Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18851
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU KOWEÏT
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION
L’État du Koweït, affirmant solennellement son attachement à la Charte des Nations Unies (ci-après la « Charte ») et aux règles du droit international, qu’il considère comme essentielles à la réalisation de la paix et de la sécurité internationales, convaincu du rôle que jouent les Nations Unies à cet égard et de la responsabilité qui demeurera la leur relativement à la question de la Palestine tant que celle-ci n’aura pas été résolue dans tous ses aspects, de manière satisfaisante et conforme au droit international1, attaché au respect des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies, et à l’avis consultatif donné par la Cour internationale de Justice le 9 juillet 2004, respectueux du droit des peuples à l’autodétermination, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des États, au vu de l’importance que revêt pour lui la question palestinienne, et du soutien, non moins indéfectible que la solidarité, qu’il n’a cessé de témoigner au peuple palestinien ainsi qu’à ses droits inaliénables et à la juste cause qui est la sienne, soumet le présent exposé écrit conformément à l’ordonnance de la Cour du 3 février 2023 sur les Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
1. L’État du Koweït rappelle que l’injustice historique subie par le peuple palestinien trouve son origine dans le détournement du régime de mandat au détriment de ce peuple et de son droit à l’autodétermination, dans le partage non consenti de son territoire et dans la catastrophe de 1948 (Nakba) qui s’en est suivie, marquée par le déplacement forcé de centaines de milliers de Palestiniens ainsi que la confiscation illicite de leur terre occasionnés par la conquête militaire des milices sionistes. En juin 1967, les 22 % restants de la Palestine historique étaient occupés par les forces israéliennes, et ils demeurent à ce jour sous occupation coloniale.
2. L’État du Koweït considère qu’Israël a cherché à consolider et à pérenniser sa longue occupation du territoire palestinien par divers moyens illicites, dont la colonisation et l’annexion du territoire palestinien qu’il occupe depuis 1967, le déplacement forcé du peuple palestinien, la confiscation de ses terres et la démolition de ses habitations, le transfert illicite de colons israéliens, et les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, en ce compris la construction du mur d’annexion et l’adoption d’une législation et de pratiques discriminatoires, toutes ces actions étant en violation flagrante du droit international et des résolutions pertinentes des Nations Unies.
3. Les actions menées par Israël en territoire palestinien constituent un emploi illicite de la force tendant à perpétuer l’occupation, portent atteinte au droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance de l’État de Palestine et affectent tous les aspects de la vie du peuple palestinien.
4. L’État du Koweït a toujours fermement rejeté l’emploi de la force ou la menace de l’emploi de la force dans les relations internationales et n’a cessé d’affirmer combien il importe de respecter l’indépendance et la souveraineté des États et de garantir la protection des civils.
5. Par conséquent, l’État du Koweït condamne l’emploi de la force par Israël comme moyen d’imposer et de maintenir son contrôle dans le Territoire palestinien occupé en violation flagrante de l’alinéa 4 de l’article 2 de la Charte, qui se lit comme suit :
1 Résolution 77/22 de l’Assemblée générale, 30 novembre 2022.
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« L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l’article 1, doivent agir conformément aux principes suivants :
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4) “Les Membres des Nations Unies s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.” »
6. L’emploi illicite de la force par Israël, puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé constitue une violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, selon l’alinéa 2 de l’article 1 de la Charte, qui énonce que les buts des Nations Unies sont, entre autres, de « [d]évelopper entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ».
7. Dans le présent exposé écrit, l’État du Koweït traite deux des questions soulevées dans la demande d’avis consultatif adressée à la Cour par l’Assemblée générale dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 2022, à savoir :
i) Quelles sont les conséquences juridiques des mesures prises par Israël visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ?
ii) Quelles sont les conséquences juridiques de l’occupation continue, de la colonisation et de l’annexion par Israël du territoire palestinien, y compris en ce qui concerne la violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ?
I. QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DES MESURES PRISES PAR ISRAËL VISANT À MODIFIER LA COMPOSITION DÉMOGRAPHIQUE, LE CARACTÈRE ET LE STATUT DE LA VILLE SAINTE DE JÉRUSALEM ?
