des bombardements et raids israéliens extrêmement
destructeurs et frappant la population civile de Gaza de manière meurtrière, alors que la Bande
de Gaza est toujours partie du Territoire palestinien occupé.
120 Selon la formule d’Alain Bockel, in « Gaza : le processus de paix en question », Annuaire français de droit
international, 2009, p. 175.
76
187. À l’opération Plomb durci conduite par Israël sur Gaza de décembre 2008 à janvier 2009,
a succédé l’opération Pilier de défense en 2012, puis Bordure protectrice du 8 juillet au 26 août
2014. Cette dernière, la plus dure contre ce territoire, a fait 1500 victimes civiles et 12 000
blessés palestiniens selon les chiffres du Bureau des Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés121. La Palestine dépose alors
auprès du Secrétaire général des Nations unies le 2 janvier 2015, son instrument d’adhésion au
Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale et elle saisit cette Cour d’une
demande d’enquête relative aux crimes de guerre imputés à Israël.
188. Les États-Unis qui avaient eu un rôle positif lors des quelques avancées vers la paix du
début des années 2000, vont à partir de 2017, jouer un rôle négatif. À cette date, le président
des États-Unis, Donald Trump, décide de transférer à Jérusalem l’ambassade des États-Unis en
Israël, reconnaissant cette ville comme capitale d’Israël. Donnant ainsi une légitimé à une
prétention d’Israël jusqu’alors condamnée par la communauté internationale, le Gouvernement
des États-Unis s’est mis en rupture avec le droit international maintes fois réaffirmé par les
Nations Unies. Il est vrai que le Congrès des États-Unis avait voté dès 1995, le Jerusalem
Embassy Act, en vertu duquel la Ville sainte devait être reconnue comme la capitale de l’État
hébreu et l’Ambassade américaine y être transférée122. La concrétisation de ce projet en 2017
fut dénoncée par l’Organisation de la coopération islamique le 13 décembre 2017 comme une
attaque contre les droits historiques, juridiques, naturels et historiques du peuple palestinien123.
189. La dégradation continue de la situation a pour résultat aujourd’hui que toute perspective
de paix est au point mort. Certes, l’État de Palestine proclamé en 1988, a été admis comme État
à l’UNESCO en 2011 et a été reconnu comme État par l’Assemblée générale des Nations unies
le 29 novembre 2012, bien que ce soit comme État non-membre 124. Il ne dispose cependant en
aucune manière des droits et pouvoirs d’un État. Ceux-ci lui sont refusés de manière
121 Laurent Trigeaud, « L’opération Bordure protectrice menée par Israêl dans la Bande de Gaza (8 juillet-26
août 2014) », Annuaire français de droit international, 2014, pp. 171-194.
122 Annexe 35, Jerusalem Embassy act, 8 novembre 1995, Public Law 104-45, 104th Congress, Legislative
History, S. 1322, Congressionnal Record, vol. 141, 1995.
123 Annexe 36, “Final communique of the extraordinary islamic summit conference to consider the situation in
the wake of the U.S. administration’s recognition of the city of al-Qods al-Sharif as the so-called capital of
Israel, the occupying power, and the transfer of the U. S. embassy to al-Qods”, OCI/EX-CFM/2017/PAL/FC.
124 Assemblée générale des Nations Unies, Résolution A/RES/67/19 du 29 novembre 2012.
77
systématique par Israël, puissance occupante depuis 56 ans. Et, allant plus loin, le ministre de
la Défense d’Israël, Smotrich, de passage à Paris le 21 mars 2023, y a déclaré que le peuple
palestinien n’existait pas125. Il renie ainsi les lettres de reconnaissance mutuelle signées le 9
septembre 1993 par Israël et l’OLP.126
b) Une politique israélienne continue de colonisation et de répression.
190. Il était dans la logique des Accords d’Oslo et de l’objectif de paix affiché qu’il y ait à
partir de leur signature, un reflux de la colonisation israélienne dans les territoires occupés.
Mais l’accord intérimaire de 1995 n’avait pas inscrit expressément que le processus de paix
supposerait l’arrêt immédiat de toute colonisation. Israël n’a fait alors que confirmer son
emprise. Le partage en trois zones, lui a permis de garder la maîtrise d’une partie considérable
du territoire occupé. La zone A dans laquelle l’Autorité palestinienne est censée exercer son
contrôle, ne représente que 18% de la superficie de la Cisjordanie, alors que la zone C sur
laquelle Israël a pleine juridiction porte sur 60% de ce territoire, sachant que sur la zone B qui
couvre le reste du territoire, le contrôle israélien reste fort.
191. Mais c’est surtout par la poursuite de l’implantation de nouvelles colonies qu’Israël a
étendu son emprise en même temps que l’État palestinien devenait une chimère. Après l’échec
des rencontres de Camp David en 2000 et de Taba en 2001, il est devenu clair que l’entité
palestinienne reposait sur une base territoriale non viable. Son territoire se limitait alors à moins
de 50% de la Cisjordanie et à 60% de la Bande de Gaza. Mais surtout, il était composé d’une
infinité de parcelles séparées les unes des autres et soumises à des statuts différents.
192. En Cisjordanie, depuis la signature des accords d’Oslo, la colonisation, notamment en zone
C a connu un essor démographique considérable. Il a été accompagné d’un maillage du territoire
par des routes de contournement.
125 Annexe 37, Déclaration du Ministre des Finances d’Israël, Belazel Smotrich, « Bezalel Smotrich, ministre
ultranationaliste israélien, poursuit ses diatribes antipalestiniennes depuis Paris », le Monde, 20 mars 2023.
126 Voir Annexe 28.
78
« Sur un territoire aussi confiné que la Cisjordanie, environ 700 kilomètres de route ont
été construits, dont la plupart après 1993, au détriment de terres agricoles, tout en
excluant les Palestiniens de nombreux segments routiers réservés aux colons. »127.
193. À Jérusalem, la politique israélienne a consisté à réviser les frontières de la capitale en
l’élargissant au nord jusqu’à Ramallah, au sud jusqu’à Bethléem sans l’inclure et à l’est jusqu’à
Jéricho. Le but est à la fois de redéfinir la carte de Jérusalem, de combler les espaces qui ne
sont pas judaïsés et de couper totalement Jérusalem-Est de la Cisjordanie.
194. En vingt ans, le nombre de colons en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est a
considérablement augmenté.
« le Directeur de la Division des opérations sur le terrain et de la coopération technique
du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, M. Christian Salazar Volkmann, a
indiqué qu’entre 2012 et 2022, la population de colons israéliens en Cisjordanie
occupée, y compris Jérusalem-Est, était passée de 520 000 à plus de 700 000. ».128
195. Cette colonisation à outrance est accompagnée d’une répression continue contre les
Palestiniens. Elle est constatée par le Conseil des droits de l’homme dans une résolution de
2019 :
« Déplorant en particulier la construction et l’extension par Israël de colonies dans
Jérusalem-Est occupée et alentour, y compris le plan israélien dit « E-1 » qui vise à
relier les colonies illégales implantées autour de Jérusalem-Est occupée et à isoler
celle-ci encore davantage, la poursuite de la démolition d’habitations palestiniennes et
de l’expulsion de familles palestiniennes de la ville, le retrait du droit de résidence dans
la ville aux Palestiniens et les activités de peuplement en cours dans la vallée du
Jourdain, qui ont pour effet de morceler encore davantage le Territoire palestinien
occupé et de compromettre sa continuité,
127 Pierre Blanc « Palestine : géopolitique d’une violence territoriale », Confluences Méditerranée, TREMMO,
L’Harmatan, N° 86. Été 2013, p. 24.
128 Annexe 38, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, « Le transfert par Israël de sa propre population
dans le territoire qu’il occupe constitue un crime de guerre et en 2022, les violences commises par les colons
israéliens ont atteint un niveau jamais enregistré, est-il indiqué au Conseil », 28 mars 2023.
79
Se déclarant gravement préoccupé par la poursuite de la construction par Israël, en
violation du droit international, du mur dans le Territoire palestinien occupé, y compris
à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et s’inquiétant en particulier du tracé
de ce mur, qui s’écarte de la ligne d’armistice de 1949, ce qui entraîne de graves
difficultés humanitaires et une forte détérioration des conditions socioéconomiques
pour les Palestiniens, fragmente la continuité géographique du Territoire palestinien et
en compromet la viabilité, crée sur le terrain un fait accompli qui pourrait s’apparenter
à une annexion de facto s’écartant de la ligne d’armistice de 1949, et rend la solution
prévoyant deux États matériellement impossible à appliquer,
Profondément préoccupé par le fait que le tracé du mur a été arrêté de manière à inclure
la plus grande partie des colonies de peuplement israéliennes implantées dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est,
Gravement préoccupé par tous les actes de violence, de destruction, de harcèlement, de
provocation et d’incitation commis par des colons israéliens extrémistes et des groupes
de colons armés dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, contre
des civils palestiniens, dont des enfants, et leurs biens, y compris des maisons, des terres
agricoles et des sites historiques et religieux, et par les actes de terreur commis par des
colons israéliens extrémistes, qui sont un phénomène de longue date visant, entre autres,
à déplacer la population occupée et à faciliter l’extension des colonies de peuplement,
Exprimant l’inquiétude que lui inspire l’impunité persistante à l’égard des actes de
violence commis par des colons contre les civils palestiniens et leurs biens, et insistant
sur la nécessité pour Israël d’enquêter et de faire en sorte que les auteurs de tous ces
actes rendent des comptes, »129.
196. La situation faite au peuple palestinien dans les territoires occupés par Israël a fait l’objet
de rapports détaillés de différents organes des Nations unies. Le plus important est le Rapport
de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien
129 Annexe 39, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Résolution 40/24, 22 mars 2019,
A/HRC/RES/40/24.
80
occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, conformément à la résolution S-30/1 du Conseil
des droits de l’homme 130.
197. L’Assemblée générale elle-même dans la récente résolution par laquelle elle a saisi la Cour
de la présente demande d’avis consultatif, a pris soin de détailler les graves manquements aux
droits de l’homme et au droit humanitaire constatés dans les territoires occupés par Israël. Elle
fait la synthèse de ces violations et demande que les responsabilités soient établies 131.
198. Ce bilan correspond à la situation actuelle dans les territoires palestiniens occupés
militairement par Israël. Résultat d’une situation qui s’est dégradée au long de plus d’un siècle,
il doit être mis en regard du droit qui lui est applicable. Il convient donc ici de cerner quelles
sont les normes qui vont permettre de qualifier les données de la situation et de leur appliquer
le régime juridique prévu par le droit international contemporain.
130 Annexe 40, Assemblée générale, Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter
dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, A/77/328
131 Voir Annexe 1.
81
III - LE DROIT APPLICABLE À LA SITUATION SOUMISE À LA COUR.
199. Israël exige depuis sa création une sorte d’exceptionnalité par rapport au droit international
qui régit la société mondiale. Or cette exceptionnalité revendiquée, consiste en réalité en des
violations grossières des droits des Palestiniens tels qu’ils découlent de l’application du droit
international positif. Après une remarque relative à la nécessité de raisonner en fonction du droit
intertemporel dans ce dossier dont les faits se sont déroulés sur plus d’un siècle, on fera ici
l’inventaire de l’ensemble des dispositions du droit international dont l’application doit présider
au règlement du conflit (A). On mettra ensuite l’accent plus particulièrement sur le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes dont la violation par Israël est ici centrale (B).
200. Les comportements, d’abord du mouvement sioniste avant et pendant le mandat
britannique sur la Palestine, puis de l’État d’Israël à partir de sa déclaration d’indépendance du
14 mai 1948, s’étendent sur une très longue période. Il faut donc, pour évaluer ces
comportements en termes de conformité au droit, prendre en considération l’état du droit au
moment des faits. Il s’agit là du principe dit de droit intertemporel. Mis en lumière par l’arbitre
Max Huber dans l’affaire de l’Île de Palmas, ce principe impose qu’un acte juridique soit
apprécié :
« …. à la lumière du droit de l’époque et non à celle du droit en vigueur au moment où
s’élève ou doit être réglé un différend relatif à cet acte »132.
201. Il est vrai que l’Assemblée générale dans le libellé de la question qu’elle a posée à la Cour,
limite la question au « territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 ». La situation dans
ce territoire devra donc être appréciée en fonction du corpus du droit international général, des
droits de l’homme et du droit humanitaire en cas de conflit armé, tel qu’il est établi depuis 1967.
Mais la source de la situation conflictuelle toujours en cours, remonte à un passé plus lointain,
celui de la création des Mandats de la Société des Nations. On mettra donc un éclairage
particulier sur le droit de cette époque pour apprécier à quand remontent les violations du droit
international aujourd’hui toujours en cours.
132 Affaire de l’île de Palmas, Sentence arbitrale du 4 avril 1928, R.S.A. II, p. 845.
82
A – L’ensemble du corpus du droit international applicable aux questions posées.
202. Le règlement de la question palestinienne relève de l’application du droit international.
Tous les États sont soumis en vertu de la Charte des Nations Unies au droit international général.
Trois chapitres essentiels de ce droit sont ici en cause : le droit de la paix, le droit international
humanitaire en cas de conflits armés et les droits de l’homme.
203. Le droit de la paix a été codifié par la Charte des Nations Unies. Les éléments centraux de
ce droit sont les principes du non-recours à la force, de l’intégrité territoriale et du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes. L’interdiction du recours à la force s’applique à Israël comme
État membre des Nations Unies. Ce principe entraîne la condamnation de toute opération
militaire d’un État contre un autre État ou contre un autre peuple, lorsqu’il ne s’agit pas des
seules exceptions à cette interdiction que sont la légitime défense et les opérations menées par
les Nations Unies dans le cadre du Chapitre VII de la Charte. Cette règle entraine celle du
respect de l’intégrité territoriale qui interdit à un État de s’emparer par annexion de tout
territoire qui ne soit pas celui qui lui est reconnu dans ses frontières telles qu’elles ont été
définies à son entrée aux Nations Unies133. Elle lui interdit également d’occuper militairement,
même sans afficher une annexion, le territoire d’un autre État ou d’un autre peuple. Complétant
les dispositions de la Charte, l’'Assemblée générale a, le 24 octobre 1970, adopté la résolution
2625 (XXV) intitulée Déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre États, dans laquelle elle a souligné que nulle
acquisition territoriale obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme
légale. Ce droit de la paix comporte aussi le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui fera
l’objet d’un développement particulier.
204. Le droit humanitaire en cas de conflit armé a pris naissance dès le XIX è siècle, de manière
à limiter les conséquences tragiques des conflits et à protéger les populations civiles en temps
de guerre. Bien qu’Israël ait développé de nombreuses arguties pour échapper à l’application
133 Article 2, par. 4 de la Charte des Nations Unies : « Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs
relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations
Unies. »
83
de ce droit, la question de cette applicabilité au territoire palestinien occupé a été tranchée par
la Cour dans son avis consultatif de 2004. Elle y déclare :
« Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la quatrième convention de Genève est
applicable dans tout territoire occupé en cas de conflit armé surgissant entre deux ou
plusieurs parties contractantes. Israël et la Jordanie étaient parties à cette convention
lorsque éclata le conflit armé de 1967. Dès lors ladite convention est applicable dans
les territoires palestiniens qui étaient avant le conflit à l'est de la Ligne verte, et qui ont
à l'occasion de ce conflit été occupés par Israël, sans qu'il y ait lieu de rechercher quel
était auparavant le statut exact de ces territoires »134.
205. Enfin pour ce qui est des droits de l’homme, Israël, bien qu’étant partie aux deux Pactes
des Nations Unies sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et
culturels, contestait également que ces Conventions soient applicables dans le territoire
palestinien occupé, prétendant que les instruments relatifs aux droits de l'homme ont pour objet
seulement d'assurer la protection des citoyens vis-à-vis de leur propre gouvernement en temps
de paix. La Cour a écarté cette thèse et a déclaré :
« En définitive, la Cour estime que le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques est applicable aux actes d'un État agissant dans l'exercice de sa compétence
en dehors de son propre territoire »135.
Et la Cour a fait le même constat pour le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels136.
206. S’inscrivant dans ce constat, la Commission internationale indépendante chargée
d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, dans son
rapport transmis à l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 septembre 2022, traite de ce
point à propos du droit international applicable à la situation d’occupation. Elle rappelle que :
134 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004, Rec, 2004, p. 177, par. 101.
135 Avis consultatif du 9 juillet 2004, par. 111
136 Ibidem, par. 112.
84
« Le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et la bande de Gaza, ainsi
que le Golan syrien occupé sont actuellement sous occupation belligérante israélienne,
situation à laquelle s’appliquent le droit international humanitaire et le droit
international des droits humains »137.
207. Ainsi, le corpus du droit international concernant le droit de la paix, le droit humanitaire
en cas de conflit armé, les droits de l’homme, constitue-t-il l’ensemble du droit applicable pour
répondre aux questions posées par l’Assemblée générale à la Cour. On s’attachera maintenant
plus particulièrement au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, compte tenu du fait que ce
droit est radicalement remis en cause par les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire
palestinien occupé.
B – Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
208. La spécificité du cas du peuple palestinien par rapport à la norme du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes, provient du fait que ce peuple est détenteur de ce droit selon deux
sources distinctes qui se renforcent l’une l’autre. En effet, le peuple palestinien a bénéficié de
la première affirmation concrète de ce droit en droit international avec le Pacte de la Société
des Nations. Il s’agissait alors d’une lex specialis en faveur de certains peuples (1). Il en
bénéficie aussi par l’affirmation renforcée et généralisée de ce droit sous l’égide des Nations
Unies. Il y a désormais à cet égard une lex généralis (2).
1. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au bénéfice des peuples soumis aux
Mandats A de la Société des Nations.
209. Il a été rappelé plus haut comment les Mandats A prévus par le Pacte de la Société des
Nations au profit de certains peuples qui avaient appartenu à l’Empire ottoman avaient été
conçus comme des régimes juridiques transitoires devant permettre aux peuples concernés
d’accéder à l’indépendance. Cela découlait de l’article 22 du Pacte :
« Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint
un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut
être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un mandataire
guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire
137 Voir Annexe 40, par. 7.
85
seules. Les voeux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour
le choix du mandataire »138.
210. S’il serait faux de dire que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ait alors été
reconnu comme une norme de droit international générale applicable à tous les peuples
colonisés, l’on doit cependant reconnaître que le régime de domination qui avait jusque -là fait
partie du système international, connaissait ainsi sa première brèche. Sous l’influence décisive
du Président Wilson, apparaissait désormais l’exigence de prendre en compte les intérêts et les
voeux des populations concernées. Les Mandats A qui furent créés alors étaient pensés comme
une étape sur la voie de la décolonisation. C’est bien l’interprétation qu’en a donné la Cour dans
son avis consultatif sur le Mur édifié par Israël dans le Territoire palestinien occupé. En 2004 :
« La Cour rappellera qu'en 1971 elle a souligné que l'évolution actuelle du droit
international à l'égard des territoires non autonomes, tel qu'il est consacré par la
Charte des Nations Unies, a fait de I'autodétermination un principe applicable à tous
ces territoires. La Cour a ajouté que « du fait de cette évolution il n’y avait guère de
doute que la « mission sacrée » visée au paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte de la
Société des Nations « avait pour objectif ultime l’autodétermination…. des peuples en
cause » (Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil
de sécurité, avis consultatif C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par 52-53) »139.
211. Si l’impératif d’accession à l’indépendance n’était alors consacré que pour certains
territoires, ceux soumis à la colonisation ottomane, il n’en était pas moins clairement établi :
« Il convient d'examiner le mandat à la lumière du Pacte de la Société des Nations.
L'une des responsabilités premières de la puissance mandataire consistait à aider les
peuples du territoire concerné à parvenir à la pleine autonomie et à l'indépendance le
plus tôt possible. Le paragraphe 1 de l'article 22 du Pacte stipulait que «… le bien-être
et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation ». La seule
limitation posée par le Pacte à la souveraineté et à I'indépendance pleine et
138 Voir supra, par. 41 à 51.
139 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004, rec. 2004, par. 88.
86
entière du peuple palestinien était la tutelle temporaire confiée à la puissance
mandataire. »140.
212. Ce régime de garantie de l’accès à l’indépendance au terme d’une période transitoire était
précurseur de ce qui deviendra plus tard une norme fondamentale du droit international avec le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’appliquant à la totalité des territoires soumis à
domination étrangère.
2. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre des Nations Unies.
213. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est aujourd’hui une norme centrale du droit
international. Les textes fondateurs en la matière ont la portée juridique la plus large qui soit
(a). Cette norme a été confirmée en diverses occasions par la jurisprudence (b). Les différents
aspects du contenu de cette norme permettent de la préciser (c).
a) Les textes fondateurs du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
214. Ce droit est inscrit dans la Charte des Nations Unies où il est mentionné deux fois, à
l’article 1er, § 2 et à l’article 55 :
« Article 1
Les buts des Nations Unies sont les suivants :
(…)
Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe
de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre
toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ; »
Article 55
En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les
nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité
140 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004, opinion individuelle du Juge Elaraby, rec. 2004, p. 249.
87
des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies
favoriseront :
a. le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de
développement dans l'ordre économique et social ;
b. la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la
santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les
domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation ;
c. le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour
tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. »
215. Mais le texte de la Charte n’était pas exempt de contradictions et l’affirmation du principe
du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne conduisait pas encore à un véritable droit à la
décolonisation. En effet, le Chapitre XI de ce texte est intitulé « Déclaration relative aux
territoires autonomes », et il ne comporte pas d’obligation pour les États colonisateurs
d’octroyer l’indépendance aux peuples colonisés. Ils ont seulement en vertu de l’article 73 le
devoir :
« (…) de développer la capacité des populations de s'administrer elles-mêmes, de tenir
compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement
progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions
particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de
développement ; »
216. Ce sont les luttes de libération engagées par certains peuples (vietnamien et algérien
notamment) et l’appui qu’ils recevront au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies qui
ont permis de donner un contenu beaucoup plus exigeant au droit des peuples à disposer d’euxmêmes,
en condamnant la colonisation. Le moment décisif a eu lieu en 1960 avec le vote par
l’Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux
pays et aux peuples coloniaux141. Le droit à la décolonisation y est présenté comme un principe
absolu, opposable à tous les États et concernant tous les territoires colonisés quel que soit le
141 Résolution 1514 de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960.
88
statut juridique que leur ait donné le colonisateur. Le caractère fondateur de cette déclaration a
été confirmé par la suite :
« Selon la Cour, bien qu’elle soit formellement une recommandation, la résolution 1514
(XV) a un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que
norme coutumière, du fait de son contenu et des conditions de son adoption »142.
217. Afin de rendre ce principe effectif, l’Assemblée générale créa dès 1961 le Comité de
décolonisation, dit Comité des 24 ou encore Comité spécial, chargé de la mise en oeuvre
concrète de la Déclaration. Cette dernière fut complétée dix ans plus tard par d’autres
résolutions d’importance. La résolution 2621 du 12 octobre 1970 établit un programme d’action
pour l’application intégrale de la Déclaration et la résolution 2625 du 24 octobre 1970 codifie
les sept principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les États, parmi lesquels se trouve l’égalité de droit des peuples et leur droit à disposer d’euxmêmes.
Enfin, la résolution 2649 du 30 novembre 1970 souligne l’importance pour la garantie
et l’observation effective des droits de l’homme de la réalisation universelle du droit des peuples
à l’autodétermination et de l’octroi rapide de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
218. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes fut ensuite renforcé et a gagné valeur
conventionnelle lorsqu’il a été intégré aux deux Pactes internationaux des Nations Unies,
adoptés le 16 décembre 1966, celui sur les droits civils et politiques et celui sur les droits
économiques, sociaux et culturels. Ce droit y est affirmé dans les mêmes termes qui se lisent
comme suit :
« Article premier
1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui
142 C.I.J. Avis consultatif du 25 février 2019, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de
Maurice en 1965, par. 152.
89
découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de
l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé
de ses propres moyens de subsistance.
3. Les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité
d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus
de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter
ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies ».
219. Il résulte de ce corpus que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a valeur de norme
du droit international positif. Formée de manière coutumière, cette norme a été confirmée
conventionnellement. Et elle a été citée en exemple des règles impératives par la Commission
du droit international dans son rapport sur le droit des traités143. Elle a également été qualifiée
de norme impérative du droit international général par la Commission d’arbitrage de la
Conférence pour la paix en Yougoslavie144.
220. Le droit à l’autodétermination est d’une telle importance que l’Assemblée générale des
Nations Unies a réaffirmé la légitimité des luttes de libération nationale qui peuvent être menées
par tous les moyens nécessaires. Cela découle de la résolution 3070 du 30 novembre 1973 qui
affirme :
« (…)la légitimité de la lutte des peuples pour se libérer de la domination coloniale et
étrangère et de l’emprise étrangère par tous les moyens en leur pouvoir, y compris la
lutte armée»145.
221. La violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est constitutive d’un crime
international comme cela a été reconnu dans la résolution 2621 de l’Assemblée générale des
Nations unies en 1970 où celle-ci déclare :
« (…) que la persistance du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses
manifestations représente un crime qui constitue une violation de la Charte des Nations
143 Annuaire CDI, 1966, Vol II, p. 270.
144 Avis n° 1, 29 novembre 1991, RGDIP, 1992, p. 265.
145 Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies 3070 du 30 novembre 1973,
90
Unies, de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux et aux principes du droit international »146.
222. On ajoutera ici que le droit à la décolonisation est un droit inhérent à l’existence même
d’un peuple. Parce que la liberté d’un peuple est intrinsèquement partie de son destin, elle est
potentiellement antérieure à sa réalisation. Elle ne peut donc pas être octroyée par quiconque.
Elle est seulement recouvrée, car elle doit lui être rendue si elle a été confisquée. C’est pourquoi
les actes juridiques par lesquels est reconnue l’indépendance d’un peuple jusqu’alors dominé
par un colonisateur sont seulement déclaratifs et non constitutifs. Cet aspect est très important
dans toute procédure de décolonisation. Le droit du peuple colonisé est un droit inné et dans
son principe n’est pas négociable.
b) La confirmation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes par la jurisprudence
internationale.
223. La Cour internationale de justice dans une série d’arrêts ou d’avis consultatifs a
constamment réaffirmé le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme norme du droit
positif, lui conférant en certaines occasions une valeur juridique erga omnes.
224. Tel a été le cas à l’occasion de l’avis rendu en 1971 sur Les conséquences juridiques pour
les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité147. La Cour y rappelle que le droit
des peuples s’applique sans conteste aux habitants des territoires sous Mandats148. Et elle
affirme :
« De l'avis de la Cour, la cessation du mandat et la déclaration de l'illégalité de la
présence sud-africaine en Namibie sont opposables à tous les États, en ce sens qu'elles
146 Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies 2621 du 12 octobre 1970,
147 CIJ, Avis consultatif du 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Rec,
1971, par. 52, p. 31.
148 Ibidem, par. 59, p. 33.
91
rendent illégale erga omnes une situation qui se prolonge en violation du droit
international ; »149.
225. Dans son avis sur Le Sahara occidental rendu en 1975, la Cour, rappelant les termes de la
résolution 1514 portant Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux, affirme que :
« (…) l'application du droit à l'autodétermination suppose l'expression libre et
authentique de la volonté des peuples intéressés. »150.
