Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18854
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
24 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
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I. Introduction ..................................................................................................................................... 1
II. Compétence de la Cour.................................................................................................................. 2
III. Pouvoir discrétionnaire. Caractère équitable de la procédure ...................................................... 4
IV. Portée des questions dont la Cour est saisie. Droit applicable ..................................................... 6
V. Rôle de la Cour en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies ....................... 9
VI. L’avis consultatif et les négociations sur le statut final ............................................................. 11
VII. Qualification du comportement d’Israël au regard du droit international ................................ 13
VIII. Conséquences juridiques des violations .................................................................................. 15
IX. Conclusion ................................................................................................................................. 16
I. INTRODUCTION
1. Vingt ans après l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour est de nouveau saisie d’une question liée au conflit palestino-israélien, l’une des plus complexes et politiquement sensibles parmi les préoccupations de la communauté internationale depuis des décennies. La présente procédure coïncide avec la présence au rôle de la Cour de plusieurs autres affaires mettant en jeu des considérations politiques. Celle-ci a en effet été saisie de requêtes découlant de graves crises politiques en cours, comme celles entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ou entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. D’autres concernent des problèmes à moyen et à long terme qui suscitent de vifs désaccords politiques entre États, telles les différentes procédures auxquelles l’Iran est partie ou la demande d’avis consultatif sur le changement climatique.
2. On pourrait considérer d’un oeil favorable la tendance à faire intervenir la Cour sur de telles questions, en ce qu’elle témoignerait de la volonté des États de régler leurs désaccords dans le cadre du droit international. Tel n’est malheureusement pas toujours le cas. Certains États tentent d’instrumentaliser la Cour, essentiellement afin d’abuser de ses procédures pour servir des objectifs politiques à court terme.
3. La mission de la Cour dans de telles affaires est extrêmement délicate. Elle doit demeurer fidèle à ses fonctions tout en évitant d’encourager le développement du recours stratégique aux voies judiciaires pour attaquer un ennemi. Elle devrait de surcroît garder à l’esprit que, ainsi que le démontre la pratique, la justice formelle n’est pas toujours propice au règlement efficace des conflits. L’érosion de l’autorité de la Cour pénale internationale illustre ce qu’il advient d’une instance judiciaire internationale lorsqu’elle fait le choix de céder à des pressions politiques unilatérales, au mépris des intérêts plus vastes de la communauté internationale en matière de règlement des conflits.
4. Certes, nous ne sommes pas ici en présence d’un abus des procédures de la Cour, mais il convient de garder à l’esprit la dimension éminemment politique de la présente procédure.
5. La présente demande d’avis consultatif touche au coeur même des contradictions entre Israël et la Palestine. Depuis le démantèlement de l’Empire ottoman, la communauté internationale s’efforce de parvenir à un règlement qui serve au mieux les intérêts des populations arabe et juive de la Palestine historique. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ces efforts tendent vers une solution à deux États, l’un juif et l’autre arabe. Le peuple d’Israël a réalisé son droit à l’autodétermination et vit heureux dans son propre État. Les Palestiniens n’ont pas encore réalisé ce rêve multigénérationnel. Hélas, les politiques adoptées par Israël constituent un obstacle majeur à cet égard. La mission de la Cour consiste à procéder à une évaluation juridique de ces politiques, et de le faire d’une manière qui, plutôt que de compliquer davantage la situation, contribuerait à trouver des solutions à long terme pour faire de la Palestine un État à part entière, indépendant, viable et d’un seul tenant qui vivrait en paix avec Israël. La Fédération de Russie est heureuse d’apporter son concours à cette mission, tant dans le cadre de la présente procédure que dans celui, plus vaste, de ses efforts diplomatiques.
6. La Russie est depuis longtemps un défenseur des droits des Palestiniens et de l’accession de la Palestine à la qualité d’État, et elle a reconnu l’État de Palestine. Elle jouit, tant avec la Palestine qu’avec Israël, de relations cordiales fondées sur de profonds liens historiques, culturels et démographiques, dont la valeur spirituelle des lieux saints de Jérusalem pour les communautés chrétienne, musulmane et juive de Russie n’est pas des moindres.
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7. Cette capacité d’être en bons termes avec les deux parties à ce long conflit permet à la Russie de jouer un rôle particulièrement important de médiateur dans les négociations entre elles. Dans cet esprit, elle a coparrainé, avec les États-Unis, la conférence de Madrid de 1991, qui a ouvert la voie aux accords historiques d’Oslo, et fait partie du quatuor depuis 2002 avec l’Organisation des Nations Unies, les États-Unis et l’Union européenne.
8. Il est regrettable que le processus du quatuor se soit immobilisé au cours des dernières années. Les efforts déployés unilatéralement par les États-Unis et ayant pour effet de traiter isolément les questions économiques et sécuritaires, sans vision stratégique globale, sont purement factices et servent essentiellement à légitimer les « faits sur le terrain ».
9. Pendant ce temps, la situation en Palestine continue de se détériorer. Israël étend ses colonies de peuplement illicites dans le territoire occupé, continue de confisquer les terres des Palestiniens et de démolir leurs maisons, crée des zones militaires fermées, encourage la poursuite de la judaïsation de Jérusalem-Est et le changement du statu quo des Lieux saints, en particulier la mosquée Al Aqsa. Les opérations armées menées par les forces de sécurité israéliennes se sont soldées par 181 morts palestiniens en 2022 et plus de 150 rien que pour le premier semestre 2023. Parmi les victimes, on compte régulièrement des civils, notamment des femmes et des enfants.
10. La dégradation de la situation en Palestine contraste avec le cadre plus large du Moyen-Orient, caractérisé par l’amélioration des relations entre les États et la stabilisation progressive des zones de conflit. La Fédération de Russie est convaincue qu’il est grand temps de rétablir les négociations directes entre Palestiniens et Israéliens pour parvenir à un règlement définitif fondé sur la formule à deux États. Cette solution est la seule qui puisse répondre aux aspirations des Palestiniens et neutraliser les menaces pour la sécurité d’Israël. Elle est aussi indispensable pour la stabilité du Moyen-Orient dans son ensemble.
11. En raison de son statut de médiateur, la Fédération de Russie se doit d’aborder la présente procédure de manière responsable. Le présent exposé écrit portera donc principalement sur des questions de procédure et de bonne administration de la justice. Point n’est besoin pour la Russie de traiter des questions de fond spécifiques que la Cour devra examiner : d’autres participants le feront assurément de façon détaillée, et avec plus d’éloquence que la Russie ne l’aurait fait. Le présent exposé sera donc consacré à la compétence de la Cour, à son pouvoir discrétionnaire et, surtout, au rôle qui est le sien en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies ainsi qu’à celui de ses avis consultatifs en tant que contribution à l’action de l’Organisation.
