Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF) EXPOSÉ ÉCRIT DE LA MALAISIE
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
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I. INTRODUCTION .........................................................................................................................1
II. LA COMPÉTENCE DE LA COUR....................................................................................................3
A. L’Assemblée générale est habilitée à présenter la demande ...................................................3
B. La demande concerne une question juridique ........................................................................4
III. IL N’Y A PAS DE RAISONS DÉCISIVES DE REFUSER DE DONNER UN AVIS CONSULTATIF ...............5
A. Il ne s’agit pas d’une question purement bilatérale entre Israël et la Palestine ........................5
B. La Cour disposera des renseignements matériels nécessaires .................................................6
C. L’importance de l’autodétermination ....................................................................................6
D. L’actualité et l’urgence de la demande ..................................................................................7
E. Conclusion — Il n’y a pas de raisons décisives de refuser de rendre l’avis consultatif sollicité ................................................................................................................................7
IV. LE DROIT À L’AUTODÉTERMINATION EN DROIT INTERNATIONAL...............................................7
A. Le fondement juridique du droit à l’autodétermination en droit international .........................7
B. Éléments essentiels du droit à l’autodétermination ................................................................8
C. Le caractère impératif et l’opposabilité erga omnes du droit à l’autodétermination en droit international .......................................................................................................... 10
V. LA VIOLATION PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION ....... 11
A. Le droit des peuples à l’intégrité territoriale ........................................................................ 12
B. Le droit à l’unité nationale et à la protection de son intégrité en tant que peuple .................. 14
C. Le droit des peuples à la souveraineté permanente sur leurs richesses et sur leurs ressources naturelles............................................................................................. 15
D. Le droit d’un peuple à poursuivre librement son développement économique, social et culturel ........................................................................................................................... 17
E. L’occupation dans son ensemble est illicite ......................................................................... 18
VI. CONSÉQUENCES JURIDIQUES .................................................................................................. 19
VII. SYNTHÈSE ............................................................................................................................ 21
I. INTRODUCTION
1. La Malaisie soumet le présent exposé conformément à l’ordonnance que la Cour a rendue le 3 février 2023 comme suite à la demande d’avis consultatif formulée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 20221.
2. Dans cette résolution 77/247, l’Assemblée générale a formulé sa demande en ces termes :
« L’Assemblée générale,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18. Décide, conformément à l’Article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’Article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »2
3. Dans le présent exposé, la Malaisie s’attachera à un seul aspect — essentiel — de la demande, à savoir la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et les conséquences juridiques qui en découlent. Elle soutient à cet égard que l’occupation israélienne dans son ensemble ainsi que les politiques et pratiques d’Israël dans le territoire occupé violent le droit à l’autodétermination consacré par le droit international. Nous prions respectueusement la Cour de se prononcer en ce sens et d’en tirer les conséquences juridiques.
4. La Malaisie soumet le présent exposé pour les raisons suivantes :
a) Premièrement, elle estime que le cadre juridique international régissant le droit à l’autodétermination, et en particulier les conséquences juridiques qui découlent, pour tous les États, de la violation de ce droit par Israël, mériterait d’être clarifié par la Cour.
b) Deuxièmement, elle souhaite souligner l’importance toute particulière que revêt le droit à l’autodétermination dans l’ordre juridique international et dont témoignent le caractère de norme
1 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
2 Ibid., par. 18.
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impérative qui lui est reconnu, la mention qui en est faite dans la Charte des Nations Unies3 et le fait qu’il s’agit, comme la Cour l’a rappelé dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie), « d’un des principes essentiels du droit international contemporain »4. Pour avoir elle-même subi le joug colonial, la Malaisie est résolue à faire en sorte que tous les peuples puissent jouir de leur droit à l’autodétermination. Son passé colonial l’a également amenée à s’impliquer activement au sein du Mouvement des pays non alignés, lequel soutient depuis longtemps les mouvements de libération nationale qui oeuvrent pour la réalisation du droit à l’autodétermination. À cet égard, la Malaisie est particulièrement préoccupée par les violations graves de ce droit commises par Israël dans le Territoire palestinien occupé.
c) Troisièmement, la Malaisie a fait de l’instauration d’une paix juste, globale et durable au Moyen-Orient et de la fin de l’occupation israélienne en Palestine une priorité de sa politique étrangère. C’est pourquoi elle s’est jointe aux auteurs du projet de résolution 77/247 de l’Assemblée générale5. En 2016, elle s’était déjà portée coauteure de la résolution 2334 du Conseil de sécurité6 réaffirmant l’illicéité, au regard du droit international, des colonies de peuplement israéliennes en Territoire palestinien occupé et exigeant l’arrêt immédiat des activités de peuplement, ainsi que de la résolution ES-10/14 de l’Assemblée générale7 portant demande de l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé8. Ainsi qu’elle l’a déclaré en séance plénière lors du débat sur la résolution 2334, la Malaisie considère que la communauté internationale doit intervenir en faveur de la solution des deux États et « confirmer qu’il ne s’agit pas [là] d’un slogan vide de sens »9. Elle reste convaincue que la Cour joue un rôle essentiel en se prononçant de manière indépendante et impartiale sur les conséquences juridiques qui découlent des agissements d’Israël dans le Territoire palestinien occupé10.
5. C’est à la lumière de ces considérations que la Malaisie a voté pour la résolution 77/247 de l’Assemblée générale11 portant demande d’avis consultatif. Dans le présent exposé écrit, elle renouvelle son soutien à cette demande et fait connaître ses vues sur les problèmes juridiques qui y sont soulevés.
6. Le présent exposé s’articule comme suit :
a) La section II traite de la compétence de la Cour. Selon la Malaisie, la Cour a compétence pour rendre l’avis consultatif sollicité, puisque l’Assemblée générale est habilitée à demander des avis consultatifs et qu’elle a dûment formulé sa demande, laquelle concerne une question juridique.
3 Charte des Nations Unies (1945), Recueil des traités, vol. 1, p. XVI, art. 1, par. 2.
4 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
5 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
6 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016).
7 Nations Unies, Assemblée générale, résolution ES-10/14 du 8 décembre 2003, doc. A/RES/ES-10/14.
8 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136.
9 Nations Unies, Conseil de sécurité, soixante et onzième année, 7853e séance, 23 décembre 2016, doc. S/PV.78[5]3, accessible à l’adresse suivante : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/PRO/N16/463/02/PDF/ N1646302.pdf?OpenElement, p. 3.
10 Voir Nations Unies, Assemblée générale, session extraordinaire d’urgence, 23e séance, 8 décembre 2003, doc. A/ES-10/PV.23, p. 12.
