Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE)
DÉCLARATION D’INTERVENTION DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE
ET D’IRLANDE DU NORD
INTERVENTION EN VERTU DE L’ARTICLE 63 DU STATUT DE LA COUR
INTERNATIONALE DE JUSTICE
1er août 2022
[Traduction du Greffe]
A Monsieur le greffier de la Cour internationale de Justice, la soussignée, dûment autorisée
par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le «Royaume-Uni»),
déclare ce qui suit :
1. Au nom du Royaume-Uni, j’ai l’honneur de soumettre à la Cour, en vertu du paragraphe 2
de l’article 63 de son Statut, une déclaration d’intervention en l’affaire relative à des Allégations de
génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine
c. Fédération de Russie).
2. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour, un Etat qui désire se prévaloir
du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut doit déposer une déclaration qui précise
le nom de l’agent, l’affaire et la convention qu’elle concerne, et qui contient :
a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’Etat déclarant se considère comme partie à la
convention ;
b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est en cause ;
c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.
3. Ces éléments seront précisés à la suite des observations liminaires concernant la procédure
judiciaire à ce jour.
1. PROCÉDURE JUDICIAIRE
4. Le 26 février 2022, l’Ukraine a introduit une instance contre la Fédération de Russie au sujet
d’«un différend … concernant l’interprétation, l’application et l’exécution de la convention de 1948
pour la prévention et la répression du crime de génocide» (dénommée ci-après la «convention sur le
génocide» ou la «convention»). En même temps que sa requête, l’Ukraine a présenté une demande
en indication de mesures conservatoires.
5. Une audience a été tenue le 7 mars 2022. La Fédération de Russie n’a pas participé à la
procédure orale. Cependant, dans un document communiqué à la Cour le 7 mars 2022, elle a soutenu
que celle-ci n’avait pas compétence pour connaître de l’affaire et l’a «pri[ée] ... de s’abstenir
d’indiquer des mesures conservatoires et de radier l’affaire de son rôle».
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6. Le 16 mars 2022, la Cour a rendu son ordonnance, dans laquelle elle a indiqué les mesures
conservatoires suivantes1 :
1) la Fédération de Russie doit suspendre immédiatement les opérations militaires qu’elle a
commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine ;
2) la Fédération de Russie doit veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou unités armées
irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son appui, ni aucune
organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou sa direction, ne commette
d’actes tendant à la poursuite des opérations militaires visées au point 1) ci-dessus ;
3) les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend
dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.
7. Le 23 mars 2022, la Cour a rendu une ordonnance fixant les dates d’expiration des délais
pour le dépôt du mémoire de l’Ukraine et du contre-mémoire de la Fédération de Russie,
respectivement le 23 septembre 2022 et le 23 mars 2023.
8. Le 30 mars 2022, en application du paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour, le
greffier, sur les instructions de la Cour, a notifié au Royaume-Uni qu’en cette affaire, la convention
sur le génocide
«[était] invoquée à la fois comme base de compétence de la Cour et à l’appui des
demandes de l’Ukraine au fond. Plus précisément, celle-ci entend[ait] fonder la
compétence de la Cour sur la clause compromissoire figurant à l’article IX de la
convention, pri[ait] la Cour de déclarer qu’elle ne commet[tait] pas de génocide, tel que
défini aux articles II et III de la convention, et soul[evait] des questions sur la portée de
l’obligation de prévenir et de punir le génocide consacrée à l’article premier de la
convention»2.
9. Le paragraphe 1 de l’article 82 du Règlement de la Cour prévoit que toute déclaration d’un
Etat souhaitant se prévaloir du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut doit être
déposée «le plus tôt possible avant la date fixée pour l’ouverture de la procédure orale». La présente
déclaration a été déposée aussitôt que possible.
10. En soumettant cette déclaration, le Royaume-Uni exerce son droit d’intervenir en vertu du
paragraphe 2 de l’article 63 du Statut de la Cour, en sa qualité de partie contractante à la convention
sur le génocide.
11. La présente espèce soulève d’importantes questions en ce qui concerne la convention sur
le génocide. La Cour a jugé que les dispositions de cet instrument imposent des obligations erga
1 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 86 (ci-après l’«ordonnance
du 16 mars 2022»).
2 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), lettre du greffier no 156413 aux Etats parties à la convention sur le génocide, 30 mars
2022.
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omnes partes à ses parties contractantes3 et que l’interdiction du crime de génocide est une norme de
jus cogens en droit international4. Elle a reconnu, il y a plus de sept décennies, l’intérêt commun que
présentaient pour la communauté internationale les droits et obligations consacrés par la convention,
faisant observer ce qui suit :
«On ne peut même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut degré
ce double caractère [un but purement humain et civilisateur], puisqu’elle vise d’une part
à sauvegarder l’existence même de certains groupes humains, d’autre part à confirmer
et à sanctionner les principes de morale les plus élémentaires. Dans une telle convention,
les Etats contractants n’ont pas d’intérêts propres ; ils ont seulement tous et chacun, un
intérêt commun, celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d’être de la
convention. Il en résulte que l’on ne saurait, pour une convention de ce type, parler
d’avantages ou de désavantages individuels des Etats.»5
La Cour a, très récemment, réaffirmé ces principes6. Le Royaume-Uni reconnaît que le fait
d’intervenir en l’affaire permet aux parties contractantes de renouveler leur engagement collectif à
l’égard des droits et obligations énoncés par la convention sur le génocide, notamment en soutenant
le rôle crucial joué par la Cour et en rappelant que la coopération internationale est nécessaire pour
prévenir, juger et punir les actes de génocide7.
12. Le Royaume-Uni reconnaît également que, puisqu’il se prévaut du droit d’intervenir prévu
à l’article 63 du Statut, l’interprétation de la convention sur le génocide que contiendra l’arrêt en
l’espèce sera également obligatoire à son égard.