II. COMPÉTENCE DE LA COUR
12. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour que celle-ci doit d’abord s’assurer qu’elle a compétence pour donner l’avis demandé1. Comme dans plusieurs autres procédures consultatives précédemment soumises à la Cour, on peut s’attendre à ce que certains participants contestent cette compétence. Par le passé, elle l’a été au motif que l’avis aurait été demandé par un organe qui n’était pas habilité à le faire, que la demande aurait porté sur une question qui n’était pas de nature juridique, que la question soulevée aurait été abstraite, aurait manqué de clarté ou n’aurait pas reflété le
1 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) (ci-après l’avis sur les « armes nucléaires »), p. 232, par. 10 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I) (ci-après, l’avis sur le « mur »), p. 144, par. 13 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II) (ci-après l’avis sur le « Kosovo »), p. 412, par. 17.
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véritable problème en cause, ou bien qu’elle aurait été de nature politique. Il convient de faire plusieurs observations à cet égard.
13. La présente demande d’avis consultatif a été présentée par l’Assemblée générale, organe autorisé à demander un tel avis « sur toute question juridique »2. La Cour a dit maintes fois que, s’agissant de l’Assemblée générale, « toute question juridique » signifiait précisément n’importe laquelle. Elle a de surcroît confirmé, dans plusieurs avis consultatifs antérieurs, que la limitation des pouvoirs de l’Assemblée générale prévue à l’article 12 de la Charte ne privait pas celle-ci du pouvoir de demander un avis consultatif. Il est important de relever qu’elle l’a répété spécifiquement à propos du conflit opposant Israël et la Palestine dans l’avis sur le mur3. Puisqu’il ne fait aucun doute que la résolution 77/247 de l’Assemblée générale a été adoptée en totale conformité avec les règles établies et dans les limites des pouvoirs conférés à celle-ci par la Charte, il est clair que, en l’espèce, l’avis a été demandé par un organe dûment habilité à le faire.
14. Les questions dont est saisie la Cour sont bien de nature juridique. En effet, les questions posées au point a) du paragraphe 18 et dans le passage final du point b) de ce même paragraphe de la résolution 77/247 reprennent le libellé désormais habituel des demandes d’avis consultatif : « Quelles sont les conséquences juridiques de … ? » La Cour a déjà traité de questions ainsi formulées à l’occasion des demandes qui lui ont été soumises au sujet de la Namibie, du mur et des Chagos, et elle a systématiquement confirmé que les questions ainsi posées étaient « libellées en termes juridiques », « soul[evaie]nt des problèmes de droit international » et étaient « susceptibles de recevoir une réponse fondée en droit ».
15. Dans la première partie du point b) du paragraphe 18 de la résolution, l’Assemblée générale demande à la Cour de déterminer quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël « ont … sur le statut juridique de l’occupation ». Force est de reconnaître que cette question pourrait être critiquée en ce qu’elle est « abstraite » ou « peu claire ». La Cour a déjà fait face à ce genre de doutes, notamment au sujet de l’avis sur le mur, dans lequel elle a dit qu’« un manque de clarté dans le libellé d’une question ne saurait [la] priver … de sa compétence. Tout au plus, du fait de ces incertitudes, … devra-t-elle préciser l’interprétation à donner à la question. »4 La Cour a tout lieu de suivre ce raisonnement en l’espèce et d’interpréter la formule « le statut juridique » en tenant compte de l’avis de tous les participants à la procédure.
16. De la même manière, la Cour sera parfaitement fondée à suivre sa pratique établie lorsqu’elle examinera si les aspects politiques des questions dont elle est saisie la privent de compétence pour donner un avis consultatif. De fait, il eût été difficile de surestimer la dimension politique des affaires relatives à la Namibie, au Kosovo, aux Chagos, au mur ou aux armes nucléaires. Pourtant, la Cour a invariablement refusé d’admettre que cette dimension politique privait les questions de leur nature juridique. Après tout, l’Assemblée générale (ainsi que le Conseil de sécurité) est un organe politique de par sa nature même, et il entre inévitablement dans ses activités politiques de demander un avis consultatif à la Cour. Ce serait vider de son sens le raisonnement qui sous-tend la Charte et selon lequel les deux principaux organes politiques, l’Assemblée et le Conseil de sécurité, sont soutenus dans leurs démarches par l’organe judiciaire principal, la Cour, que de limiter le pouvoir de l’Assemblée de demander un avis consultatif aux questions purement juridiques et dépourvues de tout aspect politique (à supposer que de telles questions existent dans le monde réel). De l’avis de la Fédération de Russie, les objectifs de la Charte et l’idée que les relations
2 Paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies.
3 Avis sur le mur, p. 148-150, par. 25-28.
4 Ibid., p. 153-154, par. 38.
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internationales soient régies par le droit international demandent que ces démarches politiques puissent, au besoin, être éclairées par un apport juridique de la Cour.
17. La Fédération de Russie estime par conséquent qu’il ne fait aucun doute que la Cour a compétence pour donner un avis consultatif en l’espèce.
III. POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE. CARACTÈRE ÉQUITABLE DE LA PROCÉDURE
18. La question suivante que la Cour aura probablement à examiner est celle de savoir s’il existe des raisons décisives justifiant qu’elle refuse d’exercer sa compétence. Elle a en effet été invitée à de nombreuses reprises à se prononcer en ce sens et il faut s’attendre à ce que tel soit le cas en l’espèce.
19. Il a déjà été demandé à la Cour de décliner sa compétence au motif que la demande d’avis consultatif portait en substance sur une question contentieuse entre les deux États concernés, que l’avis demandé n’aiderait pas l’Assemblée générale dans l’exercice de ses fonctions ou ne serait d’aucune utilité, qu’il contournerait le principe des « mains propres », que la Cour ne disposait pas des éléments de fait et de preuve requis ou que les questions factuelles étaient d’une complexité telle qu’elles ne se prêtaient pas à une décision dans le cadre de la procédure consultative, qu’en donnant l’avis sollicité, la Cour outrepasserait sa fonction judiciaire pour s’arroger une fonction normative, ou que l’avis demandé serait préjudiciable aux négociations politiques liées à la question posée.
20. La Cour a invariablement rejeté ces arguments. Chose plus importante encore pour l’espèce, presque tous ces moyens ont été invoqués par les participants à la procédure relative à l’avis sur le mur. La Cour, après avoir examiné chacune de ces prétentions, a conclu qu’elles ne constituaient pas pour elle des « raisons décisives » de refuser d’exercer sa compétence. Certains de ces moyens pourraient avoir plus de poids en l’espèce qu’ils n’en avaient dans des procédures consultatives antérieures. La Fédération de Russie estime toutefois que ce n’est pas au point de devenir des « raisons décisives » qui conduiraient la Cour à user de son pouvoir discrétionnaire de refuser de donner l’avis consultatif demandé.