11 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
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b) La section III porte sur la question de savoir s’il existe des « raisons décisives » devant conduire la Cour à refuser de donner un avis consultatif en l’espèce. La Malaisie soutient qu’il n’y en a aucune. En effet, la demande ne porte pas sur une question purement bilatérale entre Israël et la Palestine ; la Cour disposera de tous les renseignements matériels nécessaires pour lui permettre de se prononcer ; le droit du peuple palestinien à l’autodétermination est au coeur des fonctions et des travaux de l’Assemblée générale ; et la demande présente un caractère d’actualité, et d’urgence, en raison de la récente escalade des pratiques illicites d’Israël.
c) La section IV est consacrée au principe d’autodétermination établi par le droit international. La sous-section A traite de son fondement juridique en droit international. La sous-section B s’ouvre sur l’aspect central du principe d’autodétermination, à savoir le droit des peuples de déterminer librement leur statut politique, dont quatre composantes essentielles sont ensuite examinées :
i) le droit des peuples à l’intégrité territoriale ;
ii) le droit des peuples à l’unité nationale et à la protection de leur intégrité en tant que peuples ;
iii) le droit des peuples à la souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles ; et
iv) le droit des peuples de poursuivre librement leur développement économique, social et culturel.
Enfin, la sous-section C traite de la qualification du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit international général et de l’obligation erga omnes qu’il emporte.
d) La section V porte sur le traitement du peuple palestinien par Israël au regard du droit à l’autodétermination. La Malaisie est d’avis que les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé violent chacun des droits constitutifs de ce droit examinés dans la section IV. Elle avance également que l’occupation dans son ensemble est illicite. Le maintien sous administration israélienne du Territoire palestinien occupé empêche le peuple palestinien de déterminer librement son statut politique. De ce fait, l’occupation dans son ensemble viole le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
e) Dans la section VI sont présentées les conséquences juridiques qui découlent de cette conclusion, pour Israël et pour tous les autres États.
f) La section VII contient un résumé de la position de la Malaisie.
7. La Malaisie se réserve le droit de formuler ultérieurement des observations supplémentaires sur d’autres questions soulevées par la demande.
II. LA COMPÉTENCE DE LA COUR
8. La Malaisie est d’avis que la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité, puisque l’Assemblée générale est habilitée à présenter cette demande et que la demande concerne un ensemble de questions juridiques.
A. L’Assemblée générale est habilitée à présenter la demande
9. Le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour est libellé ainsi : « La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura
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été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis. »
10. Le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies dispose que « [l]’Assemblée générale … peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique ».
11. Le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies autorise donc l’Assemblée générale à présenter la demande visée au paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour.
12. C’est ce que l’Assemblée générale a fait en l’espèce. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale a adopté la résolution 77/24712 par 8[7] voix contre 26, avec 53 abstentions, soit à la majorité des membres présents et votants, conformément à son règlement intérieur13. La demande a ensuite été transmise à la Cour conformément au paragraphe 2 de l’article 65 de son Statut14.
B. La demande concerne une question juridique
13. L’avis demandé concerne une « question juridique » — ou un ensemble de questions juridiques — ainsi que requis par le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte et le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour. Celle-ci a jugé que les questions « libellées en termes juridiques et soul[evant] des problèmes de droit international [étaie]nt, par leur nature même, susceptibles de recevoir une réponse fondée en droit » et avaient « en principe un caractère juridique »15. Aux termes de la résolution 77/247, la Cour est appelée à examiner les règles et principes du droit international pour apprécier les conséquences juridiques d’une liste de politiques et de pratiques mises en oeuvre par l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, et leur incidence sur le statut juridique de l’occupation. Ces questions sont libellées en termes juridiques et soulèvent des problèmes de droit international, la Cour étant invitée à se prononcer sur les conséquences juridiques qui découlent d’un ensemble de circonstances.
14. Le fait que les questions soulevées par la demande formulée dans la résolution 77/247 ont également une dimension politique n’y change rien. Ainsi que la Cour l’a précisé, « qu’une question revête des aspects politiques ne suffit pas à lui ôter son caractère juridique »16. Elle a également conclu que « la nature politique des mobiles qui auraient inspiré la requête et les implications politiques que pourrait avoir l’avis donné sont sans pertinence au regard de l’établissement de sa compétence pour donner un tel avis »17.
12 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
13 Règlement intérieur de l’Assemblée générale des Nations Unies.
14 Ordonnance de la Cour, 3 février 2023.
15 Sahara occidental, avis consultatif, C.1.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15 ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
16 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 415, par. 27.
17 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13 ; [].
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III. IL N’Y A PAS DE RAISONS DÉCISIVES DE REFUSER DE DONNER UN AVIS CONSULTATIF
15. La Cour a interprété le paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut comme lui reconnaissant le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif même lorsque les conditions énoncées dans cette disposition sont remplies18. Toutefois, en pratique, la Cour n’a jamais refusé de donner un avis et a maintes fois affirmé que seules des « raisons décisives » justifieraient un tel refus19.
16. En l’espèce, il n’y a pas de raisons décisives imposant à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de rendre un avis consultatif.
A. Il ne s’agit pas d’une question purement bilatérale entre Israël et la Palestine
17. Premièrement, l’absence de consentement exprès d’Israël ne rend pas malvenu le prononcé d’un avis consultatif. Bien que le défaut de consentement d’un État intéressé puisse avoir une incidence sur l’opportunité de rendre un avis « dans certaines circonstances »20, il n’en est ainsi que lorsque l’avis demandé « aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un État n’est pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant »21. Ainsi la Cour a-t-elle, par le passé, donné des avis consultatifs concernant des différends déjà nés entre certains États22. Il est à noter que, dans le cadre de la procédure consultative sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Israël avait affirmé que la Cour devait refuser de se prononcer au motif que l’objet de la question posée par l’Assemblée générale faisait « partie intégrante » d’un différend israélo-palestinien23. La Cour a rejeté cet argument, estimant que la construction d’un mur n’était pas une question purement bilatérale, mais « intéress[ait] directement l’Organisation des Nations Unies » en ce qu’elle se rattachait au maintien de la paix et de la sécurité internationales24.
18. En la présente espèce, les questions qui font l’objet de la demande sont également du ressort de l’Assemblée générale. Ainsi que la Cour l’a relevé dans l’avis consultatif qu’elle a rendu
18 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234-235, par. 14 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156, par. 44 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, p. 415-416, par. 29 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 113, par. 63.
19 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156, par. 44 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 416, par. 30 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 113, par. 65.
20 Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 24-25, par. 32-33.
21 Ibid., p. 25, par. 33 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 117, par. 85.
22 Voir, par exemple, Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 65 ; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 12 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 97.
23 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 157, par. 46.
24 Ibid., p. 159, par. 49.
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sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé
25, l’Assemblée générale a réaffirmé que l’Organisation des Nations Unies avait « une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de la légitimité internationale »26. La compétence de l’Assemblée générale en la matière est liée à la responsabilité particulière qu’elle assume historiquement à l’égard de la Palestine et qui trouve son origine dans le mandat et dans la résolution relative au plan de partage de 194727. Obtenir un avis consultatif de la Cour aiderait donc l’Assemblée générale dans l’exercice de ses fonctions en ce qu’elles consistent à s’acquitter de cette responsabilité particulière.