2. AFFAIRE EN LAQUELLE EST DÉPOSÉE LA DÉCLARATION
ET CONVENTION CONCERNÉE
13. Le Royaume-Uni dépose la présente déclaration d’intervention en l’affaire relative à des
Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Ukraine c. Fédération de Russie). L’instance a été introduite par l’Ukraine contre la
Fédération de Russie le 26 février 2022. L’affaire soulève des questions concernant l’interprétation
de la convention sur le génocide.
14. En tant que partie contractante à la convention sur le génocide, le Royaume-Uni considère
qu’il a un intérêt direct dans l’interprétation que pourrait donner la Cour des dispositions pertinentes
de cet instrument. C’est à ce titre qu’il exerce le droit d’intervention que lui confère l’article 63 du
3 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 47, par. 87 ; Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République
démocratique du Congo c. Rwanda), compétence de la Cour et recevabilité de la requête, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31,
par. 64 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 107-109.
4 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 111, par. 161-162.
5 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
6 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 106-107 et par. 113.
7 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, préambule : «Convaincues que pour libérer
l’humanité d’un fléau aussi odieux la coopération internationale est nécessaire».
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Statut. Son intervention a donc trait aux questions d’interprétation de la convention qui se posent en
l’affaire.
3. BASE SUR LAQUELLE LE ROYAUME-UNI
EST PARTIE À LA CONVENTION
15. Le 30 janvier 1970, le Royaume-Uni a déposé son instrument d’adhésion à la convention
sur le génocide auprès du Secrétaire général des Nations Unies, conformément à l’article XI de la
convention8. Il n’a pas fait de réserves, de déclarations ni d’objections concernant la convention et il
en est toujours une partie contractante.
4. DISPOSITIONS DE LA CONVENTION QUI
SONT EN CAUSE EN L’ESPÈCE
16. La présente affaire soulève des questions quant à l’interprétation de multiples dispositions
de la convention sur le génocide, notamment la clause compromissoire qui donne compétence à la
Cour pour connaître de différends relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
convention. Il n’existe aucune restriction, ni à l’article 63 du Statut de la Cour ni au paragraphe 2 de
l’article 82 de son Règlement, qui empêcherait le Royaume-Uni d’exercer son droit d’intervenir au
sujet de l’interprétation de dispositions de la convention sur le génocide ayant trait à des questions
de compétence en sus de celles ayant trait à des questions de fond9. Au contraire, le paragraphe 1 de
l’article 63 autorise un Etat à intervenir «[l]orsqu’il s’agit» de l’interprétation d’une convention à
laquelle il est partie. Ce point de la présente déclaration est donc divisé en deux sections : la section A
porte sur les dispositions de la convention dont l’interprétation est utile pour les questions de
compétence, et la section B sur celles dont l’interprétation est utile pour les questions de fond. Si la
Cour décide d’examiner conjointement ces deux types de questions, le Royaume-Uni formulera alors
des observations communes sur les questions traitées aux sections A et B. S’il est décidé que la
compétence de la Cour fera l’objet d’une phase distincte de la procédure, le Royaume-Uni ne
formulera, au cours de cette phase-là, que des observations relatives aux questions faisant l’objet de
la section A puis, lors de la phase ultérieure consacrée au fond, il présentera des observations relatives
aux questions faisant l’objet de la section B. En outre, si le Royaume-Uni s’est acquitté de
l’obligation procédurale, prévue au paragraphe 1 de l’article 82 du Règlement, de déposer la présente
déclaration «le plus tôt possible», il se réserve le droit de compléter celle-ci et d’élargir le champ de
ses observations si des questions additionnelles de compétence ou de fond se posent à mesure que
l’affaire progresse, ou qu’il en prend connaissance en recevant copie des pièces de procédure et des
documents y annexés (conformément au paragraphe 1 de l’article 86 du Règlement).
A. Dispositions de la convention qui sont en cause
en l’espèce : compétence
17. L’Ukraine entend fonder la compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de l’article 36 du
Statut de la Cour et sur l’article IX de la convention sur le génocide. Ce dernier se lit comme suit :
«Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
8 Voir annexe B.
9 Hugh Thirlway, The Law and Procedure of the International Court of Justice: Fifty Years of Jurisprudence,
Oxford University Press, 2013, vol. I, p. 1031. Voir aussi Andreas Zimmermann et Christian J. Tams (dir. publ.), The
Statute of the International Court of Justice: A Commentary, 3e éd. OUP, 2019, p. 1763.
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énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une partie au différend.»
18. L’Ukraine soutient qu’un différend l’oppose à la Fédération de Russie en ce qui concerne
l’interprétation, l’application ou l’exécution de la convention sur le génocide. Elle avance que le
différend entre les Parties
«concerne la question de savoir si, en conséquence de son affirmation unilatérale selon
laquelle un génocide serait en cours, la Fédération de Russie dispose d’une base
juridique valable pour entreprendre une action militaire en Ukraine et contre celle-ci
afin de prévenir et de punir un génocide en vertu de l’article premier de la convention
sur le génocide»10.
L’article premier de la convention prévoit ce qui suit : «Les Parties contractantes confirment que le
génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens,
qu’elles s’engagent à prévenir et à punir.»
19. A cet égard, l’Ukraine affirme également que «plutôt que d’entreprendre une action
militaire pour prévenir et punir un génocide, la Fédération de Russie aurait dû saisir les organes des
Nations Unies au titre de l’article VIII de la convention ou se fonder sur l’article IX de celle-ci pour
saisir la Cour»11. L’article VIII est libellé comme suit :
«Toute Partie contractante peut saisir les organes compétents [de l’Organisation]
des Nations Unies afin que ceux-ci prennent, conformément à la Charte des
Nations Unies, les mesures qu’ils jugent appropriées pour la prévention et la répression
des actes de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III.»
20. La juste interprétation des articles premier, VIII et IX de la convention — à tout le
moins — est donc en cause en ce qui concerne la compétence de la Cour.
