Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18879
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
OBSERVATIONS ÉCRITES DU BELIZE
25 octobre 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
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INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
CHAPITRE 1 — LE CADRE ÉTABLI EN VUE D’UNE SOLUTION NÉGOCIÉE NE CONSTITUE PAS UNE RAISON DÉCISIVE POUR QUE LA COUR REFUSE DE RÉPONDRE COMPLÈTEMENT AUX QUESTIONS QUI LUI SONT POSÉES .................................................................................................. 6
CHAPITRE 2 — LE CADRE ÉTABLI EN VUE D’UNE SOLUTION NÉGOCIÉE EST DÉNUÉ DE PERTINENCE AUX FINS DES RÉPONSES QUE LA COUR POURRAIT APPORTER AUX QUESTIONS QUI LUI SONT POSÉES .......................................................................................... 8
A. INTRODUCTION ......................................................................................................................... 8
B. L’ABSENCE DE PERTINENCE DE TOUTE OBLIGATION DE NÉGOCIER ......................................... 9
1. La Palestine et Israël ne sont pas soumis à une obligation de négocier ................................ 10
a) Pas d’obligation de négocier aux termes des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de l’ONU ............................................................. 10
b) Pas d’obligation de négocier aux termes de documents émanant d’Israël et de la Palestine ou d’accords conclus entre eux ....................................................... 13
2. Même s’il existait une obligation de négocier (ce qui n’est pas le cas), elle serait dépourvue de pertinence aux fins des réponses que la Cour pourrait apporter aux questions qui lui sont posées ................................................................................................... 18
C. L’ABSENCE DE PERTINENCE D’UN QUELCONQUE « DROIT DE RESTER » ................................ 18
1. Israël n’a le droit ni de rester sur le territoire palestinien, ni d’y exercer un contrôle ou une autorité, dans l’attente d’une solution négociée ......................................................... 19
a) Pas de « droit de rester » aux termes des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de l’ONU ................................................................................ 19
b) Pas de « droit de rester » aux termes d’accords israélo-palestiniens .......................... 23
2. Même s’il existait un « droit de rester » (ce qui n’est pas le cas), il serait dénué de pertinence pour les réponses que la Cour pourrait apporter aux questions qui lui sont posées .................................................................................................................. 25
CHAPITRE 3 — LES RÈGLES DE DROIT INTERNATIONAL APPLICABLES AUX NÉGOCIATIONS ........... 26
A. RÈGLES DE DROIT INTERNATIONAL RELATIVES À L’OBJET ET AU RÉSULTAT DE TOUTE NÉGOCIATION ........................................................................................................ 27
1. Les États ont le devoir permanent de se conformer à leurs obligations internationales et sont tenus de mettre fin immédiatement à tout fait illicite continu ................................... 27
2. Le devoir de respecter les normes impératives n’est pas négociable .................................... 27
3. Le devoir de se conformer à des obligations non impératives perdure tant que celles-ci n’ont pas fait l’objet d’une modification inter se par consensus............................. 28
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B. LE DEVOIR D’ISRAËL DE SE CONFORMER AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL N’EST PAS CONDITIONNÉ PAR L’EXISTENCE DU CADRE DE NÉGOCIATION .................................................................................................. 29
CONCLUSION .................................................................................................................................... 32
INTRODUCTION
1. Dans les présentes observations écrites, le Belize se propose de contribuer à l’examen par la Cour d’une question particulière, qu’il n’a pas traitée dans son propre exposé écrit mais qui a été soulevée dans plusieurs exposés soumis par d’autres participants. Il s’agit de la question d’une solution négociée à la situation israélo-palestinienne.
2. Dans ces autres exposés écrits, ladite question a été abordée sous deux angles différents. Certains participants font valoir, au sujet du point de savoir si la Cour doit répondre aux questions qui lui sont posées (pouvoir discrétionnaire), que l’existence d’un cadre établi en vue d’une solution négociée constitue une raison décisive pour qu’elle refuse de donner un avis consultatif ou de répondre complètement auxdites questions1. D’autres indiquent, s’agissant du fond de l’avis consultatif envisagé (contenu), que la Cour doit veiller à répondre aux questions d’une manière qui n’aille pas à l’encontre de ce cadre établi et ne le compromette pas2.
3. L’un et l’autre de ces arguments reposent sur le postulat que les réponses que la Cour donnerait si elle n’était pas contrainte par de supposées limites pourraient, d’une manière ou d’une autre, aller à l’encontre du cadre de négociation ou le compromettre. Cependant, et c’est là un point essentiel, les exposés écrits dans lesquels cette position est défendue ne comportent aucune analyse du cadre en question pour expliquer en quoi un avis de la Cour ou son contenu pourrait être contraire ou préjudiciable à celui-ci.
4. Dans les présentes observations écrites, le Belize examinera donc la relation entre le cadre établi en vue d’une solution négociée et les questions posées à la Cour3.
5. Le Belize estime, en résumé, que l’existence d’un cadre de négociation est dénuée de pertinence à l’égard de la tâche confiée à la Cour.
a) Elle ne constitue pas une raison décisive pour que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire en refusant de répondre, ou de répondre complètement, aux questions qui lui sont posées (chapitre 1).
b) Elle est sans effet sur les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël et ne saurait donc modifier les réponses de la Cour aux questions qui lui sont posées. Comme le Belize l’a expliqué dans son exposé écrit, Israël : i) manque de façon continue à son obligation de respecter une série de normes impératives ; ii) occupe de façon illicite le territoire palestinien ; et iii) doit, en conséquence, mettre immédiatement fin à son occupation illicite et à ses violations de normes impératives4. Le fait qu’il existe un cadre de négociation n’a aucune incidence sur ces conclusions. Celles-ci ne sont, en particulier, nullement remises en cause par les arguments selon lesquels le cadre de négociation créerait une obligation pour Israël et la Palestine d’engager des négociations sur les questions liées au statut permanent, ou autoriserait Israël à rester dans le territoire palestinien jusqu’à ce qu’une solution négociée soit trouvée (chapitre 2).
1 Voir les références figurant dans la note 31 ci-après.
2 Voir les références figurant dans les notes correspondant aux paragraphes 19-20, 22 et 41 ci-après.
3 Dans les présentes observations, le Belize reprend des termes qu’il a définis dans son exposé écrit.
4 Voir les références figurant dans les notes 44-46 ci-dessous.
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c) L’absence de pertinence du cadre de négociation aux fins des réponses que la Cour pourrait apporter aux questions posées découle des règles de droit international relatives aux négociations (chapitre 3).
6. Il convient tout d’abord de se pencher sur l’expression « cadre établi en vue d’une solution négociée ». L’intérêt des négociations pour parvenir à une paix juste et durable entre Israël et la Palestine est reconnu de longue date. Des résolutions, documents et accords divers ont donné le jour à des initiatives en ce sens ou les ont encouragées. Ces résolutions, accords et documents sont parfois collectivement désignés, d’une manière générale, « cadre établi en vue d’une solution négociée » ou « cadre de négociation ». S’il n’existe pas de définition admise de ce à quoi correspond ce cadre, on considère habituellement que celui-ci a été établi par les documents suivants, ou qu’il en est composé5 :
a) Les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU)6 ;
b) Les accords de 1993 et 1995 entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), connus sous le nom d’accords d’Oslo7.
Sont aussi parfois compris dans ce cadre d’autres documents tels que :
c) le mandat de la conférence de Madrid de 1991, l’accord de 1994 sur Gaza-Jéricho, le mémorandum de Wye River de 1998, le mémorandum de Charm el-Cheikh de 1999, l’initiative de paix arabe de 2002, la feuille de route du quatuor de 2003, l’accord conjoint de 2007 et le communiqué conjoint de Charm el-Cheikh de 20238.
7. Dans l’examen du cadre établi en vue d’une solution négociée auquel il procédera dans les présentes observations écrites, le Belize traitera l’ensemble de ces documents.
8. Avant de poursuivre, le Belize juge toutefois nécessaire de s’arrêter sur les violents événements qui se déroulent actuellement en Israël, à Gaza et en Cisjordanie. Tous les actes de violence visant des civils sont à l’évidence inacceptables et constituent des violations flagrantes du droit international. Le comportement adopté par Israël ces dernières semaines requiert une attention particulière. Le Belize tient à exprimer ses plus vives préoccupations quant à l’incapacité de la communauté internationale à intervenir pour mettre un terme à l’occupation illicite prolongée par Israël, ce que le Conseil de sécurité a pourtant, dans sa résolution 242 (1967), jugé nécessaire pour instaurer une paix juste et durable9. Cette occupation constitue un acte d’agression illicite et continu
5 Voir, par exemple, exposés écrits de la République tchèque, 20 juillet 2023, p. 1-2 ; de Nauru, non daté, par. 5, 10 et 12 ; des États-Unis d’Amérique, 25 juillet 2023, par. 1.7 et 2.3 ; du Royaume-Uni, 20 juillet 2023, par. 9-10 ; de la Hongrie, 25 juillet 2023, par. 13-14 et 22 ; du Maroc, juillet 2023, p. 4 ; et du Canada, 14 juillet 2023, par. 6.
6 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 242 (1967) du 22 novembre 1967, doc. S/RES/242 (ci-après « S/RES/242 (1967) ») et 338 (1973) du 22 octobre 1973, doc. S/RES/338, (ci-après « S/RES/338 (1973) »).
7 Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, 13 septembre 1993, annexée au document des Nations Unies A/48/486–S/26560, 11 octobre 1993 (« Oslo I ») ; accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, 28 septembre 1995, Nations Unies, doc. A/51/889-S/1997/357 (« Oslo II ») (collectivement désignés les « accords d’Oslo »).
8 Ces documents, ou certains d’entre eux, sont mentionnés dans les exposés écrits des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, de la Jordanie, de l’Organisation de coopération islamique, de Nauru, des Fidji, de la Chine, de l’Égypte, de la Russie, de la Bolivie et du Maroc, ainsi que dans les annexes de l’exposé écrit de l’Espagne.
9 Voir par. 48 b) ci-dessous. Voir aussi Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution S/RES/2334 du 23 décembre 2016 (ci-après « S/RES/2334 (2016) »), par. 9 (Préconisant vivement des efforts diplomatiques en vue de parvenir à « une paix globale, juste et durable … et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 »).
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contraire au jus ad bellum, qui perdure depuis 196710 et entraîne des cycles de violence de plus en plus graves contre la population palestinienne protégée qui se trouve sous le contrôle effectif d’Israël.
9. Le Belize s’inquiète vivement des déclarations d’Israël, puissance occupante, qui visent à imposer un changement de régime, une annexion et un transfert forcé des civils dans la bande de Gaza occupée, en violation du droit international, notamment de l’article 47 de la quatrième convention de Genève11. Le 7 octobre 2023, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a ainsi fait la déclaration suivante : « Voici ce que je dis aux habitants de Gaza : partez maintenant parce que nous utiliserons la force partout »12. Le ministre Gideon Sa’ar a estimé, quant à lui, que « la bande de Gaza d[evra]it être plus petite à la fin de la guerre », et qu’« ils d[evaient] perdre ce territoire » car « la perte [était] le prix que les Arabes compren[aient] »13. À propos du déplacement forcé et massif de Palestiniens dans l’ensemble de la bande de Gaza, Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a, le 14 octobre 2023, souligné que « les Palestiniens [étaient] gravement menacés de nettoyage ethnique à grande échelle » et appelé « la communauté internationale à s’interposer de toute urgence en vue de parvenir à un cessez-le-feu entre les belligérants du Hamas et les forces d’occupation israéliennes »14.
10. Selon les estimations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, au 21 octobre 2023, quelque 4 385 Palestiniens avaient été tués et 13 561, blessés, durant l’offensive militaire contre Gaza qu’Israël menait alors depuis 15 jours 15. On estime à 1 400 le nombre de Palestiniens toujours enfouis sous les décombres16. Israël poursuit également une campagne concertée de violence contre les Palestiniens en Cisjordanie, où 84 Palestiniens ont été tués et 1 653, blessés17. Les forces militaires israéliennes continuent de procéder à des arrestations
10 Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 33.
11 Quatrième convention de Genève relative à la protection de personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, entrée en vigueur le 21 octobre 1950, Nations Unies, Recueil des traités (RTNU), vol. 75, p. 287 (ci-après la « quatrième convention de Genève »), art. 47 :
« Les personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention, soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé. »
Sur les transferts forcés, voir quatrième convention de Genève, art. 49. Sur l’interdiction de l’annexion, voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 44-45.
12 Premier ministre israélien, X (anciennement Twitter), 7 octobre 2023, accessible à l’adresse suivante : https://twitter.com/IsraeliPM/status/1710769906373775373 ; déclaration du premier ministre Benjamin Netanyahou, ministère des affaires étrangères, 7 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.il/en/departments /news/statement-by-pm-netanyahu-7-oct-2023).
13 « Israeli minister: Gaza “must be smaller at the end of the war” », interview on Channel 12 News, recording reproduced by TRT World, 14 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com//watch? v=jm HeWt8ys54).
14 « UN expert warns of new instance of mass ethnic cleansing of Palestinians, calls for immediate ceasefire », UN Press Release, 14 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/10/ un-expert-warns-new-instance-mass-ethnic-cleansing-palestinians-calls).
15 Nations Unies, OCHA, « Hostilities in the Gaza Strip and Israel | Flash Update #15 », 21 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-15).
16 OMS, « oPT Emergency Situation Report, Issue 6 », 21 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.emro.who.int/images/stories/palestine/WHO_oPt_Sitrep_6s.pdf?ua=1) p. 2.
17 Nations Unies, OCHA, « Hostilities in the Gaza Strip and Israel | Flash Update #15 », 21 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-15).
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de masse et à des détentions administratives arbitraires, dont l’arrestation récente de plus de 60 ouvriers palestiniens de Gaza piégés en Cisjordanie
18.
11. Le blocus terrestre, maritime et aérien19 de Gaza, qui est imposé par Israël depuis 17 ans, a déjà été qualifié de punition collective contre le peuple palestinien20. Certains éléments attestent de frappes d’une « ampleur sans précédent » et de la destruction de quartiers résidentiels entiers, notamment Rimal, Beit Hanoun et Beit Lahiya21, ainsi que d’un nombre grandissant d’attaques aveugles ayant atteint ou illicitement pris pour cible , entre autres, des ambulances, des hôpitaux, des écoles et autres bâtiments de l’UNWRA, des mosquées, des églises et des lieux de refuge22.