B. La Cour disposera des renseignements matériels nécessaires
19. Deuxièmement, la Cour disposera de tous les renseignements matériels nécessaires pour lui permettre de se prononcer. Le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies a transmis à la Cour un dossier comprenant des documents pertinents des Nations Unies publiés depuis 1967, date de début de l’occupation. Il inclut des résolutions et des documents émanant des organes de l’Organisation des Nations Unies, ainsi qu’un grand nombre de rapports portant notamment sur des questions de fait28. Comme cela est courant lorsqu’un avis consultatif est sollicité qui soulève des questions factuelles complexes29, il est presque certain que seront encore soumis, au cours de la présente procédure, un volume considérable de pièces écrites ainsi que des exposés oraux. Il n’existe donc aucun obstacle pratique à ce que la Cour exerce sa compétence consultative en réponse à cette demande.
C. L’importance de l’autodétermination
20. Troisièmement, il existe des raisons décisives militant en faveur du prononcé d’un avis consultatif. Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, l’Organisation des Nations Unies, et l’Assemblée générale en particulier, a une responsabilité particulière envers le territoire et le peuple palestiniens. En outre, le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes est depuis longtemps au coeur des travaux de l’Assemblée générale. Celle-ci se préoccupe de la question de l’autodétermination du peuple palestinien tout au moins depuis la résolution 2649 (XXV) de 197030. Elle a réaffirmé ce droit à maintes reprises31, et tout dernièrement dans la résolution 77/208 du 15 décembre 202232.
25 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 159, par. 49.
26 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 57/107 du 3 décembre 2002, doc. A/RES/57/107, préambule, quatrième alinéa.
27 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 181(II) du 29 novembre 1947, doc. A/RES/181(II).
28 Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, note introductive concernant la procédure consultative sur les Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est — première partie, 31 mai 2023, par. 5.
29 Voir également Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 114-115, par. 73 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 161-162, par. 57.
30 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970, doc. A/RES/2649, par. 5.
31 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, doc. A/RES/3236 (XXIX) et 55/87 du 21 février 2001, doc. A/RES/55/87.
32 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/208 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/208.
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D. L’actualité et l’urgence de la demande
21. Quatrièmement, les questions formulées dans la demande sont particulièrement urgentes et pertinentes eu égard à la récente escalade des pratiques israéliennes d’implantation dans le Territoire palestinien occupé, ainsi qu’à la poursuite de l’application par Israël de lois et de mesures discriminatoires contre le peuple palestinien. Ces pratiques sont relatées en détail dans de récents rapports de l’Organisation des Nations Unies, y compris ceux de la Commission d’enquête internationale indépendante33 créée par le Conseil des droits de l’homme en mai 202134. Au vu de ce contexte, et puisque la Cour a pour fonction de donner des avis sur des questions qui sont « pertinentes et [qui] ont un effet pratique à l’heure actuelle »35, la question posée se prête tout particulièrement à une décision de la Cour.
E. Conclusion — Il n’y a pas de raisons décisives de refuser de rendre l’avis consultatif sollicité
22. Compte tenu de toutes ces considérations, la Malaisie soutient que la Cour a compétence en l’espèce et qu’il n’existe pas de « raisons décisives » devant la conduire à refuser de rendre l’avis consultatif sollicité.
IV. LE DROIT À L’AUTODÉTERMINATION EN DROIT INTERNATIONAL
23. La présente section a trait au droit à l’autodétermination consacré par le droit international. Le fondement juridique de ce droit en droit international est examiné dans la sous-section A, ses principales composantes sont passées en revue dans la sous-section B, et la sous-section C traite de sa qualification en tant que norme impérative du droit international général et de l’obligation erga omnes qu’il emporte.
A. Le fondement juridique du droit à l’autodétermination en droit international
24. La communauté internationale dans son ensemble reconnaît que le droit à l’autodétermination est protégé par le droit international. Ainsi que le prévoit la déclaration de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies,
« [e]n vertu du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte »36.
33 Nations Unies, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël » (ci-après « rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante »), 14 septembre 2022, doc. A/77/328 ; rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 9 mai 2023, doc. A/HRC/53/22.
34 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution S-30-1 du 27 mai 2021, doc. A/HRC/RES/S-30/1.
35 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 37, par. 73.
36 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe. Voir également la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, doc. A/RES/1514 (XV) et, tout dernièrement, la résolution 77/207 du15 décembre 2022, doc. A/RES/77/207.
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25. Les arrêts et avis rendus par la Cour ont également joué un rôle important dans la reconnaissance et la définition du droit à l’autodétermination. Ainsi qu’il a été exposé précédemment, en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie), la Cour a décrit ce droit comme « [l’]un des principes essentiels du droit international contemporain »37. Dans l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, elle a dit ceci :
« [L]e principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été consacré dans la Charte des Nations Unies et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale déjà mentionnée, selon laquelle “[t]out État a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait de leur droit à l’autodétermination … les peuples mentionnés [dans ladite résolution]”. L’article 1er commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques réaffirme le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et fait obligation aux États parties de faciliter la réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »38
26. Enfin, l’avis consultatif sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 a encore confirmé le caractère coutumier du droit à l’autodétermination39.
B. Éléments essentiels du droit à l’autodétermination
27. Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, le droit à l’autodétermination implique que « tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel »40. La liberté du peuple de choisir son statut politique est donc au coeur du droit à l’autodétermination. Celui-ci comprend en outre quatre composantes essentielles. Toute violation de l’un quelconque de ces quatre éléments constitue, en soi, une violation du droit à l’autodétermination.
28. Premièrement, le droit à l’autodétermination implique le droit des peuples à l’intégrité de leur territoire. Dans sa résolution 1514, l’Assemblée générale a déclaré que « [t]oute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays [étai]t incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies »41. Dans l’avis consultatif sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, la Cour a confirmé le « caractère coutumier du droit à l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome, qui constitue le corollaire du droit à l’autodétermination »42. L’annexion, de même que le non-respect de
37 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
38 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171-172, par. 88.
39 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 131-135, par. 144-161.
40 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe. Voir également la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, doc. A/RES/1514 (XV) et, tout dernièrement, la résolution 77/207 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/207.
41 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1514 du 14 décembre 1960, doc. A/RES/1514, par. 6. Voir également la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
42 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 134, par. 160.
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l’interdiction d’acquérir des territoires par la force
43, emporte violation du droit à l’autodétermination. Il en va de même de l’annexion de facto44 — situation où les agissements d’un État sur le terrain attestent son intention d’intégrer un territoire à son propre territoire souverain. Enfin, le fait pour un État de créer des poches de territoire ou des enclaves séparées les unes des autres constitue un manquement à l’obligation de respecter l’intégrité territoriale.
