Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE ; 32 ÉTATS INTERVENANTS)
OBSERVATIONS ÉCRITES DU GOUVERNEMENT DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE
4 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
À Monsieur le greffier de la Cour internationale de Justice.
La soussignée, dûment autorisée par le Gouvernement néo-zélandais, déclare ce qui suit :
1. Les présentes observations écrites sont soumises à la Cour conformément à l’ordonnance
que celle-ci a rendue le 5 juin 20231 et aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 86 du Règlement
de la Cour.
PORTÉE DES OBSERVATIONS ÉCRITES
2. La Nouvelle-Zélande intervient en sa qualité de partie contractante à la convention de 1948
pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-après la « convention sur le génocide »
ou la « convention »)2 — et ce, en réponse à la gravité des circonstances ayant donné lieu à la présente
affaire, aux conséquences de celle-ci sur le maintien de l’ordre international et à ses répercussions
sur les obligations partagées par l’ensemble des parties à la convention.
3. Dans les présentes observations écrites, la Nouvelle-Zélande réagira aux principaux
arguments relatifs à l’interprétation de la convention soulevés dans les exceptions préliminaires de
la Fédération de Russie du 1er octobre 2022 (ci-après les « exceptions préliminaires de la Fédération
de Russie » ou les « exceptions préliminaires »). À cet effet, elle développera les points
d’interprétation de la convention qu’elle a abordés dans la déclaration d’intervention qu’elle a
soumise à la Cour le 28 juillet 2022.
4. La Nouvelle-Zélande a clairement énoncé, dans sa déclaration d’intervention, la position de
son gouvernement quant à l’invasion illégale de l’Ukraine par la Fédération de Russie3. De plus, il
ressortira clairement de l’interprétation exposée dans ladite déclaration et des présentes observations
écrites que la Nouvelle-Zélande considère, sur la base des éléments de fait présentés par l’Ukraine,
qu’il existe entre cette dernière et la Fédération de Russie un différend juridique qui entre dans le
champ d’application de l’article IX de la convention et dont l’Ukraine a dûment saisi la Cour.
5. Conformément à l’ordonnance rendue par la Cour, cependant, les présentes observations
écrites porteront uniquement sur les vues de la Nouvelle-Zélande relatives à4
« l’interprétation de l’article IX et d’autres dispositions de la convention sur le génocide
pertinentes aux fins de la détermination de sa compétence ratione materiae en
l’espèce ».
6. Par conséquent, la Nouvelle-Zélande ne traitera pas de l’application de la convention aux
faits de l’espèce. Elle n’abordera pas non plus l’importante falsification des faits à laquelle s’est
livrée la Fédération de Russie dans ses exceptions préliminaires. De même, elle n’examinera pas les
arguments juridiques soulevés dans les exceptions préliminaires qui ne se rapportent pas à
l’interprétation de la convention elle-même.
1 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), déclarations d’intervention, ordonnance du 5 juin 2023 (ci-après l’« ordonnance »).
2 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948, Nations Unies,
Recueil des traités, vol. 277 (entrée en vigueur le 12 janvier 1951) (ci-après la « convention »).
3 Par. 11.
4 Ordonnance, par. 99.
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POINTS CLÉS SOULEVÉS PAR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
7. Les exceptions préliminaires soulèvent deux questions centrales :
a) Y a-t-il un « différend » entre les parties ?
b) Et, si tel est le cas, le différend est-il « relatif[] à l’interprétation, l’application ou l’exécution »
de la convention ?
8. L’interprétation de l’article IX de la convention est directement pertinente aux fins de ces
deux questions. Dans une certaine mesure, la seconde question — à savoir celle de la compétence
ratione materiae — soulève elle aussi des interrogations concernant l’interprétation de
l’article premier de la convention. Cela étant, comme l’Ukraine l’a fait remarquer à juste titre, ces
questions n’ont nul besoin d’être tranchées par la Cour à ce stade préliminaire5.
9. Afin de se prononcer sur ces questions, la Cour doit se fonder sur les faits tels qu’invoqués
par la demanderesse6. Il n’est ni nécessaire, ni opportun qu’elle tente de résoudre des questions de
fait controversées au stade de la compétence. De fait, la présence même d’un désaccord quant aux
faits sous-jacents de l’affaire sera directement pertinente aux fins de l’appréciation par la Cour de
l’existence et de la portée du différend7.
COMPÉTENCE CONFÉRÉE À LA COUR PAR L’ARTICLE IX DE LA CONVENTION
La portée juridique de l’obligation visée à l’article IX
en matière de règlement des différends
10. L’article IX de la convention est libellé comme suit :
« Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une Partie au différend. »
L’article IX établit la juridiction obligatoire
11. Conformément à l’article IX, les parties contractantes à la convention sont convenues que
les « différends ... relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la convention « seront
soumis » à la Cour à la demande d’une partie au différend. Le consentement concernant un différend
donné n’est soumis à aucune autre condition préalable8.
5 Exposé écrit des observations et conclusions de l’Ukraine sur les exceptions préliminaires soulevées par la
Fédération de Russie (3 février 2023) (ci-après les « observations écrites de l’Ukraine »), par. 105-106.
6 Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique
d’Iran c. États-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 26, par. 53.
7 Voir par exemple Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 616, par. 32-33.
8 À la différence, par exemple, du paragraphe [2] de l’article XI du traité sur l’Antarctique, signé à Washington le
1er décembre 1959, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 402, p. 8[1] (entré en vigueur le 23 juin 1961) (ci-après le
« traité sur l’Antarctique »).