226. Dans l’affaire de Timor oriental, la Cour par son arrêt du 30 juin 1995, considère le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes comme un principe essentiel du droit international
contemporain et réitère qu’il est opposable erga omnes :
« La Cour considère qu'il n'y a rien à redire à l'affirmation du Portugal selon laquelle
le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tel qu'il s'est développé à partir de la
Charte et de la pratique de l'Organisation des Nations Unies, est un droit opposable
erga omnes. Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a été reconnu par
la Charte des Nations Unies et dans la jurisprudence de la Cour (voir Conséquences
juridiques pour les États de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31-32, par. 52- 53; Sahara occidental, avis
consultatif; C.I.J. Recueil 1975, p. 31-33, par. 54-59); il s'agit là d'un des principes
essentiels du droit international contemporain. »151.
227. Dans l’avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux Conséquences de l’édification d’un mur
dans le territoire palestinien occupé, la Cour a accordé une large place au droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes. Elle déclare notamment à propos des conditions dans lesquelles le mur
a été édifié :
149 Ibidem, par. 126, p. 56.
150 CIJ, Avis consultatif du 16 octobre 1975, Sahara Occidental, Rec.1975, par. 55, p. 32.
151 CIJ, Arrêt du 30 juin 1995, Affaire du Timor oriental, Rec. 1995, par. 29, p. 102.
92
« Cette construction, s'ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi un
obstacle grave à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination
et viole de ce fait l'obligation incombant à Israël de respecter ce droit. »152
Par ailleurs elle réitère que le droit des peuples crée des obligations erga omnes :
« (…) la Cour a déjà rappelé (voir paragraphe 88 ci-dessus) que, dans l'affaire du Timor
oriental, elle avait estimé qu'il n'y avait « rien à redire » à l'affirmation selon laquelle
« le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tel qu'il s'est développé à partir de la
Charte et de la pratique de l'Organisation des Nations Unies, est un droit opposable
erga omnes » (C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29). La Cour relèvera également qu'aux
termes de la résolution 2625 ( X X V )de l'Assemblée générale, à laquelle il a déjà été
fait référence (voir paragraphe 88 ci-dessus), «[t]out État a le devoir de favoriser,
conjointement avec d'autres États ou séparément, la réalisation du principe de l'égalité
de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, conformément aux
dispositions de la Charte, et d'aider l'Organisation des Nations Unies à s'acquitter des
responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l'application de ce
principe »153.
228. Enfin dans l’avis récent rendu en 2019 à propos des Effets juridiques de la séparation de
l’archipel des Chagos, de Maurice en 1965, la Cour insiste sur le moment décisif qu’a constitué
l’adoption de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations Unies :
« Cette résolution a été adoptée par 89 voix, avec 9 abstentions. Aucun des États
participant au vote n’a exprimé d’opposition à l’existence du droit des peuples à
l’autodétermination. Certains des États qui se sont abstenus ont justifié leur abstention
par le temps nécessaire pour la mise en oeuvre de ce droit. »
« Le libellé de la résolution 1514 (XV) a un caractère normatif en ce qu’elle affirme que
« [t]ous les peuples ont le droit de libre détermination ». Son préambule proclame « la
nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme sous toutes
152 CIJ, Avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, Rec. 2004, par. 122, p.184.
153 Ibidem, par. 156, p. 199.
93
ses formes et dans toutes ses manifestations », et, selon son paragraphe premier, « [l]a
sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangère
constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme [et] est contraire à la Charte des
Nations Unies ». Cette résolution prévoit en outre que « [d]es mesures immédiates
seront prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous
autres territoires qui n’ont pas encore accédé à l’indépendance, pour transférer tous
pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve, conformément
à leur volonté et à leurs voeux librement exprimés »154.
Elle ajoute se référant aux Pactes internationaux qui sont le fondement conventionnel du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes :
« L’article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adoptés
le 16 décembre 1966 par la résolution 2200 A (XXI) de l’Assemblée générale, réaffirme
le droit de tous les peuples à l’autodétermination et dispose, entre autres, ce qui suit :
Les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité
d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de
faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce
droit, conformé- ment aux dispositions de la Charte des Nations Unies »155.
229. On le voit la plus Haute instance judiciaire du système international a, par une
jurisprudence constante, confirmé la force normative du droit des peuples à disposer d’euxmêmes,
principe cardinal du droit international positif.
c) Le contenu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
230. La norme du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes suppose que l’on puisse identifier
les groupes humains qui en sont les titulaires. Il est nécessaire aussi de clarifier ce que signifie
« disposer de soi-même » pour un peuple et qu’elles sont les différentes options qui s’offrent à
154 CIJ, Avis consultatif du 25 février 2019, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos, de Maurice
en 1965, Rec. 2019, par. 152 et 153, pp. 132-133.
155 Ibidem, par. 154, p. 133.
94
lui pour réaliser ce droit. De même faut-il préciser quel est le territoire affecté à ce peuple et
quels sont ses droits sur les ressources naturelles qui en proviennent.
L’identification d’un peuple.
231. Si la notion de peuple comme entité humaine bénéficiant d’un droit à l’indépendance, peut
être problématique dans certaines circonstances, notamment parce que la revendication
d’indépendance d’un groupe humain peut entrer en contradiction avec le principe d’intégrité
territoriale d’un État156, cette hypothèse n’intervient pas dans le cas des situations coloniales.
En effet, la résolution fondatrice de l’Assemblée générale des Nations Unies (1514) reconnait
le droit à l’autodétermination aux « peuples soumis à une subjugation, à une domination ou à
une exploitation étrangère ». Le critère de la domination/exploitation est ainsi capital. Il se
combine avec le fait qu’il s’agit d’un peuple ayant un statut distinct et séparé de celui de l’État
colonisateur, étant culturellement et ethniquement différent du peuple de cet État157 et soumis
par ce dernier à une occupation effectuée parfois à travers une guerre de conquête.
232. Les Nations Unies ont clarifié ce point dans une résolution de 1970 en affirmant que
l’indépendance d’un territoire colonisé ne portait pas atteinte à l’intégrité territoriale de la
puissance administrante :
« (…) le territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non-autonome possède en vertu
de la Charte, un statut séparé et distinct de celui de l’État qui l’administre. Ce statut
séparé et distinct en vertu de la Charte existe aussi longtemps que le peuple de la colonie
ou du territoire non autonome n’exerce pas son droit à disposer de lui-même
conformément à la Charte et, plus particulièrement, à ses buts et principes ».158
156 Comme la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples l’a constaté ainsi qu’il a été mentionné
supra, par. 96.
157 La mention des territoires ethniquement et culturellement séparés est faite par l’Assemblée générale dès 1960
dans la Résolution 1541 du 15 décembre : « II y a obligation, à première vue, de communiquer des renseignements
à l'égard d'un territoire géographiquement séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui
l'administre ».
158 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 2625 du 24 octobre 1970, Déclaration relative aux principes
du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte
des Nations Unies.
95
233. Il y a donc plusieurs critères qui permettent d’établir qu’un groupe humain appartient à
ceux bénéficiant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les plus importants étant la
nature ethniquement et culturellement distincte du peuple colonisé par rapport au colonisateur
et la position de soumission à une domination.
234. Par ailleurs, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne saurait être nié ou retardé sous
prétexte de considérations liées à leur développement. Soucieuse de mettre fin à tous les régimes
dilatoires qui se sont succédés historiquement à partir de l’argument d’un retard de
développement (colonialisme lui-même avant l’existence des Nations unies, régime des
mandats sous la Société des Nations, régime des territoires non-autonomes ou des territoires
sous tutelle selon la Charte des Nation unies), l’Assemblée générale dans la résolution 1514 du
14 décembre 1960 déclare en effet :
« 3. Le manque de préparation dans les domaines politique, économique ou social ou
dans celui de l'enseignement ne doit jamais être pris comme prétexte pour retarder
l'indépendance. »159.
Les options ouvertes par l’autodétermination.
235. Disposer de soi-même pour un peuple, suppose une totale liberté dans le choix qu’il peut
faire de son destin politique. C’est cette notion de liberté qui a conduit l’Assemblée générale
des Nations Unies à préciser quelles étaient les différentes manières par lesquelles le peuple
d’un territoire non autonome peut être considéré comme ayant exercé son droit. Elle l’a fait
dans la résolution 1541 du 15 décembre 1960 dans les termes suivants :
« Principe VI
On peut dire qu'un territoire non autonome a atteint la pleine autonomie :
a) Quand il est devenu État indépendant et souverain ;
b) Quand il s'est librement associé à un État indépendant ; ou
159 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 1514 du 14 décembre 1960.
96
c) Quand il s'est intégré à un État indépendant »160.
Mais, cette liste n’est pas exhaustive. Et l’imagination politique peut se donner libre cours. Elle
peut, par exemple, conduire à une forme de souveraineté partagée, ou à une autonomie interne
susceptible de degrés. Il va de soi que, le droit international contemporain de la décolonisation,
issu des travaux de l’Assemblée générale, privilégie l’indépendance.
Le droit au retour pour les populations expulsées.
236. Il s’agit d’un élément fondamental du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En effet,
au-delà du droit individuel proclamé par les droits de l’homme qui permet à toute personne qui
en est partie de revenir dans son pays, le droit au retour s’exerce collectivement pour un peuple
qui a subi des expulsions forcées, car il s’agit là d’une condition même de réalisation du droit à
disposer de soi-même. Les Nations unies en ont fait un élément essentiel de leurs prises de
position récurrentes à propos des droits inaliénables du peuple palestinien. Après la résolution
194 du 11 décembre 1948, résolution fondatrice du droit au retour pour les Palestiniens, les
organes des Nations unies ont maintenu une position constante de réaffirmation de ce droit161.
Les droits du peuple à l’intégrité de son territoire et à la libre disposition de ses
ressources naturelles.
237. L’exercice du droit à l’autodétermination doit pouvoir s’accomplir sur l’ensemble du
territoire non autonome. Aucune solution de division ne serait valable selon le droit
international. Cela a été rappelé par la Cour internationale de justice dans son avis consultatif
du 25 février 2019 sur Les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice
en 1965. Après avoir rappelé que la résolution 1514 de l’Assemblée générale avait un caractère
normatif, la Cour mentionne que celle-ci prévoit à son paragraphe 6 que :
160 Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies 1541 du 15 décembre 1960 : Principes qui doivent
guider les États Membres pour déterminer si l'obligation de communiquer des renseignements, prévue à l'alinéa e
de l'Article 73 de la Charte, leur est applicable ou non.
161 Voir l’Assemblée générale des Nations unies, Résolution 2535 B (XIV) du 10 décembre 1969.
97
« Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et
l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la
Charte des Nations Unies »162.
Et elle précise :
«… que tout détachement par la puissance administrante d’une partie d’un territoire
non autonome, à moins d’être fondé sur la volonté librement exprimée et authentique
du peuple du territoire concerné, est contraire au droit à l’auto- détermination »163.
Ainsi aucun détachement d’une partie du territoire n’est autorisé par le droit de la
décolonisation.
238. Pour ce qui est des richesses naturelles, le droit à l’autodétermination se double d’une
composante économique, le droit des peuples sur leurs ressources naturelles. Ce droit a été
affirmé en 1962 par la résolution de l’Assemblée générale 1803164. Il est considéré comme un
élément fondamental du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Son rôle est de préserver
les droits futurs du peuple dominé et d’empêcher une spoliation anticipée par la colonisation.
239. C’est l’ensemble normatif ici exposé tel qu’il est dominé par la norme impérative du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, dont il convient de vérifier maintenant en quoi il a été
appliqué ou violé par « les pratiques et politiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé
depuis 1967 ».
162 Résolution 1514, Assemblée générale des Nations Unies, 14 décembre 1960, Rec. 1960, par. 153, p. 133.
163 C.I.J. Avis consultatif du 25 février 2019, Effets juridiques de la séparation de l’Archipel des Chagos de
Maurice en 1965, par. 160, p. 134.
164 Résolution 1803 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1962.
98
IV – LA VIOLATION RÉPÉTÉE PAR ISRAEL DU DROIT À
L’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE PALESTINIEN ET LES MOYENS
SYSTÉMATIQUEMENT EMPLOYÉS POIUR ENTRAVER LA RÉALISATION DE
CE DROIT.
240. L’Assemblée générale est investie d’une compétence particulière sur les questions de
décolonisation, comme l’a rappelé la Cour dans son avis du 25 février 2019 à l’occasion de
l’examen d’une autre situation de décolonisation inachevée :
« Les modalités nécessaires pour assurer le parachèvement de la décolonisation de
Maurice relèvent de l’Assemblée générale des Nations Unies, dans l’exercice de ses
fonctions en la matière. »165.
C’est dans l’exercice de cette compétence que l’Assemblée générale des Nations unies a
souhaité être éclairée sur les questions présentées dans la demande d’avis consultatif, objet des
présentes observations écrites. Pour y répondre, la Cour doit se prononcer sur les pratiques et
politiques israéliennes dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967. Ce sont donc les actes
et comportements de l’État hébreu ainsi délimités dans le temps que l’on va s’appliquer à
qualifier juridiquement dans la présente partie.
241. Cependant, comme cela résulte de l’exposé du contexte qui a été présenté plus haut,
l’occupation militaire du Territoire palestinien à laquelle Israël s’est livrée en 1967, et sans
interruption de cette date jusqu’à nos jours, ainsi que tous les actes qui ont accompagné cette
occupation, n’ont été qu’une nouvelle étape dans un processus continu et commencé
antérieurement, celui de la violation persistante et organisée de la norme centrale du droit
international du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Toutes les violations
commises à l’occasion du conflit israélo-palestinien, ont été ou sont de nos jours, des violations
secondaires inspirées par cette violation principale 166.
165 C.I.J., Avis consultatif du 25 février 2019, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de
Maurice en 1965, rec. 2019, par. 179, p.139.
166 Dans cette partie, l’Organisation de la Coopération islamique n’entend pas présenter à la Cour un bilan
exhaustif de toutes les violations de règles internationales dont Israël est l’auteur dans le Territoire palestinien
occupé. Elle signalera seulement des exemples significatifs illustrant le refus par Israël d’appliquer les normes
du droit international en vigueur et montrant quels sont les moyens employés pour rendre impossible l’exercice
par le peuple palestinien de son droit à disposer de lui-même.
99
242. Lorsqu’en 1967, Israël se livre à la Guerre des Six jours qui lui permet d’occuper la
Cisjordanie et Gaza, le droit du peuple palestinien à l’émancipation est déjà largement
compromis et les obstacles à sa réalisation se sont accumulés depuis plusieurs décennies. On
montrera donc d’abord comment l’indépendance de la Palestine a été rendue impossible dès
que le droit des Palestiniens à prendre en mains leur destin a été formulé (A), pour en venir
ensuite plus longuement à la situation soumise à la Cour. Celle-ci est caractérisée par des
mesures illicites par lesquelles Israël persiste à rendre impossible le droit à l’autodétermination
du peuple occupé (B). Mais comme cela a été rappelé plus haut, on devra évaluer la licéité de
chaque élément d’une situation en fonction du droit en vigueur au moment où cet élément
surgit167.
A - Les prémices ayant ouvert la voie à la situation d’entrave au droit à
l’autodétermination du peuple palestinien.
243. La longue histoire de l’impossibilité pour le peuple palestinien d’accéder à son
indépendance est marquée par la contradiction récurrente entre les progrès accomplis dans
l’affirmation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes par l’évolution du droit international
d’une part, et le déploiement de multiples violations de ce droit international par Israël dans le
but de rendre impossible l’indépendance de la Palestine arabe, d’autre part.
244. Il a été montré plus haut comment la Grande Bretagne, avant même de se voir attribuer le
mandat de la Société des Nations sur la Palestine, s’était engagée de manière hasardeuse à
l’égard de l’Organisation sioniste, en se disant favorable à l’établissement d’un Foyer national
juif en Palestine168. Cette position, exprimée en 1917 par Lord Balfour, a d’abord été celle d’un
homme politique britannique s’exprimant à titre privé. Elle a été relayée ensuite par les autorités
de Grande Bretagne, bien que cet État n’ait détenu aucun droit sur le territoire de la Palestine,
alors soumis à l’administration ottomane.
245. En dépit des visées sionistes et du soutien que leur accordent alors les autorités
britanniques, le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même prend naissance le 28 juin
1919 en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 du Pacte de la Société des Nations intégré au
167 Supra, par. 200.
168 Supra, par. 28 à 40.
100
Traité de Versailles169. Il s’agit alors des premiers balbutiements de ce droit. Il est formulé à
l’égard de quelques peuples précis et sous l’influence de l’idéal libéral du Président américain,
Woodrow Wilson 170 . Mais la substance de l’autodétermination est bien présente. Les
communautés concernées peuvent voir
« …. leur existence comme nations indépendantes reconnue provisoirement, jusqu’au
moment où elles seront capables de se conduire seules. »
Il était ajouté :
« Les voeux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour le choix
du mandataire ».
246. Trois ans après qu’elle eut été affirmée, cette disposition a fait l’objet du premier
manquement au droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. En effet, le mandat sur la
Palestine est attribué à la Grande Bretagne le 24 juillet 2019, sans consultation de la population
de Palestine. La Grande Bretagne fut destinataire de ce mandat, suite à l’insistance des
Britanniques et aux tractations entre les grandes puissances. Il était hors de doute que si la
population de Palestine (alors composée à 91% d’Arabes palestiniens) avait été consultée, elle
aurait opposé son refus au choix de la Grande Bretagne comme mandataire, informée qu’elle
était du soutien de cette grande puissance aux visées sionistes sur leur pays.
247. Les titulaires des mandats de la SDN ne se voyaient pas attribuer la souveraineté sur les
territoires dont ils avaient la garde. Pour ce qui est des peuples placés sous mandats A, la
promesse d’indépendance qui leur avait été faite, entraînait pour conséquence qu’ils étaient déjà
considérés comme des sujets du droit international et étaient à ce titre détenteurs de la
169 « Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint un degré de
développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la
condition que les conseils et l'aide d'un mandataire guident leur administration jusqu'au moment où elles seront
capables de se conduire seules. Les voeux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour le
choix du mandataire ».
170 Voir supra par. 43 et suivants.
101
souveraineté, bien que sans être en mesure de l’exercer pendant la durée du mandat171. Ce point
a été confirmé par la Cour à propos du mandat sur le Sud-Ouest africain :
« Il ressort des termes de ce mandat, ainsi que des dispositions de l’article 22 du Pacte
et des principes qui y sont énoncés, que la création de cette nouvelle institution
internationale n’implique ni cession de territoire, ni transfert de souveraineté à l’Union
sud-africaine »172.
Formulés à propos des mandats de la SDN dits C, ces propos de la Cour s’appliquent a fortiori
pour les mandats de la catégorie A au sujet desquels l’horizon de l’indépendance est
explicitement envisagé.
248. Si le peuple placé sous mandat n’accède pas encore à l’exercice de la souveraineté, il lui
est reconnu potentiellement le caractère de souverain. Seul l’exercice de cette souveraineté est
alors différé. Car d’une manière générale :
« La Puissance mandataire, en tant que telle, n'était pas souveraine sur le territoire.
Elle ne jouissait d'aucun droit de disposition, d'aucun jus disponendi : elle n'était qu'un
Mandataire au nom de la Société des Nations. » 173.
249. On notera aussi que le mandat sur la Palestine prévoyait à son article 5 la protection de
l’intégrité territoriale :
« Le mandataire garantit la Palestine contre toute perte ou prise à bail de tout ou partie
du territoire et contre l’établissement de tout contrôle d’une Puissance étrangère »
Cette garantie était donnée à « la Palestine », c’est-à-dire à un territoire et au peuple qui en était
l’occupant. En 1922, ce peuple est le peuple arabe qui représente 91% de la population. C’est
alors lui qui est protégé contre « tout contrôle d’une Puissance étrangère ». Là encore, les
171 Dans ce sens, voir Jean Salmon, « La proclamation de l’État palestinien », Annuaire français de droit
international, 1988, pp. 37 et suivantes et plus particulièrement, p. 55.
172 C.I.J., Affaire du Statut international du Sud-Ouest africain, Avis consultatif du 11 juillet 1950, Rec. 1950, p.
132.
173 Ibidem, Avis consultatif du 11 juillet 1950, Opinion individuelle du Juge Read, Rec. 1950, p. 168.
102
mandats A étaient précurseurs de ce que sera plus tard de manière plus élaborée et à portée
universelle, la norme fondamentale du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
250. La Grande-Bretagne est tellement consciente de ce devoir qui lui échoit à l’égard du peuple
arabe de Palestine, que dans son Livre Blanc du 17 mai 1939, elle envisage dans un délai de dix
ans la formation d’un État palestinien indépendant et la limitation de l’immigration juive à 75
000 personnes par an174. Mais débordée par la force des revendications sionistes qu’elle a ellemême
encouragées, la puissance mandataire ne peut contrer la dynamique d’affrontements qui
est à l’oeuvre.
251. Durant les 25 années d’exercice chaotique par la Grande Bretagne de son mandat sur la
Palestine, les fondements juridiques du droit du peuple palestinien à son indépendance n’ont
pas changé. Cependant la situation concrète créée en Palestine correspond à une mise en cause
radicale de la possibilité de réalisation de ce droit. Incapables de gérer plus longtemps cette
contradiction, laquelle a entraîné une situation de violence aggravée sur le terrain, la puissance
mandataire transmet aux Nations unies, une situation explosive.
252. C’est alors qu’intervient, le 29 novembre 1947, dans les circonstances qui ont été retracées
plus haut175, la résolution de l’Assemblée générale recommandant un plan de partage pour la
Palestine, assorti du projet de corpus separatum pour Jérusalem176. Au moment où ce dossier
revient à l’Assemblée générale des Nations unies, l’émancipation promise dès 1922 au peuple
arabe de Palestine est entravée par une donnée de fait longuement encouragée par la puissance
mandataire : le développement de la population juive en Palestine et son organisation politicomilitaire.
Mais le droit du peuple palestinien à son autodétermination sur son territoire n’a pas
disparu. Il n’y a renoncé par aucune convention qui lui serait opposable. Aucune norme du droit
international n’est venue contredire le principe affirmé dans le Pacte de la SDN. Au contraire,
les Nations Unies, par le système de la Tutelle relaient alors la promesse d’indépendance faite
aux peuples concernés, comme cela a été confirmé par la Cour lorsqu’elle a eu à se pencher sur
le mandat du Sud-Ouest africain :
174 Voir Annexe 10.
175 Voir supra, par. 86 à 100.
176 Voir Annexe 12.
103
« L’intention a évidemment été de sauvegarder les droits des États et des peuples en
toutes circonstances et à tous égards jusqu’à ce que chaque territoire soit placé sous le
régime de tutelle. »177.
253. Lorsqu’intervient la résolution 181 du 27 novembre 1947 de l’Assemblée générale, cela
entraîne-t-il des changements juridiques dans la situation ? Autrement dit cette résolution étaitelle
de nature à modifier le droit inhérent du peuple palestinien à son autodétermination sur
l’intégralité de son territoire tel qu’il avait été affirmé par le Pacte de la Société des Nations ?
La réponse est négative car si l’Assemblée générale a été peu à peu investie d’une responsabilité
en matière de décolonisation, cela ne pouvait évidemment pas la conduire à disposer d’un
territoire colonisé, puis soumis à un mandat, pour en retirer une partie au peuple qui avait été
dominé. Rien dans la Charte des Nations unies ne donne de tels pouvoirs à aucun des organes
de l’institution. Aussi faut-il analyser la résolution de l’Assemblée générale pour ce qu’elle est
du point de vue formel et se demander si elle était de nature à fonder des obligations.
254. La thèse doctrinale dominante considère les résolutions de l’Assemblée générale comme
n’ayant pas de caractère contraignant. Les dispositions de la Charte relatives aux pouvoirs de
cet organe vont dans ce sens
« Article 10
L'Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le
cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l'un
quelconque des organes prévus dans la présente Charte, et, sous réserve des
dispositions de l'Article 12, formuler sur ces questions ou affaires des
recommandations aux Membres de l'Organisation des Nations Unies, au Conseil
de sécurité, ou aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité.
Article 11
177 C.I.J., Affaire du Statut international du Sud-Ouest africain, Avis consultatif du 11 juillet 1950, Rec. 1950, p.
132 Ibidem, p. 134.
104
1. L'Assemblée générale peut étudier les principes généraux de
coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, y
compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des
armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux
Membres de l'Organisation, soit au Conseil de sécurité, soit aux Membres de
l'Organisation et au Conseil de sécurité.
L'Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien
de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l'un
quelconque des Membres des Nations Unies, ou par le Conseil de sécurité, ou
par un État qui n'est pas Membre de l'Organisation conformément aux
dispositions du paragraphe 2 de l'Article 35, et, sous réserve de l'Article 12,
faire sur toutes questions de ce genre des recommandations soit à l'État ou
aux États intéressés, soit au Conseil de sécurité, soit aux États et au Conseil de
sécurité. Toute question de ce genre qui appelle une action est renvoyée au
Conseil de sécurité par l'Assemblée générale, avant ou après discussion. ».
(Surligné par nous)
255. En application de ces dispositions, lorsque en 1947, l’Assemblée générale décide de
promouvoir un plan de partage de la Palestine, elle le fait par la voie de la recommandation :
« Recommande au Royaume-Uni, en tant que Puissance mandataire pour la Palestine,
ainsi qu'à tous les autres États Membres de l'Organisation des Nations Unies, l'adoption
et la mise à exécution, en ce qui concerne le futur gouvernement de la Palestine, du Plan
de partage avec Union économique exposé ci-dessous ;»178.
Et l’Assemblée générale est si convaincue de l’incapacité où elle se trouve d’imposer le plan de
partage sur lequel elle a réuni une majorité, qu’elle se tourne vers le Conseil de sécurité pour
qu’il vienne en renfort :
178 Voir Annexe 12, Résolution 181 de l’Assemblée générale.
105
« Demande : a) Que le Conseil de sécurité prenne les mesures nécessaires prévues dans
le plan pour sa mise à exécution; »179.
La résolution 181 n’ayant été qu’une recommandation, n’outrepassait pas les compétences de
fond de l’Assemblée générale. Elle était seulement, sous forme d’un « plan », sa contribution
aux tentatives de règlement d’un conflit central. Mais, son contenu ne pouvait acquérir force
obligatoire qu’avec le consentement des intéressés, c’est-à-dire du peuple arabe de Palestine.
256. À cet égard, les incertitudes persistèrent pendant des décennies et elles ne sont d’ailleurs
pas totalement levées. Dans les semaines qui suivirent le vote de la résolution 181, Israël
s’empressa d’en accepter la teneur, non par conviction (la suite des évènements démontra
qu’Israël n’acceptait en rien la frontière proposée par le plan de partage comme étant sa frontière
définitive), mais par calcul politique, cette acceptation valant confirmation de son existence
comme État. Il était patent alors que manquait pour que cette recommandation prenne force
obligatoire, l’acceptation du peuple concerné, le peuple arabe de Palestine, dont le droit à
l’autodétermination dans l’intégrité de son territoire était en jeu. Ce peuple et ses alliés
opposèrent d’abord leur refus à une recommandation qui amputait la Palestine arabe de plus de
la moitié de son territoire. Aussi, la résolution 181 s’est-elle épuisée dans une sorte de vide
juridique, aggravé par le fait que la partie de cette recommandation concernant Jérusalem resta
lettre morte.
257. Il est vrai que plus de quarante années plus tard, la résolution 181 a été mentionnée par
l’OLP à travers sa Déclaration d’indépendance de 1988 en ces termes :
« En dépit de l’injustice historique imposée au peuple arabe palestinien, qui a
abouti à sa dispersion et l’a privé de son droit à l’autodétermination au lendemain de
la résolution 181 (1947) de l’Assemblée générale des Nations unies, recommandant le
partage de la Palestine en deux États, l’un arabe et l’autre juif, il n’en demeure pas
moins que c’est cette résolution qui assure, aujourd’hui encore, les conditions de
légitimité internationale qui garantissent également le droit du peuple arabe palestinien
à la souveraineté et à l’indépendance » 180.