29. Deuxièmement, le droit des peuples à l’autodétermination implique le droit à l’unité nationale et à la protection de leur intégrité en tant que peuples45, de sorte que les mesures qui visent à modifier la composition démographique d’un territoire, de même que celles qui ont pour effet de créer des enclaves, de fragmenter la population ou de briser les liens qui en unissent les membres, en constituent une violation. Dans bien des cas, cet aspect du droit à l’autodétermination se trouve renforcé par d’autres règles du droit international. Ainsi, le droit international humanitaire impose des obligations qui restreignent les transferts de population vers le territoire occupé46 et les déplacements des personnes hors de celui-ci47. Plus généralement, ainsi que la Cour l’a affirmé dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, les autres pratiques qui contribuent à des « modifications dans la composition démographique » d’un territoire, y compris celles qui occasionnent le départ de membres de la population, portent atteinte au droit à l’autodétermination48.
30. Troisièmement, le droit à l’autodétermination implique le droit des peuples à la souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. Ce principe de souveraineté permanente a été qualifié, dans la résolution 1314 de 1958, d’« élément fondamental du droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes »49. Dans la résolution 1803 de 1962, qui a fait date, l’Assemblée générale a déclaré que « [l]a violation des droits souverains des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles va à l’encontre de l’esprit et des principes de la Charte des Nations Unies »50. Ce texte a été adopté par 87 voix contre 2, avec 12 abstentions51. Ainsi que la Cour l’a confirmé en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo
43 Voir, tout dernièrement, la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 2 mars 2022, doc. A/RES/ES-11/1.
44 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121.
45 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1514 du 14 décembre 1960, doc. A/RES/1514, par. 6. Voir également la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
46 Sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève : « La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. » Ainsi que Pictet le relève dans le commentaire de la quatrième convention de Genève, p. 283, cette disposition :
« s’oppose à des transferts de population tels qu’en ont pratiqué, pendant la seconde guerre mondiale, certaines puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou dites colonisatrices, ont transféré des éléments de leur propre population dans des territoires occupés. Ces déplacements ont eu pour effet d’aggraver la situation économique de la population autochtone et de mettre en danger son identité ethnique. »
47 Premier alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève : « Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. »
48 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122.
49 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 1958, doc. A/RES/1314 (XIII), par. 1.
50 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962, doc. A/RES/1803 (XVII), par. 7.
51 Nations Unies, bibliothèque numérique, résultat des votes, doc. A/RES/1803(XVII).
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(République démocratique du Congo c. Ouganda), le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles revêt le caractère d’un principe de droit international coutumier
52.
31. Quatrièmement, le droit à l’autodétermination implique le droit des peuples de « poursuivre librement leur développement économique, social et culturel »53. Ces trois formes de développement sont liées, et leur portée peut notamment s’apprécier au regard des droits protégés par le droit international général, ainsi que d’autres instruments de droit international ayant été largement ratifiés. Le développement économique est lié à la souveraineté permanente sur les ressources, mais il est loin de s’y limiter, puisqu’il couvre également l’emploi, le commerce, l’investissement et l’activité économique au sens large. Le développement social comprend l’amélioration de l’éducation, de la santé, du logement, des moyens de subsistance et de la protection de l’environnement. Enfin, le développement culturel englobe les pratiques et expressions artistiques, scientifiques, religieuses, ainsi que les pratiques et expressions connexes d’une communauté. Cet aspect du droit à l’autodétermination protège le droit d’un peuple à poursuivre collectivement son développement dans chacun de ces trois domaines.
C. Le caractère impératif et l’opposabilité erga omnes du droit à l’autodétermination en droit international
32. Il convient de mettre en exergue deux autres caractéristiques du droit à l’autodétermination en droit international, à savoir son caractère impératif et son opposabilité erga omnes.
33. S’agissant d’abord du caractère impératif du droit à l’autodétermination en droit international, la Commission du droit international a rappelé, dans son commentaire du « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État », que « [l]es normes impératives qui sont clairement acceptées et reconnues sont les interdictions de l’agression, du génocide, de l’esclavage, de la discrimination raciale, des crimes contre l’humanité et de la torture, ainsi que le droit à l’autodétermination »54. De même, dans le quatrième rapport qu’il a présenté à la Commission du droit international, M. Dire Tladi, rapporteur spécial sur les normes impératives du droit international général, a observé que « [l]e droit à l’autodétermination … [étai]t une norme de jus cogens classique dont le caractère impératif [étai]t presque universellement accepté »55. C’est ce que vient encore confirmer l’inclusion de ce droit dans la liste de normes figurant dans l’annexe du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général adopté par la Commission du droit international en 202256. Enfin, dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a appliqué à la violation par Israël du droit à
52 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 251, par. 244.
53 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
54 Nations Unies, Commission du droit international, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs », commentaire de l’article 26, par. 5 ; Nations Unies, Assemblée générale, résolution 56/83 du 12 décembre 2001, doc. A/RES/56/83, annexe (les italiques sont de nous).
55 Nations Unies, Commission du droit international, « Quatrième rapport sur les normes impératives du droit international général (jus cogens) » présenté par Dire Tladi, rapporteur spécial, 31 janvier 2019, doc. A/CN.4.727, par. 108.
56 Nations Unies, Commission du droit international, « Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) », conclusion 23, annexe, doc. A/77/10 (2022).
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l’autodétermination les conséquences particulières que le droit international général attache aux graves violations de normes impératives
57.
34. En ce qui concerne le caractère erga omnes du droit à l’autodétermination, la Cour, en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie), s’est exprimée en ces termes : « [I]l n’y a rien à redire à l’affirmation … selon laquelle le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il s’est développé à partir de la Charte et de la pratique de l’Organisation des Nations Unies, est un droit opposable erga omnes »58. De même, dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a inclus dans la catégorie des « obligations erga omnes violées par Israël … l’obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination »59. Il s’ensuit que l’obligation de respecter le droit à l’autodétermination est due à tous les États, et que tous les États ont un intérêt juridique à ce que ce droit soit protégé60.
V. LA VIOLATION PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION
35. Dans la section précédente, la Malaisie a exposé le fondement juridique et la nature du droit à l’autodétermination et passé en revue quatre de ses éléments essentiels. Dans la présente section, elle s’intéresse au traitement du peuple palestinien par Israël au regard du droit à l’autodétermination.
36. Il convient de noter d’emblée qu’il ne fait aucun doute que le peuple palestinien peut se prévaloir du droit à l’autodétermination. Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a observé que, « [s]’agissant du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, … l’existence d’un “peuple palestinien” ne saurait plus faire débat »61.
37. Cette conclusion concorde avec la pratique qui a de manière constante été celle de l’Organisation des Nations Unies et de la communauté internationale sur cette question. Dans sa résolution 2649 (XXV) de 1970, l’Assemblée générale a ainsi condamné « les gouvernements qui refusent le droit à l’autodétermination aux peuples auxquels on a reconnu ce droit, notamment les peuples d’Afrique australe et de Palestine »62. Tout dernièrement, dans sa résolution 77/208, adoptée par 167 voix contre 6, avec 9 abstentions63, elle a réaffirmé « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à un État de Palestine indépendant »64.
57 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
58 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
59 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 155.
60 Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 33.
61 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182-183, par. 118.
62 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970, doc. A/RES/2649, par. 5. Voir également la résolution 2672 C (XXV) du 8 décembre 1970, doc. A/RES/2672(XXV), par. 1.
