Mémoire du Guyana - Volume I

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171-20181119-WRI-01-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel

16061

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

SENTENCE ARBITRALE DU 3 OCTOBRE 1899

(GUYANA c. VENEZUELA)

MÉMOIRE DE LA RÉPUBLIQUE COOPÉRATIVE DU GUYANA

VOLUME I

19 novembre 2018

[Traduction du Greffe]

TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE I. INTRODUCTION .............................................................................................................. 1 
I. Rappel historique ....................................................................................................................... 3 
II. Structure du mémoire ............................................................................................................... 8 
CHAPITRE II. LES ÉLÉMENTS DE FAIT PERTINENTS AU REGARD DE LA COMPÉTENCE DE LA
COUR ............................................................................................................................................. 9 
I. Négociation et conclusion de l’accord de Genève : 1962-1966 .............................................. 10 
A. Communiqué commun de 1963 et examen tripartite de la position du Venezuela :
1963-1965 ......................................................................................................................... 11 
B. Conférence de Londres : 9-10 décembre 1965 .................................................................. 13 
C. Conférence de Genève : 16-17 février 1966 ..................................................................... 14 
1. Préambule ..................................................................................................................... 15 
2. Article I (commission mixte) ........................................................................................ 16 
3. Article IV ...................................................................................................................... 16 
D. Conclusion de l’accord de Genève : 1966 ......................................................................... 20 
II. Application de l’accord de Genève : 1966-2018 .................................................................... 22 
A. Articles I à III de l’accord de Genève : la commission mixte (1966-1970) ...................... 22 
B. Suspension de l’article IV de l’accord de Genève en application du protocole de
Port of Spain : 1970-1982. ................................................................................................ 24 
C. Incapacité des Parties à s’entendre, conformément au paragraphe 1 de l’article IV
de l’accord de Genève, sur «un des moyens de règlement pacifique énoncés à
l’article 33 de la Charte des Nations Unies» : 1982 .......................................................... 26 
D. Renvoi au Secrétaire général de l’ONU du choix du moyen de règlement,
conformément au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève : 1983 ................. 28 
E. Procédure des bons offices : 1990-2014 ............................................................................ 29 
F. Violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Guyana ............................... 31 
G. Epuisement de la procédure des bons offices et décision du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies de recourir à la Cour internationale de Justice
pour régler le différend : 2014-2018 ................................................................................. 32 
1. Absence de progrès sur la voie d’un règlement dans le cadre de la procédure des
bons offices : 2014-2015 ............................................................................................ 32 
2. Consultation des Parties par le Secrétaire général de l’ONU : 2015-2016 ................... 34 
3. Décision du Secrétaire général de l’ONU de reconduire la procédure des bons
offices pour une année supplémentaire : 15 décembre 2016 ...................................... 35 
4. Nomination par le Secrétaire général de l’ONU de Dag Nylander comme
représentant personnel pour la dernière année de la procédure des bons offices :
2017 ............................................................................................................................ 38 
5. Absence de progrès significatifs en 2017 ..................................................................... 39 
- ii -
6. Décision du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de choisir la Cour
comme prochain moyen de règlement : 30 janvier 2018 ............................................ 40 
CHAPITRE III. LA COUR A COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DES DEMANDES DU GUYANA .............. 42 
I. Introduction.............................................................................................................................. 42 
II. Objet et but de l’accord de Genève ........................................................................................ 44 
III. Interprétation du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève .................................. 47 
A. La procédure de règlement prévue au paragraphe 2 de l’article IV .................................. 49 
B. Le renvoi à l’article 33 de la Charte des Nations Unies et son effet ................................. 53 
C. Le renvoi du choix du moyen de règlement au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations unies .............................................................................................................. 56 
IV. La Cour a compétence à l’égard du différend ....................................................................... 62 
A. Consentement vénézuélien à la compétence ..................................................................... 63 
B. Distinction entre compétence et saisine ............................................................................ 67 
C. Champ de la compétence ratione materiae de la Cour ..................................................... 69 
CONCLUSIONS .................................................................................................................................. 74 

___________

CHAPITRE I

INTRODUCTION

1.1. La République coopérative du Guyana (ci-après le «Guyana») a introduit la présente
1

instance contre la République bolivarienne du Venezuela (ci-après le «Venezuela») par voie de
requête déposée devant la Cour le 29 mars 2018. Dans sa requête, le Guyana prie la Cour de régler
le différend survenu du fait de la position du Venezuela, officiellement exprimée pour la première
fois dans l’enceinte de l’Organisation des Nations Unies en 1962, selon laquelle la sentence
arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis
du Venezuela (ci-après la «sentence de 1899» ou la «sentence») est «nulle et non avenue». Sur la
question de la compétence, le Guyana a invoqué la décision prise le 30 janvier 2018 par le
Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de choisir la Cour comme moyen de règlement du
différend, dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été conférés en vertu de l’accord entre les
Parties, tel qu’il ressort du paragraphe 2 de l’article IV de l’«Accord tendant à régler le différend
entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la
frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique», signé à Genève le 17 février 1966 (ci-après
l’«accord de Genève»)
1
.

1.2. Par ordonnance en date du 19 juin 2018, rendue après une rencontre entre les Parties au
cours de laquelle le Venezuela a fait savoir qu’il ne participerait pas à la procédure, la Cour a
décidé qu’il devait être statué séparément, avant toute procédure sur le fond, sur la question de sa
compétence. En conséquence, elle a fixé respectivement au 19 novembre 2018 et au 18 avril 2019
les dates d’expiration des délais pour le dépôt d’un mémoire du Guyana et d’un contre-mémoire du
Venezuela relatifs à cette question. Le présent mémoire est soumis en application de ladite
ordonnance.
2

1.3. Le Guyana est un petit Etat en développement, situé dans la partie nord-est du continent
sud-américain. Il fut colonisé au XVII
e
siècle par les Pays-Bas, qui en 1814 cédèrent le territoire
(qui comprenait alors trois colonies) au Royaume-Uni. En 1831, les trois colonies furent réunies
pour ne plus en former qu’une  la «Guyane britannique», qui allait, pendant les cent trente-cinq
années suivantes, être administrée par le régime britannique. Le Guyana accéda à l’indépendance le
26 mai 1966. Aujourd’hui, c’est en superficie le troisième plus petit pays d’Amérique du Sud et il
arrive au deuxième rang des pays les moins peuplés du continent. Par comparaison, le Venezuela
voisin possède une superficie plus de quatre fois supérieure et une population plus de quarante fois
plus nombreuse. Il est, en outre, doté d’abondantes ressources naturelles (renfermant, selon
certaines sources, les plus grandes réserves nationales avérées de pétrole au monde)
2
.

1.4. La requête du Guyana fait suite à la répudiation par le Venezuela d’une sentence
arbitrale contraignante, rendue par un tribunal arbitral international composé d’éminents juristes au
titre de la compétence qui leur était conférée par le «Traité entre la Grande-Bretagne et les
Etats-Unis du Venezuela relatif au règlement de la question de la frontière entre la colonie de la

1
3

Accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du
Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique, Nations Unies, Recueil des traités (RTNU),
vol. 561, p. 328 (17 février 1966) (ci-après l’«accord de Genève»). Requête du Guyana (ci-après «ReG»), annexe 4.
2
Voir World Atlas, The World’s Largest Oil Reserves by County (23 octobre 2018), accessible à l’adresse
suivante : https://www.worldatlas.com/articles/the-world-s-largest-oil-reserves-by… (dernière consultation le
3 novembre 2018). Mémoire du Guyana (ci-après «MG»), vol. IV, annexe 134.
- 2 -
Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela» de 1897 (ci-après le «traité de Washington»)
.
Le traité de Washington, dont la validité n’a jamais été contestée, a été conclu dans le but explicite
de parvenir à un «règlement complet, parfait et définitif» de la question de la frontière entre le
Venezuela et ce qui était alors la Guyane britannique
3
4
.

1.5. Pendant plus d’un demi-siècle, le Venezuela a pleinement accepté la validité et
l’opposabilité de la sentence de 1899, y compris en prenant part à la démarcation concertée de la
frontière séparant les deux pays, telle que déterminée par le tribunal, et en insistant à maintes
reprises sur le strict respect des termes de la sentence de 1899
5
. Toutefois, en 1962, à l’occasion de
l’accession à l’indépendance du Guyana, il forgea la thèse selon laquelle la sentence de 1899 était
nulle et non avenue. Ce brusque désaveu de la validité et du caractère obligatoire de la sentence de
1899, pourtant admis de longue date, et de la frontière internationale résultant de celle-ci allait lui
permettre de revendiquer plus de deux tiers du territoire de la Guyane britannique.

1.6. Peu après l’indépendance du Guyana en 1966, le Royaume-Uni, le Venezuela et le
Gouvernement de la Guyane britannique conclurent l’accord de Genève. L’objectif était d’établir
un mécanisme contraignant et effectif qui garantirait le règlement pacifique et permanent du
différend survenu du fait de la répudiation soudaine et inopinée par le Venezuela de la sentence de
1899, quatre ans plus tôt.

1.7. Aujourd’hui, plus d’un demi-siècle s’est écoulé sans que le différend n’ait été résolu.
4

Dans les cinquante-deux années qui suivirent la conclusion de l’accord de Genève, les Parties
tentèrent en vain de le régler en recourant à une commission mixte, nommée pour quatre ans
(1966-1970), un moratoire de douze ans (1970-1982), sept années de consultations sur le choix
d’un moyen de règlement (1983-1990), et une procédure des bons offices menée sous l’égide du
Secrétaire général de l’ONU, qui allait durer vingt-sept ans (1990-2017).

1.8. Enfin, le 30 janvier 2018, le Secrétaire général, António Guterres, conclut, en vertu des
pouvoirs que lui conférait le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, que la procédure
des bons offices n’avait permis de réaliser «aucun progrès significatif … en vue d’un accord
complet sur le règlement du différend», et annonça que, par conséquent, il avait «retenu la Cour
internationale de Justice comme prochain moyen d’atteindre cet objectif»
6
. La requête du Guyana a
donc été déposée en application de la décision contraignante du Secrétaire général.

1.9. Depuis que le Guyana est un Etat indépendant, plane sur lui le spectre d’une
revendication portant sur plus des deux tiers de son territoire et émanant d’un pays voisin qui lui est
éminemment supérieur en superficie, richesse et puissance. Ces dernières années, les visées
territoriales du Venezuela ont pris une tournure de plus en plus belliqueuse, mettant en péril la paix
et la sécurité dans la région et contrariant le développement du Guyana. Ces aspirations ont aussi
conduit le Venezuela à mener des incursions en territoire souverain guyanien et à occuper ce
dernier. Dans ces circonstances, il est urgent d’affirmer avec autorité les droits et obligations que la
sentence de 1899 confère aux Parties en vertu du droit international.

5

3
Traité d’arbitrage entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis du Venezuela relatif au règlement de la question de
la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela, Recueil des traités du
Royaume-Uni, vol. 5, p. 67 (2 février 1897). ReG, annexe 1.
4
Ibid., p. 76 (les italiques sont de nous).
5
Voir ci-après, par. 1.22-1.28.
6
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU, p. 1-2.
ReG, annexe 7.
- 3 -

1.10. Depuis qu’il a, après des décennies de domination coloniale, accédé au statut d’Etat
souverain, le Guyana a toujours considéré l’état de droit international comme le socle sous-tendant
ses relations avec ses voisins. Attaché comme toujours au respect du droit international, il sollicite
de la Cour qu’elle rende une décision impartiale et obligatoire sur les questions de droit que
soulève la répudiation par le Venezuela de la sentence de 1899 et qu’elle statue sur les griefs qu’il
tire des violations de son intégrité territoriale dont celui-ci est l’auteur.

1.11. Le Guyana a déposé sa requête fermement convaincu que le respect des accords
internationaux, des décisions judiciaires et sentences arbitrales internationales ainsi que de
l’inviolabilité des frontières territoriales établies était indispensable au maintien de l’amitié entre
les Etats souverains.

1.12. Fort de cette conviction, le Guyana a fondé sa requête sur le consentement mutuel des
Parties à l’exercice de la compétence de la Cour, tel que consacré par l’article IV de l’accord de
Genève. La requête est soumise en application d’une décision prise, après mûre réflexion, par le
Secrétaire général de l’ONU à l’effet de soumettre le différend au principal organe judiciaire de
cette dernière. Par cette décision, le Secrétaire général a agi dans le respect des procédures de
règlement pacifique des différends expressément convenues par les Parties au paragraphe 2 de
l’article IV. La compétence de la Cour  de même que la légitimité prééminente de celle-ci en tant
que moyen de règlement de ce différend ancien  est claire et incontestable.

1.13. En niant que la Cour soit compétente au titre de l’accord de Genève, le Venezuela
6

cherche à passer outre aux obligations qui lui incombent en vertu de ce traité afin de s’affranchir de
celles que lui impose une sentence arbitrale contraignante rendue en vertu d’un autre traité. Le
Guyana est convaincu que la Cour, en sa qualité de gardienne de l’ordre juridique international, se
refusera à cautionner les efforts ainsi déployés par le Venezuela pour se soustraire à ses obligations
internationales. Ainsi que le présent mémoire en apportera la démonstration, le texte de l’accord de
Genève de 1966 ou le comportement ultérieur des Parties ne remettent nullement en cause le
pouvoir qui est celui du Secrétaire général de soumettre le différend à la Cour, ou la compétence de
celle-ci à l’égard de la requête du Guyana. En conséquence, le Guyana prie la Cour d’accepter la
responsabilité dont elle a été solennellement investie par les Parties et le Secrétaire général dans le
cadre contraignant de l’accord de Genève.
I. RAPPEL HISTORIQUE

1.14. La découverte d’un gisement d’or dans le bassin du Haut-Cuyuni au XIX
e
siècle donna
lieu à des échanges diplomatiques entre le Royaume-Uni et le Venezuela au sujet du tracé d’une
ligne frontière dans la zone. Les deux pays revendiquèrent alors tous deux la totalité du territoire
situé entre l’embouchure du fleuve Essequibo à l’est et l’Orénoque à l’ouest. Dès la seconde moitié
du siècle, les prétentions territoriales rivales et l’absence d’accord sur le cadre dans lequel procéder
à la détermination de la frontière firent naître le risque d’un conflit armé.

1.15. Les Etats-Unis encouragèrent les deux parties à régler le conflit de manière pacifique et
7

facilitèrent la conclusion d’une entente entre elles : elles convinrent ainsi de soumettre leurs
revendications territoriales concurrentes à un règlement judiciaire ou à un arbitrage contraignant.
Cette entente fut consacrée par le traité de Washington, signé par le Royaume-Uni et le Venezuela

- 4 -
7
le 2 février 1897
. Comme précisé dans son préambule, le traité de Washington avait pour objet et
but de
«parvenir à un règlement amiable du différend qui s’est fait jour entre le[s deux]
gouvernements … concernant la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et
les Etats-Unis du Venezuela, [lesquels étaient] convenus de soumettre ledit différend à
l’arbitrage».