21. La Cour a déjà expliqué de façon convaincante, dans l’avis sur le mur, que l’occupation de la Palestine par Israël n’était pas une question purement bilatérale. La Fédération de Russie se félicite pleinement du poids accordé par la Cour à l’avis exprimé par l’Assemblée générale, selon lequel celle-ci a « une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de la légitimité internationale »5.
22. La Cour n’a jamais mis en doute le raisonnement qui a conduit l’Assemblée générale à demander un avis consultatif : « elle n’a pas à apprécier elle-même l’utilité de sa réponse pour l’organe qui la sollicite »6. En l’espèce, il convient de relever que la résolution 77/247, par laquelle l’Assemblée générale a demandé l’avis consultatif, était la dernière d’une série de résolutions adoptées chaque année par cet organe depuis au moins 19967. Ayant été saisie de la question pendant
5 Avis sur le mur, p. 159, par. 49.
6 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I) (ci-après, l’avis sur les Chagos), p. 115, par. 76.
7 Voir résolutions de l’Assemblée générale 51/134, 52/67, 53/56, 54/79, 55/133, 56/62, 57/127, 58/99, 59/124, 60/107, 61/119, 62/109, 63/98, 64/94, 65/105, 66/79, 67/121, 68/83, 69/93, 70/90, 71/98, 72/87, 73/99, 74/89 et 75/98.
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près de 30 ans, l’Assemblée en est venue à la conclusion qu’un avis consultatif de la Cour serait utile pour la suite de ses délibérations, ce qui prouve de manière convaincante qu’elle n’a pas agi par hasard, par erreur ou par curiosité, mais en reconnaissant pleinement qu’un avis serait effectivement une contribution utile à ses travaux.
23. Dans l’avis sur le mur, la Cour a catégoriquement rejeté l’argument des « mains propres », expliquant que celui-ci n’était pas pertinent s’agissant d’un avis consultatif demandé par l’Assemblée générale. Il n’y a aucune raison de s’écarter de cette conclusion en l’espèce. Toutefois, comme cela sera exposé plus loin, le raisonnement qui sous-tend cet argument n’est pas entièrement sans incidence sur l’avis consultatif à venir.
24. On ne saurait, en l’espèce, invoquer quelque lacune en ce qui concerne les éléments de fait ou de preuve. Au contraire, le travail de la Cour sera compliqué, non par une prétendue carence d’éléments, mais par leur abondance, à commencer par le dossier soumis par le Secrétaire général. Par contre, la question de l’opportunité du recours à la procédure consultative pour la résolution de questions factuelles complexes et controversées pourrait avoir une incidence en l’espèce.
25. Le risque de voir la Cour outrepasser sa fonction judiciaire est bien moins évident en l’espèce qu’il ne l’était dans la procédure relative à l’avis sur les armes nucléaires ou qu’il ne le sera dans la procédure sur le changement climatique à venir. En effet, la Cour est ici principalement appelée à déterminer les « conséquences juridiques » de violations (supposées) du droit international. Il s’agit là, par définition, d’un cas d’application et non de création du droit. Par conséquent, si ce moyen est soulevé, il devrait être rejeté par la Cour, tout comme il l’a été à bon droit dans l’avis sur les armes nucléaires8.
26. Enfin, point particulièrement important pour l’espèce, la Cour devra décider si elle devrait refuser d’exercer sa compétence du fait qu’un avis consultatif pourrait entraver les négociations politiques concernant le conflit palestino-israélien. Il suffit pour le moment de dire qu’elle aura de bonnes raisons de s’aligner sur les décisions qu’elle a prises dans l’avis sur les armes nucléaires et l’avis sur le mur, à savoir rejeter l’idée que ce facteur puisse constituer pour elle une raison décisive d’user de son pouvoir discrétionnaire de ne pas donner d’avis consultatif, tout en en tenant compte dans l’élaboration de son avis9.
27. Ayant ainsi passé en revue les différents moyens susceptibles d’être invoqués pour contester l’opportunité de donner suite à la demande d’avis consultatif, la Fédération de Russie estime que la Cour ne devrait pas refuser d’exercer sa compétence en l’espèce.
28. Cela étant, ces moyens éventuels, ainsi que les raisons avancées pour les étayer, constituent un contexte important dans lequel la Cour donnera son avis consultatif. Il convient de se pencher plus avant sur ces raisons afin de garantir que l’avis consultatif qui sera finalement donné par la Cour correspondra à la nature consultative de la procédure et qu’il servira effectivement les objectifs de l’Assemblée générale et des Nations Unies dans leur ensemble.
29. Ainsi, même si les questions soulevées dans la présente requête pour avis consultatif ne sont pas purement bilatérales et que la procédure n’est pas contentieuse, il est directement demandé
8 Avis sur les armes nucléaires, p. 237, par. 18.
9 Ibid., p. 237, par. 17 ; avis sur le mur, p. 159-160, par. 51-53.
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à la Cour de se prononcer sur les violations du droit international reprochées à un État sans que celui-ci ait consenti à être attrait devant elle. De surcroît, en raison de la nature consultative de la procédure, dont la portée est limitée aux questions posées par l’Assemblée générale, cet État est non seulement privé de la possibilité d’invoquer l’argument des « mains propres », mais il n’a en outre aucun moyen de présenter une demande reconventionnelle ou de contester de quelque autre manière la licéité du comportement d’autres acteurs, étatiques ou non. Pour la Russie, cette circonstance impose à la Cour d’être particulièrement vigilante. L’avis consultatif qu’elle est appelée à donner ainsi que la manière dont la procédure sera organisée doivent être et doivent être perçus comme étant équitables, équilibrés et effectivement fondés sur le droit plutôt que sur d’autres considérations. Cela signifie, par exemple :
qu’il doit, pendant la procédure orale, être donné à Israël, dont les défenseurs seront probablement moins nombreux que les détracteurs, suffisamment de temps pour faire valoir son point de vue ;
que la Cour doit enquêter sur les faits d’une manière qui corresponde aux nécessités d’un avis consultatif, par contraste avec celles d’une affaire contentieuse ;
que, dans son examen des faits, la Cour n’est pas limitée à ceux qui sont mentionnés dans les rapports du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et des autres organes des Nations Unies (ni à leur interprétation), mais qu’elle devrait permettre à Israël et, du reste, à tous les participants de présenter des faits à l’appui des vues qu’ils expriment ;
que la Cour ne devrait aborder les questions touchant à la responsabilité d’Israël à raison des faits illicites qui lui sont imputés, en particulier à la mise en oeuvre de cette responsabilité, que dans la mesure où cela est nécessaire pour les besoins de la procédure consultative.