8. La communauté internationale depuis des siècles et l’Organisation des Nations Unies depuis sa création accordent une attention particulière au statut juridique, politique et spirituel unique de Jérusalem. Les Nations Unies ont ainsi la responsabilité permanente d’assurer le respect et la protection de ce statut spécial. Toute mesure juridique ou politique prise par la puissance occupante en violation du statut spécial et universel de la Ville sainte, ou en vue d’annexer le territoire de Jérusalem, est contraire au droit international et à des résolutions des Nations Unies déjà anciennes.
9. L’annexion de Jérusalem-Ouest en 1949 puis celle de Jérusalem-Est à l’issue de la guerre de 1967 sont illicites et, par conséquent, nulles et non avenues. L’État du Koweït relève qu’il y a 43 ans, le Conseil de sécurité a critiqué en des termes on ne peut plus clairs (« déplore vivement », « [g]ravement préoccupé », « violation flagrante », « doivent être rapportées immédiatement », « font … gravement obstacle », « [d]emande instamment », « cesser immédiatement », « ne s’est pas conformé », « [c]ensure dans les termes les plus énergiques », « fait gravement obstacle », « [d]écide de ne pas reconnaître »)2 l’annexion illicite de Jérusalem menée par Israël sans égard pour le consensus international et son non-respect flagrant des multiples décisions et déclarations formulées jusqu’alors par les Nations Unies à ce sujet. Dans les années qui ont suivi, la puissance occupante a non seulement continué de ne faire aucun cas des décisions et déclarations des Nations Unies
2 Résolution du Conseil de sécurité 476, 30 juin 1980 ; ibid., 478, 20 août 1980.
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concernant Jérusalem, mais également redoublé d’efforts pour consolider l’annexion illicite de la ville et tenter de pérenniser sa revendication illicite de souveraineté.
10. Dès les premiers jours qui ont suivi la guerre de juin 1967, les Nations Unies ont clairement indiqué que toute mesure prise par la puissance occupante visant à annexer Jérusalem ou toute autre partie du Territoire palestinien occupé serait contraire au droit international et qu’elles s’y opposeraient. Dans les résolutions 2253 (ES-V)3 et 2254 (ES-V)4 de l’Assemblée générale, respectivement datées du 4 juillet 1967 et du 14 juillet 1967, la communauté internationale a rejeté à l’unanimité l’annexion israélienne de Jérusalem-Est et de certaines parties adjacentes de la Cisjordanie. La puissance occupante israélienne n’en a eu cure et a entrepris de créer sur le terrain une situation démographique, structurelle et institutionnelle qui consoliderait sa revendication de souveraineté « permanente ».
11. Par la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité et la résolution 77/126 (2022) de l’Assemblée générale, les Nations Unies ont récemment réaffirmé ses décisions et déclarations établissant le caractère illicite de l’annexion israélienne de Jérusalem.
12. L’État du Koweït considère que la puissance occupante doit se voir instruire de : i) mettre fin immédiatement, complètement et sans condition à l’annexion de Jérusalem ; ii) préserver, protéger et honorer le statut spécial et unique de la ville sainte de Jérusalem et le statu quo historique ; iii) reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et sa souveraineté dans l’ensemble du territoire palestinien qu’il a occupé en 1967, y compris Jérusalem-Est ; et iv) appliquer et respecter strictement le droit international ainsi que les décisions et positions des Nations Unies en ce qui concerne la ville sainte de Jérusalem.
II. QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE L’OCCUPATION CONTINUE, DE LA COLONISATION ET DE L’ANNEXION PAR ISRAËL DU TERRITOIRE PALESTINIEN, Y COMPRIS EN CE QUI CONCERNE LA VIOLATION DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION ?
13. L’État du Koweït réaffirme la position de l’Organisation des Nations Unies et de la communauté internationale selon laquelle la colonisation israélienne de Jérusalem-Est et du reste de la Cisjordanie par le transfert dans ces parties du Territoire palestinien occupé de plus de 700 000 colons israéliens et par l’établissement de centaines de colonies de peuplement constitue une violation flagrante du droit international et le moyen principal par lequel Israël cherche à atteindre son objectif, qui est d’annexer ce territoire et d’y exercer sa souveraineté permanente. Les colonies de peuplement israéliennes sont le moteur de l’occupation et la locomotive destinée à permettre de réaliser l’annexion du territoire palestinien.