B. Dispositions de la convention qui sont en cause en l’espèce : fond
21. Dans sa requête, l’Ukraine prie respectueusement la Cour :
«a) de dire et juger que, contrairement à ce que prétend la Fédération de Russie, aucun
acte de génocide, tel que défini à l’article III de la convention sur le génocide, n’a
été commis dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk ;
b) de dire et juger que la Fédération de Russie ne saurait licitement prendre, au titre de
la convention sur le génocide, quelque action que ce soit en Ukraine ou contre
celle-ci visant à prévenir ou à punir un prétendu génocide, sous le prétexte fallacieux
qu’un génocide aurait été perpétré dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de
Donetsk ;
c) de dire et juger que la reconnaissance, par la Fédération de Russie, de l’indépendance
des prétendues «République populaire de Donetsk» et «République populaire de
10 Ordonnance du 16 mars 2022, par. 31.
11 Ibid.
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Louhansk», le 22 février 2022, est fondée sur une allégation mensongère de
génocide et ne trouve donc aucune justification dans la convention sur le génocide ;
d) de dire et juger que l’«opération militaire spéciale» annoncée et mise en oeuvre par
la Fédération de Russie à compter du 24 février 2022 est fondée sur une allégation
mensongère de génocide et ne trouve donc aucune justification dans la convention
sur le génocide ;
e) d’exiger de la Fédération de Russie qu’elle fournisse des assurances et garanties de
non-répétition en ce qui concerne la prise par elle de toute mesure illicite en Ukraine
et contre celle-ci, notamment l’emploi de la force, en se fondant sur son allégation
mensongère de génocide ;
f) d’ordonner la réparation intégrale de tout dommage causé par la Fédération de
Russie par suite de toute action fondée sur son allégation mensongère de génocide».
22. Ces demandes concernent l’interprétation de l’article premier de la convention, notamment
l’obligation de prévenir et de punir le génocide (voir paragraphe 18 ci-dessus). Elles rendent
également nécessaire une interprétation par la Cour de l’article III de la convention, qui dispose que :
«Seront punis les actes suivants :
a) Le génocide ;
b) L’entente en vue de commettre le génocide ;
c) L’incitation directe et publique à commettre le génocide ;
d) La tentative de génocide ;
e) La complicité dans le génocide.»
23. L’obligation de punir le génocide figure à l’article IV de la convention, comme suit : «Les
personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III
seront punies, qu’elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers.»
24. Les articles V et VI de la convention sont également pertinents à cet égard. L’article V
énonce ainsi que :
«Les Parties contractantes s’engagent à prendre, conformément à leurs
constitutions respectives, les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application
des dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir des sanctions
pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l’un quelconque
des autres actes énumérés à l’article III.»
Quant à l’article VI, son libellé est le suivant :
«Les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III seront traduites devant les tribunaux compétents de l’Etat sur le
territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la cour criminelle internationale qui sera
compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la
juridiction.»
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25. Les articles premier, III, IV, V et VI de la convention font tous référence au «génocide»,
qui est défini comme suit à l’article II :
«Dans la présente Convention le génocide s’entend de l’un quelconque des actes
ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.»
26. Le processus par lequel le risque de génocide est évalué, ainsi que le champ d’action dont
dispose une partie contractante pour agir unilatéralement à cet égard, nécessite l’interprétation de
l’article VIII, cité au paragraphe 19 ci-dessus.
27. L’interprétation des articles premier, II, III, IV, V, VI et VIII de la convention est donc en
cause en ce qui concerne le fond du différend.
[5]. INTERPRÉTATION DONNÉE PAR LE ROYAUME-UNI
DES DISPOSITIONS EN CAUSE
28. Le Royaume-Uni débutera naturellement l’exercice d’interprétation de la convention sur
le génocide en se référant aux règles d’interprétation reflétées dans les articles 31 et 32 de la
convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, qui représentent le droit international
coutumier. Selon le paragraphe 1 de l’article 31 de la convention de Vienne, «[u]n traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et
à la lumière de son objet et de son but».
29. En même temps que du contexte, l’interprétation d’un traité doit également tenir compte
de la pratique ultérieurement suivie par les parties au traité par laquelle est établi l’accord des parties
à l’égard de l’interprétation de l’instrument, ainsi que de toute règle de droit international applicable
dans les relations entre les parties12. Dans certaines circonstances, il peut également être fait appel à
des moyens complémentaires d’interprétation, notamment aux travaux préparatoires du traité13.
30. Comme le point précédent de la présente déclaration, celui-ci est divisé en deux sections.
La section A traite des dispositions de la convention qui sont pertinentes pour les questions de
compétence et présente l’interprétation que le Royaume-Uni en donne. La section B porte sur les
dispositions de la convention dont l’interprétation est utile pour le fond. Les observations formulées
12 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 31, par. 3 b) et c).
13 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 32.
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au paragraphe 16 ci-dessus s’appliquent également au présent point de la déclaration et à ses deux
sections distinctes.
A. Interprétation donnée par le Royaume-Uni des dispositions
en cause : compétence
L’article IX de la convention sur le génocide confère compétence à la Cour pour se prononcer
sur le respect de la convention par l’Etat demandeur, lorsque cette question fait l’objet d’un
différend entre les parties à une affaire
31. Dans la déclaration qu’il a jointe à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par la Cour, le juge Gevorgian a fait observer qu’il n’était «pas convaincu que l’Ukraine
puisse se prévaloir de la clause compromissoire énoncée à l’article IX de la convention dans le seul
but de voir la Cour constater son respect» de cet instrument14. Le juge Bennouna a formulé une
réserve similaire :
«[J]e ne suis pas persuadé que la … convention sur le génocide … a été conçue,
puis adoptée, en 1948, pour permettre la saisine de la Cour par un pays, comme
l’Ukraine, d’un différend relatif à des allégations de génocide, proférées à son encontre
par un autre pays, comme la Fédération de Russie, même si ces allégations devaient
servir de prétexte à un recours illégal à la force.»15
32. Le Royaume-Uni avance respectueusement que l’article IX de la convention sur le
génocide confère bel et bien à la Cour compétence pour se prononcer sur le respect, par un Etat
demandeur, de ses obligations au titre de la convention, dès lors qu’il s’agit d’une question faisant
l’objet d’un différend entre les parties à l’affaire.