179 Ibidem.
180 Voir Annexe 27.
106
Mais cette déclaration donne bien la mesure de l’ambiguïté de la démarche proposée par
l’Assemblée générale. La solution recommandée garantissait en effet le droit du peuple arabe
palestinien à la souveraineté et à l’indépendance, mais cette solution portait sur un territoire
amputé, ce qui cautionnait la terrible injustice historique dont le peuple palestinien avait été
victime. Et il est d’autant plus hasardeux de chercher à attribuer à cette résolution une force
normative qu’Israël avait, et cela dès la guerre de 1948-49, liquidé toute validité à cette
recommandation en s’appropriant par ses conquêtes militaires une partie des territoires que le
plan de partage attribuait à l’État arabe.
258. Aussi, doit-on conclure que suite à l’intervention de l’Assemblée générale des Nations
unies sur ce dossier en 1947, le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même a sans doute
été confirmé (dans la mesure où la résolution de l’Assemblée générale prévoyait un État arabe),
mais que ses bases territoriales ont été démantelées. En tant que droit, il n’a donc pas disparu,
ce peuple n’ayant alors donné son consentement à aucun renoncement à ce droit. Son
acceptation unilatérale de la résolution 181, plusieurs décennies plus tard, indique seulement
que dans un accord de paix à venir (si aléatoire qu’en paraisse la réalisation pour le moment),
les Palestiniens ne pourraient pas revenir sur la reconnaissance de la souveraineté de l’État
hébreu sur la partie de la Palestine mandataire destinée à Israël selon le plan de partage181.
259. Il est à noter que, pour le nouvel État israélien qui se déclare indépendant le 14 mai 1948,
il n’y a alors aucune reconnaissance de l’existence du peuple palestinien. La question
palestinienne ne soulève alors
« … que des problèmes d’individus qui peuvent s’établir dans des pays arabes de la
région dans le cadre de la solidarité arabe »182.
L’étape suivante, celle ouverte par la guerre israélo-arabe de 1948, aura des conséquences
beaucoup plus dramatiques sur la possibilité de survie du droit du peuple palestinien à disposer
181 Dans ce sens, voir Jean Salmon, Op. Cit., p. 44. Et Frank L.M. Van de Craen, « The Territorial Title of the
State of Israel to “Palestine”: an Appraisal in International Law”, Revue belge de droit international, Vol. XIV,
1978-1979-2, p. 505.
182 Madjid Benchikh, « L’accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza du 28
septembre 1995 », Annuaire français de droit international, 1995, p. 24.
107
de lui-même. Ce droit est alors attaqué au travers des éléments qui permettent à un peuple de
se constituer en État : le territoire et la population.
260. Israël, retournant à son avantage la situation militaire créée par les forces arabes, s’empare
alors par les armes d’une partie importante du territoire réservé à un État arabe par le plan de
partage des Nations unies183. La Charte des Nations unies est alors en vigueur depuis près de 3
ans et elle interdit le recours à la force contre l’intégrité territoriale d’un État. Certes, Israël n’est
pas encore membre des Nations unies, son adhésion ayant fait l’objet d’une première démarche
infructueuse, mais elle est candidate à l’admission et l’obtiendra après avoir été sollicitée de
dire clairement son acceptation des obligations de la Charte et de toutes les résolutions des
Nations unies184. Certes, l’État arabe de Palestine n’est encore que potentiel car les circonstances
permettant au peuple palestinien de s’autoproclamer comme État ne seront réunies que bien
plus tard. Mais le territoire arabe de Palestine résultant de la résolution 181 n’est pas « terra
nullius » pour autant. Il est réservé à l’exercice à venir de la souveraineté palestinienne. Les
conquêtes israéliennes de parties de territoires qui étaient palestiniennes selon le plan de partage
de 1947, sont dès lors illégales en vertu de l’article 2, par 4 de la Charte et ne sauraient fonder un
titre valable en droit international.
261. Ces conquêtes contraires au droit international n’ont fait l’objet d’aucune validation par
les organes des Nations unies. Et les accords d’armistice signés par Israël avec les différents
États arabes engagés dans les opérations militaires de 1948, disaient clairement que la ligne
d’armistice ne saurait être considérée comme une frontière :
« 1. La ligne définie à l'article VI de la présente Convention sera appelée ligne de
démarcation de l'armistice ; son tracé répond aux buts et aux intentions des résolutions
du Conseil de sécurité des 4 et 16 novembre 1948.
2. La ligne de démarcation ne doit nullement être considérée comme une frontière
politique ou territoriale ; elle est tracée sans préjudice des droits, revendications et
positions des deux Parties au moment de l'armistice en ce qui concerne le règlement
définitif de la question palestinienne.
183 Voir supra, carte n°5, par. 92.
184 Voir supra, par. 124-125.
108
3. L'objectif essentiel que l'on a visé en traçant la ligne de démarcation de l'armistice
est l’établissement d'une ligne que les forces armées des Parties respectives ne devront
pas franchir, sauf dans les cas prévus A 'article III de la présente Convention.
4. Les décrets et règlements des forces armées des Parties, qui interdisent aux civils de
franchir les lignes de combat ou de pénétrer dans la zone située entre ces lignes,
resteront en vigueur après la signature de la présente Convention, en ce qui concerne
la ligne de démarcation de l'armistice, définie à l'article VI. »185.
262. Cette conquête de territoires par la force a été accompagnée sur toute la partie du territoire
palestinien dont Israël s’est emparé en 1948, de multiples exactions contre la population
palestinienne et ses biens. La population a subi des massacres de masse et des expulsions d’une
ampleur effroyable dont la réalité n’a été mise à jour que tardivement grâce aux travaux des
nouveaux historiens israéliens mentionnés plus haut 186 . Une autre violation du droit
international à l’encontre des populations de ces mêmes territoires, a résulté de l’accaparement
de terres qui étaient la propriété de Palestiniens 187 . Cette mainmise sur les propriétés,
volontairement pensée, légalement organisée avec la loi sur les biens des absents, était liée à
l’interdiction de tout retour des Palestiniens ayant quitté leurs domiciles. Il s’agit bien de
détruire la société arabe préexistant sur ces lieux :
« Interdire le retour signifie la création de faits accomplis détruisant la société arabe,
c’est-à-dire l’anéantissement des villages si possible durant les opérations militaires, la
dévastation de l’agriculture empêchant les récoltes, l’installation d’habitants juifs dans
les maisons arabes (dans les zones urbaines), la mise en place d’une législation
prohibant le retour et une action de propagande dans ce sens…. Les expulsions de
populations…. ont lieu dans une perspective clairement déterminée d’homogénéisation
ethnique définie moins par une instruction générale de chasser les populations que par
185 Voir Annexe 16, Convention d’armistice général entre l’Égypte et Israël signée à Rhodes le 24 février 1949.
186 Voir supra, par. 107 à 114 et l’ouvrage précité de Jacques de Reynier. Voir aussi, Catherine Rey Schyrr, « Le
CICR et l’assistance aux réfugiés arabes palestiniens (1948-1950) », Revue internationale de la Croix-Rouge,
septembre 2001, Vol. 83 ; N° 843, pp. 739 et suivantes.
187 Voir pour la description de cet accaparement, supra, par. 115 à 119.
109
des consignes strictes d’interdire tout retour en détruisant les maisons et les moyens
d’existence »188.
263. Dans sa résolution 181 par laquelle était proposée le plan de partage de la Palestine,
l’Assemblée générale avait pris soin de prévoir la protection des biens des minorités dans
chacun des deux États dont elle proposait la création :
« Aucune expropriation d'un terrain possédé par un Arabe dans l'État juif (par un Juif
dans l'État arabe) ne sera autorisée, sauf pour cause d'utilité publique. Dans tous les
cas d'expropriation, le propriétaire sera entièrement et préalablement indemnisé, au
taux fixé par la Cour suprême. »189.
264. Cette disposition particulière s’imposait à Israël en vertu de l’engagement solennel que
son gouvernement avait pris en adhérant aux Nations unies d’en respecter les obligations. Elle
ne fait que mettre en oeuvre des mesures relatives aux personnes et aux biens des Palestiniens
qui relèvent par ailleurs du droit international général. Sans doute les faits ici considérés ont-ils
eu lieu avant l’entrée en vigueur des Conventions de Genève sur le droit humanitaire en cas de
conflit armé du 12 août 1949. Mais le droit des conflits armés existait déjà et il comportait alors
la 4è Convention de La Haye de 1907 et le Règlement qui lui était annexé. La Cour dans son
avis consultatif de 2004 a rappelé que ce Règlement s’appliquait à la situation entre Israël et la
Palestine :
« Pour ce qui concerne le droit international humanitaire, la Cour relèvera en premier
lieu qu'Israël n'est pas partie à la quatrième convention de La Haye de 1907 à laquelle
le règlement est annexé. La Cour observera qu'aux termes de la convention ce règlement
avait pour objet de « reviser les lois et coutumes générales de la guerre » telles qu'elles
existaient à l'époque. Depuis lors cependant, le Tribunal militaire international de
Nuremberg a jugé que les « règles définies dans la convention étaient reconnues par
toutes les nations civilisées et étaient considérées comme une formulation des lois et
coutumes de guerre » (jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg du
30 septembre et 1er octobre 1946, p. 65). La Cour elle-même a abouti à la même
188 Henry Laurens, « La question de Palestine, Tome troisième 1947-1967, L’accomplissement des prophéties »,
Paris, Fayard, 2007, pp. 150-151.
189 Voir Annexe 12, Plan de partage avec Union économique, C, chapitre 2, point 8
110
conclusion en examinant les droits et devoirs des belligérants dans la conduite des
opérations militaires (Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis
consultatif, C.I. J. Recueil 1996 (I), p. 256, par. 75). La Cour estime que les dispositions
du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier, comme d'ailleurs
tous les participants à la procédure devant la Cour le reconnaissent. »190.
265. C’est donc au regard des dispositions de ce règlement que les actions menées alors par
Israël doivent être évaluées. Il en résulte qu’Israël en s’emparant en 1948 de territoires
palestiniens par une conquête en elle-même illégale, a multiplié des actes qui étaient des crimes
de guerre en application du droit international alors en vigueur.
266. Les nombreux massacres auxquels Israël s’est alors livré étaient des violations de l’article
25 du règlement de La Haye :
« Il est interdit d’attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes,
villages, habitation sou bâtiments qui ne sont pas défendus ».
L’accaparement des terres, propriétés des Palestiniens, était interdite par application de l’article
23, g du même texte qui interdit :
« …. de détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions
ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ».
Ou encore de l’article 28 :
« Il est interdit de se livrer au pillage d’une ville ou localité même prise d’assaut ».
Et aussi de l’article 46, paragraphe 2 :
« La propriété privée ne peut être confisquée ».
267. La situation ainsi créée à l’occasion de l’émergence de l’État d’Israël, puis de la guerre de
1948-49, a pour conséquence que le territoire dédié à un État arabe par la résolution de partage
de 1947 a été morcelé en plusieurs parties. Une part importante comprenant une partie de
190 C.I.J., Avis consultatif du 9 juillet 2004, rec. 2004, par. 89.
111
Jérusalem, a été annexée par Israël qui prétend depuis la ranger sous sa souveraineté. En dépit
de cette prétention, ce territoire reste de statut juridique incertain dans la mesure où le droit
international a fait de l’interdiction de s’emparer de territoires par la force, une norme
fondamentale. Elle a été rappelée par la jurisprudence internationale comme une norme
d’origine conventionnelle (article 2, par. 4 de la Charte des Nations unies), mais aussi comme
une norme coutumière et comme un exemple de norme impérative générale :
« La validité en droit coutumier du principe de la prohibition de l'emploi de la force
exprimé à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies trouve une autre
confirmation dans le fait que les représentants des Etats le mentionnent souvent comme
étant non seulement un principe de droit international coutumier, mais encore un
principe fondamental ou essentiel de ce droit. Dans ses travaux de codification du droit
des traités la Commission du droit international a exprimé l'opinion que le droit de la
Charte concernant l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple
frappant d'une règle de droit international qui relève du jus cogens )) (paragraphe 1 du
commentaire de la Commission sur l'article 50 de ses projets d'articles sur le droit des
traités, Annuaire de la Commission, 1966-11, p. 270). » 191
268. En 1948, la partie alors non conquise par Israël du territoire dédié à un État arabe comprend
la Cisjordanie alors placée sous administration jordanienne et la Bande de Gaza sous
administration égyptienne. Les populations palestiniennes de ces deux parties de la Palestine ne
sont pas soumises alors au pouvoir israélien. Mais le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination reste menacé. Son territoire historique a été amputé deux fois, la première
par l’effet du plan de partage des Nations unies en 1947, la seconde par les conquêtes
territoriales d’Israël en 1948. Sa population a été expulsée en grand nombre ou déplacée et reste
en attente de la réalisation de son droit au retour. Si dégradée que soit cette situation par rapport
au droit inaliénable du peuple palestinien à son émancipation, elle n’était que les prémices de
celle qui s’est déployée à, partir de 1967 sur la totalité du territoire palestinien et qu’il convient
maintenant d’analyser.
191 C.I.J. Affaire des activités militaires et para-militaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 27 juin 1986,
rec. 1896, par. 190.
112
B - Les politiques et pratiques israéliennes relatives au territoire palestinien occupé depuis
1967 au regard du droit international.
269. Lorsqu’Israël se lance dans la Guerre éclair des Six jours en juin 1967, une nouvelle phase
s’ouvre dans la situation qui prévalait alors. En occupant militairement la totalité de la Palestine,
en soutenant la colonisation systématique de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, en soumettant
la Bande de Gaza à un blocus quasi complet, en se livrant sous la pression des Nations unies ou
de pays préoccupés par la poursuite d’un conflit interminable, à des négociations amorcées
(mais jamais abouties), en se livrant à de multiples exactions contre la population, Israël
confirme que son projet est bien de rendre impossible l’émancipation du peuple palestinien.
270. Ces politiques et pratiques sont à examiner à l’aune du droit qui leur est concomitant. Or,
lorsqu’Israël ouvre cette nouvelle période de son conflit avec la Palestine, le droit international
encore à l’état d’ébauche dans les périodes précédentes, s’est fortement consolidé. Le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes accordé seulement à certains territoires sous la Société des
Nations et encore écrit en pointillé au moment de l’entrée en vigueur de la Charte des Nations
unies, a pris à partir de 1960, la valeur juridique d’une norme détaillée et ayant valeur de droit
impératif général. L’imposant corpus de résolutions des organes des Nations unies rappelé plus
haut en témoigne192 ainsi que de multiples traités multilatéraux généraux. Le droit humanitaire,
ébauché dès la fin du XIX è siècle et au début du XXè avec les Conventions de La Haye, a été
complété et renforcé par les Conventions de Genève du 12 août 1949, leurs protocoles
additionnels de 1977 et diverses conventions particulières. Les droits de l’homme ont été
proclamés de manière universelle avec la Déclaration de 1948. Ils seront détaillés et approfondis
à travers les Pactes internationaux des Nations unies. Ces textes fondent les obligations qui
s’imposent à Israël, comme s’impose à cet État l’ensemble des obligations découlant de la
Charte. Elles obligent Israël de manière renforcée suite aux circonstances qui ont entouré son
adhésion aux Nations unies.
271. Car l’État d’Israël n’a pu accéder au rang de membre des Nations unis qu’après avoir dû
s’engager solennellement à respecter les obligations découlant de la Charte. Et pourtant,
justifiant la méfiance que l’organisation internationale avait exprimée au moment de son
adhésion, Israël a déployé dans les territoires occupés par la guerre de 1967, des politiques en
192 Voir supra, par. 214 à 240.
113
violation flagrante de ces obligations. Sans doute y a-t-il eu par moments des nuances apportées
à ces violations en fonction des partis politiques au pouvoir dans l’État hébreu. Mais la ligne
générale n’a guère dévié et depuis les origines du mouvement sioniste, ce sont régulièrement
les franges les plus extrémistes de ce mouvement qui en ont orienté la direction jusqu’à leur
récente accession au pouvoir.
272. En dépit d’engagements pris à l’occasion des diverses phases de négociations ouvertes
avec les Palestiniens sous l’égide de grands États et des Nations unies, notamment de
l’acceptation de la résolution 242 du Conseil de sécurité qui exigeait le retrait de tous les
territoires palestiniens occupés en 1967 et la réalisation d’un juste règlement du problème des
réfugiés193, Israël a mené continument une politique de refus et de liquidation du droit du peuple
palestinien à disposer de lui-même.
273. On montrera ici comment les politiques et pratiques d’Israël ont consisté à entraver la
possibilité même d’existence d’un État palestinien par des attaques contre les 3 éléments qui
caractérisent un État : le territoire (1), la population (2) et les institutions de gouvernement (3).
On verra alors que ces attaques n’ont pu se déployer qu’à travers des procédés qui sont en euxmêmes
des violations flagrantes du droit international
274. Ainsi, la violation principale de la norme du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne
peut-elle s’accomplir qu’à travers de multiples violations secondaires de tout le corpus
contemporain du droit international.
1) La liquidation progressive et systématique des bases territoriales d’un État.
275. Les États modernes se répartissent à partir des surfaces territoriales qui leur sont reconnues
par les autres États et l’assise spatiale, base de leurs compétences régaliennes, fonde alors
l’exercice du pouvoir. Or cette base territoriale de l’État palestinien, telle que réduite depuis
1949 à la partie délimitée par la ligne d’armistice, dite aussi Ligne verte, a fait l’objet de mesures
israéliennes accumulées dont le résultat est que ce territoire ne répond plus aux possibilités
d’exercice d’un pouvoir souverain. Il est significatif que soit apparue l’expression « État
193 La résolution 242 du Conseil de sécurité est explicitement visée dans la Déclaration de principes sur des
Arrangements intérimaires d’autonomie du 13 septembre 1993, voir l’Annexe 29.
114
viable » au cours des négociations les plus récentes, comme pour conjurer le fait que l’évolution
en cours compromet cette viabilité :
« La possibilité d’établir un État palestinien viable et contigu continue d’être érodée
par les faits sur le terrain »194.
Cette dislocation des bases territoriales de l’État résulte de diverses actions ou mesures toutes
sans fondement en droit : une occupation militaire illégale (a), le maintien d’un contrôle sur
Gaza et le blocus de cette partie du Territoire palestinien (b), de multiples et radicales violations
des règles qui encadrent l’occupation militaire, dont une colonisation du territoire occupé à
marche forcée, (c) une dislocation du territoire contraire au respect de l’intégrité du territoire
d’un peuple, (d), une annexion déguisée (e).
a) Une occupation militaire prolongée et illégale du territoire palestinien.
276. Lorsqu’en 1967, les forces armées israéliennes pénètrent dans le territoire palestinien alors
sous contrôle de la Jordanie (pour la Cisjordanie) et de l’Égypte (pour Gaza), il s’agit selon le
droit des conflits armés d’une occupation militaire. Cette situation juridiquement encadrée en
droit, est par définition une situation temporaire.
« Selon le droit international humanitaire, l’occupation en temps de guerre est une
situation provisoire, qui n’enlève à la Puissance occupée ni sa qualité d’État ni sa
souveraineté »195.
277. Le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens
occupés depuis 1967 avait déjà précisé dans son rapport du 23 octobre 2017 :
« 32. L’occupation belligérante est par nature un état de fait provisoire et exceptionnel,
dans lequel la puissance occupante assume de facto l’administration du territoire
jusqu’à ce que les circonstances permettent de le remettre au dépositaire de sa
souveraineté, à savoir son peuple. En raison de l’interdiction absolue d’acquérir un
territoire par la force, il est défendu à la puissance occupante d’exercer son autorité
194 Discours de la Secrétaire générale adjointe aux Affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme
Rosemary DiCarlo au Conseil de sécurité le 29 avril 2019, 8517è séance-matin, CS/13794
195 Voir Annexe 40, par. 9.
115
sur le territoire de manière permanente ou même indéfinie, ou de tenter de le faire.
…….c’est la notion de durée, outre les principes d’autodétermination et de nonacquisition
de territoire par la force, qui distingue l’occupation de la conquête,
distinction qui s’émousserait si l’on voulait donner à l’occupation un caractère indéfini.
33. Le droit de l’occupation ne conditionne la licéité de l’occupation à aucune durée
spécifique. Il découle toutefois de la règle générale selon laquelle l’occupation est une
forme de domination étrangère faisant provisoirement exception aux principes
d’autodétermination et de souveraineté que la puissance occupante est tenue de
remettre le territoire à la puissance souveraine dans un délai aussi raisonnable et bref
que possible, sous réserve uniquement des éléments suivants: a) la sûreté et la sécurité
publiques du territoire; b) l’instauration ou la restauration des institutions publiques et
la bonne marche de l’économie et c) la sécurité de l’armée d’occupation. La puissance
occupante, étant tenue d’oeuvrer de bonne foi à la réalisation de ces objectifs dans le
respect des principes du droit de l’occupation, ne serait pas légitimement fondée à
demeurer sur le territoire occupé une fois les conditions réunies pour que le territoire
soit intégralement remis à la puissance souveraine. En effet, plus l’occupation dure,
plus la puissance occupante est sommée de justifier la prolongation de sa présence. »196.
278. Aussi la Commission indépendante précitée se concentre-t-elle sur cet indicateur pouvant
servir à déterminer l’illégalité de l’occupation, celui de la permanence de l’occupation. Et elle
note à cet égard :
« … la Commission a constaté l’existence de preuves crédibles qui indiquaient de
manière convaincante qu’Israël n’avait aucune intention de mettre un terme à
l’occupation, qu’il appliquait des politiques claires en vue de prendre le contrôle total
du Territoire palestinien occupé et qu’il s’employait à en modifier la démographie en
maintenant un environnement répressif pour les Palestiniens et un climat favorable aux
colons israéliens. Dans le présent rapport, elle se penche sur ces éléments pour
examiner les conséquences de l’occupation prolongée en matière de droits humains et
dans le domaine juridique, s’agissant notamment de déterminer si Israël a, à toutes fins
utiles, « annexé » tout ou partie du Territoire palestinien occupé dans le cadre de son
196 Annexe 41, Assemblée générale des Nations unies, Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de
l’homme dans les territoires occupés, 23 octobre 2017, A/72/556, par. 32 et 33.
116
régime d’occupation, et pour formuler des recommandations concrètes à l’intention des
parties prenantes concernées. »197.
279. Ainsi doit-on constater que par sa prolongation indéfinie, l’occupation militaire du
territoire palestinien par Israël est en elle-même une occupation illégale. Elle est de surcroît la
source d’autres violations du droit international, ainsi que l’a constaté la Mission
d’établissement des faits dans son Rapport sur la situation des droits de l’homme en Palestine
et dans les autres territoires arabes occupés. L’occupation apparaît en effet comme :
« …. le facteur fondamental sous-tendant les violations du droit international
humanitaire et de celui des droits de l’homme commises contre la population protégée
et compromettant pour elle toute perspective de développement et de paix »198.
b) L’occupation prolongée de Gaza par le contrôle de ce territoire et le blocus qui lui est
imposé.
280. Pour ce qui est de la Bande de Gaza, Israël a prétendu le 12 septembre 2005 avoir retiré
son armée et a opéré le démantèlement des colonies juives qui y avaient été édifiées. Mais il
n’est pas possible de conclure à la fin de l’occupation militaire.
« L’ensemble des contrôles et des prérogatives que s’est réservé Israël sur Gaza, et
notamment le contrôle total des entrées et sorties de personnes et de biens, ainsi que le
droit d’intervention militaire revendiqué (et utilisé) font que la Bande de Gaza reste
dans un état de dépendance étroit par rapport à Israël »199.
Aussi le territoire de La Bande de Gaza, qui forme le Territoire palestinien unifié avec la
Cisjordanie et Jérusalem, est ainsi toujours sous occupation israélienne et Israël doit y répondre
des obligations de toute puissance occupante.
197 Voir Annexe 40, par. 3.
198 Annexe 42, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Mission d’établissement des faits de
l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, 23 septembre 2009 A/HRC/12/48 (ADVANCE 2), par.
1897.
199 Alain Bockel, « Le retrait israélien de Gaza et ses conséquences sur le droit international », Annuaire
français de droit international, 2005, p. 23.
117
« Ainsi l’exercice d’un contrôle extérieur sur les frontières impose à la puissance
occupante qui l’exerce le respect des droits des populations civiles résidant à l’intérieur.
Ce contrôle … est total, et particulièrement renforcé depuis 2007, sur les frontières
aériennes et maritimes, ainsi que sur les frontières terrestres »200.
281. Dès 2009, la Mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations unies sur le
conflit de Gaza qualifiait la situation imposée par Israël à ce territoire de blocus et rappelait que
les devoirs de puissance occupante restaient à la charge d’Israël pour ce qui est de ce territoire :
« 27. La Mission s’est concentrée (chap. V) sur le processus d’isolement économique et
politique imposé par Israël à la bande de Gaza, communément qualifié de blocus. Le
blocus comprend des mesures telles que des restrictions à l’importation de certaines
marchandises dans la bande de Gaza et la fermeture des passages frontaliers aux
personnes ainsi qu’aux biens et services, des jours durant parfois, causant aussi
l’interruption de l’approvisionnement en combustible et en électricité………….
28. La Mission estime qu’Israël demeure lié par les obligations lui incombant en vertu
de la quatrième Convention de Genève, dont l’obligation d’assurer dans toute la mesure
des moyens à sa disposition l’approvisionnement en vivres, en fournitures médicales et
hospitalières et en autres articles nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires
de la population de la bande de Gaza sans restrictions. »201.
282. Ainsi les pratiques et politiques israéliennes sur la Bande de Gaza sont-elles constitutives
d’une double illégalité. La première est commune aux pratiques exercées en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est et tient à la nature indéfinie de cette occupation qui n’est pas compatible avec le
caractère nécessairement temporaire qu’elle doit revêtir.
200 Alain Bockel, « Gaza, le processus de paix en question », Annuaire français de droit international, 2009, p.
181
201 Annexe 43, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Mission d’établissement des faits de
l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, 23 septembre 2009 A/HRC/12/48 (ADVANCE 1), par.
27 et 28.
118
283. Les mesures constitutives de blocus constituent la seconde illégalité attribuable à Israël en
ce qui concerne la situation faite à la Bande de Gaza. On ne détaillera pas ici ces mesures
dénoncées régulièrement par les différents rapports présentés à l’Assemblée générale :
« Attaques visant les fondements de la vie civile à Gaza : destruction des
infrastructures industrielles, de la production alimentaire, des installations
d’approvisionnement en eau, des stations d’épuration des eaux usées et des
habitations »202.
Il s’agit d’une « politique susceptible de constituer une peine collective »203. Ayant pour but
d’affamer les populations civiles et de les priver des diverses nécessités de la vie, les mesures
constitutives de blocus sont interdites par l’article 53 de la Convention de Genève du 12 août
1949 :
« Article 53 - Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou
immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à
l'État ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf
dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les
opérations militaires. »
Elles le sont également par l’article 54 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève
du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux :
Article 54, Protection des biens indispensables à la survie de la population civile
1. Il est interdit d'utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre.
2. Il est interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens
indispensables à la survie de la population civile, tels que des denrées alimentaires et
les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves
d'eau potable et les ouvrages d'irrigation, en vue d'en priver, à raison de leur valeur de
subsistance, la population civile ou la Partie adverse, quel que soit le motif dont on
202 Voir Annexe 43, Intitulé du point 9.
203 Voir Annexe 40, par. 20.
119
s'inspire, que ce soit pour affamer des personnes civiles, provoquer leur déplacement
ou pour toute autre raison ».