3 « L’Assemblée générale, [p]rofondément préoccupée par la situation qui existe à Jérusalem du fait des mesures prises par Israël pour modifier le statut de la ville, [c]onsidère que ces mesures sont non valides ; [d]emande à Israël de rapporter toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem… ».
4 « L’Assemblée générale, [r]appelant sa résolution 2253 du 4 juillet 1967 … [p]renant note avec le plus profond regret et la plus profonde inquiétude du fait qu’Israël ne s’est pas conformé à la résolution 2253 (ES-V), [d]éplore qu’Israël ait manqué de mettre en oeuvre la résolution 2253 (ES-V) [du 4 juillet 1967], [r]éitère la demande qu’elle a adressée à Israël dans ladite résolution de rapporter toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem… ».
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14. Au début de l’année 2023, environ 730 000 colons israéliens et plus de 280 colonies de peuplement israéliennes étaient implantés en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est5. Quelque 230 000 colons sont installés à Jérusalem-Est et 500 000 en Cisjordanie. À cela s’ajoute un réseau dense de voies rapides à accès limité, de barrages routiers, de points de contrôle, de zones d’accès restreint et de militaires israéliens, qui représentent autant d’éléments contribuant à brider l’existence des Palestiniens, à compromettre leur sécurité, à asphyxier leur économie, et à violer leurs droits humains fondamentaux6.
15. Il ne fait aucun doute que l’implantation de colons et de colonies de peuplement israéliens est conçue pour créer « une situation sur le terrain » qui soit irréversible, et pour jeter les fondations juridiques et politiques de la revendication illicite de souveraineté de la puissance occupante. Comme l’a conclu le juriste Awn Shawkat Al-Khasawneh dans son rapport de 1997 sur l’implantation de colons, les transferts de population et les droits de l’homme, destiné à la Commission des droits de l’homme : « L’éventail des droits violés par les transferts de population et l’implantation de colons place ce phénomène dans la catégorie des violations massives des droits de l’homme. »7 Dans son rapport de 2021, le rapporteur spécial a conclu ce qui suit :
« La puissance conquérante avait ainsi pour objectif de consolider son contrôle politique et militaire, d’accroître sa pénétration économique et finalement de renforcer d’un point de vue juridique sa revendication de souveraineté permanente sur les terres conquises. Les colons transférés étaient presque toujours des citoyens ou des sujets volontaires de la puissance dominante, motivés par des incitations gouvernementales, de meilleures perspectives économiques, des privilèges juridiques et politiques spéciaux dans les terres dominées et, parfois, par des missions nationalistes, religieuses ou civilisatrices. »8
16. S’exprimant au travers des Nations Unies, la communauté internationale considère depuis longtemps que ces colonies de peuplement participent d’une « violation flagrante » de la quatrième convention de Genève et en particulier de l’alinéa 6 de son article 49. Cette clause interdit spécifiquement l’implantation de colons dans des territoires occupés afin de protéger les droits souverains, les ressources naturelles et les droits humains des peuples occupés. L’alinéa 6 de l’article 49 se lit comme suit : « La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. »9
5 Peace Now – Population.
6 Voir, de manière générale : Nations Unies, Assemblée générale, rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », A/77/493, 3 octobre 2022 ; Conseil des droits de l’homme, rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », A/HRC/52/76, 15 mars 2023 ; ibid., « Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », A/HRC/22/63, 7 février 2013, ainsi que les rapports régulièrement publiés par le bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires dans le territoire palestinien occupé (OCHA) (http://www.ochaopt.org/).
7 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », A/HRC/47/57, 29 juillet 2021, par. [40].
8 Ibid., par. 29.
9 Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, United States Treaty, vol. 6, p. 3516, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 75, p. 287, alinéa 6 de l’article 49.
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17. Le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions condamnant explicitement les colonies de peuplement israéliennes comme contraires au droit international10. Dans la plus récente d’entre elles, la résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, elle réaffirme que
« la création par [la puissance occupante] de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable ».