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12. Par conséquent, en acceptant l’article IX, les parties ont consenti par avance à régler leurs
différends en s’adressant à la Cour. Comme le relèvent Merrills et Brabandere9,
« une fois qu’un acte juridique indicatif du consentement a été accompli, la juridiction
peut être établie, même si l’État n’est pas disposé à plaider lorsqu’une affaire se
présente ».
En l’absence de réserve expresse de la part de l’une ou l’autre partie au différend10, l’article IX établit
donc la juridiction obligatoire de la Cour à l’égard de tous les différends qui relèvent de son champ
d’application.
13. Cette juridiction obligatoire, établie par accord préalable, est pleinement cohérente avec le
principe du consentement et du « libre choix des moyens »11. Elle est clairement envisagée par le
paragraphe 1 de l’article 36 du Statut et entre incontestablement dans ses prévisions12.
14. La décision des parties contractantes de soumettre leurs différends à la Cour reflète
l’importance des obligations imposées par la convention13, la cohérence de ces obligations avec
« l’esprit et les fins des Nations Unies »14, et le rôle central joué par la Cour dans le règlement
pacifique des différends au sein du système des Nations Unies15. L’article IX donne effet à
l’obligation préexistante faite aux parties contractantes de régler leurs différends par la voie
pacifique, prévue par le paragraphe 3 de l’article 2 et le paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte des
Nations Unies ainsi que par le droit international coutumier16. Cette obligation occupe une place
centrale dans le droit international17. Elle constitue à la fois une condition préalable au maintien de
9 J. G. Merrills et E. De Brabandere, Merrills’ International Dispute Settlement (7e éd., Cambridge University Press,
Cambridge, 2022), p. 273.
10 Comparer, par exemple, Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires,
ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 137-138, par. 37-41, à Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie
c. Espagne), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 772, par. 29-33, et Activités
armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence
et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. [33], par. 70.
11 Voir, par exemple, Statut de la Carélie orientale, avis consultatif, 1923, C.P.J.I. Série B no 5, p. 27 : « II est bien
établi en droit international qu'aucun État ne saurait être obligé de soumettre ses différends avec les autres États soit à la
médiation, soit à l'arbitrage, soit enfin à n’importe quel procédé de solution pacifique, sans son consentement. »
12 Le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut se lit comme suit : « La compétence de la Cour s’étend à toutes les
affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou
dans les traités et conventions en vigueur. » (Les italiques sont de nous.)
13 La Cour a examiné et confirmé l’importance de la convention et de ses obligations dans l’avis consultatif qu’elle
a rendu sur les Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
14 Voir le premier paragraphe du préambule de la convention : « Considérant que l’Assemblée générale de
l’Organisation des Nations Unies, par sa résolution 96 (I) en date du 11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un
crime du droit des gens, en contradiction avec l’esprit et les fins des Nations Unies et que le monde civilisé condamne »
(les italiques sont de nous).
15 Voir, par exemple, la réaffirmation par l’Assemblée générale du rôle de la Cour dans la déclaration de Manille
sur le règlement pacifique des différends internationaux, doc. A/RES/37/10 (15 novembre 1982) (ci-après la « déclaration
de Manille »), par. II. 5.
16 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 145, par. 290.
17 Y. Tanaka, The Peaceful Settlement of International Disputes (Cambridge University Press, 2018), p. 3.
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la paix et de la sécurité internationales et une nécessité pour garantir l’efficacité du système juridique
international lui-même18.
L’article IX confère une compétence délibérément étendue à la Cour
15. L’article IX est une clause compromissoire rédigée en des termes inhabituellement — et
délibérément — généraux19. Il s’applique, comme l’a souligné l’Ukraine, aux différends « relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la convention. L’emploi peu usuel du terme
« exécution » revêt une importance particulière. De plus, les différends peuvent être soumis à la
demande d’« une Partie au différend », en accord avec la nature erga omnes des obligations prévues
par la convention20. Il n’existe en outre aucune condition préalable de notification, de consultations
ou de négociations à la saisine de la Cour21.
L’article IX revêt un caractère à la fois procédural et substantiel
16. L’article IX n’est pas une simple disposition procédurale. Il revêt également un caractère
substantiel. Par cet article, les parties contractantes sont convenues d’une procédure de règlement de
leurs différends — à savoir la saisine de la Cour. Ce faisant, elles ont assumé une obligation
substantielle de se conformer de façon raisonnable et de bonne foi à cette procédure22.
17. S’il peut être considéré comme imposant une obligation de comportement plutôt que de
résultat, l’article IX est néanmoins régi par le principe de bonne foi23. La Cour a dit dans l’affaire
relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) que l’obligation de bonne foi exige
d’une partie qu’elle applique la disposition d’un traité « de façon raisonnable et de telle sorte que son
but puisse être atteint »24. Cette obligation « s’applique tout autant aux dispositions d’un traité
relatives au règlement des différends »25. Il découle implicitement de ce principe de bonne foi qu’une
18 Ibid.
19 R. Kolb, « The Scope Ratione Materiae of the Compulsory Jurisdiction of the ICJ », in P. Gaeta (sous la dir. de),
The UN Genocide Convention: A Commentary (OUP, 2009), p. 453 : « [l’article IX a été rédigé] pour combler toutes les
failles susceptibles de réduire l’étendue de la compétence de la Cour. Le but poursuivi en 1948 était de conférer à la Cour
la compétence la plus large possible dans le cadre du régime de la convention, en prévenant tous les arguments subtils qui
pourraient être avancés pour la priver de sa compétence en raison d’un lien insuffisant avec cet instrument. »
20 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), voir note 7 ci-dessus, p. 615, par. 31 ; Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31, par. 64.