IV. PORTÉE DES QUESTIONS DONT LA COUR EST SAISIE. DROIT APPLICABLE
30. Bien que les questions posées par l’Assemblée générale correspondent aux critères établis par la Cour pour lui permettre de donner un avis consultatif, il y a lieu de les soumettre à une analyse plus approfondie afin de déterminer la portée précise de l’avis à donner. Il convient de rappeler le libellé du paragraphe 18 de la résolution 77/247, en exposant sa structure grammaticale et sémantique :
a) Quelles sont les conséquences juridiques
de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ;
de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier :
la composition démographique,
le caractère, et
le statut de la ville sainte de Jérusalem ;
de l’adoption par Israël
des lois, et
des mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation ; et
quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour
tous les États, et
l’Organisation des Nations Unies ?
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31. Il reviendra à la Cour de décider si ce libellé devrait être lu globalement ou si les questions sont susceptibles d’être dissociées et examinées séparément, s’il présuppose, par exemple, une analyse distincte des conséquences juridiques de l’occupation, de la colonisation et de l’annexion, et si ces questions doivent être examinées séparément des violations du droit à l’autodétermination. La Russie attend avec intérêt de connaître le point de vue des autres participants sur ce point.
32. Plus fondamentalement, le libellé du paragraphe 18, avec toute sa complexité et le large éventail de questions qu’il soulève, est rendu encore plus insaisissable par le contenu global de la résolution 77/247, lequel, outre le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, l’occupation, la colonisation et l’annexion du territoire palestinien occupé, ou les mesures concernant Jérusalem, évoque un grand nombre de lois et pratiques israéliennes plus spécifiques, notamment : violation systématique des droits humains du peuple palestinien, usage excessif de la force et des opérations militaires, incarcération et détention arbitraires de Palestiniens, recours aux châtiments collectifs, bouclage de certaines zones, confiscation de terres, destruction de biens et d’infrastructures, déplacement forcé de civils, démolition d’habitations palestiniennes, blocus de la bande de Gaza, entrave à l’acheminement de l’aide humanitaire, etc.10.
33. Il appartiendra à la Cour de décider si ces actions doivent être incluses dans la notion de « lois et mesures discriminatoires connexes » au sens de l’alinéa a) du paragraphe 18 de la résolution et, partant, si l’avis consultatif doit également en traiter.
34. Il convient à cet égard de procéder avec prudence. D’une part, ces violations spécifiques peuvent être perçues comme créant un contexte important ou comme ayant une valeur cumulative considérable aux fins de trancher les questions plus vastes dont la Cour est saisie. Cela posé, celle-ci ne peut pas procéder à l’examen détaillé de chacune de ces violations (qui peuvent couvrir des milliers d’épisodes individuels). Pareille entreprise non seulement entraînerait pour elle une charge de travail disproportionnée, mais irait en outre à l’encontre de la nature consultative de la présente procédure, laquelle, par définition, ne consiste pas, à proprement parler, à rechercher la responsabilité d’Israël à raison d’une violation ou d’une autre, ni à déterminer les formes et la portée spécifiques de cette responsabilité. La Fédération de Russie s’abstiendra, au stade actuel, d’émettre une opinion précise sur cette question et attend avec intérêt de connaître le point de vue des autres participants.
35. Une question connexe se pose du fait que, dans la résolution 77/247, ainsi que dans de nombreuses autres, l’Assemblée générale a déjà déclaré contraire au droit international une grande partie de la législation et des pratiques israéliennes. La Cour devra donc faire face au même dilemme que celui qui s’est posé à elle dans la procédure relative à l’avis sur le mur, à savoir si elle doit partir du principe que ces pratiques sont contraires au droit international et se borner à déterminer les conséquences juridiques de ces violations, ou si elle doit d’abord statuer sur l’illicéité de ces pratiques (ou leur licéité, selon le cas)11. Sur ce point particulier, la Fédération de Russie invite la Cour à s’en tenir à la conclusion à laquelle elle est parvenue dans l’avis sur le mur, à savoir que la question « quelles sont en droit les conséquences … implique nécessairement de déterminer si [la pratique en question] viole ou non certaines règles et certains principes de droit international »12.
36. La Fédération de Russie a bien entendu soutenu la résolution. Il importe néanmoins, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice et compte tenu de considérations plus générales
10 Nations Unies, doc. A/RES/77/247, 28e, 31e et 38e alinéas du préambule.
11 Avis sur le mur, p. 152-153, par. 36.
12 Ibid., p. 154, par. 39.
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tenant à la nature des organes principaux de l’Organisation des Nations Unies et à la répartition des compétences entre eux, que la Cour ne soit pas liée par les conclusions d’ordre juridique prononcées par l’Assemblée générale en tant que telles.
37. Après tout, ainsi qu’il est mentionné ci-dessus, l’Assemblée générale est avant tout un organe politique. Ce sont principalement des raisons politiques, plutôt que des considérations purement juridiques, qui motivent les États membres lorsqu’ils votent sur ses résolutions. Bien entendu, certaines d’entre elles sont adoptées par consensus, ou presque, exprimant par conséquent l’opinion quasi unanime de la communauté internationale, notamment sur des questions de droit. D’autres peuvent refléter des règles de droit international bien établies. Cependant, dans de nombreux cas, l’avis juridique exprimé dans une résolution de l’Assemblée générale, même adoptée à une très forte majorité, reflète principalement les intérêts politiques des États qui ont voté en faveur de la résolution. Il n’y a rien de mal à ce que ces intérêts politiques impliquent la prise d’une position en droit sur une question donnée, mais la Cour devrait la traiter pour ce qu’elle est : la position d’un certain nombre d’États votant à l’Assemblée générale, susceptible de contrôle judiciaire.
38. N’étant pas liée par les décisions d’ordre juridique prises par l’Assemblée générale, si la Cour devait, après avoir étudié de façon indépendante les questions dont elle est saisie, en venir aux mêmes conclusions, les positions respectives s’en trouveraient considérablement renforcées, mettant en évidence l’existence d’un quasi-consensus de la communauté internationale quant à l’illicéité d’un grand nombre des pratiques israéliennes et à la nécessité d’y mettre fin.
39. Il convient par ailleurs d’examiner le passage introductif du paragraphe 18 de la résolution 77/247, dans laquelle il est demandé à la Cour de donner un avis consultatif
« compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 ».
Sont ici énumérés, pour l’essentiel, les éléments de droit applicable sur lesquels la Cour devrait fonder son avis consultatif.
40. La Fédération de Russie souscrit à la sélection opérée par l’Assemblée générale quant aux éléments de droit applicable en l’espèce. Quelques observations s’imposent toutefois.
