Observations écrites de la Namibie

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186-20231025-WRI-12-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18895
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
OBSERVATIONS ÉCRITES DE LA RÉPUBLIQUE DE NAMIBIE
Octobre 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
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I. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1
II. LE PROCESSUS POLITIQUE APPUYANT UN RÈGLEMENT NÉGOCIÉ .................................................. 2
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES AVEC LA PUISSANCE OCCUPANTE ..................................................... 8
IV. GÉNOCIDE .................................................................................................................................. 16
V. L’ILLICÉITÉ DE L’OCCUPATION AU REGARD DU JUS AD BELLUM ................................................. 19
I. INTRODUCTION
1. Les présentes observations écrites sont déposées par la République de Namibie conformément à l’ordonnance que la Cour a rendue le 3 février 2023 au sujet de la demande d’avis consultatif présentée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 20221. Il s’agit pour la Namibie, en réponse aux exposés écrits d’autres États parties, d’examiner quatre questions susceptibles d’aider la Cour dans ses délibérations relatives à la demande d’avis consultatif figurant dans la résolution 77/247 adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 20222.
2. Les quatre questions suivantes seront abordées :
a) le processus politique appuyant un règlement négocié du conflit israélo-palestinien ;
b) la portée des obligations des États parties tiers concernant leurs relations économiques avec la puissance occupante ;
c) la tentative actuelle de génocide, voire la perpétration active d’un génocide dans le Territoire palestinien occupé ; et
d) la relation précise entre le jus ad bellum et les questions soulevées par la demande d’avis consultatif.
3. Il a été avancé dans plusieurs exposés écrits3 que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas donner d’avis consultatif compte tenu du processus politique engagé il y a plus de 30 ans à l’appui d’un règlement négocié, ou qu’elle ne devrait répondre aux questions juridiques soulevées par la demande d’avis consultatif que dans la mesure où ses réponses s’inscrivent dans le cadre dudit processus. La Namibie ne partage pas ce point de vue et ne considère pas que le processus tel qu’il est défini permette la poursuite de l’occupation par Israël du territoire palestinien, au mépris de ses obligations juridiques internationales, jusqu’à l’aboutissement des négociations de paix.
4. La Namibie adopte cette position, car rien dans les résolutions du Conseil de sécurité invoquées pour démontrer le soutien politique de la communauté internationale en faveur du processus de négociation ne confère à Israël le mandat de persister dans ses violations du jus cogens. La Namibie estime par ailleurs que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) n’a consenti, dans les accords qu’elle a conclus avec Israël, à aucune violation du jus cogens par ce dernier, y compris le maintien d’une occupation illicite.
5. Plusieurs exposés écrits4 donnent un aperçu des obligations qui seraient celles des États tiers au titre de leurs relations économiques avec la puissance occupante si la Cour venait à conclure à
1 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
2 Ibid.
3 États-Unis d’Amérique, Israël, Fidji, Nauru, Togo, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Italie, République tchèque, Hongrie, Espagne.
4 Dont ceux de la Ligue des États arabes, de l’Irlande, de la République arabe syrienne, de l’État de Palestine, de l’Union africaine et de l’Arabie saoudite.
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l’illicéité de l’occupation continue par Israël du Territoire palestinien occupé. La Namibie partage ce point de vue et souhaiterait formuler un certain nombre d’observations supplémentaires sur la portée de l’obligation en question.
6. La Namibie observe en particulier que, pour respecter leur obligation coutumière de non-reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le Territoire palestinien occupé, les États tiers doivent veiller à ce qu’il soit indiqué sans équivoque et expressément dans tous les accords internationaux conclus par eux avec Israël que ces derniers ne sont pas applicables dans le Territoire palestinien occupé. Pour garantir le respect de leur obligation coutumière de ne pas aider ou assister, les États tiers doivent veiller à l’interdiction de l’importation, de la commercialisation et de la vente de biens et de services en provenance des colonies.
7. Cuba a indiqué dans son exposé qu’« [à] cet égard, la République de Cuba estime qu’il s’agit là non pas d’une situation évidente d’apartheid, qualifié de crime contre l’humanité, mais d’un acte génocidaire qui s’exécute à basse intensité, avec une systématicité et une efficacité empreintes de cruauté »5. La Namibie reviendra sur ce point de vue dans les présentes observations.
8. Il est avancé dans un certain nombre d’exposés écrits que l’illicéité per se de l’occupation pourrait conduire à l’inapplicabilité du régime juridique de l’occupation au comportement de la puissance occupante ; la demande de détermination du statut juridique de l’occupation prolongée en droit international y est en outre présentée à tort comme relevant du droit international humanitaire6. La Namibie souhaite répondre à ces arguments fallacieux.
II. LE PROCESSUS POLITIQUE APPUYANT UN RÈGLEMENT NÉGOCIÉ
9. Plusieurs exposés semblent faire l’amalgame entre le soutien manifesté par la communauté internationale pour un processus politique menant à un règlement négocié de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza (le Territoire palestinien occupé) et un assentiment, un acquiescement ou un consentement généralisé de la part de cette même communauté internationale aux violations des normes impératives commises par la puissance occupante.
5 Exposé écrit de Cuba, juillet 2023, p. 15.
6 France, par. 51 :
« De l’avis de la France, les conséquences juridiques de ce constat doivent être appréciées à leur exacte mesure. Le caractère prolongé d’une occupation, s’il est contraire au fait que celle-ci devrait être provisoire par nature, n’a pas pour conséquence de rendre celle-ci illicite per se. En effet, ce constat d’illicéité per se pourrait conduire à soutenir l’inapplicabilité du régime juridique de l’occupation. Cela aboutirait à un résultat, manifestement absurde ou déraisonnable, qui serait de priver les populations civiles de la protection offerte par ce régime, protection d’autant plus nécessaire que ladite occupation dure dans le temps. »
États-Unis d’Amérique, par. 4.2 :
« La deuxième question de l’Assemblée générale repose sur un postulat erroné. Elle prie la Cour d’émettre un avis sur “[l’]incidence” que les politiques, pratiques et violations alléguées visées dans la première question, notamment l’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées du territoire occupé “ont[] sur le statut juridique de l’occupation”. La réponse qui s’impose d’évidence est que le statut juridique de l’occupation en droit international humanitaire résulte du seul fait de l’occupation. Selon le droit international humanitaire, le statut juridique d’une occupation de guerre ne change pas en cas de prolongement de l’occupation ou de commission alléguée, par la puissance occupante, de violations du droit international humanitaire ou d’autres règles du droit international. »
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10. Pour qu’elle détermine la nature et les conséquences juridiques du comportement d’Israël et leur incidence, notamment sur le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination externe et à une indépendance totale, ainsi que le statut de son occupation du Territoire palestinien occupé, il est demandé à la Cour de se prononcer sur des questions de droit mettant notamment en jeu le principe de l’autodétermination, les violations graves de principes fondamentaux du droit international humanitaire, le recours à la force et le principe de non-acquisition de territoire par la force et l’interdiction de l’apartheid, c’est-à-dire des questions juridiques qui concernent des obligations relevant du jus cogens7.
11. La Namibie soutient qu’un règlement politique négocié ne saurait être fondé sur le mandat conféré à la puissance occupante de persister dans ses violations de normes impératives, pas plus qu’il ne peut imposer la persistance de son comportement illicite.
12. La Namibie soutient en outre qu’il n’existe aucun cadre juridique imposant un règlement négocié, mais qu’il est généralement admis que le soutien de la communauté internationale en faveur d’un processus politique menant à un règlement négocié et le consentement d’Israël à un tel processus ressortent des documents suivants8 :
i) Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 242 du 22 novembre 1967, doc. S/RES/242 (1967) ;
ii) ibid., résolution 338 du 22 octobre 1973, doc. S/RES/338 (1973) ;
iii) échange de courriers entre Yitzhak Rabin, premier ministre d’Israël, et Yasser Arafat, président de l’OLP, au sujet de la reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’OLP (9 septembre 1993) ;
iv) Nations Unies, déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, 13 septembre 1993, doc. A/48/486-S/26560 ; accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, 28 septembre 1995, doc. A/51/889-S/1997/357.
Le consentement de l’OLP est réputé découler des courriers, de la déclaration de principes et de l’accord intérimaire visés aux alinéas iii) et iv) ci-dessus.