21 À la différence, par exemple, du paragraphe 1 de l’article XI du traité sur l’Antarctique, des articles 283 et 286
de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, Nations Unies,
Recueil des traités, vol. 1833, p. 3 (entrée en vigueur le 16 novembre 1994), et du paragraphe 1 de l’article 20 de la
convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, New York, 15 décembre 1997,
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 596, p. 261 (entrée en vigueur le 23 mai 2001).
22 Voir, par exemple, déclaration de Manille, note 15 ci-dessus, par. I. 11 : « Les États doivent appliquer de bonne
foi, conformément au droit international, toutes les dispositions des accords conclus par eux pour le règlement de leurs
différends. »
23 L’application de l’obligation d’agir de bonne foi dans le contexte des dispositions de règlement des différends a
été confirmée par la Cour d’arbitrage en l’affaire South China Sea Arbitration, Philippines v. China, Award, Cour
permanente d’arbitrage (CPA), affaire no 2013-19, par. 1171. De même, la Cour a précédemment déterminé que le principe
de bonne foi « s’appliqu[ait] à toutes les obligations établies par un traité, y compris les obligations de nature procédurale,
essentielles à la coopération entre États » (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt,
C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 67, par. 145-146). Voir également Tanaka, note 17 ci-dessus, p. 7-8.
24 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
25 South China Sea Arbitration, note 23 ci-dessus, par. 1171.
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partie doit s’abstenir de tout acte visant à réduire à néant ses obligations conventionnelles26. Pareils
actes emporteraient violation du traité lui-même.
18. En conséquence, les parties doivent s’acquitter de bonne foi des obligations que leur fait
l’article IX et coopérer activement au règlement par la Cour d’un différend donné27 :
« Lorsqu’un traité prévoit un mécanisme de règlement obligatoire des
règlements, l’exécution de bonne foi dudit traité exige des parties qu’elles coopèrent
dans la conduite de la procédure applicable. »
Il ressort de ce principe qu’un comportement bien défini est attendu de la part des parties à un
différend. En particulier, une fois qu’un différend a été soumis à la Cour en vertu de l’article IX, les
parties doivent « s’abstenir de tout acte susceptible d’aggraver la situation … ou d’entraver le
règlement pacifique » de ce différend28.
19. En acceptant à l’article IX de soumettre leurs différends à la décision de la Cour, les parties
contractantes à la convention sont, en conséquence, convenues de se conformer aux procédures de la
Cour et à toute ordonnance ou à tout arrêt que celle-ci sera amenée à rendre. Elles sont tenues de s’y
plier non seulement par respect pour les pouvoirs judiciaires que confèrent la Charte et le Statut à la
Cour, mais aussi en conséquence de leur propre consentement à la compétence de celle-ci.
20. L’une des forces juridictionnelles de la Cour est son pouvoir de rendre des décisions
contraignantes pour les parties. Le paragraphe 1 de l’article 94 de la Charte des Nations Unies
confirme que :
« Chaque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la
Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie. »
La force de cet engagement est renforcée par le paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte, qui prévoit
en outre un dispositif de mise en oeuvre des arrêts de la Cour par la voie du Conseil de sécurité.
21. La Cour a expressément confirmé que l’obligation de se conformer à ses décisions
s’étendait aux décisions en indication de mesures conservatoires qu’elle rendait dans une affaire
donnée. Comme elle l’a dit dans l’affaire LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), « les
26 Commission du droit international, Annuaire de la Commission du droit international, 19[6]6, vol. II, p. 211,
par. 4 ; voir également les autres sources citées au paragraphe 2.
27 South China Sea Arbitration, note 23 ci-dessus, par. 1171. Le devoir de coopération dans le contexte de la
procédure du règlement judiciaire d’un différend reflète la reconnaissance par la Cour d’un devoir équivalent dans le
contexte des négociations, voir : Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ;
République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 47, par. 85 a) et [] par. 86-87 ; Compétence en
matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 33, par. 78 ; Projet
Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), note 24 ci-dessus, p. 78-79, par. 141-142 ; Usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), note 23 ci-dessus, p. 67, par. 145-146 ; et Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 132, par. 157. Pour une analyse du devoir de coopération dans
le contexte du règlement des différends, voir également A. Peters, « International Dispute Settlement: A Network of
Cooperational Duties », European Journal of International Law (EJIL, 2003), vol. 14, no 1, 2003, p. 1-34.
28 Déclaration de Manille, note 15 ci-dessus, par. I. 8. Voir également Compagnie d’électricité de Sofia et de
Bulgarie, ordonnance du 5 décembre 1939, C.P.J.I., série A/B no 79, p. 199, et South China Sea Arbitration, note 23
ci-dessus, par. 1169-1173.
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ordonnances indiquant des mesures conservatoires au titre de l’article 41 [du Statut] ont un caractère
obligatoire »29. Cette conclusion n’a pas cessé d’être réaffirmée, notamment dans l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires rendue par la Cour dans la présente instance30. En corollaire, la
Cour a également confirmé que la non-exécution par un État d’une ordonnance en indication de
mesures conservatoires emportait manquement aux obligations internationales dudit État en vertu de
la Charte et du Statut31. Cette non-exécution peut en outre être considérée comme une violation
touchant au fond de l’article IX lui-même.
22. En conséquence, l’inobservation de mesures conservatoires par un État aggrave non
seulement le différend principal au titre de la convention, mais peut également donner lieu à un
différend relatif au respect des obligations substantielles énoncées à l’article IX. Un État défendeur
est bien sûr libre de contester la compétence de la Cour au titre de l’article IX, dans le respect des
procédures prescrites par le Statut et le Règlement. Toutefois, même en pareille circonstance, il reste
soumis à toute mesure conservatoire indiquée par la Cour : il ne peut décider de ne pas en tenir
compte au mépris de la Cour et de son autorité acceptée.