12. Les déclarations de hauts responsables israéliens concernant la prise pour cible collective de la population civile de Gaza sont alarmantes. On citera notamment le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, qui, le 9 octobre 2023, a annoncé ce qui suit: Israël « impose un siège complet à Gaza. Il n’y aura ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant. Tout est fermé. Ceux que nous combattons ne sont pas humains et nous agissons donc en conséquence »23. Le coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires, le général de division Ghassan Alian, s’est fait l’écho de cette position en déclarant ceci : « Les bêtes sauvages sont traitées comme elles le méritent. Israël a imposé un blocus total à Gaza, pas d’électricité, pas d’eau, que des destructions. Vous vouliez
18 UNRWA, « Situation Report #9 on the situation in the Gaza Strip and the West Bank », 20 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.unrwa.org/resources/reports/situation-report-9-gaza-strip-and-west-bank- including-east-jerusalem). Au sujet des arrestations et détentions arbitraires en Cisjordanie de façon plus générale, voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 56 b).
19 Au sujet de l’utilisation du terme « blocus », voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, note 52.
20 Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 56 e) vi).
21 « IAF hits Gaza on “unprecedented scale”; Strip’s power plant shuts down », The Times of Israel, 11 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/iaf-hits-gaza-on-unprecedented-scale- strips-power-plant-shuts-down/#%3A~%3Atext%3DThe%20Israel%20Air%20Force%20was%20striking%20in%20the%2Cenemy%20here%20firing%20rockets%2C%20raiding%20a%20civilian%20population) ; « Damage maps of Gaza’s hard-hit areas since the start of the war » The Washington Post, 19 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.washingtonpost.com/world/2023/10/18/gaza-war-damage-images-maps/).
22 Déclaration de Volker Türk, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, « Le haut-commissaire Volker Türk s’exprime sur les horribles meurtres commis à l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza », 17 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/fr/statements/2023/10/un-human-rights-chief-volker-turk-horrific-killings-al- ahli-arab-hospital-gaza) ; UNRWA, « Situation Report #9 on the Gaza Strip and the West Bank (including East Jerusalem) », 20 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.unrwa.org/resources/ reports/situation-report-9-gaza-strip-and-west-bank-including-east-jerusalem?fbclid=IwAR0k2HT4boX7n_SsDqf2wITD GAB_OcswwdPZkmsBq7OWEtf9HwtL7on6Cgk) ; OCHA, « Hostilities in the Gaza Strip and Israel | Flash Update #6 », 12 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-6) ; « Ambulances hit during Israeli air attack in Gaza », Al Jazeera, 14 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/program/newsfeed/2023/10/14/ambulances-hit-during-israeli-air-attack-in-gazavideo-shows-the-moment-a-co) ; Al-Haq, Al Mezan and PCHR, « Joint Urgent Appeal to UN Special Procedures on Journalists Killed While Reporting in Gaza, Highlights Israel in Breach of International Law », 13 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.alhaq.org/advocacy/21894.html) ; Al-Haq, Al Mezan and PCHR, « Al-Haq, Al Mezan, and PCHR Send Urgent Appeal to UN Special Procedures and the Commission of Inquiry on Israel’s Total Warfare on Gaza’s Civilian Population », 12 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.alhaq.org/advocacy/ 21878.html).
23 « Israeli Defense Minister Announces Siege On Gaza To Fight “Human Animals” », Huffington Post, 9 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.huffingtonpost.co.uk/entry/israel-defense-minister-human- animals-gaza-palestine_n_6524220ae4b09f4b8d412e0a). Une déclaration similaire a été faite par le ministre israélien de l’énergie et des infrastructures, Israel Katz. Voir Al Mezan, « Urgent Action: Palestinian Human Rights Organisations Call on Third States to Urgently Intervene to Protect the Palestinian People Against Genocide », 18 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.mezan.org/public/en/post/46288/Urgent-Action:-Palestinian-Human-Rights- Organisations-Call-on-Third-States-to-Urgently-Intervene-to-Protect-the-Palestinian-People-Against-Genocide), permettant d’accéder aux déclarations et à leur traduction).
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l’enfer, vous l’aurez »
24. Dans le même temps, l’évacuation massive de 1,1 million de personnes résidant dans le nord de Gaza en direction du sud a été mise en oeuvre en l’absence de tout objectif militaire discernable25, alors même que, dans cette dernière partie du territoire aussi, les voies d’évacuation et la population font l’objet de campagnes de bombardement incessantes26. Selon l’OMS, les « ordres d’évacuation adressés par Israël aux hôpitaux du nord de Gaza sont une condamnation à mort pour les malades et les blessés »27.
13. Pour assurer la paix, le droit international doit prévaloir. Un groupe de rapporteurs spéciaux de l’ONU a, le 19 octobre 2023, formulé la mise en garde suivante : « Nous tirons la sonnette d’alarme : les opérations engagées par Israël conduisent à des crimes contre l’humanité à Gaza. Au vu des déclarations de dirigeants politiques israéliens et de leurs alliés, auxquelles s’ajoutent les actions militaires menées à Gaza et l’escalade des arrestations et des meurtres en Cisjordanie, un risque de génocide menace en outre le peuple palestinien. »28 Le Belize se doit, à ce stade, d’exprimer sa plus vive inquiétude face aux éléments indiquant que la population de Gaza est ou pourrait être victime de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide (y compris l’intention de commettre un génocide et l’incitation au génocide)29. L’interdiction qui frappe chacun de ces actes constitue une norme impérative du droit international dont la violation entraîne l’obligation pour tous les États de coopérer pour y mettre fin30.
24 Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), X (anciennement Twitter), 10 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://twitter.com/cogatonline/status/1711718883323752586?t= UAM2bzjS-PRdJv1hIQY-Wg&s=09). Un lien permettant d’accéder à cette déclaration et à sa traduction figure également dans Al Mezan, « Urgent Action: Palestinian Human Rights Organisations Call on Third States to Urgently Intervene to Protect the Palestinian People Against Genocide », 18 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.mezan.org/public/en/post/46288/Urgent-Action:-Palestinian-Human-Rights-Organisations-Call-on-Third-States-to-Urgently-Intervene-to-Protect-the-Palestinian-People-Against-Genocide).
25 En contravention du paragraphe 2 de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, qui limite toute évacuation de personnes civiles dans un territoire occupé aux situations dans lesquelles « la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent ».
26 Voir Al Mezan, « Urgent Action: Palestinian Human Rights Organisations Call on Third States to Urgently Intervene to Protect the Palestinian People Against Genocide », 18 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.mezan.org/public/en/post/46288/Urgent-Action:-Palestinian-Human-Rights-Organisations-Call-on-Third-States-to-Urgently-Intervene-to-Protect-the-Palestinian-People-Against-Genocide) ; « Gaza civilians afraid to leave home after bombing of “safe routes” », The Guardian, 15 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.theguardian.com/world/2023/oct/14/gaza-civilians-afraid-to-leave-home-after-bombing-of-safe-routes) ; « “The strikes are everywhere” : Palestinians flee south in Gaza but cannot escape bombs », The Guardian, 21 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.theguardian.com/world/2023/oct/21/the-strikes-are-everywhere-Palestinians-flee-south-in-gaza-but-cannot-escape-bombs).
27 OMS, « Les ordres d’évacuation adressés par Israël aux hôpitaux du nord de Gaza sont une condamnation à mort pour les malades et les blessés », 14 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.who.int/fr/news/item/ 14-10-2023-evacuation-orders-by-israel-to-hospitals-in-northern-gaza-are-a-death-sentence-for-the-sick-and-injured).
28 « Gaza: UN experts decry bombing of hospitals and schools as crimes against humanity, call for prevention of genocide », UN Press Release, 19 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/10/gaza-un-experts-decry-bombing-hospitals-and-schools-crimes-against-humanity). Voir aussi la mise en garde de 800 universitaires ayant, pour certains, étudié le génocide et l’Holocauste, au sujet du « risque qu’un crime de génocide soit perpétré par les forces israéliennes contre les Palestiniens dans la bande de Gaza » (voir « Public Statement: Scholars Warn of Potential Genocide in Gaza », Opinio Juris, 18 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://opiniojuris.org/2023/10/18/public-statement-scholars-warn-of-potential-genocide-in-gaza/)). Voir en outre Centre for Constitutional Rights, « Israel’s Unfolding Crime of Genocide of the Palestinian People & U.S. Failure to Prevent and Complicity in Genocide », 18 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://ccrjustice.org/israel-s-unfolding-crime-genocide-palestinian-people-us-failure-prevent-and-complicity-genocide). Une lettre a été envoyée au procureur de la Cour pénale internationale par des universitaires spécialistes du génocide ainsi que 100 organisations pour demander, notamment, l’ouverture d’une enquête sur les déclarations de responsables israéliens constitutives d’incitation au génocide (voir Letter addressed to Mr. Karim A.A. Khan KC, Prosecutor of the International Criminal Court, 19 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.addameer.org/sites/default/files/icc-letter-1697782247-pdf.pdf).
29 Voir « A Textbook Case of Genocide », Jewish Currents, 13 octobre 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://jewishcurrents.org/a-textbook-case-of-genocide?token=-5QiQQnfBR0eMo3Pab6kH_vRbHMRF0cr).
30 Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 83-84.
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CHAPITRE 1 LE CADRE ÉTABLI EN VUE D’UNE SOLUTION NÉGOCIÉE NE CONSTITUE PAS UNE RAISON DÉCISIVE POUR QUE LA COUR REFUSE DE RÉPONDRE COMPLÈTEMENT AUX QUESTIONS QUI LUI SONT POSÉES
14. Exprimant leur soutien à une solution négociée à deux États, une minorité d’États ont fait valoir que la Cour devait refuser de donner un avis consultatif ou, si elle le faisait, s’abstenir de répondre complètement aux questions posées, afin de ne pas compromettre ou passer outre le cadre établi en vue d’une solution négociée31. Selon la jurisprudence constante de la Cour, seules des « raisons décisives » peuvent conduire celle-ci à opposer un refus à une demande d’avis relevant de sa compétence32. En l’espèce, il n’existe aucune raison décisive. La Cour doit rejeter l’argument l’invitant à refuser de répondre complètement aux questions qui lui sont posées, et ce, pour les raisons suivantes.
15. Premièrement, l’Assemblée générale des Nations Unies a jugé bon de solliciter des réponses aux questions posées dans la demande et c’est à elle de décider comment ces réponses peuvent être utilisées pour l’aider à s’acquitter de ses fonctions. Il n’appartient pas à la Cour de déterminer si ces réponses sont nécessaires ou utiles à l’Assemblée générale33. En particulier, il ne lui appartient pas de répondre partiellement aux questions posées en fonction de la manière dont un processus politique pourrait ou non être mené à l’avenir ; il s’agirait là d’un exercice inapproprié de sa compétence consultative. En outre, il n’existe aucune base sur laquelle la Cour pourrait objectivement s’appuyer pour apprécier l’incidence de ses réponses, qu’elles soient complètes ou partielles, sur toute négociation future34.
16. Deuxièmement, l’argument à l’examen repose sur l’hypothèse selon laquelle, en répondant — complètement ou non — aux questions posées par l’Assemblée générale, la Cour compromettrait
31 En ce qui concerne les participants qui considèrent que la Cour doit refuser de répondre aux questions, voir, par exemple, les exposés écrits du Canada, des Fidji, de la Hongrie, d’Israël, de l’Italie, du Togo, du Royaume-Uni et de la Zambie. Pour ce qui est des participants qui estiment que la Cour doit refuser de répondre complètement aux questions, voir, par exemple, l’exposé écrit de la Norvège, 7 juillet 2023, p. 2 (demandant à la Cour de s’écarter du libellé des questions et de préciser seulement le cadre juridique dans lequel les négociations doivent avoir lieu), et voir également les exposés écrits mentionnés dans la note 41 ci-après, où il est dit que la Cour doit modifier le contenu de son avis consultatif afin de préserver le cadre de négociation, ce qui peut aussi être interprété comme un argument militant en faveur d’un refus de la Cour de répondre complètement aux questions posées.
32 Voir, par exemple, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 113, par. 65 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 416, par. 30 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé , avis consultatif, C.1.J. Recueil 2004 (I), p. 156-157, par. 44.
33 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 237, par. 16 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 417-418, par. 34 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 163, par. 61-62.
34 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 237, par. 17 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 418, par. 35 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 159-160, par. 51-54.
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les efforts déployés pour parvenir à une solution négociée
35. Cette hypothèse est erronée. Des réponses complètes de la Cour ne pourraient être préjudiciables aux négociations que si elles dictaient l’issue de questions que les parties ont toute liberté de négocier, de sorte qu’elles réduiraient indûment la marge de manoeuvre pour engager de véritables négociations. Or, comme il est expliqué au chapitre 3, Israël et la Palestine ne sont pas exempts de contraintes. Toute négociation doit être conforme au droit international. Celui-ci impose des règles en matière de négociation, notamment le respect non négociable des normes impératives36. Aussi, en apportant des réponses complètes aux questions, sur la base du droit international, la Cour, loin de compromettre les négociations, aidera l’Assemblée générale à faciliter leur déroulement dans des conditions licites, réalistes et fructueuses37. Il n’est pas crédible d’affirmer le contraire.
17. Troisièmement, cet argument donne à penser que le fait de refuser de répondre ou de ne pas répondre complètement aux questions posées aurait des effets positifs sur le processus permettant d’aboutir à une solution négociée. Cela présuppose toutefois que les parties sont prêtes et disposées à conclure un règlement négocié et que, en substance, la Cour ne doit pas prendre le risque d’entraver ce règlement. Ce postulat ne reflète toutefois pas fidèlement la situation existante. Le cadre de négociation visant à parvenir à un règlement pour une paix juste, durable et globale est au point mort depuis des années38. La perspective que les parties engagent des négociations productives et globales dans un délai approprié s’est encore éloignée par suite de la récente escalade de la violence en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, qui s’inscrit dans le contexte du refus obstiné par Israël de renoncer à ses politiques d’annexion et d’apartheid et de la lutte du peuple palestinien contre une occupation illicite et oppressive qui dure depuis 56 ans39. La Cour doit donc se garder de cautionner une approche susceptible de contribuer encore à la stagnation des négociations, alors même que l’Assemblée générale a jugé que, en répondant aux questions posées, elle l’aiderait à exercer ses fonctions visant à faciliter un règlement pacifique de la situation israélo-palestinienne.
18. L’existence d’un cadre en vue d’une solution négociée n’est donc pas une raison décisive pour que la Cour refuse de donner l’avis consultatif ou refuse de répondre complètement aux questions qui lui ont été posées.
35 Divers éléments sont avancés pour expliquer en quoi les négociations pourraient être compromises, et notamment i) des conjectures générales et hasardeuses selon lesquelles un avis consultatif pourrait nuire à la capacité d’Israël et de la Palestine de négocier un règlement de leur différend (voir, par exemple, exposé écrit des États-Unis d’Amérique, 25 juillet 2023, par. 3.20) ; ii) l’affirmation voulant que la détermination de la portée précise de la responsabilité d’Israël puisse empêcher la création de conditions propices aux négociations (voir exposé écrit de la Russie, 24 juillet 2023, p. 27) ; iii) le fait que, en tranchant les questions sur lesquelles il lui a été demandé de se prononcer, la Cour pourrait « compromettre » le résultat des négociations entre Israël et la Palestine (voir, par exemple, exposé écrit de la Zambie, non daté, p. 2) ; et iv) le fait qu’il n’est demandé à la Cour de donner son avis que sur certaines des questions qui relèvent des négociations (voir, par exemple, exposé écrit des Fidji, juillet 2023, p. 3).