63 Nations Unies, bibliothèque numérique, informations de vote, doc. A/RES/77/208.
64 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/208 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/208, par. 1.
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38. Conformément à sa position constante65, la Malaisie affirme que l’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées du Territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, de même que d’autres pratiques et mesures portant atteinte aux droits des Palestiniens, violent le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
39. Il sera montré dans la présente section que cette violation concerne chacun des quatre éléments centraux du droit à l’autodétermination examinés dans la section IV ci-dessus, à savoir le droit du peuple palestinien : A) à l’intégrité de son territoire ; B) à l’unité nationale et à la protection de son intégrité en tant que peuple ; C) à la souveraineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles ; et D) à la liberté de poursuivre son développement économique, social et culturel. Enfin, en conclusion de la présente section, il sera souligné que E) l’occupation dans son ensemble est illicite au regard du droit international.
A. Le droit des peuples à l’intégrité territoriale
40. Les pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé constituent un manquement à l’obligation de respecter l’intégrité du territoire sur lequel le peuple palestinien est habilité à exercer son droit à l’autodétermination.
41. Premièrement, en prétendant annexer Jérusalem-Est, en juillet 1980, Israël a tenté de modifier le statut juridique d’une partie du territoire du peuple palestinien66. L’Assemblée générale a dénoncé cette prétendue annexion dès décembre 198067. En outre, dans sa résolution 478 de 1980, le Conseil de sécurité a censuré « dans les termes les plus énergiques l’adoption par Israël de la “loi fondamentale” sur Jérusalem », déclarant également que
« toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, qui [avaie]nt modifié ou vis[ai]ent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem, et en particulier la récente “loi fondamentale” sur Jérusalem, [étaie]nt nulles et non avenues et d[e]v[ai]ent être rapportées immédiatement »68.
42. Deuxièmement, en persistant à établir des colonies de peuplement, ainsi que les infrastructures et les régimes qui leur sont associés, ou à faciliter cet établissement, Israël commet des actes d’annexion de facto. Ses activités de peuplement continuent de prendre de l’ampleur. En 2022, dans son rapport à l’Assemblée générale, le Secrétaire général a relevé que
« [l]es projets de construction de colonies s’[étaie]nt accélérés, les autorités israéliennes ayant proposé ou approuvé la construction de près de 9 200 logements en Cisjordanie occupée (7 200 dans la zone C et 2 000 à Jérusalem-Est), contre 6 800 logements au
65 Voir, tout dernièrement, le message du premier ministre malaisien à l’occasion de la commémoration du soixante-quinzième anniversaire de la Nakba, 15 mai 2023 : « La Malaisie continue résolument de condamner la création par Israël de colonies de peuplement illicites dans le Territoire palestinien occupé, et l’oppression du peuple palestinien qui se voit empêché d’exercer son droit inhérent et inaliénable à l’autodétermination », accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/nakba75/.
66 État d’Israël, loi fondamentale : Jérusalem, capitale d’Israël — 5740-1980.
67 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 35/169 E du 15 décembre 1980, doc. A/RES/35/169E, par. 2-3.
68 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 478 du 20 août 1980, doc. S/RES/478, par. 1 et 3. Voir également la résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), par. 3.
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cours de la période précédente. Au 31 mai 2022, 1 900 des projets prévus dans la zone C en étaient à la dernière étape de la procédure d’approbation. »
69
43. Lesdits projets renvoient à l’implantation de nouvelles colonies de peuplement et à l’expansion de colonies existantes70, tant en Cisjordanie qu’à Jérusalem-Est71. Pour faciliter cette expansion, Israël a fourni aux colons l’accès à des services et des infrastructures de base, et a étendu l’application du droit israélien aux colons installés dans le Territoire palestinien occupé72. Cette expansion s’est traduite, dans le territoire occupé, par la prolifération et la consolidation d’enclaves complètement entourées de terres contrôlées par Israël.
44. Le transfert de civils dans un territoire occupé constitue, en soi, une violation du droit international humanitaire ainsi qu’un crime de guerre73. Ainsi que l’a réaffirmé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2334 de 2016, dont la Malaisie s’est portée coauteure, la création de colonies de peuplement « constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable »74. En outre, la création de colonies de peuplement par Israël et le soutien que celui-ci apporte à ces établissements participent d’une annexion de facto qui est illicite. Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a estimé que la construction du mur et le régime qui lui est associé, en tant qu’ils créent sur le terrain un « fait accompli » qui pourrait fort bien devenir permanent, pourraient « équiva[loir] à une annexion de facto »75. Il en est de même, par analogie, du projet d’implantation de colonies en Territoire palestinien occupé dans son ensemble76. L’ampleur de la colonisation, la durée de l’occupation, l’extension de la législation israélienne aux colons de Cisjordanie77 et les récentes déclarations de dirigeants israéliens78 démontrent l’intention d’Israël d’imposer indéfiniment son autorité sur de vastes parties du territoire palestinien.
69 Nations Unies, rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 4.
70 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 24-30 ; quatrième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk », 21 octobre 2019, doc. A/74/507, par. 15-16 et 19 ; cinquième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 14.
71 Nations Unies, Comité des droits de l’homme, « Observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël », 5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 14 ; troisième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2018, doc. A/73/447.
72 Nations Unies, troisième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk », 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 48-59.
73 Sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève ; alinéa viii) de la litt. b) du paragraphe 2 de l’article 8 du Statut de Rome.
74 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334(2016), par. 1.
75 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121.
76 Nations Unies, troisième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 29-60.
77 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 46.
78 Ibid., par. 52 ; Nations Unies, troisième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 58-59. Voir également Assemblée générale, résolution 77/126 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, par. 7 : «se dit gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé » ; résolution 76/82 du 15 décembre 2021, doc. A/RES/76/82, par. 7.
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45. Les pratiques israéliennes d’annexion de jure et de facto, ainsi que leur corollaire, la création d’enclaves divisant le Territoire palestinien occupé, violent le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
B. Le droit à l’unité nationale et à la protection de son intégrité en tant que peuple
46. Le droit à l’autodétermination implique le droit des peuples à l’unité nationale et à la protection de leur intégrité en tant que peuples79. Or, Israël a mis en oeuvre un grand nombre de mesures visant à modifier la composition démographique du Territoire palestinien occupé, et a imposé des politiques qui créent des enclaves palestiniennes, limitent la circulation des Palestiniens, et fragmentent la population palestinienne.