Cette illégalité est constitutive de crime de guerre et doit donc être interdite et sanctionnée
comme telle.
c) Une colonisation accélérée.
284. La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est est une entreprise commencée par
Israël bien avant l’occupation militaire de ces territoires. Cette colonisation a pris avec le temps
des proportions considérables. Selon un rapport de l’Union européenne du 15 mai 2023 :
« According to the Israeli Bureau of Statistics, there are around 230,000 Israelis living
in 14 settlements constructed in East Jerusalem. Between 1967 and now, governmentinitiated
construction in East Jerusalem benefited 99% Israelis and only 1%
Palestinians. A total of 57.000 housing units were advanced in Jewish neighborhoods
and only 600 in Palestinian ones.”204.
Et la dynamique de la colonisation est croissante. Le 28 mars 2023, il a été indiqué au Conseil
des droits de l’homme qu’entre 2012 et 2022, la population des colons était passée de 520 000
à plus de 700 000205. Les blocs de colonies ainsi construits illégalement sont consolidés par des
réseaux de routes de contournement et par le mur.
285. Israël soutient avec des fonds d’État des centaines d’implantations civiles juives dans le
Territoire palestinien occupé. Plusieurs milliards de dollars de fonds privés, mais aussi publics
ont ainsi financé la construction des colonies et des infrastructures correspondantes206. Bien que
toutes les colonies de peuplement soient illégales au regard du droit international, Israël
distingue les colonies autorisées par le droit israélien et les avant-postes considérés comme
204 Annexe 44, European Union, Office of the European Union Representative (West Bank and Gaza Strip,
UNRWA), 2022 Report on Israeli settlements in the occupied West Bank, including East Jerusalem Reporting
period -January - December 2022, 15 mai 2023.
205 Voir Annexe 38, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, 28 mars 2023
206 Voir Annexe 40, par. 25, 26 et 29.
120
illégaux. Ces derniers bénéficient cependant des services essentiels (électricité, sécurité). Ils
sont le plus souvent légalisés postérieurement.
286. Encouragés par l’État d’Israël et soutenus par des spoliations considérables de terres
palestiniennes, les transferts massifs de la population de l’occupant dans le territoire occupé
sont constitutifs de violations d’une règle capitale du droit international humanitaire, intégrée
au droit positif à valeur coutumière et conventionnelle, formulée par l’article 49 de la 4è
Convention de Genève du 12 août 1949 qui se lit comme suit :
« Article 49
La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une
partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
287. Cette colonisation accélérée est effectuée à travers une politique de spoliation des biens
des Palestiniens qui est administrativement organisée. Des terres agricoles et pastorales sont
attribuées aux colons nouvellement arrivés. À cette fin, Israël invoque des raisons militaires
pour restreindre l’accès à de vastes zones de Cisjordanie, constituée pour partie de terres
palestiniennes privées, ce qui lui permet ensuite de les utiliser pour la création de nouvelles
colonies. Cette politique dite du zonage a conduit à ce que 18% du territoire de la Cisjordanie,
principalement dans la zone C, ont été affectés à des zones militaires d’accès réglementé (1,
765 millions de dunums). Le décret n° 59 de 1967 (5727-1967) relatif aux biens des absents a
permis de déclarer terres domaniales plus de 750 000 dunums de propriétés antérieurement
palestiniennes207.
288. La politique israélienne d’octroi des permis de construire en Cisjordanie est largement en
faveur des colons juifs et au détriment de la population palestinienne. C’est ainsi que les
Palestiniens demandeurs de permis de construire sur leurs propres terres, se les voient refuser
au nom du régime appliqué aux zones réservées, alors que les constructions sont autorisées,
voire encouragées au bénéfice des colonies.
« En 2019 et en 2020, 32 demandes de permis et de plans de construction présentés par
des Palestiniens ont été approuvés et 310 autres ont été rejetés, tandis que
207 Ibidem, par. 31-32.
121
l’Administration civile d’Israël a approuvé les plans relatifs à 16 098 unités dans les
colonies israéliennes »208.
289. S’il est difficile aux Palestiniens d’obtenir l’autorisation de construire, y compris sur leurs
propres terres, en revanche, les démolitions de biens appartenant aux Palestiniens n’ont cessé
de se multiplier. On dénombre 15 000 ordres de démolitions en attente d’exécution dans la Zone
C de Cisjordanie. À Jérusalem-Est, la situation de 100 000 résidents est rendue extrêmement
précaire par le fait que leurs habitations ont été construites sans permis de construire faute de la
possibilité d’en obtenir. Allant plus loin encore, la loi israélienne sur la planification et la
construction oblige les propriétaires à démolir eux-mêmes leur propre propriété sous peine
d’amendes de montant supérieur aux revenus moyens des ménages palestiniens. 55% des
démolitions qui, en 2021, ont été effectuées à Jérusalem-Est, l’ont été par leurs propriétaires
ainsi menacés209.
290. Ce contrôle de la terre palestinienne au profit des colons juifs, s’accompagne d’un contrôle
de toutes les ressources en eau de la Cisjordanie pour satisfaire les besoins des colonies. Une
ordonnance militaire de 1967 (n° 92) a permis à Israël de prendre le contrôle des principales
sources d’eau de Cisjordanie et a interdit aux Palestiniens de construire de nouvelles
installations d’accès à l’eau ou d’entretenir celles existant déjà sans autorisation des autorités
militaires210.
291. Toutes ces mesures ont le même objectif, priver progressivement les Palestiniens de leurs
propriétés et les transférer aux colonies israéliennes. S’exprimant le 19 décembre 2022 devant
le Conseil de sécurité, le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient,
M. Tor Wennesland a jugé :
« …particulièrement préoccupante l’expansion des colonies israéliennes en
Cisjordanie occupée, qui compromettent à ses yeux la perspective d’une solution à deux
208 Ibidem, par. 42.
209 Annexe 45, Nations unies, Conseil économique et social, « Répercussions économiques et sociales de
l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y
compris Jérusalem-Est, et de la population arabe du Golan syrien occupé », 8 juin 2022, A/77/90-E/2022/66,
para. 28 à 32.
210 Voir Annexe 40, par. 35.
122
États en érodant « systématiquement » la possibilité d’établir un État palestinien
contigu, indépendant, viable et souverain. Ainsi, quelque 4 800 unités de logement ont
été construites en 2022 dans la seule zone C, contre 5 400 en 2021. Toutefois, à
Jérusalem-Est occupée, le nombre d’unités de logement avancées a plus que triplé par
rapport à l’année précédente, passant de 900 unités en 2021 à environ 3 100 en 2022,
a précisé M. Wennesland. La poursuite des démolitions et des saisies de structures
palestiniennes demeure alarmante, a encore dit le haut fonctionnaire, en déplorant
notamment la démolition d’une école financée par des bailleurs de fonds à Masafer
Yatta ».
Il a prévenu :
«… les membres du Conseil de sécurité que la violence et l’expansion continue des
colonies de peuplement israéliennes dans les territoires occupés compromettent la
solution des deux États, en érodant la possibilité d’établir un État palestinien viable et
indépendant. »211.
292. La politique israélienne de colonisation accélérée de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est a
fait l’objet d’une condamnation sans réserve de l’Organisation des Nations unies. L’Assemblée
générale s’est exprimée de très nombreuses fois. Et le Conseil de sécurité, organe décisionnaire,
a régulièrement condamné ces pratiques, notamment dans sa résolution 465 :
« 5. Considère que toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère
physique la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des
territoires palestiniens et des autres territoires arabes occupés depuis 1967. y compris
Jérusalem ou de toute partie de ceux-ci n’ont aucune validité en droit et que la politique
et les pratiques d'Israël consistant à installer des éléments de sa population et de
nouveaux immigrants dans ces territoires constituent une violation flagrante de la
Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre
et font en outre gravement obstacle à l'instauration d'une paix d'ensemble. juste et
durable au Moyen-Orient:
211 Annexe 46, Conseil de sécurité, Nations Unies, 9224e : « Conseil de sécurité : le Coordonnateur spécial
prévient que l’expansion des colonies israéliennes érode « systématiquement » la solution à deux États » ; 19
décembre 2022, CS/1546.
123
6. Déplore vivement qu'lsraël persiste et s'obstine dans ces politiques et pratiques et
demande au Gouvernement et au peuple israéliens de rapporter ces mesures, de
démanteler les colonies de peuplement existantes et en particulier de cesser d'urgence
d'établir édifier et planifier des colonies de peuplement dans les territoires arabes
occupés depuis 1967, y compris Jérusalem »212.
293. De surcroît, ces mesures de colonisation sont des violations du droit international
humanitaire. Celui-ci en effet s’emploie à protéger les biens des populations civiles soumises à
une occupation militaire étrangère, notamment de manière à permettre leur survie. Cela résulte
des articles 53 de la Convention de Genève du 12 août 1949 et 54 du Protocole additionnel I
précités213.
d) Une dislocation du Territoire palestinien occupé contraire au droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes dans l’intégralité de leur territoire.
294. C’est un aspect essentiel du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que de permettre à
chaque peuple concerné de pouvoir le réaliser dans son intégrité territoriale. Dans son avis
consultatif du 23 février 2019, la Cour internationale a précisé ce point :
« Afin d’empêcher tout démembrement des territoires non autonomes, le paragraphe 6
de la résolution 1514 (XV) prévoit que : « Toute tentative visant à détruire
partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est
incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. »
« La Cour rappelle que le droit à l’autodétermination du peuple concerné est défini par
référence à l’ensemble du territoire non autonome, ainsi que le souligne le paragraphe
6 précité de la résolution 1514 (XV) (voir le paragraphe 153 ci-dessus). Tant la pratique
des Etats que l’opinio juris, au cours de la période pertinente, confirment le caractère
coutumier du droit à l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome, qui constitue
le corollaire du droit à l’autodétermination. Aucun cas n’a été porté à l’attention de la
Cour dans lequel, postérieurement à la résolution 1514 (XV), l’Assemblée générale ou
tout autre organe des Nations Unies aurait considéré comme licite le détachement par
212 Conseil de sécurité, résolution 465 du 1er mars 1980.
213 Supra, par. 283.
124
la puissance administrante d’une partie d’un territoire non autonome en vue de le
maintenir sous le joug colonial. Les Etats n’ont cessé de souligner que le respect de
l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome était un élément clef de l’exercice
du droit à l’autodétermination en droit international. La Cour considère que les peuples
des territoires non autonomes sont habilités à exercer leur droit à l’autodétermination
sur l’ensemble de leur territoire, dont l’intégrité doit être respectée par la puissance
administrante. Il en découle que tout détachement par la puissance administrante d’une
partie d’un territoire non autonome, à moins d’être fondé sur la volonté librement
exprimée et authentique du peuple du territoire concerné, est contraire au droit à
l’autodétermination »214.
295. Cette exigence est méconnue par Israël en ce qui concerne la Palestine de multiples
manières, car les politiques et pratiques d’Israël forment une longue liste d’attaques contre
l’intégrité du territoire palestinien. Si on laisse de côté, la première amputation du territoire
palestinien, celle résultant de la résolution de partage (considérant qu’à travers des convulsions
douloureuses, le peuple palestinien a accepté la création d’Israël sur cette partie de son territoire
historique), Israël s’est livré ensuite à une conquête par les armes d’une part importante (près
du quart) de la Palestine mandataire. Elle a alors annexé ses conquêtes, sans que ces annexions
n’aient jamais été validées. Il s’agit bien d’une violation de l’intégrité territoriale d’un peuple.
296. Ensuite, Israël n’a cessé d’étendre sa politique de colonisation, fragmentant le Territoire
palestinien jusqu’à le rendre non viable. Sa volonté est de ne jamais restituer ces colonies.
Protéger les colonies d’un mur, définir des périmètres réservés aux extensions coloniales,
assurer aux colons l’impunité à l’occasion de tous les actes de violence auxquels ils se livrent
pour imposer la sécurité, mais aussi l’extension de leurs domaines, sont les moyens employés
pour détruire l’intégrité territoriale d’un peuple.
297. Enfin, la contrainte imposée par les Accords intérimaires de 1993 selon laquelle le
Territoire palestinien laissé à l’administration de l’Autorité palestinienne, est divisée en 3 zones
de statut différent et l’étroit contrôle qu’Israël s’est conservé dans la plus étendue de ces zones,
est une autre atteinte à la garantie d’intégrité territoriale qui est centrale dans l’exercice du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes.
214 Ibidem, par. 160.
125
e) Une annexion rampante clairement affichée en Cisjordanie et une annexion présumée
de jure à Jérusalem-Est.
298. Il ne manque pas de déclarations politiques indiquant l’intention de personnalités
politiques israéliennes de ne jamais faire cesser l’occupation.
« Dans tous les cas où nous décidons de créer des localités israéliennes, nous tenons
compte du fait que ces régions resteront sous notre contrôle et devront être incluses
dans les nouvelles frontières du pays après la conclusion de la paix »215.
Le déploiement illimité de colonies de peuplement israéliennes et la ferme volonté de l’État
hébreu de les intégrer à son territoire sont la preuve d’une volonté d’annexion illégale.
299. La Commission internationale indépendante chargée par l’Assemblée générale des Nations
unies d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem Est et en Israël, s’en
inquiète dans son rapport du 14 septembre 2022, où elle dit se concentrer sur :
«… les actes assimilables à une annexion, y compris toute mesure unilatérale qu’Israël
aurait prise pour disposer de parties du Territoire palestinien occupé comme s’il
possédait la souveraineté sur celui-ci »216.
Elle rappelle que l’annexion de jure est l’extension formelle de la souveraineté d’un État sur un
territoire découlant de son droit interne, bien que non nécessairement reconnue en droit
international, alors que l’annexion de facto résulte d’un processus graduel ou progressif. Cette
dernière ne fait pas l’objet d’une déclaration formelle. Dès lors, il n’est pas facile de déterminer
le seuil à partir duquel l’occupation devient une annexion de fait.
300. La Cour, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004, s’était déjà interrogée sur l’hypothèse
d’une annexion de facto dans l’examen auquel elle se livre de la situation créée par l’édification
du mur israélien en Cisjordanie occupée et à Jérusalem.
« La Cour estime que la construction du mur et le régime qui lui est associé créent sur
le terrain un « fait accompli » qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, et
215 Voir Annexe 22, Déclaration du général Dayan.
216 Voir Annexe 40, par. 11.
126
nonobstant la description officielle qu'Israël donne du mur, la construction de celui-ci
équivaudrait à une annexion de facto. »217.
301. Pendant les vingt années écoulées depuis cet avis de la Cour, les responsables israéliens
ont persisté, non seulement à poursuivre la construction du mur, mais à manifester leur intention
de rendre irréversible la présence des colonies et d’annexer tout ou partie de la zone C de
Cisjordanie. Et M. Netanyahou, alors Premier ministre, a affirmé en août 2020 que la question
de la souveraineté était toujours sur la table, s’agissant de la souveraineté israélienne sur la
Cisjordanie218. Plus récemment, le 17 mai 2022, le nouveau Premier ministre, M. Bennet,
soulignant que les colonies font déjà partie intégrante de l’État d’Israël, a déclaré :
«Avec l’aide de Dieu, nous serons également présents aux célébrations des
cinquantième, soixante-quinzième, 100e, 200e et 2000e anniversaires d’Elqana, au sein
d’un État juif uni et souverain sur la Terre d’Israël. »219.
En décidant en Conseil des ministres le 18 juin 2023, de simplifier considérablement les
formalités administratives permettant de construire dans les colonies, le gouvernement actuel
d’Israël poursuit son projet d’annexion rampante220.
302. Pour ce qui est de Jérusalem, la situation est à la fois plus claire et plus grave. Israël, après
s’être emparé par la force de la partie Ouest de la ville lors de ses conquêtes illégales de 1948,
l’a alors déclarée capitale éternelle d’Israël. Mais en 1980, allant plus loin, Israël a adopté la
Loi fondamentale par laquelle Jérusalem toute entière est désignée comme capitale réunifiée
d’Israël. La présumée annexion de jure de Jérusalem est ainsi confirmée.
303. La conclusion de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et en Israël, confirme qu’il y a de la part
d’Israël annexion de jure (sur Jérusalem) et annexion de facto (sur la Cisjordanie) :
217 C.I.J., Avis consultatif du 9 juillet 2004, Les conséquences juridiques de l’édification d’un mur par Israël dans
le Territoire palestinien occupé, par. 121.
218 Cité dans Annexe 40, par. 52, note 109.
219 Ibidem, par. 53.
220 Annexe 47, Clotilde Mraffko, « Le gouvernement israélien fait un pas important vers une annexion de la
Cisjordanie », Le Monde, 20 juin 2023
127
« La Commission estime qu’il y a des motifs raisonnables de conclure que
l’occupation israélienne du territoire palestinien est aujourd’hui illégale au regard du
droit international en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par
Israël pour annexer de facto et de jure certaines parties de ce territoire. Les mesures
prises par Israël pour créer des faits irréversibles sur le terrain et pour étendre son
contrôle sur le territoire constituent aussi bien des manifestations que des moteurs de
son occupation permanente.
… Israël a pris des mesures qui sont constitutives d’une annexion de facto, à savoir
notamment : l’expropriation de terres et de ressources naturelles, l’établissement de
colonies et d’avant-postes, l’application aux Palestiniens d’un régime d’aménagement
et de construction restrictif et discriminatoire et l’application extraterritoriale de la
législation israélienne aux colons israéliens en Cisjordanie. »221.
304. L’annexion, qu’elle soit déclarée officiellement par l’État qui s’est emparé par les armes
de territoires n’étant pas sous sa souveraineté, ou qu’elle résulte de mesures factuelles,
démontrant une prétention à une souveraineté de fait, est un acte illégal en droit international
depuis le Pacte Briand Kellogg de 1928. Cette illégalité a été confirmée par la Charte des
Nations Unies à son article 2, par. 4. Cette protection contre les empiétements territoriaux
effectués sans droit a été précisée et renforcée dans la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États.
« Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera
reconnue comme légale »222.
305. Aussi la politique d’annexion de jure ou simplement de facto par Israël de parties du
Territoire palestinien occupé a-t-elle fait l’objet de condamnations très fermes de la part des
organes des Nations unies. L’Organisation a condamné l’occupation elle-même (résolution 242
du Conseil de sécurité), la politique de colonisation de la Cisjordanie et plus précisément dans
la mesure où il s’est agi d’annexion de jure, la main mise d’Israël sur Jérusalem (rés. 252 du 21
mai 1968, rés. 267 du 3 juillet 1967, rés. 271 du 15 septembre 1969, rés. 298 du 25
221 Voir Annexe 40, par.75 et 76.
222 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 2625 du 24 octobre 1970, Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à
la Charte des Nations unies.
128
septembre 1871, la rés. 478 du 30 juin 1980, et plus récemment rés. 2334 du Conseil de
sécurité du 23 décembre 2016)
306. Les tentatives ainsi menées par l’État hébreu pour rendre impossible l’autodétermination
du peuple palestinien par l’impossibilité faite à celui-ci de disposer d’un
territoire viable se sont ainsi affirmées comme de plus en plus résolues à travers le temps, en
même temps qu’elles faisaient l’objet de condamnations constantes par la communauté
internationale.
2) Les politiques et pratiques israéliennes relatives à la population palestinienne du
Territoire occupé depuis 1967 au regard du droit international.
307. Le peuple est un autre élément central de l’existence d’un État. Un peuple est un groupe
humain différencié des autres groupes et bénéficiant d’une identité collective. Ce groupe est
constitué en nation par le sentiment d’appartenance commune. La volonté israélienne de dénier
au peuple palestinien son droit à l’émancipation, s’exprime non seulement en laissant à ce
peuple des superficies de territoire de plus en plus réduites et éclatées sans communication
possible les unes avec les autres, mais aussi en menant une politique dont le but non dissimulé
est de vider le Territoire palestinien du maximum de ses habitants arabes au profit des colons
juifs de plus en plus nombreux. Cette politique contre la base humaine de l’État de Palestine
comporte plusieurs volets complémentaires : d’une part, dissuader le plus grand nombre
possible de Palestiniens de rester là où ils vivent en détruisant leurs possibilités mêmes de vie
(a), d’autre part, refuser à tous ceux que les guerres de 1948, puis de 1967, ou les conditions de
vie de plus en plus périlleuses en Palestine, ont amené à fuir, le droit pourtant fondamental au
retour dans leur pays (b), et enfin introduire une discrimination entre les colons israéliens et la
population palestinienne par les statuts juridiques différenciés qui leur sont accordés (c).
a) La destruction des possibilités mêmes de vie pour la population du Territoire palestinien
occupé.
308. La destruction des possibilités mêmes de vie dans le Territoire palestinien occupé, découle
dans la période contemporaine de l’implantation accélérée de colonies de peuplement juives.
Détaillée plus haut à propos des atteintes au territoire, on n’y reviendra pas ici, si ce n’est pour
dire que le développement des colonies, s’il prive l’État de la base territoriale de ses
compétences, est aussi une atteinte à cet autre élément décisif de l’État qu’est la population.
129
Mais la politique israélienne à l’égard de la population placée sous occupation, ne consiste pas
seulement à implanter des colonies juives en détruisant les espaces d’habitation et de vie des
Palestiniens. Elle comporte des mesures d’une grande violence qui se déploient dans tous les
domaines de la vie et ont été documentées dans les rapports présentés à l’Assemblée générale
des Nations unies par différentes commissions mandatées pour l’informer.
309. L’un de effets les plus négatifs de la colonisation israélienne en Cisjordanie est l’extrême
fragmentation du territoire accessible aux habitants palestiniens. Celui-ci a été transformé en
un archipel d’îlots isolés les uns des autres. La liaison entre eux est entravée par les temps de
trajet entre tous les grands centres de population palestinienne considérablement augmentés.
Les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est sont soumis à des restrictions de
déplacements à travers un système de permis et des contrôles multipliés à certains points sur les
routes ainsi qu’à l’obstacle que constitue le mur. Ils se trouvent séparés de parties de leurs
familles, des services de soins ou de l’assistance humanitaire, de l’accès à leurs propres
propriétés, de la possibilité de se fournir en biens de première nécessité 223. Les personnes les
plus touchées sont les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes handicapées et les
jeunes enfants. La situation est encore plus dramatique à Gaza soumis au bouclage par l’armée
israélienne depuis 2007.
310. Les attaques armées et les incidents de sécurité n’ont cessé d’augmenter et
l’environnement coercitif auquel sont soumis les Palestiniens est caractérisé par les destructions
d’habitations et de biens, l’emploi excessif de la force par les autorités militaires israéliennes,
l’incarcération massive des Palestiniens, les violences des colons. La démolition et la
confiscation des structures de subsistance (commerces, abris pour le bétail, entrepôts,
canalisations, citernes, routes) privent les Palestiniens des moyens mêmes de la vie.
« Depuis le début de 2022, Israël a démoli 500 structures dans le Territoire palestinien
occupé dont 153 qui étaient liées à l’agriculture et 136 à des moyens de subsistance »224.
Pour la période allant du 1er avril 2021 au 31 mars 2022, les forces militaires et de sécurité
israéliennes ont tué 351 palestiniens, dont 22 filles, 64 garçons et 46 femmes. Elles en ont blessé
223 Voir Annexe 40, par. 55.
224 Ibidem, par. 62.
130
20 772 autres, dont 519 femmes et 3 432 enfants (dont 312 filles). Et l’année 2021 a vu les
victimes s’accroître par rapport à 2020 avec trois fois plus de morts à déplorer en Cisjordanie
et à Jérusalem-Est, un nombre de blessés multipliés par cinq et de blessés par balles réelles par
sept 225.
311. La violence des colons à l’égard des Palestiniens ne cesse d’augmenter en toute impunité.
Entre 2008 et mars 2022, les attaques par des colons ont fait 226 morts et 5 252 blessés parmi
les Palestiniens. Et la gravité des attaques s’est intensifiée. En septembre 2021, les colons
avaient brûlé 338 oliviers, et en avaient coupé, déraciné ou vandalisé 149 autres226.
312. La légitime opposition des Palestiniens à l’implantation de nouvelles colonies et les
manifestations par lesquelles elle s’exprime, sont l’objet d’une répression disproportionnée. Le
Bureau de la coordination des affaires humanitaires signale ainsi par exemple que les
protestations à l’établissement de l’avant-poste d’Evyatar au sud de Naplouse qui a été établi
par des colons le 3 mai 2021, ont été réprimées par des tirs à balle réelle, de balles en caoutchouc
à noyau métallique, de munitions lacrymogènes et de grenades incapacitantes. 10 Palestiniens
ont été tués, dont deux enfants. Et plus de 6 000 personnes ont été blessées227.
313. Dans le secteur de Jérusalem-Est, plus d’un tiers de la superficie a été exproprié pour la
construction de colonies israéliennes portant la population des colons à plus de 229 000
personnes. L’espace disponible pour les Palestiniens est considérablement réduit et fragmenté.
« Une ceinture de colonies situées au-delà des frontières municipales de Jérusalem
contribue également à rompre la contiguïté géographique entre Jérusalem-Est et le
reste de la Cisjordanie occupée. Ainsi, le plan concernant la zone E1 à l’est de
Jérusalem (en dehors des frontières municipales) est destiné à renforcer les colonies de
la zone de Maalé Adoumim et à les relier à Jérusalem, ce qui aurait pour effet de diviser
la Cisjordanie en deux entités distinctes »228.
225 Voir Annexe 45, par. 10 et 11.
226 Ibidem, par. 38 à 41.
227 Voir Annexe 40, par. 68.
228 Voir Annexe 40, par.15.
131
314. Dans la Bande de Gaza les frappes aériennes menées par Israël au cours de ses différentes
opérations militaires, sont dirigées vers des bâtiments résidentiels à caractère civil. Menées avec
des armes à guidage de précision et à des heures du soir ou de l’aube où les familles sont réunies,
ces attaques visent donc délibérément des civils. Sans faire une étude exhaustive de toutes les
victimes causées par les forces militaires israéliennes à Gaza, on citera en exemple l’opération
Force protectrice de 2014 dont le bilan en pertes humaines a été de 2 251 Palestiniens tués dont
1 462 civils parmi lesquels 299 femmes et 551 enfants et de 11 231 Palestiniens blessés dont
10% ont été atteints d’une invalidité permanente229. La même opération a entraîné la destruction
de 18 000 habitations. 73 établissements médicaux ont été endommagés, une grande partie du
réseau électrique et des infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement ont été
rendue inutilisables et le nombre de personnes déplacées a atteint 500 000, soit 28% de la
population230. Ni le principe de proportionnalité qui doit présider aux attaques militaires et les
limiter, ni l’obligation de procéder à des avertissements permettant aux personnes civiles de se
mettre à l’abri n’ont été respectés231. L’artillerie et d’autres armes explosives ont été utilisées
dans des zones fortement peuplées.
315. Toujours à Gaza et plus récemment, du 10 au 21 mai 2021, une nouvelle montée en
puissance de la violence a causé la mort de 281 Palestiniens dont 71 enfants. Il y a eu 10 000
blessés dont 548 enfants et 491 femmes. Le Haut Comité pour les droits de l’homme n’a pas
recueilli de preuves permettant de confirmer les dires d’Israël prétendant que les cibles visées
étaient utilisées à des fins militaires232.
316. Toutes les actions prises ici pour exemples, le sont en violation des normes du droit
international humanitaire selon lesquelles, en vertu du principe de distinction, les personnes
civiles et leurs biens ne doivent pas être visés. Les critères de légalité, de nécessité et de
proportionnalité qui doivent présider à toutes les opérations militaires en vertu du droit
229 Annexe 48, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Commission d’enquête
internationale indépendante créée en vertu de la résolution S-21 /1 du Conseil des droits de l’homme, 24 juin
2015, A/HCR/29/52, par. 20.