13. Selon la Namibie, il ressort des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies que le « [r]etrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit » était exigé en raison du recours illicite à la force par Israël et de l’agression territoriale menée par lui contre ses voisins arabes9, mais qu’il n’était pas expressément subordonné par le texte de ces résolutions à un quelconque accord de paix conclu avec les voisins en question (la prétendue formule de « l’échange de territoires contre la paix »).
7 Nations Unies, rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante et onzième session (29 avril-7 juin et 8 juillet-9 août 2019), Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatorzième session, Supplément no 10, A/74/10, « Chapitre V : Normes impératives du droit international général (jus cogens) », disponible à l’adresse suivante : < https://digitallibrary.un.org/record/3827355?ln=en>.
8 Ces documents et le soutien de la communauté internationale en faveur de négociations entre les parties sont parfois qualifiés de « cadre de négociations ». Aux yeux de la Namibie, ce terme ne permet pas de définir la portée, la nature ou le contenu du soutien de la communauté internationale en faveur d’un processus politique menant à une solution négociée ou des obligations juridiques incombant à l’OLP du fait de son soutien politique à un processus pacifique menant à une solution négociée.
9 Voir exposé écrit de la Namibie, par. 141-142.
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14. Étant donné que le processus politique en faveur d’une paix négociée a été mis en place sur la base de résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et conformément à ces dernières, la Namibie estime que le Conseil de sécurité reste lié par le jus cogens et la Charte des Nations Unies dans l’exercice de ses fonctions, y compris lors de l’adoption des résolutions susmentionnées10. Le paragraphe 2 de l’article 24 de la Charte des Nations Unies dispose que « [d]ans l’accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies ». Ces principes sont notamment les suivants :
a) « [m]aintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de … réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix » (la mise en gras est de nous) ;
b) « [d]évelopper entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » ;
c) « en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».
15. On doit donc supposer qu’il n’était pas dans l’intention du Conseil de sécurité, lorsqu’il appelait de ses voeux un règlement pacifique, de demander aux États ou aux acteurs non étatiques de consentir à, de rendre obligatoires ou d’exiger des violations par Israël de normes impératives du droit. Le Conseil de sécurité ne peut donc avoir autorisé, par le biais de ses résolutions 242 et 338, un cadre qui impose ou consente à la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, ou à d’autres faits internationalement illicites de sa part11. La présence continue d’Israël dans la Palestine occupée constitue une violation de normes impératives du droit international.
16. À défaut, en admettant que le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies soit en droit d’exiger des actes constituant des violations de normes impératives de la part des États, en application de l’article 103 de la Charte des Nations Unies12, il ne ressort pas de la définition de ses fonctions au paragraphe 2 de l’article 24 de la Charte qu’il soit censé exiger, accepter ou consentir à un comportement internationalement illicite dans le cadre de sa pratique habituelle. Lors de l’interprétation des résolutions du Conseil de sécurité, on part implicitement du principe que ce dernier n’entend imposer aux États Membres de l’Organisation des Nations Unies aucune obligation constituant une violation de normes impératives. En cas d’ambiguïté sur la signification des termes des résolutions, ces dernières doivent être interprétées dans ce sens13. Dans le même esprit, le libellé
10 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, opinion individuelle du juge ad hoc Lauterpacht, p. 440-441, par. 100-102) ; voir également Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Tadić, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, p. 465, par. 28.
11 S’agissant d’autres faits illicites, voir, par exemple, l’exposé écrit de la Namibie, juillet 2023, par. 151.
12 Article 103 de la Charte des Nations Unies : « En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. »
13 Cour européenne des droits de l’homme, grande Chambre, Al-Jedda c Royaume-Uni, requête n° 27021/08, arrêt, Strasbourg, 7 juillet 2011 ; disponible à l’adresse suivante : //hudoc.echr.coe.int/fre, par. 102 ; voir aussi Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 53 : «De plus, tout instrument international doit être interprété et appliqué dans le cadre de l’ensemble du système juridique en vigueur au moment où l’interprétation a lieu. » Voir également Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Le Procureur c. Duško Tadić, arrêt du 15 juillet 1999, affaire no IT-94-1-A, par. 296.
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des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, appelant à un règlement pacifique du conflit par son entremise, ne saurait donc être interprété comme subordonnant implicitement le retrait par Israël des territoires qu’il occupe depuis 1967 à l’aboutissement d’un processus de paix, étant donné que la présence continue d’Israël constitue une violation des normes impératives interdisant notamment l’acquisition de territoire par la force et le déni du droit à l’autodétermination. Ce point de vue a été exprimé par plusieurs autres participants aux débats ayant précédé le vote du Conseil de sécurité14.
17. Au vu de ce qui précède, il est manifeste que les dispositions des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité n’empêchent en aucun cas la Cour d’user de son pouvoir discrétionnaire pour donner un avis consultatif concluant à l’illicéité de l’occupation et exigeant par conséquent, que soit mis fin immédiatement et sans condition à l’administration israélienne du Territoire palestinien occupé.
18. La Namibie estime en outre que les accords signés par Israël et l’OLP et cosignés par d’autres membres de la communauté internationale ne contiennent aucune disposition juridiquement contraignante relative à la négociation qui réserverait à un processus politique le soin de mettre fin à l’occupation israélienne illicite. C’est ainsi que dans l’accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, Israël et l’OLP ont tous deux souligné que « [le]s deux parties [étaien]t convenues que les accords conclus pour la période intérimaire ne d[evai]ent pas préjuger le résultat des négociations sur le statut permanent ou l’anticiper »15. Ils sont aussi convenus qu’« [a]ucune des deux Parties n’entreprend[rait] ni ne prend[rait] de mesure à même de modifier le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza avant que les négociations sur le statut permanent n’aboutissent » et que « [l]es deux Parties considèrent que la Cisjordanie et la bande de Gaza constituent une seule et même unité territoriale, dont l’intégrité sera préservée pendant la période intérimaire »16. Cela signifie en substance qu’indépendamment de l’issue des négociations politiques en cours, le « statut » de la Cisjordanie et de la bande de Gaza reste celui d’un territoire occupé.
19. Toute partie des accords d’Oslo et d’autres arrangements appuyant une paix négociée contredisant les normes impératives n’aurait aucune validité17. Les arrangements conclus entre Israël et l’OLP engageaient tout au plus les parties à apporter un soutien politique et à mener des négociations de bonne foi pendant la période intérimaire qui a expiré le 4 mai 1999, et exigeaient le retrait d’Israël. Le transfert de certaines fonctions administratives de la puissance occupante à
14 Nations Unies, Documents officiels du Conseil de sécurité, 1379e séance, 16 novembre 1967, doc. S/PV.1379, intervention de la République arabe unie ; ibid., 1382e séance, 22 novembre 1967, doc. S/PV.1382, interventions de l’URSS et de la Jordanie.
15 Nations Unies, accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, doc. A/51/889-S/1997/357, 28 septembre 1995, paragraphe 6 de l’article XXXI.
16 Ibid., paragraphes 7-8 de l’article XXXI.
17 « La CDI s’est penchée sur la question élémentaire suivante : quelle serait la position juridique si plusieurs parties cherchaient à déroger au moyen d’un traité à une norme du droit international général dont l’intégrité est dans l’intérêt collectif des États ? La quasi-totalité des États ont convenu lors de la rédaction de la Convention de Vienne sur le droit des traités qu’il ne devrait pas être juridiquement possible de déroger à certaines normes juridiques au moyen d’un traité et que toute tentative dans ce sens devrait entraîner la nullité dudit traité. Leur désaccord portait essentiellement sur les critères permettant de définir les normes juridiques non susceptibles de dérogation et, c’est là un point essentiel, sur la manière dont il conviendrait de statuer sur la validité du traité dans de telles circonstances. »
Extrait de Daniel Costelloe, “Legal Consequences of Peremptory Norms in International Law”, Cambridge Studies in International and Comparative Law (132), p. 54, Cambridge University Press ; Voir aussi convention de Vienne sur le droit des traités, art. 53 ; voir également la résolution A/RES/34/65 B adoptée le 29 novembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies, dans laquelle celle-ci « [d]éclare que les accords de Camp David et autres arrangements n’ont aucune validité dans la mesure où ils prétendent déterminer l’avenir du peuple palestinien et des territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 ».
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l’autorité locale qu’ils prévoyaient n’a pas modifié le statut de territoire occupé de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et constituait donc en tant que tel un accord spécial régi par les articles 7, 8 et 47 de la quatrième convention de Genève (1949)
18.