1.16. A cette fin, son article premier disposait qu’
«[u]n tribunal arbitral sera[it] immédiatement constitué aux fins de déterminer le tracé
de la ligne frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du
Venezuela.»

1.17. L’article II précisait que le tribunal arbitral serait composé de cinq éminents juristes.
Deux hauts magistrats britanniques furent ainsi désignés par le comité judiciaire du conseil privé de
Sa Majesté, et deux juges de la Cour suprême des Etats-Unis nommés, l’un par le président du
Venezuela et l’autre par la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique. Le cinquième arbitre, le
renommé professeur de droit international Fyodor de Martens, fut choisi par les quatre autres pour
présider le tribunal.

1.18. L’article III du traité de Washington définissait la compétence du tribunal arbitral en
ces termes :
8

«Le tribunal recherchera et établira jusqu’où s’étendaient les territoires qui
appartenaient respectivement aux Pays-Bas Unis et au Royaume d’Espagne, ou étaient
susceptibles d’être licitement revendiqués par ceux-ci, au moment de l’acquisition par
la Grande-Bretagne de la colonie de la Guyane britannique et déterminera le tracé de
la ligne frontière entre ladite colonie et les Etats-Unis du Venezuela.»

1.19. L’article XIII prévoyait expressément que la sentence rendue par le tribunal arbitral
aurait force exécutoire :
«Les Hautes Parties contractantes s’engagent à considérer la sentence du
tribunal arbitral comme un règlement complet, parfait et définitif de toutes les
questions soumises aux arbitres.»

1.20. Une fois le tribunal arbitral constitué, le Royaume-Uni et le Venezuela déposèrent
chacun de volumineux exposés écrits (comprenant un mémoire et un contre-mémoire détaillés),
ainsi que plusieurs milliers de pages de pièces jointes. Ensuite, entre le 15 juin et le 27 septembre
1899, le tribunal arbitral tint à Paris un total de 54 audiences, au cours desquelles les conclusions
en fait et en droit des parties furent présentées et examinées de façon exhaustive
8
. Après avoir
9

délibéré, le tribunal arbitral rendit sa sentence à l’unanimité le 3 octobre 1899. Compte tenu de la
publication des volumineux exposés des arguments des parties et du copieux recueil de preuves

7
Traité d’arbitrage entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis du Venezuela relatif au règlement de la question de
la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela, Recueil des traités du

Royaume-Uni, vol. 5, p. 67 (2 février 1897). ReG, annexe 1. Les instruments de ratification furent échangés
ultérieurement, le 14 juin 1897.
8
Un plumitif d’audience complet fut publié par Her Majesty’s Stationery Office (Service d’édition des
publications officielles du Royaume-Uni) en 1899.
- 5 -
présenté au tribunal arbitral, et conformément à la pratique en vigueur à l’époque
, la sentence à
proprement parler était succincte.
9

1.21. La sentence accordait au Venezuela la totalité de l’embouchure de l’Orénoque ainsi
que les terres situées de part et d’autre de celle-ci. Le Royaume-Uni se vit attribuer les terres se
trouvant à l’est jusqu’à l’Essequibo  un territoire dont la valeur était alors jugée inférieure à celle
des terres accordées au Venezuela.

1.22. La décision fut accueillie triomphalement par le Venezuela. C’est ce qu’illustre le
commentaire qu’un haut diplomate vénézuélien à Londres (frère du président), qui avait suivi de
près la procédure à Paris, adressa à son gouvernement le 7 octobre 1899 :

«La justice a prévalu puisque, lors de la détermination de la frontière, la
souveraineté exclusive sur l’Orénoque nous a été attribuée, ce qui constituait le
principal objectif que nous cherchions à atteindre en recourant à l’arbitrage.»
10

1.23. Les Etats-Unis se félicitèrent également de la sentence, considérant qu’elle concrétisait
10

la promesse portée par le traité de Washington de parvenir à un règlement complet, parfait et
définitif du différend frontalier. Dans son discours sur l’état de l’Union prononcé devant le Congrès
des Etats-Unis en décembre 1899, le président William McKinley prit acte, avec satisfaction, de la
sentence ainsi que de son acceptation par les deux parties. Il fit observer que la décision du tribunal
avait «m[is] par là-même fin à un différend qui a[vait] perduré la majeure partie du siècle» et que,
«sans faire droit aux prétentions les plus radicales de l’une ou l’autre partie,… [elle] sembl[ait]
également satisfaisante pour les deux parties»
11
.

1.24. L’année suivante, le Royaume-Uni et le Venezuela lancèrent un vaste programme
conjoint en vue de démarquer la frontière établie de façon décisive par la sentence arbitrale. Cette
tâche fut confiée à une commission mixte ad hoc composée de représentants du Royaume-Uni et
du Venezuela (ci-après la «commission mixte»). Les deux Etats y participèrent pleinement et sans
réserve.

1.25. Dès 1905, la démarcation était achevée. La commission mixte établit une carte
officielle du tracé de la frontière
12
et fit paraître une déclaration conjointe dont la partie pertinente
indique

9
Voir, par exemple, Award of the President of the United States under the Protocol concluded the eighteenth day
of August, in the year one thousand eight hundred and ninety-four, between the Government of the Kingdom of Italy and
the Government of the Republic of Colombia, UNRIAA, Vol. XI, p. 394 (2 Mar. 1897). MG, vol. II, annexe 2 ; Award by
His Majesty King Edward VII in the Argentine-Chile Boundary Case, UNRIAA, Vol. IX, p. 37 (20 Nov. 1902).
MG, vol. II, annexe 5 ; la sentence rendue par Sa Majesté Victor Emmanuel, légèrement plus longue, fait deux pages et
un quart, Award of His Majesty The King of Italy with Regard to the Boundary Between the Colony of British Guiana and
the United States of Brazil, UNRIAA, Vol. XI, p. 21 (6 June 1904). MG, vol. II, annexe 6.
10
Lettre en date du 7 octobre 1899 adressée au ministre des affaires étrangères du Venezuela par l’ambassadeur
du Venezuela au Royaume-Uni. MG, vol. II, annexe 3.
11
Government of the United States, State of the Union Message to the United States Congress of President
William McKinley (5 Dec. 1899) (les italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 4.
12
Accord conclu le 10 janvier 1905 par les commissaires britanniques et vénézuéliens concernant la carte de la
frontière, reproduit dans Government of the Republic of Venezuela, Ministry of External Affairs, Public Treaties and
International Agreements of Venezuela, Vol. 3 (1920-25) (1927). ReG, annexe 3.
- 6 -
«que [ses représentants] consid[éraient] que le présent accord revêt[ait] un caractère
parfaitement officiel s’agissant des actes et droits des deux gouvernements sur le
territoire démarqué ; qu’ils reconnaiss[aient] que les coordonnées des points énumérés
ci-après, … résultat de la moyenne des observations et calculs effectués,
conjointement ou séparément, par les deux commissaires, [étaient] exactes...

Que les deux cartes mentionnées dans le présent accord, signées par les deux
11

commissaires, [étaient] rigoureusement identiques … et comport[aient] tous les détails
relatifs à la démarcation, la frontière y étant clairement tracée, conformément à la
sentence arbitrale de Paris»
13
.

1.26. Dans cette déclaration conjointe, les commissaires recommandèrent de modifier la
section de la ligne droite décrite dans la sentence (qui va de la source de la Wenamu jusqu’au mont
Roraima) pour tracer une ligne plus pratique qui épouserait la ligne de partage des eaux plutôt que
de la traverser. Le Venezuela s’y refusa toutefois, insistant sur le strict respect des termes de la
sentence de 1899
14
.

1.27. Les actes officiels de la commission mixte furent publiés ultérieurement dans un
recueil officiel sous l’intitulé «Actes de la commission mixte de délimitation constituant un accord
international» (ci-après l’«accord de 1905») et archivés sous la rubrique «Traités publics et accords
internationaux» du Venezuela
15
. Par la suite, les deux Etats œuvrèrent de concert au maintien de la
frontière établie par la sentence.

1.28. Dans les années 1930 et 1940, le Venezuela réaffirma le caractère définitif de la
frontière fixée par la sentence et matérialisée par l’accord de 1905. En 1932, il souligna que tout
tripoint marquant le point terminal commun des frontières du Venezuela, du Brésil et de la Guyane
britannique devait être conforme aux strictes obligations juridiques nées de la sentence
16
. En 1944,
son ministre des affaires étrangères, Esteban Gil Borges, déclara que le tracé de la frontière entre le
Venezuela et la Guyane britannique était «chose jugée» (res judicata) et qu’il n’y avait aucune
raison de craindre que le Venezuela cherche un jour à en obtenir la révision
17
12

. Vers la même
période, l’ambassadeur du Venezuela aux Etats-Unis expliqua que, dans les décennies qui avaient
suivi le prononcé de la sentence, le Venezuela avait «accepté le verdict de l’arbitrage qu[’il]
n’av[ait] cessé de réclamer»
18
.

13
Accord conclu le 10 janvier 1905 par les commissaires britanniques et vénézuéliens concernant la carte de la
frontière, reproduit dans Government of the Republic of Venezuela, Ministry of External Affairs, Public Treaties and
International Agreements of Venezuela, Vol. 3 (1920-25) (1927). ReG, annexe 3.
14
Lettre en date du 12 mars 1908 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela par le ministre des
affaires étrangères de la République du Venezuela, n
o
CO 111/564. MG, vol. II, annexe 7.
15
L’accord de 1905 fut enregistré dans la collection officielle du ministère vénézuélien des affaires étrangères
sous la rubrique «traités et accords internationaux en vigueur». Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs,
Public Treaties and International Agreements, Vol. III (1920-1925) (1927), p. 604. MG, vol. II, annexe 8.
16
Le Gouvernement du Venezuela publia par la suite l’échange de notes formel faisant état de l’enregistrement
du tracé du tripoint dans son recueil officiel de traités. Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Public
Treaties and International Agreements, Vol. V (1933-1936) (1945), p. 548. MG, vol. II, annexe 12.
17
Government of United Kingdom, Foreign Office, Minute by C.N. Brading, No. FO 371/38814 (3 Oct. 1944).
MG, vol. II, annexe 10 ; lettre en date du 3 novembre 1944 adressée à J.V.T.W.T. Perowne du Foreign Office britannique
par l’ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela, p. 1-2. MG, vol. II, annexe 11.
18
Discours prononcé par l’ambassadeur du Venezuela aux Etats-Unis devant la Société panaméricaine des
Etats-Unis (1944), p. 1. MG, vol. II, annexe 9.
- 7 -

1.29. Il fallut attendre février 1962  quelque soixante-deux ans après le prononcé de la
sentence, mais à peine trois mois après que le premier ministre de la Guyane britannique,
Cheddi Jagan, eut appelé à une prompte accession à l’indépendance  pour que le Venezuela
déclare officiellement pour la première fois que la sentence de 1899 était viciée en droit et nulle et
non avenue. La correspondance diplomatique entretenue à l’époque par l’ambassadeur des
Etats-Unis au Venezuela révèle la véritable raison de ce soudain revirement. Craignant de voir
porté au pouvoir, dans une Guyane nouvellement indépendante, un gouvernement de gauche qui lui
serait politiquement hostile, le Venezuela souhaitait mettre en place un «cordon sanitaire» entre les
deux pays, dans une configuration où une grande «portion de la Guyane britannique reviendrait au
Venezuela»
19
.
13

1.30. Mû par cet objectif, le Venezuela entreprit de mettre en doute la validité de la sentence
qu’il avait, plus de six décennies durant, respectée, affirmée et reconnue. A cette fin, il invoqua un
mémorandum secret qu’aurait rédigé en 1944, avec pour instructions de ne le rendre public
qu’après sa mort (qui survint en 1949), un membre auxiliaire de l’équipe juridique chargée de
défendre le Venezuela lors de l’arbitrage de 1899, Severo Mallet-Provost. Selon certaines sources,
le mémorandum aurait en réalité été rédigé plus de quarante-cinq ans après les faits qu’il est censé
décrire et l’année même où le Venezuela décora M. Mallet-Provost de l’Ordre du libérateur «en
témoignage de la haute estime que lui port[ait] et lui portera[it] toujours le peuple vénézuélien»
20
.

1.31. L’auteur du mémorandum présentait la sentence comme le produit d’une tractation
entre les deux arbitres britanniques et le président du tribunal. Loin de mettre en avant le moindre
élément de preuve à l’appui de cette affirmation, il ne prétendait pas même qu’il en existât. Fait
révélateur, le Venezuela ne s’était jamais appuyé sur ce document avant la proclamation de
l’indépendance du Guyana, soit treize ans après que son existence alléguée eut été signalée pour la
première fois.

1.32. Le rejet soudain et injustifiable de la sentence par le Venezuela (en contradiction avec
14

le comportement antérieur des deux Parties, fondé sur la validité de la sentence) risquait de
contrarier l’émergence du Guyana en tant qu’Etat indépendant. Des pourparlers furent organisés en
urgence entre le Venezuela et le Royaume-Uni, avec la participation de la Guyane britannique. Le
Venezuela maintint obstinément sa nouvelle position selon laquelle la sentence était nulle et non
avenue, tandis que le Royaume-Uni et la Guyane britannique en affirmaient la validité. Incapables
de se mettre d’accord sur cette question sous-jacente, les Parties prirent à tâche de s’entendre sur un
moyen de garantir un règlement définitif du différend.

1.33. C’est ainsi que fut conclu l’accord de Genève, par lequel fut établi un mécanisme
juridiquement contraignant destiné à garantir un règlement pacifique du différend. Le processus, en
dernier recours, autorisait le Secrétaire général de l’ONU à décider lequel «des moyens stipulés à
l’Article 33 de la Charte des Nations Unies» devrait être mis en œuvre pour régler le différend.