18. Le Conseil de sécurité a exigé de la puissance occupante qu’elle « arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement » et prié le Secrétaire général de lui faire rapport tous les trois mois sur la mise en oeuvre des dispositions de la résolution. Dans chacun des 26 rapports trimestriels qu’il a présentés au Conseil entre le début de l’année 2017 et juin 2023, le Secrétaire général a indiqué que la puissance occupante n’avait pris aucune mesure pour se conformer à cette exigence impérative et avait, au contraire, poursuivi ses activités de peuplement11.
19. De son côté, l’Assemblée générale a adopté plus de 160 résolutions depuis 1971, toujours à une très large majorité, déclarant que les colonies de peuplement israéliennes constituent une violation de la quatrième convention de Genève12. La résolution 77/126, adoptée en décembre 2022, est la dernière prise par l’Assemblée générale à ce sujet13. On y lit ce qui suit :
« Affirmant que le transfert par la Puissance occupante d’une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe constitue une violation de la quatrième Convention de Genève,
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Condamnant les activités de peuplement menées par [la] Puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qu’elle considère comme des violations du droit international humanitaire, des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, des accords conclus entre les parties et des obligations découlant de la feuille de route établie par le Quatuor, et comme des actes commis au mépris des appels lancés par la communauté internationale à la cessation de toutes les activités de peuplement,
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10 Résolutions du Conseil de sécurité 446 (1979) ; 452 (1979) ; 465 (1980) ; 471 (1980) ; 476 (1980) ; 478 (1980) et 2334 (2016).
11 S/2023/458 du 21 juin 2023, par. 2 :
« Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité … a exigé de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard. Aucune mesure n’a été prise dans ce sens au cours de la période considérée, les activités de peuplement s’étant poursuivies. »
12 La collection complète des résolutions est consultable sur le site Internet de l’Organisation des Nations Unies, à l’adresse suivante : http://domino.un.org /UNISPAL.NSF/vGARes. Si les résolutions de l’Assemblée générale n’ont pas normalement force de loi, l’adoption répétée d’une résolution pendant plusieurs années à une forte majorité peut lui donner le caractère d’une règle juridique.
13 Résolution de l’Assemblée générale 77/126, 12 décembre 2022.
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Réaffirme que les implantations israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé sont illégales et constituent un obstacle à la paix et au développement économique et social ;
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Exige une fois de plus l’arrêt immédiat et complet de toutes les activités de peuplement [de la puissance occupante] dans l[e] Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est …, et demande à cet égard l’[exécu]tion intégrale [de toutes les obligations juridiques incombant à la puissance occupante] ».
20. En 2012, Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge, a précisé la position du Comité sur le statut juridique des colonies de peuplement israéliennes14 :
« La politique de colonisation suivie par le gouvernement israélien représente l’un des traits marquants de l’occupation. La position défendue publiquement par le CICR est que cette politique constitue une violation du DIH et plus particulièrement de la disposition de la Quatrième Convention de Genève interdisant le transfert d’une partie de la population de la Puissance occupante — en l’occurrence, des ressortissants israéliens — dans le territoire occupé. Cette clause a pour objet d’empêcher la Puissance occupante de modifier la situation sociale, démographique et économique du territoire occupé, à l’encontre des intérêts de la population qui y réside. Le soutien déterminé et systématique apporté par le gouvernement israélien, au fil des ans, à la création de colonies, y compris par voie de réquisition de terres, a abouti précisément à cette fin, en modifiant en profondeur la situation économique et sociale de la Cisjordanie… »
21. En décembre 2014, les Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève ont tenu à Genève une réunion sur l’occupation du territoire palestinien par Israël. Dans une déclaration publiée le 17 décembre 2014, se référant à la puissance occupante, elles ont, aux paragraphes 4 et 8, affirmé ce qui suit :
4. « Les Hautes Parties contractantes participantes soulignent que la quatrième Convention de Genève, que toutes les Hautes Parties contractantes se sont engagées à respecter et à faire respecter en toutes circonstances, est toujours applicable et pertinente. À ce titre, elles appellent la Puissance occupante à respecter pleinement et effectivement la quatrième Convention de Genève dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est…
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8. Elles réaffirment le caractère illégal des colonies de peuplement dans ledit territoire, de leur expansion et des saisies illicites de biens correspondantes, ainsi que du transfert de prisonniers vers le territoire de la Puissance occupante15. »
22. En mars 2023, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a conclu que les colonies de peuplement israéliennes étaient non seulement illicites au regard du droit
14 « Obstacles au droit international humanitaire : la politique israélienne d’occupation », Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge (ci-après le « CICR »), Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 94, no 888, hiver 2012.