20. Si la rétention par la puissance occupante de son contrôle effectif sur le Territoire palestinien occupé et d’autres fonctions administratives a été acceptée comme une réalité de fait, la signature des accords ne leur a pas pour autant conféré de licéité au regard du jus ad bellum. Ces accords n’impliquent pas le consentement de l’OLP aux violations par Israël de quelque norme impérative que ce soit. Bien que le droit relatif à la responsabilité de l’État prévoie qu’un État puisse consentir à un fait par ailleurs illicite en droit international, il est de jurisprudence constante qu’il doit avoir renoncé aux prétentions concernées « de manière claire et non équivoque »19, tout en gardant à l’esprit la réserve expresse selon laquelle il ne peut y avoir de renonciation valable en cas de violation d’une norme impérative de droit international (telle que le droit à l’autodétermination et la souveraineté permanente sur les ressources naturelles), même avec « le consentement ou l’acquiescement de l’État lésé »20.
21. Les arrangements conclus entre Israël et des tiers et entre Israël et l’OLP, ainsi que ceux qui rendent obligatoire un processus de paix, ne peuvent donc être perçus comme donnant à un quelconque État ou acteur non étatique le pouvoir d’agir au mépris des obligations applicables relevant du jus cogens et erga omnes qui leur incombent en vertu du droit international et auxquelles il n’est pas permis de déroger.
22. Il convient également de souligner qu’en réalité la question de savoir si Israël possède ou non le droit de poursuivre son occupation pendant une durée indéfinie, dans l’attente d’un règlement négocié, est l’un des points qui font l’objet du présent avis consultatif. Si les parties sont libres de négocier, elles doivent le faire dans les limites du droit international applicable, et une définition
18 L’article 7 de la quatrième convention de Genève prévoit qu’« [a]ucun accord spécial ne pourra porter préjudice à la situation des personnes protégées, telle qu’elle est réglée par la présente Convention, ni restreindre les droits que celle-ci leur accorde ». Il est souligné à l’article 8 que « [l]es personnes protégées ne pourront en aucun cas renoncer partiellement ou totalement aux droits que leur assure la présente Convention et, le cas échéant, les accords spéciaux visés à l’article précédent », tandis que l’article 47 dispose que
« [l]es personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention, soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé ».
19 Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 247, par. 13.
20 Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 2001, art. 45, par. 4 :
« Une question présente un intérêt particulier à cet égard : celle du consentement donné par un État lésé à la suite d’une violation d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général, en particulier une violation à laquelle s’applique l’article 40. Étant donné qu’une telle violation touche l’intérêt de la communauté internationale dans son ensemble, même le consentement ou l’acquiescement de l’État lésé n’empêche pas celle-ci d’exprimer cet intérêt afin de parvenir à un règlement conformément au droit international. »
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claire des limites en question ne peut que contribuer à leurs efforts de bonne foi
21. Afin de lui permettre de comprendre comment elle peut contribuer au mieux au processus visant à amener la Palestine à une indépendance totale en exerçant pleinement son droit à l’autodétermination externe22, l’Assemblée générale demande maintenant à la Cour de l’aider à déterminer la nature exacte du statut juridique de cette occupation prolongée.
23. Le fait qu’une solution négociée bénéficie du soutien politique de la communauté internationale sans qu’elle constitue pour autant une obligation juridique ressort également clairement du fait que rien dans la feuille de route des négociations n’empêche Israël de décider de se retirer unilatéralement de la totalité du Territoire palestinien occupé et de mettre fin à son occupation de guerre et à l’administration correspondante conformément aux obligations pertinentes que lui impose le droit des droits de l’homme.
24. La Namibie prévient que si la Cour parvenait à une autre conclusion, cela aurait de graves conséquences pour la prévention des conflits internationaux. En substance, cela reviendrait à créer un précédent permettant à un État en occupant un autre en violation du jus ad bellum d’obtenir l’engagement de cet autre État à participer à des négociations d’une durée indéterminée, puis d’acquérir de fait des territoires par la force. Il peut arriver qu’un État occupé soit indûment contraint de s’engager à négocier lorsque par exemple l’État asservi n’est pas doté de la puissance militaire suffisante pour se libérer d’une agression territoriale continue.
25. Bien que la communauté internationale puisse appuyer un tel processus politique, le doter de ressources et prendre des mesures pour le faciliter (au lieu par exemple de soutenir une résistance armée et un acte d’agression), ce soutien n’oblige pas l’État dont le territoire est occupé à négocier, pas plus qu’il n’exempte la puissance occupante et les États tiers des obligations que leur impose le droit international à cet égard, ou ne rende licite une occupation illicite au regard du jus ad bellum.
26. La Namibie souligne en outre que le droit à l’autodétermination d’un État ou d’un peuple recouvre aussi celui de consentir librement et en connaissance de cause à l’imposition de toute obligation le concernant. Dans la procédure relative aux Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, la Cour a insisté sur le fait que ce consentement devait être donné librement (la volonté « librement exprimée » et « authentique » du peuple du territoire
21 Voir l’exposé écrit de la Norvège : « La Norvège considère qu’une solution pacifique durable au conflit israélo-palestinien doit être trouvée au moyen de négociations politiques et qu’elle doit s’inscrire dans le cadre du droit international. » ; voir aussi Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 201, par. 162 : « la nécessité d’encourager ces efforts en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un État palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité » (la mise en gras est de nous).
22 Exposé écrit de la Namibie, juillet 2023, par. 145-146 :
« Le statut particulier du droit du peuple palestinien à l’autodétermination externe a été reconnu à l’article 22 du Pacte de la Société des Nations. Celui-ci a classé la Palestine dans la catégorie des communautés sous mandat de type A, dont l’“existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement à la condition que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules”. Comme l’a souligné la Cour dans son avis consultatif sur la Namibie, l’“objectif ultime” du mandat, en tant que mission sacrée de civilisation, était “l’autodétermination et l’indépendance des peuples en cause”. En tant que tel, le droit à l’autodétermination palestinienne reste une “mission sacrée de civilisation”. Il ne saurait y avoir de révocation de cette mission sacrée ni de retour à un statut colonial. »
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concerné)
23. Il serait utile que la Cour indique quelles sont les conséquences d’une occupation illicite au regard du jus ad bellum sur la capacité des représentants de l’État ou du peuple occupé à donner un consentement libre et authentique à la cession de toute partie de leur territoire, compte tenu de l’usage illicite de la force contre l’État occupé propre à une telle occupation illicite24. Bien que les principes énoncés dans l’avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos concernent un territoire non autonome, le Territoire palestinien occupé jouit d’un droit égal à l’autodétermination externe découlant de la « mission sacrée de civilisation » associée au mandat dont il faisait l’objet, et les principes relatifs au consentement s’y appliquent donc de la même manière25.
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES AVEC LA PUISSANCE OCCUPANTE
27. Plusieurs États Membres ont affirmé à juste titre que les obligations définies dans l’avis consultatif au sujet de la Namibie, imposant aux États Membres de « ne pas entretenir avec l’Afrique du Sud agissant au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne des rapports ou des relations de caractère économique ou autre qui seraient de nature à affermir l’autorité de l’Afrique du Sud dans le territoire »26 s’appliquaient mutatis mutandis aux obligations des États tiers dans leurs relations avec Israël, compte tenu de l’illicéité de son occupation du Territoire palestinien occupé. Ils ont également précisé les conséquences de leur obligation de non-reconnaissance sur leurs relations conventionnelles avec la puissance occupante27.
28. On peut ainsi lire ce qui suit dans l’exposé écrit de l’Union africaine :
« Il est primordial que le devoir de non-reconnaissance ne se réduise pas à “une obligation sans fondement réel” … Au lieu de cela, des mesures concrètes doivent être prises pour faire en sorte que les conséquences de la violation soient réduites au minimum et, en particulier, que l’État commettant la violation n’en retire aucun bénéfice. Ces mesures peuvent être les suivantes : … c) Un moratoire sur tout accord juridique international avec l’État commettant la violation qui s’appliquerait ou dont les avantages s’étendraient au territoire illicitement occupé. À ce titre, il conviendrait de ne pas observer tout instrument international existant entre un État et Israël dont
23 Nations Unies, Conseil de sécurité, lettre datée du 29 janvier 2002 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, conseiller juridique, doc. S/2002/161. Voir aussi exposé écrit de la Palestine, par. 5.6-5.21 (relatifs à la teneur du droit à l’autodétermination).
24 Consentement libre et éclairé en tant que corollaire du principe d’autodétermination. Voir, mutatis mutandis, l’avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos, indiquant que « tout détachement par la puissance administrante d’une partie d’un territoire non autonome, à moins d’être fondé sur la volonté librement exprimée et authentique du peuple du territoire concerné, est contraire au droit à l’autodétermination » (Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 95, par. 160).
