Observations écrites de la Pologne sur l’objet de son intervention

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182-20230705-WRI-23-00-EN
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Incidental Proceedings
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE ; 32 ÉTATS INTERVENANTS)
OBSERVATIONS ÉCRITES DE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE AU SUJET
DE L’ARTICLE IX ET D’AUTRES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION
POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME
DE GÉNOCIDE PERTINENTES AUX FINS DE LA
DÉTERMINATION DE LA COMPÉTENCE
DE LA COUR
(ARTICLE 86, PARAGRAPHE 1, DU RÈGLEMENT)
5 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
SECTION I : INTRODUCTION ............................................................................................................... 1
A. Aperçu des présentes observations écrites ............................................................................... 2
B. Principes d’interprétation ......................................................................................................... 2
SECTION II : L’INTERPRÉTATION CORRECTE DE L’ARTICLE IX ......................................................... 3
A. La notion de différend .............................................................................................................. 3
B. L’article IX de la convention est libellé en termes généraux et couvre les différends
concernant l’« exécution » ....................................................................................................... 5
C. L’article IX de la convention sur le génocide s’applique aux différends portant sur des
allégations de génocide fausses et abusives ............................................................................. 8
D. L’article IX de la convention sur le génocide s’applique aux différends portant sur des
actes par ailleurs illicites commis en tant que moyens de prévention et de répression du
génocide ................................................................................................................................. 10
SECTION III : CONCLUSION .............................................................................................................. 11
OBSERVATIONS ÉCRITES DE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE
SECTION I : INTRODUCTION
1. Les présentes observations écrites sont soumises à la Cour en conformité avec l’ordonnance
de celle-ci en date du 5 juin 2023 concernant les interventions présentées par l’Australie, la
République d’Autriche, le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, le Canada et le
Royaume des Pays-Bas, la République de Croatie, la République de Chypre, la République tchèque,
le Royaume du Danemark, la République d’Estonie, la République de Finlande, la République
française, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, l’Irlande, la République
italienne, la République de Lettonie, la Principauté du Liechtenstein, la République de Lituanie, le
Grand-Duché de Luxembourg, la République de Malte, la Nouvelle-Zélande, le Royaume de
Norvège, la République de Pologne, la République portugaise, la Roumanie, la République slovaque,
la République de Slovénie, le Royaume d’Espagne, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique, en vertu de l’article 63 du Statut
de la Cour, en l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie)1. Dans son
ordonnance, la Cour a jugé recevable la déclaration d’intervention déposée par la République de
Pologne en vertu de l’article 63, paragraphe 2, du Statut, et fixé la date d’expiration du délai de dépôt
des présentes observations écrites, ainsi qu’il est prévu à l’article 86, paragraphe 1, du Règlement de
la Cour (ci-après le « Règlement »)2.
2. La République de Pologne intervient en qualité de partie à la Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (la « convention »). Les présentes observations écrites exposent
les vues de la République de Pologne au sujet de l’interprétation de l’article IX et d’autres
dispositions de la convention pertinentes aux fins de la détermination de la compétence de la Cour.
Conformément à l’ordonnance, l’intervention de la République de Pologne n’aborde aucun autre
aspect de l’affaire portée devant la Cour. Les renvois éventuels, dans les présentes observations
écrites, aux règles et principes de droit international extérieurs à la convention ne concernent que
l’interprétation des dispositions de la convention, conformément à la règle coutumière
d’interprétation énoncée à l’alinéa c) du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne sur
le droit des traités (la « convention de Vienne »)3. La République de Pologne n’abordera aucune autre
question, telle l’existence d’un différend entre les Parties, les preuves au dossier, les faits ou
l’application de la convention sur le génocide en l’espèce4.
3. Invitée à coordonner son intervention avec celles des autres États intervenants, la
République de Pologne a, dans une large mesure, aligné sa position sur celle d’autres intervenants,
qui sont membres de l’Union européenne.
1 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), déclarations d’intervention, ordonnance du 5 juin 2023 (ci-après l’« ordonnance »).
