Documents nouveaux soumis par la Colombie après la clôture de la procédure écrite

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155-20210909-OTH-01-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
Lettre du 9 septembre 2021 adressée au greffier par le coagent de la Colombie
[Traduction]
J’ai l’honneur de me référer à l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie) ainsi qu’à votre lettre (no 155259) en date du 1er septembre 2021 par laquelle la République de Colombie a été informée de la décision de la Cour d’autoriser le Nicaragua à produire une deuxième série de nouveaux documents sous la forme de deux (2) annexes, comme il en avait formulé la demande le 30 juillet 2021. Faisant suite à ses lettres datées des 16 et 18 août 2021, la République de Colombie fait part de ses commentaires au sujet des nouveaux documents produits par le Nicaragua et présente, à l’appui desdits commentaires, des documents supplémentaires, conformément au paragraphe 3 de l’article 56 du Règlement de la Cour.
Veuillez agréer, etc.
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Attestation
Je soussigné, coagent de la République de Colombie, certifie que la traduction anglaise des documents en espagnol figurant dans la liste ci-après, auxquels la Colombie fait référence dans ses commentaires sur les documents déposés le 30 juillet 2021 par le Nicaragua en l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), ont été traduits en anglais et que leur traduction est fidèle et exacte. Une copie en langue originale de tous ces documents, mentionnés dans les commentaires de la Colombie, est également fournie à la Cour.
Liste des annexes traduites en anglais (non traduites en français)
Annexe 1 Interview to the Agent of Nicaragua (2 February 2021).
Annexe 2 Statements by Nicaraguan scientists and environmentalists in media reports:
a) Media report by La Prensa (28 January 2021).
b) Media report by EFE Verde (29 January 2021).
c) Media report by 100% Noticias (29 January 2021).
Le coagent de la République de Colombie
(Signé) Manuel José CEPEDA ESPINOSA.
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Commentaires de la République de Colombie sur les nouveaux documents additionnels du Nicaragua
TABLE DES MATIÈRES
Page
A. Introduction ................................................................................................................................... 1
B. La Cour n’est pas compétente pour connaître des faits dont il est question dans les nouveaux documents ..................................................................................................................................... 2
C. La Colombie n’a violé ni les droits souverains ni les espaces maritimes du Nicaragua ............... 4
1) Teneur de la correspondance diplomatique concernant la «réserve de biosphère des Caraïbes nicaraguayennes» ...................................................................................................... 4
D. Conclusions ................................................................................................................................. 11
Liste des annexes .............................................................................................................................. 12
A. Introduction
1. En l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), la République de Colombie a été informée, par lettre du greffier en date du 1er septembre 2021, de la décision de la Cour d’autoriser le Nicaragua à produire une deuxième série de nouveaux documents, sous la forme de deux (2) annexes, comme il en avait formulé la demande le 30 juillet 20211.
2. Faisant suite à la lettre susmentionnée, et en application du paragraphe 3 de l’article 56 du Règlement de la Cour, la République de Colombie fait part de ses commentaires sur lesdits documents et joint à l’appui un certain nombre de documents supplémentaires.
3. En guise de remarque préliminaire, la Colombie fait observer qu’elle ne comprend toujours pas quelles circonstances exceptionnelles ont conduit le Nicaragua à présenter ces nouveaux documents à un stade aussi tardif de la procédure, alors qu’elle-même a déjà presque achevé de se préparer pour les audiences. En effet, que ce soit dans sa demande du 30 juillet 2021 ou dans ses commentaires inopportuns2 sur les observations faites par la Colombie au sujet de ladite demande, le Nicaragua n’a fourni ni les raisons pour lesquelles ces documents étaient nécessaires ni celles pour lesquelles ils n’avaient pu être soumis plus tôt. En outre, la Colombie a disposé de neuf jours à peine pour formuler ses commentaires à leur sujet.
4. La Colombie rappelle pour sa part qu’elle participe à la présente procédure de bonne foi et en respectant les dispositions du Statut et du Règlement de la Cour concernant la présentation des écritures et des moyens de preuve.
5. Les commentaires de la Colombie se divisent en trois parties principales (B, C et D). Dans la partie B, la Colombie examine l’absence de compétence de la Cour à l’égard des faits dont il est question dans les nouveaux documents. Dans la partie C, elle explique, au sujet de ces documents, qu’elle n’a violé ni les droits souverains ni les espaces maritimes du Nicaragua. La partie D, enfin, présente les conclusions de la Colombie concernant les affirmations avancées par le demandeur sur la base desdits documents.