1.34. Nonobstant l’existence de l’accord de Genève et les engagements lui incombant à ce
titre, le Venezuela a maintes fois violé la souveraineté du Guyana en conséquence de son rejet
injustifié de la frontière établie par la sentence de 1899 et matérialisée par l’accord de 1905. Ces
violations, évoquées au chapitre 2, comprennent (sans s’y limiter) l’annexion et l’occupation

19
Foreign Service Despatch, correspondance diplomatique en date du 15 mai 1962 adressée au département
d’Etat américain par C. Allan Stewart, ambassadeur des Etats-Unis au Venezuela, p. 1-2 (les italiques sont de nous).
MG, vol. II, annexe 21.
20
Discours prononcé par l’ambassadeur du Venezuela aux Etats-Unis devant la Société panaméricaine des
Etats-Unis (1944), p. 2. MG, vol. II, annexe 9.
- 8 -
ininterrompue de la moitié orientale de l’île d’Ankoko située dans la rivière Cuyuni, de 1966 à ce
jour ; les nombreuses incursions militaires opérées dans le territoire et l’espace maritime et aérien
souverains du Guyana ; la publication de décrets portant que le Venezuela est souverain sur de
vastes pans du territoire terrestre et des espaces maritimes du Guyana ; et les tentatives répétées
visant à dissuader ou à empêcher les investisseurs guyaniens et étrangers d’entreprendre des projets
d’investissement sur le sol et dans l’espace maritime du Guyana.
15

1.35. Sur cette toile de fond marquée par les affirmations incessantes et toujours plus hostiles
d’un Venezuela qualifiant la sentence de 1899 de non avenue et revendiquant plus des deux tiers du
territoire du Guyana  et comme suite à la décision contraignante prise le 30 janvier 2018 par le
Secrétaire général en application du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève , le
Guyana s’adresse à la Cour en tant qu’instance à même de confirmer la validité et le caractère
obligatoire de ladite sentence, ainsi que son intégrité territoriale et sa souveraineté dans les limites
des frontières établies par cette dernière. A cet égard, le Guyana est convaincu que la Cour donnera
effet au consentement intervenu entre les Parties, tel qu’exprimé au paragraphe 2 de l’article IV, et
ne manquera pas de remplir la fonction première qui est la sienne, à savoir contribuer au maintien
de la paix et de la sécurité internationales par le biais de l’application juste et impartiale du droit
international.
II. STRUCTURE DU MÉMOIRE

1.36. Le mémoire du Guyana est divisé en quatre volumes. Le volume I comprend le corps
du texte, les volumes II à IV renfermant les pièces justificatives.

1.37. Le volume I s’articule en trois chapitres, suivis des conclusions du Guyana.

1.38. A la suite de la présente introduction, le chapitre 2 traite des éléments de fait
16

pertinents au regard de la compétence de la Cour, en particulier ceux concernant la négociation, la
conclusion et l’application de l’accord de Genève. Le chapitre s’ouvre à la section I sur une
description des faits survenus entre 1962 et 1966 ayant conduit à la conclusion de l’accord de
Genève le 17 février 1966, environ trois mois avant l’accession du Guyana à l’indépendance. La
section II expose ensuite la façon dont l’accord de Genève fut appliqué pendant les cinquante-deux
années qui s’écoulèrent entre sa conclusion, en 1966, et la décision du Secrétaire général, le
30 janvier 2018, de désigner la Cour comme moyen de règlement du différend.

1.39. Après cet exposé détaillé des éléments de fait pertinents, le chapitre 3 expose le
fondement, en droit, de la compétence de la Cour à l’égard de la requête du Guyana. La section II
précise l’objet et le but de l’accord de Genève, qui ne sont autres que l’établissement d’un
mécanisme contraignant destiné à garantir un règlement décisif, complet et définitif du différend né
de la contestation par le Venezuela de la validité de la sentence de 1899. La section III est
consacrée à l’interprétation du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, en vertu duquel
fut créé un processus de règlement en trois étapes qui, en dernier ressort, donnait au Secrétaire
général le pouvoir de désigner, par une décision contraignante, la Cour comme prochain moyen de
règlement du différend. Enfin, la section IV revient sur les fondements de la compétence de la Cour
pour connaître de la requête du Guyana. Elle montre que, en vertu du libellé limpide du
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève et de la décision en date du 30 janvier 2018 du
Secrétaire général, les Parties ont consenti sans ambiguïté à la compétence de la Cour. Elle met en
évidence l’amalgame que fait, à tort, le Venezuela entre les concepts distincts de compétence et de
saisine, avant de conclure sur l’étendue de la compétence ratione materiae de la Cour.
17

1.40. Le présent mémoire se referme sur les conclusions du Guyana.
- 9 -
CHAPITRE II

LES ÉLÉMENTS DE FAIT PERTINENTS AU REGARD
DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR

2.1. Le présent chapitre expose les éléments de fait relatifs à la négociation, à la conclusion
19

et à l’application de l’accord de Genève de 1966.

2.2. L’accord a vu le jour après que le Venezuela eut affirmé en 1962 que la sentence
arbitrale du 3 octobre 1899, qui fixait la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique, était
nulle et non avenue. Comme examiné à la section I ci-dessous, à la suite de cette prise de position
du Venezuela, entre 1962 et 1965, et plus particulièrement en février 1966, plusieurs échanges et
rencontres se tinrent entre les Parties en vue de l’établissement d’une procédure de règlement des
questions soulevées par la nouvelle position du Venezuela. La procédure fut finalement approuvée,
à Genève. Les Parties s’entendirent alors sur un processus de règlement à trois niveaux qui
garantirait le règlement définitif du différend dans le cas où elles ne parviendraient pas à un accord
complet par des moyens bilatéraux.
 Premièrement, l’article I de l’accord de Genève institua, pour une période de quatre ans
(1966-1970), une commission mixte chargée de rechercher des solutions satisfaisantes pour le
règlement pratique du différend.
 Deuxièmement, conformément au premier paragraphe de l’article IV, dans le cas où la
commission mixte ne serait pas arrivée à un accord complet, les Parties devaient choisir un des
moyens de règlement pacifique énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
 Troisièmement, il était prévu au paragraphe 2 de l’article IV que, si les Parties ne parvenaient
pas à un accord, elles s’en remettraient, pour décider du moyen de règlement, à un organisme
international sur lequel elles se mettraient d’accord, ou, à défaut de s’entendre sur ce point, au
Secrétaire général de l’ONU, dont la décision aurait force obligatoire pour elles.
20

Dans leurs échanges aussi bien avant qu’après la conclusion de l’accord de Genève, les Parties
confirmèrent qu’il était entendu que les moyens de règlement laissés à la discrétion du Secrétaire
général en vertu du paragraphe 2 de l’article IV incluaient le règlement judiciaire par la Cour.

2.3. Ainsi qu’il sera montré à la section II ci-dessous, les Parties ont appliqué les procédures
de règlement prévues par l’accord de Genève durant cinquante et un ans, entre 1966 et 2017.
Premièrement, entre 1966 et 1970, la commission mixte établie au titre de l’article I tenta, en vain,
de parvenir à un règlement satisfaisant du différend. Deuxièmement, après une suspension de
douze années, entre 1970 et 1982 de la procédure prévue au paragraphe 1 de l’article IV
21
, les
Parties entamèrent des négociations, sans parvenir à s’entendre sur l’un des moyens de règlement
énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies. Troisièmement, en 1983, faute de pouvoir
s’entendre sur l’organisme international à désigner pour choisir le moyen de règlement, les Parties
s’en remirent à la décision du Secrétaire général de l’ONU, en application du paragraphe 2 de
l’article IV. Après consultation des Parties, en 1990, le Secrétaire général Pérez de Cuéllar choisit
une procédure des bons offices pour régler le différend. En 2016, vingt-six ans après le début de la
procédure et constatant l’absence de progrès, le Secrétaire général Ban Ki-moon décida qu’à moins
que des progrès significatifs ne fussent accomplis en vue d’un accord complet relatif au différend
avant la fin de l’année 2017, le Secrétaire général choisirait la Cour internationale de Justice
comme prochain moyen de règlement. Constatant que, le temps passant, la procédure des bons
21
offices n’avait permis aucun progrès, en janvier 2018, le Secrétaire général António Guterres

21
La suspension fut décidée en application du protocole de Port of Spain, voir sect. II, partie B ci-dessous.

- 10 -
exerça le pouvoir que lui conférait le paragraphe 2 de l’article IV et décida que la Cour serait le
prochain moyen de règlement du différend.
I. NÉGOCIATION ET CONCLUSION
DE L’ACCORD DE GENÈVE : 1962-1966

2.4. La genèse de l’accord de Genève intervint dans le contexte du débat général de
l’Assemblée générale des Nations Unies sur le processus de décolonisation qui se tint en 1961 et
1962. Le 18 décembre 1961, s’adressant à la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des
Nations Unies chargée des politiques spéciales et de la décolonisation, Cheddi Jagan, premier
ministre de la Guyane britannique, exprima le souhait que la colonie parvienne rapidement à
l’indépendance
22
. Dès le 16 janvier 1962, le représentant permanent du Royaume-Uni avait informé
le Secrétaire général de l’ONU que le Royaume-Uni était disposé à «examiner la date et les
dispositions à prendre pour l’accession à l’indépendance de la Guyane britannique»
23
.

2.5. Le même mois, le Venezuela fit valoir que la sentence de 1899 était «inéquitable et
discutable d’un point de vue moral», sans pour autant invoquer de préoccupations d’ordre
juridique
24
. Il en viendrait cependant bientôt à soutenir que la sentence était, en droit international,
«nulle et non avenue».
22

2.6. Le 14 février 1962, le représentant permanent du Venezuela, Carlos Sosa Rodriguez,
écrivit au Secrétaire général de l’ONU, affirmant au nom du Venezuela qu’«il exist[ait] un
différend entre [s]on pays et le Royaume-Uni concernant la démarcation de la frontière entre le
Venezuela et la Guyane britannique»
25
. Poursuivant dans cette voie, il prononça une allocution
devant la Quatrième Commission le 22 février 1962
26
. Prenant le contre-pied de la position qui
avait été la sienne pendant plus de six décennies, le Venezuela soutint alors ce qui suit :

«La sentence a été le fruit d’une transaction politique conclue dans le dos du
Venezuela et sacrifiant ses droits légitimes. La frontière a été démarquée de façon
arbitraire, sans tenir compte des règles spécifiques établies par l’accord d’arbitrage ni
des principes pertinents du droit international.

22
U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, 1252nd Meeting, Agenda item 39: Information from
Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, U.N. Doc A/C.4/SR.1252 (18 Dec. 1961),
p. 611. MG, vol. II, annexe 14.
23
Lettre en date du 15 janvier 1962 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le représentant permanent du
Royaume-Uni à l’Organisation des Nations Unies, publiée dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th
Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter,
U.N. Doc A/C.4/520 (16 Jan. 1962). MG, vol. II, annexe 15.
24
U.S. Department of State, Memorandum of Conversation, No. 741D.00/1-1562 (15 Jan. 1962). MG, vol. II,
annexe 16.
25
Lettre en date du 14 février 1962 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le représentant permanent du
Venezuela, reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from
Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, U.N. Doc A/C.4/536 (15 Feb. 1962), par. 2.
MG, vol. II, annexe 17.
26
Allocution prononcée par le représentant du Venezuela à la 1302
e
réunion de la Quatrième Commission le
22 février 1962, reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from
Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, U.N. Doc A/C.4/540 (22 Feb. 1962), par. 49.
MG, vol. II, annexe 19.
- 11 -

Le Venezuela ne saurait reconnaître une sentence rendue dans de telles
27
conditions.»

2.7. La correspondance diplomatique de l’époque indique que le Venezuela craignait, en
23

raison des sensibilités politiques prêtées à M. Jagan, que l’accession à l’indépendance de la Guyane
britannique n’aboutisse à l’émergence d’un «Cuba sur le continent sud-américain». Le dessein du
Venezuela était de créer un «cordon sanitaire» en persuadant le Royaume-Uni de céder une partie
du territoire de la Guyane britannique avant que celle-ci n’obtienne son indépendance
28
.

2.8. En réponse à cette thèse nouvelle, le Royaume-Uni affirma qu’«il n’y a[vait] pas matière
à controverse, car la question a[vait] été réglée une fois pour toutes voici plus de soixante ans par
voie d’arbitrage international»
29
. Le Venezuela continua toutefois de faire campagne pour obtenir
la cession du territoire, menaçant l’accession de la Guyane britannique à l’indépendance. Le 4 avril
1962, la Chambre des députés du Venezuela dénonça «la spoliation territoriale dont [celui-ci]
avai[t] fait l’objet» et fit valoir «un droit inaliénable sur le territoire soustrait par suite de la
sentence arbitrale de 1899»
30
. Dès lors, les Parties entamèrent des discussions sur une procédure
qui permettrait de résoudre le différend découlant de la thèse de la nullité de la sentence de 1899
avancée par le Venezuela.
24

A. Communiqué commun de 1963 et examen tripartite
de la position du Venezuela : 1963-1965

2.9. En novembre 1962, au cours des délibérations de la Quatrième Commission de
l’Assemblée générale des Nations Unies, l’ambassadeur du Royaume-Uni, sir Colin Crowe,
proposa de résoudre le différend en procédant à un examen du matériau documentaire se rapportant
à la sentence de 1899, non, toutefois, sans apporter la précision suivante :

«[E]n faisant cette offre, nous n’entendons nullement proposer d’entamer des
négociations en vue d’une révision du tracé de la frontière. C’est là une chose que
nous ne pouvons faire, car, à notre avis, rien ne le justifie.»
31

27
Lettre en date du 14 février 1962 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le représentant permanent du
Venezuela, reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from
Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, U.N. Doc A/C.4/536 (15 Feb. 1962),
par. 16-17. MG, vol. II, annexe 17.
28
Foreign Service Despatch, correspondance diplomatique en date du 15 mai 1962 adressée par C. Allan Stewart,
ambassadeur des Etats-Unis au Venezuela, au département d’Etat américain, par. 2. MG, vol. II, annexe 21 («Le
président Betancourt [du Venezuela] se dit très préoccupé à l’idée d’une Guyane britannique indépendante ayant Cheddi
Jagan pour premier ministre. Il soupçonne M. Jagan d’être déjà trop dévoué à la cause du communisme et d’être très
fortement influencé par sa femme américaine… Cette inquiétude est peut-être légèrement simulée, puisque la solution
que M. Betancourt propose d’apporter au différend frontalier repose sur l’hostilité supposée de M. Jagan. Son plan est le
suivant : par une série de conférences avec les Britanniques avant que l’indépendance ne soit accordée à la Guyane, un
cordon sanitaire serait établi entre la frontière actuelle et une frontière convenue d’un commun accord entre [le
Venezuela et la Grande-Bretagne]. La souveraineté sur cette portion de la Guyane britannique reviendrait au
Venezuela.») (les italiques sont dans l’original).
29
Lettre en date du 21 février 1962 adressée à D. Busk, ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela, par
J. Cheetham, du Foreign Office britannique, n
o
AV 1081/38, par. 4. MG, vol. II, annexe 18.
30
Republic of Venezuela, Chamber of Deputies, Agreement of 4 April 1962 (4 Apr. 1962). MG, vol. II,
annexe 20.
31
Allocution en date du 13 novembre 1962 prononcée par le représentant du Royaume-Uni à la 349
e
séance de la
Commission des questions politiques spéciales, reproduite dans U.N. General Assembly, Special Political Committee,
17th Session, Question of Boundaries between Venezuela and the Territory of British Guiana, U.N. Doc A/SPC/72
(13 Nov. 1962), p. 17. MG, vol. II, annexe 24.
- 12 -
L’offre visait exclusivement à «lever tout doute que le Gouvernement du Venezuela pourrait
encore nourrir quant à la validité ou à l’opportunité de la sentence arbitrale»
32
.