47. Premièrement, le projet de colonisation dans son ensemble et l’annexion illicite du Territoire palestinien par Israël ont eu pour principale conséquence la destruction de l’unité et de l’intégrité du peuple palestinien. Les colonies implantées ont pour effet, et pour but, de modifier la composition démographique du Territoire palestinien occupé. C’est ce qui a été maintes fois reconnu tant par l’Assemblée générale80 que par le Conseil de sécurité81. Les colonies de peuplement isolent également les communautés palestiniennes les unes des autres, et les infrastructures et les mesures de sécurité qui leur sont associées « divisent de fait la Cisjordanie en zones séparées, fragmentées et déconnectées »82. C’est pourquoi, dans sa résolution en date du 4 avril 2023, le Conseil des droits de l’homme, s’étant lui aussi déclaré profondément préoccupé
« par la fragmentation du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et par les changements intervenus dans sa composition démographique en raison de la poursuite de la construction et de l’extension des colonies de peuplement, du transfert forcé de Palestiniens et de la construction du mur par Israël, souligne que cette fragmentation, qui compromet la possibilité pour le peuple palestinien de réaliser son droit à l’autodétermination, est incompatible avec les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, et insiste à cet égard sur la nécessité de respecter et de préserver l’unité, la continuité et l’intégrité territoriales de tout le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »83.
48. Deuxièmement et à titre corollaire, Israël impose diverses mesures qui touchent les droits de résidence et la liberté de circulation des Palestiniens, qui ont pour effet d’atomiser la population
79 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1514 du 14 décembre 1960, doc. A/RES/1514, par. 6. Voir également résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
80 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, par. 2 ; et résolution 76/82 du 15 décembre 2021, doc. A/RES/76/82, par. 2.
81 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334(2016), préambule, quatrième alinéa :
« Condamnant toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes. »
82 Nations Unies, cinquième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 9.
83 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 52/34 du 4 avril 2023 intitulée « Droit du peuple palestinien à l’autodétermination », doc. A/HRC/RES/52/34, par. 5. Voir également rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 30. Voir aussi Nations Unies, Conseil économique et social, résolution 2022/22 du 22 juillet 2022, doc. E/RES/2022/22, par. 2, soulignant « qu’il faut préserver la continuité, l’unité et l’intégrité territoriales du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ».
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palestinienne. Dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, le Comité des droits de l’homme a exprimé sa profonde préoccupation quant à la pratique systématique de démolitions et d’expulsions forcées à laquelle Israël se livre en Cisjordanie
84. Le blocus de Gaza restreint la circulation des Palestiniens vers et depuis le territoire85. À Jérusalem-Est, certains ont vu leur droit de résidence limité ou révoqué86, et de nombreux cas d’expulsion forcée ont été recensés87. En outre, ainsi que l’a relevé le rapporteur spécial, M. Michael Lynk, dans son sixième rapport à l’Assemblée générale,
« [l]es restrictions à la liberté de circulation ont été maintenues dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé en tant que méthode permettant à Israël de faire respecter son régime d’occupation. Des restrictions ont été imposées aux déplacements des Palestiniens entre la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza, ainsi qu’aux déplacements à l’étranger. Quelque 593 points de contrôle et barrages routiers israéliens continuent d’entraver effectivement l’accès des Palestiniens à leurs droits et services, notamment en matière de santé, d’éducation et de travail. »88
49. Considérées individuellement et collectivement, ces mesures et pratiques compromettent l’unité et l’intégrité du peuple palestinien, et, partant, violent son droit à l’autodétermination.
C. Le droit des peuples à la souveraineté permanente sur leurs richesses et sur leurs ressources naturelles
50. Israël se livre à diverses pratiques qui entravent le droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles.
51. Premièrement, en ce qui concerne les terres, le dossier factuel présenté à la Cour atteste de nombreux cas d’expropriation. Dans son rapport de septembre 2022, la Commission d’enquête internationale indépendante a décrit en détail les pratiques d’Israël consistant à désigner de vastes superficies comme « terres domaniales »89, ainsi qu’à exproprier des terres palestiniennes pour créer des colonies, des zones militaires et des réserves naturelles90. Dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, en date de 2022, le Comité des droits de l’homme a, dans le même esprit, exhorté Israël à « mettre fin à la pratique consistant à exproprier des
84 Nations Unies, Comité des droits de l’homme, « Observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël », 5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42.
85 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 20 ; Nations Unies, rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, 13 février 2023, doc. A/HRC/52/75, par. 13.
86 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 35 ; voir également Assemblée générale, résolution 77/126 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/126.
87 Nations Unies, rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 23-27.
88 Nations Unies, sixième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 13. Voir également Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observations finales concernant le quatrième rapport périodique d’Israël », 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO.4, par. 11 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 189-194, par. 133-137.
89 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 33.
90 Ibid., par. 31-32 et 34.
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Palestiniens et la population arabe syrienne de leurs terres et à déclarer celles-ci “terres d’État” à des fins de colonisation »
91.
52. Deuxièmement, s’agissant de l’eau, la même Commission d’enquête internationale indépendante a constaté qu’« Israël a[vait] pris le contrôle de toutes les ressources en eau de la Cisjordanie et en utilis[ait] une grande partie pour satisfaire ses propres besoins »92. Pour sa part, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a demandé instamment à Israël, dans ses plus récentes observations finales le concernant, de « mettre un terme à la destruction des infrastructures hydrauliques palestiniennes et faire en sorte que les Palestiniens aient accès à une eau salubre et potable en quantité suffisante »93. Les pratiques auxquelles Israël se livre dans le Territoire palestinien occupé et qui ont une incidence sur l’accès des Palestiniens à l’eau et leur utilisation de cette ressource sont également décrites en détail dans d’autres rapports récents94.
53. Troisièmement, ont également été répertoriées diverses autres pratiques d’exploitation de ressources naturelles, telles que l’exploitation de carrières de pierre, gravier et autres minéraux95, ainsi que l’octroi de permis d’extraire du pétrole et du gaz96.
54. L’Assemblée générale a invariablement reconnu que l’exploitation par Israël des ressources naturelles du Territoire palestinien occupé était illicite. Dans sa résolution 3175 de 1973, elle a réaffirmé que « toutes les mesures prises par Israël pour exploiter les ressources humaines et naturelles des territoires arabes occupés [étaient] illégales » et a demandé à Israël « de mettre immédiatement un terme à ces mesures »97. Elle a ensuite réitéré cette demande dans diverses résolutions98. Tout dernièrement, dans sa résolution 77/187 du 14 décembre 2022, adoptée par 159 voix contre 8, l’Assemblée générale a
« 1. [r]éaffirm[é] les droits inaliénables du peuple palestinien et de la population du Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles, notamment leurs terres et les ressources en eau et en énergie ;
91 Nations Unies, Comité des droits de l’homme, « Observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël », 5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 15, al. b).
92 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 35.
93 Nations Unies, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observations finales concernant le quatrième rapport périodique d’Israël », 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO.4, par. 47.
94 Voir, par exemple, Nations Unies, rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », 15 octobre 2021, doc. A/HRC/48/43 ; voir également Nations Unies, premier rapport de la rapporteuse spéciale Francesca Albanese, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 49 et 51.
95 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 37.
96 Nations Unies, premier rapport de la rapporteuse spéciale Francesca Albanese, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 50-51 ; Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observations finales concernant le quatrième rapport périodique d’Israël », 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO.4, par. 14-15.
97 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 3175 du 17 décembre 1973, doc. A/RES/3175, par. 2 ; rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », 15 octobre 2021, doc. A/HRC/48/43, par. 38.