230 Voir Annexe 40, par. 23.
231 Ibidem, par. 39 et 40, et 54
232 Voir Annexe 45, par. 15 et 16.
132
international humanitaire n’ont pas été respectés. Les enquêtes menées ultérieurement ont mis
en lumière des emplois injustifiés de la force létale ayant entrainé la mort 233.
317. L’impunité des forces israéliennes est généralisée. La Commission d’enquête
internationale indépendante créée en 2015 avait déjà conclu :
« La Commission note avec préoccupation que l’impunité est généralisée en ce qui
concerne toutes les violations du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l’homme qui auraient été commises par les forces
israéliennes, que ce soit dans le cadre des hostilités actives à Gaza ou de meurtres,
d’actes de torture ou de mauvais traitements commis en Cisjordanie. Israël doit se
démarquer de son dernier bilan déplorable en matière de mise en cause des auteurs de
violations, non seulement pour rendre justice aux victimes, mais également pour donner
des garanties de non-répétition. » 234.
En 2022, le Conseil économique et social relaie cette inquiétude :
« Une impunité généralisée concernant l’emploi illégal de la force a été constatée. Dans
un contexte de manque de transparence sur l’ouverture, l’état d’avancement et la
clôture des enquêtes relatives au meurtre de Palestiniens, il semble au Comité des droits
de l’homme que les normes minimales de transparence, d’indépendance, de diligence,
de rigueur et de crédibilité applicables en la matière ne sont pas respectées. »235.
318. Les détentions arbitraires et mauvais traitements sont un autre moyen employé par Israël
pour terroriser la population palestinienne et l’inciter à fuir. Depuis 1967, plus de 800 000
Palestiniens ont été traduits devant les tribunaux militaires d’Israël et condamnés à la détention
en Israël. Et ce nombre augmente d’année en année. Certains le sont comme « prisonniers de
sécurité », parfois sans inculpation, ni jugement.
« Les violations commises contribuent à l’instauration d’un climat de coercition qui
contraint les Palestiniens à quitter leurs maisons et leurs terres dans des circonstances
233 Ibidem, par. 13
234 Voir Annexe 48, par. 76.
235 Voir Annexe 45, par. 14.
133
qui peuvent s’apparenter à un transfert forcé – soit une grave violation de la quatrième
Convention de Genève susceptible de constituer un crime de guerre3 − et sont la
conséquence ultime des multiples effets de la colonisation. »236.
319. Il est pourtant interdit par le droit international humanitaire qui s’applique à Israël d’opérer
des transferts des personnes protégées, notamment celles accusées d’infractions, dans le
territoire de la Puissance occupante.
« Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes
protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans
celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu'en soit le motif. »237
320. Les mauvais traitements, allant jusqu’à des cas de torture sont fréquemment dénoncés pour
être infligés aux Palestiniens en détention. On dénombre plus de 1 300 plaintes pour torture
déposées auprès du ministre de la Justice d’Israël depuis 2001. Seules deux enquêtes ont été
ouvertes, mais classées sans suite. Et,
« …le Procureur général d’Israël semble approuver les méthodes d’interrogatoire
employées par l’Agence israélienne de sécurité, au mépris de l’interdiction de la torture
en droit international des droits de l’homme, qui revêt un caractère absolu et non
susceptible de dérogation. »238.
321. Cette interdiction résulte de l’article 2, par. 2 de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants :
« Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de
guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre
état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. »
236 Annexe 49, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », Rapport du Haut-
Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, 15 mars 2023, A2/HRC/52/76, par. 2.
237 4è Convention de Genève sue la protection des personnes civiles en temps de guerre du 2 août 1949, article
49, par. 1.
238 Voir Annexe 45, par. 22.
134
322. La situation faite à la population de Palestine, telle qu’elle résulte du tableau ci-dessus
(sans prétention à l’exhaustivité) persiste et s’aggrave depuis plus de 4 décennies. Chaque jour
amène son lot d’informations sur des violences qui s’intensifient. L’ONG de vétérans israéliens
Breaking the Silence, a déclaré après l’attaque de Turmusaya le mercredi 11 juin 2023 :
« Il n’y a pas de perte de contrôle : les progroms se produisent en boucle, planifiés
ouvertement en ligne »239.
Ce témoignage confirme la volonté délibérée de l’occupant de dégrader les conditions de vie
des habitants jusqu’à ce qu’elles atteignent un point intenable, poussant tous ceux qui le peuvent
à fuir les conditions qui leur sont faites. Mais libérer la terre pour les colons israéliens suppose
que soit remplie une seconde condition : empêcher le retour des Palestiniens en exil.
b) Le refus persistant par Israël du droit au retour au bénéfice des Palestiniens en exil.
323. Dès le déploiement du mouvement sioniste en Palestine sous le mandat britannique,
l’implantation juive menée avec brutalité eut pour conséquence le départ de nombreux
Palestiniens. Ce mouvement prit des proportions considérables pendant la guerre de 1948 et à
nouveau en 1967 et se poursuit dorénavant à bas bruit en raison de la dégradation des conditions
de vie faites aux Palestiniens du Territoire occupé240. Il est difficile de chiffrer avec précision
le nombre de ces réfugiés, compte tenu des dates diverses de leur exil, parfois très anciennes et
de la dispersion des lieux où ils ont trouvé asile. La grande majorité d’entre eux (5,7 millions)
sont recensés par l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency) 241. Cette Agence des
Nations unies a succédé en 1950 à un premier organisme intitulé UNRPR (United Nations
Relief for Palestine Refugees) créée le 11 décembre 1948 par la résolution 194 de l’Assemblée
générale des Nations unies. Sa mission est de porter secours aux réfugiés palestiniens et à leurs
239 Voir Annexe 47, reportage de Clothilde Mraffko, envoyée spéciale, le Monde, samedi 22 juin 2023, p. 5,
240 Annexe 50, Tableau des réfugiés selon les phases du conflit, in « Le droit au retour. Le problème des réfugiés
palestiniens », textes réunis par Farouk Mardam-Bey et Élias Sanbar, Actes Sud, Sindbab, Arles, 2002, p. 114.
241 Annexe 51, Assemblée générale des Nations unies, Rapport du Commissaire général de l’Office de secours et
de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient,1er janvier-31 décembre 2012,
A/68/13.
135
descendants repartis dans des camps de réfugiés se trouvant en Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie,
au Liban et en Syrie.
324. Cet organisme est le dépositaire d’informations essentielles, données démographiques et
dossiers familiaux, sur le nombre et la vie des réfugiés. Ces informations sont fondées sur le
SUE (Système unifié d’enregistrement) qui est une base de données et non pas un recensement
puisqu’il repose sur une démarche d’inscription volontaire des réfugiés. Ce n’est donc pas un
décompte exhaustif de la totalité des réfugiés. Au début du XXI è siècle, on estimait le nombre
des Palestiniens réfugiés à 4 263 000 sur leur ancien territoire et 3 534 000 hors de ce territoire.
325. Comme tous les humains contraints par les guerres ou la dégradation de leurs conditions
de vie, de quitter leur lieu de résidence, les Palestiniens en exil souhaitent pouvoir y revenir.
Leurs légitimes revendications à cet égard se sont exprimées à un moment où le droit
international général formulait le droit au retour dans son propre pays comme un droit de
l’homme. Parallèlement, l’Assemblée générale des Nations unies a pris position sur cette
question dès 1948 en formulant un droit au retour collectif au bénéfice des Palestiniens exilés.
326. Dans le champ des droits de l’homme, le droit au retour est un élément d’un droit plus
large reconnu comme l’un des droits fondamentaux des humains, celui de la liberté d’aller et
de venir. Suite aux guerres qui avaient marqué le début du XX è siècle et avaient provoqué des
déplacements massifs de populations, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948 a consacré par son article 13, la liberté de mouvement, laquelle inclut le droit
de revenir dans son pays si l’on a été amené à le quitter et que l’on souhaite ce retour.
« Article 13 : 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence
à l'intérieur d'un état. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien,
et de revenir dans son pays. »
Quelques années plus tard, le Pacte des Nations unies pour les droits civils et politiques
reprendra cette liberté à son article 12 dont le paragraphe 4 consacre très précisément le droit
au retour :
« 4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays. »
327. Israël a signé ce Pacte le 19 décembre 1966, l’a ratifié le 3 octobre 1991 et n’a pas fait de
réserves au sujet de cet article. Consacrant une norme coutumière, déjà exprimée dans la
136
Déclaration universelle, ce droit s’appliquait à la situation des Palestiniens dès le début de leur
exil. La réalisation de ce droit n’est aucunement conditionnée par la nécessité de prouver
que le départ a été contraint. Ainsi l’argument parfois employé par Israël selon lequel les
Palestiniens étant partis librement à l’incitation de leurs dirigeants, n’auraient de ce fait pas
eu de « droit au retour », ne repose sur aucune base. Le retour est un droit aussi bien pour ceux
qui ont quitté leur pays volontairement, que pour ceux qui l’ont fait sous la contrainte.
328. Le droit au retour comme droit individuel a été doublé d’un droit collectif avec le
développement du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il s’agit alors du droit pour une
collectivité nationale d’être protégée en cas de conflit ou d’occupation armée. Tel est le sens
des paragraphes 1 et 2 de l’article 49 de la 4è Convention de Genève du 12 août 1949 sur la
protection des personnes civiles en temps de guerre :
« Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes
protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans
celui de tout autre état, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif.
Toutefois, la Puissance occupante pourra procéder à l’évacuation totale ou partielle
d’une région occupée déterminée, si la sécurité de la population ou d’impérieuses
raisons militaires l’exigent. Les évacuations ne pourront entraîner le déplacement de
personnes protégées qu’à l’intérieur du territoire occupé, sauf en cas d’impossibilité
matérielle. La population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les
hostilités dans ce secteur auront pris fin. »
(Souligné par nous)
329. La logique de ces dispositions sera prolongée et renforcée quelques années plus tard avec
les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies relatives à la protection de l’unité
nationale et de l’intégrité territoriale de tout État ou pays242.
330. Mais le cas particulier des flux de réfugiés palestiniens victimes de la guerre de 1948 va
amener les Nations unies à s’en préoccuper spécifiquement. Le rapport que le médiateur des
242 Résolution 2625 du 24 octobre 1970 et résolution 2734 (XXV) Déclaration sur le renforcement de la sécurité
internationale du 16 décembre 1970.
137
Nations unies, le Comte Bernadotte laisse après son assassinat sur le droit au rapatriement va
inspirer la résolution fondatrice du droit au retour pour les exilés palestiniens, la résolution 194
de l’Assemblée générale en date du 11 décembre 1948. Par cette résolution, l’Assemblée
générale décide :
« … qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers
le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent
être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer
dans leurs foyers et pour tout bien, perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes
du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les
gouvernements ou autorités responsables.
Donne pour instruction à la Commission de conciliation de faciliter le rapatriement, la
réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement
des indemnités ».
331. Après l’échec de la Commission de conciliation, le problème fut ramené pendant plusieurs
années à une question humanitaire. Mais la guerre de 1967 provoquant un nouvel afflux de
réfugiés, la question palestinienne revient alors à nouveau au coeur des préoccupations de la
communauté internationale. De telle sorte qu’Israël sera contraint à autoriser le retour d’un
certain nombre de réfugiés (14 000 à 16 000), nombre dérisoire par rapport au flux total. Et
l’Assemblée générale n’a cessé depuis de réaffirmer le droit au retour au profit des réfugiés
palestiniens. Bien que se tenant plus en retrait sur cette question, le Conseil de sécurité s’est
cependant prononcé d’abord dans sa résolution 237 du 14 juin 1967 où il :
« Prie le gouvernement israélien d’assurer la sûreté, le bien-être et la sécurité des
habitants des zones où des opérations militaires ont eu lieu et de faciliter le retour des
habitants qui se sont enfuis depuis le déclenchement des hostilités ».
Quelque mois plus tard, il prend de nouveau position dans sa résolution 242, puisqu’il affirme :
« .. la nécessité
……….
b) De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ; »
138
332. Ces résolutions créent pour Israël une obligation d’accepter et d’organiser le retour des
Palestiniens en exil. Dans les mois qui suivirent la guerre de 1948, Israël sembla décidé à
coopérer avec les Nations unie sur cette question. Toutefois, des doutes sur la volonté d’Israël
à ce sujet amenèrent les Nations unies à refuser une première fois l’admission d’Israël en leur
sein. L’État hébreu tenta alors de convaincre la communauté internationale de son ouverture
sur cette question. Lors du débat qui précéda le vote d’admission, le 5 mai 1949, le délégué
d’Israël voulut rassurer l’Assemblée générale sur les intentions de son gouvernement. Mais ses
propos traduisaient déjà toute l’ambiguïté de la position israélienne :
« 1. Le problème des réfugiés arabes constitue une conséquence directe de la guerre
déclenchée par les Etats arabes ; ce sont ces derniers qui en portent toute la
responsabilité, comme ils portent la responsabilité des autres souffrances.provoquées
par cette guerre;
2. Ce problème présente un aspect humanitaire et a d'importantes répercussions sur la
paix, le progrès et le bien-être du Proche-Orient. Le Gouvernement d'Israël estime que
la solution de ce problème est indissolublement liée à la solution des questions en
suspens entre Israël et les Etats arabes et qu'on ne saurait la trouver que dans le
rétablissement de la paix dans le Proche-Orient. Cette solution ne peut être établie que
dans le cadre d'un règlement définitif qui poserait les bases de la coopération entre
Israël et ses voisins;
3. Bien que ce problème ne se soit pas posé de son fait, le Gouvernement d'Israël est,
tant pour des raisons morales qu'à cause de l'intérêt que présente pour lui la stabilité
dans tout le Proche- Orient, vivement désireux de contribuer à sa solution. Le retour
des réfugiés arabes à une existence normale, dans quelque partie du Proche- Orient
qu'il s'effectue, que ce soit en Israël ou dans les pays voisins, posera un sérieux
problème de réinstallation. Les solutions que l’on propose généralement sont les
suivantes : a) réinstallation des réfugiés dans les localités mêmes d'où ils ont fui. Cela
donnerait naissance à un grave problème de minorité nationale et pourrait constituer
une menace à la paix et à la stabilité intérieure du pays. D'autre part, en adoptant cette
solution, on placerait un grand nombre d'Arabes sous l'administration d'un
Gouvernement qui, tout en étant décidé à suivre la politique la plus libérale en matière
de minorités, diffère par la langue, la culture, la religion et les institutions
économiques et sociales; b) la réinstallation des réfugiés dans des régions contrôlées
139
par un Gouvernement dont l'esprit et la tradition sont les mêmes que les leurs, régions
où ces réfugiés pourraient être absorbés immédiatement et sans heurts. L'étude de la
situation économique et du problème de l'irrigation, dans les régions insuffisamment
peuplées et insuffisamment développées des Etats arabes, révèle que cette solution
présente des possibilités beaucoup plus grandes que celle de la réinstallation des
réfugiés en Israël. Aussi le Gouvernement d'Israël considère-t-ilque c'est le principe
de. la réinstallation dans les régions environnantes qui doit être considéré comme la
méthode principale de solution du problème des réfugiés. Néanmoins, Israêl sera
toujours prêt à apporter sa contribution à cette solution du problème des réfugiés. On
ne sait encore combien d'Arabes seraient désireux de rentrer aux conditions que
l'Assemblée pourrait prescrire, ni combien d'entre eux Israël pourrait recevoir,
compte tenu des conditions économiques et politiques actuelles. A Lausanne, Israël.
s'efforcera avant tout d'arriver, au moyen de négociations directes, à un accord sur la
contribution que chaque Gouvernement devra fournir pour la solution de ce grave
problème. L'importance de la contribution d'Israël dépendra entièrement de
l'établissement formel de la paix et de relations de bon voisinage entre lui et les États
arabes; »243.
333. En dépit de l’ambiguïté de ces propos, l’admission d’Israël se fera sur un engagement
renouvelé par cet État de respecter les résolutions des Nations unies et toutes les obligations
découlant de la Charte, sans exclure celles relatives au droit au retour des réfugiés palestiniens.
La suite des évènements et notamment les négociations qui eurent lieu entre Israël et l’OLP à
partir de 1991, démontrèrent l’impossibilité d’une solution négociée à cette question. Le
problème du retour des Palestiniens dans leurs foyers resta la pierre d’achoppement principale
avec celle de Jérusalem. La volonté politique d’Israël de se déterminer ouvertement comme un
État juif, telle qu’elle a été officialisée par la loi de 2018, constitue un obstacle de plus en plus
infranchissable au respect par cet État de ses obligations à l’égard des réfugiés palestiniens.
Mais en s’opposant au retour, non seulement dans la partie de la Palestine mandataire désormais
considérée comme israélienne, mais aussi dans le Territoire palestinien occupé, Israël confirme
243 Voir Annexe 18, Assemblée générale des Nations unies, Quarante-cinquième séance, 54. Demande
d’admission d’Israël à l’Organisation des Nations unies. A/818, pages 239-240.
140
sa volonté de faire obstacle au droit du peuple palestinien de disposer de lui-même et au
regroupement de sa population sur son territoire.
c) Une discrimination entre les colons israéliens et les Palestiniens du Territoire occupé
fondée sur leurs statuts et le droit qui leur est respectivement applicable.
334. Les Palestiniens vivant dans le Territoire occupé par Israël ont un statut différent de celui
des colons israéliens. Cette discrimination a des origines lointaines car elle était en germe dans
les termes mêmes de la Déclaration Balfour. Celle-ci en parlant seulement des droits civils et
religieux des communautés autres que les Juifs, sans mentionner leurs droits politiques, alors
que se développait un « Foyer national juif » les rendaient étrangers dans leur propre pays. À
partir de l’occupation de 1967, Israël a imposé l’application de sa législation à tout le territoire,
mais avec la coexistence de deux législations : la législation militaire qui s’applique à la
population palestinienne et la législation interne israélienne qui est appliquée extraterritorialement
aux seuls colons israéliens. Le droit est ainsi différencié en matière pénale
fiscale, électorale, ou dans le domaine de l’assurance-maladie 244 . Il existe également des
systèmes juridiques distincts pour ce qui est du Code de la route et aussi en matière
d’aménagement et de construction. Ainsi s’est constituée par étapes, une situation d’apartheid
comme cela a été constaté par le rapport d’Amnesty international après un travail d’observation
et de documentation de plusieurs années 245 . Or le crime d’apartheid est un crime contre
l’humanité selon la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime
d’apartheid, du 30 novembre 1973 :
« Article premier
1. Les États parties à la présente Convention déclarent que l'apartheid est un crime contre
l'humanité et que les actes inhumains résultant des politiques et pratiques d'apartheid
et autres politiques et pratiques semblables de ségrégation et de discrimination
raciales, définis à l'article II de la Convention, sont des crimes qui vont à l'encontre des
normes du droit international, en particulier des buts et des principes
244 Voir Annexe 40, par.46.
245 Voir Annexe 3.
141
de la Charte des Nations Unies, et qu'ils constituent une menace sérieuse pour la paix
et la sécurité internationales.
2. Les états parties à la présente Convention déclarent criminels les organisations, les
institutions et les individus qui commettent le crime d'apartheid ».
Le Statut de Rome et le droit international coutumier confirment cette qualification.
335. Sur le territoire de Jérusalem-Est, Israël applique son droit depuis 1967. Depuis cette date
Jérusalem a fait l’objet d’une annexion illégale. Les Palestiniens qui y vivent sont considérés
comme des "résidents permanents". Contrairement aux Israéliens, qui sont citoyens, les
Palestiniens de Jérusalem doivent posséder un permis de résidence pour y demeurer. Or Israël
s'arroge le droit de révoquer ce permis de plusieurs manières. Plus de 14 500 Palestiniens ont
perdu ce statut depuis 50 ans, dont 13 en 2018.
« Les autorités ont justifié la plupart des cas de révocation en se fondant sur
l’incapacité d’apporter la preuve d’une « résidence principale » à Jérusalem, mais, ces
dernières années, ont aussi procédé à des révocations en guise de punition individuelle
à l’encontre de Palestiniens accusés d’avoir attaqué des Israéliens, et en tant que
punition collective visant les familles d’attaquants présumés. Ce système
discriminatoire oblige de nombreux Palestiniens à quitter leur ville natale, ce qui
équivaut à des transferts forcés, une grave violation du droit international »246.
Ce sont alors des personnes devenues des non-citoyens. Elles sont des non-citoyens :
« … exclus de tout État nation, ne dépendant ni d’Israël, ni du Proto-État
palestinien »247.
336. Les Palestiniens vivant dans le Territoire occupé sont soumis à de fortes discriminations
et actes de répression, mais les personnes morales de droit privé, notamment les organisations
palestiniennes collectives de la vie civile aussi. Les organisations palestiniennes qui s’emploient
à promouvoir les droits humains et qui ont des activités pacifiques, souvent en
246 Human Rights Watch, https://www.hrw.org/fr/news/2017/08/08/israel-des-habitants-palestiniens-dejerusalem-
dechus-de-leur-statut-de-resident
247 Sylvaine Bulle, « Jérusalem-Est : Les sinistrés de la ville-monde », Multitudes, 2004/3 (n° 17), pp. 165-173.
142
partenariat avec l’Organisation des Nations unies, sont inquiétées, parfois déclarées
organisations terroristes et empêchées de poursuivre leurs activités248. Cette politique d’Israël
a été qualifiée de « délégitimation de la société civile » par les auteurs du rapport de la
Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est et en Israël249.
337. Ainsi, si le territoire palestinien est morcelé, sa population est éclatée sur des lieux
différents et avec des statuts diversifiés. Les bases de la communauté nationale sont fragilisées
et la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est compromise. Allant encore
plus loin, Israël s’emploie à attaquer et fragiliser les institutions de libre gouvernement
tardivement autorisées dans le cadre d’une simple autonomie.
3) Les politiques et pratiques israéliennes tendant à l’impossibilité de l’émergence
d’institutions étatiques.
338. Un troisième élément conditionne l’effectivité de la nature étatique d’une communauté
nationale : la faculté de disposer d’institutions de libre gouvernement. Sur ce terrain, Israël a
manifesté de diverses façons sa volonté déterminée de contrer l’émergence d’un État de
Palestine. Après l’échec de réalisation du plan de partage proposé par les Nations unies en 1947,
les choses ont semblé rester ouvertes jusqu’en 1967. Mais à partir de cette date, il a été clair
que si un jour émergeait un État de Palestine, ce serait contre la volonté d’Israël.
« La situation a radicalement changé depuis la guerre des six jours. Le « septième jour
», nous avons dû décider, et nous pouvions le faire, si cette guerre était une guerre de
défense ou une guerre d’occupation. Nous avons décidé que c’était, après coup, une
guerre d’occupation et nous avons décidé d’en manger les fruits.
Cela a changé non seulement le caractère d’Israël, mais la raison même de son
existence. Ce n’était pas un changement quantitatif, mais qualitatif. Sa nature ne réside
pas dans l’augmentation du nombre des Arabes qui vivent dans le cadre du
248 Voir Annexe 45, par. 7.
249 Annexe 52, Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Commission internationale
indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et en Israël, 9
mai 2023, A/HRC/53/22, par. 6 et suivants.
143
gouvernement israélien, et qui sont passés d’un demi-million à deux millions, mais dans
la négation du droit du peuple palestinien à son indépendance. »250.
339. Ce refus de laisser s’accomplir le droit du peuple palestinien dans des institutions étatiques
s’est manifesté et se manifeste de plus en plus visiblement de nos jours de diverses manières. Il
y a ainsi la répression qui frappe les Palestiniens lors qu’au cours de manifestations, ils
brandissent leur drapeau, signe symbolique de la revendication nationale. Le droit militaire
israélien a érigé cet acte en menace contre la sécurité251. Il y a, de manière non plus symbolique,
mais bien réelle, la volonté d’empêcher l’émergence d’autorités palestiniennes exerçant des
compétences régaliennes en Palestine. Ces autorités (représentées par l’OLP dès sa constitution
en 1964) ont été longtemps privées de lieu de pouvoir en Palestine, et ont erré d’Amman
(jusqu’en 1971) à Beyrouth (jusqu’en 1982) puis à Tunis (jusqu’à l’installation de l’Autorité
palestinienne à Ramallah en 1996). En 1985, un attentat contre le siège de l'OLP à Tunis,
attribué à un avion de chasse israélien, a fait 50 victimes parmi les Palestiniens et 18 Tunisiens.
340. Une fois installée en Palestine, l’Autorité palestinienne, présidée par Yasser Arafat de
1996 à sa mort en 2004, et ensuite par Mahmoud Abbas, sera l’objet de la part d’Israël de
mesures tendant à la disqualifier, l’humilier, la priver des possibilités d’exerces ses
compétences. Les destructions physiques des infrastructures étatiques se sont multipliées. Sont
frappés régulièrement les bâtiments publics, les installations de radio et de télévision, les
infrastructures économiques 252. Les autorités gouvernementales et législatives palestiniennes
sont fréquemment privées de leur liberté de mouvement et ne peuvent donc se rendre à
l’étranger. Yasser Arafat a été à partir de 2001, enfermé dans la Mouquata’a, son quartier
général de Ramallah, encerclé par les forces israéliennes et a été interdit de voyager aussi bien
en Palestine qu’à l’étranger. L’Autorité palestinienne est privée de ses moyens financiers par
les retards, parfois même les refus de paiement des taxes perçues par Israël pour le compte de
l’Autorité palestinienne.
250 Yeshayahu Leibovitz, « Quarante ans après », Revue d’études palestiniennes, N° 100, été 2006, page 97.
251 Voir Annexe 40, par. 47. Est citée l’Ordonnance n° 101 concernant l’interdiction des actes d’incitation et de
propagande hostile (Judée-Samarie), 5727-1967.
252 Voir Annexe 33, L’Europe chiffre les destructions israéliennes, Libération, 22 janvier 2022.
144
341. Il s’agit ainsi d’attaques directes visant la capacité des institutions palestiniennes à remplir
les fonctions politiques qui relèvent habituellement des autorités gouvernementales. Par une
volonté délibérée, Israël tente de détruire le processus amorcé par les Accords d’Oslo. Ariel
Sharon ne s’en était pas caché dès l’année 2000.
« On ne continue pas Oslo, il n’y aura plus d’Oslo. Oslo c’est fini »253.
Ses successeurs se sont inscrits fidèlement dans cette lignée.
342. Un universitaire israélien a forgé le mot de « politicide » pour nommer cette réalité254. Elle
consiste en :
« … une tentative graduelle mais systématique pour causer l’annihilation du peuple
palestinien en tant qu’entité politiquement et socialement indépendante »255.
Les déclarations des dirigeants israéliens ne manquent pas pour confirmer comment ce projet
les habite avec constance depuis leur création. Golda Meier, Premier Ministre de 1969 à 1974,
déniait alors la réalité palestinienne puisque dans un discours prononcé le 8 mars 1969, elle
avait déclaré :
« Comment pourrions-nous rendre les territoires occupés ? Il n’y a personne à qui les
rendre ? ».
Et, trois mois plus tard, elle ajoutait :
« … les Palestiniens n’ont jamais existé ».256.
54 années plus tard, la position des dirigeants d’Israël reste la même, ainsi qu’en témoignent les
déclarations récentes du ministre israélien de la défense de passage à Paris le 20 mars 2023 :
253 Haaretz, 18 octobre 2000. (Cité par Tanya Reinhart, « Détruire la Palestine ou comment terminer la guerre de
1948 », La Fabrique, Paris, 2002, p. 96).
254 Baruch Kimmerling, « Politicide: Sharon’s War against the Palestinians”, Londres, Verso Books, 2004. cité
par Pierre Blanc, in « Palestine : géopolitique d’une violence territoriale », Confluences Méditerranée, n° 86, été
2013, p. 14.