Existence d’un « différend » juridique
23. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en 2022 au terme de la phase des exceptions préliminaires en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Gambie c. Myanmar), la Cour a examiné les considérations juridiques relatives à
l’établissement de l’existence d’un différend au titre de l’article IX de la convention32. Invoquant sa
jurisprudence, elle a confirmé que :
a) « Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, un différend est “un désaccord sur un
point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts”
entre les parties »33.
b) « Pour qu’un différend existe, “[i]faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurte
à l’opposition manifeste de l’autre” »34. « Les points de vue des deux parties quant à l’exécution
ou la non-exécution de certaines obligations internationales doivent être nettement opposés »35.
c) « La détermination par la Cour de l’existence d’un différend est une question de fond, et non de
forme ou de procédure »36 .
29 LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 506, par. 109.
30 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 83.
31 Voir, en particulier, la conclusion à laquelle est parvenue la Cour en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [230-231], par. 451-458.
32 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 63-64.
33 Par. 63, citant Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
34 Ibid., citant Sud-Ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
35 Ibid., citant Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires
et le désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Inde), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 270,
par. 34 ; Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26, par. 50.
36 Par. 64, citant Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie) exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30.
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d) « En principe, la date à laquelle doit être appréciée l’existence d’un différend est celle du dépôt
de la requête »37. « Toutefois, le comportement des parties postérieur à la requête peut être
pertinent à divers égards et, en particulier, aux fins de confirmer l’existence d’un différend »38.
24. Au moment d’appliquer ces considérations aux faits de l’espèce, la Cour peut s’intéresser
à la fois aux paroles et aux actes des parties — tant antérieurs que postérieurs au dépôt de la requête.
25. Par le passé, la Cour s’est appuyée sur des preuves factuelles et des déclarations publiques
faites par des organes et des agents d’États et par des personnalités politiques. Elle a tenu compte de
la nature et du nombre de ces déclarations, ainsi que du lieu, de la date et de l’auteur de celles-ci.
Comme elle l’a toujours précisé, il n’est pas nécessaire que ces déclarations renvoient expressément
à un traité ou à des dispositions en particulier pour que l’existence d’un différend soit établie39. Nul
besoin non plus qu’elles aient été prononcées ou rédigées dans un contexte diplomatique formel.
26. La Cour examine également le comportement des parties – surtout en l’absence d’échanges
diplomatiques officiels entre elles40. En pareil cas, en effet, les actes d’une partie peuvent être tout
aussi éloquents — voire davantage — que les propos qu’elle a tenus. Comme l’a dit la Cour en
l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ;
Guinée équatoriale (intervenant))41,
« un désaccord sur un point de droit ou de fait, un conflit, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts ou le fait que la réclamation de l’une des parties se heurte à
l’opposition manifeste de l’autre ne doivent pas nécessairement être énoncés expressis
verbis. Pour déterminer l’existence d’un différend, il est possible, comme en d’autres
domaines, d’établir par inférence quelle est en réalité la position ou l’attitude d’une
partie. » (Les italiques sont de nous.)
Contrairement à ce qu’affirme la Fédération de Russie, il n’est pas nécessaire que le différend
se soit « cristallisé » dans les mêmes termes que ceux employés dans les écritures.
27. La Fédération de Russie va au-delà de la jurisprudence existante pour arguer qu’un
différend ne peut exister que s’il s’est « cristallisé »42 dans les mêmes termes que ceux employés
dans les écritures au moment du dépôt de la requête. Selon elle, l’État demandeur doit, avant
37 Ibid., citant Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Colombie), note 35 ci-dessus, p. 27, par. 52.
38 Ibid., citant Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires
et le désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Inde), note 35 ci-dessus, p. 272, par. 40.
39 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
note 32 ci-dessus, par. 72 confirmant sa déclaration en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), note 27 ci-dessus, p. 85,
par. 30.
40 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le
désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 850,
par. 40.
41 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 89.
42 Exceptions préliminaires de la Fédération de Russie, par. 80.
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d’introduire sa requête, avoir allégué un manquement à une obligation spécifique43 tel qu’il l’a
précisément formulé dans ses écritures soumises à la Cour44. Qui plus est, la Fédération de Russie
avance que le différend doit aussi avoir été porté formellement à l’attention du défendeur, dans ces
termes précis45.
28. Pareille condition préalable ne trouve nul fondement dans les termes de l’article IX de la
convention. Comme il a été relevé précédemment, l’une des caractéristiques majeures de cet article
est qu’il ne contient aucune condition relative à la détermination ou à la notification préalables d’un
différend. À cet égard, il contraste avec les clauses compromissoires trouvées dans d’autres traités
multilatéraux qui prévoient expressément cette condition46.
29. La jurisprudence de la Cour ne fournit pas non plus le moindre appui à cette théorie. Il
ressort clairement de l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar) que nulle règle de droit générale ne prévoit
de telle condition préalable. Comme la Cour l’a réaffirmé dans cette affaire, l’État demandeur n’a
pas besoin d’avoir précédemment allégué la violation d’une disposition donnée de la convention afin
d’établir l’existence d’un « différend » au titre de l’article IX47. Qui plus est, comme il a été
expressément précisé dans l’affaire des Obligations relatives à des négociations concernant la
cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Îles Marshall
c. Royaume-Uni), « la notification de l’intention d’introduire une instance n’est pas requise aux fins
de [la saisine de] la Cour »48. Quelles que soient les circonstances, le fait que l’État défendeur « ne
pouvait pas ne pas avoir connaissance » qu’il y avait un désaccord sur un point de droit ou de fait,
une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre les parties est une condition
suffisante49.