33. L’article IX confère à la Cour compétence à l’égard de «différends entre les Parties
contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente Convention». Rien
dans les termes de cette disposition ne limite la compétence de la Cour aux affaires dans lesquelles
c’est l’Etat demandeur qui accuse l’Etat défendeur de manquer à ses obligations au regard de la
convention. Le droit international donne de longue date un sens large au terme «différend». Il est
bien établi qu’un différend existe lorsqu’il y a «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une
contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre deux personnes»16, dès lors que
les Etats en cause ont des vues opposées17. Le terme «différend» a une acception suffisamment vaste
pour englober un désaccord sur la licéité du comportement d’un Etat demandeur. En outre, l’ajout, à
l’article IX, du mot «exécution» à la formulation «interprétation et application» employée plus
communément dans les clauses compromissoires vient étayer la thèse que la compétence de la Cour
est suffisamment étendue pour lui permettre de déclarer que l’Etat demandeur n’est pas responsable,
comme le prétend l’Etat défendeur, d’un manquement à ses obligations en vertu de la convention.
34. Cette interprétation est confirmée par le fait que l’article IX de la convention sur le
génocide prévoit expressément que les différends seront soumis à la Cour «à la requête d’une Partie
14 Voir ordonnance du 16 mars 2022, déclaration de M. le vice-président Gevorgian, par. 8.
15 Voir ordonnance du 16 mars 2022, déclaration de M. le juge Bennouna, par. 2.
16 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
17 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 319-328 ; Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes
nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 850, par. 41.
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au différend» (les italiques sont de nous). La Cour a fait observer que ce «membre de phrase précise
que seule une partie au différend peut porter celui-ci devant la Cour»18. Si la restriction pertinente ici
est que la partie qui saisit la Cour doit être partie au différend, il n’en existe en revanche aucune
quant à la partie au différend qui doit saisir la Cour, du moment qu’il s’agit de l’«une» des parties.
Les différends pouvant être portés devant la Cour sur le fondement de l’article IX comprennent
expressément «ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un
quelconque des autres actes énumérés à l’article III». En conséquence, lorsqu’il existe un différend
sur la question de savoir si un Etat a eu un comportement contraire à la convention, l’Etat accusé
d’un tel comportement a le même droit de soumettre le différend à la Cour que l’Etat qui formule
l’accusation, et la Cour aura compétence à l’égard de ce différend.
L’article IX de la convention sur le génocide confère compétence à la Cour pour statuer sur la
question de savoir dans quelle mesure la convention impose aux parties contractantes d’agir
de bonne foi lorsqu’elles déterminent l’existence d’un génocide ou le risque grave de
génocide et réagissent à un tel génocide ou risque de génocide
35. Comme il a été dit plus haut, l’article IX de la convention sur le génocide confère
compétence à la Cour à l’égard de tout différend concernant «l’interprétation, l’application ou
l’exécution» de la convention.
36. L’article premier de la convention énonce l’engagement des parties contractantes de
«prévenir et … punir» le génocide. Un différend relatif à «l’interprétation, l’application ou
l’exécution» de cette disposition est donc un différend qui relève de la compétence conférée par
l’article IX.
37. Ainsi qu’il est exposé plus en détail ci-après relativement au fond, une partie contractante
qui prétend agir en exécution des obligations énoncées à l’article premier est tenue d’évaluer si un
génocide est en cours, ou s’il existe un risque grave qu’un génocide soit commis. Comme toutes les
dispositions conventionnelles, l’article premier doit être interprété et exécuté de bonne foi19.
38. Par conséquent, un différend portant sur la question de savoir si une partie contractante a
agi de bonne foi en prétendant s’acquitter de son engagement au titre de l’article premier, y compris
en déterminant l’existence d’un génocide ou d’un risque grave de génocide, et en intervenant
conformément à son engagement de prévenir et de punir le génocide, est un différend qui concerne
«l’interprétation, l’application ou l’exécution» de l’article premier. Un tel différend relève du champ
d’application de l’article IX.
L’article IX de la convention sur le génocide confère compétence à la Cour pour statuer sur la
question de savoir dans quelle mesure l’article premier autorise ou oblige une partie
contractante à avoir certains comportements qui pourraient normalement être illicites en
droit international
39. Dans le document qu’elle a communiqué à la Cour le 7 mars 2022, la Fédération de Russie
affirmait que la demande de l’Ukraine sortait de la compétence de la Cour parce que l’Ukraine
«cherch[ait] à soumettre à la Cour les questions de la licéité de l’emploi de la force par la Russie en
18 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 111.
19 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 26 et 31 1), reflétant des règles de droit international
coutumier.
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Ukraine et de la reconnaissance par la Russie des Républiques populaires de Donetsk et de
Louhansk»20. Elle ajoutait que la convention sur le génocide «ne régi[ssai]t ni l’emploi de la force
entre Etats, ni la reconnaissance des Etats», et que ces questions [étaient] plutôt «régi[es] par la
Charte des Nations Unies et le droit international coutumier»21.
40. Comme cela sera exposé plus en détail ci-après, la Cour, lorsqu’elle cherche à établir si un
différend dont elle est saisie entre dans le champ d’application de l’article IX de la convention sur le
génocide, «ne peut se borner à constater que l’une des parties soutient que la convention s’applique
alors que l’autre le nie»22.
41. Correctement interprété, l’article IX de la convention sur le génocide confère compétence
à l’égard d’un différend sur le point de savoir s’il peut être dit justement qu’une partie contractante
se comporte en «exécution» de la convention. L’article premier de la convention impose aux parties
contractantes l’obligation de «prévenir et … punir» le génocide. L’étendue des
comportements autorisés ou requis par l’article premier étant une question qui concerne
«l’interprétation, l’application ou l’exécution» de cette disposition, elle entre donc dans le champ de
la compétence conférée par l’article IX.
42. La Cour a donc compétence pour dire si le comportement d’une partie contractante est
autorisé ou requis par l’article premier de la convention sur le génocide. Elle peut exercer cette
compétence sans déterminer si le comportement en question enfreint ou non des règles de droit
international autres que celles contenues dans la convention et qui entraînent une responsabilité pour
l’Etat concerné, ou si elle a ou non compétence sur ces questions.