41. Premièrement, il semble aller de soi que la formule « règles et principes du droit international, dont … les résolutions pertinentes … du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres » n’exprime pas la volonté d’élever ces résolutions au rang de sources de droit international à proprement parler. Comme il est exposé ci-dessus, les résolutions de l’Assemblée générale peuvent uniquement servir à qualifier certaines situations, dans la mesure où elles reflètent un consensus ou un quasi-consensus entre les États. Cela est d’autant plus vrai s’agissant des résolutions du Conseil des droits de l’homme, organe à la composition limitée, au mandat restreint et au bilan controversé.
42. Deuxièmement, la Russie ne doute pas que la Cour, en appliquant le « droit international humanitaire » et le « droit international des droits de l’homme » en vue de donner un avis juridique sur les diverses lois et pratiques israéliennes, veillera à appliquer effectivement des règles contraignantes pour Israël, à savoir celles qui sont énoncées par les traités auxquels Israël est partie, ainsi que les règles coutumières contraignantes. Sont toutefois exclues de ces règles les « coutumes émergentes » et les autres « règles » que pourraient invoquer les partisans enthousiastes d’un « ordre
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international fondé sur des règles », mais qui n’ont pas été sanctionnées par le droit international suivant les voies habituelles.
43. Troisièmement, la Russie part du principe que, lorsqu’il mentionne les résolutions du Conseil de sécurité, le paragraphe 18 (lu conjointement avec le paragraphe 6) renvoie à la résolution 2334, laquelle réaffirme à son tour les résolutions 242, 338, 446, 452, 465, 476, 478, 1397, 1515 et 1850. Certaines de ces résolutions traitent spécifiquement du problème des colonies de peuplement israéliennes dans le territoire occupé, tandis que d’autres (ainsi que les documents, décisions et processus qu’elles approuvent) constituent le cadre juridique international universellement reconnu du processus de paix au Moyen-Orient. Ce cadre a été résumé comme il suit au paragraphe 9 de la résolution 2334 :
« [Le Conseil de sécurité] [p]réconise vivement à cet égard l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967, et souligne à cet égard l’importance que revêtent les efforts déployés pour faire avancer l’Initiative de paix arabe, l’initiative prise par la France de convoquer une conférence de paix internationale, les efforts récemment entrepris par le Quatuor ainsi que ceux déployés par l’Égypte et la Fédération de Russie. »
Tout avis consultatif donné par la Cour devra s’inscrire dans ce cadre et contribuer à sa mise à effet.
V. RÔLE DE LA COUR EN TANT QU’ORGANE PRINCIPAL DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
44. Dans des avis consultatifs qu’elle a donnés par le passé à l’Assemblée générale, la Cour a souligné que sa réponse à la demande d’avis « constitu[ait] [sa] participation … à l’action de l’Organisation »13. L’effet qu’elle a donné à cette conclusion cruciale est qu’un avis consultatif, « en principe, … ne devrait pas être refusé[] »14. Par ailleurs, « [l]e pouvoir discrétionnaire de répondre ou non à une demande d’avis consultatif vise à protéger l’intégrité de la fonction judiciaire de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies»15.
45. En d’autres termes, donner un avis consultatif et refuser d’en donner un sont deux manifestations du rôle de la Cour dans le système des Nations Unies, et à juste titre.
46. La Fédération de Russie estime toutefois que le statut de la Cour en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies impose à celle-ci des responsabilités plus larges et plus nuancées.
47. On a maintes fois tenté de persuader la Cour de refuser de donner un avis au motif qu’elle n’aurait pas été en mesure d’évaluer si ou comment l’avis allait aider l’Assemblée générale dans l’exercice de ses fonctions. La Cour a invariablement repoussé ces tentatives, affirmant chaque fois
13 Avis sur les Chagos, p. 113, par. 65.
14 Ibid., p. 113, par. 65.
15 Ibid., p. 113, par. 64 (les italiques sont de nous).
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« qu’elle n’a[vait] pas à apprécier elle-même l’utilité de sa réponse pour l’organe qui la sollicit[ait] »
16, et que « l’Assemblée générale [était] habilitée à décider elle-même de l’utilité d’un avis au regard de ses besoins propres »17. Dans l’avis sur le mur, la Cour a en outre confirmé que « [s]a tâche … consisterait à déterminer l’ensemble des conséquences juridiques de l’édification du mur, alors que l’Assemblée générale — et le Conseil de sécurité — pourrait ensuite tirer des conclusions de ces déterminations de la Cour »18.
48. Ainsi, la Cour ne met pas en doute l’utilité de son avis pour l’Assemblée générale, laissant à cette dernière le soin d’en décider. Ce faisant, elle n’agit toutefois pas aveuglément.
49. À plusieurs reprises, la Cour a spécifiquement expliqué que les questions dont elle était saisie étaient effectivement pertinentes pour l’action de l’Assemblée. Ainsi, dans l’avis consultatif au sujet du Sahara occidental, elle a parlé de « l’intérêt légitime que possède l’Assemblée générale à obtenir un avis consultatif de la Cour quant à son action future », c’est-à-dire « pour pouvoir exercer comme il convient ses fonctions relatives à la décolonisation du territoire »19. Dans l’avis sur les armes nucléaires, elle a dit « sa[voir] que … [s]es conclusions seraient pertinentes au regard du débat qui se poursuit à l’Assemblée générale»20. Dans l’avis sur le Kosovo, elle a relevé que « l’Assemblée générale a[vait] … pris des mesures au regard de la situation au Kosovo » et que, par conséquent, « la réponse à [la] question p[ouvait] légitimement [l’]intéresser »21. Dans l’avis sur les Chagos, elle a observé que « l’objet de la requête de l’Assemblée générale [était] d’obtenir [son] assistance … pour qu[’elle] la guide dans l’exercice de ses fonctions relatives à la décolonisation de Maurice », puisque « l’Assemblée générale s’[était] toujours employée sans relâche à mettre un terme au colonialisme »22. Mais surtout, dans l’avis sur le mur, la Cour a souscrit à l’expression par l’Assemblée générale de la « responsabilité permanente [qu’elle a] à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de la légitimité internationale », et a souligné que « la construction du mur d[evait] être regardée comme intéressant directement l’Organisation des Nations Unies »23.
50. En résumé, la Cour est attentive aux motivations de l’Assemblée générale ainsi qu’à son propre rôle en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies, et s’emploie à contribuer à l’oeuvre de l’Organisation.
51. La Cour doit appliquer cette stratégie non seulement lorsqu’elle décide s’il convient de donner un avis, mais également lorsqu’elle élabore un avis, sous peine de priver d’une grande part de son sens le raisonnement qu’elle a tenu concernant sa « participation à l’action de l’Organisation », et sa disposition à s’aligner sur l’avis de l’Assemblée générale lorsque celle-ci détermine ses propres besoins. Elle ne devrait pas se contenter de donner un avis parce qu’elle le suppose utile pour l’Assemblée générale, mais elle devrait aussi donner un avis qui serait effectivement utile pour celle-ci.