Différend « relatif[] à l’interprétation, l’application ou l’exécution » des dispositions
de la convention « y compris … relati[vement] à la responsabilité
d’un État en matière de génocide »
30. L’article IX de la convention confère à la Cour une compétence ratione materiae à l’égard
des différends
« relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente Convention, y
compris ceux relatifs à la responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un
quelconque des autres actes énumérés à l’article III ».
43 Ibid., par. 77 et 80.
44 Ibid., par. 72 : « le fait demeure que l’Ukraine doit démontrer qu’il existait, au moment du dépôt de sa requête,
un différend relativement à chacune des prétentions formulées dans son mémoire ».
45 Ibid., par. 76.
46 Voir, par exemple, l’article 283 de la CNUDM, qui prévoit qu’une procédure de règlement d’un différend s’ouvre
par un échange formel de vues entre les parties.
47 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
note 32 ci-dessus, par. 72, confirmant sa déclaration en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie) note 27 ci-dessus, p. 85,
par. 30.
48 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le
désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Royaume-Uni), note 40 ci-dessus, p. 849, par. 38, citant Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), note 41 ci-dessus, p. 297, par. 39.
49 Ibid., p. 850, par. 41.
- 10 -
31. Comme il a été mentionné plus haut, les mots « ou l’exécution » rompent avec la
formulation habituelle des clauses compromissoires figurant dans les accords multilatéraux. Ils
traduisent une intention délibérée de la part des parties contractantes de conférer à la Cour la
compétence de résoudre un vaste éventail de différends éventuels découlant de la convention50. En
incluant les différends relatifs à « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la convention,
l’article IX englobe ceux portant sur la signification et la portée juridique des dispositions de la
convention, leur application, et la question de savoir si et dans quelle mesure les parties contractantes
leur ont donné effet. Pareils différends peuvent porter sur n’importe quelle disposition de la
convention – y compris sur l’interprétation, l’application ou l’exécution de l’article IX lui-même.
32. Il n’est pas nécessaire qu’un différend trouve son origine exclusivement dans la convention
pour relever du champ d’application de l’article IX. Une situation politique unique peut donner lieu
à de multiples différends juridiques. Il est bien établi par la Cour que certains actes ou omissions
peuvent donner lieu à un différend entrant dans le champ de plusieurs instruments51. Parallèlement,
la Cour a confirmé à plusieurs reprises que le fait qu’un différend juridique trouve son origine dans
un différend politique plus large ou en fasse partie intégrante n’altère nullement sa nature juridique52.
33. Pour apprécier sa compétence ratione materiae au stade des exceptions préliminaires, la
Cour doit être convaincue que les prétentions du demandeur sont « susceptibles d’entrer dans les
prévisions » de la convention53. Pour ce faire, elle doit s’intéresser à l’interprétation de ces
dispositions54, et c’est pour l’aider à cet égard que la Nouvelle-Zélande présente son interprétation
de l’article premier de la convention. Toutefois, comme il a été indiqué, la Cour n’a pas à déterminer
de manière définitive l’interprétation à donner à l’article premier au stade des exceptions
préliminaires. Tout désaccord entre les parties au sujet de la portée et du contenu de l’article premier
relève du fond de l’affaire55.
La portée juridique de l’article premier de la convention
34. L’article premier de la convention se lit comme suit :
50 Les travaux préparatoires consignent l’inclusion de ces termes par le jeu d’un amendement proposé par la
Belgique et le Royaume-Uni et du soutien, notamment, de l’Inde au motif que le terme « exécution » a « une portée
beaucoup plus large » que le terme « application » : voir Documents officiels de la troisième session de l’Assemblée
générale, Sixième Commission : comptes rendus analytiques des séances, 21 septembre – 10 décembre 1948. Voir
également R. Kolb, note 19 ci-dessus, p. 453. Le dictionnaire Oxford English Dictionary définit le verbe « to fulfil » comme
suit : « exécuter (une chose exigée ou requise); obéir à, se conformer à (la loi, un ordre, etc.); accomplir (un devoir, une
tâche, une mission, etc.) » « atteindre, réaliser (un objectif, un plan, une fin) ; satisfaire à, respecter (une exigence, une
condition, une norme, etc.) ; s’acquitter de (une fonction). » Cette définition atteste donc la portée plus large qu’une simple
« application ».
51 Voir Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique
d’Iran c. États-Unis d’Amérique), note 6 ci-dessus, p. 27, par. 56. Voir également Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), note 27
ci-dessus, p. [120], par. 113, où la Cour a conclu qu’il y avait deux différends parallèles : l’un relatif à la licéité de l’usage
de la force par la Fédération de Russie, et l’autre relevant de la CIEDR.
52 Voir, par exemple, Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d’Amérique
c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 20, par. 37.
53 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 319, par. 85.
54 Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique
d’Iran c. États-Unis d’Amérique), note 6 ci-dessus, p. 31-32, par. 75.
55 Conformément à l’approche de la Cour dans l’arrêt sur les exceptions préliminaires qu’elle a rendu en l’affaire
relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), note 7 ci-dessus, p. 616, par. 32-33.
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« Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de
paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir
et à punir. »
35. L’obligation de prévenir et de punir le génocide est au coeur même de la convention. À
l’instar des autres principes qui sous-tendent la convention, elle est « reconnu[e] par les nations
civilisées comme obligeant les États même en dehors de tout lien conventionnel »56 — ce qui en fait
donc une règle de droit international coutumier. Néanmoins, les parties contractantes demeurent
tenues de coopérer à travers le prisme de la convention et ne sauraient se soustraire à leurs obligations
en invoquant une coutume parallèle.