B. La Cour n’est pas compétente pour connaître des faits dont il est question dans les nouveaux documents
6. La deuxième série de nouveaux documents par lesquels le Nicaragua tente, une fois encore, de compléter son argumentation se résume à une note diplomatique de la Colombie en date du 15 février 2021 (annexe 3 du Nicaragua)3 et la réponse du demandeur à cette note, datée du 16 février 2021 (annexe 4 du Nicaragua).
7. Ces notes concernent une loi promulguée par l’Assemblée nationale nicaraguayenne quelques jours auparavant, le 2 février 2021, portant création de ce que le Nicaragua appelle la
1 Note du Nicaragua no HOL-EMB-384-2021 en date du 30 juillet 2021.
2 Note du Nicaragua no HOL-EMB-418-2021 en date du 17 août 2021.
3 Les versions espagnole et anglaise de l’annexe 4 soumise par le Nicaragua sont différentes. Dans la première, le demandeur indique que la note de la Colombie porte le numéro «S-DRVE-21-003007», tandis que, dans la seconde, il indique qu’elle porte le numéro «S-DVRE-21-003007».
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«réserve de biosphère des Caraïbes nicaraguayennes». Cette loi ne faisait l’objet d’aucun différend entre les Parties lorsque le Nicaragua a déposé sa requête, le 26 novembre 2013, et n’a aucun lien avec les revendications initiales du demandeur. Comme elle l’a relevé dans son arrêt en l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), la Cour
«ne saurait prendre en considération des actes qui se sont produits après la date à laquelle le différend entre les Parties s’est cristallisé, à moins que ces activités ne constituent la continuation normale d’activités antérieures et pour autant qu’elles n’aient pas été entreprises en vue d’améliorer la position juridique des Parties qui les invoquent (voir la sentence arbitrale rendue en l’affaire de la Palena, International Law Reports (ILR), vol. 38, p. 79-80)»4.
8. La promulgation de ladite loi s’est produite bien après que le différend entre les Parties se fut cristallisé. Il s’agit manifestement d’une manoeuvre intéressée du Nicaragua, qui cherche à démontrer qu’il est sensible aux questions d’environnement. On ne peut y voir la continuation normale d’actes antérieurs. La Cour ne devrait donc pas en tenir compte en l’espèce.
9. En outre, comme elle l’a expliqué dans son contre-mémoire, sa duplique et ses observations du 16 décembre 2019, la Colombie a cessé d’être liée par le traité américain de règlement pacifique (ci-après le «pacte de Bogotá») le 27 novembre 2013. En application des articles XXXI et LVI de cet instrument, elle n’a pas consenti à la compétence de la Cour pour statuer sur des faits survenus après sa dénonciation du pacte.
10. Par conséquent, même si les nouveaux documents produits par le Nicaragua ont été versés au dossier de la présente instance, cela ne donne pas compétence à la Cour pour connaître des faits qui y sont mentionnés. La Colombie estime que la Cour n’est pas compétente à l’égard desdits faits, qui se sont déroulés plus de sept ans après qu’elle a eu cessé d’être liée par le pacte de Bogotá.
11. Néanmoins, même si la Cour devait se déclarer compétente pour se prononcer sur lesdits faits (quod non), ceux-ci ne prouvent aucunement qu’il y ait eu violation, par la Colombie, des droits souverains ou des espaces maritimes du Nicaragua.
C. La Colombie n’a violé ni les droits souverains ni les espaces maritimes du Nicaragua
12. Le Nicaragua considère que les documents qu’il a soumis à la Cour sont utiles pour montrer que «la Colombie continue de violer ses droits souverains et espaces maritimes dans la mer des Caraïbes en dépit de l’arrêt de la Cour du 19 novembre 2012 et, partant, de ne pas respecter l’arrêt lui-même»5. Pourtant, dans sa lettre du 30 juillet 2021, il n’explique nullement comment une note diplomatique peut emporter violation de ses droits, ni quels droits souverains auraient été violés par la Colombie dans le cadre d’un simple échange de correspondance diplomatique.
13. Comme il a été dit précédemment, les annexes 3 et 4 jointes à la lettre de l’agent du Nicaragua concernent une loi, promulguée par l’Assemblée nationale nicaraguayenne le 2 février 2021, portant création d’une «réserve de biosphère des Caraïbes nicaraguayennes» dont certaines
4 Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 682, par. 135.