15 Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève, décembre 2014.
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international, mais aussi constitutives de crime de guerre susceptible d’engager la responsabilité pénale individuelle
16. Il a déclaré ce qui suit :
« L’établissement et l’expansion des colonies dans le Territoire palestinien occupé et le Golan syrien occupé … équivalent au transfert par [la puissance occupante] de sa propre population civile dans les territoires qu’[elle] occupe, ce que proscrit le droit international humanitaire, comme l’ont toujours souligné les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies, y compris la Cour internationale de Justice. De tels transferts constituent un crime de guerre, susceptible d’engager la responsabilité pénale individuelle des personnes impliquées. »
23. Le Gouvernement israélien n’ignorait déjà nullement, dans les mois qui ont suivi la guerre de juin 1967, que le droit international interdisait formellement l’implantation de colonies de peuplement de civils dans le Territoire palestinien occupé. En septembre 1967, Theodor Meron, alors conseiller juridique du ministre des affaires étrangères israélien, avait fourni au Gouvernement israélien un avis juridique sur la licéité des colonies de peuplement de civils dans le territoire occupé. Revenant, en 2017, sur l’avis qu’il avait ainsi donné 50 ans plus tôt, Meron a observé ce qui suit :
« l’établissement de colonies de peuplement de civils dans la Cisjordanie occupée et d’autres territoires conquis constitue une violation de la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et, plus particulièrement, de l’interdiction des colonies de peuplement (alinéa 6 de son article 49). Cette interdiction, avais-je écrit, est catégorique, “ne dépend ni des motifs ni des buts du transfert et vise à empêcher la colonisation d’un territoire conquis par des ressortissants de l’État conquérant”. Toute mesure visant à placer des ressortissants dans un territoire occupé ne peut être exécutée que par des “organes militaires et non civils sur des bases [militaires]”, qui sont de nature évidemment temporaire. J’étais d’avis que la communauté internationale n’avait pas accepté la position du Gouvernement israélien selon laquelle la Cisjordanie était un territoire contesté et n’était donc pas un “territoire occupé”, y voyant un territoire occupé normal. L’implantation de colonies de peuplement israéliennes dans la zone “Etzion Bloc” sera perçue comme une preuve de l’intention d’annexer cette zone, avais-je prévenu. »17
24. L’État du Koweït considère qu’une puissance occupante qui construit des colonies de peuplement illicites dans le territoire occupé à des fins de conquête et pour trancher le lien essentiel entre le peuple occupé et son territoire, qui ne cesse de bafouer les résolutions claires et répétées des principaux organes de l’Organisation des Nations Unies lui prescrivant d’arrêter et d’inverser immédiatement, intégralement et sans condition le processus d’implantation de colonies de peuplement, qui continue de programmer l’installation de centaines de milliers de nouveaux colons dans le territoire occupé nonobstant la réprobation universelle que suscite cette mesure, ne respecte pas les principes des Nations Unies et agit en violation flagrante du droit international. Les conséquences juridiques d’un tel comportement illicite doivent être le retrait immédiat, sans condition, de tous les colons israéliens.
25. En outre, l’État du Koweït affirme que l’occupation d’un territoire par une puissance occupante belligérante est une situation de fait temporaire qui ne peut se prolonger indéfiniment, et encore moins devenir permanente. Selon des règles de droit international établies de longue date, la puissance occupante ne peut revendiquer la possession d’aucune partie du territoire qu’elle occupe
16 A/HRC/52/76, 15 mars 2023, par. 58.
17 L.F.L. Oppenheim, “The Legal Relations between an Occupying Power and the Inhabitants” (1917), 33 Law Quarterly Review 363-4.
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ni y exercer sa souveraineté. Ainsi que l’a déclaré l’éminent professeur de droit Lassa Oppenheim en 1917, « il est universellement admis que, par l’occupation militaire, l’autorité sur le territoire et les habitants ne passe aux mains de l’occupant que de facto et non de jure, que de manière temporaire et non permanente »
18.