16 Avis sur les Chagos, p. 115, par. 7[6].
17 Avis sur les armes nucléaires, p. 237, par. 16.
18 Avis sur le mur, p. 163, par. 62.
19 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 27, par. 39 et 41.
20 Avis sur les armes nucléaires, p. 237, par. 17.
21 Avis sur le Kosovo, p. 421-423, par. 45 et 47.
22 Avis sur les Chagos, p. 117-118, par. 86 et 87.
23 Avis sur le mur, p. 159, par. 49.
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52. La raison pour laquelle la Fédération de Russie examine cet aspect de façon aussi détaillée réside dans la nature particulière et la vaste étendue de l’action de l’Organisation des Nations Unies s’agissant d’Israël et de la Palestine. Depuis la résolution 181 de l’Assemblée générale, l’Organisation n’a ménagé aucun effort pour garantir la réalisation du droit des peuples israélien et palestinien à l’autodétermination, et parvenir à une solution durable à deux États, dans laquelle un État palestinien indépendant, viable et d’un seul tenant coexisterait pacifiquement avec Israël. C’est au sein de l’Organisation des Nations Unies, ou du moins sous ses auspices, que la base juridique universellement reconnue d’un règlement palestino-israélien a été établie. Elle comprend les résolutions du Conseil de sécurité 242, 338, 1397, 1515 et 1850, et a été exposée plus récemment dans la résolution 2334.
53. La résolution 2334 réaffirme l’objectif de la communauté internationale
« de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 »24.
54. Dans la résolution 77/247, l’Assemblée générale « demand[ait] que ses résolutions pertinentes et celles du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2334 …, soient pleinement respectées »25.
55. Les principes énoncés dans la résolution 2334 du Conseil de sécurité, et de fait dans les résolutions antérieures de celui-ci et de l’Assemblée générale concernant Israël et la Palestine, constituent ainsi la vision universelle du processus de paix au Moyen-Orient. Ils doivent être partagés par l’ensemble des organes de l’Organisation des Nations Unies, lesquels devraient contribuer, dans le cadre de leurs mandats respectifs, à leur mise en oeuvre.
56. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Fédération de Russie soutient que la Cour, en élaborant son avis consultatif dans la présente procédure, devrait être guidée par les principes susmentionnés et chercher à donner un avis qui contribuerait à leur mise en oeuvre.
VI. L’AVIS CONSULTATIF ET LES NÉGOCIATIONS SUR LE STATUT FINAL
57. Au coeur même des principes du processus de paix au Moyen-Orient se trouve l’idée d’un règlement durable à obtenir par la voie de négociations entre les parties. Ainsi, dans le préambule de la feuille de route du quatuor (approuvée par la résolution 1515 du Conseil de sécurité), il est bien question d’un « règlement, négocié entre les parties ». Dans la résolution 1850, le Conseil de sécurité déclarait « son attachement à l’irréversibilité des négociations bilatérales » et, entre autres, « [i]nvit[ait] tous les États et toutes les organisations internationales à contribuer à une atmosphère propice aux négociations »26. Dans la résolution 2334, il soulignait la nécessité de prendre de toute urgence des mesures importantes « en vue de … créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final et de faire progresser la solution des deux États par la voie de négociations et sur le terrain », et « [i]nvit[ait] toutes les parties à continuer, dans l’intérêt de la
24 Nations Unies, doc. S/RES/2334 (2016), par. 9.
25 Nations Unies, doc. A/RES/77/247, par. 6.
26 Nations Unies, doc. S/RES/1850 (2004), par. 1 et 4.
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promotion de la paix et de la sécurité, de déployer collectivement des efforts pour engager des négociations crédibles sur toutes les questions relatives au statut final »
27.
58. La question de savoir si la Cour devrait être comptée parmi les « organisations internationales » et « toutes les parties » mentionnées dans les résolutions du Conseil de sécurité est plutôt théorique et n’appelle pas nécessairement une réponse en droit. Ce qui est clair, cependant, c’est que la Cour, en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies dont l’avis consultatif « constitue [s]a participation … à l’action de l’Organisation », devrait à tout le moins tenir compte des décisions susmentionnées du Conseil de sécurité et de la vision correspondante de l’Assemblée générale.
59. Il s’ensuit que la Cour, quel que soit l’avis consultatif qu’elle pourrait donner, devrait s’efforcer de faire en sorte que celui-ci contribue à la mission visant à créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final, ou du moins à ce qu’il n’engendre pas de nouveaux obstacles à ces négociations.
60. Dans les procédures consultatives antérieures, la Cour a parfois été invitée à user de son pouvoir discrétionnaire pour refuser de donner un avis consultatif au motif que celui-ci risquait d’entraver les perspectives de négociation. Tel a été en particulier le cas dans les procédures relatives à l’avis sur les armes nucléaires et à l’avis sur le mur. Dans ces deux affaires, la Cour a pris acte de l’existence de négociations et de leur importance pour la communauté internationale, sans toutefois se prononcer plus avant pour dire si et comment cet intérêt universel dans l’aboutissement des négociations avait une incidence sur le prononcé par elle d’un avis consultatif.
61. Ainsi, dans l’avis sur les armes nucléaires, on peut lire ce qui suit :
« La Cour sait que, quelles que soient les conclusions auxquelles elle pourrait parvenir dans l’avis qu’elle donnerait, ces conclusions seraient pertinentes au regard du débat qui se poursuit à l’Assemblée générale, et apporteraient dans les négociations sur la question un élément supplémentaire. Mais, au-delà de cette constatation, l’effet qu’aurait cet avis est une question d’appréciation. Des opinions contraires ont été exposées devant la Cour et il n’est pas de critère évident qui permettrait à celle-ci de donner la préférence à une position plutôt qu’à une autre. »28
Dans l’avis sur le mur, la Cour a répondu au même argument de manière un peu plus détaillée : elle « n’ignor[ait] pas que la “feuille de route”, entérinée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1515 (2003) … constitu[ait] un cadre de négociation visant au règlement du conflit israélo-palestinien ». Elle a ajouté qu’elle était « consciente que la question du mur fai[sai]t partie d’un ensemble, et [qu’]elle prendrait soigneusement en considération cette circonstance dans tout avis qu’elle pourrait rendre »29.