5 Note du Nicaragua no HOL-EMB-384-2021 en date du 30 juillet 2021, p. 1.
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zones chevauchent celles de la réserve de biosphère Seaflower reconnue depuis 2000 par l’UNESCO dans le cadre du programme sur l’Homme et la biosphère6.
14. Il convient de noter que c’est le Nicaragua lui-même qui allait à l’encontre du droit international, ce qui explique que la Colombie lui ait adressé la note diplomatique du 15 février 2021 pour protester contre la loi en question (annexe 3), à laquelle le Nicaragua a répondu par une autre note diplomatique (annexe 4).
1) Teneur de la correspondance diplomatique concernant la «réserve de biosphère des Caraïbes nicaraguayennes»
15. La note diplomatique de la Colombie comprend neuf (9) paragraphes : le premier et le dernier sont protocolaires, les sept (7) autres appellent les commentaires ci-après.
Paragraphe 2 :
16. Le deuxième paragraphe se lit comme suit :
«Le Gouvernement de la Colombie s’oppose résolument à cet acte unilatéral du Nicaragua. La loi susmentionnée promulguée par l’organe législatif nicaraguayen (à la suite d’une demande de procédure accélérée du président Daniel Ortega) fait délibérément fi de l’existence de la réserve de biosphère Seaflower, désignée ainsi en 2000 par l’UNESCO — institution spécialisée des Nations Unies —, et des progrès accomplis, grâce à celle-ci, dans le domaine de la protection de l’environnement. La proclamation de la réserve nicaraguayenne ne satisfait pas aux exigences et procédures strictes fixées sous l’égide d’organes internationaux en matière de reconnaissance de zones et lieux d’intérêt spécial et de protection environnementale. Cette décision du Nicaragua ne [produit aucun effet à l’égard d’] Etats tiers comme la Colombie.»
Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 2 :
17. Le Nicaragua ignore l’existence de la réserve de biosphère Seaflower, pourtant internationalement reconnue : sa promulgation de la loi no 1059 et sa réponse à la note diplomatique de la Colombie en sont la preuve. L’agent du Nicaragua l’a également confirmé en déclarant, lors d’une interview le 2 février 2021, que «[l]a réserve Seaflower … n’exist[ait] plus en tant que telle»7. Le Nicaragua choisit manifestement — et unilatéralement — de fouler aux pieds une initiative environnementale reconnue par la communauté internationale, et plus particulièrement par l’UNESCO, en faveur d’une réserve de biosphère dont l’existence ne fait aucun doute.
18. Le Nicaragua sape ainsi les efforts déployés par la Colombie et la communauté internationale pour protéger le milieu marin dans le sud-ouest de la mer des Caraïbes. La loi qu’il a promulguée ne contient aucune information concernant sa mise en application ou la réglementation prévue pour protéger la réserve de biosphère nicaraguayenne. De fait, à l’heure où nous rédigeons
6 Le site Seaflower a été officiellement intégré au réseau mondial des réserves de biosphère par le Conseil international de coordination du Programme sur l’homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO lors de sa seizième session, tenue en novembre 2000. Voir «Programme sur l’homme et la biosphère (MAB), seizième session, siège de l’UNESCO, Paris, 6-10 novembre 2000 : rapport final», doc. SC.2000/CONF.208/CLD.16, p. 21, par. 122, accessible à l’adresse suivante : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000122703_fre (en français) ou https://unesdoc.unesco.org/ark:/ 48223/pf0000122703 (en anglais) (dernière consultation le 7 septembre 2021).
7 Annexe 1.
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ces lignes et selon les informations publiées au journal officiel du Nicaragua («La Gaceta – Diario Oficial»), ladite loi n’a été suivie d’aucune mesure notable ou concrète en faveur de la protection de l’environnement.
19. Par cet acte intéressé, accompli uniquement pour les besoins de la cause, le Nicaragua montre clairement qu’il n’a cure de la protection de l’environnement. Cette loi, qui n’est en réalité qu’une façade puisqu’elle ne s’accompagne de nulle réglementation concrète, a pour effet de laisser un écosystème important à la merci d’intérêts économiques.
20. La communauté scientifique et écologique nicaraguayenne elle-même a fait observer que cette loi était conçue pour offrir un cadre juridique à l’exploitation des hydrocarbures dans la zone concernée. Ce constat, ainsi que le fait que le Nicaragua a choisi de promulguer ladite loi dans un délai excluant toute possibilité de conduire une quelconque étude, comme l’exige pourtant la réglementation nicaraguayenne dans ce domaine, et le bilan déplorable de ce pays en matière de protection de l’environnement dans ses réserves de biosphère existantes, sont autant de raisons qui ont poussé la Colombie à émettre une protestation8.