255 Baruch Kimmerling, Op. Cit.,
256 Cité par Pierre Blanc, Op. Cit., p. 14.
145
« …. les Palestiniens n’existent pas parce que le peuple palestinien n’existe pas »257 .
343. Ce refus de voir naître l’État de Palestine, pourtant juste réalisation du droit du peuple
palestinien à disposer de lui-même, a ainsi été déployé systématiquement sur chacun des
éléments qui forment la base d’un État, le territoire, la population, les institutions étatiques. Il a
été plus radical encore sur un point fondamental dans la liberté d’un peuple : le droit d’ériger sa
capitale là où il en décide sur le territoire qui est reconnu comme sien. Pourtant le respect des
institutions palestiniennes est la condition même de son accession au statut d’État, laquelle reste
l’objectif de la communauté internationale comme l’avait rappelé le Conseil de sécurité dans sa
résolution du 16 décembre 2008 où il :
« Invite tous les États et toutes les organisations internationales à contribuer à une
atmosphère propice aux négociations, à appuyer le Gouvernement palestinien qui est
attaché aux principes définis par le Quatuor et dans l’Initiative de paix arabe et respecte
les engagements pris par l’Organisation de libération de la Palestine, à aider au
développement de l’économie palestinienne, à optimaliser les ressources mises à la
disposition de l’Autorité palestinienne et à contribuer au programme de renforcement
des institutions palestiniennes dans la perspective de l’accession au statut d’État; »258.
On consacrera maintenant un point particulier à la question de Jérusalem pour montrer
comment, en annexant totalement cette ville et son environnement compris au sens large, Israël
parachève la démonstration de son opposition à la réalisation des droits légitimes du peuple
palestinien.
257 Voir Annexe 37.
258 Conseil de sécurité, Résolution 1850 du 16 décembre 2008.
146
V – L’ANNEXION ET LA COLONISATION DE JÉRUSALEM AU MÉPRIS DU
DROIR DES PALESTINIENS D’EN FAIRE LEUR CAPITALE.
344. Il a été question de Jérusalem à de nombreuses reprises dans les pages ci-dessus,
notamment à propos des évènements qui ont lié le sort de cette ville à celui de la Cisjordanie à
partir de 1967, date de l’occupation par Israël de ces territoires. Mais il est nécessaire de lui
consacrer un développement spécifique en raison des particularités de la situation de cette cité
emblématique. Non incluse dans le territoire destiné à former un État israélien par le plan de
partage des Nations Unies de 1947, mais non soumise au statut international alors prévu dans
la mesure où celui proposé par ce plan de partage n’a pas vu le jour, Jérusalem, en ses deux
parties, Ouest et Est, a fait l’objet de deux annexions illégales de la part d’Israël. L’État hébreu
occupe ainsi aujourd’hui l’ensemble de la ville et la soumet à des extensions successives aux
dépens du territoire palestinien de la Cisjordanie. Et par une colonisation accélérée de la
population juive, Israël prive le peuple palestinien d’un élément important du droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes : le droit pour un peuple de fixer sa capitale dans la ville de son choix.
345. On rappellera dans un premier point les différentes circonstances de fait qui ont conduit à
cette situation (A). On analysera dans un second point les différentes facettes de l’illégalité ainsi
créée (B).
A – Jérusalem, une ville arabe confisquée par Israël.
346. Comme pour l’ensemble du Territoire palestinien, il faut distinguer dans l’histoire de
Jérusalem, les évènements antérieurs à l’occupation israélienne de 1967 (1) car ils éclairent
ceux qui ont suivi cette occupation (2).
1) Les visées d’Israël sur Jérusalem avant 1967.
347. La situation concernant Jérusalem reste très confuse pendant le mandat de la Grande
Bretagne (a). La non-application de la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies
en 1947 laisse une situation incertaine (b). La guerre de 1948 est ensuite l’occasion pour Israël
de s’emparer de la partie Ouest de la ville et de l’annexer (c).
147
a) Avant et pendant le mandat britannique
348. Jérusalem, a été pendant plusieurs siècles sous la domination ottomane. Peuplée d’Arabes
palestiniens, elle est alors une métropole religieuse, mais elle n’est pas un centre de pouvoir.
Elle est dans l’administration ottomane un « pachalik », puis à partir de 1873, elle devient un
« sandjack » dépendant directement d’Istanbul259. La ville est ouverte à d’autres communautés
dont la présence est liée au fait qu’elle est le siège de monuments emblématiques des trois
religions monothéistes. Le nombre de Juifs y augmente au cours du 19 è siècle pour atteindre
environ 20 000 en 1880.
349. Lorsque commence la période du mandat britannique, Jérusalem en est la capitale
politique. La population juive s’y accroît dans les quartiers de l’Ouest, la population arabe se
trouve dans la partie Est et dans la vieille ville, mais elle surtout majoritaire dans
l’environnement rural de Jérusalem. La ville n’est pas le centre du mouvement sioniste lequel
siège à Tel Aviv. Pour ce qui est des élites arabes appartenant à des grandes familles
dépossédées du pouvoir politique par la Puissance mandataire, c’est à partir de Jérusalem
qu’elles vont prendre le contrôle du mouvement politique arabe. Et depuis lors Jérusalem n’a
cessé d’avoir une position centrale dans la conscience politique palestinienne.
350. Lorsque la Société des Nations confie à la Grande Bretagne le mandat sur la Palestine en
1922, l’article 14 de ce mandat prévoit la constitution d’une Commission spéciale pour régler
les problèmes spécifiques des Lieux saints et des différentes communautés religieuses :
« Article 14.
Une Commission spéciale sera nommée par la Puissance mandataire, à l’effet d’étudier
; définir et régler tous droits et réclamations concernant les Lieux saints, ainsi que les
différentes communautés religieuses en Palestine. Le mode de nomination des membres
de la Commission, sa composition et ses fonctions, seront soumis à
259 Henry Laurens, « Jérusalem, capitale de la Palestine mandataire », in « Jérusalem, le sacré et le politique »,
textes réunis et présentés par Farouk Mardam-Bey et Élias Sanbar, Actes Sud, Sindbab, Arles, 2000, pp. 219 et
suivantes.
148
l’approbation du Conseil de sécurité, et la Commission ne sera pas nommée et n’entrera
pas en fonction avant cette nomination ».260
Mais les difficultés pour établir cette commission et y représenter les différentes religions,
furent telles qu’elle ne put se tenir. La Puissance mandataire fut donc responsable pour les Lieux
saints, et le statu quo ottoman gouvernant les relations entre les diverses communautés fut
maintenu.
351. Les tensions entre Juifs et Musulmans dès le début du mandat, s’exacerbent à Jérusalem
et ont pour enjeu l’accès aux lieux religieux et leur gestion. En 1929, après le soulèvement d’Al-
Buraq, le Gouvernement britannique nomme une commission d’enquête internationale dirigée
par Sir Walter Shaw. Elle est chargée d’enquêter à propos des droits des Juifs et des Arabes sur
le Mur Occidental à Jérusalem. Son rapport remis à la Société des Nations en 1930 confirme
les droits exclusifs des musulmans sur la muraille occidentale de l’Esplanade des mosquées,
ainsi que sur le parvis au pied du Mur et le Quartier des Maghrébins qui lui fait face. La propriété
foncière leur revient en tant qu’awaqaf (bien de mainmorte). Ces biens sont de ce fait
inaliénables et sont dédiés exclusivement à des oeuvres d’utilité publique ou charitables. Une
autorisation est cependant accordée aux Juifs de venir jusqu’au pied du Mur pour y prier. Les
décisions de la Commission furent édictées sous forme d’une loi du 8 juin 1931261.
352. À partir des grandes révoltes de 1936, la Grande Bretagne perd le contrôle de la situation.
En 1947, ne parvenant pas à rétablir le calme, elle s’en remet aux Nations unies. L’intérêt des
États arabes d’une part, et des grandes puissances occidentales de l’autre, pour les solutions
alors envisagées, tient pour une grande part à leur préoccupation à l’égard des Lieux saints. Cet
intérêt avait été exacerbé au XIX è siècle par la rivalité au sein des chrétiens entre orthodoxes
et catholiques, rivalité qui avait amené la prolifération d’oeuvres de bienfaisance soutenues par
toutes les nations européennes et qui conduisit finalement certaines de ces nations à avancer
l’idée d’un statut particulier. Sous l’argument de la liberté d’accès aux lieux de prière, pointait
le désir de maintenir une influence dans la région.
b) Le plan de partage des Nations unies en 1947 et les propositions concernant Jérusalem.
260 Voir Annexe 7, Le mandat de la Société des Nations sur la Palestine.
261 Annexe 53, “The Status of Jerusalem”, United Nations, New-York, 1997, p. 5, note 4.
149
353. Le consensus se fit entre les États membres de la nouvelle organisation internationale pour
aller vers un partage de la Palestine mandataire en deux États et pour isoler Jérusalem du plan
de partage et construire à son sujet un statut particulier. C’est ainsi que par la résolution 181,
l’Assemblée générale propose l’internationalisation et la démilitarisation de Jérusalem262. Le
projet est de faire de la Ville sainte un corpus separatum sous un régime international spécial,
assuré par le Conseil de tutelle. La Ville doit ainsi échapper au pouvoir des deux États, juif et
arabe, dont la création est proposée. Le projet était de constituer une enclave comprenant
Jérusalem et Bethléhem, c’est-à-dire les plus importants des Lieux saints du christianisme. Mais
la notion de « Lieux saints » jusque-là réservée à ceux du christianisme, englobe désormais ceux
de l’islam et du judaïsme.
354. Le territoire de la ville, géographiquement situé dans la partie destinée à devenir un État
arabe y serait enclavée. Les frontières en sont définies comme suit :
« B. FRONTIERES DE LA VILLE
La Ville de Jérusalem comprendra la municipalité actuelle de Jérusalem plus les
villages et centres environnants, dont le plus oriental sera Abu Dis, le plus méridional
Bethléem, le plus occidental Ein Karim (y compris l'agglomération de Motsa) et la plus
septentrionale Shu'fat, comme le montre la carte schématique ci-jointe (annexe B) ».
262 Voir Annexe 12.
150
Carte n° 13, Les limites de Jérusalem selon la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies.
355. L’Assemblée générale charge alors le Conseil de tutelle d’élaborer un statut (la résolution
181 n’en indiquait que les grandes lignes) qui sera valable pour dix ans.
« A l'expiration de cette période, l'ensemble du Statut devra faire l'objet d'une révision
de la part du Conseil de tutelle, à la lumière de l'expérience acquise au cours de cette
première période de fonctionnement. Les personnes ayant leur résidence dans la Ville
auront alors toute liberté de faire connaitre, par voie de referendum, leurs suggestions
relatives à d'éventuelles modifications au régime de la Ville. »
356. La résolution 181 ne fut jamais appliquée faute de l’accord du peuple arabe de Palestine
et des États arabes. Mais les représentants du mouvement sioniste en Palestine en avaient
accepté le contenu, notamment par une déclaration réitérée lors de l’admission d’Israël aux
Nations unies 263 . Cette acceptation par Israël de la résolution 181 valait de sa part,
reconnaissance du fait que Jérusalem ne faisait pas partie du territoire qui lui était attribué. Cet
engagement fut renié à l’occasion de la guerre de 1948.
263 Supra, par. 124-12.
151
c) L’annexion de Jérusalem-Ouest par Israël à l’occasion de la guerre de 1948.
357. Lors qu’éclate la guerre entre les armées arabes et les forces militaires d’Israël en 1948,
les combats sont particulièrement violents à Jérusalem. Comme dans le reste de la Palestine, les
forces armées israéliennes poussent la population arabe à l’exode. On estime à 60 000 les
chrétiens et musulmans expulsés de l’ensemble du district de Jérusalem264. En novembre 1948,
un cessez-le-feu local prend acte de la position des deux armées à ce moment-là. Il entérine la
division de facto de la ville en deux selon un axe nord-sud incurvé qui longe le mur occidental
de la vieille ville. Le secteur Ouest se trouve sous contrôle israélien tandis que la partie Est qui
inclut la vieille ville et les Lieux saints est aux mains des Transjordaniens.
L’impuissance des Nations unies.
358. Les Nations unies n’acceptent pas cette situation. Mais laissant de côté les grandes lignes
du plan esquissé par la résolution 181 pour Jérusalem et le projet que le Conseil de tutelle avait
élaboré, la résolution 194 du 11 décembre 1948 confie à la Commission de conciliation pour la
Palestine la responsabilité d’élaborer un statut détaillé pour la Ville sainte 265. Celle-ci présente
en septembre 1949 un nouveau projet qui en réalité entérine le partage de la ville entre Israël et
la Transjordanie et propose de mettre la gestion de Jérusalem entre les mains d’un Conseil
composé de Juifs, d’Arabes et de représentants des Nations unies. Un Commissaire aurait la
charge de contrôler la ville militairement et d’assurer un libre accès aux Lieux saints. Il ne s’agit
donc plus d’une internationalisation territoriale complète de Jérusalem, mais seulement d’une
internationalisation fonctionnelle limitée.
359. Ce projet est combattu par plusieurs États. Le 9 décembre 1949, l’Assemblée générale par
la résolution 303, abandonnant le projet de la Commission de conciliation, en revient à la
formule de l’internationalisation qui était celle de la résolution 181266. Elle demande au Conseil
de tutelle d’élaborer un nouveau projet en ce sens. Mais celui-ci ne sera pas soumis au vote de
l’Assemblée générale faute de majorité pour l’approuver. Les États membres sont divisés entre
264 Youakim Moubarac, « La question de Jérusalem », Revue d’études palestiniennes, n° 6, hiver 1983, p. 49. Et
voir Annexe 53, The Status of Jerusalem, United Nations, New-York, 1997, p. 6.
265 Voir Annexe 17.
266 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 303 (IV). Palestine : question d’un régime international
pour la région de Jérusalem et de la protection des Lieux saints, 9 décembre 1949,
152
ceux qui souhaitent prendre acte de la division de la ville et ceux qui maintiennent l’idée
d’imposer une internationalisation territoriale.
360. Les Nations unies sont alors dans une impasse sur la question de Jérusalem. Le 26 janvier
1952 par sa résolution 512, l’Assemblée générale reconnaît implicitement son incapacité à
résoudre la question de Jérusalem qui reste donc alors sans statut 267.
361. Sur le terrain, les contrôles respectifs par les Israéliens et les Transjordaniens des parties
Ouest et Est de la ville sont séparées par un no man’s land sur deux secteurs. En vertu d’accords
signés entre Israël et la Transjordanie en juillet 1948268, le Mont Scorpus, situé dans le secteur
oriental de la ville constitue une zone internationale et démilitarisée sous l’autorité des Nations
unies. Et une seconde zone neutre a été établie en août 1948 par la Commission de trêve sous
le nom de « secteur de la Governement House » qui comprend l’ancienne résidence du
gouvernement britannique, un collège arabe et l’école d’agriculture. Cette situation est
réglementée par l’accord d’armistice israélo-jordanien signé à Rhodes le 3 avril 1949 (article
V, para. 1, lettre b) et approuvé par le Conseil de sécurité le 11 août 1949269. Une partie de ces
zones a été placée sous le contrôle de forces des Nations unies270. Et les accords sus-mentionnés
ont été conclus sous les auspices des Nations unies.
267 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 512 (V), rapport de la Commission de conciliation pour la
Palestine, 26 janvier 1952.
268 Accord spécial conclu le 7 juillet 1948 et deux accords du 21 juillet et 30 novembre 1948.
269 Annexe 54, Convention générale d’armistice entre le Royaume hachémite de Jordanie et Israël du 3 avril
1949, Conseil de sécurité, Procès-verbaux officiels, quatrième année, S/1302/REV.1.
270 Sur le statut de ces zones, voir Guy Feuer, « Le statut des zones de Jérusalem contrôlées par l’O.N.U. »,
Annuaire français de droit international, 1966, p. 245 et suivantes.
153
Carte n° 14, Extraite de Guy Feuer, Annuaire français de droit international, 1966, p. 246.
La politique d’Israël sur Jérusalem suite à ses conquêtes de 1948.
362. Israël, dès sa proclamation d’indépendance s’était montré hostile à tout projet
d’internationalisation de la ville de Jérusalem, n’acceptant éventuellement qu’un contrôle
international des lieux saints. L’objectif des Israéliens était clair depuis leur proclamation de
l’État d’Israël : s’emparer entièrement de Jérusalem et en faire leur capitale politique. Dès le
mois de décembre 1949, au lendemain de la résolution des Nations unies réaffirmant que
Jérusalem doit rester sous un statut international, le gouvernement dirigé par David Ben
Gourion, décide le transfert du siège du gouvernement et des ministères de Tel Aviv à Jérusalem.
Quelques jours plus tard, le Parlement israélien y est installé.
154
Carte n°15, L’Histoire, Jérusalem, 1947-2017.
363. La Commission de conciliation pour la Palestine des Nations unies, dans une lettre au
Premier ministre israélien souligne que ces mesures sont incompatibles avec les résolutions des
Nations unies et doivent être révoquées. Le problème sera central lors des débats à l’Assemblée
générale au sujet de l’admission d’Israël comme membre de l’Organisation. Le représentant
d’Israël déclare alors :
"The Government of Israel advocated the establishment by the United Nations of an
international regime for Jerusalem concerned exclusively with the control and
protection of Holy Places, and would co-operate with such a regime.
"It would also agree to place under international control Holy Places in parts of its
territory outside Jerusalem, and supported the suggestion that guarantees should be
given for the protection of the Holy Places in Palestine and for free access thereto."271.
271 Voir Annexe 18, p. 236.
155
Pressé de donner les raisons de son opposition au régime d’internationalisation de l’ensemble
de la Ville sainte tel que proposé par les Nations unies, le délégué d’Israël répondit qu’il ferait
des propositions permettant de différencier les pouvoirs conférés à un régime international des
Lieux saints et l’aspiration du gouvernement d’Israël de se voir reconnu comme l’autorité
souveraine sur Jérusalem.
364. Après l’échec du Conseil de tutelle à faire adopter un projet d’internationalisation par les
États membres, Israël informa ce Conseil que le Statut de Jérusalem ne pouvait plus dorénavant
être mis en oeuvre compte tenu de la création d’Israël et du fait que la partie Ouest de la ville
avait été intégrée à son territoire. Les Nations unies abandonnèrent alors tout projet
d’internationalisation de Jérusalem. La Commission de conciliation pour la Palestine dans les
années qui suivirent s’employa à des actions en direction des réfugiés et à l’identification de
leurs biens. Elle évalua pour Jérusalem, les propriétés des Arabes expulsés à 9,25 millions de
livres palestiniennes sur la base du taux de 1947 272.
365. Le 23 janvier 1950, la Knesset proclame la partie Ouest de Jérusalem, capitale unique
d’Israël (par cinquante voix contre deux). Dès 1952, la superficie de Jérusalem-Ouest est élargie
vers l’Ouest au détriment des villages palestiniens et ira ainsi jusqu’à doubler. Par ailleurs, l’État
hébreu cherche dans le même temps à convaincre d’autres pays de transférer leurs
représentations diplomatiques de Tel Aviv à Jérusalem. Dans les années 50, les grandes
puissances occidentales ainsi que la Russie, n’y sont pas favorables. Mais d’autres pays se
laissent convaincre. Le mouvement va s’amplifier peu à peu. À la veille de la Guerre de 1967,
une vingtaine de représentations diplomatiques sont établies à Jérusalem.
366. Jérusalem-Est reste une ville arabe sous Administration jordanienne. Elle comprend des
quartiers diversifiés en fonction des Lieux saints des différentes religions.
272 Voir Annexe 53, “The Status of Jerusalem”, p. 11.
156
Carte n°16, La Vieille ville de Jérusalem avant l’occupation israélienne. Tirée de Michael Dumper, « Colons et
colonies dans la Vieille ville de Jérusalem : 1980-2000 » in « Jérusalem, le sacré et le politique », textes réunis et
présentés par Farouk Mardam-Bey et Élias Sanbar, Actes Sud, Arles, 2000, pp. 274-275.
2) L’emprise israélienne totale sur Jérusalem à partir de 1967.
367. Cette emprise est d’abord le résultat des opérations militaires de 1967 (a). Elle est
poursuivie ensuite par des mesures législatives et par une politique de colonisation et
d’extension continue (b). Le caractère irréversible de l’emprise israélienne sur la ville se traduit
par l’impossibilité de faire avancer les négociations de paix sur ce point lorsqu’elles s’ouvriront
(c).
157
a) La conquête de Jérusalem-Est par la force et ses effets concrets.
368. Durant la Guerre des Six jours, Israël s’empara par la force le 5 juin 1967 des Quartiers
orientaux de Jérusalem. Le vote du Conseil de sécurité de sa résolution 233 du 6 juin 1967
demandant un cessez-le-feu immédiat n’est suivi d’aucun effet. Les 135 habitations du Quartier
des Maghrébins datant du 14 è siècle sont dynamitées provoquant l’expulsion de 650 personnes.
Carte 17, Map 4. Jerusalem occupied and expanded by Israel in June 1967, in Annexe 55, The Status of
Jerusalem, United Nations, New-York, 1997, p. 16.
158
369. Les habitants de Jérusalem Est ont tous à l’esprit le souvenir des évènements de 1948.
Ibrahim Dakkak, un jeune ingénieur palestinien vivant à Jérusalem, a fait le récit des heures
alors vécues par les Arabes de la ville :
« ….le bulletin météo pour Jérusalem fut donné par Radio Israël et non plus par Radio
Amman …. Nous savions que Jérusalem était tombée aux mains des forces israéliennes.
Que faire ? L'histoire allait-elle se répéter ? Est-ce que cela allait se passer comme en
1948 ? [...]»273.
370. Mais en 1967, il n’y eut pas de fuite spontanée de la population arabe. Jérusalem-Est avait
été peu développée depuis 1948 et elle ne comprenait qu’environ 70 000 habitants. Dès le 27
juin 1967, la Knesset vote trois lois cadres qui modifient le statut de Jérusalem tel qu’il avait
été défini par l’accord d’armistice signé le 3 avril 1949 entre Israël et la Jordanie. Les lois, et
les institutions israéliennes applicables dans la partie occidentale de la ville sont étendues à sa
totalité. Et les frontières qui existaient entre les deux secteurs de la ville sont supprimées. Israël
adopte une loi sur la protection des Lieux saints qui se trouvent ainsi de facto sous son unique
contrôle. Les habitants de la partie Est boycottent les élections municipales et en quelques
années, les institutions municipales seront aux mains de l’ancienne équipe de Jérusalem-Ouest.
371. Des incidents et attentats se produisent dès 1968 et la condamnation internationale
s’amplifie. Elle s’exprime d’abord à l’Assemblée générale des Nations unies qui considère les
mesures prises par Israël comme non valides et demande au gouvernement israélien de les
rapporter274. Une résolution du Conseil de sécurité du 3 juillet 1969, votée y compris par le
représentant des États-Unis, condamne clairement la politique israélienne et dénonce les
expropriations, confiscation de propriétés, démolitions de bâtiments, déclarés non valides, et
demande à Israël de rapporter d’urgence toutes ces mesures275.
372. En dépit des condamnations de cette occupation militaire de la ville, Israël la transformera
en une annexion par la loi du 29 juillet 1980 qui proclame :
273 Ibrahim Dakkak, « Juin 1967, la résistance au quotidien », in Jérusalem. Le sacré et le politique, textes réunis
et présentés par F. Mardam-Bey et E. Sanbar, Arles, Sindbad, Actes Sud, 2000, pp. 244 et suivantes.
274 Assemblée générale des Nations unies, résolutions 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967 et 2254 (ES-V) du 14 juillet
1967
275 Conseil de sécurité, résolution 270 du 26 août1969.
159
"Jerusalem, whole and united, is the capital of Israel. Jerusalem is the seat of the
President of the State, the Knesset, the Government and the Supreme Court"276 .
Suite aux condamnations internationales véhémentes que déclenche cette annexion, les pays
qui avaient implanté leurs représentations diplomatiques à Jérusalem dans les années 50, les
ramèneront à Tel-Aviv.
373. Dans les années suivantes, les incidents se multiplient. Ils sont si nombreux qu’il est
impossible de tous les relater. Ils ont fait l’objet de rapports détaillés des Nations Unies277. Les
habitants palestiniens de Jérusalem sont soumis à de nombreuses restrictions de leurs droits
dans tous les domaines. À partir de l’occupation de la ville par Israël en 1967, les Palestiniens
vivant dans les limites de la cité (dans la conception extensive de Jérusalem qui est celle de
l’État hébreu) sont considérés comme résidents permanents dans l’État d’Israël. Mais ceux qui
n’étaient pas présents physiquement au moment du recensement de 1967, ont perdu ce statut
(environ 8 000 personnes ont été dans ce cas). Pour voyager à l’étranger, il faut demander un
permis valable pour 3 ans. Son non-renouvellement entraîne la perte du statut de résident. Cette
perte est causée automatiquement par un séjour à l’étranger de plus de sept ans. Le fait d’aller
dans un village voisin de la Cisjordanie est aussi un motif de perte du statut. Les conjoints nonrésidents
et les enfants de résidents ne deviennent pas automatiquement résidents. Ils doivent
en faire la demande qui est difficilement accordée. En mars 2018, le Parlement israélien adopte
une loi permettant au ministre de l’intérieur de confisquer ses papiers à tout habitant de
Jérusalem qui aurait commis une infraction punie par la loi israélienne ou qui aurait simplement
« adhéré à des idées non conformes aux intérêts d’Israël ».
276 Voir Annexe 53, The Status of Jerusalem, United Nations, New-York, 1997, p. 13.
277 Voir parmi les plus récents, Human Rights Council, Fifty-second session, 27 February–31 March 2023, Annual
report of the United Nations High Commissioner for Human Rights and reports of the Office of the
High Commissioner and the Secretary-General : Human rights situation in the Occupied Palestinian Territory,
including East Jerusalem, and the obligation to ensure accountability and justice,13 février 2023, A/HRC/52/75.
Et Assemblée Générale, A/HCR/52/76, 15 mars 2023, Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, Rapport du Haut-Commissaire des Nations
Unies aux droits de l’homme.
160
374. D’autres restrictions aux droits civils sont imposées aux Palestiniens de Jérusalem. Les
publications en langue arabe sont censurées, des journaux ont été interdits, des institutions
éducatives ou culturelles ont été fermées ou leurs représentants arrêtés. Depuis le début des
négociations d’Oslo en 1993, de nombreux bureaux liés à l’Autorité palestinienne ont été
fermés. Et lors des élections de janvier 1996, les Palestiniens furent autorisés à y participer.
Cependant, seuls 30% de ceux qui pouvaient le faire, participèrent au vote, la plupart d’entre
eux craignant de compromettre par là leur statut de résidents. Enfin, les restrictions de
circulation des personnes et des biens entre Jérusalem et le territoire de la Cisjordanie ou de
Gaza, ont des conséquences extrêmement négatives sur les droits des Palestiniens et sur leurs
conditions de vie 278.
b) La judaïsation de Jérusalem-Est par la colonisation.
375. Immédiatement après l’occupation de Jérusalem-Est en 1967, une politique de colonisation
intensive est décidée par les autorités israéliennes. S’exprimant devant le Conseil de sécurité,
le 3 mai 1968, Mr Rouhi El-Khatib, ancien maire de Jérusalem s’exprime en ces termes :
« ….the Israeli project could also "contain the Arabs of Jerusalem in a limited space,
which will ultimately reduce their numbers and afford Israel the opportunity to bring in
new immigrants and make Jews the majority of the population in Arab Jerusalem in a
few years.”279 .
