Déclaration des Maldives

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178-20231115-WRI-02-00-EN
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Incidental Proceedings
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION
ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(GAMBIE c. MYANMAR)
DÉCLARATION D’INTERVENTION DÉPOSÉE PAR LA RÉPUBLIQUE
DES MALDIVES EN VERTU DE L’ARTICLE 63 DU STATUT
DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
10 novembre 2023
[Traduction du Greffe]
À Monsieur le greffier de la Cour internationale de Justice (ci-après la « Cour »), le soussigné,
dûment autorisé par le Gouvernement de la République des Maldives :
1. Au nom du Gouvernement de la République des Maldives, j’ai l’honneur de soumettre à la
Cour, sur le fondement du paragraphe 2 de l’article 63 du Statut de celle-ci, la présente déclaration
d’intervention en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar).
2. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour, un État qui désire se prévaloir
du droit que lui confère le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut de la Cour doit déposer une
déclaration qui précise l’affaire et la convention qu’elle concerne et contient :
a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’État déclarant se considère comme partie à la
convention ;
b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est en cause ;
c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.
3. Ces éléments seront précisés tour à tour après quelques observations liminaires sur la
procédure.
I. OBSERVATIONS LIMINAIRES
a) L’intervention de la République des Maldives
4. La République de Gambie (ci-après la « Gambie ») a introduit une instance contre la
République de l’Union du Myanmar (ci-après le « Myanmar »)1. La Gambie allègue que des actes
commis à compter de 2016 par les forces armées et d’autres forces de sécurité du Myanmar contre
des membres du groupe des Rohingya dans l’État rakhine (Myanmar) emportent violation de la
convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-après la « convention
sur le génocide »)2.
5. En soumettant la présente déclaration, la République des Maldives se prévaut du droit que
lui confère le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut de la Cour d’intervenir en l’affaire, en qualité de
partie à la convention sur le génocide.
6. La République des Maldives intervient en raison de ses graves préoccupations « face aux
violations des droits de l’homme et aux agressions barbares dont ... les musulmans
rohingya continuent d’être victimes », position qu’elle a clairement fait connaître bien avant
l’introduction de la présente instance3. En septembre 2017, elle a ainsi appelé la communauté
1 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
requête introductive d’instance et demande en indication de mesures conservatoires, 11 novembre 2019.
2 Ibid., par. 2, 6.
3 Ministry of Foreign Affairs, Maldives, Statement by the Maldives at the OIC Contact Group Meeting on Rohingya
Muslims (19 septembre 2017), accessible à l’adresse suivante : http://maldivesmission.com/statements/statement_by_the_
maldives_at_the_oic_contact_group_meeting_on_rohingya_muslims_19_september_2017.
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internationale à « mettre fin au bain de sang »4, notant, dans une déclaration adressée aux membres
de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), que des « millions de musulmans rohingya
fu[ya]ient l’opération militaire en cours dans l’État rakhine »5. La République des Maldives a
également soutenu, au sein de l’OCI, le projet de la Gambie d’introduire une instance devant la Cour6.
Enfin, trois mois après que l’action eut été engagée, elle est devenue le premier État à faire part de
son intention d’intervenir « pour soutenir le peuple rohingya »7.
7. Cette affaire soulève d’importantes questions ayant trait à la convention sur le génocide.
Comme la Cour l’a reconnu, l’interdiction du génocide est une norme de jus cogens en droit
international8. La Cour a confirmé en la présente instance que la convention imposait des obligations
erga omnes partes « en ce sens que, quelle que soit l’affaire, chaque État partie a un intérêt à ce
qu’elles soient respectées »9. En examinant l’objet de cet instrument, elle a en outre confirmé ce qui
suit :
« La Convention a été manifestement adoptée dans un but purement humain et
civilisateur. On ne peut même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut
degré ce double caractère, puisqu’elle vise d’une part à sauvegarder l’existence même
de certains groupes humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de
morale les plus élémentaires. Dans une telle convention, les États contractants n’ont pas
d’intérêts propres ; ils ont seulement tous et chacun un intérêt commun, celui de
préserver les fins supérieures qui sont la raison d’être de la convention. »10
4 President’s Office, Maldives, « Maldives condemns atrocities committed against Rohingya Muslims; will cease
all trade ties with Myanmar » (3 septembre 2017), accessible à l’adresse suivante : https://presidency.gov.mv/
Press/Article/18174.
5 Ministry of Foreign Affairs, Maldives, Statement by the Maldives at the OIC Contact Group Meeting on Rohingya
Muslims (19 septembre 2017), accessible à l’adresse suivante : http://maldivesmission.com/statements/statement
_by_the_maldives_at_the_oic_contact_group_meeting_on_rohingya_muslims_19_september_2017.
6 Organisation de la coopération islamique, communiqué final de la quatorzième session de la conférence islamique
au sommet, doc. OIC/SUM-14/2019/FC/FINAL (31 mai 2019), par. 47, accessible à l’adresse suivante : https://www.oicoci.
org/docdown/?docID=4499&refID=1251. Voir également Organisation de la coopération islamique, résolutions sur les
communautés et minorités musulmanes dans les États non membres de l’OCI adoptées à la 46e session du conseil des
ministres des affaires étrangères, doc. OIC/CFM-46/2019/MM/RES/FINAL (1-2 mars 2019), p. 14-25, accessible à
l’adresse suivante : https://www.oic-oci.org/docdown/?docID=4479&refID=1250.
7 Ministry of Foreign Affairs, Maldives, Statement by His Excellency Abdulla Shahid, Minister of Foreign Affairs
of the Republic of Maldives at the High Level Segment of the 43rd Session of the United Nations Human Rights Council
(25 février 2020), accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.mv/en/news-and-communications/statement-by-hisexcellency-
abdulla-shahid-minister-of-foreign-affairs-of-the-republic-of-maldives.
8 Voir par exemple, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 110-111, par. 161-162.
9 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (II), p. 515-516, par. 107. Voir également Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 46-47,
par. 87 ; Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31-32, par. 64.
10 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil
1951, p. 23. La Cour a réaffirmé cette position dans la présente instance : voir Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil
2022 (II), p. 515, par. 106.
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8. Reconnaissant que la prévention et la répression du génocide nécessitent une coopération à
l’échelle internationale11, la République des Maldives entend, aux côtés d’autres États intervenants
 le Canada, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France et le Danemark , faciliter le
travail de la Cour en l’espèce.
9. Le paragraphe 1 de l’article 82 du Règlement de la Cour exige que les déclarations soient
déposées « le plus tôt possible avant la date fixée pour l’ouverture de la procédure orale ». La
République des Maldives confirme qu’elle a déposé la présente déclaration le plus tôt possible, après
confirmation de la compétence de la Cour, dépôt du mémoire et du contre-mémoire des Parties, et
en coordination avec d’autres États intervenants.