2.10. Le 16 novembre 1962, le président de la Quatrième Commission déclara que les trois
Gouvernements (le Venezuela, le Royaume-Uni et la Guyane britannique) examineraient le
matériau documentaire se rapportant à la sentence de 1899 (ci-après l’«examen tripartite»)
33
. Les
trois Gouvernements nommèrent chacun leurs experts pour les besoins de l’examen. L’expert du
Royaume-Uni, sir Geoffrey Meade, intervint également pour le compte de la Guyane britannique, à
la demande de cette dernière
34
. Les experts vénézuéliens procédèrent à l’examen des archives du
Royaume-Uni à Londres du 30 juillet au 11 septembre 1963.
25

2.11. Du 5 au 7 novembre 1963, le ministre vénézuélien des affaires étrangères et son
homologue britannique s’entretinrent pour évaluer les progrès accomplis dans l’examen du
matériau documentaire. Un communiqué commun en date du 7 novembre 1963 annonça que les
experts vénézuéliens avaient examiné les documents à Londres et que sir Geoffrey se rendrait à son
tour à Caracas pour prendre connaissance de ceux figurant dans les archives vénézuéliennes
35
.

2.12. En février 1964, après le déplacement de sir Geoffrey à Caracas, les experts se
rencontrèrent à Londres, où sir Geoffrey déclara que «les autorités vénézuéliennes n’[avaient] pas
été en mesure de produire le moindre commencement de preuve» à l’appui de la thèse de la
nullité
36
.

2.13. En février 1965, alors que l’examen tripartite était toujours en cours, le Venezuela
publia une nouvelle carte officielle désignant le territoire situé à l’ouest du fleuve Essequibo,
représentant plus des deux tiers du territoire de la Guyane britannique, comme «Zona en
Reclamación»
37
. Le 4 mars 1965, le Royaume-Uni déclara en réponse que «le Gouvernement de
Sa Majesté n’a[vait] pas le moindre doute quant à sa souveraineté sur ce territoire»
38
.
26

2.14. L’examen tripartite s’acheva le 3 août 1965, à l’échange officiel des rapports
d’expertise au Foreign Office à Londres. Les conclusions des rapports étaient diamétralement
opposées. Les experts du Venezuela affirmaient que la sentence de 1899 était «non avenue», tandis
que sir Geoffrey et ses collègues concluaient à l’absence de la moindre forme de preuve à l’appui

32
Allocution en date du 13 novembre 1962 prononcée par le représentant du Royaume-Uni à la 349
e
séance de la
Commission des questions politiques spéciales, reproduite dans U.N. General Assembly, Special Political Committee,
17th Session, Question of Boundaries between Venezuela and the Territory of British Guiana, U.N. Doc A/SPC/72
(13 Nov. 1962), p. 17. MG, vol. II, annexe 24.
33
U.N. General Assembly, Special Political Committee, 17th Session, 350th Meeting, Agenda item 88: Question
of boundaries between Venezuela and the territory of British Guiana, U.N. Doc A/SPC/SR.350 (16 Nov. 1962).
MG, vol. II, annexe 25.
34
United Kingdom, Department of External Affairs, Memorandum: Venezuelan Claim to British Guiana
Territory, No. CP(64)82 (25 Feb. 1964), par. 3. MG, vol. II, annexe 26.
35
Ibid., p. 1.
36
Ibid., par. 9.
37
Republic of Venezuela, Official Map: Claim of Essequibo Territory (1965). MG, vol. II, annexe 27.
38
Déclaration de M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, devant le Congrès national du
Venezuela (17 mars 1966), reproduite dans Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Claim of Guyana
Esequiba: Documents 1962-1981 (1981) (ci-après la «déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des
affaires étrangères (17 mars 1966)»), p. 5 («El Gobierno de Su Majestad no duda de su soberanía sobre ese
territorio…»). MG, vol. II, annexe 33.
- 13 -
de cette position. Dans les échanges de courriers qui suivirent, il fut convenu qu’une nouvelle
rencontre se tiendrait au niveau ministériel en décembre 1965.
B. Conférence de Londres : 9-10 décembre 1965

2.15. Avant la rencontre de Londres, en novembre 1965, il fut décidé à la conférence
constitutionnelle de la Guyane britannique que cette dernière déclarerait son indépendance le
26 mai 1966. Il devint donc d’autant plus urgent de régler le différend découlant de la position du
Venezuela sur la validité de la sentence arbitrale. A titre de mesure conservatoire, il fut décidé
qu’après l’indépendance, les troupes britanniques resteraient sur place pendant quelque temps pour
protéger l’intégrité territoriale du nouvel Etat
39
.

2.16. Les 9 et 10 décembre 1965, les ministres des affaires étrangères du Royaume-Uni
27

(M. Stewart) et du Venezuela (M. Iribarren Borges) et le nouveau premier ministre de la Guyane
britannique (M. Forbes Burnham) se rencontrèrent à Londres pour discuter d’«une issue au
différend qui mena[çait] de porter préjudice aux relations cordiales qu’[avaient] de tout temps
entretenues le Venezuela, d’un côté, et le Royaume-Uni et la Guyane britannique, de l’autre»
40
. Un
communiqué commun en date du 10 décembre 1965 rapportait que «[d]es idées et des propositions
en vue d’un règlement pratique du différend [avaient] été échangées»
41
.

2.17. A la conférence de Londres, le ministre vénézuélien des affaires étrangères,
M. Iribarren, présenta trois propositions pour régler le différend
42
:
a) Premièrement, il proposa la rétrocession du «territoire qui appart[enait] de plein droit au
Venezuela». Les ministres du Royaume-Uni et de la Guyane britannique s’y opposèrent,
soulignant qu’il était «hors de question» et «totalement inacceptable»
43
de revenir sous quelque
forme que ce soit sur la question fondamentale de la frontière.
b) Deuxièmement, il proposa que le territoire de l’Essequibo soit administré conjointement
pendant une période de dix ans. Cette proposition fut elle aussi rejetée, la Guyane britannique
indiquant que cela reviendrait pour elle à une «abdication de souveraineté»
44
28

.
c) Troisièmement, il proposa l’établissement d’une commission mixte chargée de régler le
différend en formulant des plans de développement commun, notant ceci :
«Si la commission n’arrive pas à s’entendre, [les Parties] devront s’en remettre
dans les trois mois à un ou plusieurs médiateurs et, si elles ne parviennent pas à un
règlement satisfaisant, dans un délai prescrit, elles devront recourir à l’arbitrage

39
United Kingdom, Research Department, Venezuela-Guyana Frontier Dispute, Nos. DS(L)692, RRN 040/360/1
(10 May 1976), par. 23. MG, vol. II, annexe 48.
40
Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan
Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December, 1965,
No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 7. MG, vol. II, annexe 28.
41
Ibid.
42
Ibid., p. 3-4.
43
Ibid.
44
Ibid.
- 14 -
international. Le traité posant les bases de l’arbitrage devra être conclu dans un
délai de dix-huit mois à compter du 1
er
45
janvier 1966.»

2.18. La proposition de créer une commission mixte fut rejetée par le ministre de la justice
de la Guyane britannique, Shridath Ramphal, parce que pareille commission «s’intéresse[rait] aux
questions de fond qui ont été spécifiquement exclues du champ des présentes discussions engagées
à la suite de la proposition d’examen documentaire faite en 1962»
46
.

2.19. Pour sa part, M. Iribarren Borges affirma que toute proposition «qui ne reconnaît[rait]
pas que le Venezuela s’étend jusqu’au fleuve Essequibo serait inacceptable»
47
. Il présenta sous un
jour nouveau sa proposition de commission mixte, en affirmant qu’elle visait «à trouver des
solutions par le biais d’une procédure conciliatoire en plusieurs étapes et, au besoin, en recourant à
l’arbitrage d’un organisme international impartial»
48
. Il fit observer que «[l]a disposition du
Venezuela à s’en remettre à un tribunal arbitral représent[ait] une grande concession de sa part»
49
.
29

Il souligna par ailleurs que «l’Organisation des Nations Unies n[’était] pas une cour et n’[avait]
aucun pouvoir décisionnel[, l]e différend a[yant] déjà dépassé ce stade»
50
.

2.20. Les participants convinrent de poursuivre les discussions à Genève en février 1966
51
.
C. Conférence de Genève : 16-17 février 1966

2.21. La conférence de Genève eut lieu sur deux jours, les discussions se déroulant les 16 et
17 février 1996. Les Parties signèrent l’accord peu avant minuit le 17 février.

2.22. Les délégations du Royaume-Uni et de la Guyane britannique se composaient, comme
à Londres, de hauts représentants, dont le ministre britannique des affaires étrangères,
Michael Stewart, et le premier ministre de la Guyane britannique, L. Forbes Burnham
52
. Dans la
délégation vénézuélienne se trouvaient le ministre des affaires étrangères, M. Iribarren Borges,
ainsi que des «membres de tous les partis représentés au Congrès du Venezuela»
53
. M. Stewart
rapporta qu’«il [était] apparu clairement, dès le début, que le ministre des affaires étrangères avait
pour instruction d’œuvrer à la conclusion d’une forme d’accord»
54
.
30

45
Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan
Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December, 1965,
No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 7. MG, vol. II, annexe 28.
46
Ibid., p. 5.
47
Ibid., p. 6.
48
Ibid.
49
Ibid.
50
Ibid.
51
Ibid.
52
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères. MG, vol. II, annexe 32.
53
Ibid., par. 2.
54
Ibid.
- 15 -

2.23. L’on trouve un compte rendu détaillé des négociations dans :
a) une note en date du 25 février 1966 adressée par le ministre britannique des affaires étrangères,
Michael Stewart, à sir Anthony Lincoln, ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela
55
;
b) une déclaration en date du 17 mars 1966 prononcée par le ministre vénézuélien des affaires
étrangères, M. Iribarren, devant le Congrès vénézuélien à l’occasion de la présentation du projet
de loi portant ratification de l’accord de Genève
56
.
2.24. Ces documents démontrent l’intention claire et sans équivoque des Parties de
s’entendre sur une procédure visant le règlement complet et définitif du différend. Les dispositions
pertinentes du texte final de l’accord auxquelles les Parties aboutirent comprennent en particulier le
préambule, l’article I portant sur la commission mixte et l’article IV relatif aux procédures à suivre
pour parvenir à un règlement définitif.
1. Préambule

2.25. Le préambule de l’accord de Genève dispose :
31

«Le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,
en consultation avec le Gouvernement de la Guyane britannique, et le Gouvernement
vénézuélien,
Considérant que la Guyane britannique va bientôt accéder à l’indépendance ;
Reconnaissant qu’une coopération plus étroite entre la Guyane britannique et le
Venezuela présenterait des avantages pour les deux pays ;
Convaincus que tout différend en suspens entre le Royaume-Uni et la Guyane
britannique, d’une part, et le Venezuela, de l’autre, porterait préjudice à la poursuite
d’une telle coopération et doit donc être résolu à l’amiable, d’une manière acceptable
pour les deux parties ;
Conformément à l’ordre du jour qui a été convenu, à la suite du communiqué commun
du 7 novembre 1963, pour les conversations entre gouvernements concernant le
différend qui oppose le Venezuela et le Royaume-Uni au sujet de la frontière avec la
Guyane britannique, ont conclu l’accord suivant pour résoudre le différend actuel.»
57

2.26. On se rappellera que, dans le communiqué commun de 1963 auquel il est fait référence
dans le dernier alinéa du préambule, le Royaume-Uni précisait que l’examen tripartite à venir
devait porter sur le matériau documentaire relatif à la validité de la sentence arbitrale de 1899, et ne
visait nullement la détermination (ou la re-détermination) de la frontière entre le Venezuela et la
Guyane britannique.

32

55
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères. MG, vol. II, annexe 32.
56
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966). MG, vol. II,
annexe 33.
57
Accord de Genève, p. 1. ReG, annexe 4.
- 16 -

2.27. Le ministre britannique des affaires étrangères, Michael Stewart, expliqua que le
Venezuela
«avait tout fait pour que le préambule de l’accord reflète sa position de base, à savoir :
premièrement qu’il s’agissait d’examiner la question fondamentale de la frontière et
non uniquement la validité de la sentence de 1899 et, deuxièmement, que tel avait été
le fondement de[s] pourparlers tant à Londres qu’à Genève. Non sans difficulté, [il
avait] persuadé le ministre vénézuélien des affaires étrangères d’accepter, dans un
esprit de compromis, un libellé qui refl[éterait] les positions connues des parties.»
58

2. Article I (commission mixte)

2.28. A la conférence de Genève, le Venezuela proposa à nouveau l’établissement d’une
commission mixte comme premier moyen de règlement. Cette fois, contrairement à ce qui s’était
passé à Londres, la proposition fut accueillie favorablement et acceptée. L’article I est ainsi libellé :

«Il sera institué une commission mixte chargée de rechercher des solutions
satisfaisantes pour le règlement pratique du différend survenu entre le Venezuela et le
Royaume-Uni du fait de la position du Venezuela, qui soutient que la sentence
arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela est
nulle et non avenue.»
59

2.29. L’article II expose les modalités d’établissement de la commission mixte et l’article III
dispose que cette dernière remettra ses rapports tous les six mois. Comme indiqué ci-dessous au
sujet du paragraphe 1 de l’article IV, le mandat de la commission était limité à quatre ans. Le
Royaume-Uni souhaitait que la commission mixte ait dix ans pour parvenir à un accord complet sur
le règlement du différend avant que n’entre en jeu la solution «de rechange», mais le Venezuela
préconisait un mandat moins long. A l’issue d’intenses tractations, ce mandat fut réduit à quatre
années
60
33

.
3. Article IV

2.30. L’article IV prévoit le moyen de règlement du différend à employer dans le cas où la
commission mixte ne parviendrait pas à un accord complet. Il marque l’intention des Parties de
pourvoir, à moins que d’autres moyens de règlement ne soient convenus, à une procédure
contraignante en vue d’une solution définitive du différend dans l’éventualité où les membres de la
commission mixte ne s’entendraient pas sur un règlement.

58
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 6. MG, vol. II, annexe 32.
59
Accord de Genève, art. I. ReG, annexe 4. Le projet de texte du Foreign Office daté du 14 janvier 1966 se lisait
comme suit : «Il sera nommé une commission mixte au plus tôt afin d’examiner les relations entre la Guyane britannique
et le Venezuela conformément à l’article III du présent Accord». Government of the United Kingdom, Draft Agreement
for the Establishment of a Mixed Commission (14 Jan. 1966), art. I. MG, vol. II, annexe 29.
60
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 6. MG, vol. II, annexe 32.
- 17 -

2.31. Le texte final de l’article IV se lit comme suit :

«1) Si, dans les quatre ans qui suivront la date du présent Accord, la
Commission mixte n’est pas arrivée à un accord complet sur la solution du différend,
elle en réfèrera, dans son rapport final, au Gouvernement guyanais et au
Gouvernement vénézuélien pour toutes les questions en suspens. Ces Gouvernements
choisiront sans retard un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de
la Charte des Nations Unies.