36 Voir par. 66 ci-dessous.
37 Contra exposé écrit du Togo, 24 juillet 2023, p. 2-3 (où il est avancé que l’objectif principal de la demande d’avis consultatif est l’abandon du cadre de négociation). Voir aussi, pour le point de vue selon lequel l’avis consultatif favorisera une issue négociée : exposé écrit des Émirats arabes unis, 25 juillet 2023, par. 8 ; exposé écrit de la Colombie, 24 juillet 2023, par. 3.16-3.17 et 4.11 ; exposé écrit du Qatar, 25 juillet 2023, par. 6.105 ; exposé écrit de Cuba, 24 juillet 2023, p. 3-4 ; exposé écrit de la Norvège, 7 juillet 2023, p. 2.
38 Voir exposé écrit de la Jordanie, 25 juillet 2023, par. 3.53 (notant que, depuis les derniers pourparlers de paix tenus en 2014, aucun progrès n’a été accompli en vue d’un règlement permanent). Voir en outre, les exposés d’autres participants confirmant que les négociations sont au point mort : exposé écrit du Qatar, 25 juillet 2023, par. 6.105 ; exposé écrit de l’Irlande, 25 juillet 2023, par. 10 ; exposé écrit du Bangladesh, non daté, par. 8.
39 Voir aussi note 158 ci-dessous.
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CHAPITRE 2 LE CADRE ÉTABLI EN VUE D’UNE SOLUTION NÉGOCIÉE EST DÉNUÉ DE PERTINENCE AUX FINS DES RÉPONSES QUE LA COUR POURRAIT APPORTER AUX QUESTIONS QUI LUI SONT POSÉES
A. INTRODUCTION
19. Comme expliqué au chapitre 1, la Cour devrait répondre de manière complète aux questions qui lui sont posées. Ses réponses seront fondées sur les règles applicables du droit international. Étant donné que le cadre de négociation est un cadre politique non contraignant (par opposition à un cadre juridiquement contraignant), il n’est évidemment pas pertinent pour le contenu de l’avis consultatif qui sera donné par la Cour. Un petit nombre de participants ont cependant estimé qu’il existait un cadre de négociation juridiquement contraignant40, demandant instamment à la Cour de veiller à ce que tout avis consultatif qu’elle pourrait donner « respecte » ce cadre et s’« inscrive » dans celui-ci41. Il convient cependant de relever que, dans les quelques exposés écrits où cette position a été défendue, les raisons pour lesquelles le cadre de négociation est considéré comme engendrant des droits et des obligations qui auraient une incidence sur les réponses aux questions posées à la Cour ne sont pas clairement expliquées.
20. Deux arguments semblent avoir été formulés dans ces exposés écrits au sujet des droits et obligations que le cadre de négociation est censé créer. Le premier est qu’Israël et la Palestine sont soumis à une obligation juridiquement contraignante de négocier sur certaines questions, en particulier les « questions relatives au “statut permanent” »42. Le terme « statut permanent » est tiré de l’article V d’Oslo I et recouvre : « Jérusalem, les réfugiés, les implantations, les arrangements en matière de sécurité, les frontières, les relations et la coopération avec d’autres voisins, et d’autres questions d’intérêt commun ». Le second argument est qu’Israël a le « droit de rester » sur le territoire palestinien et de continuer à exercer son autorité et son contrôle sur ce territoire jusqu’à ce qu’une solution négociée soit trouvée43.
40 Voir, par exemple, les exposés écrits de Nauru, non daté, par. 3 (« Nauru considère qu’il existe un cadre juridique établi pour le règlement du conflit israélo-palestinien ») ; des Fidji, juillet 2023, p. 2 (« le cadre juridiquement contraignant établi spécifiquement pour résoudre le conflit israélo-palestinien ») ; de la Hongrie, 25 juillet 2023, par. 25 (se référant au « cadre juridique établi » pour les négociations) ; d’Israël, 24 juillet 2023, p. 5 (« le cadre juridique établi régissant le conflit israélo-palestinien et sa résolution par la négociation ») ; du Togo, 24 juillet 2023, p. 2 (« le cadre juridique établi pour parvenir à la paix israélo-palestinienne ») ; et de la Zambie, non daté, p. 1 (le « cadre juridique établi pour la résolution de leur conflit »).
41 Voir, par exemple, exposé écrit de la Russie, 24 juillet 2023, par. 43 (où il est fait référence au « cadre juridique international universellement reconnu du processus de paix au Moyen-Orient » et indiqué que « tout avis consultatif donné par la Cour devra s’inscrire dans ce cadre et contribuer à sa mise à effet ») ; et voir également par. 82 ; exposé écrit des États-Unis d’Amérique, 25 juillet 2023, par. 3.3, 3.14 et 5.6 (où il est demandé à la Cour d’« examiner la résolution par laquelle elle a été saisie en respectant le cadre établi » ; « cela place donc la Cour dans la situation peu enviable de devoir tenter de répondre à des questions dont la portée peut être importante sans mettre à mal le cadre de négociation établi » ; « Il est impératif que la Cour, même si elle se penche sur les conséquences juridiques des violations alléguées du droit international, veille à formuler son avis de sorte à préserver la capacité des parties de négocier les termes de la paix et d’une solution à deux États, conformément au cadre établi ») ; exposé écrit de l’Italie, non daté, par. 5 (où il est fait référence au « cadre juridique établi pour la résolution du conflit » et « préconis[é] respectueusement [que la Cour] veille à exercer ses fonctions … de façon à préserver la capacité des parties à négocier la paix et une solution des deux États dans le cadre établi » ; exposé écrit de la République tchèque, 20 juillet 2023, p. 3 (« ses réponses ne pourraient en aucun cas être interprétées comme une permission de s’écarter du cadre juridique établi ») ; exposé écrit du Guatemala, juillet 2023, par. 46 et 48 (« Cette prescription a recueilli l’adhésion de la communauté internationale et du Conseil de sécurité. … Le Guatemala demande respectueusement à la Cour que tout avis consultatif qu’elle déciderait de donner tienne dûment compte des négociations bilatérales susmentionnées et contribue à leur mise en oeuvre rapide. »
42 Voir par. 22 et les références figurant dans la note 48 ci-après.
43 Voir par. 41 et les références figurant dans la note 102 ci-après.
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21. Dans le présent chapitre, le Belize démontrera que le cadre de négociation est dénué de pertinence car il ne modifie pas les réponses qui seraient autrement données aux questions posées à la Cour. Comme il l’a indiqué dans son exposé écrit, Israël : i) viole de façon continue ses obligations de respecter un certain nombre de normes impératives44 ; ii) occupe de façon illicite le territoire palestinien45 ; et iii) en raison de ces violations et de cette occupation illicite, doit immédiatement mettre fin à son occupation46. L’existence d’un cadre de négociation n’a d’incidence sur aucune de ces conclusions. En particulier, aucune d’elles ne se trouve modifiée par les arguments selon lesquels le cadre en question aurait créé des droits et des obligations contraignants pour Israël et la Palestine. Dans la section B, il sera expliqué qu’Israël et la Palestine ne sont pas soumis à une obligation de négocier, mais que même s’ils l’étaient (ce qui n’est pas le cas), cela serait sans effet sur les conséquences juridiques des agissements illicites d’Israël et n’aurait pas d’incidence sur la tâche incombant à la Cour. Dans la section C, le Belize montrera qu’Israël n’a pas le « droit de rester » sur le territoire palestinien dans l’attente qu’une solution négociée soit trouvée, mais que, même si un tel droit existait (ce qui n’est pas le cas), il ne l’emporterait pas sur les obligations impératives qui exigent le retrait complet et immédiat d’Israël. L’existence d’un tel droit serait donc sans effet sur les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël et, partant, n’aurait pas d’incidence sur la tâche incombant à la Cour.
B. L’ABSENCE DE PERTINENCE DE TOUTE OBLIGATION DE NÉGOCIER
22. Dans un certain nombre d’exposés écrits, il est avancé que le cadre établi en vue de parvenir à une solution négociée est juridiquement contraignant47 et qu’il imposerait une obligation de négocier à Israël et à la Palestine48. Or, Israël et la Palestine ne sont soumis à aucune obligation de négocier (sous-section 1). De plus, même si une telle obligation existait (ce qui n’est pas le cas), elle n’aurait pas à être prise en compte dans les réponses de la Cour car elle ne saurait avoir d’incidence sur le devoir d’Israël de se conformer aux obligations de se retirer complètement et immédiatement du territoire palestinien (sous-section 2).
44 Exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 19-24, 33-34, 36-41, 47-52, 66-73 et 83.
45 Ibid., par. 31-34 et 96-99.
46 Ibid., par. 33, 76-78 et 103.
47 Voir note 40 ci-dessus.
48 Voir, par exemple, exposé écrit de la Russie, 24 juillet 2023, p. 27 (« Israël et la Palestine sont tenus de mener, de bonne foi et sans délai, des négociations visant à parvenir à un règlement du statut final ») ; exposé écrit de l’Union africaine, 25 juillet 2023, par. 154 (« ces dispositions des accords d’Oslo constituent un pactum de negotiando exigeant des deux parties qu’elles négocient de bonne foi pour parvenir à un accord ») ; exposé écrit du Guatemala, juillet 2023, par. 46 (« cadre qui a été établi depuis lors pour parvenir à une solution négociée de la question palestinienne et de sa présente applicabilité aux parties, auxquelles il est notamment prescrit de régler la question dont elle est saisie au moyen de négociations directes ») ; exposé écrit de Nauru, non daté, par. 14 (« Israël et la Palestine ont tous les deux pris l’engagement de régler le conflit et leurs revendications concurrentes en menant des négociations de bonne foi »). Ce point est également soulevé dans plusieurs exposés écrits au titre des arguments présentés concernant le pouvoir discrétionnaire de la Cour. Dans ces exposés, il est avancé que la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies a trait à un différend bilatéral et qu’Israël et la Palestine n’ont pas consenti à la compétence de la Cour, mais ont convenu d’un autre mode de règlement des différends, à savoir les négociations (voir, par exemple, exposé écrit de la Zambie, non daté, p. 2 (« Israël, qui s’est expressément engagé à trouver un règlement au conflit par la négociation directe avec la partie palestinienne ») ; exposé écrit d’Israël, 24 juillet 2023, p. 3 (« les deux camps sont convenus de régler l’objet du présent différend au moyen de négociations directes »). Une réponse adéquate est donnée à ces arguments relatifs au pouvoir discrétionnaire de la Cour dans certains exposés écrits. Voir, par exemple, exposé écrit de l’Afrique du Sud, 25 juillet 2023, par. 26-38 ; exposé écrit du Luxembourg, 20 juillet 2023, par. 20-23 ; exposés écrits de la Russie, 24 juillet 2023, par. 19-22 ; de la Chine, 25 juillet 2023, par. 12-15 ; de la France, 25 juillet 2023, par. 15-16 ; de la Jordanie, 25 juillet 2023, par. 2.12-2.15 ; de la Suisse, 17 juillet 2023, par. 15-17.
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1. La Palestine et Israël ne sont pas soumis à une obligation de négocier
23. Aucune obligation de négocier n’a été imposée à Israël et à la Palestine par le Conseil de sécurité (sous-section a)). Il n’existe pas non plus pour eux d’obligation de négocier créée par voie d’accord (sous-section b)).
a) Pas d’obligation de négocier aux termes des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de l’ONU
24. Les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité n’imposent pas d’obligation de négocier à Israël et à la Palestine, et ce, pour trois raisons :
a) Premièrement, il ressort d’une analyse de la teneur des résolutions que celles-ci n’imposent pas d’obligation de négocier à Israël et à la Palestine.
b) Deuxièmement, au moment de l’adoption des deux résolutions, la Palestine n’était pas encore un État49, et encore moins un État Membre de l’ONU, et le Conseil de sécurité ne pouvait donc pas lui imposer une obligation de négocier.
c) Troisièmement, encore aujourd’hui, la Palestine est un État observateur non-membre de l’ONU, et non un État Membre, et elle n’est donc pas obligée de se conformer aux décisions, fussent-elles contraignantes, du Conseil de sécurité50.
25. En ce qui concerne la première de ces raisons, qui est la seule à nécessiter un examen plus approfondi, les deux résolutions sont traitées tour à tour dans les paragraphes ci-après.
26. La résolution 242 (1967) a été adoptée à la suite de la troisième guerre arabo-israélienne de juin 1967 (guerre des Six jours), qui a conduit à l’occupation par Israël de vastes étendues de territoire, y compris l’ensemble du territoire palestinien. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a été unanime à souligner « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre » ainsi que l’engagement contracté par tous les États Membres de l’ONU d’agir conformément à l’article 2 de la Charte51. Dans les principaux paragraphes du dispositif de cette résolution, le Conseil de sécurité
« 1. Affirme que l’accomplissement des principes de la Charte exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient qui devrait comprendre l’application des deux principes suivants :
i) Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ;
ii) Cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de leur droit de vivre
49 Le Conseil national palestinien a proclamé l’établissement de l’État de Palestine en 1988. Voir la lettre datée du 18 novembre 1988 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. A/43/827-S/20278, 18 novembre 1988.
50 Charte des Nations Unies, art. 25 (« Les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. »)
51 S/RES/242 (1967), par. 1.
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en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force ;
2. Affirme en outre la nécessité
a) De garantir la liberté de navigation sur les voies d’eau internationales de la région ;
b) De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ;
c) De garantir l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique de chaque État de la région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées ;
3. Prie le Secrétaire général de désigner un représentant spécial pour se rendre au Moyen-Orient afin d’y établir et d’y maintenir des rapports avec les États intéressés en vue de favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes de la présente résolution »52.
27. Les termes de cette résolution et les discussions qui l’ont précédée montrent clairement que celle-ci n’impose pas d’obligation de négocier53.
a) Premièrement, la résolution ne mentionne pas que des négociations doivent avoir lieu ; elle se contente, en des termes assez vagues, d’énoncer les principes et les résultats qui « devraient » être inclus dans tout accord de paix54.
b) Deuxièmement, l’affirmation contenue au paragraphe 1 du dispositif selon laquelle « l’accomplissement des principes de la Charte exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient » ne fait tout au plus que réaffirmer le devoir incombant aux États Membres, aux termes du paragraphe 3 de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte, de « [régler] leurs différends internationaux par des moyens pacifiques ». Comme l’a reconnu la Cour, ces dispositions n’imposent pas aux États Membres une obligation de négocier55.
c) Troisièmement, la désignation d’un représentant spécial chargé de « favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté »56, qui est demandée dans la résolution, montre que le Conseil de sécurité considérait que les négociations constituaient un moyen approprié pour parvenir à une « paix juste et durable », sans toutefois imposer d’obligation à cet égard aux États concernés.