10. Bien qu’elle ne cherche pas à devenir partie à l’instance, la République des Maldives
reconnaît et accepte que, puisqu’elle se prévaut du droit d’intervenir prévu au paragraphe 2 de
l’article 63 du Statut de la Cour, l’interprétation de la convention sur le génocide que contiendra
l’arrêt rendu en l’espèce sera également obligatoire à son égard.
b) Historique de la procédure
11. Le 11 novembre 2019, la Gambie, alléguant des violations de la convention sur le
génocide, a introduit une instance contre le Myanmar12. Le même jour, la République des Maldives,
en tant que partie audit instrument, a été informée par le greffier du dépôt de la requête de la
Gambie13.
12. En même temps que sa requête, la Gambie a déposé une demande en indication de mesures
conservatoires14. La Cour a rendu son ordonnance en indication de mesures conservatoires le
23 janvier 2020, dans laquelle elle a notamment prescrit au Myanmar de « prendre toutes les mesures
en son pouvoir » pour prévenir la commission d’actes de génocide « à l’encontre des membres du
groupe rohingya présents sur son territoire »15.
13. Le lendemain, le greffier, sur instruction de la Cour, a informé la République des Maldives
que la Gambie entendait « fonder la compétence de la Cour … sur l’article IX de la convention sur
le génocide », qu’elle alléguait que le Myanmar avait « violé les articles premier, III, IV, V et VI de
la convention », et qu’il « sembl[ait], dès lors, que l’interprétation de cette convention pourrait être
en cause en l’affaire »16.
11 Voir le préambule de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 :
« Convaincues que, pour libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux, la coopération internationale est nécessaire ».
12 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
requête introductive d’instance et demande en indication de mesures conservatoires, 11 novembre 2019, par. 2.
13 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
letter from the Registrar of the Court to H.E. the Ambassador of the Republic of Maldives to the Kingdom of the
Netherlands No. 152867, 11 novembre 2019.
14 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
requête introductive d’instance et demande en indication de mesures conservatoires, 11 novembre 2019, par. 113-134.
15 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 30-31, par. 86.
16 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
letter from the Registrar to H.E. the Ambassador of the Republic of Maldives to the Kingdom of the Netherlands
No. 153168, 24 janvier 2020.
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14. La Gambie a déposé son mémoire dans le délai prescrit, dont la date d’expiration était le
23 octobre 202017.
15. Le 20 janvier 2021, le Myanmar a soulevé des exceptions préliminaires d’incompétence
de la Cour ; la Gambie a déposé sa réponse le 20 avril 202118. Par l’arrêt qu’elle a rendu le 22 juillet
2022, la Cour a déclaré qu’elle avait compétence sur la base de l’article IX de la convention et que
la requête de la Gambie était recevable19.
16. Le Myanmar a déposé son contre-mémoire dans le délai prescrit, dont la date d’expiration
était le 24 août 202320.
II. AFFAIRE EN LAQUELLE EST DÉPOSÉE LA DÉCLARATION
ET CONVENTION CONCERNÉE
17. La République des Maldives dépose la présente déclaration d’intervention en l’affaire
relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Gambie c. Myanmar). Cette affaire soulève des questions relatives à l’interprétation de la
convention sur le génocide. En tant que partie à celle-ci, la République des Maldives a un intérêt
direct dans l’interprétation que la Cour pourrait donner des dispositions pertinentes de cet instrument,
et sa déclaration d’intervention porte sur des questions d’interprétation que soulève la présente
espèce.
III. BASE SUR LAQUELLE LA RÉPUBLIQUE DES MALDIVES SE CONSIDÈRE
COMME PARTIE À LA CONVENTION
18. Le 24 avril 1984, la République des Maldives a déposé son instrument d’adhésion à la
convention sur le génocide auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,
conformément à l’article XI de la convention, et son adhésion est devenue effective le 23 juillet
198421. La République des Maldives n’a pas formulé de réserves, de déclarations ou d’objections
concernant la convention et elle en est toujours partie à la date du dépôt de la présente déclaration.
17 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
ordonnance du 28 janvier 2021, C.I.J. Recueil 2021, p. 6.
18 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires de la République de l’Union du Myanmar, 20 janvier 2021 ; Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), exposé écrit de la Gambie sur les exceptions
préliminaires soulevées par le Myanmar, 20 avril 2021.
19 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (II), p. 518, par. 115.
20 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
ordonnance du 16 octobre 2023.
21 Voir annexe B de la présente déclaration (instrument d’accession de la République des Maldives, 12 avril 1984) ;
confirmation par l’ONU du dépôt de l’instrument d’accession de la République des Maldives (déposé et enregistré le
24 avril 1984, avec effet au 23 juillet 1984), Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1355, p. 322. Voir également
convention sur le génocide, article XIII.
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IV. DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DONT LA RÉPUBLIQUE DES MALDIVES
ESTIME QUE L’INTERPRÉTATION EST EN CAUSE
19. La présente instance soulève des questions fondamentales relatives à l’interprétation de
multiples dispositions de la convention sur le génocide.
20. L’intervention de la République des Maldives est axée sur l’interprétation des dispositions
relatives à l’obligation de punir le génocide énoncées aux articles premier, IV, V et VI de la
convention sur le génocide.
21. La Gambie accuse le Myanmar de violations de la convention sur le génocide, notamment
« le fait de ne pas punir le génocide, en violation des articles premier, IV et VI » et
« le fait de ne pas prendre les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application
des dispositions de la convention sur le génocide et prévoir des sanctions pénales
efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l’un quelconque des actes
énumérés à l’article III, en violation de l’article V »22.
22. Le Myanmar nie avoir violé les dispositions de la convention sur le génocide, dont
l’obligation de punir23. L’interprétation des articles premier, IV, V et VI est donc en cause en l’espèce
et fait l’objet de la présente déclaration.
23. La République des Maldives se réserve le droit de compléter ou de modifier la présente
déclaration et la portée de ses observations, y compris en ce qui concerne l’interprétation de
l’article II de la convention sur le génocide, si de nouvelles questions d’interprétation se posent à
mesure que l’affaire progresse, ou si elle en prend connaissance après réception, en application du
paragraphe 1 de l’article 86 du Règlement de la Cour, des pièces de procédure et des documents y
annexés.
V. EXPOSÉ DE L’INTERPRÉTATION DES ARTICLES PREMIER, IV, V
ET VI DE LA CONVENTION
24. Les dispositions de la convention sur le génocide doivent être interprétées conformément
aux articles 31 et 32 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (ci-après la
« convention de Vienne ») qui, comme la Cour l’a confirmé, sont l’expression du droit international
coutumier24. Le paragraphe 1 de l’article 31 dispose ce qui suit : « Un traité doit être interprété de
bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière
de son objet et de son but. »
25. Le paragraphe 3 de l’article 31 indique clairement que, en même temps que du contexte,
l’interprétation d’un traité doit tenir compte de la pratique ultérieurement suivie par les parties dans
la mesure où elle établit l’accord de celles-ci à l’égard de l’interprétation dudit instrument, ainsi que
22 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
requête introductive d’instance et demande en indication de mesures conservatoires, 11 novembre 2019, par. 111.
