Déclaration d'intervention de l'Irlande

Document Number
182-20220919-WRI-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Date of the Document
Document File

Note : Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel.
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE)
DÉCLARATION D’INTERVENTION DÉPOSÉE PAR L’IRLANDE EN VERTU
DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE 63 DU STATUT DE
LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
19 septembre 2022
[Traduction du Greffe]
A Monsieur le greffier de la Cour internationale de Justice, le soussigné, dûment autorisé par
le Gouvernement irlandais, déclare ce qui suit :
1. Au nom du Gouvernement irlandais, j’ai l’honneur de soumettre à la Cour, en vertu du
paragraphe 2 de l’article 63 de son Statut, la déclaration d’intervention ci-après en l’affaire relative
à des Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie).
2. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour, un Etat qui désire se prévaloir
du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut doit déposer une déclaration qui précise
l’affaire et la convention qu’elle concerne, et qui contient :
«a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’Etat déclarant se considère comme
partie à la convention ;
b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est
en cause ;
c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.»
3. Ces éléments sont précisés ci-dessous.
AFFAIRE EN LAQUELLE EST DÉPOSÉE LA DÉCLARATION
ET CONVENTION CONCERNÉE
4. Le 26 février 2022, l’Ukraine a introduit devant la Cour internationale de Justice (ci-après
la «Cour») une instance contre la Fédération de Russie, sur le fondement de la convention de 1948
pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-après la «convention sur le génocide»
ou la «convention») à laquelle les deux Etats sont des parties contractantes. Dans sa requête
introductive d’instance, qui s’accompagnait d’une demande en indication de mesures conservatoires,
l’Ukraine affirme qu’il existe, entre elle-même et la Fédération de Russie, un différend concernant
l’interprétation, l’application ou l’exécution de la convention, au sens de l’article IX de cet
instrument. En particulier, elle soutient que
«[l]a Fédération de Russie affirme que des actes de génocide ont été commis dans les
oblasts de Louhansk et de Donetsk, et a engagé contre l’Ukraine diverses actions,
militaires et autres, notamment en reconnaissant de supposés Etats indépendants en
territoire ukrainien, avec pour objectif affiché de prévenir et de punir ces prétendus actes
de génocide»1.
5. Au paragraphe 9 de sa requête, l’Ukraine «nie catégoriquement qu’un quelconque acte de
génocide se soit produit, et que la Russie dispose du moindre fondement juridique pour agir contre
l’Etat ukrainien et sur son territoire dans le but de prévenir et de punir des actes de génocide en vertu
de l’article premier de la convention». L’Ukraine affirme en conséquence qu’un
1 Requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022 par l’Ukraine (ci-après la «requête
de l’Ukraine»), par. 8, accessible à l’adresse suivante : https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220227-
APP-01-00-FR.pdf.
- 2 -
«différend relatif à l’interprétation et à l’application de la convention sur le génocide
s’est ainsi fait jour, puisque l’Ukraine et la Russie ont des vues opposées sur la question
de savoir si un génocide a été perpétré sur le sol ukrainien et si l’article premier de la
convention peut fonder l’emploi de la force armée par la Russie contre l’Ukraine pour
«prévenir et punir» ce génocide allégué»2.
6. Le 7 mars 2022, l’ambassadeur de la Fédération de Russie auprès du Royaume des Pays-Bas
a communiqué à la Cour un document dans lequel la Russie «expos[e] sa position sur la prétendue
«incompétence» de la Cour en l’affaire»3.
7. En réponse à la demande en indication de mesures conservatoires présentée par l’Ukraine,
la Cour a rendu, le 16 mars 2022, une ordonnance indiquant les mesures conservatoires suivantes :
«1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Fédération de Russie doit suspendre immédiatement les opérations militaires
qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Fédération de Russie doit veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou unités
armées irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son appui, ni
aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou sa
direction, ne commette d’actes tendant à la poursuite des opérations militaires visées au
point 1) ci-dessus ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou
d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.»4
8. A la date de la présente déclaration, la Fédération de Russie n’a pas respecté l’ordonnance
rendue par la Cour. Elle a au contraire intensifié ses opérations militaires sur le territoire de l’Ukraine
depuis que l’ordonnance a été rendue, aggravant ainsi le différend en question.