25 Voir exposé écrit de la Namibie, juillet 2023, par. 146-148.
26 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 55-56, par. 124.
27 Voir aussi la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 55, par. 122
« les États Membres sont tenus de ne pas établir avec l’Afrique du Sud des relations conventionnelles dans tous les cas où le Gouvernement sud-africain prétendrait agir au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne. S’agissant des traités bilatéraux en vigueur, les États Membres doivent s’abstenir d’invoquer ou d’appliquer les traités ou dispositions des traités conclus par l’Afrique du Sud au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne qui nécessitent une collaboration intergouvernementale active. »
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l’application s’étend aux territoires occupés (si la définition de “territoire” dans cet instrument est suffisamment large). »
28
29. Pour ce qui concerne de tels accords juridiques internationaux conclus avec la puissance occupante, la Namibie souhaiterait formuler les commentaires supplémentaires suivants au sujet de la teneur de ces obligations.
30. Selon l’interprétation que fait la Namibie de l’état actuel du droit conventionnel coutumier, les États ne peuvent conclure avec une puissance occupante des traités imposant des obligations au territoire qu’elle occupe ou à ses habitants, étant donné que l’exercice de ce pouvoir de conclure des traités est réservé au souverain légitime, et que son exercice par une puissance occupante contreviendrait au droit à l’autodétermination du peuple occupé (voir aussi le principe de pacta tertiis nec nocent nec prosunt)29.
31. Toutefois, il est arrivé que des États s’abstiennent d’insérer une clause territoriale excluant expressément et sans équivoque le Territoire palestinien occupé du champ d’application territorial d’un accord conclu avec la puissance occupante, tout en affirmant simultanément qu’ils pouvaient veiller unilatéralement à ne pas reconnaître la souveraineté de la puissance occupante sur le Territoire palestinien occupé ou à ne donner aucun effet juridique à l’imposition par la puissance occupante de son pouvoir souverain de conclure des traités sur ledit territoire30.
32. Aux yeux de la Namibie, cette position est erronée. Lorsqu’un État a connaissance de l’application par une puissance occupante des traités internationaux auxquels elle est partie à une portion ou à la totalité des territoires qu’elle occupe conformément aux éléments illicites de sa propre législation nationale (à savoir son annexion de jure ou de facto ; voir aussi l’article 29 de la convention de Vienne sur le droit des traités), il se doit de tenir pleinement compte de ce fait lors de la négociation de traités le liant à ladite puissance occupante. Si des États tiers ont connaissance du fait qu’Israël applique les traités conclus avec d’autres parties sur le Territoire palestinien occupé, conformément à sa législation nationale et au sens ordinaire de l’expression « État d’Israël » dans ladite législation :
 les États qui n’insèrent pas de clause territoriale claire et sans équivoque dans les accords bilatéraux ou multilatéraux qu’ils concluent avec Israël consentent implicitement à l’extension par cette puissance occupante de son pouvoir souverain de conclure des traités au Territoire palestinien occupé ;
 leur omission est assimilable à un tel consentement étant donné qu’ils savent que la puissance occupante appliquera unilatéralement cet accord sur le Territoire palestinien occupé, comme le prescrit sa propre législation et en l’absence de clause territoriale explicite et sans équivoque
28 Voir exposé écrit de l’Union africaine, juillet 2023, par. 262-263.
29 Voir convention de Vienne sur le droit des traités, sect. 4. Voir aussi Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), affaire C-104/16 P, Conseil c. Front Polisario ; CJUE, affaire T-279/19, Conseil c. Front Polisario ; décision préjudicielle de la CJUE dans l’affaire Western Sahara Campaign UK c. HMRC… du 27 février 2018 (C-266/16) ; arrêt de 2021 de la CJUE dans les affaires jointes T-344/19 et T-356/19 ; arrêt de la CJUE du 25 février 2010 dans l’affaire Firma Brita GmbH c. Hauptzollamt Hamburg-Hafen.
30 Voir aussi le paragraphe 5 du dispositif de la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, dans lequel celui-ci « [d]emande à tous les États, compte tenu du paragraphe 1 de la présente résolution, de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».
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excluant le Territoire palestinien occupé du champ d’application territorial de l’accord en question ;  du fait de ce consentement implicite, les États reconnaissent et donnent un effet juridique à l’exercice par la puissance occupante de pouvoirs réservés aux souverains légitimes dans le Territoire palestinien occupé, à savoir en particulier l’exercice de leur pouvoir souverain de conclure des traités le concernant. Cela constitue une violation de leur devoir de non-reconnaissance ;
 les États manquent également à leur obligation de ne pas aider ou assister, dans la mesure où il est prévisible que leur omission assistera la puissance occupante dans ses atteintes au droit à l’autodétermination du peuple des territoires occupés, ainsi qu’à son droit à la souveraineté permanente sur ses propres ressources naturelles.
33. Lorsque le champ d’application territorial d’un traité n’est pas clairement défini, l’obligation de non-reconnaissance impose aux États tiers d’en examiner avec soin la totalité des dispositions afin de s’assurer que leur application ou la mise en oeuvre du traité ne va pas avoir pour effet de traiter comme licites, de donner un effet juridique ou d’impliquer le consentement à l’exercice par la puissance occupante de compétences réservées au souverain légitime du Territoire palestinien occupé, ou à des actes par ailleurs illicites commis par la puissance occupante dans ce territoire.
 34. Pour ce qui concerne les autres relations avec la puissance occupante, l’obligation de non-reconnaissance signifie à tout le moins qu’il est interdit aux États tiers de reconnaître comme licite tout acte ou exercice extraterritorial du pouvoir réservé aux souverains légitimes réalisé par les autorités israéliennes dans le Territoire palestinien occupé. Le Territoire palestinien occupé ne relève pas de la compétence territoriale des autorités nationales israéliennes ;
 reconnaître comme licite toute application extraterritoriale de la législation israélienne interne et contrevenant aux limites imposées à la puissance occupante par l’article 43 du règlement de La Haye de 1907 ;
 reconnaître comme licite toute mesure constitutive de discrimination à l’encontre de personnes protégées dans le Territoire palestinien occupé, ou destinée à pérenniser l’installation de personnes israéliennes physiques ou morales sur ledit territoire, ou l’exploitation, l’utilisation ou le contrôle par ces dernières des ressources naturelles du Territoire palestinien occupé sans le consentement de son peuple. Est également concernée la reconnaissance de telles mesures dans le cadre de la gestion des échanges commerciaux, des transactions de biens et de services et de la mise en oeuvre de mesures touchant au commerce.
35. L’obligation de non-reconnaissance ne s’étend toutefois pas à des actes tels que l’inscription des naissances, mariages ou décès à l’état civil, car elle ne pourrait qu’avoir un effet préjudiciable sur les personnes protégées dans le territoire occupé (aligné, mutatis mutandis, sur l’avis consultatif au sujet de la Namibie, p. 56, par. 125).
36. S’agissant plus particulièrement des relations économiques avec la puissance occupante, la Namibie souhaiterait revenir sur une question soulevée par l’Irlande et d’autres États31 dans leurs exposés écrits :
31 À savoir notamment la Ligue des États arabes, la République arabe syrienne, l’État de Palestine, l’Union africaine et l’Arabie saoudite.
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« 55. … L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont d’ailleurs, par le passé, appelé tous les États à ne pas accorder quelque assistance au maintien de situations de déni du droit à l’autodétermination.
56. L’Irlande considère que ces obligations imposent à tous les États, ainsi qu’aux organisations internationales compétentes dans le domaine du commerce extérieur (c’est-à-dire, dans le cas de l’Irlande, l’Union européenne), de réexaminer leurs relations commerciales avec les colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé et de prendre des mesures pour empêcher les activités commerciales qui aident au maintien de la situation créée par les activités de colonisation, qui reconnaissent implicitement la colonisation ou l’annexion de ce territoire par Israël, ou qui contribuent à les consolider. »
37. La Namibie constate que les États sont tenus de ne pas aider ou assister dans la commission d’un fait internationalement illicite, ni de prêter aide ou assistance au maintien d’une situation résultant d’une violation grave du droit international32. Selon l’interprétation de la Namibie, les États qui échangent des produits en provenance des colonies enfreignent leurs obligations de ne pas prêter aide ou assistance dans la commission de violations graves du droit international ou dans le maintien des situations qui en résultent.