43. Il convient de ne pas confondre cette interprétation des articles premier et IX avec
l’argument avancé — et rejeté — en l’affaire Yougoslavie c. Belgique quant à la question de savoir
si l’emploi de la force constituait une violation de la convention sur le génocide. Dans cette affaire-là,
la Cour a jugé que «le recours ou la menace du recours à l’emploi de la force contre un Etat ne
sauraient en soi constituer un acte de génocide au sens de l’article II de la convention sur le génocide»
en l’absence de l’élément d’intentionnalité requis, qui sera examiné ci-dessous (voir paragraphes 48
à 52)23. L’interprétation que fait le Royaume-Uni des articles premier et IX n’a aucun lien avec la
question de savoir si le recours à la force, ou tout autre comportement, constitue une violation de
l’article II de la convention. Ce que soutient au contraire le Royaume-Uni, c’est qu’un différend
portant sur le point de savoir si un comportement donné est une manière licite de s’acquitter de
l’engagement de «prévenir et … punir» le génocide énoncé à l’article premier est un différend qui
concerne «l’interprétation, l’application ou l’exécution» de la convention au sens de l’article IX.
20 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), «Document (avec annexes) de la Fédération de Russie exposant sa position sur la
prétendue «incompétence» de la Cour en l’affaire», 7 mars 2022, par. 4.
21 Ibid., par. 10 et 12.
22 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), demande en indication de mesures conservatoires,
ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 137, par. 38.
23 Ibid., p. 138, par. 40.
- 11 -
Pour que la Cour exerce sa compétence en vertu de l’article IX de la convention sur le génocide,
il doit exister un «différend» concernant l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
convention, et il convient de donner au terme «différend» le sens qui lui est normalement
attribué en droit international
44. Dans le document qu’elle a communiqué à la Cour le 7 mars 2022, la Fédération de Russie
attirait l’attention sur la nécessité qu’il existe un «différend» au sens de l’article IX de la convention
sur le génocide pour que la Cour soit compétente24.
45. L’existence d’un différend entre les parties à une affaire est, conformément aux
dispositions expresses de l’article IX de la convention, une condition préalable à la compétence de
la Cour.
46. Le terme «différend» tel qu’il est employé à l’article IX devrait être interprété de manière
cohérente avec l’acception large qui lui est généralement donnée en droit international, comme la
Cour l’a affirmé très récemment25. Un différend existe ainsi lorsqu’il y a (comme il a été dit plus
haut26) «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts» entre les parties27, lorsque «les «points de vue des … parties [sont]
nettement opposés» en ce qui concerne la question portée devant la Cour» et lorsque «le défendeur
avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à
l’«opposition manifeste» du demandeur»28. Il n’est pas nécessaire que l’Etat défendeur ait
expressément répondu aux arguments de l’Etat demandeur29. En outre, spécifiquement dans le
contexte de la convention sur le génocide, il peut être prouvé qu’un différend existe malgré l’absence
de «référence particulière» à la convention ou à ses dispositions dans les déclarations faites
publiquement par les parties, dès lors que ces déclarations «s[e] réf[èrent] assez clairement à l’objet
du traité pour que l’Etat contre lequel il formule un grief puisse savoir qu’un différend existe ou peut
exister à cet égard»30.
24 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), «Document (avec annexes) de la Fédération de Russie exposant sa position sur la
prétendue «incompétence» de la Cour en l’affaire», 7 mars 2022, par. 8.
25 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 63.
26 Voir par. 33.
27 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11, ainsi que cela a été affirmé
très récemment dans Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie
c. Myanmar), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 63.
28 Voir, par exemple, Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes
nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 850, par. 41. Voir aussi Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Gambie c. Myanmar), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 63.
29 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 71.
30 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 72, citant Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85, par. 30.
- 12 -
47. L’existence d’un «différend», justement interprétée, doit être établie objectivement. La
négation unilatérale d’un différend par l’une des parties ne peut être un élément déterminant pour
dire si un différend existe ou non aux fins de l’article IX de la convention sur le génocide31.
B. Interprétation donnée par le Royaume-Uni
des dispositions en cause : fond
Selon l’article II de la convention sur le génocide, il n’y a génocide que lorsqu’il y a à la fois
intention génocidaire et acte de génocide
48. L’article II de la convention sur le génocide énonce clairement que la commission du
génocide suppose à la fois une intention génocidaire et un acte de génocide.
49. Pour ce qui concerne l’intention génocidaire, l’article II prévoit qu’un génocide ne peut se
produire que si l’acte en cause est commis «dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel». La Cour a souligné que, dans un différend
portant sur la responsabilité pour génocide, elle doit prendre «le plus grand soin» pour apprécier si
les éléments dont elle dispose montrent «une manifestation suffisamment claire de cette intention»32.
Cet élément moral, que les rédacteurs de la convention ont «défin[i] de manière très précise», est
qualifié à juste titre d’«intention particulière ou spécifique, ou dolus specialis»33. C’est «la
composante propre du génocide, qui le distingue d’autres crimes graves»34. Il ne suffit pas, par
exemple, que l’auteur présumé de l’acte soit animé d’une forme quelconque d’«intention
discriminatoire» ; il faut qu’il y ait également intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe
comme tel35.
50. En particulier, la condition selon laquelle un groupe protégé doit être visé «comme tel»
signifie que
«l’un desdits actes incriminés doit avoir été commis à l’encontre d’un ou de plusieurs
individus, parce que cet individu ou ces individus étaient membres d’un groupe
spécifique et en raison même de leur appartenance audit groupe. Aussi, la victime de
l’acte est choisie non pas en fonction de son identité individuelle, mais bien en raison
de son appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse. La victime de l’acte est
donc un membre du groupe, choisi en tant que tel, ce qui signifie en définitive que la
victime du crime de génocide est, par-delà la personne qui en est victime, le groupe
lui-même.»36
31 Voir, par exemple, Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes
nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 849-851, par. 37-43.