2 Ibid., par. 102.
3 Ibid., par. 84.
4 Ibid., par. 84.
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4. Comme l’indique sa déclaration d’intervention, la République de Pologne5 a résumé comme
il suit l’interprétation correcte de l’article IX de la convention :
a) L’article IX de la convention, qui est une clause compromissoire, est libellé largement et ne
comporte aucune restriction précise.
b) Le sens ordinaire de l’article IX montre clairement qu’il n’est pas nécessaire d’établir l’existence
d’actes de génocide pour fonder la compétence de la Cour.
c) L’objet et le but de la convention viennent également à l’appui d’une interprétation large de
l’article IX.
d) L’article IX de la convention habilite la Cour à constater l’absence de génocide.
e) L’article IX de la convention habilite la Cour à connaître des différends concernant l’emploi
unilatéral de la force militaire dans le but affiché de prévenir et de punir un prétendu génocide.
5. La République de Pologne a fourni, dans sa déclaration d’intervention, un résumé de
l’interprétation de la convention sous ces cinq angles. Les présentes observations viennent préciser
le raisonnement qui sous-tend cette interprétation et l’autorité dont elle jouit.
A. Aperçu des présentes observations écrites
6. La section I des présentes observations écrites présente une introduction exposant
notamment les principes devant guider l’interprétation de l’article IX de la convention.
7. La section II aborde l’interprétation correcte de l’article IX de la convention.
8. À l’issue de cet examen, la section III présente les conclusions qui en découlent.
B. Principes d’interprétation
9. L’interprétation de la convention, en tant qu’accord international, obéit aux dispositions des
articles 31 et 32 de la convention de Vienne de 1969 (la « convention de Vienne »)6. Comme l’a
indiqué la Cour en de multiples occasions, ces dispositions codifient le droit coutumier et peuvent
être appliquées aux traités antérieurs à l’adoption de la convention de Vienne, ce qui correspond
également à la pratique de la Cour7.
10. Selon l’article 31 de la convention de Vienne, qui énonce la règle générale d’interprétation,
« [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité
dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». Font partie du « contexte » le texte et
5 Déclaration d’intervention de la République de Pologne en vertu de l’article 63 du Statut de la Cour internationale
de Justice, 15 septembre 2022.
6 Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, Recueil des traités (RTNU), vol. 1155, p. 331 (entrée
en vigueur le 27 janvier 1980) (la « convention de Vienne »). L’Ukraine a adhéré à la convention de Vienne le 14 mai 1986
et la Fédération de Russie, le 29 avril 1986.
7 Île de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. [1059, par.] 18.
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la structure d’ensemble du traité, y compris son préambule et ses annexes éventuelles8. Les « objet »
et « but » peuvent ressortir de l’examen des objectifs du traité exprimés, par exemple, dans le
sommaire ou le préambule de celui-ci9.
11. Pareille interprétation doit également tenir compte de la pratique ultérieurement suivie par
les parties au traité (article 31, paragraphe 3, alinéas a) et b) de la convention de Vienne) et peut aussi
être confirmée par des moyens complémentaires (article 32 de la convention de Vienne). La Cour a
souvent eu recours à des moyens complémentaires lorsque leur emploi, conjugué à la règle générale,
lui paraissait utile10.
12. L’interprète doit en outre prendre en considération toute règle de droit international
applicable dans les relations entre les parties, compte tenu de l’évolution de ces règles depuis
l’adoption du traité (article 31, paragraphe 3, alinéa c) de la convention de Vienne). De plus, le
principe de la bonne foi oblige les parties à un traité à appliquer les dispositions de celui-ci « de façon
raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint »11.
SECTION II : L’INTERPRÉTATION CORRECTE DE L’ARTICLE IX
13. L’article IX de la convention sur le génocide énonce ce qui suit :
« Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une Partie au différend. »
14. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires du 16 mars 2022, la Cour
s’est déclarée compétente prima facie sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide12.
A. La notion de différend
15. La République de Pologne fait valoir que la notion de « différend » est déjà bien établie
dans la jurisprudence de la Cour, et souscrit à l’interprétation faisant autorité. Aussi convient-elle
que l’on entend par ce terme « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une
opposition de thèses juridiques ou d’intérêts » entre des parties13. Pour établir l’existence d’un
différend, « [i]l faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition
8 Voir, par exemple, Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de
Macédoine c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), [p. 675,] par. 97-98.
9 Voir, par exemple, Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 813, par. 27.
10 Voir, par exemple, Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 27,
par. 55 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), [p. 128,] par. 142.
11 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
12 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 28-49.