9. Le 30 mars 2022, ainsi que le prévoit le paragraphe 1 de l’article 63 du Statut, le greffier de
la Cour a dûment averti le Gouvernement irlandais, en sa qualité de partie contractante à la
convention sur le génocide, que, dans la requête de l’Ukraine, cette convention était «invoquée à la
2 Requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022 par l’Ukraine (ci-après la «requête
de l’Ukraine»), par. 11, accessible à l’adresse suivante : https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-
20220227-APP-01-00-FR.pdf.
3 Document (avec annexes) de la Fédération de Russie exposant sa position sur la prétendue «incompétence» de la
Cour en l’affaire, 7 mars 2022, par. 3, accessible à l’adresse suivante : https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/
182/182-20220307-OTH-01-00-FR.pdf.
4 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), ordonnance du 16 mars 2022, par. 86, accessible à l’adresse suivante : https://www.icjcij.
org/public/files/case-related/182/182-20220316-ORD-01-00-FR.pdf.
- 3 -
fois comme base de compétence de la Cour et à l’appui des demandes de l’Ukraine au fond». Le
greffier a également fait observer que
«celle-ci entend[ait] fonder la compétence de la Cour sur la clause compromissoire
figurant à l’article IX de la convention, pri[ait] la Cour de déclarer qu’elle ne
commet[tait] pas de génocide, tel que défini aux articles II et III de la convention, et
soul[evait] des questions sur la portée de l’obligation de prévenir et de punir le génocide
consacrée à l’article premier de la convention. Il semble, dès lors, que l’interprétation
de cette convention pourrait être en cause en l’affaire.»
10. L’interdiction du génocide est une norme impérative du droit international général.
L’Irlande rappelle que la Cour a qualifié cette norme impérative, ainsi que d’autres, d’obligations
nécessaires «à la protection des valeurs humanitaires essentielles»5. Elle rappelle également que,
selon la Cour, «les droits et obligations consacrés par la convention sont des droits et obligations
erga omnes»6. Etant donné le rôle essentiel que joue l’interdiction du génocide dans la défense des
intérêts de l’humanité et le caractère erga omnes des droits et obligations des Etats en vertu de la
convention, l’Irlande a, en tant que partie contractante, un intérêt direct dans l’interprétation que
pourrait donner la Cour des dispositions pertinentes de cet instrument, et elle souhaite voir toutes les
parties contractantes s’y conformer dans leur interprétation, application et exécution de la
convention. En conséquence, l’Irlande a décidé de se prévaloir du droit d’intervenir dans la présente
instance que lui confère le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut.
11. En intervenant dans la présente instance, l’Irlande a conscience que son intervention «se
limite à la présentation d’observations au sujet de l’interprétation de la convention concernée[, qu’il
ne lui est pas permis d’acquérir] la qualité de partie au différend[ ni] d’aborder quelque autre aspect
que ce soit de l’affaire dont est saisie la Cour[,] et qu’une telle intervention ne peut pas compromettre
l’égalité entre les Parties au différend»7. En outre, conformément au paragraphe 2 de l’article 63 du
Statut, l’Irlande convient qu’en intervenant ainsi elle accepte que l’interprétation contenue dans
l’arrêt que la Cour rendra en l’espèce soit obligatoire à son égard.
RENSEIGNEMENTS SPÉCIFIANT SUR QUELLE BASE L’IRLANDE
SE CONSIDÈRE COMME PARTIE À LA CONVENTION
12. Le 22 juin 1976, l’Irlande a déposé son instrument d’adhésion à la convention de 1948
pour la prévention et la répression du crime de génocide auprès du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, conformément au paragraphe 4 de l’article XI de la convention.