52 S/RES/242 (1967), par. 2-3.
53 En ce qui concerne l’interprétation des résolutions du Conseil de sécurité, voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971, p. 53, par. 114.
54 S/RES/242 (1967), par. 1 (les italiques sont de nous).
55 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 560-561, par. 165-166. Cf. exposé écrit de la France, 25 juillet 2023, par. 98.
56 Les italiques sont de nous.
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d) Quatrièmement, le fait que la résolution n’impose pas d’obligation contraignante de négocier est la suite logique des débats qui ont précédé son adoption et au cours desquels la question de négociations directes a été délibérément écartée57.
28. De la même manière, la résolution 338 (1973) n’impose aucune obligation de négocier à Israël et à la Palestine. Elle a été adoptée pendant la quatrième guerre arabo-israélienne d’octobre 1973 (guerre du Kippour/Ramadan), qui a opposé Israël à une coalition d’États dirigée par l’Égypte et la Syrie (notamment la Jordanie, le Liban, l’Iraq, l’Algérie, le Koweït et le Soudan). Après un appel aux « parties aux présents combats » à mettre fin à toute activité militaire, la résolution
« 2. Demande aux parties en cause de commencer immédiatement après le cessez-le-feu l’application de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité, en date du 22 novembre 1967, dans toutes ses parties ;
3. Décide que, immédiatement et en même temps que le cessez-le-feu, des négociations commenceront entre les parties en cause sous des auspices appropriés en vue d’instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient. »58
29. La résolution 338 ne pouvait être contraignante que pour Israël et les autres États Membres de l’ONU parties aux présents combats59, et non pour la Palestine60. En outre, les États Membres concernés étaient simplement invités à « commencer … l’application de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité » et à « commencer » des négociations en vue d’instaurer « une paix juste et durable »61. Comme dans le cas de la résolution 242 (1967), les négociations envisagées n’étaient pas des négociations directes entre les États en cause. Lors de la rédaction de la résolution, de nombreux États ont souligné que les négociations à commencer sous « des auspices appropriés » étaient des négociations sous les auspices de l’ONU62.
57 Comme l’a rappelé l’Iraq, « la vielle exigence bien connue des négociations directes … a été expressément exclue de la résolution du 22 novembre 1967 — exclue … non pas par accident, mais de propos délibéré au cours des semaines et des mois de discussions et de délibérations qui ont précédé l’adoption de cette résolution ». Voir Nations Unies, documents officiels du Conseil de sécurité, 1407e séance, doc. S/PV.1407, 24 mars 1968, par. 98. La résolution a plutôt prévu que les contacts entre les États en cause seraient établis et maintenus par l’intermédiaire d’un représentant spécial désigné par le Secrétaire général de l’ONU. Voir S/RES/242 (1967), par. 3 (cité au paragraphe 26 ci-dessus).
58 S/RES/338 (1973), par. 1-3.
59 Charte des Nations Unies, art. 25 (« Les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. » (Les italiques sont de nous).)
60 Ainsi, il a été fait référence à la résolution 338 dans de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité concernant la situation entre Israël et l’Égypte, d’une part, et entre Israël et la Syrie, d’autre part, qui ont été adoptées pendant au moins les 17 années qui ont suivi 1973. Ces textes, qui appelaient souvent à « appliquer » ladite résolution, concernaient en particulier les forces de maintien de la paix et d’observation de l’ONU stationnées entre ces États. Voir, à titre d’exemple : Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 438 (1978) du 23 octobre 1978, doc. S/RES/438 (1978) (concernant la force d’urgence des Nations Unies stationnée entre l’Égypte et Israël) ; 481 (1980) du 26 novembre 1980, doc. S/RES/481 (1980) (concernant la force des Nations Unies chargée d’observer le dégagement stationnée entre Israël et la Syrie). En revanche, il n’a pas été fait référence à la résolution 338 dans les résolutions du Conseil de sécurité concernant la Palestine au cours de la même période. Ce n’est qu’en 1990 que le Conseil de sécurité a commencé à faire référence à cette résolution dans le contexte particulier de la Palestine (les premières résolutions en question étaient les suivantes : résolution 672 (1990) du 12 octobre 1990, doc. S/RES/672 (1990) et résolution 1322 (2000) du 7 octobre 2000, doc. S/RES/1322 (1990)).
61 Les italiques sont de nous.
62 Voir, par exemple, Nations Unies, documents officiels du Conseil de sécurité, 1747e séance, doc. S/PV.1747, 21 octobre 1973, par. 165 (Guinée) : « les négociations prévues au paragraphe 3 du projet de résolution se dérouleront au sein de l’ONU, à travers l’ONU ». Voir aussi par. 61 (Royaume-Uni), par. 67 (France), par. 124 (Pérou), par. 147 (Soudan) et par. 183 (Yougoslavie).
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30. Le Conseil de sécurité n’a donc pas, par ses résolutions 242 ou 338, imposé une obligation de négocier à Israël et à la Palestine.
b) Pas d’obligation de négocier aux termes de documents émanant d’Israël et de la Palestine ou d’accords conclus entre eux
31. L’examen des documents émanant d’Israël et de la Palestine et des accords conclus entre eux63 dans la période allant de 1993 à 2023 confirme qu’il n’existe aucune obligation de négocier encore en vigueur entre les deux États. Ceux-ci ont été soumis à une obligation de négocier sur des questions pertinentes aux termes des accords d’Oslo, mais cette obligation, qui était limitée dans le temps, a expiré le 4 mai 1999 sans que l’accord prévu ait été conclu, et n’est donc plus en vigueur. Tous les documents et accords ultérieurs faisant référence à des négociations étaient l’expression d’une volonté politique et ne constituaient pas une obligation de négocier juridiquement contraignante.
32. Les documents et accords pertinents seront abordés tour à tour.
33. Le premier accord d’Oslo (Oslo I), conclu le 13 septembre 1993, a bel et bien établi une obligation de négocier, mais celle-ci ne valait que pour une période transitoire de cinq ans :
a) Dans son préambule, Oslo I indiquait que les parties « [étaient] convenues qu’il [était] temps … de s’efforcer … de parvenir à un règlement de paix juste, durable et global ».
b) L’article premier disposait que les « négociations [avaient] pour but » « d’établir une autorité palestinienne intérimaire autonome, le Conseil élu (« le Conseil »), pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans, en vue d’un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité »64.
c) L’accord prévoyait, entre autres, trois obligations de négocier . Les parties devaient : i) négocier et conclure un accord sur le retrait des forces militaires israéliennes de la bande de Gaza et de la région de Jéricho, ce qu’elles ont fait par la suite65 ; ii) négocier et conclure un accord sur la période intérimaire de cinq ans, ce qu’elles ont fait par la suite66 ; et iii) commencer des négociations afin de parvenir au « règlement permanent » visé à l’article premier.
d) S’agissant de l’obligation de négocier du point iii) :
i) La source de cette obligation était le paragraphe 2 de l’article V, qui prévoyait que « [l]es négociations sur le statut permanent … ne commence[raient] … pas plus tard qu’au début de la troisième année de la période intérimaire ».
ii) Le paragraphe 3 de l’article V indiquait que ces négociations porteraient sur « les questions en suspens, notamment : Jérusalem, les réfugiés, les implantations, les arrangements en
63 Voir par. 6 ci-dessus sur ce qui est généralement considéré comme faisant partie du cadre de négociation.
64 Les italiques sont de nous.
65 Oslo I, art. XIV et annexe II, par. 1 ; accord relatif à la bande de Gaza et à la région de Jéricho, 4 mai 1994 (accessible à l’adresse suivante : https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/IL%20PS_940504_Agreement% 20on%20the%20Gaza%20Strip%20and%20the%20Jericho%20Area%20%28Cairo%20Agreement%29.pdf) (accord de 1994 sur Gaza-Jéricho).
66 Oslo I, art. VII. Voir aussi paragraphe 2 de l’article III. L’accord sur la période intérimaire était Oslo II, présenté ci-après.
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matière de sécurité, les frontières, les relations et la coopération avec d’autres voisins, et d’autres questions d’intérêt commun »
67.
iii) En ce qui concerne le début de la période intérimaire de cinq ans, le paragraphe 1 de l’article V précisait que cette « période de transition » devait commencer à partir du retrait d’Israël de Gaza et de la région de Jéricho, mais les parties sont par la suite convenues qu’elle commencerait à partir de la date de la signature de l’accord de retrait, le 4 mai 199468. Le « début de la troisième année de la période intérimaire », date à laquelle les négociations sur le statut permanent devaient commencer, était donc le 4 mai 199669. Par conséquent, la période intérimaire de cinq ans a expiré le 4 mai 199970.
iv) Cette obligation de négocier imposée par Oslo I était clairement une obligation de comportement et non de résultat71. Elle exigeait des parties qu’elles « commencent » des négociations sur les questions spécifiées au plus tard le 4 mai 1996.
v) Il est également clair que cette obligation était limitée dans le temps. L’accord prévoyait une période de transition, « en vue d’un règlement permanent », qui prendrait effet au plus tard à la fin de cette période de cinq ans72. L’obligation de négocier ne perdurait donc que jusqu’à la fin de cette période de cinq ans, c’est-à-dire jusqu’au 4 mai 1999. C’est parce qu’Oslo I prévoyait qu’un règlement permanent serait conclu au cours de la période de transition de cinq ans qu’il n’avait pas prévu d’obligation de négocier au-delà de cette période. Après le 4 mai 1999, Oslo I ne soumettait donc pas les parties à une obligation de négocier73.
67 Cette référence aux « frontières » pourrait être la base sur laquelle s’appuient les Fidji pour considérer que la Cour ne saurait déterminer la licéité des colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien étant donné que la question de la souveraineté sur ce territoire n’a pas encore été réglée par un accord de paix. Voir exposé écrit des Fidji, juillet 2023, p. 6-7, où il est déclaré, entre autres, ce qui suit : « Il est dès lors possible de considérer que la question de la souveraineté sur les territoires en cause est en suspens jusqu’à ce qu’un accord de paix soit conclu » (les italiques sont dans l’original). La proposition pour le moins surprenante selon laquelle les colonies israéliennes pourraient être licites est manifestement en contradiction avec la seule position valable au regard du droit international, à savoir que toutes les colonies israéliennes dans le territoire palestinien sont illicites, comme l’ont reconnu la Cour et de nombreux organes de l’ONU, y compris le Conseil de sécurité. Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 36. S’agissant du devoir des États Membres de l’ONU d’agir de manière appropriée lorsque le Conseil de sécurité a déclaré une situation illicite, voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 52, par. 112 : « Ce serait une interprétation insoutenable d’affirmer que, lorsque le Conseil de sécurité fait une telle déclaration en vertu de l’article 24 de la Charte au nom de tous les États Membres. ceux-ci sont libres de ne faire aucun cas de l’illégalité ni même des violations du droit qui en résultent. En présence d’une situation internationalement illicite de cette nature, on doit pouvoir compter sur les Membres des Nations Unies pour tirer les conséquences de la déclaration faite en leur nom. »
68 Oslo I, paragraphe 1 de l’article V ; accord de 1994 sur Gaza-Jéricho, paragraphe 3 de l’article XXIII, fixant la date de début de la période transitoire de cinq ans à celle de la signature de cet accord de retrait.
69 Comme confirmé par Oslo II, présenté ci-dessous. Voir Oslo II, alinéa 6 du préambule et paragraphe 5 de l’article XXXI.
70 Comme confirmé par le mémorandum de Wye River de 1998 présenté ci-après, dont la section IV mentionne « l’objectif commun de trouver un accord d’ici au 4 mai 1999 ».
71 Voir Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 538, par 87. En outre, cela apparaît de manière tout à fait évidente lorsque l’on compare le paragraphe 2 de l’article V à d’autres dispositions d’Oslo I qui imposent une obligation de résultat, comme l’annexe II, par. 1 : « Les deux parties concluront et signeront … un accord sur le retrait des forces militaires israéliennes de la bande de Gaza et de la région de Jéricho. »
72 Oslo I, art. premier (« une période transitoire ne dépassant pas cinq ans, en vue d’un règlement permanent ». Cette analyse est partagée par d’éminents juristes. Voir, par exemple, Benvenisti, « The Israeli-Palestinian Declaration of Principles: A Framework for Future Settlement » (1993) 4(4) EJIL 542, p. 551: « foresees a final settlement of the conflict, which will commence no later than the end of the five-year transitional period ».
73 Cela ne veut pas dire qu’Oslo I lui-même a pris fin le 4 mai 1999, mais simplement que l’obligation de négocier prévue dans cet accord s’est éteinte à cette date.
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34. Oslo II était l’accord sur la période intérimaire qui devait être conclu en application d’Oslo I74, et il l’a été le 28 septembre 1995. Il était réaffirmé dans cet accord que « les négociations sur le statut permanent … condui[raient] à la mise en oeuvre des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité », c’est-à-dire à une « paix juste [et] durable »75. Cet accord, entre autres, fixait au 4 mai 1994 la date de début de la période intérimaire76 et confirmait que les négociations sur le statut permanent commenceraient le 4 mai 199677, mais rien n’y figurait quant au contenu de l’obligation de négocier prévue dans Oslo I78.
35. Les négociations sur les questions relatives au statut permanent ont été officiellement lancées au début du mois de mai 199679, mais elles se sont rapidement heurtées à des difficultés. Israël et la Palestine se sont néanmoins efforcés de parvenir à un accord avant la date limite du 4 mai 1999. En 1998, dans le mémorandum non contraignant de Wye River, ils ont déclaré ce qui suit : « Les deux parties reprendront immédiatement les négociations sur le statut permanent à un rythme accéléré, et s’efforceront avec détermination d’atteindre l’objectif commun de trouver un accord d’ici au 4 mai 1999 »80. En fin de compte, les deux parties n’ont pas été en mesure de parvenir à un accord à cette date, c’est-à-dire à la fin de la période de transition de cinq ans81.
36. Depuis le 4 mai 1999, différentes négociations ont eu lieu entre Israël et la Palestine, mais elles répondaient à une volonté politique et ne résultaient pas d’une obligation juridique de négocier. On citera notamment les initiatives ci-après :
a) Le 4 septembre 1999, dans le mémorandum non contraignant de Charm el-Cheik82, Israël et l’OLP ont déclaré qu’ils « repren[draient] les négociations sur le statut permanent à un rythme accéléré et s’efforce[raient] avec détermination d’atteindre leur objectif commun de trouver un accord sur ce statut » dans un délai d’un an au maximum, à compter au plus tard du 13 septembre 199983. De toute évidence, aucun accord final n’a été conclu au 13 septembre 200084.