13 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
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manifeste de l’autre »14. Les deux parties doivent avoir des « points de vue quant à l’exécution ou à
la non-exécution de certaines obligations internationales [qui] sont nettement opposés »15.
16. La jurisprudence de la Cour enseigne que, « [s]’il n’est pas nécessaire qu’un État
mentionne expressément, dans ses échanges avec l’autre État, un traité particulier pour être ensuite
admis à invoquer ledit traité devant la Cour …, il doit néanmoins s’être référé assez clairement à
l’objet du traité pour que l’État contre lequel il formule un grief puisse savoir qu’un différend existe
ou peut exister à cet égard »16.
17. La Cour a déjà eu l’occasion de confirmer que, lorsqu’il s’agit de décider s’il existe un
différend, « [l]e comportement des parties peut aussi entrer en ligne de compte, notamment en
l’absence d’échanges diplomatiques »17.
18. De plus, il n’est pas nécessaire, pour conclure que les parties ont des points de vue
nettement opposés quant à l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations internationales,
que le défendeur se soit expressément opposé aux griefs du demandeur18 : « dans le cas où le
défendeur s’est abstenu de répondre aux réclamations du demandeur, il est possible d’inférer de ce
silence, dans certaines circonstances, qu’il rejette celles-ci et que, par suite, un différend existe »19.
Ainsi qu’il a été observé, « [u]n comportement extrême peut créer ipso facto un différend, sans qu’il
soit besoin pour cela d’une lettre ou autre communication préalable »20. Cette remarque est conforme
à la position de la Cour selon laquelle « [l]e comportement des parties postérieur à la requête peut
être pertinent à divers égards et, en particulier, aux fins de confirmer l’existence d’un différend »21.
19. Enfin, le fait que certains agissements puissent donner lieu à un différend qui entre dans le
champ de plusieurs traités ne constitue pas un obstacle à la compétence de la Cour au titre du traité
invoqué par le demandeur, pour autant que les autres conditions qui y sont énoncées soient remplies22.
14 Sud-Ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 1962, p. 328.
15 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Qatar c. Émirats arabes unis), mesures conservatoires, ordonnance du 23 juillet 2018, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 414,
par. 18 ; Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26, par. 50, citant Interprétation des traités de paix
conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
16 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85, par. 30.
17 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le
désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 850,
par. 40.
18 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 71.
19 Ibid.
20 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le
désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (II), opinion
dissidente du juge Crawford, p. 1100, par. 17.
21 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 64.
22 Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique
d’Iran c. États-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2021, par. 56.
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B. L’article IX de la convention est libellé en termes généraux
et couvre les différends concernant l’« exécution »
20. En l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, la Cour a relevé une
« particularité » de l’article IX qui distingue celui-ci des autres « disposition[s] classique[s] en
matière de règlement des différends », à savoir la formule « y compris [les différends] relatifs à la
responsabilité d’un État en matière de génocide »23. Ce passage doit être interprété comme ajoutant
à la compétence de la Cour, conformément au principe selon lequel il faut donner un effet utile à tous
les mots d’un traité, de sorte qu’aucun ne soit rendu superfétatoire24. Il semble que, « en insérant les
trois termes alternatifs », les rédacteurs aient cherché à « donner une couverture aussi exhaustive que
possible à la clause compromissoire » et à « combler toutes les failles [potentielles] »25 qui auraient
pour effet de restreindre la compétence de la Cour.
21. Les travaux préparatoires confirment la portée complémentaire escomptée de l’adjonction
du terme « exécution ». L’objectif poursuivi en 1948 était de conférer à la Cour la compétence la
plus large possible sous le régime de la convention, en prévenant tous les arguments subtils qui
pourraient être avancés pour la priver de sa compétence en raison d’un lien insuffisant avec cet
accord26.
22. Le sens ordinaire du membre de phrase « relatifs à l’interprétation, l’application ou
l’exécution de la … Convention » peut s’analyser en trois temps.
23. Le premier point (« relatifs à ») établit un lien entre le différend et la convention.
24. Le deuxième point (« l’interprétation, l’application ou l’exécution de la … Convention »)
englobe trois cas de figure. Alors que l’interprétation s’entend généralement du processus consistant
à « expliquer le sens » d’une norme juridique, l’« application » est la « mise en oeuvre de quelque
chose » dans un cas donné27. L’« exécution » recoupe partiellement le terme précédent et peut
s’entendre d’une application qui « répond aux exigences » d’une norme28. Néanmoins, l’adjonction
du terme « exécution » soutient une interprétation large de l’article IX.