376. Les autorités israéliennes étendent la municipalité de 6 km2 qui était alors sa superficie à
73 km2 et entourent la ville de deux cercles de colonies en s’emparant de 28 villages
palestiniens. À une dizaine de kms du centre-ville, c’est la ceinture des colonies d’Efrat, Gilo,
Har Homa, Adounim, Bet El, Psagot qui encercle les quartiers palestiniens et empêche leur
développement. Désigné comme « le Grand Jérusalem », cette extension comprend 330 km2
gagné sur la Cisjordanie. Tous les moyens sont utilisés pour empêcher le développement des
quartiers palestiniens et accroître les colonies israéliennes. C’est ainsi par exemple que :
«… la colline de Jabal Abu-Ghneil située en périphérie de Jérusalem sur la route de
Bethléem, est déclarée « zone verte protégée » en 1969, avant d'être transformée en «
278 Voir pour plus d’informations, Annexe 53, pp. 21 et suivantes.
279 Voir Annexe 53, p. 17.
161
zone résidentielle » en 1996 pour y construire la colonie de Har Homa (littéralement «
la barrière de montagne ») qui compte aujourd'hui près de 15 000 habitants »280.
377. Le second cercle de colonies dénommé « Jérusalem métropolitaine » englobe 665 km2 de
la Cisjordanie. Il comprend une région qui s’étend :
« "from Ramallah in the north to Bethlehem in the South, Maaleh Adumim in the east,
and Mevasseret in the west in one metropolitan area."281 .
Carte n° 18, Map 5. Israeli settlements in and around Jerusalem, Annexe 55, page 20.
378. Le mouvement s’intensifie après la signature des Accords d’Oslo. Sous le prétexte de
croissance démographique « naturelle », le gouvernement israélien autorise la construction de
dizaines de milliers de nouveaux logements destinés à étendre les colonies existantes vers la
Mer Morte et la vallée du Jourdain. Les quartiers arabes sont séparés par le mur.
280 Vincent Lemire, « L’impossible capitale », in mensuel 436, https://www.lhistoire.fr/limpossible-capitale
281 Voir Annexe 53, p. 18.
162
Carte n° 19, La fragmentation du « Grand Jérusalem » sous l’effet de la colonisation israélienne, tirée de « Les
clés du Moyen Orient », Henri Amiot, « À relire, en lien avec l’actualité : Jérusalem, une ville divisée chargée
de symboles », 8 décembre 2017.
163
En 1978, une association est créée, Ateret Cohanim, qui milite explicitement pour le
« reconquête » de la vieille ville de Jérusalem, maison par maison. En 1994, le ministre de la
Défense israélien expose le projet de défense de Jérusalem :
« The consolidation of the existing territorial continuity through expansion of
settlements as well as construction of roads, tunnels and bridges and further land
acquisition, would be presented in the future negotiations as a geographic fact."282.
379. Dans un rapport de 1994, une organisation non-gouvernementale notait que cette politique
israélienne avait pour résultat que 21 000 familles palestiniennes étaient sans domicile et
devaient loger chez d’autres Palestiniens et que, privés de permis de construire, beaucoup
d’entre elles étaient acculées à quitter la ville (chiffre alors estimé à 50 000).
380. Au fil des années, les choses se sont considérablement aggravées. Entre 2012 et 2021,
1407 maisons palestiniennes ont été démolies à Jérusalem-Est et le nombre de Palestiniens
contraints de démolir eux-mêmes leurs biens a augmenté (16 en 2013, 58 en 2019, 89 en 2020
et 101 en 2022). Ces démolitions sont pour eux le seul moyen d’éviter de payer les amendes et
frais importants imposés lorsque la destruction est effectuée par la municipalité israélienne.
381. Au cours des dix dernières années le nombre de projets de construction de colonies
présenté et approuvé s’est accru, menaçant d’isoler Jérusalem du reste de la Cisjordanie.
« Le 5 septembre 2022, Israël a présenté des plans concernant quelque 700 unités dans
la colonie prévue de Givat Hashaked à Jérusalem-Est et les travaux d’aménagement ont
progressé en vue de l’agrandissement de la colonie de Har Gilo sur les terres du village
palestinien d’Al-Walaja, plaçant plus de 304 Palestiniens (151 enfants, 80 hommes et
73 femmes) sous le risque imminent d’un déplacement forcé. »283.
Une rocade en construction (interdite aux Palestiniens) permettra de relier les colonies situées
au Sud de Jérusalem à celles qui sont à l’Est. À cette fin, un ordre d’expropriation a été émis
282 Voir Annexe 53, p. 18.
283 Annexe 49, par. 6.
164
concernant 55 dunums de terres dans le village palestinien d’At-Tur. Un tramway a été construit
qui permet de relier les colonies lointaines de cette métropole urbaine au centre-ville.
382. La justice israélienne évolue vers une tolérance accrue à ces pratiques. Alors que depuis
1979, la Haute cour de justice interdisait les expropriations de terres aux fins de colonisation
par ordonnances militaires, un arrêt du 28 février 2022 a justifié la réquisition d’une propriété
palestinienne privée à Hébron par les forces de sécurité israéliennes afin d’y implanter une
nouvelle colonie284.
c) La prétention d’Israël au caractère irréversible de la judaïsation totale de Jérusalem
et le blocage des négociations de paix à ce sujet.
383. Les responsables israéliens n’ont cessé d’affirmer, bravant toutes les résolutions des
Nations unies, qu’ils ne mettraient jamais fin à la politique de colonisation. Leur projet est ainsi
de tester leur impunité au sein de la communauté internationale et de réaffirmer l’irréversibilité
de la souveraineté israélienne sur Jérusalem. En mai 2010, Benjamin Netanyahou affirme :
« Le Gouvernement israélien n’a pas reculé et ne reculera pas face aux États-Unis et
continuera à construire partout à Jérusalem, capitale du peuple juif pour l’éternité »285.
Il réitère en mai 2011 devant le Congrès américain où il réaffirme son refus du retrait de
Jérusalem-Est et du partage de la ville.
384. Au cours des différentes phases de négociations qui ont émaillé les années depuis le début
du processus d’Oslo, la question de Jérusalem est toujours restée avec celle du retour des exilés,
le point de blocage qui a fait obstacle à toute conclusion positive des échanges entrepris. Dès le
début des négociations devant conduire aux Accords d’Oslo en 1993, la Déclaration de principe
sur des Arrangements intérimaires d’autonomie du 13 septembre 1993 mentionne que la
question de Jérusalem est réservée comme une question en suspens dont la solution est remise
à l’étape ultérieure, celle de la négociation du statut permanent.286.
284 Voir Annexe 49, par. 18.
285 Le Monde, AFP, 20 mai 2010.
286 Voir Annexe 29, Déclaration de principe sur des Arrangements intérimaires d’autonomie du 13 septembre
1993, Article V, par. 3.
165
385. Au début des années 2000, sous l’impulsion des États-Unis, les négociations semblent
entrer dans une phase plus active. Ce qui est proposé alors pour la capitale de l’État de Palestine
est révélateur de la position d’Israël de refus de tous les aspects du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes au bénéfice du peuple palestinien et, notamment, de son droit à ériger pour
capitale la ville de son choix. On présenta alors la position d’Ehud Barak comme ouverte à une
division de Jérusalem comme capitale des deux États. Mais la partie réservée à un État arabe
n’était pas Jérusalem-Est. Il fut plutôt question de la zone définie comme « Al Qods » au-delà
de la zone annexée par Israël en 1967. Derrière cette désignation ambigüe, transparaît le refus
du partage de la ville et la relégation de la future capitale de l’État de Palestine dans un village
de la banlieue de Jérusalem, Abu Dis. Celui-ci, situé à environ 3 kms de la ville arabe de
Jérusalem, fait partie d’un groupe de trois villages qui étaient inclus dans les frontières de
Jérusalem sous l’administration jordanienne.
386. Marquant le caractère irréversible pour Israël de son occupation de Jérusalem, Ouest et
Est, cette proposition témoignait du mépris dans lequel les négociateurs israéliens et leurs alliés
tenaient la future Palestine dont les institutions sont ainsi destinées à siéger dans un village des
faubourgs. Lorsqu’après l’irruption de la seconde Intifada, les négociations reprirent à Taba en
2002, la proposition israélienne concernant la capitale de l’État de Palestine restait la même. Si
Jérusalem apparaissait comme la capitale des deux États, c’était avec le même subterfuge que
précédemment : Jérusalem-Ouest et Est serait la capitale d’Israël et le village d’Abu Dis, situé
à la périphérie serait celle de la Palestine. Les négociations échouèrent et la question de
Jérusalem reste depuis (avec le droit au retour des exilés) l’une des principales pierres
d’achoppement d’un règlement de ce conflit.
B – L’annexion de Jérusalem, une violation emblématique du droit du peuple palestinien
à disposer de lui-même et à choisir sa capitale sur son territoire.
387. L’analyse de la situation de Jérusalem au regard du droit international amène à examiner
ce que recouvre l’expression de statut de Jérusalem, (1), à s’interroger sur la meilleure manière
de garantir le libre accès aux Lieux saints (2) et de confirmer le droit du peuple palestinien à
disposer de lui-même sur un territoire qui comprend l’intégralité de la ville de Jérusalem, ainsi
que le droit d’en faire sa capitale (3).
1) La question du « statut » de Jérusalem.
166
388. Les résolutions des Nations unies ont condamné à de multiples reprises les mesures par
lesquelles était modifié le « statut » de Jérusalem. On peut prendre pour exemple la résolution
476 du 30 juin 1980 :
« 4. Réaffirme que toutes les mesures qui ont modifié le caractère géographique,
démographique et historique et le statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et
non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité ; ».
(Souligné par nous)
Mais l’emploi de l’expression « statut » entraîne une certaine confusion compte tenu du sens
qui avait été donné à cette expression dans la résolution 181 des Nations unies. Après avoir
annoncé au point A que la ville serait sous un « régime spécial », cette résolution dans sa
troisième partie consacrée à Jérusalem, comportait un point C intitulé « Statut de la ville ». Il
s’agissait de soustraire la ville à l’administration aussi bien de l’État juif que de l’État arabe
prévus par le plan de partage et de la doter d’un régime de démilitarisation et
d’internationalisation.
389. Mais ce qui était une proposition dans la résolution 181, n’a pas acquis de force normative.
Le Conseil de tutelle n’a jamais réussi à produire le statut plus détaillé qui lui était demandé, le
Conseil de sécurité n’a jamais pu prendre de mesures d’exécution du plan de partage. Et
l’ensemble de la résolution 181, mais plus particulièrement la partie concernant Jérusalem ont
été abandonnées. Mais cet abandon, acté par les Nations unies elles-mêmes 287 du projet
d’internationalisation de la ville de Jérusalem, ne laisse pas cette ville sans « statut ».
390. Si les Nations unies utilisent cette expression, alors même que le « statut » envisagé en
1947 est devenu caduc, c’est certainement que l’expression renvoie à une autre signification.
Dans la mesure où les Nations unies n’ont jamais cessé de condamner l’annexion de Jérusalem,
le terme de « statut » ne peut renvoyer à la validation de la prétention israélienne à la
souveraineté. Aussi ne reste-t-il qu’une hypothèse plausible, c’est celle selon laquelle le
« statut » de Jérusalem est celui d’un territoire occupé militairement par une puissance
étrangère, comme l’est l’ensemble du territoire palestinien depuis 1967. La fin de cette
287 Supra, par. 360, résolution de l’Assemblée générale des Nations unies 512 du 26 janvier 1952.
167
occupation permet alors au peuple occupé de recouvrer sa souveraineté. Mais le particularisme
de Jérusalem et la présence de lieux de culte historiques sur le territoire de Jérusalem justifie-til
la nécessité d’un régime juridique particulier pour cette ville ? Non, car l’application du droit
international par l’État souverain sur la ville suffit à garantir la protection de ces lieux et la
liberté d’accès.
2) Les garanties internationales d’accès aux Lieux saints et les mesures permettant leur
conservation.
391. Les préoccupations qui avaient amené les membres des Nations unies à l’idée d’un statut
spécial pour Jérusalem sont compréhensibles. Cette ville abrite des lieux emblématiques et très
anciens qui sont des destinations de pèlerinage pour les croyants des grandes religions
monothéistes. Fragiles, ces lieux doivent faire l’objet de mesures de préservation particulières.
Extrêmement fréquentés, ils doivent être accessibles à tous ceux qui souhaitent venir y prier.
Mais il n’y a aucune raison que ces préoccupations interfèrent avec la question de la
souveraineté sur la ville de Jérusalem. Cette question doit être résolue en elle-même. Une fois
déterminé quel est l’État détenteur des compétences sur la partie de la ville où se trouvent ces
Lieux saints, alors celui-ci doit respecter à l’égard des Lieux saints certaines obligations
découlant du droit international.
392. La liberté d’accès aux lieux de prière et de pèlerinage, est assurée par la liberté générale
de circulation qui appartient au corpus international des droits de l’homme. Elle découle de
l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 288. Et
elle a été confirmée par l’article 13 du Pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques
du 23 mars 1976 289. Il est vrai qu’en vertu du paragraphe 3 de cet article, l’État du lieu peut
288 Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays
289 Article 12
1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir
librement sa résidence.
2. Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien.
3. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l'objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi,
nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et
libertés d'autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.
4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays.
168
réglementer cette liberté (comme toutes les autres), mais il ne peut le faire que pour les raisons
précises invoquées dans le Pacte, dont la principale tient à l’ordre public et à la sécurité
nationale. Israël, qui est le détenteur d’une souveraineté usurpée sur Jérusalem, a abusé
arbitrairement de cette possibilité de brider la liberté d’accès aux Lieus saints, notamment en
défaveur des musulmans.
393. Les lieux de prière ne doivent pas seulement être accessibles au public, encore faut-il qu’ils
soient protégés afin de ne pas subir de dégradations. Mais il n’est pas nécessaire pour cela de
recourir à un statut spécial. L’UNESCO a été créée pour remplir cette fonction et contribuer
avec les États concernés et, malheureusement parfois contre eux, à la recherche des meilleures
voies de protection. Et les règles internationales édictées par l’UNESCO en matière de
protection du Patrimoine mondial permettent de garantir la conservation et le droit d’accès aux
Lieux saints des différentes religions.
394. À partir de 1968, la Conférence générale de l’UNESCO a formulé les principes qu’Israël
doit impérativement accepter, à savoir respecter le patrimoine culturel de la ville et s’abstenir
de le modifier. Le Directeur général fut amené en 1976 à organiser un contrôle des infractions
commises par Israël290. Les tensions restent persistantes au sujet du patrimoine culturel de
Jérusalem. Elles ont été particulièrement vives à partir de 2016 avec une série de décisions
faisant suite aux nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité (252, 476 et 478) et à celles de
l'UNESCO dénonçant les tentatives israéliennes de modifier le statut de la ville sainte de
Jérusalem. Rappelant en préambule ces résolutions précédentes de la communauté
internationale, la décision du 5 juin 2017 :
« affirm[e] l’importance de la Vieille Ville de Jérusalem et de ses remparts pour les
trois religions monothéistes (...) [et] vise (...) à sauvegarder le patrimoine culturel
palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est (...), regrette profondément le
refus d’Israël de mettre en oeuvre les précédentes décisions de l’UNESCO concernant
Jérusalem (...), déplore vivement le fait qu’Israël, la Puissance occupante, n’ait pas
cessé les fouilles et travaux menés constamment dans Jérusalem-Est, en particulier à
l’intérieur et aux alentours de la Vieille Ville (...) [et] demande de nouveau à Israël, la
290 Voir Raymond Goy, « La question de Jérusalem à l’UNESCO », Annuaire français de droit international,
1976, pp. 420 et suivantes.
169
Puissance occupante, d’interdire tous ces travaux, conformément aux obligations qui
lui incombent (...) »291.
Indifférent à ces décisions, Israël poursuit dans Jérusalem une politique entièrement tournée à
l’avantage de la population et de la culture juive et au mépris de la conservation du Patrimoine
pluriculturel de la ville.
3) Jérusalem (comme l’ensemble de la Cisjordanie et de Gaza) est territoire palestinien
par application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui doit être exercé dans sa
plénitude.
395. L’une et l’autre partie de Jérusalem, celle de l’Ouest (a), comme celle de l’Est (b) ont été
occupées illégalement et par la force des armes par Israël. Cette occupation ne peut entraver la
souveraineté de la Palestine, ni le droit de cet État de faire de Jérusalem sa capitale.
a) Le cas incertain de Jérusalem-Ouest.
396. La prétention d’Israël d’annexer la ville de Jérusalem dans sa totalité ne repose sur aucun
fondement en droit, ni pour ce qui est de la partie occidentale annexée en 1950, ni pour ce qui
est de la partie orientale annexée en 1980. Pour la première, on rappellera seulement ici
qu’Israël a conquis par la force en 1948 des territoires sur lesquels cet État n’avait aucun titre
et que sa prétendue souveraineté sur Jérusalem-Ouest n’a pas de fondement en droit. La Charte
des Nations unies, comme le droit coutumier ou conventionnel de l’occupation, ne permettent
pas de reconnaître la souveraineté d’un État, occupant militaire par la force d’un territoire sur
lequel il n’a pas de titre.
« L’application dès 1948, du droit israélien à la partie Ouest de Jérusalem, le transfert
des principales institutions dans ce secteur et les premières déclarations, survenues la
même année, d’après lesquelles Jérusalem (sans autre précision) constitue « la capitale
291 Annexe 55, UNESCO, Conseil exécutif, Décision « Palestine occupée », 201è session, 19 avril-5 mai 2017,
201 EX/Décisions, pp. 39-41.
170
éternelle d’Israël » et « une partie inséparable » de l’État hébreu paraissent ainsi
dépourvues de base légale. »292.
397. Comme pour l’ensemble des territoires qu’Israël a conquis par les armes en 1948, la
situation juridique de Jérusalem-Ouest demeure donc incertaine en droit. Aucun acte conforme
au droit international n’a jusqu’ici fait perdre au peuple palestinien son droit à disposer de luimême
sur son territoire historique. La situation de Jérusalem-Ouest ne sera donc réglée au
bénéfice d’Israël que par un accord de paix avec la Palestine.
b) Les mesures prises par Israël depuis 1967 concernant Jérusalem-Est sont illégales au
regard du droit international et violent le droit souverain du peuple palestinien de choisir sa
capitale.
Une violation générale du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même.
398. On ne reprendra pas ici toutes les résolutions des Nations unies et tous les rapports remis
à l’Assemblée générale par différents organes, dont le Conseil des droits de l’homme, qui
traitent des violations du droit international commises par Israël à Jérusalem-Est depuis
l’occupation de cette ville en 1967293. Ces violations sont constitutives de crimes de guerre et
engagent la responsabilité pénale individuelle des personnes impliquées. La violence des
colons, protégés par les forces de sécurité israéliennes, met en jeu la responsabilité d’Israël qui
a failli au devoir qui lui incombe en tant que Puissance occupante de protéger les Palestiniens
et leurs biens294.
399. L’on ne reprendra pas non plus en détail le raisonnement fait précédemment à propos du
Territoire palestinien occupé 295. Comme pour ce qui est du reste de la Cisjordanie et de Gaza,
les innombrables et très graves violations des droits de l’homme et du droit international
292 Thierry Fleury-Graff, « A box of Realism : La décision des États-Unis d’Amérique de reconnaître Jérusalem
comme capitale d’Israël et d’y transférer leur ambassade », Annuaire français de droit international, 2019, page
66.
293 Ils ont été cités dans la point IV supra et ont servi de fondement au raisonnement présenté relativement à
l’ensemble du Territoire palestinien occupé.
294 Voir Annexe 49, par. 58 à 62.
295 Supra, par. 307 à 343.
171
humanitaire perpétrées à Jérusalem, sont des violations secondaires venant à l’appui de la
violation principale du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les rapports remis à
l’Assemblée générale par les différentes commissions que celle-ci a mandatées, soulignent
comment les politiques de colonisation accélérée, réduisent la probabilité de la fin de
l’occupation et violent le droit des Palestiniens à l’autodétermination 296. Et dans le cas de
Jérusalem, cette violation principale est renforcée par le fait qu’Israël en annexant de facto la
ville, double la violation du droit des peuples à l’autodétermination de la violation de
l’interdiction d’annexer des territoires conquis par la force.
400. Comme ailleurs dans le Territoire palestinien occupé, la volonté d’Israël de détruire les
bases mêmes de toute possibilité d’autodétermination s’exprime à Jérusalem par des attaques
contre tous les éléments constitutifs d’un État. Le territoire est occupé par des mesures
d’expropriation, de démolitions, et d’encerclement. La population est forcée à l’exil, ses
possibilités de vie étant rendues impossibles. Et les institutions palestiniennes sont attaquées.
La violation spécifique du droit souverain d’un État de choisir sa capitale.
401. Mais les attaques contre les institutions palestiniennes revêtent ici un caractère d’une
exceptionnelle gravité. Jérusalem et cela ne fait aucun doute selon le droit international, n’est
pas un territoire israélien, mais est un territoire d’application du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes au bénéfice de la Palestine. En application de ce droit, le peuple palestinien
dispose de la liberté de choisir le siège de sa capitale. Et il exprime cette liberté depuis la fin du
mandat britannique.
402. Le droit international n’intervient pas sur cette question si ce n’est pour interdire à un État
de placer sa capitale sur le territoire d’un autre État ou sur un territoire disputé297.
« A careful reader might have noted that so far, the recognition of a capital city has not
been mentioned in the text. The reason is simple. International law does not know such
a recognition as an autonomous institution. The choice of the capital city, as well as its
potential change, are left to individual States. It could also be argued that the
296 Voir Annexe 40, par.15.
297 Annexe 56, Cour internationale de justice, Requête introductive d’instance de la Palestine, Transfert de
l’Ambassade des États-Unis à Jérusalem (Palestine c. États-Unis), 28 septembre 2018.
172
recognition of the capital city is automatically entailed in the recognition of the State,
as such a recognition confirms that the State has the right to decide in its internal affairs.
However, this right is not unlimited and that is true event with respect to the choice of
the capital city. States may not choose as their capital a city which is located in the
territory of another State or a city whose legal status is disputed. Jerusalem falls into
the latter category." 298.
403. En effet, le choix de la capitale est une décision souveraine qui relève du droit interne de
chaque État. L’annexion complète de Jérusalem par Israël et le caractère affirmé de
l’irréversibilité de cette annexion, sont ainsi l’expression la plus caractérisée de la signification
profonde de toutes les pratiques et politiques d’Israël à Jérusalem : condamner toute solution
politique en annihilant la possibilité très symbolique de la souveraineté d’un peuple, celle
d’ériger la ville de son choix en capitale.
404. Israël se met ainsi en violation du droit international et du droit du peuple palestinien à un
État indépendant qui en découle. Ce droit a pourtant été réaffirmé à maintes reprises par les
instances des Nations unies et encore par la résolution de l’Assemblée générale du 16 décembre
2019 qui :
« …. Réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit
à un État de Palestine indépendant »299.
298 Veronika Bilkova, “Recognition of Jerusalem as the capital city of Israel – an acknowledgement of the
obvious or an unlawful act?”Policy Publications, 22 janvier 2018, https://www.iir.cz/en/kontroverzni-otazkajeruzalema-
z-pohledu-mezinarodniho-prava-2
299 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 74/137 du 16 décembre 2019.
173
CONCLUSION : L’INCIDENCE DES POLITIQUES ET DES PRATIQUES D’ISRAËL
SUR LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION ET LES CONSÉQUENCES
JURIDIQUES QUI EN DÉCOULENT POUR TOUS LES ÉTATS ET
L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES.
405. L’Organisation de la Coopération islamique soumet respectueusement à la Cour les
conclusions suivantes :
- La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée
générale dans sa résolution A/RES/77/247 du 30 décembre 2022, et aucune raison décisive ne
peut la conduire à refuser de donner son avis.
- Les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ont donné lieu,
comme cela a été montré ci-dessus, depuis la naissance de cet État, à une violation déterminée
du droit fondamental du peuple palestinien à disposer de lui-même, ce qui induit le droit à
devenir un État souverain dans des institutions librement choisies, le droit de garder la maîtrise
de son territoire et de disposer de ses ressources naturelles, le droit pour les membres de ce
peuple de demeurer sur son territoire, celui d’y revenir pour ceux qui s’étaient exilés et de droit
d’y faire sa capitale dans la ville de son choix. Telle est la violation principale à laquelle s’est
livré Israël méthodiquement depuis un siècle.
- Cette violation principale n’a pu se faire qu’à travers de multiples autres violations du
droit international : violation de l’interdiction du recours à la force, violation du droit
humanitaire en cas de conflit armé dans ses différents aspects, mais principalement dans
l’interdiction pour la Puissance occupante de transférer sa propre population dans le territoire
occupé, violations multiples de tous les droits de l’homme garantis par le droit international.
- Ces politiques et pratiques d’Israël ont pour incidence que l’occupation par Israël du
Territoire palestinien est une occupation illégale qui doit cesser immédiatement et dont toutes
les conséquences doivent être réparées. Ceci inclut :
° le retrait des forces militaires d’occupation de l’intégralité du Territoire occupé par
Israël en 1967,
° la cessation du blocus de la Bande de Gaza,
° la libération des Palestiniens détenus sans fondement par Israël,
174
° la garantie de la liberté de circulation entre les différentes parties du territoire
palestinien, et de celui-ci vers l’extérieur,
° le droit au retour pour tous les Palestiniens exilés qui le souhaitent,
° le règlement des réparations telles que prévues par les résolutions des Nations unies,
pour ceux qui ne désirent pas revenir d’où ils ont été chassés,
° le démantèlement des colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et la
juste réparation de toutes les expropriations, démolitions et atteintes aux droits de l’homme
causées par ces implantations illégales,
° la reconnaissance par Israël de Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine.
- Il découle du caractère illégal de cette occupation et des violations massives du droit
international qu’elle a entraînées depuis 1967, que tous les États et l’Organisation des Nations
unies ont le devoir d’employer tous les moyens à leur disposition pour faire cesser cette
illégalité. Ceci inclut :
° pour l’Organisation des Nations unies d’employer les moyens prévus par la Charte,
notamment par le système de sanctions des chapitres VI et VII de la Charte pour faire cesser
toutes les actions d’Israël contraires au droit international,
° pour la Cour pénale internationale, d’instruire et de juger les violations qui lui sont
soumises,
° pour les autres États, de ne collaborer d’aucune manière avec Israël dans ce qui pourrait
favoriser les illégalités mentionnées, d’utiliser les moyens diplomatiques à leur disposition pour
faire cesser ces illégalités, d’employer éventuellement les procédures et les sanctions leur
permettant de peser sur les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé
pour les faire cesser.
20 Juillet 2023
au nom de L'Organisation de la Coopération Islamique.
Hissein Brahim Taha
Secrétaire Général
175
LISTE DES CARTES
Carte n° 1 : La « Palestine » revendiquée l'Organisation sioniste mondiale,
1919
Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Origines et
évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, 1990, p. 100.
Carte n° 2 : 1923-1948 : La Palestine sous mandat britannique
Alain Gresh, Israël, Palestine. Vérités sur un conflit, Paris, Fayard, 2002, cahier
couleur central.
Carte n° 3 : Les frontières sud de la Palestine
Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, Les frontières au moyen-orient,
Paris L'Harmattan, 2004, planche VIII, carte n° 20, Cahier couleur central.
Carte n° 4 : Les frontières nord de la Palestine (1916-1923-1949)
Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, Les frontières au moyen-orient,
Paris L'Harmattan, 2004, planche IX, carte n° 21, Cahier couleur central.