23 Voir par exemple, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie
c. Myanmar), CR 2019/19, 11 décembre 2019, p. 16, 70.
24 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 109-110, par. 160.
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de toute règle de droit international applicable dans les relations entre les parties. Comme le prévoit
l’article 32 de la convention de Vienne, il peut être fait appel à des moyens complémentaires
d’interprétation, dont les travaux préparatoires du traité.
26. Conformément à la convention de Vienne, la République des Maldives se référera à
d’autres règles de droit international applicables entre les parties à la convention sur le génocide,
dont des dispositions conventionnelles et des règles coutumières pertinentes, pour étayer son
interprétation de cet instrument, et renverra aux travaux préparatoires de celui-ci pour la compléter.
En vertu de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour, elle se référera également
à des « décisions judiciaires » de cours et de tribunaux et à la doctrine « comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit »25.
a) L’interprétation de l’article premier : l’obligation de punir en tant qu’obligation
absolue et indépendante au titre de la convention
27. L’article premier de la convention sur le génocide est ainsi libellé : « Les Parties
contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre,
est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir. »
28. L’article premier impose aux États de « prévenir et punir » le génocide. L’obligation de
prévenir le génocide et celle de le punir sont « deux obligations distinctes, quoique reliées entre
elles »26. Elles sont au coeur de la convention, ont un caractère erga omnes partes, et relèvent
également du droit international coutumier27.
29. La Cour a confirmé que la répression du génocide était l’un des objets sous-jacents de la
convention, indiquant ce qui suit à cet égard :
« Les origines de la Convention révèlent l’intention des Nations Unies de
condamner et de réprimer le génocide comme “un crime de droit des gens” impliquant
le refus du droit à l’existence de groupes humains entiers, refus qui bouleverse la
conscience humaine, inflige de grandes pertes à l’humanité, et qui est contraire à la fois
à la loi morale et à l’esprit et aux fins des Nations Unies »28.
30. En devenant partie à la convention, les États s’engagent à punir le génocide29. Il s’agit là
d’une « obligation absolue »30. À l’instar de toutes les autres obligations découlant de la convention,
les États ne peuvent invoquer leur droit interne pour justifier un manquement à l’obligation de punir
25 Pour une liste des sources de droit international, voir le paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour.
26 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 219, par. 425.
27 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 615-616, par. 31 ; Réserves à la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
28 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil
1951, p. 23 (citations omises).
29 Convention sur le génocide, article premier.
30 Les Procureurs c. Nuon Chea et al., 002-19-09-2007/ECCC/TC, décision relative aux exceptions préliminaires
soulevées par Ieng Sary sur le fondement de la règle 89 du Règlement intérieur (question de la grâce et de l’amnistie et
principe ne bis in idem), 3 novembre 2011, par. 38.
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les auteurs d’un génocide31, et ils sont tenus de s’en acquitter de bonne foi32. Tout manquement à cet
égard constitue un fait internationalement illicite, qui peut être invoqué contre un État pour mettre
en cause sa responsabilité internationale33.
31. Bien que les éléments de l’obligation de punir soient précisés dans d’autres articles de la
convention (dont les articles IV, V et VI), la Cour a reconnu que « l’article premier impos[ait]
effectivement des obligations distinctes en sus de celles édictées par d’autres articles »34. Comme
elle l’a précisé,
« [e]n son sens ordinaire, le terme “s’engagent” signifie promettre formellement,
s’obliger, faire un serment ou une promesse, convenir, accepter une obligation … Il ne
revêt pas un caractère purement incitatif et ne se limite pas à l’énoncé d’une finalité.
L’engagement n’est assorti d’aucune réserve …, et ne doit pas être interprété comme
une simple introduction aux dispositions qui évoquent ensuite expressément les mesures
législatives, les poursuites et l’extradition »35.
32. Les travaux préparatoires confirment cette interprétation. L’intention des rédacteurs était
que l’obligation de punir soit une obligation autonome. Dans la version initiale de la convention,
l’obligation de prévenir et de punir les actes de génocide était contenue dans le préambule36.
Toutefois, sur proposition de la Belgique, l’engagement de prévenir et de punir a été déplacé pour
être intégré au dispositif37. Le membre de phrase précisant que les États s’engagent à prévenir et à
punir « conformément aux dispositions des articles suivants » a également été supprimé38, ce qui
atteste que les rédacteurs souhaitaient que les autres articles ne viennent pas restreindre, mais plutôt
compléter l’obligation de répression prescrite à l’article premier39.
b) L’interprétation de l’article IV : les auteurs doivent être punis
quelle que soit leur fonction officielle
33. L’article IV de la convention se lit comme suit : « Les personnes ayant commis le génocide
ou l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III seront punies, qu’elles soient des
gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers. »
31 Ibid., par. 38-39 (citant la convention de Vienne sur le droit des traités (1969) (ci-après la « convention de
Vienne »), art. 27).
32 Convention de Vienne, art. 26.
33 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 201, par. 383.
34 Ibid., p. 113, par. 165.
35 Ibid., p. 111, par. 162.
36 Assemblée générale des Nations Unies, Belgique : amendements au projet de convention, génocide : projet de
convention (E/794) et rapport du Conseil économique et social, Nations Unies, doc. A/C.6/217 (5 octobre 1948).
37 Ibid.
38 Assemblée générale des Nations Unies, Pays-Bas : texte proposé pour l’article 1 du projet de convention (E/794),
projet de convention (E/794) et rapport du Conseil économique et social, Nations Unies, doc. A/C.6/220 (5 octobre 1948) ;
Nations Unies, Sixième Commission, Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session, 68e séance,
Nations Unies, doc. A/C.6/SR.61-140 (6 octobre 1948), p. 45, 49-50.
39 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 165.
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34. L’article IV dispose que les États sont tenus de punir les personnes qui commettent un
génocide ou tout autre acte visé à l’article III, quel que soit leur titre ou leur rang. Il doit être lu
conjointement avec l’article V, qui impose aux États de prendre des sanctions efficaces,
et l’article VI, qui énonce le processus à suivre pour juger les auteurs présumés. De fait, il ressort
clairement de l’article IV que les États doivent sanctionner les personnes déclarées coupables à
l’issue d’un procès40.
35. L’article IV prévoit que « [l]es personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque
des autres actes énumérés à l’article III » « seront » punies et la convention indique clairement que
des auteurs ne peuvent se soustraire à une sanction du fait de leur position officielle. En effet, la
sanction est requise, « qu[e les personnes] soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des
particuliers ». Les États ne peuvent instaurer des exceptions à la responsabilité pénale fondées sur la
fonction officielle des auteurs41.