32 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 122, par. 189.
33 Ibid., p. 121, par. 187.
34 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 62, par. 132.
35 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 121, par. 187.
36 TPIR, Le Procureur c. Georges Anderson Nderubumwe Rutaganda, affaire no ICTR-96-3-T, jugement et
sentence (6 décembre 1999), par. 60.
- 13 -
51. Pour ce qui concerne l’acte de génocide, l’article II fournit une liste exhaustive des actes
susceptibles d’être constitutifs de celui-ci, qui sont tous, «par leur nature même des actes conscients,
intentionnels ou délibérés»37. Il s’agit des actes ci-après : i) meurtre de membres du groupe ;
ii) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; iii) soumission
intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale
ou partielle ; iv) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; et v) transfert forcé
d’enfants du groupe à un autre groupe.
52. Par conséquent, correctement interprété, l’article II contient des éléments détaillés
concernant l’intention et les actes. Il est clair que cet article ne couvre pas, par exemple, le fait de
causer des victimes civiles lors de conflits armés en l’absence du dolus specialis requis.
Lorsqu’une partie contractante prétend agir conformément à l’engagement de prévenir le
génocide énoncé à l’article premier, elle est tenue d’établir de bonne foi si un génocide est
en cours ou s’il existe un risque grave de génocide et, si elle ne l’a pas fait, elle n’est pas
fondée à invoquer la convention comme base de compétence à l’égard d’un comportement
qui serait normalement illicite en droit international
53. L’engagement, exprimé à l’article premier, de «prévenir» le génocide impose aux parties
contractantes de «mettre en oeuvre tous les moyens qui sont raisonnablement à leur disposition en
vue d’empêcher, dans la mesure du possible, le génocide»38. Un aspect essentiel de cet engagement
est une obligation de «due diligence» (diligence requise) à l’égard d’un génocide éventuel39. La Cour
a décrit celle-ci comme «revêt[ant] une importance cruciale»40. La diligence requise astreint une
partie contractante qui prétend prendre des mesures en vertu de l’obligation de prévenir le génocide
à examiner, sur la base de toutes les informations dont elle dispose, si un génocide est en cours ou
s’il existe un risque grave de génocide.
54. C’est là un engagement qui doit être exécuté de bonne foi41. Ainsi que l’a observé la Cour,
le principe de bonne foi «oblige les Parties à … appliquer [un traité] de façon raisonnable et de telle
sorte que son but puisse être atteint»42. Pour une partie contractante, le fait de procéder abusivement
à une évaluation de l’existence ou du risque de génocide est incompatible avec le principe de bonne
foi. Il serait ainsi abusif, par exemple, qu’une partie contractante prétendant prendre des mesures au
titre de son engagement de prévenir le génocide : i) fabrique des éléments de preuve relatifs à
l’existence d’un génocide ou au risque grave de génocide ; ii) ne tienne pas compte d’éléments de
preuve attestant qu’un génocide n’est pas en cours ou qu’il n’existe pas de risque grave qu’un
génocide soit commis ; et/ou iii) déclare l’existence d’un génocide ou le risque grave qu’un génocide
soit commis lorsqu’une telle déclaration n’est pas objectivement étayée par une appréciation de
bonne foi de l’ensemble des preuves pertinentes et authentiques.
55. Les travaux préparatoires de la convention sur le génocide corroborent cette interprétation
de l’article premier et sont pertinents, au regard de la règle de droit coutumier reflétée à l’article 32
de la convention de Vienne, en tant que moyen complémentaire d’interprétation confirmant le sens
37 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 121, par. 186.
38 Ibid., p. 221, par. 430.
39 Ibid.
40 Ibid.
41 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 26.
42 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
- 14 -
ordinaire des termes employés. Au cours de la rédaction de la convention, les représentants des Etats
ont craint que la convention ne serve de prétexte pour justifier des ingérences et se sont efforcés de
conserver une définition aussi précise que possible du génocide. Une proposition tendant à inclure la
protection des groupes politiques a été rejetée au motif qu’elle aurait «été un prétexte très commode
à une ingérence dans les affaires internes des Etats»43. Les représentants ont également voté le rejet
des propositions de l’URSS tendant à sanctionner toutes les formes de propagande publique visant à
provoquer le génocide et à dissoudre les organisations ayant pour but d’inciter à la haine ou
d’encourager les crimes de génocide parce que, selon les mots du représentant des Etats-Unis, cela
ne ferait que «servir de prétexte à harceler les Etats parties à la convention»44.
56. Il est intéressant que la convention sur le génocide mette nettement l’accent sur la
coopération multilatérale dans les Etats qui s’acquittent de leur engagement de prévenir le génocide,
le dernier alinéa de son préambule soulignant ainsi que «la coopération internationale» est nécessaire
«pour libérer l’humanité [du] fléau … odieux» du génocide. En outre,
a) l’article VIII prévoit qu’un Etat «peut saisir les organes compétents [de l’Organisation] des
Nations Unies afin que ceux-ci prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les
mesures qu’ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide» ;
b) l’article IX dispose que les différends relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
convention «seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’une Partie au
différend».
57. L’article premier de la convention sur le génocide doit être lu dans le contexte de ces
dispositions (conformément à la règle d’interprétation énoncée au paragraphe 1 de l’article 31 de la
convention de Vienne). Aucune de ces dispositions ne commande qu’un Etat ait recours à des
mécanismes internationaux s’il soupçonne qu’un génocide pourrait être en cours45. Cela ressort à
l’évidence de l’emploi du terme permissif «peut» à l’article VIII. L’article IX, malgré l’utilisation du
futur simple («seront»), ne requiert pas qu’une partie contractante saisisse la Cour d’un différend ; il
énonce plutôt sans équivoque que, si l’une des parties à un différend soulevé au titre de la convention
souhaite soumettre celui-ci à un règlement contraignant, la Cour est l’instance dédiée pour ce faire46.