Carte n° 5 : Plan de partage de la Palestine et Limites proposées pour la ville
deJérusalem
Assemblée générale des Nations Unies, Résolution n° 181 (II) du 29 novembre
1947, Annexes A et B.
Carte n° 6 : 1947-1949 : Le plan de partage et les premières annexions
Alain Gresh, Israël, Palestine. Vérités sur un conflit, Paris, Fayard, 2002, cahier
couleur central.
Carte n° 7 : L'expulsion des palestiniens en 1948-1949
Raphaël Porteilla, Jacques Fontaine, Philippe Icard et André Larceneux, Quel État
? Pour quelle Palestine ?, Paris, L'Harmattan, 2011, Figure 10, cahier central.
Carte n° 8 : Plan Allon
Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, Les frontières au moyen-orient,
Paris L'Harmattan, 2004, Carte n° 57, p. 186.
176
Carte n° 9 : Texte officiel des accords d’Oslo II
Le Monde diplomatique, Archives municipales de Jérusalem, département des
plans
1995 ; Yedioth Aharonot, 6 octobre 1995.
Carte n° 10 : État ou bantoustans ? La Palestine à la veille de la seconde
Intifada en septembre 2000
Alain Gresh, Israël, Palestine. Vérités sur un conflit, Paris, Fayard, 2002, cahier
couleur central.
Carte n° 11 : Statut final de la Cisjordanie présentée par Israël en mai 2000
Tanya Reinhart, Détruire la Palestine ou comment terminer la guerre de 1948,
Paris, La Fabrique éditions, 2002, p. 33.
Carte n° 12 : Carte illustrant l’Accord de Genève
L’Accord de Genève, un pari réaliste, Version autorisée du texte intégral traduite
et présentée par Alexis Keller, Paris, Éditions du Seuil, 2004, p.132.
Carte n° 13 : Les limites de Jérusalem selon le plan de partage de 1947
Résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, Annexe B.
Carte n° 14 : NO MAN’S LAND
Guy Feuer, « Le Statut des zones de Jérusalem contrôlées par les Nations Unies
», Annuaire français de droit international, vol. 12, 1966, p. 246.
Carte n° 15 : Les institutions israéliennes à Jérusalem-Ouest
« Jérusalem 1947-2017 », L’Histoire, n° 436, décembre 2017.
Carte n° 16 : La Vieille ville de Jérusalem avant l’occupation israélienne.
Michael Dumper, « Colons et colonies dans la Vieille ville de Jérusalem : 1980-
2000 », Jérusalem, le sacré et le politique , Farouk Mardam-Bey et Élias Sanbar
(dir.), Arles, Actes Sud, 2000, pages 274-275.
Carte n° 17 : Jerusalem occupied and expanded by Israel in June 1967,
« The Status of Jerusalem », United Nations, New-York, 1997, p. 16.
Carte n° 18 : Israeli settlements in and around Jerusalem,
177
« The Status of Jerusalem », United Nations, New-York, 1997, p. 20.
Carte n° 19 : La fragmentation du « Grand Jérusalem » sous l'effet de la
colonisation israélienne
Hervé Amiot, « À relire, en lien avec l’actualité : Jérusalem, une ville divisée
chargée de symboles », Les clefs du Moyen-Orient, 8 décembre 2017.
LISTE DES TABLEAUX
Tableau n° 1 : Immigration en Palestine de 1920 à 1929
Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Origines et
évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, 1990, p. 39.
Tableau n° 2 : Immigration en Palestine de 1930 à 1939
Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Origines et
évolution du problème palestinien, 1917-1988 », Nations Unies, 1990, p. 44.
Tableau n° 3 : Croissance de la propriété juive enregistrée légalement,
concessions de terres gouvernementales
Kenneth, in Stein, The Land Question in Palestine, 1917-1939, The University of
California Press, 1984, p. 226, in Henry Laurens, La question de Palestine. Une
mission sacrée de civilisation, tome 2 1922-1947, Paris, Fayard, 2002, p. 133-
134.
178
LISTE DES ANNEXES du Volume II
Annexe 1 : Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 77/247, 30 décembre 2022.
Annex 1 : United Nations General Assembly, Resolution 77/247, 30 december 2022.
Annexe 2 : Charte de la Conférence Islamique, adoptée le 4 mars 1972, article II, A, paragraphe
5.
Annex 2 : Charter of the Islamic Conference, adopted on 4 March 1972, Article II, A,
paragraphe 5.
Annexe 3 : Amnesty International, « L’apartheid israélien envers le peuple palestinien, un
système cruel de domination et un crime contre l’humanité », Rapport de février 2022, p. 7.
Annex 3 : Amnesty International, « Israel’s Apartheid Against Palestinians, Cruel System of
Domination and Crime Against Humanity », Report of Feburary 2022, p. 7.
Annex 4 : Basic-Law Israël : « Israël, The Nation-State of the Jewish People », 19 july 2018,
English translation by the Knesset.
Annex 5 : Letter n°4 from McMahon to Husayn, 24 october 1915, translation, The Hussein-
McMahon Correspondence, Jewish Virtual Library, American-Israeli Cooperative Enterprise.
Annex 6 : The Anglo-French Declaration of 7 November 1918, 145 Parliamentary Debates H.C
(5th Series), 36, 1921, in John Norton Moore, The Arab-Israeli conflict, Vol. III, Documents,
Princeton University Press, 1974, p. 38.
Annexe 7 : Société des Nations, Mandat pour la Palestine, 12 août 1922, C.529 M. 314.
Annex 7 : League of Nations, Mandate for Palestine, 12 August 1922, C.529 M. 314.
179
Annexe 8 : Échange de notes des 14 et 15 mai 1906 entre la Turquie et la Grande-Bretagne
concernant le maintien du statut quo dans la Péninsule du Sinaï, in Heinrich Triepel, Nouveau
Recueil général de traités, tome V, Leipzig, Librairie Theodor Weicher, 1912, p. 880-882.
Annexe 9a : Convention entre la France et la Grande-Bretagne du 23 décembre 1920
concernant les mandats sur la Palestine, la Mésopotamie, la Syrie et le Liban, in Heinrich
Triepel, Nouveau Recueil général de traités, t. XII, Leipzig, Librairie Theodor Weicher, 1923,
p. 582-586.
Annexe 9b : Échange de Notes entre la France et la Grande-Bretagne du 7 mars 1923 afin de
ratifier le Rapport de la Commission désignée pour fixer le tracé de la frontière entre le Liban
et la Syrie d’une part, et la Palestine d’autre part de la Méditerranée à El Hammé, in Heinrich
Triepel, Nouveau Recueil général de traités, t. XVII, Leipzig, Librairie Theodor Weicher, 1927,
p. 208-215.
Annexe 10 : Gouvernement du Royaume-Uni, Livre Blanc : Déclaration de politique générale
sur la Palestine, 23 mai 1939.Gouvernement du Royaume-Uni, Livre Blanc, 1939.
Annex 10 : Government of Great Britain, White Paper: Palestine Statement of Policy, 23 May
1939.
Annexe 11 : Assemblée générale des Nations Unies, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947.
Annex 11 : United Nations General Assembly, Résolution 77/247, 30 december 2022.
Annexe 12 : Documents officiels de l’Assemblée générale, deuxième session, Commission
spéciale pour la Palestine, vol. I, 1947, p. 54-55.
Annex 12 : Official Records of the General Assembly, second session, Special Committee On
Palestine, vol. I, 1947, p. 54-55.
Annexe 13 : Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël, 14 mai 1948, traduction, in
Pouvoirs, n° 72, 1995, p. 122, p. 121-123.
180
Annex 13 : Declaration of Independance, 14 May 1948, translation, Provisional Government
of Israel, Official Gazette: Number 1, p. 1.
Annexe 14 : Le Plan Dalet, 10 mars 1948, traduction, in Le droit au retour, Farouk Mardam-
Bey et Elias Sanbar (dir.), Arles, Actes Sud, 2002, p. 87-98.
Annex 14 : Plan Dalet, 10 March 1948, translation, in « Plan Dalet: Master Plan for the
Conquest of Palestine », Walid Khalidi, Journal of Palestine Studies, 1988, Vol. 18, No. 1, p.
21.
Annexe 15 : Jacques de Reynier (délégué du Comité international de la Croix Rouge pour la
Palestine), « 1948 à Jérusalem », Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, p. 69-78.
Annexe 16 : Convention d’armistice générale entre l’Égypte et Israël, 24 février 1949, Nations
Unies, Recueil des traités, volume 42, 1949, p. 251-285.
Annex 16 : General Armistice Agreement between Egypt and Israel, 24 February 1949, United
Nations, Treaty Series, volume 42, 1949, p. 251-285.
Annexe 17 : Assemblée générale des Nations unies, résolution 194 (III) du 11 décembre 1948.
Annex 17 : United Nations General Assembly, Résolution 194 (III), 11 december 1948.
Annexe 18 : « Déclaration acceptant les obligations découlant de la Charte », Déclaration
officielle du Ministre des affaires étrangères du Gouvernement provisoire d’Israël adressée au
Secrétaire général de l’ONU, 29 novembre 1948, Nations Unies, Conseil de sécurité, S/1093.
Annex 18 : « Declaration accepting obligations under the Charter », from Israel’s Foreign
Minister to the UN Secretary-General, 29 November 1948, United Nations, Security Council,
S/1093.
Annexe 19 : Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 273 (III), 11 mai 1949.
Annex 19 : United Nations General Assembly, Resolution 273 (III), 11 May 1949.
Annexe 20 : Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 242, 22 novembre 1967.
181
Annex 20 : United Nations Security Council, Resolution 242, 22 November 1967.
Annexe 21 : Déclaration de Golda Meïr, Première Ministre d’Israël, « Mme Meïr affirme
qu’Israël ne rendra pas tous les territoires occupés "même si un accord de paix est signé avec
les pays arabes" », Le Monde, 11 avril 1972.
Annexe 22 : Déclaration du général Dayan, « Israël conservera les territoires occupés où des
localités juives auront été implantées déclare le général Dayan », Le Monde, 23 août 1973.
Annexe 23a : Éric Rouleau, « La guerre d’octobre ou la diplomatie du canon. I La chance de
ne pas être cru », Le Monde, 24 novembre 1973.
Annexe 23b : Éric Rouleau, « La guerre d’octobre ou la diplomatie du canon. II Les dédales
de l’opération "BADR" », Le Monde, 26 novembre 1973.
Annexe 24 : Déclaration de Haïm Herzog, Président d’Israël, « Le Président Herzog reconnaît
avoir organisé le départ de 200 000 palestiniens en 1967 », Le Monde, 10-11 novembre 1991.
Annexe 25 : Assemblée générale des Nations Unies, Rapport du Comité spécial chargé
d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien
et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, A/77/501.
Annex 25 : United Nations General Assembly, Report of the Special Committee to Investigate
Israeli Practices Affecting the Human Rights of the Palestinian People and Other Arabs of the
Occupied Territories, 3 October 2022, A/77/501.
Annexe 26 : Déclaration d’Itzhak Rabin, Ministre de la Défense d’Israël, « Le gouvernement
israélien a approuvé l’installation de colons dans un quartier arabe de Jérusalem », Le Monde,
10 décembre 1991.
182
Annexe 27 : Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations Unies, Déclaration
d’indépendance de l’État de Palestine, 18 novembre 1988, A/43/827 S/20278, Annexe III, p.
13-16.
Annex 27 : United Nations General Assembly and Security Council, Declaration of
Independance of the State of Palestine, 18 November 1988, A/43/827 S/20278, Annex III, p.
13-16.
Annexe 28 : Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations Unies, Lettres de
reconnaissance mutuelle entre Israël et la Palestine du 9 septembre 1993, 7 mars 2001, A/55/823
S/2001/197, Annexe 1, p. 3-4.
Annex 28 : United Nations General Assembly and Security Council, Letters of mutual
recognition between Israel and Palestine of 9 September 1993, 7 March 2001, A/55/823
S/2001/197, Annex 1, p. 3-4.
Annexe 29 : Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations Unies, Déclaration de
principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, 11 octobre 1993, A/48/486 S/26560,
Annexe, p.4-8.
Annex 29 : United Nations General Assembly and Security Council, Declaration of Principles
on Interim Self-Government Arrangements, 11 October 1993, A/48/486 S/26560, Annex, p. 4-
8.
Annexe 30 : Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations Unies, Accord intérimaire
israélo-palestinien sur la Rive occidentale et la bande de Gaza du 28 septembre 1995, 5 mai
1997, A/51/889 S/1997/357, Annexe, p. 4-29.
Annex 30 : United Nations General Assembly and Security Council, Israeli-Palestinian Interim
Agreement on the West Bank and the Gaza Strip of 28 September 1995, 5 May 1997, A/51/889
S/1997/357, Annex, p. 5-31.
Annexe 31 : Déclaration commune israélo-palestinienne, Georges Marion, « Sans avoir abouti,
le sommet de Camp David a levé de nombreux tabous », Le Monde, 27 juillet 2000.
183
Annexe 32 : Texte des Propositions Clinton, « Les propositions de Bill Clinton aux
négociateurs palestiniens et israéliens », Le Monde, 4 janvier 2001.
Annex 32 : Clinton Proposal on Israeli-Palestinian Peace, « The Peace Puzzle: Appendices and
Resources », The United States Institute of Peace, 22 January 2013, Appendice 19.
Annexe 33 : Jean Quatremer, « L’Europe chiffre les destructions israéliennes », Libération, 22
janvier 2002.
Annexe 34 : Conseil de sécurité des Nations Unies, « Feuille de route axée sur des résultats en
vue d’un règlement permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États », 7 mai
2003, S/2003/529, Annexe.
Annex 34 : United Nations Security Council, « A performance-base road map to a permanent
two-State solution to the Israeli-Palestinian conflict », 7 May 2003, S/2003/529, Annex.
Annex 36 : Jerusalem Embassy act, 8 November 1995, Public Law 104–45, 104th Congress,
Legislative History S. 1322, Congressional Record, vol. 141, 1995.
Annex 37 : « Final communique of the extraordinary islamic summit conference to consider
the situation in the wake of the U.S. administration’s recognition of the city of al-Qods al-Sharif
as the so-called capital of Israel, the occupying power, and the transfer of the U. S. embassy to
al-Qods », Organization of Islamic Cooperation, 13 December 2017, OIC/EXCFM/
2017/PAL/FC.
Annexe 38 : Déclaration du Ministre des finances d’Israël Belazel Smotrich, « Bezalel
Smotrich, ministre ultranationaliste israélien, poursuit ses diatribes antipalestiniennes depuis
Paris », Le Monde, 20 mars 2023.
184
Annexe 39 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, « Le transfert par Israël de sa
propre population dans le territoire qu’il occupe constitue un crime de guerre, et en 2022, les
violences commises par les colons israéliens ont atteint un niveau jamais enregistré, est-il
indiqué au Conseil », 28 mars 2023.
Annex 39 : United Nations, Human Rights Council, « Human Rights Council Hears that the
Current Israeli Plan to Double the Settler Population in the Occupied Syrian Golan by 2027 is
Unprecedented, and that 700,000 Israeli Settlers Are Living Illegally in the Occupied West
Bank », 28 March 2023.
Annexe 40 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Résolution 40/24, 22 mars 2019,
A/HRC/RES/40/24.
Annex 40 : United Nations, Human Rights Council, Resolution 40/24, 22 March 2019,
A/HRC/RES/40/24.
Annexe 41 : Assemblée générale des Nations Unies, Rapport de la Commission internationale
indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-
Est, et en Israël, 14 septembre 2022, A/77/328.
Annex 41 : United Nations General Assembly, Report of the Independent International
Commission of Inquiry on the Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, and
Israel, 14 September 2022, A/77/328.
Annexe 42 : Assemblée générale des Nations Unies, Rapport du Rapporteur spécial sur la
situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 23 octobre
2017, A/72/556.
Annex 42 : United Nations General Assembly, Report of the Special Rapporteur on the
situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, 23 October 2017,
A/72/556.
Annexe 43 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Mission
d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, 24
septembre 2009, A/HRC/12/48 (ADVANCE 2).
185
Annex 43 : United Nations, Human Rights Council, Report of the United Nations Fact Finding
Mission on the Gaza Conflict, 24 September 2009, A/HRC/12/48 (ADVANCE 2).
Annexe 44 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Mission
d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, 23
septembre 2009, A/HRC/12/48 (ADVANCE 1).
Annex 44 : United Nations, Human Rights Council, Report of the United Nations Fact Finding
Mission on the Gaza Conflict, 23 September 2009, A/HRC/12/48 (ADVANCE 1).
Annex 45 : European Union, Office of the European Union Representative (West Bank and
Gaza Strip, UNRWA), 2022 Report on Israeli settlements in the occupied West Bank, including
East Jerusalem, Reporting period -January - December 2022, 15 May 2023.
Annexe 46 : Nations unies, Conseil économique et social, « Répercussions économiques et
sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe du Golan
syrien occupé », 8 juin 2022, A/77/90–E/2022/66.
Annex 46 : General Assembly, Economic and Social Council, « Economic and social
repercussions of the Israeli occupation on the living conditions of the Palestinian people in the
Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, and of the Arab population in the
occupied Syrian Golan », 8 June 2022, A/77/90–E/2022/66.
Annexe 47 : Conseil de sécurité des Nations Unies, 9224e séance, « Conseil de sécurité: le
Coordonnateur spécial prévient que l’expansion des colonies israéliennes érode
« systématiquement » la solution des deux États », 19 décembre 2022, CS/15146.
Annex 47 : United Nations Security Council, 9224th Meeting, « Cycle of Violence, Bloodshed
between Israelis, Palestinians Untenable, Delegate Stresses at Security Council Briefing on
Middle East », 19 December 2022, CS/15146.
Annexe 48 : Clothilde Mraffko, « Le gouvernement israélien fait un pas important vers une
annexion de la Cisjordanie », Le Monde, 20 juin 2023.
186
Annexe 49 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Commission
d’enquête internationale indépendante créée en vertu de la résolution S-21/1 du Conseil des
droits de l’homme, 24 juin 2015, A/HCR/29/52.
Annex 49 : United Nations, Human Rights Council, Report of the independent commission of
inquiry established pursuant to Human Rights Council resolution S-21/1, 24 June 2015,
A/HCR/29/52.
Annexe 50 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport du Haut-Commissaire des
Nations Unies aux droits de l’homme, 15 mars 2023, A/HRC/52/76.
Annex 50 : United Nations, Human Rights Council, Report of the United Nations High
Commissioner for Human Rights, 15 March 2023, A/HRC/52/76.
Annexe 51 : Tableau des réfugiés selon les phases du conflit, in « Le droit au retour. Le
problème des réfugiés palestiniens », Farouk Mardam-Bey et Élias Sanbar (dir.), Arles, Actes
Sud, 2002, p. 114.
Annexe 52 : Assemblée générale des Nations unies, Rapport du Commissaire général de
l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le
Proche-Orient, 1er janvier-31 décembre 2012, A/68/13.
Annex 52 : United Nations General Assembly, Report of the Commissioner-General of the
United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, 1 January-
31 December 2012, A/68/13.
Annexe 53 : Nations unies, Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Commission
internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est et en Israël, 9 mai 2023, A/HRC/53/22.
Annex 53 : United Nations, Human Rights Council, Report of the Independent International
Commission of Inquiry on the Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, and
Israel, 9 May 2023, A/HRC/53/22.
Annexe 54 : Nations unies, Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien,
« Le Statut de Jérusalem », 1997.
187
Annex 54 : United Nations, Committee on the Exercice of the Inalienable Rights of the
palestinian People, « The Status of Jerusalem », 1997.
Annexe 55 : Convention générale d’armistice entre le Royaume hachémite de Jordanie et Israël
du 3 avril 1949, Conseil de sécurité, Procès-verbaux officiels, quatrième année, S/1302/REV.1.
Annex 55 : General Armistice Agreement between the Hashemite Jordan Kingdom and Israel
of 3 April 1949, Security Council, Official Records, Fourth year, S/1302/REV.1.
Annexe 56 : UNESCO, Conseil exécutif, Décision, « Palestine occupé », 201ème session, 19
avril-5 mai 2017, 201 EX/Décisions, p. 39-41.
Annex 56 : UNESCO, Executive Board, Decision, « Occupied Palestine », 201th session, 19
April-5 May 2017, 201 EX/Décisions, p. 37-41.
Annexe 57 : Cour internationale de Justice, Requête introductive d’instance de la Palestine,
Transfert de l’Ambassade des États-Unis à Jérusalem (Palestine c. États-Unis), 28 septembre
2018.
Annex 57 : International Court of Justice, Application Instituting Proceedings, Relocation of
the United States Embassy to Jerusalem (Palestine c. United States), 28 September 2018.
188
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION .................................................................................................................... 2
I- COMPÉTENCE ET RECEVABILITÉ ................................................................................ 8
II- LE CONTEXTE DANS LEQUEL S’EST DÉVELOPPÉE
LA SITUATION SOUMISE À L’EXAMEN DE LA COUR .......................................... 13
A. Les évènements antérieurs à l’occupation israélienne
du Territoire palestinien ............................................................................................... 13
1) La période pré-mandataire ............................................................................................ 14
2) La période du mandat britannique (1922-1947)… ........................................................ 17
a) Le contexte idéologique et politique ayant présidé
à la création des mandats de la SDN ........................................................................ 18
b) Les limites territoriales de la Palestine mandataire ................................................ 21
c) La gestion chaotique du mandat marqué par
des ambigüités insurmontables ................................................................................. 26
3) L’intervention des Nations unies, la résolution 181 (1947) et ses suites ....................... 37
4) La guerre israélo-arabe de 1948 et ses conséquences .................................................... 42
a) Les opérations militaires entre les pays arabes
et Israël et leurs conséquences territoriales ............................................................ 43
b) Les conséquences de la guerre israélo-arabe de 1948
en termes de population .......................................................................................... 46
c) L’évolution politique de la situation et
l’impuissance des Nations unies ............................................................................. 52
B. L’occupation militaire par Israël du Territoire palestinien
et ses conséquences ......................................................................................................... 55
1) La guerre de 1967 et l’occupation militaire par Israël de l’ensemble
189
de la Palestine, y compris Jérusalem ............................................................................. 55
a) Les opérations militaires de 1967, celles de 1973
et des années suivantes ........................................................................................... 55
b) Conséquences des opérations militaires de cette période en termes
de contrôle des territoires et de déplacement des populations ............................. 58
c) L’évolution politique de la situation et le rôle des Nations unies
jusqu’à la première Intifada en décembre 1987 ...................................................... 60
2) La première Intifada en 1987 et la marche vers
les Accords d’Oslo en 1995… ...................................................................................... 63
a) Les bouleversements engendrés par la première Intifada ....................................... 63
b) L’ébauche d’un règlement politique
et sa cristallisation dans les Accords d’Oslo ........................................................... 65
3) L’échec du processus d’Oslo, les tentatives pour lui donner une suite
avec la Feuille de route et la dégradation continue de la situation
en Palestine ................................................................................................................... 69
a) Des tentatives diplomatiques infructueuses ............................................................ 70
b) Une politique israélienne continue de colonisation et de répression ...................... 77
III. LE DROIT APPLICABLE À LA SITUATION
SOUMISE À LA COUR .................................................................................................... 81
A. L’ensemble du corpus du droit international applicable
aux questions posées ..................................................................................................... 82
B. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ............................................................. 84
1) Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au bénéfice
des peuples soumis aux Mandats A de la Société des Nations ....................................... 84
2) Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
dans le cadre des Nations unies ..................................................................................... 86
190
a) Les textes fondateurs du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ....................... 86
b) La confirmation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
par la jurisprudence internationale ........................................................................ 90
c) Le contenu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ....................................... 93
IV. LA VIOLATION RÉPÉTÉE PAR ISRAËL DU DROIT
À L’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE PALESTINIEN
ET LES MOYENS SYSTÉMATIQUEMENT EMPLOYÉS POUR
ENTRAVER LA RÉALISATION DE CE DROIT .......................................................... 98
A. Les prémices ayant ouvert la voie à la situation d’entrave
au droit à l’autodétermination du peuple palestinien ................................................. 99
B. Les politiques et pratiques israéliennes relatives au territoire palestinien
depuis 1967 au regard du droit international .......................................................... 112
1) La liquidation progressive et systématique
des bases territoriales d’un État .................................................................................. 113
a) Une occupation militaire prolongée et illégale
du territoire palestinien ........................................................................................ 114
b) L’occupation prolongée de Gaza par le contrôle de ce territoire
et le blocus qui lui est imposé ................................................................................ 116
c) Une colonisation accélérée ................................................................................... 119
d) Une dislocation du Territoire palestinien occupé contraire
au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans l’intégralité
de leur territoire .................................................................................................. 123
e) Une annexion rampante clairement affichée en Cisjordanie
et une annexion présumée de jure à Jérusalem-Est ............................................... 125
2) Les politiques et pratiques israéliennes relatives à la population
palestinienne du Territoire occupé depuis 1967 au regard du droit
191
international ................................................................................................................ 128
a) La destruction des possibilités mêmes de vie pour la population
du territoire palestinien occupé ........................................................................... 128
b) Le refus persistant par Israël du droit au retour
au bénéfice des Palestiniens en exil ..................................................................... 134
c) Une discrimination entre les colons israéliens
et les Palestiniens du Territoire occupé fondée sur leurs statuts
et le droit qui leur est respectivement applicable ................................................. 140
3) Les politiques et pratiques israéliennes tendant à
l’impossibilité de l’émergence d’institutions étatiques .............................................. 142
V. L’ANNEXION ET LA COLONISATION DE JÉRUSALEM AU MÉPRIS DU
DROIT DES PALESTINIENS D’EN FAIRE LEUR CAPITALE .............................. 146
A. Jérusalem, une ville arabe confisquée par Israël ...................................................... 146
1) Les visées d’Israël sur Jérusalem avant 1967… ......................................................... 146
a) Avant et pendant le mandat britannique ............................................................... 147
b) Le plan de partage des Nations unies en 1947
et les propositions concernant Jérusalem ............................................................. 148
c) L’annexion de Jérusalem-Ouest par Israël
à l’occasion de la guerre de 1948 ......................................................................... 150
2) L’emprise israélienne totale sur Jérusalem à partir de 1967… ................................... 155
a) La conquête de Jérusalem-Est par la force et ses effets concrets .......................... 156
b) La judaïsation de Jérusalem-Est par la colonisation ............................................ 159
c) La prétention d’Israël au caractère irréversible de la judaïsation totale de
Jérusalem et le blocage des négociations de paix à ce sujet .................................. 163
B. L’annexion de Jérusalem, une violation emblématique
du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même et à choisir
192
sa capitale sur son territoire ......................................................................................... 164
1) La question du « statut » de Jérusalem ........................................................................ 164
2) Les garanties internationales d’accès aux Lieux Saints
et les mesures permettant leur conservation… ............................................................ 166
3) Jérusalem (comme l’ensemble de la Cisjordanie et de Gaza)
est territoire palestinien par application du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes qui doit être exercé dans sa plénitude ................................................... 168
a) Le cas incertain de Jérusalem-Ouest ................................................................. 168
b) Les mesures prises par Israël depuis 1967 concernant Jérusalem-Est
sont illégales au regard du droit international et violent le droit souverain
du peuple palestinien de choisir sa capitale ......................................................... 169
CONCLUSION :
L’INCIDENCE DES POLITIQUES ET DES PRATIQUES D’ISRAËL
SUR LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION
ET LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES QUI EN DÉCOULENT
POUR TOUS LES ÉTATS ET L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ................ 172
LISTE DES CARTES ............................................................................................................ 174
LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................... 176
LISTE DES ANNEXES du Volume II… ................................................................................ 177
193

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Exposé écrit de l'Organisation de la Coopération Islamique

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