74 Voir par. 33 c) ci-dessus.
75 Oslo II, alinéa 6 du préambule. Voir par. 26 et 28 ci-dessus pour le texte pertinent des résolutions.
76 Oslo II, alinéa5 du préambule et paragraphe 4 de l’article III, confirmant le paragraphe 3 de l’article XXIII de l’accord de 1994 sur Gaza-Jéricho.
77 Oslo II, alinéa 6 du préambule et paragraphe 5 de l’article XXXI.
78 Voir Oslo II, paragraphe 5 de l’article XXXI, y compris la répétition des questions devant faire l’objet de négociations qui avaient été définies au paragraphe 3 de l’article V d’Oslo I. Ces questions ont été libellées de manière légèrement différente dans l’article XVII : « Jérusalem, implantations, sites militaires précisés, réfugiés palestiniens, frontières, relations extérieures et Israéliens ».
79 Voir communiqué conjoint israélo-palestinien, Taba, 6 mai 1996 (accessible à l’adresse suivante : https://www.jewishvirtuallibrary.org/israel-palestinian-joint-communique-taba?utm_content=cmp-true).
80 Voir mémorandum de Wye River, 23 octobre 1998 (accessible à l’adresse suivante : https://peacemaker.un.org/ sites/peacemaker.un.org/files/IL%20PS_981023_The%20Wye%20River%20Memorandum.pdf) (mémorandum de Wye River de 1998), sect. IV.
81 Voir, d’une manière générale, exposé écrit de la Jordanie, 25 juillet 2023, par. 3.29-3.30.
82 Mémorandum de Charm el-Cheikh sur le calendrier de mise en oeuvre des engagements en suspens contractés dans les accords signés et la reprise des négociations sur le statut permanent, 4 septembre 1999 (accessible à l’adresse suivante : https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/IL%20PS_990904_The%20Sharm%20el%20Sheikh% 20Memorandum.pdf) (mémorandum de Charm el-Cheikh de 1999).
83 Mémorandum de Charm el-Cheikh de 1999, par. 1 a), 1 d) et 1 e).
84 Voir Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Les origines et l’évolution du problème palestinien : cinquième partie (1989-2000) », 2014 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-209471/), sect. III. H.
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b) Le 27 novembre 2007, à la conférence d’Annapolis, le président des États-Unis d’Amérique, George W. Bush, a donné lecture d’un « accord conjoint » non contraignant conclu par Israël et l’OLP, dans lequel les parties convenaient de « lancer immédiatement des négociations bilatérales de bonne foi pour conclure un traité de paix résolvant toutes les questions pendantes » et de déployer « tous les efforts possibles pour parvenir à un accord avant la fin de l’année 2008 »85. Aucun accord final n’a été conclu avant la fin de 2008 ou à quelque autre date86.
c) Le 19 mars 2023 a été adopté le communiqué conjoint non contraignant de Charm el-Cheikh87. Dans ce communiqué, les représentants des « cinq parties » — Égypte, Jordanie, Israël, Palestine et États-Unis — exposaient leurs points d’accord88. Israël et l’Autorité nationale palestinienne y « réaffirmaient », entre autres, « leur accord s’agissant d’un règlement de toutes les questions en suspens par le dialogue direct », et les cinq « Parties réaffirm[ai]ent l’importance de maintenir les réunions sous ce format, et se réjouiss[ai]ent de coopérer afin de consolider les bases de négociations directes entre les Palestiniens et les Israéliens, en vue de la réalisation d’une paix globale, juste et durable »89.
37. Ces manifestations de volonté politique n’ont pas créé d’obligation juridique de négocier pour Israël et la Palestine, et le Conseil de sécurité n’a par la suite pris aucune décision contraignante à cet égard. Le mémorandum de Charm el-Cheikh de 1999 et le communiqué conjoint de Charm el-Cheikh de 2023 n’ont pas été mentionnés dans les résolutions du Conseil de sécurité, et l’accord conjoint de 2007 n’a fait l’objet que d’une déclaration de « soutien » du Conseil90.
38. En outre, d’autres documents émanant de tierces parties et visant à encourager les négociations, même s’ils ont reçu le soutien du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, n’ont pas non plus créé une obligation juridiquement contraignante de négocier pour Israël et la Palestine. Le Conseil de sécurité, par exemple, a préconisé vivement que des efforts diplomatiques soient déployés en vue de parvenir à
« une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui [avait] commencé en 1967 »91.
85 Accord conjoint dont le président Bush a donné lecture à la conférence d’Annapolis, 27 novembre 2007 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-205805/) (accord conjoint de 2007). Les parties se sont également « engag[ées] à respecter immédiatement leurs obligations respectives édictées par la “feuille de route” » publiée par le quatuor en 2003, et « à continuer de respecter les obligations que la feuille de route leur impose jusqu’à ce qu’elles parviennent à un traité de paix ». Comme indiqué au paragraphe 38 c) ci-après, la feuille de route du quatuor de 2003 était également non contraignante et ne contenait aucune obligation d’engager des négociations sur le statut permanent.
86 Voir Nations Unies, « History of the Question of Palestine » (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/history/).
87 Département d’État des États-Unis d’Amérique, « Communiqué conjoint de la réunion du 19 mars à Charm El Cheikh », 19 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/joint-communique-from-the-march-19-meeting-in-sharm-el-sheikh/) (communiqué conjoint de Charm el-Cheikh de 2003). Le communiqué conjoint a aussi réaffirmé les précédents accords entre les parties (voir par. 3 et 5), dont aucun, comme indiqué ci-dessus, n’imposait une obligation effective de négocier.
88 Communiqué conjoint de Charm el-Cheikh de 2023, premier et deuxième alinéas du préambule.
89 Ibid., par. 5 et 8.
90 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1850 du 16 décembre 2008, doc. S/RES/1850 (2008), par. 1-2.
91 S/RES/2334 (2016), par. 9.
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L’Assemblée générale des Nations Unies s’est référée à ces mêmes documents en appelant à l’instauration d’une « paix globale, juste et durable »92. Ces documents sont les suivants :
a) Le « mandat de la conférence de Madrid » de 1991 était une invitation à la conférence de Madrid sur la paix au Moyen-Orient (qui s’est tenue en 1992) émanant des États-Unis et de l’Union des Républiques socialistes soviétiques93. Il ne s’agissait évidemment pas d’un instrument contraignant. De plus, seuls les Gouvernements d’Israël, de la Syrie, du Liban et de la Jordanie étaient invités à la conférence, les « Palestiniens » étant invités à y participer dans le cadre d’une « délégation conjointe jordano-palestinienne ». Ni le mandat de la conférence de Madrid de 1991, ni le soutien général qu’il a reçu n’ont créé une obligation juridique de négocier pour Israël et la Palestine.
b) L’« initiative de paix arabe » de 2002 était une résolution du Conseil de la Ligue des États arabes, adoptée cette année-là94. Ce texte appelait notamment Israël à se retirer totalement des territoires occupés et à accepter la création d’un « État palestinien indépendant et souverain », à la suite de quoi les États arabes concluraient un accord de paix avec Israël95. Ce dernier n’étant pas membre de l’organisation, cette résolution de la Ligue des États arabes ne lui est donc évidemment pas opposable.
c) La « feuille de route du quatuor » de 2003 était une « feuille de route … [menant à] un règlement définitif du conflit israélo-palestinien … prévoyant deux États », établie par les États-Unis, l’Union européenne, la Fédération de Russie et l’ONU, et « présentée » à Israël et à l’Autorité palestinienne96. Elle prévoyait trois phases, le passage à la troisième — qui comprenait la négociation d’un accord sur le statut définitif — n’étant pas automatique et devant se faire « sur décision unanime du Quatuor »97. En tant que document d’une tierce partie, la feuille de route n’était évidemment pas contraignante pour Israël et la Palestine. Le fait que le Conseil de sécurité l’ait par la suite « approuvée » n’a pas non plus créé d’obligation juridique de négocier98.
39. En résumé, Israël et la Palestine n’étaient soumis à une obligation de négocier qu’aux termes d’Oslo I, mais cette obligation a expiré le 4 mai 1999 et n’est donc plus en vigueur.
92 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/25 du 30 novembre 2022, doc. A/RES/77/25, par. 1.
93 Invitation à la conférence de Madrid sur la paix au Moyen-Orient (« principes de Madrid ») — lettre des États-Unis et de l’Union des Républiques socialistes soviétiques, 19 octobre 1991 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-208112/) (mandat de la conférence de Madrid de 1991).
94 Ligue des États arabes, « Initiative de paix arabe », résolution 14/221 du 28 mars 2002, figurant à l’annexe II de la lettre datée du 24 avril 2002 adressée au Secrétaire général par le chargé d’affaires a.i. de la mission permanente du Liban auprès de l’Organisation des Nations Unies, document A/56/1026-S/2002/932, 15 août 2002 (initiative de paix arabe de 2002 (doc. A/56/1026–S/2002/932).
95 Initiative de paix arabe de 2002, doc. A/56/1026–S/2002/932, par. 2. a), 2. c) et 3. a).
96 « Feuille de route axée sur des résultats en vue d’un règlement permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États », 30 avril 2003, annexée à la lettre datée du 7 mai 3003 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/2003/529, 7 mai 2003 (feuille de route du quatuor de 2003, doc. S/2003/529).
97 Feuille de route du quatuor de 2003, doc. S/2003/529, p. 7.
98 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1515 du 19 novembre 2003, doc. S/RES/1515 (2003), par. 1. Comme indiqué dans la note 85 ci-dessus, les parties se sont par la suite, dans leur accord conjoint de 2007, « engag[ées] » à appliquer la feuille de route du quatuor de 2003 ; il ne s’agissait cependant que d’un engagement non contraignant d’appliquer une feuille de route non contraignante : aucune obligation de négocier n’a été créée.
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2. Même s’il existait une obligation de négocier (ce qui n’est pas le cas), elle serait dépourvue de pertinence aux fins des réponses que la Cour pourrait apporter aux questions qui lui sont posées
40. Même si Israël et la Palestine étaient obligés de négocier en application des résolutions 242 ou 338 du Conseil de sécurité (ce qui n’est pas le cas), ou s’ils avaient consenti à une telle obligation encore en vigueur dans Oslo I ou ailleurs (ce qui n’est pas le cas), cela n’aurait aucune incidence sur les droits ou obligations existants des deux États. Il s’agirait d’une obligation de comportement, à savoir engager des négociations de bonne foi, qui n’exigerait pas, comme la Cour l’a reconnu à plusieurs reprises, que les parties parviennent à un résultat99. L’existence d’une telle obligation ne modifierait, ne suspendrait ou ne limiterait nullement les devoirs d’Israël de cesser immédiatement les faits internationalement illicites dont il est responsable, de se conformer à ses obligations (dont des obligations impératives) et de réparer les nombreux manquements antérieurs et continus à ses obligations100. Ainsi que cela découle des règles de droit international relatives aux négociations exposées au chapitre 3 ci-après, Israël ne pourrait pas invoquer l’existence d’une obligation de négocier pour justifier le refus de s’acquitter de ces devoirs en attendant l’issue des négociations. L’existence d’une telle obligation de négocier serait sans effet sur les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël et ne modifierait donc pas les réponses que la Cour pourrait donner aux questions qui lui sont posées. L’existence d’une obligation de négocier est donc dénuée de pertinence en ce qui concerne la tâche de la Cour.
C. L’ABSENCE DE PERTINENCE D’UN QUELCONQUE « DROIT DE RESTER »
41. Le deuxième argument, avancé dans un très petit nombre d’exposés écrits, est qu’Israël a le « droit de rester » sur le territoire palestinien et d’exercer son contrôle et son autorité sur ce territoire et ses habitants (par commodité, on parlera ici de « droit de rester »101) jusqu’à ce qu’intervienne un règlement négocié du conflit israélo-palestinien dans son ensemble102. Pour cette raison, la Cour ne pourrait pas déclarer qu’Israël est tenu de mettre fin immédiatement à son occupation du territoire palestinien et de cesser d’exercer son autorité et son contrôle sur ce territoire. Cela est doublement erroné. Tout d’abord, parce qu’Israël n’a pas le « droit de rester » sur le territoire palestinien dans l’attente d’une solution négociée (comme exposé dans la sous-section 1). Ensuite, parce que, même si Israël avait le « droit de rester » (ce qui n’est pas le cas), celui-ci ne l’emporterait
99 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili) , arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 538, par. 86-87 ; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 68, par. 150.
100 Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 75-81 et 103. Certains exposés écrits semblent laisser entendre que des obligations découlant du cadre de négociation ou en rapport avec celui-ci s’imposent à d’autres États Membres de l’ONU et même à des organes de celle-ci (voir, par exemple, exposés écrits des Fidji, juillet 2023, p. 2 ; de la Russie, 25 juillet 2023, par. 57 et p. 27 (conclusion 15)). Cela est également dépourvu de pertinence pour la tâche de la Cour. Quand bien même certaines obligations relatives au cadre de négociation s’imposeraient à d’autres États Membres et organes de l’ONU, ni les droits et obligations existants d’Israël et de la Palestine, ni les obligations de tous les États découlant des violations par Israël de normes impératives ne s’en trouveraient modifiés. Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 82-89 et 104, et voir par. 59 ci-dessous.
101 Pour éviter toute ambiguïté, il convient de préciser que cela recouvre aussi le comportement d’Israël à l’égard de la bande de Gaza, même s’il n’y maintient aucune présence physique permanente. À propos des incursions fréquentes d’Israël à Gaza, du contrôle et de l’autorité qu’il exerce sur ce territoire et de l’annexion de facto de celui-ci, voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 30, 52 et 56 e).
102 Exposé écrit de Nauru, non daté, par. 14 (« Israël et la Palestine ont … accepté la présence et les responsabilités d’Israël dans le territoire jusqu’à ce que les négociations aboutissent ») ; exposé écrit des Fidji, juillet 2023, p. 2 (« Dans l’attente d’un accord définitif, [les parties] ont convenu … qu’Israël serait autorisé à maintenir un gouvernement militaire et une administration civile en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ».Voir également les références figurant dans les notes 105 et 124 ci-après. Le Belize ne répond ici qu’aux arguments concernant la licéité de la présence d’Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et de son occupation du territoire palestinien dans la mesure où ils se rapportent à la question du règlement négocié. En ce qui concerne les autres arguments relatifs à la licéité de l’occupation, il renvoie à son exposé écrit.
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pas sur son devoir de se conformer aux normes impératives qui exigent son retrait immédiat et complet du territoire palestinien (comme exposé dans la sous-section 2).