En application de l’article XIII, l’adhésion de l’Irlande est devenue effective le 20 septembre 1976.
DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DONT L’INTERPRÉTATION SEMBLE EN CAUSE
13. L’Irlande rappelle que, au paragraphe 45 de son ordonnance en indication de mesures
conservatoires du 16 mars 2022, la Cour a fait le constat suivant :
5 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 104, par. 147.
6 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 615-616, par. 31.
7 Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon), déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande,
ordonnance du 6 février 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 9, par. 18.
- 4 -
«Les déclarations émanant des organes de l’Etat et de hauts responsables des deux
Parties indiquent l’existence entre elles d’une divergence de vues sur la question de
savoir si certains actes qui auraient été commis par l’Ukraine dans les régions de
Donetsk et de Louhansk sont constitutifs de génocide et emportent donc violation des
obligations incombant à cet Etat au titre de la convention sur le génocide, et si l’emploi
de la force par la Fédération de Russie dans le but affiché de prévenir et de punir un
prétendu génocide est une mesure qui peut être prise en exécution de l’obligation de
prévenir et de punir énoncée à l’article premier de la convention.»
14. La Fédération de Russie soutient, au contraire, qu’il n’existe pas de différend au sens de
l’article IX de la convention et que «la requête et la demande [de l’Ukraine] dépassent manifestement
le champ d’application de la convention et donc la compétence de la Cour»8.
15. En conséquence, selon l’Irlande, l’interprétation de l’article premier et de l’article IX de la
convention semble être en cause.
INTERPRÉTATION QUE DONNE L’IRLANDE DE L’ARTICLE PREMIER
16. L’article premier de la convention est libellé comme suit : «[l]es Parties contractantes
confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime
du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir».
17. Toute action qu’une partie contractante à la convention sur le génocide entreprend
prétendument pour prévenir un génocide sera interprétée comme étant menée en exécution de
l’obligation juridique de prévenir ce crime qui découle de la convention, que ladite partie invoque ou
non celle-ci expressément.
18. Selon la règle de droit international coutumier consacrée aux articles 26 et 31 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, les obligations conventionnelles doivent être
interprétées et appliquées de bonne foi. La Cour a ainsi dit que «[l]’un des principes de base qui
présid[aient] à la création et à l’exécution d’obligations juridiques, quelle qu’en [fût] la source, [était]
celui de la bonne foi»9. Elle a précisé que «[l]e principe de bonne foi oblige[ait] les Parties [à un
traité] à l’appliquer de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint»10.
19. En conséquence, lorsqu’une action visant prétendument à prévenir un génocide fait suite
à des allégations mensongères, celles-ci et toute action ultérieure ne peuvent en aucun cas être jugées
raisonnables et, de fait, réduisent à néant l’objet et les buts de la convention elle-même. Selon
l’Irlande, toute action menée sur la base de pareilles allégations, prétendument pour exécuter
l’article premier de la convention, ne peut donc être considérée que comme un manquement grave à
l’obligation d’interpréter et d’appliquer cette disposition de bonne foi.
8 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), ordonnance du 16 mars 2022, par. 34, accessible à l’adresse suivante : https://www.icjcij.
org/public/files/case-related/182/182-20220316-ORD-01-00-FR.pdf.
9 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 268, par. 46.
10 Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 78, par. 142.
- 5 -
INTERPRÉTATION QUE DONNE L’IRLANDE DE L’ARTICLE IX
20. L’article IX de la convention est ainsi libellé :
«Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une partie au différend.»
21. Deux questions se posent concernant l’interprétation de l’article IX dans la présente
instance. Premièrement, que faut-il entendre par le terme «différend» ? Deuxièmement, à supposer
qu’il existe bien un différend, il reste nécessaire pour fonder la compétence de la Cour de s’assurer
que le différend en question relève effectivement des dispositions de l’article IX de la convention,
c’est-à-dire qu’il est «relatif[] à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente
Convention».