2) Si, trois mois au plus tard après avoir reçu le rapport final, le Gouvernement
34

guyanais et le Gouvernement vénézuélien ne sont pas parvenus à un accord sur le
choix d’un des moyens de règlement prévus à l’Article 33 de la Charte des
Nations Unies, ils s’en remettront, pour ce choix, à un organisme international
compétent sur lequel ils se mettront d’accord, ou, s’ils n’arrivent pas à s’entendre sur
ce point, au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Si les moyens
ainsi choisis ne mènent pas à une solution du différend, ledit organisme ou, le cas
échéant, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, choisira un autre
des moyens stipulés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies, et ainsi de suite,
jusqu’à ce que le différend ait été résolu ou jusqu’à ce que tous les moyens de
règlement pacifique envisagés dans la Charte aient été épuisés.»

2.32. Les communications internes de l’époque révèlent que le Royaume-Uni et la Guyane
britannique reconnaissaient «l’utilité de disposer d’une solution de rechange faisant écho aux vues
du Venezuela selon lesquelles la commission mixte ne constituait pas le dispositif requis pour
poursuivre la recherche de solutions au «différend politique»»
61
.

2.33. La solution «de rechange» fut proposée pour la première fois par M. Iribarren Borges,
ministre vénézuélien des affaires étrangères. Se référant à la conférence de Londres de 1965, celuici apporta les précisions suivantes
lorsqu’il
présenta
le projet de loi portant
ratification de
l’accord

de Genève
au Congrès national
du
Venezuela le 17 mars 1966 :

«J’ai exposé une troisième proposition du Venezuela, qui visait à régler le
problème frontalier en trois étapes consécutives, assorties chacune d’une échéance, la
particularité étant que le processus devait avoir une fin : a) commission mixte ;
b) médiation ; c) arbitrage international.»
62

2.34. Selon le ministre britannique des affaires étrangères, au cours des rencontres
35

informelles tenues le 16 février 1966, «les Vénézuéliens ont souhaité faire de la commission
[mixte] un mécanisme qui devait déboucher sur le règlement du différend soit par le recours à un
nouvel arbitrage, soit par voie de médiation»
63
. Le 16 février, au premier jour des pourparlers, les

61
Télégramme en date du 3 février 1966 adressé au secrétaire d’Etat aux colonies du Royaume-Uni par le
gouverneur de la Guyane britannique, n
o
93A, par. 6. MG, vol. II, annexe 30.
62
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966) p. 9 («presenté
como tercera propuesta venezolana una fórmula que preveía la solución del problema fronterizo a través de tres etapas
consecutivas con sus respectivos plazos, con la particularidad de que el proceso había de tener un final: a) Comisión
Mixta; b) mediación; c) arbitraje internacional»). MG, vol. II, annexe 33.
63
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères. MG, vol. II, annexe 32. Cette position était aux antipodes
du projet de texte du Foreign Office, lequel prévoyait la création d’une commission ayant vocation à renforcer la
coopération dans le secteur de l’économie, ainsi que dans ceux du commerce, de la communication, des échanges
éducatifs et culturels et des relations diplomatiques et consulaires. Government of the United Kingdom, Draft Agreement
for the Establishment of a Mixed Commission (14 Jan. 1966). MG, vol. II, annexe 29.
- 18 -
concernant la détermination d’un moyen
particulier de règlement. Pour sortir de l’impasse, Michael Stewart formula la proposition
suivante :
Parties «semblaient s’engager dans une voie sans issue»
64

«[S]i la commission mixte n’est pas en mesure de régler le différend, les deux
gouvernements devront en premier lieu chercher à s’entendre sur le moyen de
règlement pacifique du différend, parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte des
Nations Unies, qui devra être appliqué en l’espèce ; à défaut d’un tel accord, il
conviendra de demander à l’Organisation des Nations Unies de choisir pour eux.»
65

2.35. M. Stewart constata que, «[f]ort heureusement», c’était le Venezuela qui avait introduit
l’idée d’un renvoi à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, dans l’un des projets de texte
présentés durant l’après-midi du 16 février
66
. Lors de ce qui fut considéré comme «le tournant de la
67
36

conférence»
, M. Iribarren Borges, qui présidait la délégation vénézuélienne, demanda à pouvoir
réserver sa réponse jusqu’au lendemain dans l’attente d’instructions de son gouvernement.

2.36. Le récit que M. Iribarren Borges fit des négociations concorde avec le compte rendu de
M. Stewart. Selon M. Iribarren Borges, le Venezuela avait proposé le recours à la Cour, dans le
droit fil de la «troisième formule» qu’il avait avancée à la conférence de Londres en 1965.
A Genève, le Royaume-Uni et la Guyane britannique s’y étaient montrés «réceptifs», mais s’étaient
opposés à l’idée de dresser la liste des moyens de règlement spécifiques. Selon les mots de
M. Iribarren Borges,
«[u]ne fois l’objection contournée en substituant à cette mention spécifique la
référence à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit ces deux
procédures que sont l’arbitrage et le recours à la Cour internationale de Justice, la
possibilité de parvenir à un accord redevint envisageable.»
68

2.37. Le 17 février 1966, les deux ministres des affaires étrangères examinèrent le libellé à
retenir au paragraphe 2 de l’article IV s’agissant de l’autorité appelée à choisir le moyen de
règlement dans le cas où les Parties n’arriveraient pas à s’entendre sur tel ou tel des moyens prévus
à l’article 33 de la Charte
69
. Michael Stewart relève que c’est M. Iribarren Borges qui proposa de
conférer le pouvoir de choisir le moyen de règlement au Secrétaire général de l’ONU :
37

64
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 5. MG, vol. II, annexe 32.
65
Ibid.
66
Ibid.
67
Ibid.
68
Déclaration de M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 13
(«Soslayada esta objeción, sustituyendo aquella mención específica por la referencia al artículo 33 de la Carta de las
Naciones Unidas que incluye aquellos dos procedimientos del arbitraje y del recurso a la Corte Internacional de
Justicia, se vio que había una posibilidad de lograr un acuerdo»). MG, vol. II, annexe 33.
69
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 6. MG, vol. II, annexe 32.
- 19 -

«Dans le libellé qui fut finalement approuvé pour l’article IV de l’accord («un
organisme international compétent», ou à défaut, le Secrétaire général de l’ONU),
nous avions proposé la première de ces options et les Vénézuéliens, la seconde.»
70

2.38. Dans sa déclaration devant le Congrès national du Venezuela, M. Iribarren Borges
souligna qu’il était parvenu avec succès à inclure dans le texte le renvoi au Secrétaire général de
l’ONU. Il expliqua que le premier choix du Venezuela aurait été de se référer à la Cour, mais que,
pour parvenir à un accord, il avait proposé que le Secrétaire général soit investi du pouvoir de
choisir le moyen de règlement :

«Je tiens à ce qu’il soit consigné au compte rendu que, dans les dernières
discussions relatives à l’accord de Genève, les Britanniques ont proposé de confier à
l’Assemblée générale des Nations Unies le choix du moyen de règlement à utiliser
parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte.

Cette proposition fut rejetée par le Venezuela pour les raisons suivantes :

1. Parce qu’il n’était pas indiqué de confier la tâche spécifique
consistant à choisir un moyen de règlement à une instance aussi
éminemment politique et délibérative que l’Assemblée générale des
Nations Unies. Cette procédure pourrait conduire à des retards
déraisonnables, dans la mesure où des éléments politiques extérieurs
pourraient aisément venir influencer la simple fonction consistant à
choisir le moyen de règlement ;

2. Parce que l’Assemblée générale des Nations Unies ne se réunit
38

en sessions ordinaires qu’une fois par an, pendant une période d’environ
trois mois, pour traiter de questions préalablement inscrites à son ordre de
jour, et en sessions extraordinaires uniquement à la demande de la
majorité des membres de l’Organisation des Nations Unies.

Le Venezuela a exposé ces raisons et proposé par ailleurs d’assigner la fonction
relative au choix du moyen de règlement à la Cour internationale de Justice, en sa
qualité d’instance permanente libre des contraintes susmentionnées. Cette proposition
ayant été rejetée par les Britanniques, le Venezuela proposa ensuite de confier ce rôle
au Secrétaire général de l’Organisation.»
71

70
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 6. MG, vol. II, annexe 32.
71
Déclaration de M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 17 («Debo
dejar constancia de que en las últimas etapas de discusión del Acuerdo de Ginebra, los británicos propusieron que la
elección de los medios de solución previstos en el artículo 33 de la Carta, se encomendara a la Asamblea General de las
Naciones Unidas. Esta propuesta fue desechada por Venezuela expresando las siguientes razones: 1. Porque no
convenía someter esa función específica de escoger los medios de solución a un órgano eminentemente político y
deliberante como la Asamblea General de las Naciones Unidas. Este procedimiento podría conducir a desmesuradas
dilaciones porque fácilmente se introducirían elementos políticos extraños a la sencilla función de escoger los medios de
solución; 2. Porque la Asamblea General de las Naciones Unidas sólo se reúne en sesiones ordinarias una vez por año,
por un periodo de unos tres meses, para tratar asuntos previamente señalados en la Agenda, y en sesiones
extraordinarias a solicitud del Consejo de Seguridad o de la mayoría de los miembros de las Naciones Unidas. Estas
razones las expuso Venezuela, y propuso que se encomendara la función de escoger los medios de solución a la Corte
Internacional de Justicia como órgano permanente y exento de los inconvenientes antes señalados. No habiendo sido
aceptada esta propuesta por los británicos, Venezuela propuso encomendar aquella función al Secretario General de las
Naciones Unidas»). MG, vol. II, annexe 33.
- 20 -

2.39. M. Iribarren Borges expliqua en outre que l’article IV donnait au Secrétaire général de
l’ONU le pouvoir d’opter pour le recours à l’arbitrage ou à une instance judiciaire comme moyens
de règlement, dans le cas où aucune des procédures tentées au préalable n’aurait abouti à un
règlement définitif du différend :

«En conclusion, en raison des objections du Venezuela acceptées par la
39

Grande-Bretagne, il est admis sans équivoque que seul participera au choix du moyen
de règlement le Secrétaire général de l’ONU, et non l’Assemblée.

Enfin, conformément à l’article 4, si aucune solution satisfaisant le Venezuela
ne devait être trouvée, la sentence de 1899 devrait être révisée par voie d’arbitrage ou
de recours à une instance judiciaire.»
72

2.40. Les propos de M. Iribarren Borges dénotent, dans l’esprit des Parties, un accord clair et
sans équivoque quant au fait que, selon le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, le
différend peut être réglé par la Cour ou par voie d’arbitrage, selon ce qu’aura décidé le Secrétaire
général de l’ONU.
D. Conclusion de l’accord de Genève : 1966

2.41. L’accord de Genève fut conclu et signé le 17 février 1966. Aux termes de l’article VII,
il devait «entre[r] en vigueur à la date de sa signature». MM. Iribarren Borges, Stewart et Burnham,
dans un communiqué conjoint, émirent le commentaire suivant :

«L’accord a été accueilli avec satisfaction par les ministres des trois pays, en ce
qu’il fournit les moyens de régler le différend qui nuisait aux relations entre les deux
voisins et jette les fondements d’une coopération future entre le Venezuela et la
Guyane britannique placée sous le signe de la bonne volonté.»
73

2.42. Le Royaume-Uni et la Guyane britannique se félicitèrent de l’issue de la conférence de
Genève. Michael Stewart s’exprima en ces termes :
40

«Sur le plan juridique, l’accord de Genève n’a aucunement porté préjudice à la
position de l’une ou l’autre des parties : les Guyanais et nous-mêmes continuons de
considérer que la sentence de 1899 est valide, tandis qu’aux yeux du Venezuela, elle
est nulle et non avenue. Au plan politique, il représente un compromis honorable.»
74

2.43. Et d’ajouter, peut-être porté par un optimisme excessif : «Le Venezuela peut désormais
espérer le règlement définitif du différend dans le courant de la décennie 1970.»
75

72
Déclaration de M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 19. MG,
vol. II, annexe 33.
73
Minister of Foreign Affairs of Venezuela, Minister of Foreign Affairs of the United Kingdom, and Prime
Minister of British Guiana, Joint Statement on the Ministerial Conversations from Geneva on 16 and 17 February 1966
(17 Feb. 1966). MG, vol. II, annexe 31.
74
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 8. MG, vol. II, annexe 32.
75
Ibid.
- 21 -

2.44. Le Venezuela voyait également dans l’accord de Genève un succès, notamment en
raison de l’incorporation de sa proposition à l’article IV. Voici ce que déclara M. Iribarren Borges
devant le Congrès national :

«Loin d’avoir été imposé, comme cela fut dit non sans malice, ou de relever
d’un stratagème britannique auquel la délégation vénézuélienne se serait naïvement
laissé prendre, l’accord se fonde sur une proposition du Venezuela qui avait, dans un
premier temps, été rejetée à Londres, mais vient d’être acceptée à Genève.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Fruit d’un dialogue diplomatique et non du monologue des vainqueurs, l’accord
de Genève inscrit dans une nouvelle donne les positions extrêmes de ceux qui exigent
la restitution du territoire spolié en application d’une sentence nulle et de ceux qui ne
nourrissaient aucun doute quant à leur souveraineté sur le territoire et n’étaient pas
disposés à porter cette affaire devant un quelconque tribunal.»
76

41

A la suite de l’exposé de la situation que fit le ministre des affaires étrangères, le Congrès national
ratifia l’accord de Genève sans réserve.

2.45. Le 4 avril 1966, le Secrétaire général accusa réception de l’accord de Genève et
accepta en ces termes le pouvoir que lui conférait le paragraphe 2 de l’article IV :

«J’ai pris note des responsabilités que le Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies pourrait être appelé à assumer au titre du paragraphe 2 de
l’article IV de l’accord et je souhaite vous informer que je considère celles-ci comme
étant de nature à pouvoir être assumées de manière appropriée par le Secrétaire
général.»
77
.

2.46. Le 21 avril 1966, lord Caradon, représentant permanent du Royaume-Uni auprès de
l’Organisation, prit acte, en s’en félicitant, de la lettre du Secrétaire général et confirma qu’elle
avait été transmise au ministre britannique des affaires étrangères et au premier ministre de la
Guyane britannique
78
.