26. Une puissance occupante ne peut donc annexer aucune partie du territoire qu’elle occupe. En droit international moderne, ce principe est énoncé au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte19 et dans la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États20. Relativement à l’occupation coloniale par Israël du territoire palestinien et d’autres territoires arabes, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 242 de novembre 1967, a spécifiquement entériné le principe de « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre » et il l’a depuis lors réaffirmé à de multiples occasions21. Le droit international interdit formellement toute mesure ou action de la puissance occupante visant à annexer la moindre partie du territoire, que ce soit par proclamation officielle ou non, que ce soit de jure ou de facto. L’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force ou par la guerre est, en droit international, une norme de jus cogens22.
27. L’État du Koweït souligne donc que l’occupation par Israël du territoire palestinien et d’autres territoires arabes était illicite depuis le début, et qu’elle le reste à ce jour, en tant qu’elle était le résultat d’une conquête militaire et qu’elle visait l’acquisition d’un territoire par la force. À cet égard, il précise qu’on ne saurait appliquer deux poids deux mesures lorsqu’il s’agit du respect de la Charte et des règles les plus fondamentales du droit international, notamment l’interdiction d’acquérir un territoire par la force et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
28. L’État du Koweït affirme l’importance capitale que revêt l’article 25 de la Charte, qui se lit comme suit : « Les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de Sécurité conformément à la présente Charte. »
29. L’État du Koweït rappelle que, dans son avis consultatif sur la Namibie (1971), la Cour a déclaré que, lorsqu’un organe compétent de l’Organisation des Nations Unies constate d’une manière obligatoire qu’une situation est illégale, « cette constatation ne peut rester sans conséquence ». Il existe « une obligation, pour les Membres des Nations Unies …, de mettre fin à cette situation »23. Et ainsi que l’a déclaré le juge Hirsh Lauterpacht dans son opinion individuelle en l’affaire de la Procédure de vote (1955)24,
18 Ibid.
19 Le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte interdit aux Membres de l’Organisation de recourir à « la menace ou à l’emploi de la force … contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ».
20 « Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale. »
21 Voir les résolutions du Conseil de sécurité 252 (1968), 267 (1969), 298 (1971), 476 (1980), 478 (1980), 497 (1981) et 2334 (2016).
22 Dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, l’acte d’annexion est qualifié d’agression, ce qui souligne la gravité du principe de l’« inadmissibilité » en droit international. Aux termes de l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 8bis, on entend par acte d’agression « [l]’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre État ».
23 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 117.
24 Procédure de vote applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au territoire du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1955, opinion individuelle du juge Lauterpacht, p. 120.
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« [un] État … qui persiste à ne pas tenir compte de l’avis de l’Organisation [des Nations Unies] solennellement exprimé et réitéré, et plus particulièrement dans le cas où l’expression de cet avis se rapproche de l’unanimité, peut finir par dépasser la limite imperceptible entre l’impropriété et l’illégalité, entre la discrétion et l’arbitraire, entre l’exercice de la faculté juridique de ne pas tenir compte de la recommandation et l’abus de cette faculté, et [être amené à constater] qu’il s’est ainsi exposé aux conséquences qui en découlent légitimement sous forme d’une sanction juridique ».
30. L’État du Koweït fait observer que la puissance occupante agit en contravention directe des nombreuses résolutions et décisions prises par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, y compris la résolution 476 du Conseil de sécurité du 30 juin 1980 dans laquelle ce dernier
« 1. [r]éaffirm[ait] la nécessité impérieuse de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem ;
2. [d]éplor[ait] vivement le refus continu d’Israël, la Puissance occupante, de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale ».
31. L’État du Koweït pose donc la question : si, en 1980 — après 13 années d’occupation —, il y avait une « nécessité impérieuse » de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires arabes occupés depuis 1967, que dire de cette occupation 43 ans plus tard, alors que la présence illicite d’Israël est encore plus marquée et plus forte ? Cette situation est devenue un oxymore juridique : une occupation permanente.