36. Les États doivent respecter de bonne foi leur obligation de punir les auteurs de génocide42.
Comme la Cour l’a déjà précisé, le principe de bonne foi « oblige les Parties à []appliquer [un traité]
de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint »43. Un État qui chercherait à
s’acquitter des obligations que lui impose l’article IV en ne punissant qu’un petit nombre d’auteurs,
tout en permettant à un grand nombre de responsables d’échapper à la justice, ou en n’engageant des
poursuites que contre des responsables de rang inférieur, tout en accordant l’impunité aux hauts
dirigeants portant la plus lourde responsabilité dans le génocide, agirait de manière contraire à ce
principe et au « but civilisateur » de la convention.
37. Un État ne peut pas invoquer les dispositions de son droit interne  telles que ses règles
nationales en matière d’immunité ou d’autres lois mettant les responsables militaires ou
gouvernementaux à l’abri des poursuites pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions 
pour justifier un manquement à ses obligations conventionnelles44. Les États ne sont pas non plus
autorisés à accorder une amnistie ou une grâce aux auteurs de génocide afin de leur permettre
d’échapper aux sanctions45. En conséquence, le droit national ne peut servir à soustraire les
responsables de génocide à des poursuites judiciaires devant les tribunaux de leurs propres pays.
38. Les travaux préparatoires confirment cette interprétation de l’article IV, qui reflète le sens
ordinaire à attribuer aux termes du traité à la lumière de son objet et de son but. Le libellé définitif
de l’article IV est pratiquement identique à celui contenu dans le projet de convention initial (qui
indiquait que « [l]es auteurs des actes de génocide seront punis, qu’ils soient des gouvernants, des
40 Voir Christian J. Tams et al., Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide: A
Commentary (C.H. Beck, Hart Publishing, Nomos 2014) (« C. Tams »), p. 194, 197.
41 Voir William A. Schabas, Genocide in International Law (2nd ed., CUP 2009) (« W.A. Schabas »), p. 83.
42 Convention de Vienne, article 26.
43 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
44 Voir convention de Vienne, art. 27. Voir également Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 460, par. 113. C. Tams, p. 203 ; Paola Gaeta,
« Immunities and Genocide », in Paola Gaeta (sous la dir. de), The UN Genocide Convention: A Commentary (OUP 2009)
(« P. Gaeta »), p. 320-321.
45 Voir par exemple, Le Procureur c. Saif Al-Islam Gaddafi, ICC-01/11-01/11-662, Decision on the “Admissibility
Challenge by Dr. Saif Al-Islam Gaddafi pursuant to Articles 17(1)(c), 19 and 20(3) of the Rome Statute”, 5 avril 2019,
par. 61-77 (passant en revue la jurisprudence des tribunaux et organes régionaux des droits de l’homme et des juridictions
pénales internationales et notant une « tendance forte, croissante et universelle à ce que les auteurs de violations graves et
systématiques des droits de l’homme  qui peuvent constituer des crimes contre l’humanité de par leur nature même 
ne soient pas amnistiés ni graciés en droit international »).
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fonctionnaires ou des particuliers »46), ce qui établit clairement que, même à ce stade initial, l’objectif
des États était que toute personne ayant commis un génocide soit punie.
c) L’interprétation de l’article V : l’obligation de prendre des mesures
législatives et de prévoir des sanctions pénales efficaces
39. L’article V de la convention se lit comme suit :
« Les Parties contractantes s’engagent à prendre, conformément à leurs
constitutions respectives, les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application
des dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir des sanctions
pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l’un quelconque
des autres actes énumérés à l’article III. »
i) L’obligation de prendre les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application des
dispositions de la convention sur le génocide
40. La Cour a précisé que l’article V, « qui exige[] des mesures législatives, prévoyant en
particulier des sanctions pénales effectives frappant les personnes coupables de génocide et d’autres
actes énumérés à l’article III », faisait « manifestement » partie des dispositions de la convention qui
« imposent … aux États des obligations dont la violation peut engager leur responsabilité »47.
41. Les travaux préparatoires confirment que la portée de la législation prévue par l’article V
est large, conformément au sens ordinaire des termes de cette disposition. Lorsqu’il s’est penché sur
le but des mesures législatives à prendre en application de l’article V, le Comité spécial du génocide
 composé de représentants de huit États chargés de rédiger la convention conformément à une
résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies  a indiqué s’être « demandé s’il convenait
de dire : “pour la prévention et la répression du génocide” ou “pour assurer l’application des
dispositions de la convention” »48. Il a expliqué que « [l]a seconde formule fut jugée préférable à la
première parce qu’elle couvrait toutes les obligations imposées aux États par la convention et non
pas seulement les mesures d’ordre pénal »49.
42. L’article V prévoit que les États prennent des mesures législatives « conformément à leurs
constitutions respectives », ce qui montre que les rédacteurs ont tenu compte de ce que les procédures
législatives varient d’un pays à l’autre. Cela ressort clairement du sens ordinaire des termes de
l’article V, qui est confirmé par les travaux préparatoires. Les États-Unis avaient souhaité que soit
incluse « une réserve au sujet du respect des dispositions constitutionnelles propres à chaque État »,
puisque, aux États-Unis, par exemple, la « répression des crimes relève [principalement] de la
46 Secrétaire général des Nations Unies, projet de convention sur le crime de génocide, Nations Unies, doc. E/447
(26 juin 1947).
47 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 109, par. 159.
48 Nations Unies, Comité spécial du génocide, commentaires des articles adoptés par le Comité : article 5,
Nations Unies, doc. E/AC.25/W.1/Add.2 (28 avril 1948), p. 2. Voir également Assemblée générale des Nations Unies,
résolution 180(II) : projet de convention sur le génocide, Nations Unies, doc. A/RES/180(II) (21 novembre 1947) ; Conseil
économique et social, résolution 117(VI) sur le génocide, Nations Unies, doc. E/734 (3 mars 1948) ; Comité spécial du
génocide, projet de convention pour la prévention et la répression du génocide, Nations Unies, doc. E/AC.25/12 (19 mai
1948) ; Comité spécial du génocide, rapport du Comité et projet de convention élaboré par le Comité, Nations Unies,
doc. E/794 (24 mai 1948).
49 Comité spécial du génocide, commentaire des articles adoptés par le Comité : article 5, Nations Unies,
doc. E/AC.25/W.1/Add.2 (28 avril 1948), p. 2.