2.47. Le 2 mai 1966, les représentants permanents du Royaume-Uni et du Venezuela auprès
42

de l’Organisation des Nations Unies écrivirent au Secrétaire général en lui transmettant
officiellement le texte de l’accord de Genève
79
. Ils relevaient que celui-ci avait été approuvé par le

76
Déclaration de M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 13 («Lejos
de haber sido éste, como se ha dicho maliciosamente, una imposición, o un artilugio británico que sorprendió la
ingenuidad de la Delegación venezolana, está basado en una propuesta venezolana que rechazada terminantemente en
Londres ha venido a ser aceptada en Ginebra. … Como fruto del dialogo diplomático, y no del monólogo de los
vencedores, el Acuerdo de Ginebra lleva a una nueva situación las posiciones extremas de quien exige la devolución del
territorio usurpado en virtud de un Laudo nulo, y la de quien argüía que no abrigando duda alguna sobre su soberanía
acerca de ese territorio, no estaba dispuesto a llevar la causa a tribunal alguno»). MG, vol. II, annexe 33.
77
Lettres en date du 4 avril 1966 adressées à M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, et
au très honorable lord Caradon, représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies, par
le Secrétaire général, U Thant. ReG, annexe 5.
78
Lettre en date du 21 avril 1966 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le représentant permanent du
Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies. MG, vol. II, annexe 37.
79
Lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU par les représentants permanents du Royaume-Uni et du
Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. A/6325 (3 mai 1966). MG, vol. II, annexe 38.
- 22 -
, publié sous forme de livre blanc au Royaume-Uni et entériné par
l’Assemblée de la Guyane britannique. Ils indiquaient également que le Venezuela et la Guyane
britannique avaient déjà nommé leurs représentants à la commission mixte. Ils rappelaient en outre
ceci :
Congrès national du Venezuela
80

«Votre Excellence a eu l’amabilité de déclarer que vous considériez que les
responsabilités que le Secrétaire général de l’ONU pourrait être appelé à assumer au
titre du paragraphe 2 de l’article IV sont de nature à pouvoir être assumées de manière
appropriée par le Secrétaire général»
81
.
Enfin, ils demandaient que le Secrétaire général prenne les dispositions nécessaires pour que la
lettre et le texte de l’accord de Genève soient distribués en tant que document de l’Assemblée
générale
82
.

2.48. Le 5 mai 1966, le Venezuela enregistra l’accord de Genève auprès de la Section des
traités de l’Organisation des Nations Unies
83
, sans opposer d’objection à l’une quelconque de ses
43

dispositions.

2.49. Le 26 mai 1966, un peu plus de trois mois après la conclusion de l’accord de Genève,
le Guyana accéda à l’indépendance et devint partie à l’accord conformément aux dispositions de
l’article VIII, ainsi libellé :
«Lors de l’accession de la Guyane britannique à l’indépendance, le
Gouvernement guyanais deviendra partie au présent Accord, à côté du Gouvernement
du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et du Gouvernement
vénézuélien.»
84

II. APPLICATION DE L’ACCORD DE GENÈVE : 1966-2018
A. Articles I à III de l’accord de Genève :
la commission mixte (1966-1970)

2.50. En application des articles I et II de l’accord
85
, il fut institué une commission mixte en
44

1966. Quatre représentants furent nommés, deux par le Guyana et deux par le Venezuela. Le
Guyana était représenté par sir Donald Jackson (ancien Chief Justice de la Guyane britannique) et
par Mohamed Shahabuddeen (qui était alors Solicitor General du Guyana et deviendrait ensuite
juge à la CIJ). Le Venezuela était représenté par Luis Loreto (qui allait devenir juge à la Cour
suprême du Venezuela) et Gonzalo Garcia Bustillos (futur ministre du bureau de la présidence du

80
Republic of Venezuela, Law Ratifying the Geneva Agreement (13 Apr. 1966). MG, vol. II, annexe 35.
81
Lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU par les représentants permanents du Royaume-Uni et du
Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. A/6325 (3 mai 1966), p. 1. MG, vol. II, annexe 38.
82
Lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU par les représentants permanents du Royaume-Uni et du
Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. A/6325 (3 mai 1966). MG, vol. II, annexe 38.
83
Voir la page de couverture de l’accord de Genève. ReG, annexe 4.
84
Ibid., art. VIII.
85
L’article I se lit comme suit : «Il sera institué une commission mixte chargée de rechercher des solutions
satisfaisantes pour le règlement pratique du différend survenu entre le Venezuela et le Royaume-Uni du fait de la position
du Venezuela, qui soutient que la sentence arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le
Venezuela est nulle et non avenue.» Le paragraphe 1 de l’article II est ainsi libellé : «Dans les deux mois qui suivront
l’entrée en vigueur du présent Accord, le Gouvernement de la Guyane britannique et le Gouvernement vénézuélien
nommeront chacun deux représentants auprès de la Commission mixte.» Ibid., art. I, II, par. 1.
- 23 -
Venezuela). La commission se réunit à de nombreuses reprises au cours de sa mandature de quatre
ans. Des exemplaires des procès-verbaux de ces réunions, soigneusement établis et signés, furent
joints aux rapports sur l’état d’avancement des travaux et au rapport final, eux-mêmes signés par
les quatre commissaires et adressés aux deux gouvernements
86
.

2.51. Les Parties ne s’accordaient pas sur le mandat de la commission, tel que prévu à
l’article I. Le Guyana considérait qu’il s’agissait de trouver une solution pratique à la question
juridique que soulevait la nullité alléguée par le Venezuela. De l’avis du Venezuela, une
«solution … satisfaisante … pour le règlement pratique du différend» supposait non pas que la
commission mixte tranche la question de la nullité en droit, mais qu’elle se penche sur celle de
savoir quelle portion du territoire de l’Essequibo le Guyana devait céder au Venezuela ou
soumettre à un programme de «développement commun»
87
. Les commissaires vénézuéliens
45

admirent toutefois expressément que, si la commission ne parvenait pas à trouver une solution au
différend,
«[i]l sera[it] procédé en temps utile … à l’examen juridique de la question [de la
nullité] par une juridiction internationale conformément à l’article IV de l’accord de
Genève»
88
.

2.52. Les travaux de la commission mixte se déroulèrent sur fond d’actions hostiles de la part
du Venezuela. Notons entre autres mesures l’occupation illicite par celui-ci de la moitié orientale
de l’île d’Ankoko au Guyana en octobre 1966, accompagnée de la construction d’installations
militaires et d’une piste d’atterrissage. Les protestations du Guyana ne se firent pas attendre, le
pays affirmant qu’il
«consid[érait] la présence de personnel vénézuélien tant civil que militaire dans la
partie de l’île d’Ankoko comprise dans le territoire de l’Etat du Guyana comme une
violation de la souveraineté territoriale du Guyana et un manquement à l’accord de
Genève du 17 février 1966»
89
.
Malgré les protestations répétées du Guyana, l’occupation illicite par le Venezuela se poursuit à ce
jour
90
.
46

86
Aux termes de l’article III, «[l]a Commission mixte présentera des rapports sur l’état d’avancement de ses
travaux tous les six mois à partir de la date de sa première séance.» Accord de Genève, art. III. ReG, annexe 4.
87
Cooperative Republic of Guyana, Ministry of Foreign Affairs, Memorandum on the Guyana/Venezuela
Boundary (2 Nov. 1981), reproduit dans U.N. General Assembly, 36th Session, Review of the Implementation of the
Declaration on the Strengthening of International Security, U.N. Doc A/C.1/36/9 (9 Nov. 1981), p. 7-8. MG, vol. III,
annexe 54.
88
United Kingdom, Ministry of External Affairs, First Interim Report of the Mixed Commission (30 Dec. 1966),
p. 3. MG, vol. II, annexe 41.
89
o
Note verbale n
CP(66)603 en date du 21 octobre 1966 adressée au ministre vénézuélien des affaires étrangères
par le premier ministre et ministre des affaires étrangères du Guyana. MG, vol. II, annexe 40.
90
Voir, par exemple, la lettre en date du 3 juin 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le
vice-président et ministre des affaires étrangères du Guyana, laquelle fait référence à «l’occupation illicite et
ininterrompue de la moitié guyanienne de l’île d’Ankoko par l’armée vénézuélienne». MG, vol. IV, annexe 105. Voir
aussi Assemblée générale des Nations Unies, trente-septième session, Point 9 de l’ordre du jour, Nations Unies,
doc. A/37/PV.16 (4 octobre 1982), par. 279, 282 («Au moment même où je parle, le Venezuela occupe militairement un
territoire qui appartient à la Guyane. Ce territoire a été occupé par la force armée en 1966. De plus, cet acte d’agression
s’est produit quelques mois à peine après la conclusion de l’Accord de Genève qui engageait les parties  y compris le
Venezuela  à rechercher un règlement pacifique. Le fait que cette agression n’ait pas eu lieu pendant que les
Britanniques étaient dans la colonie est particulièrement significatif : les Vénézuéliens ont attendu que les Britanniques
soient partis pour occuper une partie de notre territoire. … En envoyant leurs troupes au-delà des frontières en 1966, les
- 24 -

2.53. Deux ans plus tard, par un décret adopté en juillet 1968, le président du Venezuela,
Raúl Leoni, revendiqua les eaux territoriales bordant la côte du Guyana jusqu’à l’embouchure du
fleuve Essequibo
91
. Le Venezuela proféra également des menaces contre les investisseurs étrangers
dans la région de l’Essequibo. Le 15 juin 1968, son ministère des affaires étrangères affirmait, dans
un communiqué qu’il fit publier dans le quotidien The Times of London, que «le Venezuela
revendiquait la Guayana Esequiba, cette dernière lui appartenant de plein droit» et déclarait
«publiquement et catégoriquement» qu’il «ne reconna[issait] aucune forme de ces supposées
concessions déjà accordées ou destinées à l’être par le Gouvernement guyanien sur le territoire
s’étendant à l’ouest du fleuve Esequivo [sic]»
92
.

2.54. En 1970, la commission acheva son mandat de quatre ans sans être parvenue à un
accord, «complet» ou autre.
47

B. Suspension de l’article IV de l’accord de Genève en application
du protocole de Port of Spain : 1970-1982.

2.55. Dès lors que la commission mixte n’était pas parvenue à un «accord complet», elle
devait, aux termes de l’article IV de l’accord de Genève, en référer aux Gouvernements du Guyana
et du Venezuela afin que ces derniers «choisi[ssent] … un des moyens de règlement pacifique
énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies». Toutefois, il fut vite manifeste que les deux
gouvernements étaient incapables de s’entendre. Face aux menaces du Venezuela contre sa
souveraineté nationale, le Guyana, pour sa part, avait besoin d’un répit. En conséquence, il se
félicita de l’initiative du premier ministre de Trinité-et-Tobago, Eric Williams, qui facilita
l’adoption d’un «moratoire» sur le processus de règlement du différend, lequel allait trouver son
expression dans un protocole à l’accord de Genève (ci-après le «protocole de Port of Spain»).
2.56. Conformément au protocole de 1970
93
, les Parties convinrent de suspendre
l’application de l’article IV
94
et d’«étudier … tous les moyens d’améliorer la compréhension» entre
95
elles
. Le protocole devait «rester … en vigueur pendant une période initiale de douze ans» et
pouvait être dénoncé par l’un ou l’autre Etat à l’expiration de cette période initiale ou de toute

48

Vénézuéliens ont marqué leur intention de faire militairement pression sur la Guyane pour l’obliger à accepter un
nouveau tracé des frontières.»). MG, vol. III, annexe 57.
91
Par une note datée du 19 juillet 1968, le Guyana dénonça un décret pris par le président Raúl Leoni qui était
«censé entériner le rattachement aux eaux territoriales et à la zone contiguë du Venezuela d’une bande maritime située le
long de la côte du Guyana entre l’embouchure du fleuve Essequibo et la pointe Waini». Note verbale en date du 19 juillet
1968 adressée à l’ambassade de la République bolivarienne du Venezuela au Guyana par le ministère guyanien des
affaires étrangères. MG, vol. II, annexe 43.
92
Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Communiqué (14 May 1968). MG, vol. II, annexe 42.
93
Le protocole fut signé par le Guyana, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le
Venezuela le 18 juin 1970. Le titre complet du protocole est : «Protocole à l’Accord tendant à régler le différend entre le
Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la
Guyane britannique». Conformément à son article VI, le protocole entra en vigueur à la date de sa signature. Protocole à
l’accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique signé à Genève le 17 février 1966, RTNU, vol. 801,
p. 189 (18 juin 1970) (ci-après le «protocole de Port of Spain»). MG, vol. II, annexe 46.
94
L’article III du protocole dispose que, «[t]ant que le présent Protocole restera en vigueur, l’application de
l’article IV de l’Accord de Genève sera suspendue...» Ibid., art. III.
95
Ibid., art. I. Comme indiqué dans le préambule du protocole, il était entendu que «le développement d’une
confiance mutuelle et de rapports positifs et amicaux entre la Guyane et le Venezuela contribuera[it] à une amélioration
de leurs relations, comme il convient à des nations voisines et éprises de paix». Ibid., p. 184.
- 25 -
. Les deux Etats convinrent par ailleurs que, pendant le moratoire,
aucun d’eux n’affirmerait de revendication de souveraineté sur le territoire de l’autre
période de renouvellement
96
97
.

2.57. Quatre jours après la signature du protocole, le ministre vénézuélien des affaires
étrangères expliqua que son pays y voyait un «avantage … substantiel», puisqu’il permettait
d’«évite[r] que [son] différend frontalier avec le Guyana ne quitte (à très brève échéance, peut-être
trois mois) la table des négociations directes entre les parties intéressées pour être confié aux mains
de tierces parties»
98
. Il reconnaissait que,
«en l’absence de suspension de la force exécutoire de l’article IV, il n’[était] pas exclu
que trois mois après la soumission du rapport final de la commission mixte, une
question aussi vitale pour le Venezuela que ne l’[était] la détermination du moyen de
règlement du différend [fût] retirée des mains des deux parties directement intéressées
pour être tranchée par une institution internationale choisie par leurs soins ou, en
l’absence d’entente entre elles sur ce point, par le Secrétaire général de l’ONU»
99
.
49

2.58. Le Guyana et le Venezuela convinrent par ailleurs que chaque gouvernement ferait
«preuve de retenue dans ses déclarations et actions en évitant de battre en brèche l’honneur, le rang
ou l’autorité de l’autre». Ils confirmèrent que «chaque gouvernement s’abstiendra[it] de toute
déclaration, publication ou autre action susceptible de nuire au développement économique et au
progrès de l’autre Etat»
100
.