1. Israël n’a le droit ni de rester sur le territoire palestinien, ni d’y exercer un contrôle ou une autorité, dans l’attente d’une solution négociée
42. Aucun « droit de rester » n’a été accordé à Israël par les résolutions 242 (1967) ou 338 (1973) du Conseil de sécurité (sous-section a)), ni par quelque accord israélo-palestinien (sous-section b)).
a) Pas de « droit de rester » aux termes des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de l’ONU
43. Un petit nombre d’exposés écrits se réfèrent au « principe » de « la terre contre la paix »103, qui découlerait des résolutions 242 (1967) et 338 (1973)104 du Conseil de sécurité, sans toutefois donner de véritable explication quant à sa signification réelle. Trois participants semblent aller jusqu’à suggérer que le « principe » de « la terre contre la paix » implique qu’Israël n’est pas tenu de se retirer du territoire palestinien — c’est-à-dire renoncer à la « terre » — tant qu’il n’y a pas de « paix » globale105. Israël aurait alors le droit de maintenir son occupation jusqu’à ce qu’un accord de paix soit conclu.
44. Deux observations préliminaires s’imposent.
45. Premièrement, cette approche de « la terre contre la paix » signifie que chaque partie donne quelque chose (Israël donnant la « terre » et les pays arabes, la « paix »). Or, Israël n’a pas la souveraineté sur le territoire palestinien. Il ne peut pas donner ce qu’il n’a pas (nemo dat quod non habet). Prétendre le contraire au motif qu’Israël renoncerait à quelque chose auquel il a droit est une position qui, venant de la part d’États, est proprement sidérante, d’autant que l’ONU a déclaré à maintes reprises — y compris dans une récente résolution contraignante du Conseil de sécurité qui oblige tous les États Membres à accepter les décisions qu’elle contient — qu’Israël n’avait aucun droit sur le territoire palestinien106. Cette conclusion repose sur le principe de l’interdiction fondamentale et impérative de l’acquisition de territoire par la force107. Le droit international oblige
103 Voir les exposés écrits de la Jordanie, du Royaume-Uni, de l’Égypte, de l’Espagne, de la Russie, de l’Italie, des États-Unis d’Amérique, de la Chine et de Cuba.
104 En ce qui concerne le « principe » découlant de la résolution 242 (1967), voir les exposés écrits du Royaume-Uni, 20 juillet 2023, par. 10 ; de Cuba, 24 juillet 2023, p. 20 ; de l’Italie, non daté, par. 1 ; des États-Unis d’Amérique, 25 juillet 2023, par. 1.4. Voir les termes de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité, citée au paragraphe 26 ci-dessus.
105 Voir, en particulier, exposé écrit des États-Unis d’Amérique, 25 juillet 2023, par. 3.20 (dans lequel il est avancé qu’une obligation pour Israël de « se retirer … sans qu’ait été réalisée la paix globale, juste et durable par “l’échange de territoires contre la paix” » pourrait contrevenir au cadre de négociation (les italiques sont dans l’original). Voir également, bien que le point de vue soit exprimé moins clairement, exposé écrit des Fidji, juillet 2023, p. 6 (où il est fait référence à l’« échange d’un retour à la paix » contre le retrait d’Israël des territoires occupés) ; exposé écrit du Royaume-Uni, 20 juillet 2023, par. 10 (« Ces principes sont souvent désignés par la formule “la terre contre la paix”, étant donné qu’ils appellent à un retrait israélien en échange de la paix et de la sécurité dans la région » (les italiques sont de nous)) et par. 71. 1 (« un règlement de paix global entre les parties est requis pour mettre fin à l’occupation » (les italiques sont de nous)).
106 Voir, par exemple, S/RES/2334 (2016), par. 3, où le Conseil de sécurité : « Souligne qu’il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations » ; Charte des Nations Unies, art. 25 ; Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 52, par. 112, cité dans la note 67 ci-dessus.
107 À ce sujet, voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 44-46.
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Israël à se retirer d’un territoire qu’il n’a pas le droit de posséder. En se retirant, il ne renoncerait ni à une terre ni à un « droit de rester » sur cette terre.
46. Deuxièmement, un tel arrangement (s’il était possible, ce qui n’est pas le cas) entraînerait également des conséquences désastreuses pour les négociations de paix, car il permettrait à Israël de prendre celles-ci en otage et de refuser de se retirer tant que l’accord de paix ne satisferait pas aux conditions qu’il a dictées. Il est difficile d’imaginer que le Conseil de sécurité, en adoptant les résolutions 242 et 338, ou la Palestine, en acceptant les accords d’Oslo qui font référence à ces résolutions, aient pu préconiser ou accepter une telle situation.
47. En outre, l’argument à l’examen pêche pour deux autres raisons particulières.
48. Premièrement, aucun « principe » de « la terre contre la paix » accordant à Israël le « droit de rester » dans l’attente d’une solution négociée n’est énoncé dans la résolution 242, ainsi que cela ressort clairement du libellé de celle-ci et des débats ayant conduit à son adoption108.
a) Le libellé de la résolution 242 (1967) montre clairement que celle-ci ne donne à Israël aucun droit exprès de rester sur le territoire palestinien. Elle n’évoque que le « retrait » d’Israël, affirmant que l’instauration d’une paix juste et durable devrait comprendre ce retrait. Elle ne mentionne nulle part qu’Israël n’est pas tenu de se retirer tant que la paix n’est pas établie. De fait, la raison sous-jacente de l’absence de paix est la poursuite de l’occupation illicite par Israël.
b) Il apparaît tout aussi clairement que la résolution 242 (1967) n’implique pas un « droit de rester ». Elle prévoit qu’« une paix juste et durable » « devrait comprendre l’application des deux principes suivants », qu’elle énonce ensuite, l’un d’entre eux étant le retrait des forces israéliennes (le volet « terre » du « principe »). Rien dans ce texte ne suggère qu’Israël ne doit pas se retirer et a le droit de rester jusqu’à ce qu’une paix juste et durable soit instaurée. Il faut plutôt en déduire que, pour qu’il y ait une paix juste et durable, Israël doit se retirer. Si l’on devait tirer de la résolution 242 un « principe » de « la terre contre la paix », ce serait qu’Israël doit se retirer (restituer109 la « terre ») pour qu’il y ait la paix. Telle est l’interprétation que les Palestiniens ont faite lorsqu’ils ont accepté de participer à la conférence de paix de Madrid en 1991. La lettre qu’ils ont envoyée indiquait ce qui suit :
« Nous affirmons en outre que le principe de l’échange de territoires contre la paix implique le retrait israélien de tous les territoires occupés, y compris Jérusalem-Est, condition préalable à une véritable stabilité et à la paix dans la région. Aussi ne saurait-il y avoir de réel progrès dans les négociations multilatérales traitant
108 En ce qui concerne l’interprétation des résolutions du Conseil de sécurité, voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 53, par. 114.
109 Il est rappelé ici qu’Israël ne restituerait pas quelque chose auquel il a droit, comme cela a été expliqué au paragraphe 45 ci-dessus. Ce qu’il peut faire en ce qui concerne la « terre », c’est simplement se retirer d’un territoire sur lequel il n’a aucun droit.
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des questions régionales si la cause fondamentale du conflit, à savoir l’occupation israélienne de terres arabes, n’est pas résolue. »
110
Lorsque l’expression « la terre contre la paix » a commencé à être mentionnée dans les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies en 1997111, d’autres États ont également interprété ce « principe » de la même façon. La Jordanie s’est ainsi référée au
« principe de la terre contre la paix, … qui signifie la restitution des territoires arabes occupés depuis 1967, afin de faire des progrès sur tous les volets — entre la Palestine, la Syrie et le Liban, et Israël — et de réaliser une paix globale, juste et durable tant désirée dans la région »112.
Cette approche de « la terre contre la paix » sous-tend également l’initiative de paix arabe de 2002113 et la feuille de route du quatuor de 2003114. À cet égard, il convient de relever que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont à maintes reprises encouragé des négociations « sur la base des résolutions pertinentes des Nations Unies, du mandat de la Conférence de Madrid, notamment du principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor »115, qui tendent toutes à confirmer que le retrait d’Israël du territoire palestinien est considéré comme une première étape nécessaire vers la paix. Rien ne
110 « The Palestinian Response to the Invitation », dans « The Peace Conference: Part I » (1990-1991) 6 Palestine Yearbook of International Law 262, p. 280. Voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration de son président en date du 10 avril 2002, doc. S/PRST/2002/9, appuyant la déclaration conjointe figurant en annexe, dans laquelle il est souligné que « le principe “terre contre paix” … a constitué le fondement de la Conférence de Madrid de 1991 ». L’invitation à la conférence de paix de Madrid de 1991 et le mandat de celle-ci (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-208112/ et également évoqué au paragraphe 38 a) ci-dessus) présentaient les grandes lignes des arrangements examinés par la suite à Madrid et finalement mis en oeuvre dans Oslo I, à savoir le début échelonné d’une période intérimaire, impliquant le retrait israélien du territoire palestinien, suivi de l’ouverture de négociations sur le statut permanent.
111 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution ES-10/2 du 25 avril 1997, doc. A/RES/ES-10/2, alinéa 6 du préambule ; ibid., résolutions ES-10/3 du 15 juillet 1997, doc. A/RES/ES-10/3, par. 11 ; et ES-10/4 du 13 novembre 1997, doc. A/RES/ES-10/4, par. 7.
112 Voir Nations Unies, documents officiels de l’Assemblée générale, dixième session extraordinaire d’urgence, 5e séance plénière, doc. A/ES-10/PV.5, 15 juillet 1997, p. 5. Voir aussi, par exemple, ibid., 3e séance plénière, doc. A/ES-10/PV.3, 25 avril 1997, p. 18 (« La question du Moyen-Orient doit être réglée de manière juste et globale selon le principe de l’échange de la terre contre la paix. Les droits légitimes du peuple palestinien, y compris le droit à établir un État indépendant, doivent être rétablis, et Israël doit se retirer de tous les territoires arabes occupés. ») (République populaire démocratique de Corée) ; et p. 26 (« Israël doit respecter le principe de “la terre contre la paix” et se retirer de tous les territoires arabes occupés ») (Liban) ; ibid., 7e séance plénière, doc. A/ES-10/PV.7, 13 novembre 1997, p. 10 (« M. Netanyahou refuse de reprendre les négociations là où elles ont été interrompues et d’accepter le principe “terre contre paix”, fondement même de l’initiative américaine. En revanche, il nous propose parfois la paix contre la paix, parfois la paix contre la sécurité ») (République arabe syrienne).
113 Dans laquelle le sommet de la Ligue arabe demande à Israël, entre autres, de « se retirer intégralement », et « [s]’engage alors … à ce que les États arabes participent à un accord de paix entre eux et Israël » (les italiques sont de nous). Voir initiative de paix arabe de 2002, A/56/1026-S/2002/932, par. 2 a), 2 c) et 3 a). Voir également par. 38 b) ci-dessus.
114 Elle prévoit, entre autres, qu’Israël « se retire des territoires palestiniens qu’il occupe » dans la « phase I » et qu’il y ait des négociations visant à un accord « sur le statut définitif » dans la « phase III ». Voir la feuille de route 2003 du quatuor, S/2003/529, p. 3 et 7. Voir également le paragraphe 38 c) ci-dessus.
115 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 67/19 du 29 novembre 2012, doc. A/RES/67/19, par. 5 (et voir également l’alinéa 9 du préambule : « Réaffirmant … toutes les résolutions … qui soulignent, entre autres, qu’Israël doit se retirer du territoire palestinien occupé depuis 1967 ») ; Conseil de sécurité, doc. S/RES/2334 (2016), par. 9.
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permet donc d’avancer que la résolution 242 a implicitement conféré à Israël le droit de rester sur le territoire palestinien dans l’attente de la paix ; ce texte va plutôt dans le sens contraire
116.
c) Le sens ordinaire des termes de la résolution 242 est confirmée par les débats du Conseil de sécurité qui ont précédé son adoption. En particulier, les membres du Conseil n’étaient pas tous d’accord pour considérer que le retrait d’Israël devait dépendre d’une « paix juste et durable ». L’URSS, par exemple, a déclaré que « le “retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit” [était] présenté comme le premier principe indispensable pour l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient »117. Le Mali a estimé que le retrait d’Israël « ne saurait être lié à aucune condition quelle qu’elle soit »118. La Bulgarie a jugé que le retrait d’Israël devait être la première mesure prise et l’a qualifié de « condition importante pour mettre en oeuvre les autres principes énoncés au paragraphe 1, alinéa ii), et au paragraphe 2 du dispositif de la résolution »119.
49. Deuxièmement, et en tout état de cause, quand bien même la résolution 242 (1967) pourrait être interprétée comme conférant à Israël un « droit de rester » (ce qui n’est pas le cas), aucun droit de ce type ne serait opposable à la Palestine puisque celle-ci n’est pas un État Membre de l’ONU et que seuls les États Membres sont liés par les décisions contraignantes du Conseil de sécurité. Il s’ensuit que tout « droit de rester » ne serait opposable à la Palestine que s’il était incorporé dans des accords conclus entre elle et Israël. Il est certes fait mention de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité dans Oslo I et II, mais cela ne confère pas à Israël un « droit de rester » dans le territoire palestinien dans l’attente d’une solution négociée.
a) Oslo I mentionne à deux reprises la résolution 242, les deux fois dans l’article définissant le « but des négociations ». Cet article mentionne d’abord la période transitoire de cinq ans « en vue d’un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité »120. Il indique ensuite que, selon les parties, « les négociations sur le statut permanent aboutiront à l’application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité »121. Oslo II ne fait que reprendre ces deux mentions figurant dans Oslo I122.
b) Dans les deux cas, il est fait référence à la résolution 242 en raison de sa pertinence pour éclairer le résultat final des négociations sur la question du statut permanent. Autrement dit, il s’agit de s’assurer que le contenu du « règlement permanent » dont il sera convenu reste conforme aux dispositions de cette résolution. Celle-ci n’est pas invoquée en raison de sa pertinence à l’égard des droits d’Israël et de la Palestine dans la période intermédiaire. Les références à la résolution
116 La Ligue des États arabes conteste également que la résolution 242 (1967) ait donné à Israël un « droit de rester », et ce, en se fondant uniquement sur le libellé de celle-ci. Elle observe à juste titre que i) la résolution reconnaît simplement que la « terre » et la « paix » sont toutes deux nécessaires à l’instauration d’une « paix juste et durable » ; et ii) qu’il ne s’ensuit pas que, en l’absence de l’un, il existe un droit légitime à ce que l’autre soit conservé, c’est-à-dire que la résolution n’a pas créé un droit à la terre en l’absence de paix. Voir exposé écrit de la Ligue des États arabes, 20 juillet 2023, par. 64-65.
117 Nations Unies, documents officiels du Conseil de sécurité, 1382e séance, doc. S/PV.1382, 22 novembre 1967, par. 119 (les italiques sont de nous). L’URSS a également déclaré que la formulation de la résolution 242 (1967) relative au « droit de tous les États du Moyen-Orient “de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues” ne saurait servir de prétexte pour faire demeurer les forces armées israéliennes sur une partie quelconque des territoires arabes dont elles se sont emparées à la suite de la guerre ».