98 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 3336 du 17 décembre 1974, doc. A/RES/3336, par. 2 ; résolution 51/190 du 16 décembre 1996, doc. A/RES/51/190, par. 2-3 ; résolution 67/229 du 21 décembre 2012, doc. A/RES/67/229, par. 1-2.
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2. [e]xig[é] d’Israël, Puissance occupante, qu’il cesse d’exploiter, d’altérer, de détruire, d’épuiser et de mettre en péril les ressources naturelles du [t]erritoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et du Golan syrien occupé. »
55. Pareilles pratiques, auxquelles Israël continue de se livrer, portent atteinte au droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles, et violent donc le droit des Palestiniens à l’autodétermination.
D. Le droit d’un peuple à poursuivre librement son développement économique, social et culturel
56. Les pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ont également pour effet d’empêcher le peuple palestinien de poursuivre librement son développement économique, social et culturel.
57. Premièrement, pour ce qui est du développement économique, l’exploitation de ressources naturelles dont il a été question dans la précédente sous-section a directement compromis les perspectives économiques du peuple palestinien et sapé son économie. De surcroît, l’administration du régime global d’occupation a également eu des effets catastrophiques sur la situation économique des Palestiniens. Elle a notamment donné lieu à des pratiques restrictives en matière de zonage et de planification qui font obstacle au développement. Ainsi, dans son rapport de 2022, la Commission d’enquête internationale indépendante a indiqué que « [l]es Palestiniens obtiennent rarement les permis nécessaires pour construire des structures résidentielles ou des structures destinées à des activités économiques ou pour mettre en place des infrastructures » en Cisjordanie99. Le blocus de Gaza a paralysé son économie100. Enfin, ainsi que l’a affirmé l’Assemblée générale, la construction du mur et la colonisation dans son ensemble ont pesé lourdement sur la conjoncture et le développement économiques du territoire occupé101.
58. Deuxièmement, l’occupation dans son ensemble a empêché le peuple palestinien de poursuivre librement son développement social, en ce qu’elle repose sur des pratiques systémiques et institutionnalisées qui entravent à tous égards le bon fonctionnement de la société. Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a estimé que la construction du mur et le régime qui lui est associé avaient entraîné, pour la population locale, « des difficultés … d’accès aux services de santé, ainsi qu’aux établissements scolaires et à l’approvisionnement primaire en eau »102. Cette conclusion
99 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 42.
100 Nations Unies, cinquième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 15 :
« Les habitants de Gaza ont vu pratiquement tous leurs droits fondamentaux bafoués sous le poids du blocus, car ils n’ont toujours pas accès à des logements, à une éducation, à une eau et à un assainissement adéquats. L’insécurité alimentaire est endémique. Gaza connaît l’un des taux de chômage les plus élevés au monde (estimé à environ 45 %), avec des niveaux de pauvreté qui dépassaient les 53 % à la fin de l’année 2019. L’économie de Gaza est à l’agonie, avec une croissance du produit intérieur brut pratiquement nulle en 2019 et des exportations qui ont presque disparu en raison du bouclage et des restrictions sévères. »
Voir également Nations Unies, quatrième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 21 octobre 2019, doc. A/74/507, par. 9 ; et troisième rapport du rapporteur spécial Michael Lynk, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 9.
101 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, préambule et par. 1.
102 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 189-192, par. 133-134.
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vaut, à plus grande échelle et avec plus de force encore, s’agissant de l’occupation dans son ensemble. Dans son rapport de 2022, la Commission d’enquête internationale indépendante a fait le constat suivant :
« Israël a créé et maintient un environnement coercitif complexe, caractérisé notamment par la destruction d’habitations et de biens, l’emploi excessif de la force par les forces de sécurité, l’incarcération massive, les violences des colons, la restriction des déplacements aux points de contrôle et sur les routes, et les contraintes qui réduisent l’accès aux moyens de subsistance, aux produits de première nécessité, aux services et à l’aide humanitaire. »103
59. Troisièmement, la fragmentation du territoire du peuple palestinien résultant de l’occupation et de l’implantation de colonies empêche celui-ci de poursuivre librement son développement culturel. Les restrictions à la circulation décrites ci-dessus empêchent les Palestiniens d’accéder aux sites religieux et culturels situés dans d’autres parties du territoire occupé104. L’Assemblée générale a condamné les actes de violence commis par des colons contre des civils palestiniens et contre leurs biens, y compris des sites historiques et religieux105. La liberté d’association et la liberté d’expression sont soumises à des restrictions qui entravent lourdement les pratiques culturelles des Palestiniens106.
60. En somme, les politiques et pratiques d’Israël portent indûment atteinte au droit du peuple palestinien de poursuivre librement son développement économique, social et culturel107, violant ainsi son droit à l’autodétermination.
E. L’occupation dans son ensemble est illicite
61. Les pratiques d’Israël portent atteinte à chacun des droits, examinés plus haut, qui font partie intégrante, et essentielle, du droit à l’autodétermination. Sont ainsi violés les droits du peuple palestinien : à l’intégrité territoriale ; à l’unité nationale et à la protection de son intégrité en tant que peuple ; à la souveraineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles ; et à la liberté de poursuivre son développement économique, social et culturel.
62. La Malaisie soutient en outre que l’occupation dans son ensemble est illicite. Premièrement, les pratiques systémiques qui touchent le territoire, l’unité et l’intégrité du peuple,
103 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 55. Voir également Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, « Observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques », 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 22 ; Conseil des droits de l’homme, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 20 avril 2023, doc. A/HRC/RES/52/35, par. 7.
104 Nations Unies, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observations finales concernant le quatrième rapport périodique d’Israël », 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO.4, par. 70-71.
105 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/126, préambule. Voir également rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 1er octobre 2020, doc. A/75/376, par. 22 ; pour ce qui est des obligations d’Israël de prévenir ces violences, voir Comité des droits de l’homme, « Observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël », 5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 24.
106 Nations Unies, rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 47.
107 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe.
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l’exploitation de ressources et le développement participent de cette occupation. Elles en sont la manifestation concrète. Deuxièmement, l’occupation dans son ensemble a empêché et empêche encore le peuple palestinien de déterminer librement son statut politique, au rebours du droit à l’autodétermination. Ainsi, comme l’Assemblée générale le répète depuis plus de cinquante ans
108, l’occupation continue de priver le peuple palestinien du droit de disposer de lui-même. Troisièmement, l’occupation israélienne du territoire du peuple palestinien n’est susceptible d’aucune justification admise en droit international. Comme cela était vrai de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie après que l’Assemblée générale eut mis fin au mandat en 1966109, la présence continue d’Israël est illicite au regard du droit international.
63. En résumé, l’occupation dans son ensemble est illicite au regard du droit international.
VI. CONSÉQUENCES JURIDIQUES
64. Les conséquences juridiques de la violation par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination sont exposées dans la présente section.
65. S’agissant d’Israël, celui-ci a l’obligation de mettre immédiatement fin110 à chacun des faits illicites décrits ci-dessus et de réparer intégralement le préjudice causé au peuple palestinien111.