36. L’obligation de prévenir et de punir le génocide est mise en oeuvre dès lors qu’un État a
connaissance, ou devrait normalement avoir connaissance, de la commission d’un génocide ou d’un
risque sérieux de commission d’un génocide57. Cette obligation, lorsqu’elle est rendue applicable,
impose à toutes les parties « de mettre en oeuvre tous les moyens qui sont raisonnablement à leur
disposition en vue d’empêcher, dans la mesure du possible, le génocide »58. L’article premier
contient donc une obligation positive d’agir, mais pas un pouvoir d’agir en soi.
37. L’obligation de prévenir et de punir le génocide visée à l’article premier contient
également certaines obligations que celui-ci n’énonce pas expressis verbis, mais emporte
nécessairement, parmi lesquelles :
a) l’obligation de s’abstenir de commettre un génocide ;
b) l’obligation de remplir et d’invoquer le devoir de prévenir et de punir le génocide en agissant
uniquement de bonne foi ;
c) l’obligation faite à un État de s’abstenir de prendre, au nom du devoir de prévenir et de punir le
génocide, toute mesure qui excède les limites admises par le droit international.
38. Ces obligations implicites se fondent sur l’article premier de la convention et en font partie
intégrante. Elles en sont donc indissociables, contrairement à ce qu’affirme la Fédération de Russie59.
Un différend relatif à « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de l’une de ces obligations
implicites est un différend « relatif[] à l’interprétation, l’application ou l’exécution » de
l’article premier lui-même. Il relève donc du champ d’application de l’article IX et de la compétence
ratione materiae de la Cour.
L’obligation de s’abstenir de commettre un génocide
39. En l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour a considéré que, bien
que la convention n’imposât pas expressément aux États de s’abstenir eux-mêmes de commettre un
56 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, note 13 ci-dessus, p. 23.
57 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), note 7 ci-dessus, p. 222, par. 431.
58 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 221, par. 430.
59 Exceptions préliminaires de la Fédération de Russie, sections IV. D et E.
- 12 -
génocide, « l’obligation de prévenir le génocide impliqu[ait] nécessairement l’interdiction de le
commettre »60.
40. La jurisprudence de la Cour confirme clairement que celle-ci est compétente pour connaître
des différends relatifs à cette obligation implicite, y compris pour déterminer si, au vu des éléments
de preuve, les allégations de génocide portées par l’une des parties contractantes contre une autre
partie contractante peuvent être établies61. La question de savoir si des actes sont constitutifs de
« génocide » de façon à déclencher l’application de l’article premier n’est pas une simple question
d’interprétation subjective faite par une partie. La définition du « génocide » figurant à l’article II de
la convention s’applique, et les faits doivent y correspondre. Pour savoir si tel est le cas, il convient
de déterminer si l’actus reus et la mens rea du génocide (et/ou des autres actes punissables connexes
énumérés à l’article III de la convention) sont tous les deux établis62.
41. Lorsqu’une partie contractante se prévaut de l’obligation de prévenir un génocide pour
prendre des mesures qui portent atteinte aux droits d’un autre État, elle doit être prête à défendre ces
mesures par des éléments prouvant irréfutablement qu’un génocide a été commis ou est en passe de
l’être63. Le principe actori incumbit probatio s’applique généralement aux allégations de génocide64,
de sorte que c’est à la partie qui prend des mesures prétendument destinées à prévenir un génocide
au titre de l’article premier de la convention qu’incombe la tâche d’établir la base objective de sa
décision65.
42. Ainsi qu’il a déjà été noté, l’article IX prévoit qu’un différend « relatif[] à la responsabilité
d’un État en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III »
sera soumis à la Cour à la requête d’une partie au différend. En conséquence, la Cour est compétente
ratione materiae pour connaître de tels différends, qu’ils lui soient soumis par la partie contractante
qui porte les allégations de génocide ou par celle accusée d’avoir commis un tel crime.
L’obligation de remplir et d’invoquer le devoir de prévenir et de punir le génocide en agissant
uniquement de bonne foi
43. L’article premier de la convention repose sur l’obligation implicite de remplir et
d’invoquer le devoir de prévenir et de punir un génocide en agissant uniquement de bonne foi. Cette
obligation découle des principes généraux de droit international66, tels que codifiés dans la
convention de Vienne sur le droit des traités (ci-après la « convention de Vienne »), et reflétés dans
la jurisprudence de la Cour.
60 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 113, par. 166.
61 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 3.
62 Ibid., p. 61, par. 130.
63 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 129, par. 208.
64 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), note 61
ci-dessus, p. 73, par. 170.
65 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 128-129, par. 204 et 209.
66 Voir alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice.
- 13 -
44. La Commission du droit international a qualifié le principe de bonne foi de « principe
fondamental du droit des traités »67. Dans le préambule à la convention de Vienne, il est pris acte de
ce que « les principes du libre consentement et de la bonne foi et la règle pacta sunt servanda sont
universellement reconnus ». L’article 26 de cet instrument énonce la condition selon laquelle « [t]out
traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». De même, à l’article 31,
il est prévu également que chaque traité doit être « interprété de bonne foi » à la lumière de son objet
et de son but. Il découle implicitement de ces obligations qu’une partie contractante « doit s’abstenir
de tout acte visant à réduire à néant » le traité ainsi que son objet et son but68.