2.59. Néanmoins, en 1981  un an avant l’expiration du moratoire de douze ans  le
Venezuela reprit sa campagne d’intimidation à l’encontre du Guyana
101
. Le président Luis Herrera
Campins «ratifi[a] avec fermeté les revendications du Venezuela relatives au territoire de
l’Essequibo»
102
et le Venezuela annonça à la communauté internationale qu’il ne reconnaîtrait
50

96
Protocole de Port of Spain, art. V. MG, vol. II, annexe 46.
97
L’article II du protocole dispose qu’«aucune revendication résultant des différends dont il est fait mention dans
l’article I de l’Accord de Genève ne sera formulée par la Guyane en ce qui concerne la souveraineté territoriale sur les
territoires vénézuéliens ou par le Venezuela en ce qui concerne la souveraineté territoriale sur les territoires guyanais.»
Ibid., art. II.
98
Government of the Republic of Venezuela, Exposition of Motives for the Draft Law Ratifying the Protocol of
Port of Spain (22 June 1970), reproduit dans Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Claim of Guyana
Esequiba: Documents 1962-1981 (1981), par. 8. MG, vol. II, annexe 47.
99
Ibid., par. 4.
100
Government of the Cooperative Republic of Guyana and Government of the Republic of Venezuela, Minutes
of certain matters dealt with by the Minister of State of Guyana and the Minister of External Relations of Venezuela in
conversations held at Port-of-Spain (June 1970), p. 1. MG, vol. II, annexe 45. Décrit dans le procès-verbal concerné
comme un «engagement sur l’honneur», cet accord fut expressément mentionné par le Guyana devant l’Assemblée
générale des Nations Unies en septembre 1981. Assemblée générale des Nations Unies, trente-sixième session, point 9 de
l’ordre du jour, doc. A/36/PV.12 (24 septembre 1981), par. 61. MG, vol. II, annexe 53.
101
Voir Assemblée générale des Nations Unies, trente-sixième session, point 9 de l’ordre du jour,
doc. A/36/PV.12 (24 septembre 1981), par. 44, 58. MG, vol. II, annexe 53.
102
Cooperative Republic of Guyana, Ministry of Foreign Affairs, Memorandum on the Guyana/Venezuela
Boundary (2 Nov. 1981), reproduit dans U.N. General Assembly, 36th Session, Review of the Implementation of the
Declaration on the Strengthening of International Security, U.N. Doc A/C.1/36/9 (9 Nov. 1981), p. 12. MG, vol. III,
annexe 54.
- 26 -
.
En particulier, le Venezuela mit en échec le projet hydroélectrique du Haut Mazaruni au Guyana,
brandissant devant le président de la Banque mondiale, principale source de financement, la
menace de «ne reconnaîtr[e] aucun droit ni situation juridique» découlant du projet
aucune forme de coopération pour le développement du Guyana dans la région de l’Essequibo
103
104
.

2.60. Le 18 décembre 1981, le Venezuela notifia officiellement au Guyana sa décision de
dénoncer le protocole de 1970
105
, décision qui, conformément au paragraphe 3 de l’article V du
protocole, prit effet le 18 juin 1982
106
.
C. Incapacité des Parties à s’entendre, conformément au paragraphe 1 de l’article IV
de l’accord de Genève, sur «un des moyens de règlement pacifique énoncés
à l’article 33 de la Charte des Nations Unies» : 1982

2.61. L’article III du protocole de Port of Spain disposait que, à l’expiration du moratoire de
douze ans, l’application de l’article IV de l’accord de Genève serait reprise
107
. Le Venezuela en
avait expressément pris acte
108
51

.

2.62. Comme indiqué plus haut, l’article IV de l’accord de Genève envisageait trois étapes. Il
s’agissait, en premier lieu, pour les Parties de tenter d’arriver à un accord sur «un des moyens de

103
A la Conférence des Nations Unies sur les sources d’énergie nouvelles et renouvelables, tenue en août 1981,
telle que citée au paragraphe 59 du débat général de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 1981, le
Guyana fit observer : «Chacun sait que l’énergie joue un rôle important dans le processus du développement». Assemblée
générale des Nations Unies, trente-sixième session, point 9 de l’ordre du jour, doc. A/36/PV.12 (24 septembre 1981),
par. 38. MG, vol. II, annexe 53.
104
Lettre en date du 8 juin 1981 adressée au président de la Banque mondiale par le ministre vénézuélien des
affaires étrangères, p. 3. MG, vol. II, annexe 51. Le Venezuela assura une publicité maximale au document, transmettant
le texte de sa lettre à la presse et aux représentants des Etats membres de la Banque, comme indiqué dans la lettre en date
du 19 septembre 1981 adressée au président de la Banque mondiale par le vice-président du Guyana. MG, vol. II,
annexe 52.
105
Lettre adressée en décembre 1981 au ministre guyanien des affaires étrangères par le ministre vénézuélien des
affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 55.
106
Le paragraphe 3 de l’article V dispose que «[l]e présent Protocole pourra être dénoncé à l’expiration de la
période initiale ou de toute période de renouvellement à condition que, six mois au moins avant la date à laquelle il peut
être dénoncé, le Gouvernement guyanais ou le Gouvernement vénézuélien adresse aux autres Gouvernements parties au
présent Protocole une notification écrite à cet effet [sic].» Protocole de Port of Spain, art. V, par. 3. MG, vol. II,
annexe 46.
107
Aux termes de l’article III, «[à] la date à laquelle le présent Protocole cessera d’être en vigueur, l’application
dudit article sera reprise au point où elle aura été suspendue, c’est-à-dire comme si le rapport final de la Commission
mixte avait été présenté à ladite date...» Ibid., art. III.
108
Voir la déclaration du ministre vénézuélien des affaires étrangères en date du 10 avril 1981, reproduite dans
Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Claim of Guyana Esequiba: Documents 1962-1981 (1981) («La
conséquence immédiate de la dénonciation du protocole de Port of Spain est la pleine reprise des procédures prévues
dans l’accord de Genève dès 1966»). MG, vol. II, annexe 49 ; déclaration en date du 2 mai 1981 du ministère vénézuélien
des affaires étrangères («La décision du gouvernement national de ne pas poursuivre l’application du protocole de Port of
Spain après son expiration, communiquée à M. Burnham à l’occasion de sa visite à Caracas, a pour effet de remettre
pleinement en vigueur les dispositions de l’article IV de l’accord de Genève … il est également certain que l’accord,
après avoir été approuvé par le Congrès, a été érigé au rang de loi de la République et représente un engagement
international pour le Venezuela»). MG, vol. II, annexe 50.
- 27 -
.
A défaut de parvenir à l’accord ainsi visé au paragraphe 1, l’article IV prévoyait, en son
paragraphe 2, deux étapes supplémentaires dans la procédure (deuxième et troisième étapes). Dans
un premier temps, les Parties devaient «s’en remettr[e], pour [l]e choix [du moyen de règlement], à
un organisme international compétent sur lequel [elles] se mettr[aient] d’accord» (deuxième étape).
Toutefois, faute de «s’entendre sur ce point», elles devaient s’en remettre, pour ce choix, «au
Secrétaire général de l’Organisation» (troisième étape).
règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies» (art. IV, par. 1)
109
52

2.63. Par conséquent, à l’issue de cette période de douze ans, les Parties tentèrent d’abord de
se mettre d’accord sur «un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’article 33 de la Charte»,
comme prévu au paragraphe 1 de l’article IV, mais elles n’y parvinrent pas. Le Venezuela rejeta la
proposition de règlement judiciaire émise par le Guyana et proposa, pour sa part, des négociations
diplomatiques
110
. Devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 4 octobre 1982, le Guyana
expliqua ainsi sa position :

«Le Venezuela, comme c’était son droit souverain aux termes de l’Accord de
Genève, a proposé des négociations. La Guyane, après mûre réflexion, a proposé un
règlement judiciaire, également en vertu de son droit souverain. L’Accord de Genève
ne donne nullement la primauté aux négociations. Les moyens doivent être choisis
d’un commun accord par les deux parties et aucune des parties ne peut en décider
unilatéralement. La Guyane rejette donc toute insinuation selon laquelle elle aurait
refusé de négocier.

Je réaffirme que la Guyane est désireuse de régler son différend avec le
Venezuela par des moyens pacifiques et d’avoir des relations de bon voisinage
harmonieuses et pacifiques avec ce pays. Nous sommes un petit pays, pauvre et faible
du point de vue militaire. Mais nous ne nous laisserons pas intimider par le Venezuela.
Nous exigeons le respect de notre indépendance, de notre souveraineté et de notre
intégrité territoriale.»
111

2.64. Dans le cadre de la deuxième étape, le Guyana proposa trois instances susceptibles de
53

constituer l’«organisme international compétent» chargé de choisir le moyen de règlement, à savoir
la Cour, l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité de l’Organisation
112
. Le
Venezuela rejeta ses propositions, exprimant sa préférence pour un renvoi immédiat au Secrétaire
général de l’ONU (tel que prévu dans le cadre de la troisième étape). Dans une lettre datée du
19 septembre 1982, le ministre vénézuélien des affaires étrangères déclara :

109
Le paragraphe 1 de l’article IV dispose que
«[s]i, dans les quatre ans qui suivront la date du présent Accord, la Commission mixte n’est pas arrivée à
un accord complet sur la solution du différend, elle en réfèrera, dans son rapport final, au Gouvernement
guyanais et au Gouvernement vénézuélien pour toutes les questions en suspens. Ces Gouvernements
choisiront sans retard un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de la Charte des
Nations Unies.»
Accord de Genève, art. IV, par. 1. ReG, annexe 4.
110
Cooperative Republic of Guyana, Ministry of Foreign Affairs, Press Release (30 Mar. 1983). MG, vol. III,
annexe 62.
111
Assemblée générale des Nations Unies, trente-septième session, point 9 de l’ordre du jour, doc. A/37/PV.16
(4 octobre 1982), par. 287-288. MG, vol. III, annexe 57.
112
Voir Assemblée générale des Nations Unies, trente-septième session, point 9 de l’ordre du jour,
doc. A/37/PV.26 (11 octobre 1982), par. 207-215. MG, vol. III, annexe 58.
- 28 -

«Le Venezuela est aujourd’hui convaincu que l’organisme international le plus
compétent pour choisir un moyen de règlement est le Secrétaire général de l’ONU,
lequel a accepté cette responsabilité dans sa note en date du 4 avril 1966 souscrite par
U Thant, et dont le rôle a été expressément approuvé par les parties dans le texte
même de l’accord de Genève.»
113

2.65. Le Venezuela réitéra sa position dans une lettre datée du 15 octobre 1982 :

«Le Venezuela est convaincu que, pour mettre en œuvre les dispositions du
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, l’organisme international le plus
compétent est le Secrétaire général de l’ONU … Le Venezuela souhaite réaffirmer sa
conviction que le plus pratique et le plus indiqué serait de confier le choix du moyen
de règlement directement au Secrétaire général de l’ONU. Puisqu’il est manifeste
qu’aucun accord n’existe entre les parties quant au choix d’un organisme international
chargé de remplir les fonctions prévues au paragraphe 2 de l’article IV, force est de
constater que cette fonction relève désormais de la responsabilité du Secrétaire général
de l’ONU.»
114

54

2.66. Compte tenu de la position du Venezuela et de l’impossibilité qui en est résultée de
parvenir à un accord sur tout autre organisme international à qui confier le choix du moyen de
règlement, le Guyana accepta par lettre datée du 28 mars 1983 de «passer à l’étape suivante et, en
conséquence, [de] s’en remettre, pour ce choix, au Secrétaire général de l’ONU»
115
, conformément
au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève.
D. Renvoi au Secrétaire général de l’ONU du choix du moyen de
règlement, conformément au paragraphe 2 de l’article IV
de l’accord de Genève : 1983

2.67. Saisi par les Parties, le Secrétaire général, Javier Pérez de Cuéllar, accepta d’endosser
la responsabilité de choisir le moyen de règlement du différend, en vertu du pouvoir dont il était
investi conformément au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève. Dans sa lettre en date
du 31 mars 1983, il déclara ce qui suit :
«Ayant reçu l’assurance que les Gouvernements du Guyana comme du
Venezuela souhaitent que je m’acquitte de la responsabilité qui m’est conférée au
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, je vous communiquerai, après
examen en bonne et due forme, à vous ainsi qu’au Gouvernement du Venezuela la
conclusion à laquelle j’aurai abouti dans l’exercice de cette responsabilité.»
116
55

113
Lettre en date du 19 septembre 1982 adressée au ministre guyanien des affaires étrangères par le ministre
vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 56.
114
Lettre en date du 15 octobre 1982 adressée au ministre guyanien des affaires étrangères par le ministre
vénézuélien des affaires étrangères, p. 2. MG, vol. III, annexe 59.
115
Voir la lettre en date du 28 mars 1983 adressée au ministre vénézuélien des affaires étrangères par le ministre
guyanien des affaires étrangères («constatant à regret que [le Venezuela] n’est pas disposé à engager des efforts sérieux
pour arriver à un accord sur l’organisme international compétent à qui reviendrait le choix du moyen de règlement,
consent par la présente à passer à l’étape suivante et, en conséquence, à s’en remettre, pour ce choix, au Secrétaire
général de l’ONU»). MG, vol. III, annexe 61. Voir aussi Assemblée générale des Nations Unies, trente-huitième session,
point 9 de l’ordre du jour, doc. A/38/PV.20 (5 octobre 1983), par. 221. MG, vol. III, annexe 65.
116
Lettre en date du 31 mars 1983 adressée au ministre guyanien des affaires étrangères par le Secrétaire général
de l’ONU. MG, vol. III, annexe 63.
- 29 -

2.68. Le 31 août 1983, le Secrétaire général publia une déclaration dans laquelle il expliquait
que, «pour s’acquitter plus facilement de sa responsabilité au titre du paragraphe 2 de l’article IV
de l’accord signé à Genève», il avait chargé le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques,
Diego Cordovez, de se rendre à Caracas et à Georgetown, et ce, «aux fins de se renseigner sur les
vues éventuelles des parties quant au choix d’un moyen de règlement pacifique»
117
.

2.69. M. Cordovez rapporta, après avoir consulté les Parties, que tant le Guyana que le
Venezuela avaient «réaffirmé qu’ils étaient disposés à coopérer pleinement avec le Secrétaire
général dans l’exercice de la responsabilité incombant à ce dernier au titre de l’accord de
Genève»
118
. Compte tenu des informations fournies par M. Cordovez et des vues exprimées par les
56
Parties, le Secrétaire général décida qu’une procédure des bons offices conduite par son
représentant personnel serait le moyen de règlement indiqué.