22. Le sens du terme «différend» est établi depuis longtemps dans la jurisprudence de la Cour
et de sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale. Dès 1924, cette dernière l’a défini
comme «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts»11. La Cour a pour sa part précisé que, pour établir l’existence d’un différend,
il faut «démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de
l’autre»12. Les parties doivent avoir des « points de vue … , quant à l’exécution ou à la non-exécution
de certaines obligations découlant des traités, [qui] sont nettement opposés.»13 En outre, «dans le cas
où le défendeur s’est abstenu de répondre aux réclamations du demandeur, il est possible d’inférer
de ce silence, dans certaines circonstances, qu’il rejette celles-ci et que, par suite, un différend
existe»14. L’Irlande considère qu’il est clairement satisfait à ces critères dans la présente espèce.
23. Quant à la seconde question, qui concerne la nature des différends «relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente Convention», l’Irlande soutient que
l’article IX a une large portée. En particulier, elle estime qu’un différend dans lequel une partie
contractante à la convention accuse une autre partie, qui le réfute, de commettre un génocide ou de
manquer à son obligation de prévenir un génocide est un différend qui relève du champ d’application
de l’article IX. Tel est le cas que la première partie invoque expressément ou non la convention car,
quoi qu’il en soit, elle accuse l’autre partie de commettre un acte ou des actes interdits par la
convention ou de ne pas prévenir un ou plusieurs de ces actes, comme l’exige la convention, et par
conséquent de ne pas s’acquitter de ses obligations découlant de cet instrument. En pareil cas, un
différend «relatif[] à l’interprétation, l’application ou l’exécution» de la convention sur le génocide
se fait nécessairement jour entre les deux parties.
24. De plus, l’emploi du terme «y compris» à l’article IX étaye l’interprétation selon laquelle
la portée de cette disposition n’est pas circonscrite aux différends relatifs à la commission d’actes
interdits par la convention. La référence qui y est faite aux «différends entre les Parties
11 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
12 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
13 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
14 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 71.
- 6 -
contractantes … , y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de
l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III» (les italiques sont de nous) permet à la Cour
d’exercer aussi sa compétence à l’égard d’autres différends que ceux mentionnés expressément dans
la convention, du moment qu’ils ont trait à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
convention.
25. Enfin, l’article IX permet qu’un différend soit soumis à la Cour «à la requête d’une partie
[à ce] différend». Ce membre de phrase corrobore l’interprétation selon laquelle la compétence de la
Cour peut être engagée soit par la partie contractante qui allègue la commission d’un génocide ou un
manquement à l’obligation de prévenir un génocide, soit, le cas échéant, par celle contre laquelle
pareille allégation est formulée.
DOCUMENTS FOURNIS À L’APPUI DE LA PRÉSENTE DÉCLARATION
26. On trouvera ci-après le bordereau des documents à l’appui de la déclaration, qui constituent
les annexes A et B :
a) copie de la lettre en date du 30 mars 2022 adressée à l’ambassadeur d’Irlande auprès du Royaume
des Pays-Bas par le greffier de la Cour internationale de Justice ;
b) copie de la notification, en date du 9 juillet 1976, de l’adhésion de l’Irlande à la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide adressée au Secrétariat de l’Organisation des
Nations Unies par le directeur de la division des questions juridiques générales du service
juridique.
CONCLUSION
27. Au vu de ce qui précède, l’Irlande se prévaut du droit que lui confère le paragraphe 2 de
l’article 63 du Statut d’intervenir en tant que non-partie à l’affaire portée devant la Cour par l’Ukraine
contre la Fédération de Russie. Elle se réserve le droit de modifier ou de compléter la présente
déclaration, si elle le juge nécessaire en fonction de l’évolution de la procédure.