Néanmoins, il est clair que la convention sur le génocide accorde une grande importance au
multilatéralisme et à l’application du droit international. Ce contexte est pertinent pour
l’interprétation de l’article premier. Il vient appuyer une interprétation voulant qu’un Etat doit agir
de manière diligente, raisonnable et de bonne foi lorsqu’il évalue si un génocide est ou non en cours
ou s’il y a ou non un risque grave de génocide, y compris en recourant à des institutions multilatérales
s’il y a lieu. Il est également pertinent pour l’analyse visant à établir quel comportement ne pourrait
pas être justifié par l’engagement de prévenir le génocide, ainsi qu’il est exposé ci-dessous.
43 Hirad Abtahi et Philippa Webb, The Genocide Convention: The Travaux Preparatoires (Martinus Nijhoff, 2008),
vol. I, p. 1230 (M. Katz-Suchy, Pologne).
44 Hirad Abtahi et Philippa Webb, The Genocide Convention : The Travaux Preparatoires (Martinus Nijhoff,
2008), vol II, p. 1800 (M. Maktos, Etats-Unis d’Amérique). Voir aussi ibid., p. 1577 (M. Fitzmaurice, Royaume-Uni)
(relevant que l’amendement proposé par l’URSS, s’il était adopté avec la proposition d’étendre la protection aux groupes
politiques, pourrait «devenir le prétexte de graves abus»).
45 Voir ordonnance du 16 mars 2022, par. 57, évoquant la possibilité, pour une partie contractante, de
«recourir à d’autres moyens d’exécuter son obligation de prévenir et de punir un génocide qui, selon elle,
aurait été commis par une autre partie contractante, par exemple en entamant des discussions bilatérales ou
des échanges de vues dans le cadre d’une organisation régionale».
46 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie
c. Myanmar), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 89.
- 15 -
58. Il découle de l’obligation d’apprécier de bonne foi l’existence d’un génocide ou le risque
de génocide que, lorsqu’un Etat n’a pas procédé à une telle appréciation, il ne peut invoquer, pour
justifier son comportement, l’«engage[ment de] prévenir» le génocide qui figure à l’article premier
de la convention. Une partie contractante ne peut donc invoquer l’article premier pour rendre licite
un comportement qui serait autrement illicite en droit international si elle n’a pas établi, sur une base
objective et selon une appréciation menée de bonne foi de l’ensemble des éléments de preuve
pertinents, qu’un génocide est en cours ou qu’il existe un risque grave qu’un génocide soit commis.
L’«engage[ment de] prévenir» le génocide consacré à l’article premier de la convention sur le
génocide ne permet en aucun cas à un Etat de commettre une agression, des crimes de guerre
ou des crimes contre l’humanité
59. Lorsqu’une partie contractante prétend agir conformément à l’engagement de prévenir le
génocide énoncé à l’article premier, il existe certains types de comportements qui ne peuvent jamais
être justifiés sur la base de cet engagement, notamment les violations de l’interdiction de l’agression,
les violations du droit international humanitaire et les crimes contre l’humanité.
60. L’article premier de la convention sur le génocide ne saurait être interprété comme pouvant
cautionner une agression, des violations du droit international humanitaire ou des crimes contre
l’humanité, notamment pour les raisons ci-après :
a) Bien que l’article premier «ne précise pas quels types de mesures une partie contractante peut
prendre pour s’acquitter de [l’]obligation», les parties contractantes «doivent … exécuter cette
obligation de bonne foi»47.
b) En outre, l’article premier doit être interprété à la lumière de l’objet et du but de la convention48.
Celle-ci était destinée à promouvoir «la loi morale et … l’esprit et [les] fins des Nations Unies»,
a un «but purement humain et civilisateur» et vise à «sanctionner les principes de morale les plus
élémentaires»49.
c) L’article premier doit également être interprété à la lumière des autres règles internationales
applicables entre les parties contractantes50, y compris l’interdiction de l’agression, des crimes de
guerre et des crimes contre l’humanité.
d) Cela est établi de manière incontestable par le fait que ces interdictions ont le statut de règles de
jus cogens du droit international, auxquelles aucune dérogation n’est permise51. Un traité qui
serait en conflit avec ces règles serait nul52.
47 Ordonnance du 16 mars 2022, par. 56.
48 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 31 1).
49 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
50 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 31 3) c).
51 Voir, par exemple, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79 ; TPIY, Le Procureur c. Zoran Kupreškić et consorts, affaire no IT-95-16-T,
jugement (14 janvier 2000), par. 520.
52 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 53, reflétant une règle de droit international coutumier.
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e) Ainsi qu’il a été exposé plus haut, le dernier alinéa du préambule et les articles VIII et IX de la
convention mettent l’accent sur la coopération internationale, le multilatéralisme et le respect du
droit international53.
f) En particulier, les actes entrepris par les parties contractantes pour prétendument remplir leur
engagement de «prévenir et ... punir» le génocide «doivent être conformes à l’esprit et aux buts
des Nations Unies, tels qu’énoncés à l’article 1 de la Charte des Nations Unies»54.
61. Interpréter l’article premier d’une manière qui permettrait à un Etat de commettre une
agression, des violations du droit international humanitaire ou des crimes contre l’humanité sous le
prétexte de prendre des mesures pour prévenir un génocide serait antipode à chacune de ces
considérations.
62. Afin d’éviter toute ambiguïté, le Royaume-Uni fait observer que, lorsqu’elle interprète la
convention sur le génocide, la Cour n’est pas appelée à procéder à une analyse plus approfondie de
la licéité, en droit international, de l’emploi de la force en réponse à, par exemple, de graves crises
humanitaires, y compris en vertu de la doctrine de l’intervention humanitaire.
Les termes «s’engagent … à punir» figurant à l’article premier de la convention sur le génocide
visent uniquement le châtiment d’individus et ne peuvent servir à justifier des actes commis
contre un Etat
63. L’obligation de punir le génocide, consacrée à l’article premier de la convention sur le
génocide, doit être interprétée à la lumière des autres dispositions concernant une telle répression55.
En font partie les articles IV à VI de la convention, tous cités ci-dessus56, ainsi que l’article VII, qui
dispose ce qui suit :
«Le génocide et les autres actes énumérés à l’article III ne seront pas considérés
comme des crimes politiques pour ce qui est de l’extradition.