62. La Cour n’a toutefois pas précisé la manière dont elle avait tenu compte de cette circonstance dans l’avis consultatif donné. De surcroît, elle a dit que « [l]’influence que [son] avis … pourrait avoir sur ces négociations n’appara[ssait] … pas de façon évidente : les participants
27 Nations Unies, doc. S/RES/2334 (2016), dernier alinéa du préambule et par. 8.
28 Avis sur les armes nucléaires, p. 237, par. 17.
29 Avis sur le mur, p. 160, par. 53 et 54.
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à la … procédure [avaient] exprimé à cet égard des vues divergentes
»30. Sauf le respect dû à la Cour, un tel constat ne peut être considéré comme satisfaisant.
63. Il y a tout lieu de s’attendre à ce que les participants à la présente procédure expriment eux aussi des vues divergentes quant à l’influence éventuelle de l’avis de la Cour sur les négociations. Certains soutiendront probablement qu’une prise de position de la part de la Cour quant à l’illicéité des diverses pratiques israéliennes, voire de l’occupation elle-même, donnera un nouvel élan aux négociations. Les parties disposeraient d’un cadre juridique plus solide au sein duquel chercher une solution, tandis que le regimbement éventuel reviendrait dès lors à défier non seulement le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, mais aussi la Cour. D’autres relèveront que les conclusions de celle-ci sur l’illicéité de certaines pratiques pourraient restreindre (juridiquement ou politiquement) la liberté des parties dans la recherche de solutions pour parvenir à un règlement final. D’autres encore pourraient faire valoir que, comme le montre la pratique, les parties à un conflit sont parfois moins enclines à négocier lorsque des concessions leur sont imposées par le droit au lieu d’être le fruit d’une démarche volontaire.
64. La Russie estime que la Cour devrait soigneusement tenir compte de ces vues plutôt que de les écarter, ainsi que le passage précité de l’avis sur le mur en donne malheureusement l’impression.
65. Au surplus, à la lumière des résolutions du Conseil de sécurité susmentionnées, la Fédération de Russie invite la Cour à s’employer activement à contribuer à créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final. Elle ferait ainsi pleinement honneur à ses responsabilités, non seulement en tant qu’institution judiciaire jouissant de la plus haute autorité dans la communauté internationale, mais aussi en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies.
VII. QUALIFICATION DU COMPORTEMENT D’ISRAËL AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL
66. Ce qui précède ne doit en aucun cas être interprété comme une tentative de la Fédération de Russie de mettre en doute la responsabilité d’Israël à raison des violations du droit international qui lui sont imputées. Il convient d’opérer une distinction entre les considérations touchant à l’opportunité de judiciariser une situation dans le cadre d’une procédure donnée et la position sur le fond. En l’occurrence, la position de la Russie sur les lois et pratiques d’Israël à l’égard de la Palestine est parfaitement claire et bien connue.
67. En particulier, Israël n’a cessé de nier au peuple palestinien son droit à l’autodétermination.
68. Le droit des Palestiniens à l’autodétermination par la création de leur propre État reste au coeur des efforts déployés par la communauté internationale. Ce droit a été reconnu par l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et la Cour31. Surtout, la communauté internationale est pour ainsi dire unanime à souligner que ce droit doit s’exercer par le biais de l’accès à l’indépendance. Le cas de la Palestine ne saurait soulever de problème d’autodétermination « interne », puisque le pays n’a jamais fait juridiquement partie d’Israël et qu’il ne cherche pas à faire sécession de celui-ci. La Palestine cherche au contraire à obtenir le statut auquel elle a dûment droit depuis la fin du mandat et l’adoption
30 Avis sur le mur, p. 160, par. 53.
31 Ibid., p. 182-183, par. 118.
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par l’Organisation des Nations Unies des décisions portant création de deux États, l’un arabe, l’autre juif.
69. « Mettre fin à l’occupation israélienne » est l’objectif de la communauté internationale énoncé par des résolutions juridiquement contraignantes du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2334.
70. Israël a par conséquent l’obligation de mettre fin à ses violations du droit international et de laisser le peuple palestinien créer un État indépendant.
71. Le comportement d’Israël doit également être qualifié au regard du droit international en ce qui concerne la création et le développement des colonies de peuplement dans le territoire occupé.
72. Dans l’avis sur le mur, la Cour a confirmé expressément que ces colonies de peuplement avaient été établies en violation du droit international32. Elle a expliqué que la politique de colonisation israélienne était contraire au principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force, aux dispositions de la quatrième convention de Genève interdisant la déportation de population d’un territoire occupé ainsi que le transfert sur ce territoire de population de la puissance occupante, de même qu’aux résolutions du Conseil de sécurité qui ont confirmé que cette politique modifiait le statut juridique et le caractère géographique, et influait sensiblement sur la composition démographique des territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem. Cette politique est aggravée par de nombreuses violations d’autres règles de droit international humanitaire et de droit international des droits de l’homme associées à sa mise à exécution, à l’encontre notamment des droits à la vie, au respect de la vie privée et familiale, à la propriété, à la liberté de circulation, à la liberté religieuse, au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant.
73. Les années qui se sont écoulées depuis l’avis sur le mur n’ont rien changé à ces qualifications juridiques. Au contraire, la politique de colonisation s’est poursuivie, le nombre, l’étendue et la population des colonies de peuplement ne cessant d’augmenter. Cette évolution a lieu au mépris des résolutions du Conseil de sécurité et de la feuille de route du quatuor, sous le régime de laquelle Israël devait au moins mettre un frein à toutes ses activités de colonisation. Surtout, ainsi que le souligne la résolution 2334, cette colonisation non seulement viole le droit international humanitaire et les droits de l’homme des Palestiniens, mais constitue aussi « un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable », et « met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967 ». Elle viole donc également le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
74. Au grand regret de la Russie, les politiques mises en oeuvre par Israël en Palestine emportent d’autres violations du droit international. Plusieurs exemples en ont été mentionnés en introduction. De nombreux autres seront, à n’en pas douter, présentés à la Cour par d’autres participants à la présente procédure. La Fédération de Russie attend de la Cour qu’elle les examine comme il se doit, sans préjudice de la nature d’un avis consultatif.
32 Avis sur le mur, p. 184, par. 120.
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VIII. CONSÉQUENCES JURIDIQUES DES VIOLATIONS
75. Le point de départ de l’examen des conséquences juridiques des violations du droit international reprochées à Israël est la règle bien établie selon laquelle « [t]out fait internationalement illicite de l’État engage sa responsabilité internationale »33. Sur la base du droit international coutumier de la responsabilité de l’État et de l’avis sur le mur, la Cour sera fondée en l’espèce à conclure que les violations commises par Israël entraînent pour celui-ci le devoir de se conformer aux obligations auxquelles il a manqué, de mettre fin aux violations qui se poursuivent et de réparer le préjudice causé.
76. Cela signifie, d’abord et avant tout, qu’Israël est tenu, en droit international, de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et de mettre fin à toute activité de colonisation dans le territoire occupé. Il a également l’obligation de mettre fin à toutes autres violations du droit international à l’égard du peuple palestinien.