25. Le troisième point (« de la … Convention ») indique clairement que la clause
compromissoire renvoie à toutes les dispositions de la convention. Autrement dit, l’article IX ne crée
pas d’autres droits ou obligations substantiels pour les parties ; les normes juridiques de fond qui
23 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 114, par. 168-169 ; Activités armées sur le territoire du Congo
(nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil
2006, opinion individuelle commune des juges Higgins, Kooijmans, Elaraby, Owada et Simma, p. 72, par. 28 ; voir aussi
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), déclaration du juge Oda, p. 627, par. 5.
24 Voir Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 125-126, par. 133-134.
25 C. Tams, « Article IX », note 45, in C. Tams, L. [B]erster et B. Schiffbauer, Convention on the Prevention and
Punishment of Genocide: A Commentary (Beck/Hart, 2014).
26 R. Kolb, « The Scope Ratione Materiae of the Compulsory Jurisdiction of the ICJ », in P. Gaeta (sous la dir. de.),
The UN Genocide Convention: A Commentary (Oxford University Press, 2009), p. 453.
27 C. Tams, « Article IX », note 45, in C. Tams, L. [B]erster et B. Schiffbauer, Convention on the Prevention and
Punishment of Genocide: A Commentary (Beck/Hart, 2014).
28 Ibid.
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relèvent de la compétence de la Cour figurent ailleurs dans la convention. En outre, le renvoi
concerne l’ensemble de la convention, y compris les violations de celle-ci29.
26. Ainsi, il peut y avoir un différend au sujet de l’interprétation, de l’application ou de
l’exécution de la convention lorsqu’un État avance qu’un autre État a commis un génocide30. Dans
ce cas de figure, la Cour examinera les faits sous-tendant cette allégation : si elle n’est pas convaincue
que le défendeur ait réellement commis des actes de génocide, elle pourra se déclarer incompétente31.
27. Si ce cas de figure, qui met en jeu la responsabilité à raison d’allégations de génocide, est
souvent à l’origine des différends concernant « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la
convention, il n’est pas le seul. Dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), la
demanderesse avait dénoncé plusieurs violations de la convention par la défenderesse, y compris un
manquement à l’obligation de prévenir et de punir le génocide prévue à l’article premier32, et la Cour
a confirmé sa compétence ratione materiae33. Dans l’affaire (pendante) relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), la
demanderesse a fait valoir que le défendeur non seulement était responsable d’actes prohibés par
l’article III, mais manquait aussi aux obligations que lui impose la convention en ne prévenant pas
le génocide, en violation de l’article premier, et en ne punissant pas ce crime, en violation des
articles premier, IV et V34. Dans ces cas précis, un État accusait un autre État de ne pas respecter son
engagement de « prévenir » et de « punir » le génocide, au motif qu’il laissait impunis les actes de
génocide commis sur son territoire. Il s’ensuit qu’il peut aussi exister des différends concernant une
« inaction » constitutive de manquement aux obligations de fond énoncées aux articles
susmentionnés.
28. Il ressort clairement du sens ordinaire de l’article IX qu’il n’est pas nécessaire d’établir
l’existence d’actes de génocide pour fonder la compétence de la Cour. L’article IX ne comporte
aucune restriction en ce qui concerne le prononcé d’un jugement de conformité a contrario. En
conséquence, lorsqu’il existe un différend sur la question de savoir si un État a eu un comportement
contraire à la convention, l’État accusé a le même droit de soumettre le différend à la Cour que l’État
accusateur. Il s’ensuit que la Cour a compétence quant à la question de savoir si des actes de génocide
ont été commis ou sont en voie de l’être35.
29 R. Kolb, « The Scope Ratione Materiae », note 26, p. 453.
30 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [114], par. 169.
31 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 372-373, par. 24-31. La Cour a ultérieurement conclu qu’elle n’avait pas compétence, en raison
de l’irrecevabilité de la Serbie-et-Monténégro, à l’époque de l’introduction de l’instance, au regard de l’article 35 du Statut
(voir, par exemple, Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. France), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2004 (II), p. 595).
32 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 614, par. 28, et 603, par. 4.