Les Parties contractantes s’engagent en pareil cas à accorder l’extradition
conformément à leur législation et aux traités en vigueur.»
64. Toutes ces dispositions ont trait à l’exercice de la compétence pénale à l’égard de
personnes accusées d’avoir commis l’un des actes énumérés à l’article III de la convention. Une
partie contractante peut s’acquitter de son obligation de punir le génocide en poursuivant en justice
les personnes accusées de génocide devant ses propres tribunaux pénaux (ce qu’elle est tenue de faire
lorsqu’un génocide ou d’autres actes prévus à l’article III ont eu lieu sur son territoire), en coopérant
avec une juridiction internationale dont elle a accepté la compétence et qui est habilitée à juger ces
personnes, ou en extradant celles-ci pour qu’elles soient jugées dans un autre Etat57.
53 Voir ordonnance du 16 mars 2022, par. 56.
54 Ibid., par. 58.
55 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, art. 31 1) ; Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 226,
par. 439, 441.
56 Voir par. 23-24.
57 Convention sur le génocide, art. VI-VII ; Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 226-227, par. 442-443.
- 17 -
65. Cette interprétation du membre de phrase «s’engagent … à punir» figurant à
l’article premier est compatible avec le sens ordinaire du mot «punir», qui suggère un exercice du
pouvoir pénal sur un individu et, en droit international, n’est pas employé en lien avec les
comportements entre Etats. En conséquence, l’engagement de punir le génocide ne pourrait justifier
aucun comportement d’un Etat contre un autre Etat.
[6]. DOCUMENTS FOURNIS À L’APPUI DE LA DÉCLARATION
66. Le Royaume-Uni soumet les documents suivants à l’appui de sa déclaration :
a) annexe A ⎯ lettre adressée à l’ambassade du Royaume-Uni aux Pays-Bas par le greffier en
application du paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour ;
b) annexe B ⎯ instrument d’adhésion du Royaume-Uni à la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide.
[7]. CONCLUSION
67. Au vu de ce qui précède, le Royaume-Uni prie respectueusement la Cour de dire que cette
déclaration est recevable et qu’il exerce son droit d’intervenir en la présente instance au titre du
paragraphe 2 de l’article 63 du Statut de la Cour.
68. Le Royaume-Uni se réserve le droit de modifier ou compléter la présente déclaration au
cours des exposés écrits et oraux et en déposant une autre déclaration auprès de la Cour.
L’agente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,
(Signé) Sally LANGRISH.
Le coagent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,
(Signé) Paul MCKELL.
___________
- 18 -
CERTIFICATION
[Traduction]
Je certifie par la présente que les annexes jointes à la présente déclaration sont des copies
conformes des documents originaux.
L’agente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,
(Signé) Sally LANGRISH.
Le coagent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,
(Signé) Paul MCKELL.
___________
ANNEXE A
LETTRE ADRESSÉE À L’AMBASSADE DU ROYAUME-UNI AUX PAYS-BAS
PAR LE GREFFIER DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
156413 Le 30 mars 2022
J'ai l'honneur de me referer A ma lettre (n° 156253) en date du 2 mars 2022, par laquelle j'ai
porte A la connaissance de votre Gouvernement que l'Ukraine a, le 26 fevrier 2022, depose au Greffe
de la Cour internationale de Justice une requete introduisant une instance contre la Federation de
Russie en l'affaire relative A des Allegations de genocide au titre de la convention pour la prevention
et la repression du crime de genocide (Ukraine c. Federation de Russie). Une copie de la requete etait
jointe a cette lettre. Le texte de ladite requete est egalement disponible sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«[1]orsqu'il s'agit de 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans delai».
Le paragraphe 1 de l'article 43 du Reglement de la Cour precise en outre que
«[1]orsque 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres Etats que
les parties en litige peut etre en cause au sens de l'article 63, paragraphe 1, du Statut, la
Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matiere».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont ete donnees conformement a cette derniere
disposition, j'ai l'honneur de notifier a votre Gouvernement ce qui suit.
Dans la requete susmentionnee, la convention de 1948 pour la prevention et la repression du
crime de genocide (ci-apres la «convention sur le genocide») est invoquee A la fois comme base de
competence de la Cour et a l'appui des demandes de l'Ukraine au fond. Plus precisement, celle-ci
entend fonder la competence de la Cour sur la clause compromissoire figurant A l'article IX de la
convention, prie la Cour de declarer qu'elle ne commet pas de genocide, tel que defini aux articles II
et III de la convention, et souleve des questions sur la portee de l'obligation de prevenir et de punir
le genocide consacree A Particle premier de la convention. Ii semble, des lors, que "'interpretation de
cette convention pourrait etre en cause en l'affaire.
./.
[Lettres aux Etats parties A la convention sur le genocide
(A l'exception de l'Ukraine et de la Federation de Russie)]
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays -Bas
Telephone: +31 (0) 70 302 23 23 - Facsimile : +31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Carnegieplein 2
2517 KJ The Hague - Netherlands
Telephone: +31(0) 70 302 23 23 - Telefax: +31(0) 70 364 99 28
Website: www.icj-cij.org
COUR INTERNATIONALE INTERNATIONAL COURT
DE JUSTICE OF JUSTICE
Votre pays figure sur la liste des parties A la convention sur le genocide. Aussi la presente lettre
doit-elle etre regardee comme constituant la notification prevue au paragraphe 1 de l'article 63 du
Statut. J'ajoute que cette notification ne prejuge aucune question concernant l' application eventuelle
du paragraphe 2 de Particle 63 du Statut sur laquelle la Cour pourrait par la suite etre appelee A se
prononcer en l'espece.
Veuillez agreer, Excellence, les assurances de ma tres haute consideration.
Le Greffier de la Cour,
Philippe Gautier
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ANNEXE B
INSTRUMENT D’ADHÉSION DU ROYAUME-UNI À LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION
ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE EN DATE DU 24 FÉVRIER 1970
Déclaration d'intervention du Royaume-Uni