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juridiction de chaque état, et non de la juridiction fédérale »50. Cependant, même si les constitutions
des États peuvent prévoir des processus législatifs différents, elles ne sauraient servir de justification
pour restreindre la nature des mesures législatives à prendre en vertu de l’article V51.
ii) L’obligation de prévoir des sanctions pénales efficaces frappant les personnes coupables de
génocide ou d’actes connexes
43. L’obligation énoncée à l’article V de la convention sur le génocide de « prévoir des
sanctions pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide » ou d’autres actes
connexes visés à l’article III existe parallèlement à l’obligation plus générale, prévue au même
article, de « prendre … les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application des »
dispositions de la convention. Et il s’agit d’une condition préalable à l’exigence, énoncée à
l’article IV, que les « personnes ayant commis le génocide » ou des actes connexes « s[oie]nt
punies »52. Il appert du sens ordinaire du terme « efficace » que les sanctions doivent être
suffisamment rigoureuses, ce que confirment les travaux préparatoires. En particulier, les
commentaires explicatifs accompagnant une version antérieure de l’article V, qui font partie du
projet de convention sur le génocide du secrétariat des Nations Unies, indiquaient qu’il était
« nécessaire que les Parties à la Convention insèrent dans leurs lois pénales des textes punissant les
faits de génocide » et que « les peines devraient être suffisamment rigoureuses pour que la répression
soit efficace »53.
44. Bien que les sanctions imposées pour faits de génocide diffèrent selon les États54, ceux-ci
ne peuvent décider d’imposer ou non des sanctions pénales, ni d’imposer des sanctions trop
clémentes. Les sanctions ne peuvent pas non plus être tournées par l’octroi d’amnisties ou de grâces
fondées sur la position officielle des auteurs ou d’autres motifs55.
45. La sévérité des sanctions imposées doit refléter la gravité de l’infraction de génocide, qui
« est un crime du droit des gens … que le monde civilisé condamne »56. De plus, des sanctions
efficaces doivent être mises en place pour dissuader les éventuels auteurs. La Cour a souscrit à l’effet
dissuasif des sanctions pénales imposées en application de la convention sur le génocide, citant cet
effet à titre d’illustration de la manière dont les obligations de prévention et de répression visées à
l’article premier sont « reliées entre elles »57 et jugeant que
50 Comité spécial du génocide, Summary Record of the Nineteenth Meeting, U.N. doc. E/AC.25/SR.19 (27 avril
1948), 3-4 ; Nations Unies, Comité spécial du génocide, Corrigendum to the Summary Record of the Nineteenth Meeting,
U.N. doc. E/AC.25/SR.19/Corr.1 (14 mai 1948).
51 Voir également convention de Vienne, art. 27.
52 Voir l’analyse des travaux préparatoires au par. 38 ci-dessus.
53 Secrétaire général des Nations Unies, projet de convention sur le crime de génocide, Nations Unies, doc. E/447
(26 juin 1947) (commentaire du projet d’article VI, lequel  comme l’article V dans son libellé final  imposait aux États
de « prévoir dans leur législation pénale les actes de génocide … et les réprimer efficacement »).
54 Voir B. Saul, « The Implementation of the Genocide Convention at the National Level », in P. Gaeta, p. 73.
55 Voir par. 37 ci-dessus.
56 Convention sur le génocide, préambule (se référant à la résolution 96 (1) de l’Assemblée générale de
l’Organisation des Nations Unies datée du 11 décembre 1946).
57 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 219, par. 425.
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« l’une des manières les plus efficaces de prévenir la commission d’actes
criminels … [étai]t de prévoir des sanctions pénales à l’encontre des personnes qui
viendraient à commettre de tels actes, et d’appliquer effectivement ces sanctions à ceux
qui auraient commis les actes dont on cherche à éviter le renouvellement »58.
46. S’agissant d’une autre obligation conventionnelle similaire (qui concerne les « sanctions
pénales efficaces » frappant les personnes commettant de graves violations des conventions de
Genève), d’éminents juristes spécialistes du droit international ont estimé que les mesures législatives
que les États étaient tenus de prendre devaient « fixer, pour chaque infraction, la nature et l’étendue
de la peine, et cela en tenant compte du principe de la proportionnalité des peines avec la gravité des
délits »59. La même approche devrait être adoptée aux fins de l’interprétation de l’article V de la
convention sur le génocide.
d) L’interprétation de l’article VI : l’obligation de juger les auteurs de génocide
47. L’article VI de la convention est ainsi libellé :
« Les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III seront traduites devant les tribunaux compétents de l’État sur le
territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui
sera compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la
juridiction. »
48. L’obligation de punir les auteurs de génocide et des actes connexes visés à l’article III
s’applique à toutes les parties à la convention60. L’article VI dispose que les « personnes accusées de
génocide … seront traduites devant les tribunaux compétents » des États ayant un lien territorial avec
les actes allégués, « ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente ». La Cour a
confirmé que l’article VI « oblige[ait] les États contractants ... à instituer et exercer une compétence
pénale territoriale » devant leurs juridictions nationales61. Étant donné que la présente procédure a
trait aux obligations de « l’État sur le territoire duquel l’acte [présumé de génocide] a été commis »62,
la République des Maldives n’a pas l’intention d’exposer son interprétation de l’article VI s’agissant
des obligations des autres États. Elle se réserve toutefois le droit de le faire si celles-ci devenaient
une question d’interprétation en l’espèce.
58 Ibid., p. 219, par. 426.
59 Andrew Clapham et al., The 1949 Geneva Conventions: A Commentary (OUP 2015), p. 624 (citant Jean Pictet
(sous la dir. de), commentaire des conventions de Genève du 12 août 1949 : volume I (CICR 1949), p. 363). Au sujet de la
proportionnalité des peines, voir également Amal Clooney et Philippa Webb, The Right to a Fair Trial in International
Law (OUP 2020) (« A. Clooney et P. Webb »), p. 31-32.
60 Convention sur le génocide, articles premier et IV.
61 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 226-227, par. 442 (ajoutant que, « s’il n’interdit certes pas aux
États de conférer à leurs tribunaux pénaux, en matière de génocide, une compétence fondée sur d’autres critères que le lieu
de commission du crime compatibles avec le droit international, en particulier la nationalité de l’accusé, il ne leur impose
pas d’agir ainsi »).
62 Convention sur le génocide, article VI.
- 12 -
i) Les États territoriaux sont dans l’obligation de mener des enquêtes rapides, approfondies
indépendantes et impartiales
49. L’obligation mise à la charge des États territoriaux d’enquêter sur les actes de génocide
découle de l’article VI de la convention , qui prévoit que les « personnes accusées de génocide » ou
d’actes connexes « seront traduites devant les tribunaux ». Comme l’ont fait observer certains
commentateurs, « [c]ela ne signifie pas pour autant que l’article VI ne devient applicable que
lorsqu’une accusation a été portée »63. Au contraire, l’obligation « nécessite que les États mènent des
enquêtes en vue d’apprécier s’il convient ou non d’engager des poursuites »64. La Cour a confirmé
que l’article VI « oblige[ait] les États contractants ... à instituer et exercer une compétence pénale
territoriale »65. Par conséquent, l’obligation d’enquêter « découle de la convention elle-même »66.