45. L’importance du principe de bonne foi a aussi été reconnue par la Cour. Ainsi, dans les
affaires des Essais nucléaires, celle-ci a dit69 :
« L’un des principes de base qui président à la création et à l’exécution d’obligations
juridiques, quelle qu’en soit la source, est celui de la bonne foi. La confiance réciproque
est une condition inhérente de la coopération internationale ».
De plus, dans l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), la Cour a
déterminé que le principe de bonne foi obligeait chacune des parties à appliquer la disposition d’un
traité « de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint »70.
46. L’article premier de la convention doit donc être interprété, appliqué et exécuté de bonne
foi, de manière à ce que son objet et son but puissent être atteints. Comme l’a dit la Cour dans l’avis
consultatif qu’elle a rendu sur les Réserves à la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide71 :
« La Convention a été manifestement adoptée dans un but purement humain et
civilisateur. On ne peut même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut
degré ce double caractère, puisqu’elle vise d’une part à sauvegarder l’existence même
de certains groupes humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de
morale les plus élémentaires. Dans une telle convention, les États contractants n’ont pas
d’intérêts propres ; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de
préserver les fins supérieures qui sont la raison d’être de la convention. Il en résulte que
l’on ne saurait, pour une convention de ce type, parler d’avantages ou de désavantages
individuels des États, non plus que d’un exact équilibre contractuel à maintenir entre les
droits et les charges. La considération des fins supérieures de la Convention est, en
vertu de la volonté commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les
dispositions qu’elle renferme. » (Les italiques sont de nous.)
47. L’exécution de bonne foi de ces « fins supérieures » impose aux parties contractantes de
s’abstenir, notamment, de remplir et d’invoquer leur devoir de prévenir et de punir un génocide sur
une base erronée, afin d’atteindre des buts incompatibles avec l’objet et le but de la convention ou
67 Commission du droit international, note 26 ci-dessus, p. 2[29], par. 1. Voir également [M.] Villiger, Commentary
on the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties (Martinus Nijhoff, Leiden/Boston, 2009), p. 363 : « [La règle pacta
sunt servanda] est appliquée depuis des temps immémoriaux … et est aujourd’hui considérée comme la pierre angulaire
des relations internationales. Ulpian y a fait référence, et pour Grotius cette règle était au coeur de l’ordre juridique
international. Il n’existe aucune affaire connue où un tribunal ait réfuté cette règle ou en ait contesté la validité. »
68 Ibid., par. 4.
69 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 268, par. 46.
70 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), note 24 ci-dessus, p. 79, par. 142.
71 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, note 13 ci-dessus, p. 23.
- 14 -
d’entraver les droits d’un autre État, voire les deux. De l’avis de la Nouvelle-Zélande, un différend
découlant d’un tel comportement entrerait clairement dans les prévisions de l’article premier et
relèverait de la compétence ratione materiae de la Cour.
L’obligation, pour une partie qui affirme agir au nom du devoir de prévenir et de punir un
génocide, de s’abstenir de tout acte qui excède les limites admises par le droit international
48. Comme la Cour l’a dit en l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, cette
obligation doit être exercée dans les limites de ce que permet la légalité internationale72.
49. La Cour a confirmé et renforcé cette limite dans l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires qu’elle a rendue en l’espèce, en notant ce qui suit73 :
« Les actes entrepris par les parties contractantes pour “prévenir et ... punir” un
génocide doivent être conformes à l’esprit et aux buts des Nations Unies, tels
qu’énoncés à l’article 1 de la Charte des Nations Unies. »
De sorte qu’il est
« douteux que la convention, au vu de son objet et de son but, autorise l’emploi
unilatéral de la force par une partie contractante sur le territoire d’un autre État, [à
l’effet] de prévenir ou de punir un génocide allégué ».
50. L’article premier de la convention pose donc des limites implicites aux mesures que les
parties contractantes peuvent à bon droit prendre pour s’acquitter de leur devoir de prévenir et de
punir un génocide. Ces parties sont ainsi tenues, lorsqu’elles déclarent agir en application dudit
article, de s’abstenir de tout acte qui excède les limites admises par le droit international ou est
contraire aux buts des Nations Unies.
51. L’article VIII de la convention souligne que, en premier lieu, c’est en saisissant les
mécanismes des Nations Unies que les parties doivent chercher à agir collectivement pour prévenir
et réprimer les actes de génocide. Les Membres des Nations Unies ont accepté l’obligation, qui en
est le corollaire, de répondre aux demandes d’action qui leur sont présentées au titre de l’article VIII
de la convention74. Comme l’a déclaré la Cour, l’article VIII n’épuise pas l’obligation d’une partie
de prévenir le génocide75. Il peut être requis de prendre des mesures allant au-delà du recours aux
organes compétents des Nations Unies, en particulier lorsque ceux-ci ont manifestement échoué.
Toutefois, en soi, le devoir de prévenir le génocide ne constitue pas une base juridique permettant de
72 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 221, par. 430.
73 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, note 30 ci-dessus, par. 58-[59].
74 Par extension de leur propre obligation de prévention au titre de l’article premier de la convention et du droit
international coutumier, et ainsi que le confirme la résolution 60/1 (2005) de l’Assemblée générale des Nations Unies,
par. 138 et 139.
75 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 219-220, par. 427.
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recourir à l’emploi de la force, en violation du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des
Nations Unies76.
52. En conséquence, la Nouvelle-Zélande considère que la Cour est compétente ratione
materiae pour connaître des différends relatifs aux mesures, supposément prises au nom du devoir
de prévenir un génocide, qui excèdent les limites admises par le droit international ou sont
incompatibles avec les buts des Nations Unies. Plus particulièrement, la Cour a compétence ratione
materiae lorsqu’une partie contractante, invoquant son obligation de prévention d’un génocide, porte
préjudice par l’emploi de la force à une autre partie contractante.