Paragraphe 3 :
21. Le troisième paragraphe se lit comme suit :
«Outre ce qui précède, sous le prétexte d’une mesure de protection de l’environnement, le Nicaragua s’arroge unilatéralement des droits qui ne lui reviennent pas selon le droit international, dont celui de déterminer l’étendue des mers territoriales de plusieurs îles de l’archipel de San Andrés, Providencia et Santa Catalina, et celui de passer outre aux effets que le droit international reconnaît à ces dernières.»
Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 3 :
22. Le Nicaragua prétend déterminer unilatéralement l’étendue des mers territoriales de plusieurs îles colombiennes — prérogative qui ne lui appartient pas en droit international — et passer outre aux effets que le droit international reconnaît à ces îles.
23. Ainsi, le Nicaragua décrète unilatéralement que Quitasueño et Serrana sont entourées d’une mer territoriale de 12 milles marins. Ayant néanmoins conscience d’être en tort, il s’efforce de reconnaître, dans sa réponse à la note de la Colombie, qu’il «se content[e] … de représenter ces espaces à titre indicatif»9.
Paragraphe 4 :
24. Le quatrième paragraphe se lit comme suit : «De surcroît, le Nicaragua s’octroie indûment des pouvoirs, en violation du droit international et au détriment des droits de la Colombie dans l’archipel et de ceux de ses habitants, notamment la communauté raizale.»
8 Annexes 2 a), b) et c).
9 Annexe 4 du Nicaragua, par. 4.
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Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 4 :
25. Ainsi que les juridictions internationales le reconnaissent et que la Colombie l’a exposé dans ses écritures, il existe un lien indissoluble entre la protection de l’environnement et le bien-être des communautés humaines. Lorsque l’environnement en cause est celui de communautés aussi vulnérables que le sont les habitants de l’archipel, et en particulier les Raizals, la nécessité de le protéger doit faire l’objet de la part des Etats d’une diligence encore accrue10.
26. Comme l’a relevé la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans un avis consultatif qu’elle a rendu en 2017, il existe «un lien indéniable entre protection de l’environnement et exercice effectif d’autres droits de l’homme, lien découlant de ce que la dégradation de l’environnement et [l]es effets négatifs [du changement climatique] portent atteinte à la jouissance effective des droits de l’homme»11. La Cour interaméricaine avait alors insisté sur le devoir qui incombe aux Etats de respecter ce lien, et notamment l’obligation de prévenir les dommages graves à l’environnement, sur leur territoire comme en dehors de celui-ci.
27. Il s’ensuit que la loi promulguée par le Nicaragua, laquelle, comme il a été dit précédemment, n’est nullement motivée par une intention véritable de protéger l’environnement et qui tend à saper les progrès reconnus à l’échelle internationale, notamment ceux accomplis grâce à la réserve de biosphère Seaflower, met en péril les Raizals et les autres communautés qui vivent sur l’archipel de San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Les protestations émises par la Colombie à cet égard s’entendent comme un rappel de l’obligation des Etats — en particulier ceux qui sont parties à la convention américaine relative aux droits de l’homme, comme la Colombie et le Nicaragua — d’agir dans le respect de la protection de l’environnement, qui touche aux droits des communautés humaines susmentionnées.
Paragraphe 5 :
28. Le paragraphe 5 se lit comme suit :
«Par ailleurs, la Colombie s’oppose à ce que le Nicaragua désigne certaines portions de la mer des Caraïbes comme si elles faisaient partie de son territoire, en utilisant l’expression «Caraïbes nicaraguayennes» dans l’intitulé de la loi, ce qui est manifestement contraire au droit international.»
Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 5 :
29. Le Nicaragua désigne certaines portions de la mer des Caraïbes comme si elles faisaient partie de son territoire, ainsi que cela ressort clairement de l’intitulé de la loi et de sa réponse aux protestations soulevées par la Colombie, dans laquelle il déclare que «les eaux dans lesquelles se trouve la réserve de biosphère des Caraïbes nicaraguayennes font incontestablement partie [du] territoire caribéen [du Nicaragua]»12. Cette allégation montre à nouveau que la conception que le Nicaragua se fait de ses droits sur les espaces maritimes est contraire au droit international. Le Nicaragua estime disposer, au-delà de sa mer territoriale de 12 milles marins, d’une souveraineté
10 Contre-mémoire de la Colombie, chapitre 3, section C, sous-section 3 ; duplique de la Colombie, chapitre 2, section D, sous-section 4, b).