38. La Commission du droit international précise que trois éléments permettent de déterminer si un État aide ou assiste dans la commission d’un acte illicite33 :
a) il faut que l’organe ou l’institution considéré de l’État qui prête aide ou assistance ait connaissance des circonstances qui rendent le comportement de l’État assisté internationalement illicite ;
b) deuxièmement, il faut que l’aide ou l’assistance ait été prêtée dans l’intention de faciliter la commission du fait illicite, et qu’elle l’ait effectivement facilitée ;
c) et troisièmement, le fait perpétré doit être tel qu’il aurait été internationalement illicite s’il avait été commis par l’État qui assiste lui-même.
39. S’agissant de l’obligation des États de ne pas contribuer, par leurs actes ou omissions, à maintenir ou à soutenir les situations résultant de violations graves du droit international, le critère est moins exigeant selon certains commentateurs et impose simplement que les États aient connaissance d’une telle violation et de la situation en résultant34.
32 Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 2001, art. 16 et 41 et commentaires.
33 Ibid., commentaire de l’article 16.
34 Harriet Moynihan, “Aiding and assisting: the mental element under article 16 of the International Law Commission’s articles on state responsibility”, p. 18, International & Comparative Law Quarterly, Vol. 67, Issue 2, avril 2018, p. 455-471, DOI: https://doi.org/10.1017/S0020589317000598:
« La référence à une “violation grave” dans ce contexte renvoie à un manquement flagrant ou systématique par l’État responsable à une obligation découlant d’une norme impérative. On peut lire dans le commentaire de la Commission du droit international que l’absence d’élément subjectif au paragraphe 2 de l’article 41 s’explique par le fait qu’“il est difficile d’imaginer qu’un État puisse ne pas avoir remarqué une violation grave commise par un autre État”. »
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40. S’agissant de la violation grave en jeu dans la présente espèce et de la situation qui en résulte, l’appropriation illicite de biens35 constitue une pièce maîtresse de l’entreprise de peuplement et de colonisation par Israël du Territoire palestinien occupé. Aucun ressortissant israélien ne peut dans la pratique être transféré vers le territoire palestinien sans que la puissance occupante ne réserve et n’affecte des biens à son usage exclusif, ne transfère lesdits biens à son nom et ne fasse respecter cette affectation et ce transfert en ayant recours à la force à l’encontre des personnes protégées, à savoir le peuple palestinien. Ces biens sont exploités à des fins résidentielles et commerciales (agricoles et industrielles notamment) par les personnes israéliennes physiques ou morales à qui ils ont été transférés. L’appropriation de biens non justifiée par des nécessités militaires et exécutée de façon illicite et arbitraire, y compris dans le but de faciliter le transfert de la propre population civile d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, constitue une infraction grave à la quatrième convention de Genève. En tant que telle, il s’agit d’une infraction continue, étant donné que l’appropriation illicite continue jusqu’au moment où le bien retrouve son usage initial ou une autre destination licite. L’appropriation illicite, généralisée et systématique de biens par les autorités israéliennes dans le Territoire palestinien occupé constitue un élément essentiel de l’établissement de colonies israéliennes, en violation flagrante du droit international.
41. Après s’être approprié les biens, la puissance occupante en transfère la possession et le contrôle à plusieurs de ses propres personnes physiques ou morales. Elle agit ainsi pour servir ses propres fins et objectifs illicites, à savoir faciliter le transfert de ses propres personnes physiques ou morales (israéliennes) dans le Territoire palestinien occupé et leur permettre d’y résider à titre permanent. Ces personnes physiques ou morales obtiennent ensuite la possession et le contrôle des biens en question. La possession par des personnes physiques ou morales israéliennes de biens confisqués de manière illicite dans le Territoire palestinien occupé, aux fins qui leur ont été affectées par la puissance occupante, constitue une situation résultant d’une violation grave du droit international.
42. Pour que des personnes physiques ou morales israéliennes conservent cette possession et ce contrôle, il faut qu’elles retirent un certain bénéfice du bien qui leur a été transmis par la puissance occupante, cela signifiant que la possession doit conférer certains avantages à l’entité qui la contrôle36 :
a) cet avantage peut découler de l’usage résidentiel du bien ;
b) cet avantage peut découler de l’exploitation commerciale du bien et du bénéfice économique en résultant.
43. Les personnes physiques ou morales qui possèdent un bien acquis illicitement emploient ledit bien comme facteur de production pour produire des biens et des services, ce qui signifie qu’elles exploitent la possession des terres ainsi que d’autres facteurs de production qu’elles ont également obtenus (à savoir le capital et la main-d’oeuvre) pour produire d’autres biens ou services pouvant être échangés contre rémunération/avec bénéfice dans le cadre de transactions commerciales.
44. Lorsque les transactions commerciales de tels biens et services sont autorisées et sont réalisées, la capacité de vendre, en en tirant des bénéfices, des biens et des services produits au moyen
35 Au sens de l’article 47 de la quatrième convention de Genève de 1949.
36 La possession d’un bien immobilier recouvre également souvent son entretien ou sa préservation, ce qui passe par la réalisation d’investissements et d’améliorations. De telles activités ne seront entreprises par une entité que si elle peut tirer des bénéfices de la possession continue du bien immobilier concerné.
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d’un bien ainsi confisqué illicitement contribue au maintien de la possession dudit bien par les personnes physiques ou morales israéliennes qui le contrôlent. Selon l’interprétation de la Namibie, l’achat de biens ou de services produits au moyen du bien confisqué illicitement permet aux personnes physiques et morales à qui le bien a été transféré illicitement d’en conserver l’usage rémunérateur. Ces transactions commerciales permettent également à la puissance occupante de continuer à réaliser les objectifs aux fins desquels elle s’est approprié le bien illicitement, l’a affecté à l’usage de ses propres ressortissants et leur en a transféré la possession qu’elle continue à faire respecter et à protéger. En résumé, l’exploitation rémunératrice par des personnes physiques ou morales israéliennes de biens immobiliers confisqués illicitement dans le Territoire palestinien occupé est essentielle pour la continuation de leur possession dudit bien ainsi que pour la satisfaction des objectifs illicites de la puissance occupante auxquels contribuent ses appropriations illicites.
45. En n’interdisant pas l’importation, la commercialisation ou la vente dans leurs juridictions de biens et de services provenant des colonies, les États contribuent au maintien de la possession par de telles personnes physiques ou morales de ces biens confisqués illicitement et facilitent la réalisation par la puissance occupante des objectifs qu’elle poursuit en maintenant et en continuant à faire respecter l’appropriation illicite de ces biens, dans la mesure où le maintien de l’exploitation rémunératrice par ses propres ressortissants à qui les biens en question ont été affectés doit se traduire par des avantages économiques dérivés de la commercialisation des produits obtenus au moyen du bien en question.
46. La Namibie observe que le manquement par les États à leur obligation de ne pas aider et assister ne dépend pas de la question de savoir si leurs échanges commerciaux impliquant des biens ou des services provenant des colonies sont nécessaires ou suffisants pour assurer le maintien par des personnes physiques ou morales israéliennes de la possession de biens confisqués illicitement (à savoir la situation résultant d’une violation grave), mais qu’il suffit que lesdits échanges commerciaux contribuent au maintien de cette possession.
47. Bien qu’un État qui noue des relations commerciales avec un autre État n’ait pas normalement à se demander si ces échanges risquent de constituer une assistance ou une aide au maintien d’une situation résultant d’une violation grave, la situation prévalant dans le Territoire palestinien occupé est totalement différente. Compte tenu des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale et des travaux du Conseil des droits de l’homme, du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et de la commission d’enquête des Nations Unies, les États Membres de l’Organisation des Nations Unies ont tous connaissance des faits illicites pertinents commis par la puissance occupante et des différentes situations résultant de ces faits illicites (tels que les colonies ou la possession et le contrôle en résultant de biens confisqués illicitement par des personnes physiques ou morales israéliennes).
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48. Dans son commentaire relatif à l’article 4137 la Commission du droit international déclare que
« [q]uant aux éléments de “l’aide ou l’assistance”, l’article 41 doit être lu parallèlement à l’article 16. Ainsi, la notion d’aide ou d’assistance visée à l’article 16 présuppose que l’État avait “connaissance des circonstances du fait internationalement illicite”. Il n’est nul besoin de mentionner cette exigence au paragraphe 2 de l’article 41, puisqu’il est difficile d’imaginer qu’un État puisse ne pas avoir remarqué une violation grave commise par un autre État. »
49. Le commentaire de la Commission du droit international donne à entendre que seule la connaissance de l’existence du comportement illicite lui-même est requise. Dans cette logique, il semblerait que les États tiers concernés qui continuent à échanger des produits venant des colonies manquent à leurs obligations coutumières en tant qu’États tiers s’ils poursuivent ces activités.