33 Ibid., p. 615-617, par. 30-33.
34 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 24, points 1 c), d) et e).
35 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 43 ; Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), mesures conservatoires,
ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 14, par. 30.
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29. Le contexte du membre de phrase « relatifs à » confirme également cette lecture. En
particulier, l’emploi inhabituel du terme « y compris » dans l’incise de l’article IX de la convention
indique que celui-ci a un champ d’application plus large que celui d’une clause compromissoire
ordinaire36. Les différends relatifs à la responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un
quelconque des autres actes énumérés à l’article III ne sont par conséquent qu’un des types de
différends visés par l’article IX, « compris » dans la catégorie plus large des différends « relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la convention.
30. Le contexte de la locution « relatifs à » figurant à l’article IX confirme donc que la
compétence de la Cour va au-delà des différends entre États concernant la responsabilité à raison
d’allégations de génocide et s’étend également aux différends entre États concernant l’absence de
génocide et l’exécution d’obligations de la convention par un ou plusieurs États parties.
31. Cette position est corroborée par l’objet et le but de la convention, dont voici le préambule :
« Les Parties contractantes,
Considérant que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, par sa
résolution 96 (I) en date du 11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un crime
du droit des gens, en contradiction avec l’esprit et les fins des Nations Unies et que le
monde civilisé condamne ;
Reconnaissant qu’à toutes les périodes de l’histoire le génocide a infligé de grandes
pertes à l’humanité ;
Convaincues que, pour libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux, la coopération
internationale est nécessaire ;
Conviennent de ce qui suit : »
32. La Cour a observé ce qui suit en 1951 :
« Les fins d’une telle convention doivent également être retenues. La Convention
a été manifestement adoptée dans un but purement humain et civilisateur. On ne peut
même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut degré ce double
caractère, puisqu’elle vise d’une part à sauvegarder l’existence même de certains
groupes humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de morale les
plus élémentaires. Dans une telle convention, les États contractants n’ont pas d’intérêts
propres ; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les
fins supérieures qui sont la raison d’être de la convention. Il en résulte que l’on ne
saurait, pour une convention de ce type, parler d’avantages ou de désavantages
individuels des États, non plus que d’un exact équilibre contractuel à maintenir entre les
droits et les charges. La considération des fins supérieures de la Convention est, en vertu
de la volonté commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les dispositions
qu’elle renferme. »37
36 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [114], par. 169.
37 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil
1951, p. 23.
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33. La mention, dans le préambule de la convention, de « l’esprit et les fins des
Nations Unies » indique bien la nature humanitaire de l’objet et du but du traité, qui seraient battus
en brèche par une lecture étroite de ses dispositions.
34. Il convient de noter que la Cour a reconnu le caractère d’une norme péremptoire (jus
cogens) à la prohibition du génocide38, de même que la nature erga omnes des droits et obligations
énoncés par la convention39.
35. L’importance de la question régie par la convention confère une valeur particulière à
l’interprétation en faveur de la constatation de respect a contrario, car elle contribue à clarifier le
sens du terme « génocide » sous le régime de la convention et à faire en sorte que celle-ci soit
appliquée correctement à l’avenir.
36. D’une manière plus générale, au regard de l’objet et du but de la convention, y compris les
prononcés de la Cour sur cette question, la République de Pologne tient à souligner que l’exclusion
de tels types de différends irait à l’encontre des dispositions de ce texte, ainsi que des buts humains
et civilisateurs pour lesquels il a été adopté.
37. Ce serait lire la convention de manière très formaliste et aller ainsi à l’encontre de son
objet et de son but que de soutenir qu’elle ne s’applique pas à la question de la validité des allégations
d’un État concernant la violation de ses dispositions par un autre État. Qui plus est, pareille lecture
reviendrait à nier l’interprétation systémique qu’exige l’alinéa c) du paragraphe 3 de l’article 31 de
la convention de Vienne sur le droit des traités. Il y a lieu de rappeler dans ce contexte la
résolution 2150 (2014) du Conseil de sécurité, qui « [d]emande aux États de s’engager à nouveau à
prévenir et à combattre le génocide et les autres crimes graves de droit international »40.
C. L’article IX de la convention sur le génocide s’applique aux différends
portant sur des allégations de génocide fausses et abusives
38. La République de Pologne souhaite maintenant examiner plus avant un type de différend
relevant de l’article IX, à savoir celui des allégations de génocide fausses et abusives formulées par
un État contre un autre État.