77. Compte tenu du cadre juridique particulier du processus de paix au Moyen-Orient, Israël a également l’obligation de mettre fin à toute activité qui empêche de parvenir à un accord sur le statut final fondé sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination dans un État palestinien indépendant, viable et d’un seul tenant ayant pour capitale Jérusalem-Est.
78. Conformément à la motivation exposée dans l’avis sur le mur, la Cour sera également fondée à conclure que tous les États et organisations internationales sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant des violations imputées à Israël, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation et de veiller à ce qu’il soit mis fin à toute entrave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination.
79. Cela étant, la Cour sera bien avisée de ne pas examiner de façon détaillée l’étendue et les formes précises de la mise en oeuvre de la responsabilité d’Israël, et ce, pour deux raisons.
80. Premièrement, la procédure consultative devant la Cour n’est pas conçue pour la recherche de la responsabilité. Aucun État n’invoque la responsabilité d’Israël en l’espèce, de même qu’Israël est privé de la possibilité de dénoncer la responsabilité des autres.
81. Deuxièmement, la communauté internationale a établi un cadre solide pour le processus de paix au Moyen-Orient, dont un élément inaliénable réside dans la cessation des violations israéliennes, la création de garanties de non-répétition et les questions de réparation. Le processus n’est certes pas juridiquement conçu pour la recherche de la responsabilité, mais ses objectifs emportent nécessairement ceux d’une telle recherche. Il présente l’avantage d’inciter Israël et la Palestine à négocier directement et de leur plein gré, aspect qui, de l’avis de la Russie, renforce considérablement les chances qu’un accord soit effectivement conclu, qu’il satisfasse réellement les intérêts des deux parties et qu’il puisse être mis à effet en pratique.
82. Il découle de ces considérations, ainsi que du caractère juridiquement contraignant des principes du processus de paix, que la Cour, par son avis consultatif, ne doit pas créer un terreau favorable à la mise en place d’un processus parallèle destiné à établir la responsabilité d’Israël à raison des violations qui lui sont reprochées, mais qu’elle devrait être guidée par la nécessité de
33 Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, article premier.
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contribuer à créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final. La meilleure contribution consisterait pour la Cour à confirmer qu’Israël et la Palestine sont tenus de reprendre de telles négociations, tandis que tous les États et organisations internationales ont l’obligation de coopérer en vue de rendre ces négociations possibles et fructueuses.
IX. CONCLUSION
Sur la base de ce qui précède, la Fédération de Russie soutient respectueusement ce qui suit :
1) La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale.
2) Il n’existe pas de raisons décisives pour la Cour d’user de son pouvoir discrétionnaire de refuser de donner suite à la demande d’avis consultatif qui lui a été soumise.
3) La Cour doit garder à l’esprit qu’il lui est demandé d’apprécier juridiquement le comportement d’un État sans le consentement de celui-ci. Il importe donc de créer des conditions procédurales équitables et de veiller à ce que l’avis donné corresponde à la nature consultative de la procédure.
4) Pour déterminer les conséquences juridiques de certaines lois et pratiques israéliennes, la Cour voudra peut-être réinterpréter les questions formulées par l’Assemblée générale. Elle n’est pas liée par les avis juridiques de celle-ci et doit établir de manière indépendante si les lois et pratiques respectives d’Israël sont ou non contraires au droit international.
5) Pour l’examen des faits, la Cour ne doit pas se limiter à ceux qui sont mentionnés dans les rapports du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et des autres organes des Nations Unies (et à leur interprétation), mais devrait permettre à toutes les parties intéressées de présenter des faits à l’appui des vues qu’elles expriment.
6) Le droit international applicable pour les besoins de l’avis consultatif comprend les sources de droit mentionnées au paragraphe 18 de la résolution 77/247, sous réserve toutefois que i) les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme ne sont pas en soi des sources de droit international ; et ii) les résolutions du Conseil de sécurité devraient être interprétées comme incluant le cadre juridique universellement reconnu du processus de paix au Moyen-Orient approuvé par elles.
7) En élaborant un avis consultatif, la Cour devrait être guidée par son rôle en tant qu’organe principal de l’Organisation des Nations Unies. Elle devrait notamment veiller à ce que son avis contribue à créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final.
8) La poursuite de l’occupation de la Palestine par Israël empêche le peuple palestinien de réaliser son droit à l’autodétermination par la création d’un État indépendant, viable et d’un seul tenant.
9) La position de la Cour sur l’illicéité des colonies de peuplement israéliennes en Palestine a été directement confirmée dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur le mur. Ainsi qu’elle l’a expliqué, cette colonisation est contraire au principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force, aux dispositions de la quatrième convention de Genève interdisant la déportation de population d’un territoire occupé ainsi que le transfert sur ce territoire de population de la puissance occupante, de même qu’aux résolutions du Conseil de sécurité qui ont confirmé que cette politique modifiait le statut juridique et le caractère géographique et influait sensiblement sur la composition démographique des territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem.
10) La politique d’implantation de colonies de peuplement israéliennes en Palestine est aggravée par de nombreuses violations d’autres règles de droit international humanitaire et de droit
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international des droits de l’homme associées à sa mise à exécution, à l’encontre notamment des droits à la vie, au respect de la vie privée et familiale, à la propriété, à la liberté de circulation, à la liberté religieuse, au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant.
11) Israël a l’obligation de mettre fin à ses violations du droit international. Il doit en particulier cesser toute activité de colonisation ou autre empêchant de parvenir à un accord sur le statut final fondé sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination dans un État palestinien indépendant, viable et d’un seul tenant ayant pour capitale Jérusalem-Est.
12) Établir l’étendue et les formes précises de la responsabilité d’Israël à raison des violations qui lui sont reprochées pourrait être contraire à la nature consultative de la présente procédure et à la nécessité de créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final.
13) Israël et la Palestine sont tenus de mener, de bonne foi et sans délai, des négociations visant à parvenir à un règlement du statut final qui aboutira à la mise en oeuvre par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et à l’émergence d’un État palestinien indépendant, viable et d’un seul tenant, et mettra ainsi fin à la plupart des violations actuelles des droits de l’homme des Palestiniens.
14) Tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant des lois et pratiques israéliennes, lesquelles violent le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et les droits de l’homme des Palestiniens.
15) Tous les États et les organisations internationales sont dans l’obligation de coopérer de manière à contribuer à créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la feuille de route du quatuor, et à mettre fin à l’occupation israélienne.
L’ambassadeur de la Fédération de Russie
auprès du Royaume des Pays-Bas,
(Signé) Alexander V. SHULGIN.
___________
Exposé écrit de la Fédération de Russie