50. Si la Cour devait toutefois conclure que le commentaire de la Commission du droit international relatif à l’article 41 des articles sur la responsabilité de l’État ne correspond pas au droit international coutumier et que les principes relatifs à l’intention définis au titre de la notion juridique de l’aide et de l’assistance à l’article 16 sont également applicables pour déterminer si un État prête aide et assistance au maintien d’une situation résultant d’un fait illicite, nous soumettons à sa réflexion les points supplémentaires suivants.
51. On peut lire dans le commentaire relatif à l’article 16 qu’« il faut que l’aide ou l’assistance ait été prêtée dans l’intention de faciliter la commission du fait illicite, et qu’elle l’ait effectivement facilitée ». En d’autres termes, « [l]a responsabilité de l’État qui assiste n’est engagée en vertu de l’article 16 que si l’organe considéré de cet État entendait, par cette aide ou assistance, faciliter l’adoption par l’autre État du comportement illicite et que ce dernier l’adopte effectivement ». [La mise en gras est de nous.]
52. Afin de déterminer si un État prête « aide ou assistance », l’intention doit s’entendre non pas simplement comme « le désir ou la volonté de faire survenir les conséquences du crime », mais aussi comme la conscience, c’est-à-dire la connaissance du fait que les actes ou les omissions du premier État auront pour conséquence quasiment inévitable de contribuer au maintien de la situation créée par une violation grave du droit international par un autre État, ce qui signifie que l’intention doit s’entendre comme recouvrant une « intention indirecte »38. Il n’est pas nécessaire que l’État ait
37 Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 2001.
38 Harriet Moynihan, “Aiding and assisting: The mental element under article 16 of the International Law Commission’s Articles on State Responsibility”, p. 15, International & Comparative Law Quarterly, Vol. 67, Issue 2, avril 2018, p. 455-471, DOI: https://doi.org/10.1017/S0020589317000598:
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eu l’objectif de faciliter le maintien de la situation créée par une violation grave, mais il doit avoir eu conscience (avoir eu connaissance) du fait qu’il s’agirait là d’une des conséquences de son propre comportement (actes ou omissions), sauf événement rare ou imprévu.
53. S’il était nécessaire, pour établir qu’un État est animé de l’intention requise, qu’il fasse cause commune avec l’État commettant le fait internationalement illicite ou qu’il ait pour objectif de faciliter le maintien de la situation créée par une violation grave du droit international, l’obligation de ne prêter ni aide ni assistance perdrait rapidement tout son sens. Il suffirait aux États d’affirmer que leur comportement n’a pas pour objectif de faciliter le fait illicite ou la situation résultant d’une violation grave et qu’ils peuvent donc persister dans ce comportement indépendamment de ses conséquences, étant donné que leur objectif peut être — en fonction de la violation et de la situation en question — de garantir la stabilité économique de leurs propres marchés grâce à la poursuite des échanges commerciaux, de ne pas compromettre leurs relations bilatérales avec l’État commettant le fait illicite, de continuer à engranger les bénéfices issus de ventes d’armes, etc.39.
54. Si l’on se fonde sur le critère de l’« intention indirecte », un État tiers qui ne réglemente pas l’importation et la vente sur son marché de biens et de services provenant des colonies manquerait à son obligation de ne prêter ni aide ni assistance au maintien de la situation résultant d’une violation grave du droit international dans les conditions suivantes :
a) le marché de l’État tiers concerné offre des débouchés aux biens et services issus des colonies ;
b) l’État tiers concerné a connaissance des appropriations illicites de biens et de leur objectif illicite (à savoir le transfert et l’installation de population civile israélienne dans le territoire occupé), et de la possession en résultant des biens en question par des personnes physiques et morales israéliennes ;
c) l’État tiers concerné sait que des biens et des services issus des colonies sont importés, commercialisés et vendus dans sa propre juridiction ;
d) l’État tiers concerné a connaissance de la corrélation économique favorable existant entre la vente de biens et de services issus des colonies sur son marché et la poursuite de la possession et de l’exploitation lucrative par des personnes physiques ou morales israéliennes desdits biens confisqués illicitement ;
e) l’État tiers concerné n’interdit néanmoins pas les importations, la commercialisation ou la vente en question dans sa propre juridiction.
« La Chambre préliminaire de la CPI dans l’affaire le Procureur c. Bemba, lors de l’examen de l’article 30 du Statut de Rome, a déclaré que le dol direct de premier degré exige que le suspect “sache que ses actes ou omissions entraîneront les éléments matériels du crime et qu’il accomplisse ces actes ou omissions avec la volonté (l’intention) délibérée de faire survenir ces éléments matériels”. La deuxième partie de l’alinéa b) — “est consciente que celle‐ci adviendra dans le cours normal des événements” — décrit une forme d’intention plus indirecte, correspondant au cas d’une personne qui n’a pas le désir ou la volonté de faire survenir les conséquences du crime, mais est consciente du fait que ces éléments seront le résultat presque inévitable de ses actes ou omissions. La Chambre préliminaire de la CPI dans l’affaire Bemba a déclaré, au sujet de cette forme d’intention plus indirecte, que l’élément de volonté diminue sensiblement et qu’il est supplanté par l’élément cognitif, c’est‐à‐dire la conscience, chez le suspect, que ses actes ou omissions entraîneront la conséquence proscrite non souhaitée. Ceci correspond à la norme classique de l’intention en droit pénal anglais, qui inclut la conscience du fait qu’il est quasiment certain que la conséquence suivra. » (La mise en gras est de nous.) Voir aussi les notions de dolus eventualis ou de négligence fautive.
39 La situation en question étant le résultat de la violation d’une norme impérative, les intérêts légitimes que pourraient avoir d’autres États à mener à bien des activités constituant une aide ou une assistance ne peuvent supplanter cette norme ni l’importance d’en prévenir la violation.
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55. La Namibie considère donc que les États qui, en omettant d’interdire l’importation, la vente et la commercialisation de biens issus des colonies n’ont pas pour objectif de prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la violation grave, ne sont pas pour autant exonérés de l’obligation d’interdire de tels échanges.
56. De surcroît, dans la mesure où le transfert de biens saisis illicitement dans le Territoire palestinien occupé à des personnes physiques ou morales israéliennes, ainsi que la possession qui en résulte desdits biens par les personnes en question, constituent l’un des éléments du fait continu d’appropriation, l’apport d’une aide et d’une assistance à la continuation de la possession et de l’usage commercial correspondants constituerait également une violation de l’obligation coutumière de ne pas aider et assister dans la commission d’un fait illicite, au sens de l’article 16 des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État.
57. Selon la Namibie, il serait utile que la Cour détermine, à la lumière de ce qui précède, si la poursuite de l’importation de biens en provenance des colonies est susceptible de constituer une violation de l’obligation des États de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation résultant d’un fait illicite, ou de ne pas aider ou assister dans la commission d’un fait illicite, et qu’elle définisse également les éléments factuels et juridiques qui doivent être établis pour que l’on puisse conclure à la violation par un État de cette obligation coutumière dans le présent contexte.
IV. GÉNOCIDE
58. La Namibie souhaiterait formuler deux observations supplémentaires au sujet de la déclaration de Cuba selon laquelle « il s’agit là non pas d’une situation évidente d’apartheid, qualifié de crime contre l’humanité, mais d’un acte génocidaire qui s’exécute à basse intensité, avec une systématicité et une efficacité empreintes de cruauté ».
1) Sans préjudice de la question de savoir si ce qui est qualifié d’« acte génocidaire qui s’exécute à basse intensité » avait déjà lieu avant le 7 octobre 2023, Israël tente désormais de commettre, voire commet activement, des crimes contre l’humanité susceptibles de constituer un acte de génocide dans le Territoire palestinien occupé.
2) La perpétration par Israël d’un crime contre l’humanité susceptible de constituer un acte de génocide dans le Territoire palestinien occupé n’exclut en aucun cas la possibilité qu’il impose simultanément un système d’apartheid dans le Territoire palestinien occupé, comme c’est effectivement le cas40.