66. L’obligation de cessation impose à Israël de :
a) mettre immédiatement fin à chacune des pratiques contraires au droit à l’autodétermination qui sont décrites ci-dessus ;
b) se retirer immédiatement du Territoire palestinien occupé.
67. L’obligation de réparation impose à Israël de procéder à :
a) la restitution — consistant dans « le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis »112. Elle impliquera, à tout le moins, le retrait et l’abrogation de tous les actes législatifs, réglementaires, militaires et autres, qui, pris individuellement et collectivement,
108 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 2649 (XXV) du 30 novembre 1970, doc. A/RES/2649, par. 5 ; 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, doc. A/RES/3236 (XXIX) ; 40/25 du 29 novembre 1985, doc. A/RES/40/25 ; 55/87 du 21 février 2001, doc. A/RES/55/87 ; 77/208 du 15 décembre 2022, doc. A/RES/77/208. Voir également le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 75-84.
109 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2145 (XXI) du 27 octobre 1966, doc. A/RES 2145. Voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 58, par. 133 ; Conseil de sécurité, résolution 301 du 20 octobre 1971, doc. S/RES/301.
110 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 146, point 12 du dispositif ; Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », art. 30.
111 Usine de Chorzów, compétence, arrêt no 8, 1927, C.P.J.I. série A no 9, p. 21 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022, p. 43, par. 70 ; Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », art. 31.
112 Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite », art. 35.
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violent le droit à l’autodétermination
113, y compris ceux qui portent atteinte au droit du peuple palestinien à l’intégrité territoriale ainsi qu’à son unité et son intégrité en tant que peuple. Elle impliquera également la restitution des terres et des biens ayant fait l’objet d’une expropriation illicite ;
b) l’indemnisation, dans la mesure où le dommage n’est pas réparé par la restitution114. Cette indemnisation couvrira tout préjudice, tant matériel que moral115, résultant de la violation par Israël du droit à l’autodétermination, y compris les dommages causés aux terres, aux biens et à l’agriculture du peuple palestinien, et ceux causés par toute atteinte au droit à la vie, à l’intégrité physique, à la liberté, à la libre circulation et à tout autre droit. Elle couvrira également tout préjudice résultant de l’exploitation des ressources naturelles et de la privation systématique du droit du peuple palestinien de poursuivre librement son développement économique, social et culturel.
68. S’agissant de tous les autres États, le fait que le comportement d’Israël constitue une « violation grave »116 d’une norme impérative du droit international emporte des conséquences particulières, énoncées à l’article 41 des articles sur la responsabilité de l’État dans les termes suivants :
« 1) Les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens de l’article 40.
2) Aucun État ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de l’article 40, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation. »117
69. L’obligation de coopérer nécessite une coopération institutionnalisée entre tous les États, y compris dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies118 et d’organisations régionales, ainsi qu’une coopération non institutionnalisée, en vertu d’un arrangement ad hoc119, visant à mettre un terme à la violation par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
113 Voir, notamment, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197-198, par. 151.
114 Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », art. 36.
115 Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », art. 31, par. 2 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022, p. 43, par. 70.
116 Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », art. 40, par. 1.
117 Ibid., art. 41 ; Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54-56, par. 119 et 127.
118 Voir également Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
119 Ainsi qu’il a été relevé dans le commentaire du projet de conclusion 19, par. 10, Commission du droit international, « Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) », doc. A/77/10 (2022) :
« L’obligation de coopérer pour mettre fin aux violations graves de normes impératives du droit international général (jus cogens) peut également être exécutée, par exemple, en vertu d’un arrangement ad hoc conclu par un groupe d’États agissant de concert pour mettre fin à la violation d’une norme impérative. »
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70. L’obligation de ne pas reconnaître la situation créée par la violation grave par Israël du droit à l’autodétermination impose à l’ensemble des États de s’abstenir de tout acte portant reconnaissance, ou impliquant une reconnaissance, de la licéité de cette situation. Ainsi que la Commission du droit international l’a relevé,
« [c]ette obligation s’applique dans le cas des “situations” créées par ces violations, telles que, par exemple, la tentative d’acquisition de la souveraineté sur un territoire par le biais du déni du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle vise non seulement la reconnaissance officielle de ces situations mais aussi l’interdiction de tous actes qui impliqueraient une telle reconnaissance. »120
71. Tous les États doivent dès lors s’abstenir de tout acte portant reconnaissance, ou impliquant une reconnaissance, des revendications territoriales illicites d’Israël, des colonies de peuplement déjà créées et de la poursuite des implantations de colonies, de l’exploitation de ressources naturelles, et d’autres activités économiques liées à la violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination121.
72. L’obligation de ne prêter ni aide ni assistance impose à tous les États de s’abstenir de toute forme de soutien permettant à Israël de poursuivre son occupation illicite et de continuer de violer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Il en est ainsi de la fourniture de matériel, d’armes, de technologies et d’aide financière. Cette obligation impose également aux États de soumettre à des règles les personnes morales relevant de leur juridiction et dont les actions contribuent à la persistance de la violation par Israël du droit à l’autodétermination.
VII. SYNTHÈSE
73. Compte tenu des renseignements et des arguments présentés ci-dessus, la Malaisie prie respectueusement la Cour de :
a) répondre à la demande de l’Assemblée générale ;
b) réaffirmer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ;
c) dire que, dans son ensemble, l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé est illicite au regard du droit international en ce qu’elle porte atteinte au droit du peuple palestinien à l’autodétermination ;
120 Nations Unies, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs », commentaire du paragraphe 5 de l’article 41, par. 5.
121 Voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016), par. 1 et 5 :
« 1. Réaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5. Demande à tous les États, compte tenu du paragraphe 1 de la présente résolution, de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».
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d) dire qu’Israël viole les droits constitutifs du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à savoir :
i) le droit du peuple palestinien à l’intégrité de son territoire ;
ii) le droit du peuple palestinien à l’unité nationale et à la protection de son intégrité en tant que peuple ;
iii) le droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles ; et
iv) le droit du peuple palestinien de poursuivre librement son développement économique, social et culturel ;
e) dire qu’Israël, en conséquence, est dans l’obligation de mettre fin immédiatement à chacune de ces pratiques illicites et de se retirer immédiatement du Territoire palestinien occupé ;
f) dire qu’Israël, en conséquence, est dans l’obligation de réparer intégralement le préjudice causé au peuple palestinien ;
g) dire que tous les États sont dans l’obligation de coopérer pour faire cesser la violation persistante du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de ne pas reconnaître cette situation comme licite, et de s’abstenir de prêter aide ou assistance au maintien de celle-ci.
*
* *
Au nom de la Malaisie, j’ai l’honneur de soumettre à la Cour le présent exposé écrit.
La Haye, le 25 juillet 2023.
L’ambassadrice de la Malaisie auprès du Royaume des Pays-Bas,
(Signé) Dato’Nadzirah OSMAN.
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Exposé écrit de la Malaisie