118 Ibid., par. 189, et voir aussi par. 195.
119 Ibid., par. 141. La même position a aussi été défendue par la Jordanie et la République arabe unie, qui ont pris part aux discussions lors de cette séance : ibid., par. 148 (République arabe unie) et par. 153 (Jordanie).
120 Oslo I, art. premier (les italiques sont de nous).
121 Les italiques sont de nous.
122 Oslo II, al. 5-6 du préambule.
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ne confirment ni n’incorporent aucun prétendu droit d’Israël à rester sur le territoire palestinien dans l’attente du « règlement permanent »
123.
b) Pas de « droit de rester » aux termes d’accords israélo-palestiniens
50. Deux États ont avancé que, indépendamment des références aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, les accords d’Oslo conféraient à Israël le « droit de rester » dans le territoire palestinien jusqu’à ce qu’intervienne un règlement négocié. Nauru, par exemple, affirme qu’Israël et la Palestine ont « accepté la présence et les responsabilités d’Israël dans le territoire jusqu’à ce que les négociations aboutissent » et qu’« Israël a le droit de maintenir sa présence sur le territoire, notamment afin d’assumer ses obligations en matière de sécurité », citant l’accord d’Oslo II124.
51. L’argument semble être que, par les accords d’Oslo, la Palestine a consenti ou accordé à Israël le droit de rester sur le territoire palestinien jusqu’à ce qu’intervienne une solution négociée, et donc que toute déclaration de la Cour selon laquelle Israël est tenu de cesser immédiatement son occupation entrerait en conflit avec ce droit ou y passerait outre125.
52. Cet argument est fondamentalement erroné pour quatre raisons.
53. Premièrement, les accords d’Oslo126 n’accordent à Israël aucun droit de rester. Ils ne disent rien sur la licéité ou non de la présence d’Israël dans le territoire palestinien et ne confèrent pas non plus à celui-ci un nouveau « droit de rester » dans l’attente d’une solution négociée. Ils partent simplement du fait qu’Israël est présent sur le territoire palestinien et le contrôle.
54. Deuxièmement, s’agissant des dispositions des accords d’Oslo qui envisagent ou prévoient la présence d’Israël dans certaines parties du territoire palestinien et l’exercice de certains pouvoirs et de certaines compétences, elles ne sauraient être considérées comme constituant le consentement de la Palestine à cette présence ou à l’exercice de ces pouvoirs et de ces compétences. La Palestine est sous occupation. Israël est la puissance occupante. Les puissances occupantes exercent leur
123 Cf. exposé écrit de Nauru, non daté, par. 12, affirmant en passant que, du fait de leur mention dans ces accords, les résolutions 242 et 338 « ont été intégrées » dans les accords d’Oslo.
124 Exposé écrit de Nauru, non daté, par. 9 et 14. Les Fidji soutiennent que « la présence d’Israël en Cisjordanie est entérinée par des accords juridiques internationaux détaillés » et que, « selon les accords d’Oslo, le statut définitif des territoires doit faire l’objet de négociations » — suggérant, semble-t-il, que, tant que ces négociations ne seront pas conclues, la présence d’Israël en Palestine est entérinée par les accords d’Oslo. Voir exposé écrit des Fidji, juillet 2023, p. 5 (se référant à des « accords juridiques internationaux détaillés » censés approuver la présence d’Israël sur le territoire palestinien, les Fidji mentionnent le traité de paix entre l’État d’Israël et le Royaume hachémite de Jordanie d’octobre 1994, mais ce document ne peut évidemment pas créer un droit pour Israël de rester sur le territoire palestinien, étant donné que la Palestine n’était pas partie au traité et que la Jordanie n’était pas compétente pour accorder un tel droit. De plus, dans aucune des dispositions de ce traité, la présence d’Israël en Cisjordanie n’est approuvée. Voir le traité de paix entre l’État d’Israël et le Royaume hachémite de Jordanie, 26 octobre 1994, RTNU, vol. 2042, p. 351.
125 Voir également exposé écrit du Royaume-Uni, 20 juillet 2023, par. 70 et 72, où il est soutenu que l’avis consultatif « irait à l’encontre » du « cadre de négociation … convenu » qui « a expressément pour objectif de mettre fin à l’occupation israélienne, ce que vise la présente demande d’avis », ce qui implique qu’Israël n’a pas à se retirer tant qu’il n’y a pas de règlement négocié tel qu’envisagé par le cadre de négociation.
126 Pour autant qu’Oslo II reste en vigueur : voir la déclaration de M. Mahmoud Abbas, président de l’État de Palestine, à l’Assemblée générale, documents officiels de l’Assemblée générale des Nations Unies, soixante-dixième session, 19e séance plénière, 30 septembre 2015, doc. A/70/PV.19, p. 30.
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autorité sur les territoires occupés
127. Les accords d’Oslo visaient à transférer à la Palestine une partie de l’autorité exercée par Israël, comme le montre clairement l’article VI d’Oslo I, intitulé « Transfert préparatoire de pouvoirs et responsabilités », et comme le confirme expressément la toute première disposition d’Oslo II, le paragraphe 1 de l’article premier, qui prévoit ce qui suit :
« Israël transfère au Conseil [palestinien] les pouvoirs et responsabilités des autorités militaires israéliennes et de son administration civile dans les domaines définis par le présent Accord. Israël continuera d’exercer les pouvoirs et responsabilités qui ne sont pas transférés. »128
55. Une grande partie de l’autorité exercée par Israël n’a pas été transférée à l’Autorité palestinienne. En tant que puissance occupante, celui-ci a simplement continué de l’exercer. C’est au regard du jus ad bellum que la licéité de cet exercice continu doit être déterminée129 ; elle n’a pas été confirmée par les accords d’Oslo. Il est tout à fait absurde de dire que la Palestine a consenti à ce que la puissance occupante exerce l’autorité que cette dernière a conservée130.
56. Troisièmement, aucun « droit de rester » n’a été accordé à Israël par le paragraphe 7 de l’article XXXI d’Oslo II, sur lequel Nauru appelle l’attention et qui se lit comme suit : « Aucune des deux Parties n’entreprend ni ne prend de mesure à même de modifier le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza avant que les négociations sur le statut permanent n’aboutissent. »131. En s’appuyant sur cet article pour soutenir que les parties « ont … accepté la présence et les responsabilités d’Israël dans le territoire jusqu’à ce que les négociations aboutissent »132, Nauru laisse entendre que le « statut », qui ne doit pas être modifié unilatéralement en attendant une solution négociée, est la présence de fait d’Israël dans le territoire palestinien et l’exercice de son autorité sur celui-ci, ce qui impliquerait qu’un droit de rester est conféré à Israël. Rien ne corrobore cette interprétation du terme « statut » tel qu’utilisé au paragraphe 7 de l’article XXXI. De plus, cette interprétation attribuerait à ladite disposition la fonction de transformer un état de fait en un droit pour Israël, entraînant ainsi une renonciation par la Palestine à son droit à ce qu’Israël mette immédiatement fin à son occupation illicite133. Or, il est précisé au paragraphe 6 de l’article XXXI d’Oslo II qu’« [a]ucune des Parties n’est réputée avoir, en ayant conclu le présent Accord, renoncé à aucun de ses droits, prétentions ou positions préexistants ». Le paragraphe 7 de l’article XXXI ne peut donc être interprété comme impliquant que la Palestine a renoncé à son droit à ce qu’Israël mette fin à son occupation illicite.
127 Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la quatrième convention de La Haye du 18 octobre 1907 (règlement de La Haye), art. 42 : « Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer. » Voir également exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 29.
128 Les italiques sont de nous. Voir aussi, par exemple, l’article XI intitulé « Terres », qui prévoit que certaines zones du territoire palestinien « ser[ont] progressivement placé[es] sous la juridiction du Conseil palestinien » et que certains pouvoirs et responsabilités « seront transférés » au Conseil palestinien.
129 Voir l’exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 31-34.
130 Cf. exposé écrit de Nauru, non daté, par. 9 et 12, citant l’article VIII d’Oslo I ; le paragraphe 4 de l’article X, l’article XII et le paragraphe 2) a) de l’article XIII d’Oslo II.
131 Exposé écrit de Nauru, non daté, par. 13.
132 Ibid., par. 14.
133 À ce sujet, voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 76, 78 et 103.
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57. Quatrièmement, pour autant que des droits aient été conférés à Israël par les accords d’Oslo, ces droits étaient limités dans le temps. Comme expliqué au paragraphe 33 d) v) ci-dessus, il s’agissait de droits pour « une période transitoire n’excédant pas cinq ans »134.
2. Même s’il existait un « droit de rester » (ce qui n’est pas le cas), il serait dénué de pertinence pour les réponses que la Cour pourrait apporter aux questions qui lui sont posées
58. Même si le cadre de négociation conférait d’une manière ou d’une autre à Israël le « droit de rester » sur le territoire palestinien dans l’attente d’une solution négociée (ce qui n’est pas le cas), cela serait sans importance car sans effet sur les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël, ni, partant, sur les réponses que la Cour pourrait apporter aux questions qui lui sont posées. C’est ce qui résulte des règles pertinentes du droit international relatives aux négociations, exposées au chapitre 3 ci-après.
59. Des normes impératives exigent le retrait complet et immédiat d’Israël du territoire palestinien. Rien ne saurait prévaloir sur elles. Comme expliqué dans le chapitre 3 ci-après, il ne peut être dérogé à des normes impératives, lesquelles ne peuvent être modifiées ou remplacées que par de nouvelles normes ayant le même caractère. Aucun « droit de rester » issu du « principe » de « la terre contre la paix »135 ou d’Oslo II136 ne saurait avoir ce statut.
60. L’existence d’un « droit de rester », que d’aucuns défendent, n’a pas d’incidence sur les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël. Le cadre de négociation est donc juridiquement dépourvu de pertinence à l’égard de la tâche de la Cour.
134 Article premier d’Oslo I ; alinéa 5 du préambule d’Oslo II.
135 Le « droit de rester » tirerait sa force juridique de la Charte des Nations Unies et du devoir de tous les États Membres, en application de l’article 25 de la Charte, d’accepter les décisions du Conseil de sécurité. Or, des normes impératives ne peuvent être modifiées ou remplacées par une disposition conventionnelle, y compris l’article 25 de la Charte. Il en est ainsi nonobstant l’article 103 de la Charte. Voir Commission du droit international (ci-après, la « CDI »), Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) avec commentaires, Annuaire de la Commission du droit international (ci-après « ACDI), 2022, vol. II, deuxième partie, annexe, conclusion 16, commentaire, par. 4 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro), mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, opinion individuelle du juge ad hoc Lauterpacht, p. 440, par. 100.
136 Même si la Palestine avait, par Oslo II, consenti à Israël un « droit de rester » temporaire dans l’attente d’une solution négociée (ce qui n’est pas le cas), et même s’il s’agissait de sa part d’un consentement valide (à ce sujet, voir le paragraphe 69 ci-dessous) rendant la présence d’Israël non illicite au regard du jus ad bellum, cela n’aurait aucune incidence sur l’obligation d’Israël de se retirer immédiatement du territoire palestinien. En effet, le respect d’autres normes impératives — à savoir le droit à l’autodétermination et l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force — continuerait d’obliger Israël à se retirer complètement et immédiatement du territoire palestinien dans son ensemble. Voir exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 75-76 et 78. Ces obligations ne se trouvent pas modifiées par quelque consentement exprimé dans Oslo II car : i) tout consentement à la présence limitée d’Israël pendant la période transitoire de cinq ans n’est manifestement pas un consentement à l’annexion du territoire palestinien (c’est-à-dire qu’il ne s’agit à l’évidence pas d’un traité de cession) (à propos de la portée du consentement, voir par. 69 b) ci-après) ; et ii) il n’est pas possible de consentir valablement aux violations du droit à l’autodétermination, telles que celles commises actuellement par Israël (voir par. 66 et note 145 ci-après).
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CHAPITRE 3 LES RÈGLES DE DROIT INTERNATIONAL APPLICABLES AUX NÉGOCIATIONS
61. Que le cadre de négociation génère des droits et obligations ou qu’il s’agisse simplement d’un cadre politique non contraignant, toute négociation qui pourrait avoir lieu devra être conforme au droit international, y compris aux règles de droit international coutumier applicables en la matière. La Cour l’a reconnu dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, dans lequel elle a souligné qu’il fallait encourager les négociations « en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants »137. En encourageant les négociations, la Cour n’a pas, comme cela est avancé dans plusieurs exposés écrits138, donné carte blanche aux parties en ce qui concerne le règlement des problèmes pendants ; elle a reconnu l’importance des négociations et insisté sur le fait que toute solution obtenue par cette voie devait être fondée sur le droit international et conforme à celui-ci.
62. Dans la présente section sont examinés les principes de droit international ayant trait à l’objet et au résultat des négociations. Les principes bien établis concernant la conduite des négociations n’y sont pas abordés139. Après cette introduction, la section A expose les principaux principes de droit international applicables. Dans la section B, ces principes sont appliqués dans le contexte de la présente procédure afin de montrer que le devoir d’Israël de se conformer aux obligations qui lui incombent au regard du droit international ne sont pas conditionnés par le cadre établi en vue d’une solution négociée.
137 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 201, par. 162 (les italiques sont de nous).
138 Voir, par exemple, exposé écrit du Canada, 14 juillet 2023, par. 20 ; exposé écrit des États-Unis d’Amérique, 25 juillet 2023, par. 3.6-3.7 et 3.16-3.17 ; exposé écrit du Royaume-Uni, 20 juillet 2023, par. 60.3.3, qui considèrent tous que la Cour, dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, a examiné une question étroite et laissé aux parties le soin de négocier la situation d’ensemble, c’est-à-dire, implicitement, sans que la Cour ne se prononce sur les obligations d’Israël en ce qui concerne l’objet et le résultat des négociations.
139 À ce sujet, voir, par exemple, Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 538, par. 86-87.
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A. RÈGLES DE DROIT INTERNATIONAL RELATIVES À L’OBJET ET AU RÉSULTAT DE TOUTE NÉGOCIATION
1. Les États ont le devoir permanent de se conformer à leurs obligations internationales et sont tenus de mettre fin immédiatement à tout fait illicite continu
63. Les États ont le devoir de se conformer de bonne foi à leurs obligations140, qu’il s’agisse d’obligations primaires ou d’obligations secondaires141. Ils sont également tenus de cesser immédiatement tout fait illicite continu142.
2. Le devoir de respecter les normes impératives n’est pas négociable
64. Par définition, il ne saurait être dérogé à des normes impératives. Il s’agit en effet d’obligations de droit international coutumier qui sont reconnues et acceptées par la communauté internationale dans son ensemble comme des normes auxquelles aucune dérogation n’est permise et qui ne peuvent être modifiées que par une nouvelle norme de droit international ayant le même caractère143. L’impossibilité d’y déroger signifie qu’il n’existe pas d’exception, de condition ou de justification quelle qu’elle soit. L’obligation de se conformer aux normes impératives est donc absolue.