59. L’interdiction du génocide est une norme impérative, ce qui signifie qu’aucune dérogation n’y est autorisée41. La convention pour la prévention et la répression du crime de génocide42 précise que le génocide s’entend
« de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
40 Exposé écrit de la Namibie, juillet 2023, par. 18-120.
41 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 46-47, par. 87.
42 Convention pour la prévention et la répression du crime génocide, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies par sa résolution 260 en date du 9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951.
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a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
60. La caractéristique spécifique qui confère aux actes énumérés ci-dessus un caractère génocidaire est l’intention avec laquelle ils sont commis, ce qui signifie que s’ils ont pour objectif de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ils peuvent être constitutifs de génocide.
61. Depuis le 7 octobre 2023, Israël mène à Gaza une campagne de bombardements aveugles à grande échelle qui a coûté la vie à 4 500 personnes au moins au cours des deux premières semaines et est assimilable à la destruction intentionnelle et systématique de domiciles civils (« domicide »)43. Il a en outre impitoyablement renforcé le siège imposé depuis 17 ans à la bande de Gaza en coupant l’approvisionnement en électricité et en eau, et en interdisant l’entrée de nourriture, de carburant et de médicaments par ses postes-frontières. Les forces de défense israéliennes ont adressé des ordres d’évacuation au 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza en leur enjoignant de se rendre dans le sud de l’enclave44, tout en procédant dans le même temps à des bombardements du sud de la bande de Gaza, là même où elles ordonnaient à la population de se rendre, y compris dans les zones où la sécurité du passage était censée être garantie45. L’Organisation mondiale de la Santé a qualifié l’ordre d’évacuation des hôpitaux du nord de la bande de Gaza de « condamnation à mort pour les malades et les blessés »46.
62. Les violations graves et systématiques du droit international humanitaire (crimes de guerre) et possibles crimes contre l’humanité susmentionnés se traduisent par le meurtre de Palestiniens de Gaza, par une atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de Palestiniens de Gaza et par la soumission intentionnelle des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence pouvant entraîner leur destruction physique totale ou partielle. La Namibie attire l’attention sur le fait qu’il se peut qu’Israël impose des conditions et commette des crimes susceptibles de constituer des actes perpétrés avec une intention génocidaire, c’est-à-dire visant à entraîner la destruction physique totale ou partielle du peuple palestinien. La Namibie est amenée à le penser du fait de la nature des actes d’Israël et des conséquences graves desdits actes sur la vie et l’intégrité physique et mentale des Palestiniens, ainsi que du discours associé aux actes en question qui indique une intention génocidaire, tout en étant susceptible de constituer une incitation au génocide, de la part de
43 Voir les communiqués du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) disponibles à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org ; voir aussi Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, communiqué de presse, 19 octobre 2023, « Gaza: UN experts decry bombing hospitals and schools as crimes against humanity, all for prevention of genocide. »
44 Forces de défense israélienne, IDF announcement sent to civilians of Gaza City, disponible à l’adresse suivante : https://twitter.com/IDF/status/1712707301369434398.
45 Al-Haq, Al Mezan, PCHR, “No Safe Place: Despite ‘Evacuation Order’, Israel Continues to Carpet-Bomb Gaza from North To South”, 18 October 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.alhaq.org/advocacy/21927.html.
46 Organisation mondiale de la Santé, déclaration, « Les ordres d’évacuation adressés par Israël aux hôpitaux du nord de Gaza sont une condamnation à mort pour les malades et les blessés », 14 octobre 2023.
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fonctionnaires israéliens. On trouvera ci-dessous un échantillon des déclarations en question (traduites de l’hébreu) :
a) « Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant. Tout est fermé. Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence. » — Yoav Gallant, ministre israélien de la défense47.
b) « Les animaux doivent être traités comme tels. Il n’y aura ni électricité ni eau [à Gaza], il n’y aura que la destruction. Vous vouliez l’enfer, vous aurez l’enfer. » — Ghassan Alian, général de division israélien et chef de la COGAT (coordination des activités gouvernementales dans les territoires)48.
c) « Nous combattons des animaux … Gaza ne redeviendra pas ce qu’elle était auparavant. Nous allons tout éliminer. » — Yoav Gallant, ministre israélien de la défense 49.
d) « C’est une nation entière qui est responsable. Je rejette ce discours selon lequel les civils ne sont au courant de rien et ne sont pas impliqués. C’est totalement faux. Ils auraient pu se soulever contre ce régime immonde qui a pris le contrôle de Gaza à la suite d’un coup d’État. Mais nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre. Nous défendons nos foyers. Nous protégeons notre foyer. C’est ça, la vérité. Et quand une nation protège ses foyers, elle se bat. Et nous nous battrons jusqu’à ce que nous leur ayons brisé l’échine. » — Isaac Herzog, président d’Israël50.
e) « Toute la population civile de Gaza a l’ordre de partir immédiatement. Nous allons gagner. Ils ne recevront pas une goutte d’eau ou une seule batterie jusqu’à ce qu’ils quittent le monde. » — Israel Katz, ministre israélien de l’énergie51.
63. Des experts de l’Organisation des Nations Unies52 ont eux aussi tiré la sonnette d’alarme :
« La campagne actuellement menée par Israël se traduit par la perpétration de crimes contre l’humanité à Gaza. Les déclarations des responsables politiques israéliens et de leurs alliés, associées aux opérations miliaires à Gaza et à l’intensification des
47 Emmanuel Fabian, “Defense minister announces ‘complete siege’ of Gaza: No power, food or fuel”, 9 October 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/defense-minister-announces-complete-siege-of-gaza-no-power-food-or-fuel/.
48 Gianluca Pacchiani, “COGAT chief addresses Gazans: ‘You wanted hell, you will get hell’” The Times of Israel, 10 October 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/cogat-chief-addresses-gazans-you-wanted-hell-you-will-get-hell/.
49 “Israeli defence minister orders ‘complete siege’ on Gaza” Al-Jazeera, 9 October 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/program/newsfeed/2023/10/9/israeli-defence-minister-orders-complete-siege-ongaza#:~:text=%E2%80%9CWe%20are%20fighting%20against%20human,attack%20by%20Hamas%20on%20Israel.
50 “‘No Innocent Civilians in Gaza’, Israel President Says as Northern Gaza Struggles to Flee Israeli Bombs” The Wire, 13 October 2023, disponible à l’adresse suivante : https://thewire.in/world/northern-gaza-israel-palestine-conflict.
51 Bethan McKernan, “No power, water or fuel to Gaza until hostages freed, says Israel minister” The Guardian, 12 October 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.theguardian.com/world/2023/oct/12/no-power-water-or-fuel-to-gaza-until-hostages-freed-says-israeli-minister#:~:text=The%20energy%20minister%2C%20Israel%20Katz, which%20is%20a%20war%20crime.
52 Rapporteur spécial sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement ; rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 ; rapporteur spécial sur la violence contre les femmes et les filles ; rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays ; rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ; rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible ; rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable ; rapporteur spécial sur le droit à l’éducation.
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arrestations et des meurtres en Cisjordanie laissent également planer le risque d’un génocide contre le peuple palestinien. »
53
64. Compte tenu de ce qui précède, la Namibie considère qu’Israël tente actuellement de commettre, voire commet activement, des crimes contre l’humanité et que ces actes brutaux sont susceptibles d’être constitutifs d’un génocide dans le Territoire palestinien occupé. La Namibie demande respectueusement à la Cour de déterminer les conséquences juridiques pour Israël d’une telle tentative ou commission.
V. L’ILLICÉITÉ DE L’OCCUPATION AU REGARD DU JUS AD BELLUM
65. Dans son exposé écrit, la France met en garde contre le fait que l’illicéité per se de l’occupation pourrait conduire à ne pas appliquer le droit de l’occupation au comportement de la puissance occupante54. La Namibie entend répondre à cet argument fallacieux et dangereux.
66. La Namibie souhaite examiner la relation existant entre les différents corpus juridiques pertinents au regard du présent avis consultatif, afin qu’elle soit clairement définie dans le dossier.
67. Le jus in bello régit le comportement d’une puissance occupante pendant une occupation, que celle-ci soit licite ou non, étant donné que le statut de l’occupation ne modifie pas les obligations de la puissance occupante au regard de cette branche du droit, ni l’obligation de la communauté internationale de veiller au respect par la puissance occupante des règles en question.
68. Le jus ad bellum régit l’usage de la force. Une occupation de guerre, telle que l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé, implique le recours à la force afin de placer un territoire sous le contrôle de forces hostiles sans le consentement de son souverain légitime ou de son peuple.