11 Cour interaméricaine des droits de l’homme, avis consultatif OC-23/17 du 15 novembre 2017, par. 47 [Traduction du Greffe] ; duplique de la Colombie, chapitre 2, section D, sous-section 4, b).
12 Annexe 4 du Nicaragua, par. 3 (les italiques sont de nous).
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entière et illimitée qui dépasse les droits souverains et la juridiction limités que le droit international reconnaît aux Etats côtiers13.
30. Compte tenu de la conception erronée et contraire au droit international que le Nicaragua se fait du droit de la mer, il n’est pas surprenant que la Colombie ait soulevé une protestation.
Paragraphe 6 :
31. Le paragraphe 6 se lit comme suit :
«Enfin, par sa proclamation, le Nicaragua tente une nouvelle fois de créer un état de fait en vue de l’ouverture prochaine de la procédure orale en l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), qui est actuellement en instance devant la Cour internationale de Justice. Il s’agit ainsi assurément pour lui de feindre devant la Cour de respecter les normes relatives aux droits de l’homme et à l’environnement, dont la communauté internationale sait pourtant pertinemment qu’il en fait systématiquement litière.»
Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 6 :
32. Jamais auparavant le Nicaragua n’avait estimé nécessaire de promulguer une telle loi et il avait même tenté d’écarter toute connotation environnementale de la présente procédure, en affirmant que «[n]i les prétendues «caractéristiques spécifiques» du secteur concerné de la mer des Caraïbes … ni les droits et devoirs des Parties en matière de préservation et de protection de l’environnement … ne sont pertinents en l’espèce»14.
33. Au vu de cette position, il est évident que la promulgation par le Nicaragua de la loi 1059 portant création de sa réserve de biosphère constitue une tentative intéressée post facto pour se présenter, peu avant l’ouverture des audiences, comme un Etat responsable à l’égard de l’environnement. Or son comportement antérieur dément qu’il se soucie de ces questions.
34. De fait, les éléments de preuve versés au dossier montrent l’exact contraire de ce que le Nicaragua tente à présent de démontrer. La Colombie a donné plusieurs exemples de cas où il était attesté que des pêcheurs nicaraguayens recouraient à des pratiques destructrices et illicites dans la réserve de biosphère Seaflower ou causaient une pollution marine dans cette zone extrêmement fragile15.
35. A l’inverse, le Nicaragua n’a pas produit un seul élément prouvant qu’il ait jamais tenté de mettre fin à ces pratiques ou de les prévenir. La loi 1059 semble un exemple supplémentaire d’une lex simulata adoptée par le Nicaragua, c’est-à-dire une loi qui paraît applicable mais qui n’est pas destinée à être mise en oeuvre et qui feint de respecter les obligations internationales en matière de protection de l’environnement sans prévoir de mesures concrètes à cet effet.
13 Ce fait a déjà été relevé par la Colombie dans ses écritures (voir contre-mémoire de la Colombie, chapitre 3 ; duplique de la Colombie, chapitre 1 ; et observations de la Colombie du 16 décembre 2019, par. 82).
14 Réplique du Nicaragua, par. 1.12.
15 Contre-mémoire de la Colombie, chapitre 8.
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Paragraphe 7 :
36. Le paragraphe 7 se lit comme suit : «Je tiens à cette occasion à [répéter] que la Colombie ne ménagera aucun effort pour défendre devant des organes internationaux les plus hauts intérêts de la nation, notamment les droits des Colombiens, dont ceux de la population raizale comme de tous les habitants de l’archipel.»
Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 7 :
37. A l’instar de tout autre Etat, la Colombie est en droit de recourir à tout moyen légitime prévu par le droit international pour défendre ses droits et ses intérêts, ainsi que ceux de sa population, notamment la communauté raizale et les habitants de l’archipel.
38. La procédure devant la Cour internationale de Justice est l’un de ces moyens, et, en l’espèce, par ses demandes reconventionnelles, la Colombie a porté à l’attention de la Cour l’existence des droits de pêche traditionnels et de l’habitat naturel des Raizals, ainsi que leur pertinence et la nécessité de les protéger.