65. Un traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative est automatiquement nul, et ce, dès cette conclusion144.
66. Il découle du caractère absolu du devoir de respecter les normes impératives et de l’impossibilité de contracter une obligation contraire à une telle norme que la conformité aux normes
140 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe : « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies », sixième principe, par. 2 f) (« Chaque État a le devoir de s’acquitter pleinement et de bonne foi de ses obligations internationales ») ; convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, entrée en vigueur le 27 janvier 1980, RTNU, vol. 1155, p. 331 (convention de Vienne sur le droit des traités), art. 26 ; CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, ACDI, 2001, vol. II, deuxième partie, art. 29 et commentaire y relatif.
141 Voir CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, art. 33, commentaire, par. 4, se référant à la deuxième partie traitant des « obligations secondaires des États en relation avec la cessation et la réparation » (les italiques sont de nous).
142 CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, art. 30. Voir aussi, par exemple, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149, point 12 du dispositif « Décide que les États-Unis d’Amérique ont l’obligation de mettre immédiatement fin et de renoncer à tout acte constituant une violation des obligations juridiques susmentionnées » ; Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 340, par. 195 (« [La Colombie] doit par conséquent cesser immédiatement ce comportement illicite. »)
143 Voir, d’une manière générale, CDI, Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), conclusion 3. Voir aussi affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 141, par. 95 (« Une règle de jus cogens est une règle qui ne souffre aucune dérogation »).
144 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 53 ; CDI, Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), conclusion 11 1). Voir aussi la conclusion 14 1) en ce qui concerne les obligations découlant du droit international coutumier et la conclusion 15 1) en ce qui concerne les obligations créées par des actes unilatéraux.
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impératives n’est pas négociable. Les États ne peuvent pas, entre eux, s’entendre pour modifier le contenu des normes impératives ou le devoir de s’y conformer
145.
3. Le devoir de se conformer à des obligations non impératives perdure tant que celles-ci n’ont pas fait l’objet d’une modification inter se par consensus
67. En ce qui concerne les obligations qui ne sont pas impératives par nature146, les États sont libres, entre eux et sur la base du consentement, d’en modifier l’existence ou le contenu. Il en est généralement ainsi, que l’obligation modifiée découle d’un traité ou d’une coutume147.
68. Toutefois, tant que les États concernés n’ont pas effectivement consenti à une modification de leurs obligations non impératives, le devoir général de se conformer de bonne foi à ces obligations (et le devoir corrélatif de mettre immédiatement fin à tout manquement continu auxdites obligations) reste pleinement en vigueur148. Le fait que des négociations soient en cours et qu’un accord puisse être conclu sur la suppression ou la modification d’une obligation non impérative n’a pas pour effet de suspendre, de supprimer ou de limiter la force obligatoire de celle-ci.
69. S’agissant de la liberté des États de consentir à la modification inter se de leurs obligations et du point de savoir si les modifications en question sont valides, les règles de droit international relatives au consentement s’appliquent :
a) Le consentement n’est effectif que s’il est valablement donné149. Un consentement valide est donné librement, clairement établi et non vicié par la coercition ou quelque autre facteur150. Dans les cas où l’une des parties donnant son consentement est occupée par l’autre, il convient tout particulièrement de rechercher si le consentement de l’État occupé est donné librement et de prendre en compte les règles du droit international humanitaire concernant les limites des accords conclus entre États occupés et occupants151.
145 CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 26, par. 6, et commentaire de l’article 20, par. 7.
146 Voir par. 74 ci-après.
147 Voir Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 42, par. 72 (« on doit admettre qu’en pratique il est possible de déroger par voie d’accord aux règles de droit international dans des cas particuliers ou entre certaines parties »). Certaines exceptions peuvent exister, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ici (par exemple les modifications inter se d’obligations visant la protection d’un intérêt collectif ou ayant une incidence sur les droits d’autres États ou l’exécution d’obligations envers eux, ou les modifications inter se de dispositions conventionnelles qui sont contraires à l’objet ou au but de l’instrument en question).
148 Voir aussi, Imseis, « Negotiating the Illegal » (2020) 31(3) EJIL 1055, p. 1068.
149 CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 20, par. 4.
150 CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 20, par 6 ; convention de Vienne sur le droit des traités, art. 51-52, et voir aussi les articles 46-50 concernant certains facteurs qui peuvent être invoqués pour considérer comme non valide le consentement à un traité (absence de compétence, absence de pouvoir, erreur, fraude et corruption).
151 Voir, par exemple, quatrième convention de Genève, art. 7 (« Aucun accord spécial ne pourra porter préjudice à la situation des personnes protégées, … , ni restreindre les droits que celle-ci leur accorde. ») ; art. 8 (« Les personnes protégées ne pourront en aucun cas renoncer partiellement ou totalement aux droits que leur assure la présente Convention ») ; et art. 47 (« Les personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention … par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante »).
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b) Le consentement revêt un caractère prospectif et sa portée est limitée à ce à quoi il a été effectivement consenti152. Du point de vue du droit de la responsabilité de l’État, il fonctionne comme une justification et exclut donc l’existence d’une violation du droit international après qu’il a été donné. Il ne rend pas rétroactivement licites des manquements antérieurs et n’annule pas la responsabilité de l’État à raison de ces manquements, notamment l’obligation d’accorder réparation.
B. LE DEVOIR D’ISRAËL DE SE CONFORMER AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL N’EST PAS CONDITIONNÉ PAR L’EXISTENCE DU CADRE DE NÉGOCIATION
70. En appliquant les trois principes visés dans la section A ci-dessus aux faits pertinents inhérents à la demande d’avis consultatif, il apparaît clairement que le cadre de négociation ne conditionne pas le devoir permanent d’Israël de se conformer à toutes ses obligations juridiques, qu’elles soient impératives ou non.
71. En ce qui concerne les obligations à caractère impératif, comme expliqué en détail dans l’exposé écrit du Belize, Israël viole de façon continue ses obligations de se conformer à certaines normes de jus cogens153 :
a) l’obligation de respecter le droit du peuple palestinien à une pleine autodétermination externe ;
b) les interdictions de l’emploi de la force, de l’agression et de l’acquisition de territoire par la force, qu’Israël viole dans le cadre de son occupation illicite et de l’annexion de Jérusalem-Est, du reste de la Cisjordanie et de Gaza ;
c) certaines règles fondamentales du droit international humanitaire ; et
d) l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid154.
72. Israël a l’obligation absolue et inconditionnelle de se conformer à ces normes impératives et de cesser de les enfreindre de manière continue. La question de savoir si ou dans quelle mesure Israël va se conformer à ces normes ne peut, selon le droit international, être négociée entre Israël et la Palestine puisque les parties ne sont pas en mesure de conclure un accord valide qui supprimerait ou modifierait le contenu de ces obligations. Tout accord conclu dans ce sens serait automatiquement nul et non avenu155.
152 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 198-199, par. 52 ; CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 20, par. 3 ; ACDI, 1979, vol. II, deuxième partie, p. 113, commentaire du projet d’article 29, par. 16-17.
153 Voir les références figurant dans la note 44 ci-dessus.
154 Le Belize note également les éléments de preuve donnant à penser qu’Israël incite au génocide et pourrait commettre un génocide à Gaza : voir par. 13 ci-dessus. L’interdiction du génocide est, bien entendu, impérative : Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31-32, par. 64 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 46-47, par. 87.
155 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 53 ; CDI, Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), conclusion 11 1).
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73. Les mesures qu’Israël est tenu de prendre pour cesser de violer ces normes impératives et pour s’y conformer sont décrites en détail dans l’exposé écrit du Belize156 : Israël doit mettre fin immédiatement à son occupation du territoire palestinien dans son ensemble (y compris toutes les colonies de peuplement) et abroger ou priver d’effet tous les actes législatifs et réglementaires et les politiques et pratiques adoptés qui empêchent le peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination, qui sont constitutifs d’apartheid ou qui constituent des violations du droit humanitaire international. La question de savoir si Israël va se conformer à ces obligations impératives ne peut faire l’objet d’aucune condition ou négociation ; ces obligations ne sont pas négociables157. L’existence d’un cadre de négociation ne modifie donc pas les obligations d’Israël et les droits du peuple palestinien au regard de ces normes impératives.
74. En ce qui concerne les obligations de caractère non impératif, y compris certaines des obligations que des traités pertinents relatifs aux droits de l’homme imposent à Israël, il apparaît clairement qu’aucun accord n’a été conclu par lequel ce dernier et la Palestine auraient accepté de modifier entre eux l’existence ou le contenu d’obligations particulières. La simple existence d’un cadre de négociation ne modifie donc en rien les droits et obligations des deux parties. En particulier, jusqu’à ce qu’un éventuel accord négocié en dispose autrement, le devoir d’Israël de se conformer à ses obligations non impératives reste pleinement en vigueur. De même, les droits du peuple palestinien demeurent inchangés, notamment ceux qui sont les siens au regard du droit international des droits de l’homme, y compris le droit de lutter contre la domination et l’occupation étrangères158. Même si un accord visant à modifier des obligations non impératives devait être conclu à l’avenir, le consentement de la Palestine à cette situation — librement donné, clairement établi et non vicié par la coercition ou quelque autre facteur — n’aurait d’effet que pour l’avenir. Il n’aurait pas pour effet d’annuler les manquements antérieurs par Israël aux obligations en question, ni le devoir de ce dernier de réparer le préjudice causé par ces manquements159. Il s’ensuit que l’existence d’un cadre de négociation ne limite ou ne supprime d’aucune manière le devoir d’Israël de mettre immédiatement fin à ses manquements continus et de se conformer à ses obligations de caractère non impératif.
75. En conséquence, Israël est tenu de se conformer immédiatement à ses obligations tant impératives que non impératives. L’existence d’un cadre de négociation n’a aucune incidence sur la tâche de la Cour et ne limite en rien les obligations d’Israël en matière de cessation de ses actes illicites et de respect de ses obligations.
156 Exposé écrit du Belize, 25 juillet 2023, par. 76-79 et 103.
157 Cela ne signifie pas que ne peuvent pas être engagées des négociations n’entrant pas en conflit avec ces normes impératives, par exemple, des négociations sur un accord visant à gérer les aspects pratiques du respect par Israël de ces obligations impératives.
158 Voir exposé écrit de la Ligue des États arabes, 25 juillet 2023, par. 114-117 et les documents qui y sont cités. Voir également la reconnaissance de ce droit dans la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 de l’Assemblée générale des Nations Unies, doc. A/RES/3314 (XXIX), annexe, art. 7 ; le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I), 8 juin 1977, entré en vigueur le 7 décembre 1978, RTNU, vol. 1125, p. 3, art. 1 4) ; et la résolution 38/36 du 1er décembre 1983 de l’Assemblée générale des Nations Unies, doc. A/RES/38/36, par. 4 (affirmant « la légitimité de la lutte [que] mène [le peuple namibien] par tous les moyens dont il dispose, y compris la lutte armée, contre l’occupation illégale de son territoire par 1’Afrique du Sud »).
159 Il en va de même dans les situations où l’absence de consentement est une condition nécessaire au non-respect d’une norme impérative. L’interdiction impérative de l’emploi illicite de la force, par exemple, requiert l’absence de consentement du souverain territorial. Il n’y a pas de recours illicite à la force à partir du moment où le consentement est donné. Si, par exemple, Israël se retire complètement du territoire palestinien mais que la Palestine consent à ce que des troupes israéliennes effectuent des patrouilles sur son territoire le long de sa frontière, ces patrouilles ne constitueraient pas un usage illicite de la force en violation d’une norme impérative. Ce consentement spécifique et prospectif de la Palestine ne change toutefois rien au fait qu’Israël a, par le passé, commis une violation de l’interdiction impérative de l’emploi de la force en occupant l’ensemble du territoire palestinien.
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76. L’ONU et ses États Membres reconnaissent que le devoir d’Israël de se conformer à ses obligations juridiques n’est pas conditionné par le cadre de négociation. Cela ressort clairement des résolutions et des déclarations qui à la fois soutiennent une solution négociée à deux États et soulignent fermement que les mesures violant le droit international doivent cesser inconditionnellement et immédiatement160.
77. L’absence de lien entre le respect par Israël de ses obligations et le cadre de négociation est également confirmé par le fait que l’ONU n’a jamais laissé entendre que la cessation des nombreux manquements au droit international commis par Israël dans le territoire palestinien était conditionnée par des négociations161.
160 Voir, par exemple, exposé écrit de la Türkye, non daté, p. 13 (déclarant que les mesures emportant « violation du droit international … doivent être rapportées inconditionnellement et immédiatement » mais réaffirmant « son ferme soutien à une solution négociée à deux États ») ; exposé écrit de la Norvège, 7 juillet 2023, p. 2 (« une solution pacifique durable au conflit israélo-palestinien doit être trouvée au moyen de négociations politiques et … elle doit s’inscrire dans le cadre du droit international »). Voir également S/RES/2334 (2016), par. 1-3 et 8-9 (réaffirmant que la création par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien constitue une violation flagrante du droit international qui doit s’« arrête[r] immédiatement et complètement », tout en préconisant l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques en vue de « parvenir à une paix globale, juste et durable … sur la base … [de la] fin [de] l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 »).
161 Ainsi que cela est également reconnu dans Imseis, « Negotiating the Illegal » (2020) 31(3) EJIL 1055, p. 1069.
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CONCLUSION
78. La Cour n’a pas à se préoccuper du cadre de négociation, qui est dépourvu de pertinence aux fins de la demande d’avis consultatif présentée par l’Assemblée générale des Nations Unies et ne constitue pas une raison décisive pour qu’elle refuse de répondre, ou de répondre complètement, aux questions qui lui sont posées. Le cadre de négociation est également sans incidence sur les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël sur lequel la Cour a été invitée à se prononcer.
79. Le Belize réaffirme qu’il est gravement préoccupé par les répercussions que le comportement illicite d’Israël a, de longue date, sur le peuple palestinien et qu’il est fermement convaincu de l’utilité de l’avis consultatif pour favoriser des actions résolues visant à mettre un terme définitif à ce comportement. Le Belize est favorable à des négociations entre Israël et la Palestine, mais celles-ci doivent être fondées sur les règles fondamentales du droit international et les respecter. En donnant aux questions posées des réponses pleinement conformes au droit international, l’avis de la Cour apportera une aide concrète et efficace à l’Assemblée générale des Nations Unies dans les efforts qu’elle mène pour faciliter un règlement de la question israélo-palestinienne garantissant le droit du peuple palestinien à la pleine indépendance, à la liberté et à l’intégrité territoriale, dans l’exercice de son droit inaliénable à l’autodétermination.
Le 25 octobre 2023.
Le représentant du Belize,
(Signé) Assad SHOMAN.
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Observations écrites du Bélize