50. Lorsqu’elle s’est penchée sur l’obligation d’enquêter en application de la convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après la
« convention contre la torture »), la Cour a confirmé qu’« [i]l ne suffi[sai]t pas … que l’État
partie … ait adopté toutes les mesures législatives » pour la mise en oeuvre du traité67. L’État doit
également « exerce[r] sa compétence …, en commençant par établir les faits … aussitôt que le
suspect est identifié sur [son] territoire »68.
51. En outre, le droit international coutumier impose aux États d’enquêter sur les graves crimes
internationaux et d’en punir les auteurs. Certaines juridictions régionales, dans le contexte de
l’interdiction de crimes contre l’humanité ayant acquis le statut de jus cogens, ont jugé que
« l’obligation y afférente d’enquêter et de punir les responsables » de ces crimes avait également
acquis ce statut69. L’interdiction du génocide étant elle aussi une norme de jus cogens, une obligation
similaire d’enquêter s’applique et doit être prise en considération en tant que « règle pertinente de
droit international applicable dans les relations entre les parties », dans le cadre de l’interprétation de
l’article VI de la convention sur le génocide70.
52. La Commission des droits de l’homme, premier mécanisme principal des Nations Unies et
forum international pour la promotion et la défense des droits de l’homme71, a confirmé que, pour
s’acquitter de leur obligation d’enquêter sur des faits de génocide, les États devaient s’assurer que
63 C. Tams, p. 239.
64 Ibid.
65 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 226-227, par. 442.
66 Guénaël Mettraux, International Crimes: Law and Practice: Volume I: Genocide (OUP 2019) (« G. Mettraux »),
p. 103.
67 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 453, par. 85.
68 Ibid., p. 453-454, par. 85-86.
69 Voir par exemple, La Cantuta c. Pérou, série C, nº 162 (Cour interaméricaine des droits de l’homme), arrêt sur
le fond, réparations et dépens, 29 novembre 2006, par. 157 (concluant que « l’interdiction de la disparition forcée et
l’obligation correspondante, incombant aux États, d’enquêter sur les disparitions forcées et d’en punir les auteurs ont acquis
le caractère de jus cogens »).
70 Convention de Vienne, art. 31 3) c). Voir également G. Mettraux, p. 101.
71 En 2006, la Commission des droits de l’homme a été remplacée par le Conseil des droits de l’homme : voir
Assemblée générale des Nations Unies, résolution 60/251 : Conseil des droits de l’homme, Nations Unies,
doc. A/RES/60/251 (15 mars 2006), par. 1.
- 13 -
les enquêtes soient rapides, approfondies, indépendantes et impartiales72. Examinant les obligations
parallèles imposées par la convention contre la torture, la Cour a jugé que les enquêtes devaient être
« menée[s] par les autorités compétentes » dans l’intention de « corroborer ou non les soupçons qui
pèsent sur la personne concernée »73, y compris en recueillant des témoignages74. Le même point de
départ doit être retenu aux fins d’interpréter l’obligation d’enquêter énoncée à l’article VI de la
convention sur le génocide.
ii) Les États doivent poursuivre les auteurs présumés sans retard injustifié
53. S’il impose aux États territoriaux de traduire en justice « [l]es personnes accusées de
génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III », l’article VI de la
convention ne précise cependant pas le délai dans lequel les poursuites doivent être engagées.
54. Il est évident que le pouvoir discrétionnaire en matière de délais dont disposent les États
doit être exercé de bonne foi et conformément à l’objet et au but de la convention sur le génocide de
« libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux »75. L’article VI doit également être lu dans le contexte
des autres dispositions de cet instrument, dont l’article IV qui dispose que les auteurs de génocide
seront punis76. Cela donne à penser que l’article VI impose aux États territoriaux l’obligation de
procéder sans retard à la mise en accusation des suspects, dès qu’une enquête indépendante et
impartiale met au jour des éléments crédibles indiquant qu’une personne a commis un génocide ou
des actes connexes visés à l’article III77.
55. En interprétant l’obligation de punir les graves crimes internationaux qu’impose le droit
international coutumier, les juridictions internationales ont également précisé que les enquêtes et les
poursuites devaient être menées avec diligence78. Il s’agit là d’une règle pertinente de droit
international applicable dans les relations entre les parties dont il convient de tenir compte au moment
72 Commission des droits de l’homme, rapport de l’experte indépendante chargée de mettre à jour l’ensemble de
principes pour la lutte contre l’impunité, Diane Orentlicher, additif : ensemble de principes actualisé pour la protection et
la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité, Nations Unies, doc. E/CN.4/2005/102/Add.1 (8 février
2005), p. 12. Voir également la résolution 2150 (2014) du Conseil de sécurité (Nations Unies, doc. S/RES/2150), p. 2 ;
Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998) (ci-après le « Statut de Rome »), art. 17 2) c) (prévoyant qu’un État
devrait être considéré comme n’ayant pas la volonté de mener à bien les enquêtes ou les poursuites si « [l]a procédure n’a
pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d’une manière qui … est incompatible avec
l’intention de traduire en justice la personne concernée »).
73 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 453, par. 83.
74 Voir par exemple, Le Procureur c. Saif Al-Islam Gaddafi et Abdullah Al-Senussi (ICC-01/11-01/11-344)
Decision on the admissibility of the case against Saif Al-Islam Gaddafi, 31 mai 2013, par. 209-210, 216 (où la Libye a été
considérée comme n’ayant « pas été en mesure de mener véritablement à bien les enquêtes ou poursuites » contre l’accusé
en raison de son « incapacité » à recueillir des témoignages au cours des enquêtes).
75 Convention sur le génocide, préambule. Voir également le raisonnement de la Cour en l’affaire relative à des
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II),
p. 460, par. 114-115 (où est examinée l’obligation de poursuivre au regard de la convention contre la torture). Voir
également par. 50 et 52 ci-dessus.
76 Voir convention de Vienne, art. 31 1).
77 Voir par exemple, G. Mettraux, p. 98 (qui relève qu’« un tribunal international déterminant que de tels actes ont
été commis » ou « des conclusions similaires émanant d’une commission d’enquête … informeraient l’État suffisamment
à l’avance de son obligation de prendre des mesures »). Voir également par. 50 ci-dessus.
78 Voir par exemple Abdülsamet Yaman c. Turquie (requête nº 32446/96, CEDH), 2 novembre 2004, par. 54,
59-60 ; La Cantuta c. Pérou, série C, no 162 (Cour interaméricaine des droits de l’homme), arrêt sur le fond, réparations et
débours, 19 novembre 2006, par. 149. Voir également Statut de Rome, art. 17 2) b) (prévoyant qu’un État devrait être
considéré comme n’ayant pas la volonté de mener à bien les poursuites si « [l]a procédure a subi un retard injustifié
qui ... est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée »).