39. Ce faisant, elle analysera soigneusement le point de savoir si la convention permet à un
État de saisir la Cour d’un différend portant sur des allégations de génocide formulées par un autre
État41.
40. La République de Pologne soutient que l’article IX de la convention sur le génocide
s’applique notamment aux différends relatifs à des allégations de génocide fausses et abusives, car
ils soulèvent la question de l’observation de l’article premier de la convention, lequel fournit un
38 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31-32, par. 64.
39 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 615, par. 31.
40 Nations Unies, résolution 2150 du Conseil de sécurité, 7155e séance, 16 avril 2014, doc. S/RES/2150, par. 1 ;
voir aussi Nations Unies, résolution 2171 du Conseil de sécurité, 7247e séance, 21 août 2014, par. 6.
41 Pour l’examen de cette question, voir, par exemple, ordonnance sur les mesures conservatoires (note 9),
déclaration du juge Bennouna, par. 2.
- 9 -
contexte pour l’interprétation de l’article IX et dont voici le libellé : « Les Parties contractantes
confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime
du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir. »
41. Selon l’article premier de la convention, tous les États parties sont tenus de prévenir et de
punir le génocide. Ainsi que la Cour l’a déjà souligné, en s’acquittant de leur obligation de prévenir
le génocide, les parties contractantes doivent agir dans les limites de ce que leur permet la légalité
internationale42. En outre, l’obligation énoncée à l’article premier doit être exécutée de bonne foi
(article 26 de la convention de Vienne43). Ainsi que la Cour l’a précisé, le principe de bonne foi
« oblige les Parties à []appliquer [un traité] de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse
être atteint »44. L’interprétation de bonne foi sert donc de garde-fou contre tout détournement de la
convention sur le génocide. En tant que « [l’]un des principes de base qui président à la création et à
l’exécution d’obligations juridiques », la bonne foi est également directement liée à la « confiance
réciproque [qui] est une condition inhérente de la coopération internationale »45.
42. Selon la République de Pologne, la notion d’« engag[em]ent à prévenir » exige que chaque
État partie, avant de prendre des mesures en application de l’article premier de la convention,
apprécie si un génocide est en cours ou s’il existe un risque grave qu’un génocide soit commis46.
Cette détermination doit être étayée par des éléments solides47.
43. En outre, la convention sur le génocide donne des orientations concernant les moyens
licites que les parties contractantes peuvent utiliser pour prévenir et punir le génocide. Si
« [l]’article premier ne précise pas quels types de mesures une partie contractante peut prendre pour
s’acquitter de cette obligation »48, il n’en reste pas moins que « [l]es parties contractantes
doivent … exécuter cette obligation de bonne foi, en tenant compte d’autres parties de la convention,
en particulier ses articles VIII et IX, ainsi que son préambule »49. Plutôt que de formuler des
allégations de génocide fausses et abusives à l’encontre d’un autre État sans faire preuve de la
diligence requise (due diligence), un État peut saisir les organes politiques ou judiciaires des
Nations Unies50.
42 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 221, par. 430 ; Allégations de génocide au titre de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires,
ordonnance du 16 mars 2022, par. 57.
43 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 296, par. 38 : « La Cour observera que le principe de la bonne foi est un principe bien établi
du droit international. Il est énoncé au paragraphe 2 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies ; il a aussi été incorporé à
l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. »
44 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
45 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. [268, par. 46].
46 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 221-222, par. 430-431.
47 Ibid., p. [129], par. 209.
48 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 56.
49 Ibid.
50 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, opinion individuelle du
juge Robinson, par. 30.
- 10 -
44. Il s’ensuit qu’une allégation fausse et abusive formulée par un État contre un autre État va
à l’encontre de l’obligation d’appliquer de bonne foi l’article premier de la convention et revient à
dénaturer les termes de la convention. Par conséquent, l’article IX couvre également de tels
différends.