69. La Namibie a exposé sa position sur l’agression initiale d’Israël et sur l’occupation du Territoire palestinien occupé en 1967 au paragraphe 142 de son exposé écrit de juillet 2023 :
« En l’absence d’agression armée, l’emploi de la force par Israël contre l’Égypte et d’autres États arabes en 1967 était d’ordre préemptif et, partant, constituait un acte illicite d’agression, en violation du paragraphe 4 de l’article 2 et de l’article 51 de la Charte des Nations Unies. La présence d’Israël sur le territoire palestinien est illicite depuis qu’elle a commencé en 1967 et l’occupation qui en a résulté l’est tout autant. »55
53 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, communiqué de presse, 19 octobre 2023, « Gaza: UN experts decry bombing hospitals and schools as crimes against humanity, all for prevention of genocide. »
54 France, par. 51 :
« De l’avis de la France, les conséquences juridiques de ce constat doivent être appréciées à leur exacte mesure. Le caractère prolongé d’une occupation, s’il est contraire au fait que celle-ci devrait être provisoire par nature, n’a pas pour conséquence de rendre celle-ci illicite per se. En effet, ce constat d’illicéité per se pourrait conduire à soutenir l’inapplicabilité du régime juridique de l’occupation. Cela aboutirait à un résultat, manifestement absurde ou déraisonnable, qui serait de priver les populations civiles de la protection offerte par ce régime, protection d’autant plus nécessaire que ladite occupation dure dans le temps. »
55 Voir aussi la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies, annexe (définition de l’agression), art. 5 3).
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70. Si la Cour est en désaccord avec cette position, elle se doit d’examiner les conséquences de l’occupation israélienne prolongée sur le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et le statut de ladite occupation qui en résulte. À supposer que la Cour conclue à la licéité de l’occupation israélienne en 1967, la Namibie fait respectueusement valoir ce qui suit :
« Une occupation en tant qu’acte de légitime défense contre une agression armée est légitime tant que l’agression armée se poursuit … Quant à déterminer le moment où l’acte de légitime défense prend fin, la réponse est simple : lorsqu’il n’est plus nécessaire de repousser une agression armée en ayant recours à la force. Deux cas de figure sont envisageables : dans le premier, l’agression armée a eu lieu, justifiant le droit à un recours nécessaire et proportionné à la force au titre de la légitime défense, et l’agression est terminée ; dans le second, une agression armée débouche sur une occupation et l’agression armée continue tant que l’occupation se poursuit. »56
Il est manifeste, dans le cas de l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé, que l’agression armée n’a pas duré aussi longtemps que l’occupation. Si elle n’était pas illicite au départ, l’occupation l’est devenue du fait de sa prolongation inutile et disproportionnée au regard du jus ad bellum.
71. Il est possible qu’Israël soutienne que le maintien de son occupation, s’il n’était plus nécessaire et proportionné au regard de la légitime défense avant le 7 octobre 2023, l’est devenu au regard du jus ad bellum compte tenu des hostilités menées par des acteurs non étatiques sur son territoire le 7 octobre 2023.
72. En premier lieu, il convient d’observer que l’agression du 7 octobre 2023 est le fait d’un acteur non étatique opérant dans un territoire illicitement occupé par Israël.
73. La Namibie rappelle que dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a confirmé que l’article 51 de la Charte des Nations Unies reconnaissait l’existence d’un droit naturel de légitime défense en cas d’agression armée par un État contre un autre État. Elle a conclu que, puisque Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime sont imputables à un État étranger, qu’Israël exerce son contrôle sur le Territoire palestinien occupé et que la menace qu’il invoque pour justifier son comportement trouve son origine à l’intérieur de ce territoire, et non en dehors de celui-ci, « l’article 51 de la Charte est sans pertinence au cas particulier »57.
74. Il convient également de relever que depuis le 7 octobre 2023 le Conseil de sécurité n’a adopté aucune résolution affirmant le droit de légitime défense d’Israël contre ces agressions qui justifierait la poursuite du blocus, des bombardements et de l’occupation de certaines parties ou de la totalité du Territoire palestinien occupé, comme étant nécessaires et proportionnés au regard du jus ad bellum.
56 ‘Study: The legality of the Israeli occupation of the occupied Palestinian territory, including East Jerusalem’ Comité de l’Organisation des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Université de Galway, centre irlandais pour les droits de l’homme.
57 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 194, par. 139.
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75. En outre Israël, la puissance occupante, a refusé de reconnaître qu’il existe un État ou un peuple dont le droit à l’autodétermination externe a été reconnu et à l’intégrité territoriale duquel il porte atteinte. Ce refus est l’une des causes premières de son occupation de 56 ans. Cette occupation illicite a quant à elle suscité la résistance de la population occupée. Une telle résistance est une conséquence inévitable de l’acte d’agression commis contre le Territoire palestinien occupé, et les efforts déployés par la puissance occupante pour soumettre sa population à titre permanent, caractérisés par l’imposition d’un système d’apartheid, constituent des violations graves de normes fondamentales du droit international humanitaire ainsi qu’une annexion illicite de facto et de jure dudit territoire58.
76. L’Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé la légitimité de la résistance, y compris lorsqu’elle prend la forme d’une lutte armée. La Namibie estime qu’une telle activité est non seulement légitime, mais également licite au regard du jus ad bellum59. De la même manière que les États ont un droit à la légitime défense en cas d’agression territoriale d’un autre État, les peuples dont le droit à l’autodétermination externe a été reconnu et qui sont placés sous l’emprise coloniale, l’occupation étrangère et le contrôle d’un autre État, peuvent utiliser des moyens armés pour se défendre et tenter de mettre fin à cette agression territoriale continue à leur encontre60.
77. La Namibie considère également que les moyens et les méthodes employés au regard du jus in bello par des acteurs non étatiques ne modifient pas la licéité de leurs activités armées au regard du jus ad bellum, et inversement. La distinction entre le jus in bello et le jus ad bellum est l’une des pierres angulaires du système juridique international régissant les conflits armés.
78. Si la Cour venait à considérer que les États ont un droit de légitime défense contre les acteurs non étatiques qui implique la violation de l’intégrité territoriale, au travers d’une occupation continue, d’un autre État ou d’un autre peuple possédant un droit à l’autodétermination externe, et qu’ils ont ce droit en dépit de l’absence de résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et indépendamment de la question de savoir si l’acte commis contre eux l’a été en réponse à leur propre acte d’agression initial, tout fait de résistance armée de la part d’un acteur non étatique61 contre un acte d’agression illicite serait suffisant pour conférer un caractère licite à une occupation illicite. Une telle interprétation du droit encouragerait la persistance des guerres d’agression illicites et l’acquisition prolongée de territoire par la force à l’échelle mondiale.
79. Compte tenu de ce qui précède, la Namibie conclut que l’agression menée le 7 octobre 2023 par un groupe armé non étatique sur le territoire israélien ne constituait pas un acte d’agression contre l’intégrité territoriale d’Israël déclenchant le droit de légitime défense contre ledit acteur et conférant à Israël le droit d’occuper le territoire sur lequel opère cet acteur et d’où proviennent des menaces. En d’autres termes, il n’existe aucun fondement juridique permettant de conclure que les
58 Voir aussi exposé écrit de l’Espagne, par. 8.2 : « Toute pratique conduisant à l’annexion de jure ou de facto du Territoire palestinien occupé rendrait cette occupation illicite. »
59 Voir, par exemple, la résolution 3246 adoptée le 29 novembre par 1974 par l’Assemblée générale des Nations Unies dans laquelle elle « [r]éaffirme la légitimité de la lutte des peuples pour se libérer de la domination coloniale et étrangère et de l’emprise étrangère par tous les moyens en leur pouvoir, y compris la lutte armée » ; voir également l’exposé écrit de la Ligue des États arabes, juillet 2023, chap. 18 : « Conséquences pour le peuple palestinien : le droit de résister », par. 114-117.
60 Voir aussi la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies, annexe (définition de l’agression), art. 7.
61 Quand la puissance occupante ne reconnaît pas la qualité d’État à l’État occupé, tout acte de résistance, y compris de la part de la puissance souveraine évincée, relèverait selon elle de cette catégorie.
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hostilités du 7 octobre 2023 auraient modifié le statut de l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé en la rendant licite.
Fait à Windhoek, en Namibie, le 25 octobre 2023.
Au nom du Gouvernement de la République de Namibie, la vice-première ministre et ministre des relations internationales et de la coopération,
(Signé) Mme Netumbo NANDI-NDAITWAH.
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Observations écrites de la Namibie

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