- 14 -
d’interpréter les obligations, prescrites par la convention, d’enquêter sur des faits et d’en poursuivre
les auteurs79. Les États territoriaux ne peuvent se contenter de belles paroles, et déclarer par exemple
que les enquêtes suivent leur cours tout en ignorant délibérément des preuves crédibles qui sont
raisonnablement accessibles, ont déjà été recueillies ou sont exposées à la vue de tous.
iii) Les États territoriaux doivent engager des poursuites indépendantes, impartiales et
véritables conformément aux normes internationales en matière de procès équitable, ou
veiller à ce que des poursuites soient engagées par un tribunal pénal international
56. La convention sur le génocide exige que les personnes accusées de génocide ou de crimes
connexes visés à l’article III soient « traduites devant les tribunaux compétents » de l’État sur le
territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la « Cour criminelle internationale » qui sera
compétente.
57. Les États territoriaux doivent se conformer de bonne foi à leur obligation de juger les
auteurs80. Aussi ne peuvent-ils s’acquitter de l’obligation que leur impose l’article VI en se
contentant d’un simulacre de poursuites, y compris devant des tribunaux militaires81. Les poursuites
menées à l’échelon national doivent être véritables, indépendantes et impartiales82 et satisfaire aux
normes internationalement reconnues en matière de procès équitable, conformément au droit
international coutumier83 dont il convient de tenir compte en tant que règle pertinente de droit
international applicable dans les relations entre les parties84. Cette interprétation de l’article VI est
conforme au but « civilisateur » de la convention, et reflète l’objet de celle-ci qui est de « sanctionner
79 Convention de Vienne, art. 31 3) c).
80 Convention sur le génocide, art. VI ; convention de Vienne, art. 26. Voir également par. 36 ci-dessus.
81 Voir Commission des droits de l’homme, rapport de l’experte indépendante chargée de mettre à jour l’ensemble
de principes pour la lutte contre l’impunité, Diane Orentlicher, additif : ensemble de principes actualisé pour la protection
et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité, Nations Unies, doc. E/CN.4/2005/102/Add.1 (8 février
2005), principe 29 ; Fionnuala Ní Aolaín, « Principle 29. Restrictions on the Jurisdiction of Military Courts », in Frank
Haldemann et Thomas Unger (sous la dir. de), The United Nations Principles to Combat Impunity (OUP 2018), p. 322.
82 Voir, par exemple, Comité des droits de l’homme, observation générale no 32 : article 14 : droit à l’égalité devant
les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, Nations Unies, doc. CCPR/C/GC/32 (2007), par. 19, 22 (où il
est noté que « la garantie de compétence, d’indépendance et d’impartialité du tribunal au sens du paragraphe 1 de
l’article 14 est un droit absolu qui ne souffre aucune exception » et que « le jugement de civils par des tribunaux militaires
ou d’exception peut soulever de graves problèmes s’agissant du caractère équitable, impartial et indépendant de
l’administration de la justice ») ; Les Procureurs c. Nuon Chea et al., 002-19-09-2007/ECCC/TC, décision relative aux
exceptions préliminaires soulevées par Ieng Sary sur le fondement de la règle 89 du Règlement intérieur (question de la
grâce et de l’amnistie et principe ne bis in idem), 3 novembre 2011 par. 30 (relevant le manque d’impartialité ou
d’indépendance des poursuites menées par les autorités nationales et indiquant que « les vices ayant entaché les procédures
devant le Tribunal ... étaient tels que le jugement qu’il a rendu ne saurait être considéré comme un véritable acte
juridictionnel. Cette décision ne saurait donc produire un quelconque effet juridique valable »). Statut de Rome, art. 17 2)-
17 3) (prévoyant qu’un État devrait être considéré comme n’ayant pas la volonté de mener à bien les procédures si cellesci
ont été « engagée[s] … dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale », en cas de « retard
injustifié » ou lorsque « [l]a procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d’une
manière qui ... est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée » et qu’un État devrait être
considéré dans l’« incapacité » de mener les enquêtes et poursuites s’il n’a pas été en mesure « de se saisir de l’accusé, de
réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure »). Voir également
par. 52 et 55 ci-dessus.
83 Voir Le Procureur c. Aleksovski (IT-95-14/1-A), arrêt, 24 mars 2000, par. 104 (« Bien évidemment, le droit à un
procès équitable est exigé par le droit international coutumier. »). Voir également A. Clooney et P. Webb, p. 13-25.
84 Convention de Vienne, art. 31 3) c).
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les principes de morale les plus élémentaires »85  y compris en faisant en sorte que les auteurs de
génocide ne demeurent pas impunis.
58. Cette interprétation est confirmée par les travaux préparatoires, dont il ressort que les
rédacteurs s’inquiétaient de ce que les États territoriaux, étant donné qu’ils peuvent participer à la
perpétration d’un génocide ou en être complices, puissent chercher à soustraire les auteurs aux
poursuites. À titre d’exemple, le délégué des Philippines avait formulé le commentaire suivant : « le
génocide est un crime collectif d’une telle envergure qu’il peut rarement être commis sans la
participation ou la tolérance de l’État et il serait donc paradoxal de confier à ce même État le soin de
punir les coupables »86. C’est pour cette raison que les rédacteurs ont cherché à inclure des
dispositions prévoyant que le procès puisse se tenir devant des tribunaux internationaux, le délégué
des Philippines ayant poursuivi en relevant
« la nécessité, si l’on ne veut pas que la convention demeure lettre morte, de créer une
juridiction pénale internationale pour assurer le châtiment, sur le plan international, des
coupables qui pourraient y échapper, soit parce que leurs tribunaux nationaux ne sont
pas compétents à leur égard en vertu de règles constitutionnelles particulières soit parce
qu’ils bénéficient de la complicité ou de l’indifférence des organes répressifs
nationaux »87.
59. C’est pourquoi l’article VI prévoit que, au lieu d’être jugées devant les juridictions
nationales de l’État territorial, les personnes accusées de génocide peuvent également être traduites
devant une juridiction pénale internationale compétente. La Cour a jugé que, même dans le cas
d’États non territoriaux, dès lors qu’ils ont reconnu la compétence d’une juridiction pénale
internationale,
« l’article VI oblige[ait] les États contractants … à coopérer avec elle, ce qui implique
qu’ils procèdent à l’arrestation des personnes accusées de génocide se trouvant sur leur
territoire … et que, à défaut de les traduire devant leurs propres juridictions, ils les
défèrent devant la cour internationale compétente pour les juger »88.
85 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (II), p. 51[7], par. 1[13] (renvoyant à Réserves à la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23).
86 Voir par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, Sixième Commission, suite de l’examen du projet de
convention sur le génocide (E/794), 97e séance : rapport du Conseil économique et social (A/633), Nations Unies,
doc. A/C.6/SR.97 (9 novembre 1948). Voir également Nations Unies, Assemblée générale, Sixième Commission, suite de
l’examen du projet de convention sur le génocide (E/794), 98e séance : rapport du Conseil économique et social (A/633),
Nations Unies, doc. A/C.6/SR.98 (10 novembre 1948), 381 (M. Feaver, Canada : « Tout le monde sait parfaitement que
des cas graves de génocide sont imputables aux gouvernements que les tribunaux nationaux ne sont pas compétents pour
juger. »).