Paragraphe 8 :
39. Le paragraphe 8 se lit comme suit :
«Le Gouvernement de la Colombie saisit cette occasion pour réaffirmer sa volonté de promouvoir un dialogue ouvert avec les Etats du sud-ouest de la mer des Caraïbes en vue de continuer à adopter les meilleures normes en matière de protection et de conservation des espaces maritimes et des ressources de la réserve de biosphère Seaflower établie sous les auspices de l’UNESCO.»
Commentaires de la Colombie sur le paragraphe 8 :
40. Pour protéger efficacement l’environnement dans le sud-ouest de la mer des Caraïbes, les Etats doivent coopérer. Un tel engagement est notamment prévu dans la convention de Carthagène, à laquelle la Colombie et le Nicaragua sont tous deux parties et dont le paragraphe 1 de l’article 4 dispose ce qui suit :
«Les Parties contractantes prennent, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées conformes au droit international et aux dispositions de la présente Convention et de ses protocoles auxquels elles sont parties pour prévenir, réduire et combattre la pollution de la zone d’application de la Convention et pour assurer une gestion rationnelle de l’environnement, en mettant en oeuvre à cette fin les moyens les mieux adaptés dont elles disposent, en fonction de leurs capacités.» [Traduction du Greffe.]
41. En outre, dans l’avis consultatif de 2017 susmentionné, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a relevé ce qui suit :
«Dans le but de respecter et de garantir les droits à la vie et à l’intégrité de la personne des populations relevant de leur juridiction, les Etats ont l’obligation de
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coopérer, de bonne foi, à la protection contre les dommages transfrontières importants causés à l’environnement.»16
42. La Colombie a toujours cherché à collaborer avec d’autres Etats et l’UNESCO, abordant les questions environnementales en partant du principe que les écosystèmes constituent des ensembles interdépendants dont la protection est le mieux assurée lorsque les mesures prises à cet effet sont le fruit d’une concertation, d’une coopération et d’une collaboration. Elle a constamment manifesté sa volonté de coopérer en ce sens, et le paragraphe 8 de sa note diplomatique n’est autre qu’une nouvelle expression de cette volonté. Le Nicaragua, au contraire, méconnaît tant la convention de Carthagène que les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qu’il passe systématiquement sous silence dans ses écritures en la présente affaire comme dans sa loi 1059.
D. Conclusions
43. En conclusion, la République de Colombie réaffirme sa préoccupation face aux tentatives que fait le Nicaragua pour dénaturer les faits en vue d’étayer artificiellement son argumentation. Il s’agit d’une préoccupation dont elle a déjà fait part plusieurs fois au Nicaragua, par la voie diplomatique, notamment dans sa note du 15 février 202117.
44. La loi nicaraguayenne en cause, qui n’est nullement motivée par une intention véritable de protéger l’environnement, méconnaît et sape les progrès accomplis grâce à une réserve de biosphère de renommée internationale, la réserve de biosphère Seaflower.
45. La Colombie réaffirme également que le Nicaragua méconnaît le droit international en désignant certaines eaux situées au-delà de sa mer territoriale comme faisant partie de son territoire maritime et en prétendant déterminer de manière unilatérale l’étendue des mers territoriales de plusieurs îles colombiennes, entre autres violations du droit international qui ont suscité la protestation diplomatique de la Colombie.
46. Il ressort aussi clairement de ce qui précède que la Colombie n’a pas violé les droits souverains et les espaces maritimes du Nicaragua.
Liste des annexes18
Annexe 1 Interview to the Agent of Nicaragua (2 February 2021).
Annexe 2 Statements by Nicaraguan scientists and environmentalists in media reports:
a) Media report by La Prensa (28 January 2021).
16 Cour interaméricaine des droits de l’homme, avis consultatif OC-23/17 du 15 novembre 2017, par. 244(7) [Traduction du Greffe] ; duplique de la Colombie, par. 2.105.
17 Voir, par exemple, les observations de la République de Colombie relatives aux documents nouveaux produits par le Nicaragua, 16 décembre 2019, annexe 5, par. 7.
18 Il est rappelé que, conformément au paragraphe 3 de l’article 51 du Règlement de la Cour, seuls certains passages pertinents des documents suivants ont été traduits et joints en annexe, leur teneur étant directement liée à celle des commentaires de la Colombie sur les nouveaux documents du Nicaragua.
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b) Media report by EFE Verde (29 January 2021).
c) Media report by 100% Noticias (29 January 2021).
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