D. L’article IX de la convention sur le génocide s’applique aux différends portant
sur des actes par ailleurs illicites commis en tant que moyens
de prévention et de répression du génocide
45. Parmi les différends visés à l’article IX de la convention figurent également ceux, tout
aussi importants, qui ont trait à la commission d’actes par ailleurs illicites comme moyen de
prévention et de répression du génocide. Un État ne saurait prétendre faire appliquer le droit
international en violant celui-ci. Comme la Cour l’a précisé en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), « il est clair que chaque État ne peut déployer son action que dans les
limites de ce que lui permet la légalité internationale »51. Ce passage figure dans la partie de l’arrêt
consacrée à l’obligation de prévenir le génocide au titre de l’article premier de la convention52. C’est
donc dire que « l’article premier … met la Russie dans l’obligation d’agir pour prévenir la
commission d’un génocide, tout en l’astreignant à le faire dans les limites fixées par la légalité
internationale »53.
46. La portée de l’« engage[me]nt de prévenir » doit en outre être lue à la lumière du dernier
alinéa du préambule, qui souligne la nécessité de la « coopération internationale ». En outre,
l’article VIII de la convention indique que les États peuvent saisir les organes compétents de
l’Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci prennent des mesures, l’article IX prévoyant quant
à lui le règlement judiciaire. Tous ces éléments plaident en faveur de l’obligation de mettre en oeuvre
des moyens multilatéraux et pacifiques pour prévenir le génocide avant d’entreprendre, en dernier
recours, une action unilatérale. Cette interprétation va dans le sens du chapitre VI de la Charte des
Nations Unies, qui énonce l’obligation générale qu’ont les États de régler leurs différends par des
moyens pacifiques. Ainsi que l’a souligné la Nouvelle-Zélande54, l’article IX donne effet à
l’obligation préexistante qui impose aux parties, au titre de l’article 2, paragraphe 3, et de l’article 33
de la Charte et du droit international coutumier, de régler leurs différends par des moyens pacifiques.
La République de Pologne souligne que tous les États parties sont tenus de réprimer le génocide dans
le monde entier dans l’intérêt de l’humanité, et non pour protéger leurs propres intérêts.
47. En conclusion, la compétence de la Cour au titre de l’article IX de la convention s’étend
aux différends découlant de l’action unilatérale entreprise dans le but affiché de prévenir et de punir
un prétendu génocide, puisqu’ils soulèvent des questions d’interprétation visant plusieurs
dispositions de la convention55.
51 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 221, par. 430.
52 Ibid.
53 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, opinion individuelle du
juge Robinson, par. 27.
54 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande, 28 juillet 2022, par. 25. Opinion
individuelle du juge Robinson, par. 27.
55 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 45.
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SECTION III : CONCLUSION
48. Il ressort du sens ordinaire de l’article IX de la convention, de son contexte ainsi que de
l’objet et du but de l’ensemble de la convention qu’un différend portant sur des actes accomplis par
un État contre un autre État sur la base d’allégations de génocide relève de la notion de « différends
entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente
Convention ». La situation dans laquelle un État invoque la commission d’un génocide par un autre
État, ce dernier s’opposant à cette allégation, entre donc dans les prévisions de cette disposition56. Il
s’ensuit que, si le représentant d’un État formule une allégation générale selon laquelle un autre État
a commis un génocide et tente d’en tirer certains droits, ce comportement relève de l’objet de la
convention sur le génocide ; il ne peut assurément être considéré comme insignifiant au regard des
dispositions juridictionnelles et substantielles de la convention.
49. Ainsi, la compétence de la Court au titre de l’article IX de la convention s’étend notamment
aux différends découlant de l’action unilatérale par ailleurs illicite entreprise dans le but affiché de
prévenir et de punir un prétendu génocide.
50. Enfin, dans une perspective systémique, il est posé en principe que, en sa qualité d’organe
judiciaire principal des Nations Unies dont la raison d’être demeure au premier chef de préserver la
paix et la sécurité internationales, la Cour a l’obligation concrète de contribuer à cet objectif en
assurant un cadre judiciaire pour le règlement des conflits, en particulier lorsqu’un tel conflit non
seulement menace la paix et la sécurité internationales, mais a pris l’ampleur d’une invasion armée
causant de terribles souffrances et, constamment, des pertes en vies humaines57.
L’agent du Gouvernement de la République de Pologne,
(Signé) Konrad Jan MARCINIAK.
___________
56 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [114], par. 169.
57 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. États-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du
2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), déclaration du juge Koroma, p. 930.

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Observations écrites de la Pologne sur l’objet de son intervention

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