87 Nations Unies, Assemblée générale, Sixième Commission, suite de l’examen du projet de convention sur le
génocide (E/794), 97e séance : rapport du Conseil économique et social (A/633), Nations Unies, doc. A/C.6/SR.97
(9 novembre 1948) p. 365 (M. Inglés, Philippines).
88 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 227, par. 443. Voir également G. Mettraux, p. 101. Outre les
dispositions de l’article VI relatives aux poursuites dans l’État territorial et à la coopération avec les juridictions pénales
internationales, les États sur le territoire desquels les auteurs présumés sont présents et qui n’engagent pas de poursuites
contre eux peuvent également les extrader vers d’autres États dont les tribunaux sont compétents pour les juger,
conformément au principe aut dedere aut judicare, qui peut être déduit de la convention sur le génocide et existe également
en droit international coutumier : voir G. Mettraux, p. 110-114. Voir également Commission du droit international, rapport
final du groupe de travail sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), doc. A/CN.4/L.844 (5 juin
2014), p. 17 ; convention sur le génocide, art. VII.
- 16 -
60. Ainsi, aux termes de l’article VI, à défaut d’engager un véritable procès contre une
personne accusée de génocide, en toute indépendance et impartialité et dans le respect des normes
internationales en matière de procès équitable, un État est tenu de s’assurer que celle-ci soit jugée
devant une juridiction pénale internationale en acceptant la compétence de ladite juridiction, en lui
remettant la personne en question et en coopérant avec elle en tant que de besoin89. Tout manquement
à ces obligations emporte violation de la convention.
VI. DOCUMENTS À L’APPUI DE LA PRÉSENTE DÉCLARATION
61. La République des Maldives soumet les documents suivants à l’appui de la présente
déclaration :
a) annexe A : lettre envoyée par le greffier en application du paragraphe 1 de l’article 63 du Statut
de la Cour ; et
b) annexe B : instrument d’accession de la République des Maldives à la convention sur le génocide.
VII. CONCLUSION
62. Pour les raisons exposées dans cette déclaration, la République des Maldives se prévaut
du droit d’intervenir dans la présente procédure que lui confère le paragraphe 2 de l’article 63 du
Statut de la Cour, et prie respectueusement celle-ci de dire que cette déclaration est recevable.
63. La République des Maldives a désigné le soussigné en qualité d’agent aux fins de la
présente déclaration.
Toutes les communications relatives à cette instance devront être adressées à :
S. Exc. M. l’ambassadeur de la République des Maldives auprès du Royaume des Pays-Bas
Ambassade de la République des Maldives
Rue des Colonies 56
B-1000 Bruxelles
Belgique
L’agent de la République des Maldives,
Attorney General de la République des Maldives,
(Signé) Ibrahim RIFFATH.
___________
89 Voir par exemple, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), opinion dissidente de la juge Xue, p. 582, par. 42 (faisant référence aux chambres africaines
extraordinaires devant être établies par le Sénégal et l’Union africaine en vue de juger les auteurs de crimes internationaux
commis au Tchad et relevant que la remise, par le Sénégal, d’un ancien dictateur tchadien à ce « tribunal spécial »
permettrait de « réaliser l’objet et le but » de la convention contre la torture).
- 17 -
CERTIFICATION
Je certifie que les annexes jointes à la présente déclaration sont des copies conformes des
documents originaux.
L’agent de la République des Maldives,
Attorney General de la République des Maldives,
(Signé) Ibrahim RIFFATH.
___________
COUR INTl:llNATIONALI: • 1 NTl:RNATl(>NAL COUltT
DE IUSTICE · OF IUSTICE
153168 Le 24 janvier 2020
J'ai l'honneur de me référer à ma lettre (n° 152867) en date du 11 novembre 2019, par
laquelle j'ai porté à la connaissance de votre Gouvernement que la République de Gambie a, le
11 novembre 2019, déposé au Greffe de la Cour internationale de Justice une requête introduisant
une instance contre la République de l'Union du Myanmar en l'affaire relative à l' Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar). Une
copie de la requête était jointe à cette lettre. Le texte de ladite requête est également disponible sur
le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«[l]orsqu'il s'agit de l'interprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans délai».
Le paragraphe 1 de l'article 43 du Règlement de la Cour précise en outre que
«[l]orsque l'interprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autres Etats que
les parties en litige peut être en cause au sens de l'article 63, paragraphe 1, du Statut,
la Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matière».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont été données conformément à cette dernière
disposition, j'ai l'honneur de notifier à votre Gouvernement ce qui suit.
Dans la requête susmentionnée, la convention de 1948 pour la prévention et la répression du
crime de génocide (ci-après la «convention sur le génocide») est invoquée à la fois comme base de
compétence de la Cour et à l'appui des demandes de la Gambie au fond. Plus précisément, celle-ci
entend fonder la compétence de la Cour sur la clause compromissoire figurant à l'article IX de cet
instrument et affirme que le défendeur a violé les articles I, III, IV, V et VI de celui-ci. Il semble,
dès lors, que l'interprétation de cette convention pourrait être en cause en l'affaire.
.1.
Son Excellence
Monsieur le Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas
Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas
La Haye
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays-Bas
Téléphone : + 31 (0) 70 302 23 23 - Facsimilé : + 31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Camegieplein 2
2517 KJ The Hague - Netherlands
Telephone: + 31 (0) 70 302 23 23 - Telefax: + 31 (0) 70 364 99 28
Website: www.icj-cij.org
Annexe A

(IV .1)
NATIONS UNIES
POSTAL ADCRESS- 􀀵DRëSSE f'Q'irA􀀶 E. UNITED l'IAT!Of',.5, N.Y 1001?
CABLE ADDRESS-A:JRF.SSE -:"ELF.GR,􀀯PHIQUE UNAT10NS NEWYORK
Rc•rne,.c• C.N. 91.1984. TREATIES-2 (Notification dépositaire)
CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDEADOPTEE
PAR L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES LE 9 DECEMBRE 1948
ADHESION DES MALDIVES
Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, agissant
en sa qualité de dépositaire, communique :
Le 24 avril 1984, l'instrumont d'adhésion du Gouvernement maldivien
à la Convention susmentionnée a 1ité déposé auprès du Secrétaire général.
Conformément au paragraphe :3 de l'article XIII, la Convention
entrera en vigueur pour les Maldives le 23 juillet 1984, soit le
quatre-vingt-dixième jour qui suivra le dépÔt de son instrument.
Le 4 mai 1984
A l'attention des services des traités des ministères des affaires
étrangères et des organisaticms internationales intéressées
Annexe B

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Déclaration des Maldives

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20
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