32. Et si le Conseil de sécurité « déplor[ait] vivement » en 1980 le refus de la puissance occupante de se conformer aux résolutions pertinentes des Nations Unies, que dire du refus d’Israël de respecter les résolutions des Nations Unies et le consensus international pendant les 43 années qui ont suivi ? De fait, Israël n’a eu de cesse de traiter par le mépris les centaines de résolutions adoptées par les Nations Unies relativement à son occupation illicite.
33. En conséquence, l’État du Koweït considère qu’Israël a agi en violation des divers devoirs et obligations juridiques auxquels il est tenu en tant que puissance occupante administrant un autre territoire. L’occupation israélienne n’est pas temporaire mais destinée à être permanente et irréversible, un acte de conquête interdit. De nature coloniale, elle s’est, dès le début, accompagnée d’une entreprise active d’annexion du territoire occupé en 1967. Israël a toujours agi de mauvaise foi et en foulant sciemment aux pieds les dizaines de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et les centaines d’autres adoptées par l’Assemblée générale à son sujet. Il a agi en violation de ses obligations juridiques et a créé un régime juridique, social et politique double, accordant des droits d’ordre juridique et politique complets aux colons illégalement transférés sur le territoire occupé, et déniant à la population protégée la jouissance de tous ses droits fondamentaux. Ce régime juridique double est constitutif d’apartheid.
34. L’État du Koweït voit dans l’occupation par Israël du territoire palestinien une situation illicite persistante qu’il s’agit, ipso facto, de condamner et de faire cesser intégralement, immédiatement et sans condition. Présentant des parallèles évidents avec le régime d’apartheid imposé au mépris du droit par l’Afrique du Sud à la Namibie, l’occupation qu’impose Israël constitue une violation absolue de ses obligations internationales et des règles les plus fondamentales du droit international, et sa présence dans le territoire occupé est illicite.
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35. Parmi les conséquences juridiques que l’Assemblée générale a prié la Cour de déterminer figure dès lors la nécessité pour la puissance occupante de se retirer intégralement, immédiatement et sans condition de toutes les parties du Territoire palestinien occupé, en procédant notamment au retrait complet de ses forces militaires et de ses colons. En outre, il doit être prescrit aux États Membres de l’Organisation des Nations Unies de reconnaître l’illicéité et l’invalidité de la situation, de ne pas prêter aide ou assistance à son maintien, et de prendre toutes les mesures juridiques requises pour contraindre la puissance occupante à mettre fin à son occupation et permettre au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination. Les Nations Unies doivent, de leur côté, reconnaître le caractère illicite de l’occupation israélienne du Territoire palestinien occupé, dans tous ses aspects, faciliter la cessation immédiate de cette occupation, s’abstenir de toute action destinée à la favoriser ou à l’encourager et prendre des mesures en vue de soutenir le peuple palestinien dans l’exercice de son droit à l’autodétermination.
36. À cet égard, l’État du Koweït rappelle la déclaration finale de la quatorzième conférence islamique au sommet tenue à La Mecque le 31 mai 2019, qui réaffirmait le rejet de toute position émise par tout organe international en soutien à l’occupation prolongée et au projet d’expansion des colonies de peuplement au détriment des droits nationaux légitimes du peuple palestinien. Il y était également exprimé le rejet de toutes les mesures et décisions israéliennes illicites visant à modifier la situation dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem Est, et à compromettre la solution des deux États, que ce soit par l’annexion ou par l’expansion de l’occupation colonialiste des territoires palestiniens.
37. Pour toutes les raisons exposées précédemment, l’État du Koweït prie l’honorable Cour d’assumer son rôle d’organe essentiel et efficace des Nations Unies, qui est d’établir des règles et principes de justice applicables dans le cadre de l’Organisation, et de donner la priorité à la règle de droit. Le monde n’a pas connu de tragédie semblable à celle que vit le peuple palestinien, qui doit voir sa terre ancestrale libérée du joug de l’occupation israélienne illicite afin de pouvoir jouir des droits fondamentaux dont peuvent se prévaloir tous les peuples en vertu du droit international, et notamment son droit inaliénable à l’autodétermination, y compris à l’indépendance de son État, et le droit de retour des réfugiés palestiniens.
L’ambassadeur de l’État du Koweït
auprès du Royaume des Pays-Bas,
(Signé) Ali Ahmad Ebraheem S ALDAFIRI.
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Exposé écrit du Koweït