28. Le Gouvernement irlandais a désigné M. Declan Smyth, conseiller juridique par intérim
au ministère des affaires étrangères, en qualité d’agent, et M. Frank Groome, chargé d’affaires par
intérim de l’ambassade d’Irlande aux Pays-Bas, en qualité de coagent aux fins de la présente
déclaration. Le greffier de la Cour est invité à adresser toutes les communications relatives à la
présente procédure à l’adresse suivante :
Ambassade d’Irlande aux Pays-Bas
Scheveningseweg 112
2584 AE La Haye
Le coagent du Gouvernement irlandais,
chargé d’affaires par intérim
(Signé) Frank GROOME.
___________
ANNEXE A
LETTRE EN DATE DU 30 MARS 2022 ADRESSÉE À L’AMBASSADEUR D’IRLANDE AUPRÈS DU
ROYAUME DES PAYS-BAS PAR LE GREFFIER DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
156413 Le 30 mars 2022
J'ai l'honneur de me referer A ma lettre (n° 156253) en date du 2 mars 2022, par laquelle j'ai
porte A la connaissance de votre Gouvernement que l'Ukraine a, le 26 fevrier 2022, depose au Greffe
de la Cour internationale de Justice une requete introduisant une instance contre la Federation de
Russie en l'affaire relative A des Allegations de genocide au titre de la convention pour la prevention
et la repression du crime de genocide (Ukraine c. Federation de Russie). Une copie de la requete etait
jointe a cette lettre. Le texte de ladite requete est egalement disponible sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«[1]orsqu'il s'agit de 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans delai».
Le paragraphe 1 de l'article 43 du Reglement de la Cour precise en outre que
«[1]orsque 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres Etats que
les parties en litige peut etre en cause au sens de l'article 63, paragraphe 1, du Statut, la
Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matiere».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont ete donnees conformement a cette derniere
disposition, j'ai l'honneur de notifier a votre Gouvernement ce qui suit.
Dans la requete susmentionnee, la convention de 1948 pour la prevention et la repression du
crime de genocide (ci-apres la «convention sur le genocide») est invoquee A la fois comme base de
competence de la Cour et a l'appui des demandes de l'Ukraine au fond. Plus precisement, celle-ci
entend fonder la competence de la Cour sur la clause compromissoire figurant A l'article IX de la
convention, prie la Cour de declarer qu'elle ne commet pas de genocide, tel que defini aux articles II
et III de la convention, et souleve des questions sur la portee de l'obligation de prevenir et de punir
le genocide consacree A Particle premier de la convention. Ii semble, des lors, que "'interpretation de
cette convention pourrait etre en cause en l'affaire.
./.
[Lettres aux Etats parties A la convention sur le genocide
(A l'exception de l'Ukraine et de la Federation de Russie)]
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays -Bas
Telephone: +31 (0) 70 302 23 23 - Facsimile : +31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Carnegieplein 2
2517 KJ The Hague - Netherlands
Telephone: +31(0) 70 302 23 23 - Telefax: +31(0) 70 364 99 28
Website: www.icj-cij.org
COUR INTERNATIONALE INTERNATIONAL COURT
DE JUSTICE OF JUSTICE
Votre pays figure sur la liste des parties A la convention sur le genocide. Aussi la presente lettre
doit-elle etre regardee comme constituant la notification prevue au paragraphe 1 de l'article 63 du
Statut. J'ajoute que cette notification ne prejuge aucune question concernant l' application eventuelle
du paragraphe 2 de Particle 63 du Statut sur laquelle la Cour pourrait par la suite etre appelee A se
prononcer en l'espece.
Veuillez agreer, Excellence, les assurances de ma tres haute consideration.
Le Greffier de la Cour,
Philippe Gautier
- 2 -
ANNEXE B
COPIE DE LA NOTIFICATION, EN DATE DU 9 JUILLET 1976, DE L’ADHÉSION DE L’IRLANDE À LA
CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE ADRESSÉE
AU SECRÉTARIAT DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES PAR LE DIRECTEUR DE
LA DIVISION DES QUESTIONS JURIDIQUES GÉNÉRALES DU SERVICE JURIDIQUE
 

Document file FR
Document Long Title

Déclaration d'intervention de l'Irlande

Links