53. Il ne faut pas se méprendre sur la portée de cette compétence. L’article IX ne confère
compétence qu’à l’égard des différends relatifs aux obligations découlant de la convention. De
manière générale, la convention ne régit pas l’emploi de la force entre États, sauf en présence de
l’élément d’intentionnalité requis du génocide77, ni ne régit la protection des droits de l’homme en
période de conflit armé78. Cela étant, lorsqu’une partie contractante invoque le caractère légitime ou
la force obligatoire de l’engagement qu’elle a pris au titre de la convention pour justifier ses propres
actes, un différend découlant desdits actes relève alors dûment de la compétence ratione materiae de
la Cour.
CONCLUSION
54. Il ressort des sources citées plus haut qu’un différend de la nature de ceux visés à
l’article IX de la convention existe dès lors qu’il est établi que les parties sont fondamentalement en
désaccord sur les faits sous-jacents, sur l’analyse de ceux-ci à la lumière de la convention, sur la
signification et la portée juridique d’une ou de plusieurs dispositions de la convention, et/ou sur la
question de savoir si et dans quelle mesure ces dispositions ont été respectées — y compris les
obligations implicites qui y sont contenues79. Un tel différend peut porter sur toute disposition de la
convention — dont l’interprétation, l’application ou l’exécution de l’article IX lui-même. Par
ailleurs, il peut être porté devant la Cour par une partie, quelle qu’elle soit, au différend — y compris
par une partie qui a été accusée de génocide.
55. La Nouvelle-Zélande fait valoir en particulier ce qui suit :
a) À l’article IX, les parties contractantes à la convention ont déterminé une procédure à suivre pour
le règlement de leurs différends, à savoir la saisine de la Cour. Parallèlement, elles ont assumé
une obligation substantielle de se conformer à cette procédure de manière raisonnable et en toute
76 Charte des Nations Unies, paragraphe 4 de l’article 2, tel que le détaille la résolution 3314 (XXIX) de
l’Assemblée générale, intitulée « Définition de l’agression ».
77 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), note 10 ci-dessus, p. 1[38], par. 40.
78 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), note 31 ci-dessus, p. 104, par. 147.
79 Les termes employés par la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu en 1996 au stade des exceptions préliminaires en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) sont particulièrement pertinents à cet égard : « il ressort à suffisance … que les
Parties, non seulement s’opposent sur les faits de l’espèce, sur leur imputabilité et sur l’applicabilité à ceux-ci des
dispositions de la convention sur le génocide, mais en outre, sont en désaccord quant au sens et à la portée juridique de
plusieurs de ces dispositions, dont l’article IX. Pour la Cour, il ne saurait en conséquence faire de doute qu’il existe entre
elles un différend relatif à “l’interprétation, l’application ou l’exécution de la ... convention, y compris … la responsabilité
d’un État en matière de génocide…”, selon la formule utilisée par cette dernière disposition » (Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), note 7 ci-dessus, p. 616-
617, par. 33 (les italiques sont de nous).
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bonne foi. En acceptant l’article IX de la convention, les parties contractantes ont donc consenti
à se plier aux procédures de la Cour et à toute ordonnance ou tout arrêt rendu par celle-ci.
b) Le non-respect, par une partie contractante, de toute ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour constitue en soi un manquement aux obligations internationales
que la Charte, le Statut et l’article IX font à cette partie. Non seulement un tel manquement
aggrave le différend principal, mais il peut aussi donner lieu à un différend relatif au respect des
obligations substantielles contenues dans l’article IX lui-même.
c) L’existence d’un « différend » au sens de l’article IX peut être établie sur la base des paroles et
des actes des parties — à la fois antérieurs et postérieurs à l’introduction de la requête devant la
Cour. Un État demandeur n’a pas besoin d’avoir tiré grief, au préalable, d’une violation d’une
disposition donnée de la convention pour avoir établi l’existence d’un « différend ».
d) Pour apprécier la question de sa compétence ratione materiae au titre de l’article IX, la Cour doit
s’assurer que les prétentions du demandeur sont susceptibles d’entrer dans les prévisions de la
convention. Cela étant, il n’est pas nécessaire que le différend trouve son origine exclusivement
dans la convention pour que la compétence soit établie.
e) L’obligation de prévenir et de punir le génocide visée à l’article premier contient également
certaines obligations que celui-ci n’énonce pas expressis verbis, mais emporte nécessairement,
parmi lesquelles : l’obligation de s’abstenir de commettre un génocide ; l’obligation de remplir
et d’invoquer le devoir de prévenir et de punir le génocide en agissant uniquement de bonne foi ;
l’obligation de s’abstenir de prendre, au nom du devoir de prévenir et de punir le génocide, toute
mesure qui excède les limites admises par le droit international ou n’est pas compatible avec les
buts des Nations Unies.
f) Un différend relatif à « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de l’une de ces obligations
implicites est un différend « relatif à l’interprétation, l’application ou l’exécution » de
l’article premier lui-même. Il relève donc du champ d’application de l’article IX et de la
compétence ratione materiae de la Cour.
g) Un tel différend peut être porté devant la Cour par toute partie au différend. Cela inclut les parties
contre lesquelles sont portées des allégations de génocide, et la Cour peut dûment déterminer et
dire si celles-ci sont établies au regard des éléments de preuve dont elle dispose.
Respectueusement,
La coagente du Gouvernement
de la Nouvelle-Zélande,
(Signé) Susannah GORDON.
Observations écrites de la Nouvelle-Zélande sur l’objet de son intervention