E. Procédure des bons offices : 1990-2014

2.70 Dès 1990, les secrétaires généraux qui se succédèrent exercèrent le pouvoir que leur
conférait le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève en nommant d’éminents
représentants personnels chargés de conduire la procédure des bons offices :
a) De 1990 à 1999, Alister McIntyre (Grenade) fut nommé par le Secrétaire général Javier Pérez
de Cuéllar. M. McIntyre avait précédemment occupé la fonction de Secrétaire général de la
Communauté des Caraïbes (CARICOM) et était alors vice-président de l’Université des Indes
occidentales.
b) De 1999 à 2007, Oliver Jackman (Barbade) fut nommé par le Secrétaire général Kofi Annan
comme son «représentant personnel pour le différend frontalier entre le Guyana et le
Venezuela»
119
. Il avait mené une illustre carrière au sein du corps diplomatique (occupant entre
autres les fonctions d’ambassadeur aux Etats-Unis et de représentant permanent auprès de
l’Organisation des Etats américains et de l’Organisation des Nations Unies)
120
et avait été élu
juge à la Cour interaméricaine des droits de l’homme
121
. En 1980, il avait été décoré par le
Venezuela de l’ordre de Francisco de Miranda
122
.
57

117
Télégramme en date du 31 août 1983 adressé au ministre guyanien des affaires étrangères par le Secrétaire
général de l’ONU, p. 2. MG, vol. III, annexe 64.
118
Ibid., p. 3. Il indiqua par ailleurs qu’il avait «fait savoir au Secrétaire général que les Gouvernements du
Guyana et du Venezuela l’avaient assuré qu’ils étaient déterminés à faire tout leur possible pour régler leur différend de
façon entièrement pacifique et amiable». Voir aussi Assemblée générale des Nations Unies, trente-neuvième session,
point 9 de l’ordre du jour, doc. A/39/PV.19 (3 octobre 1984), par. 134 (où le Guyana note que «[l]e Secrétaire général a
été quelque peu prophète lorsqu’il a demandé et obtenu des deux pays les assurances qu’ils feraient tout ce qui était
nécessaire «pour établir et maintenir le climat le plus favorable à l’application effective de l’Accord de Genève»»).
MG, vol. III, annexe 66.
119
Secrétaire général de l’ONU, communiqué de presse : Le Secrétaire général nomme M. Oliver Jackman
comme son représentant personnel pour le différend frontalier entre le Guyana et le Venezuela, doc. SG/A/709
(26 octobre 1999). MG, vol. III, annexe 72.
120
Ibid.
121
Ibid.
122
Ibid. M. Jackman avait auparavant occupé les fonctions de chef du service de l’information au sein de la
commission économique pour l’Afrique de l’Organisation des Nations Unies, siégé à la commission nationale haïtienne
de vérité et de justice et été membre, à la Barbade, de la commission pour la justice sociale et de la commission d’examen
de la Constitution.
- 30 -
c) Le décès soudain de M. Jackman en janvier 2007 provoqua un hiatus dans la procédure des
bons offices, qui perdura jusqu’à la nomination de Norman Girvan en 2010
. Ce dernier avait
été secrétaire général de l’Association des Etats de la Caraïbe de 2000 à 2004, membre du
comité des politiques de développement des Nations Unies et professeur émérite à l’Université
des Indes occidentales
123
124
. Il décéda à son tour en 2014.

2.71. Entre 1990 et 2014, la procédure des bons offices mobilisa considérablement
l’Organisation des Nations Unies comme les Parties. Des facilitateurs, choisis par le Guyana et le
Venezuela, respectivement, furent désignés pour assister dans ses travaux le représentant personnel
du Secrétaire général et, en plus des visites périodiques du représentant personnel à Caracas et à
Georgetown, des rencontres furent organisées régulièrement entre les ministres des affaires
étrangères et le Secrétaire général de l’ONU en marge de la session annuelle de l’Assemblée
générale.
58

2.72. Dans le cadre des obligations leur incombant au titre du paragraphe 2 de l’article IV de
l’accord de Genève, les Parties réaffirmèrent constamment leur attachement à la procédure des
bons offices, choisie comme moyen de règlement du différend par le Secrétaire général en vertu du
pouvoir que lui conférait ledit paragraphe. Par exemple :
a) A la suite de la réunion tenue le 5 avril 1993 en présence des ministres guyanien et vénézuélien
des affaires étrangères, du Secrétaire général de l’ONU et de M. McIntyre, il fut publié une
déclaration commune dans laquelle on pouvait lire :

«Les représentants des deux pays réaffirment que, fidèles à leur engagement
profond et indéfectible en faveur de la résolution pacifique des questions relevant du
cadre de l’accord de Genève de 1966, leurs gouvernements sont déterminés à aboutir à
un règlement pacifique du différend, par le biais de la procédure des bons offices du
Secrétaire général.»
125

b) Le 2 octobre 1996, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le président du Venezuela
déclara que le différend
«entr[ait] dans le cadre de l’Accord de Genève de 1966 signé par les deux pays en vue
de parvenir à une solution pratique et durable à ce conflit. Dans l’esprit de dialogue et
de coopération qui existe entre les deux parties, nous avons fait appel aux bons offices
du Secrétaire général et agissons actuellement selon l’un des mécanismes de
règlement pacifique des différends prévus dans la Charte des Nations Unies»
126
.
59

123
Voir Secrétaire général de l’ONU, communiqué de presse : Le Secrétaire général nomme Norman Girvan, de
la Jamaïque, comme son Représentant personnel sur la dispute frontalière entre le Guyana et le Venezuela,
doc. SG/A/1230-BIO/4183 (21 avril 2010). MG, vol. III, annexe 76.
124
Ibid. Il travailla également en qualité d’administrateur principal et de consultant pour le Centre des Nations
Unies sur les sociétés transnationales et comme directeur de recherche à l’Institut africain de développement économique
et de planification de l’Organisation des Nations Unies à Dakar (Sénégal). En outre, il occupa les fonctions de directeur
technique principal à l’Agence nationale pour la planification de la Jamaïque et siégea au conseil d’administration de la
Banque de Jamaïque et au conseil économique du Gouvernement de la Jamaïque.
125
Government of the Cooperative Republic of Guyana and Government of the Republic of Venezuela, Joint
Statement (5 Apr. 1993), p. 5. MG, vol. III, annexe 67.
126
Assemblée générale des Nations Unies, cinquante et unième session, point 9 de l’ordre du jour,
doc. A/51/PV.19 (2 octobre 1996), p. 14. MG, vol. III, annexe 69.
- 31 -
c) Le 23 juillet 1998, les présidents du Venezuela et du Guyana firent publier un communiqué
commun dans lequel ils «réaffirm[aient] leur décision de continuer de se prévaloir des bons
offices de M. McIntyre pour parvenir à un règlement définitif, conformément aux vœux
exprimés dans l’accord de Genève de 1966»
127
.

2.73. Malgré les efforts déployés vingt-quatre années durant, les Parties ne firent aucun
progrès significatif sur la voie d’un règlement du différend dans le cadre de la procédure des bons
offices. A l’occasion du décès de M. Girvan en 2014 et alors qu’il fallait, une fois de plus, désigner
un nouveau représentant personnel, il apparut de plus en plus clairement que la procédure des bons
offices ne permettrait pas de régler le différend et devait céder la place à un autre moyen de
règlement, en application du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève.
F. Violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Guyana

2.74. En dépit de sa participation à la procédure des bons offices, le Venezuela commit
plusieurs actes d’hostilité destinés à faire pression sur le Guyana pour qu’il cède le territoire
désigné par lui sous le nom de «Guayana Esequiba», situé à l’ouest du fleuve Essequibo. Comme le
fit observer le Guyana dans une lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU,
«au cours des vingt-cinq années qu’a duré la procédure des bons offices, le Guyana a
continué de subir menaces et intimidation, incursions militaires et tentatives de
subversion, ainsi qu’une politique délibérée visant à contrarier son développement
économique»
128
60

.

2.75. Les incursions militaires du Venezuela se firent de plus en plus fréquentes au cours des
dernières années de la procédure des bons offices. Par exemple
129
:
a) En novembre 2007, un général vénézuélien à la tête de quelque trente soldats pénétra en
territoire guyanien sur le fleuve Cuyuni, avec l’appui d’hélicoptères militaires, et fit usage
d’explosifs pour détruire des dragues guyaniennes. Par une note datée du 15 novembre 2007, le
Guyana protesta, se déclarant «extrêmement alarmé par ces incursions non autorisées sur son
territoire et demand[ant] la cessation immédiate des opérations menées par les forces armées
vénézuéliennes sur son sol et dans son espace aérien»
130
.
b) En 2013, des soldats armés vénézuéliens débarquèrent en territoire guyanien à Eteringbang
131
.
c) En juin 2014, les forces armées vénézuéliennes traversèrent le territoire du Guyana à
Bruk up Landing
132
, procédèrent à la confiscation de biens et placèrent en détention des
ressortissants guyaniens. Par une note datée du 1
er
61

juillet 2014, le Guyana protesta contre «ces

127
Government of the Cooperative Republic of Guyana and Government of the Republic of Venezuela, Joint
Communiqué (23 July 1998). MG, vol. III, annexe 70.
128
Lettre en date du 3 juin 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le vice-président et ministre des
affaires étrangères du Guyana. MG, vol. IV, annexe 105.
129
La carte reproduite à l’annexe 125 montre approximativement où ont eu lieu les incidents décrits dans le
présent paragraphe. Voir la carte des violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Guyana. MG, vol. IV,
annexe 125.
130
o
Note verbale n
DG/2/11/2007 en date du 15 novembre 2007 adressée à l’ambassade de la République
bolivarienne du Venezuela au Guyana par le ministère guyanien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 74.
131
D. Scott Chabrol, «Venezuelan soldiers weren’t allowed entry», Demerara Waves (13 Sept. 2013).
MG, vol. III, annexe 78.
132
Bruk up se situe sur la rive guyanienne de l’Amacuro.
- 32 -
actes de provocation commis par l’armée vénézuélienne», notant qu’«[i]ls constitu[aient] une
violation du territoire du Guyana ainsi que des droits fondamentaux de son peuple»
133
.

2.76. Le Venezuela continua également d’entraver par divers moyens le développement
économique du Guyana, y compris en intimidant des investisseurs potentiels
134
. Parmi les exemples
les plus récents, citons les suivants :
a) En 2013, la marine vénézuélienne arraisonna un navire de recherche, le Teknik Perdana, qui
menait ses activités de manière pacifique dans les eaux du Guyana
135
. Le navire était affrété par
une société américaine titulaire d’une licence délivrée par le Guyana, Anadarko Petroleum
Corporation, qui menait une campagne de prospection par analyse sismique transitoire au large
de la côte guyanienne de l’Essequibo. Les actes du Venezuela marquèrent l’arrêt de toutes les
activités de prospection de la société dans les eaux guyaniennes
136
.
b) En 2014, le Venezuela s’opposa à un projet hydroélectrique conjoint prévu par le Guyana et le
Brésil dans la région du Haut Mazaruni
137
.
62

c) La même année, le Venezuela mit en garde le Guyana, l’appelant à s’abstenir de toute activité
économique à l’ouest du fleuve Essequibo
138
.
G. Epuisement de la procédure des bons offices et décision du Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies de recourir à la Cour internationale
de Justice pour régler le différend : 2014-2018
1. Absence de progrès sur la voie d’un règlement dans le cadre de la procédure des bons
offices : 2014-2015
63

2.77. Dès 2014, le Guyana conclut que, au vu de l’impossibilité de parvenir au règlement du
différend dans le cadre de la procédure des bons offices, l’heure était venue pour le
Secrétaire général de choisir un autre moyen de règlement parmi ceux énoncés à l’article 33 de la
Charte des Nations Unies. Dans une lettre adressée le 2 décembre 2014 à son homologue
vénézuélien, la ministre guyanienne des affaires étrangères affirma que,

133
o
Note verbale n
815/2014 en date du 1
er
juillet 2014 adressée au ministère vénézuélien des affaires étrangères
par le ministère guyanien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 83.
134
Voir plus haut, sect. II A) et B).
135
Evoqué dans l’allocution du président du Guyana devant l’Assemblée générale des Nations Unies,
soixante-dixième session, doc. A/70/PV.16 (29 septembre 2015), p. 3. MG, vol. III, annexe 99.
136
Voir la lettre en date du 20 août 2014 adressée à R. M. Persaud, ministre guyanien des ressources naturelles et
de l’environnement, par F. Patterson, représentant de la société Anadarko Petroleum Co. MG, vol. III, annexe 84.
137
Voir la note verbale n
o
000802 en date du 8 avril 2014 adressée au ministère guyanien des affaires étrangères
par le ministère vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 80 ; note verbale n
o
DG/07/04/2014 en date du
14 avril 2014 adressée au ministère vénézuélien des affaires étrangères par le ministère guyanien des affaires étrangères.
MG, vol. III, annexe 81 ; lettre en date du 15 avril 2014 adressée au Secrétaire général de l’ONU par la ministre
guyanienne des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 82.
138
o
Note verbale n
I.DDM.005568 en date du 22 septembre 2014 adressée au ministère guyanien des affaires
étrangères par le ministère vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 85.
- 33 -
«après vingt-cinq années[, la procédure des bons offices] ne nous a aucunement
rapprochés d’un règlement du différend... Je tiens par conséquent à vous faire savoir
que le Gouvernement du Guyana étudie actuellement les autres options prévues à
l’article 33»
139
.

2.78. Dans sa réponse, le Venezuela, ayant apparemment conclu que le statu quo lui était
profitable, déclara que «le mécanisme [des bons offices] demeur[ait] idoine sur le plan politique et
juridique» pour traiter le différend, qui, ajoutait-il, découlait de ce que «la sentence de Paris de
1899 [était] nulle et non avenue»
140
. Dans une lettre ultérieure datée du 19 juin 2015, le Venezuela
défendit en ces termes la procédure des bons offices en invoquant l’accord de Genève, la Charte
des Nations Unies et l’autorité du Secrétaire général :

«[L]e droit international, en particulier l’accord de Genève signé par nos deux
64

pays le 17 février 1966 conformément à la Charte des Nations Unies, s’applique à ce
différend territorial … l’accord de Genève continue d’être mis en œuvre par le
Secrétaire général de l’ONU, par le truchement de ses hauts représentants qui prêtent
leurs bons offices en application dudit accord»
141
.

2.79. Tout en invoquant le droit international et la Charte des Nations Unies, le Venezuela
continua de commettre des actes emportant violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale
du Guyana. Ainsi, en mai 2015, il promulgua un décret affirmant sa souveraineté et ses droits
souverains sur la totalité de l’espace maritime guyanien bordant la côte de l’Essequibo et autorisant
sa marine à y asseoir son autorité
142
.

2.80. Le 9 juillet 2015, le président vénézuélien Nicolas Maduro écrivit dans les termes
suivants au Secrétaire général pour lui demander de nommer un nouveau représentant personnel et
de relancer la procédure des bons offices
143
:

«La désignation d’un chargé des bons offices étant un moyen idoine pour
65

avancer sur la voie d’un règlement pacifique du différend territorial, tel qu’envisagé
au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève … [et] ce moyen n’ayant pas été
épuisé, il y a lieu de prier instamment le Secrétaire général de l’ONU d’exercer la
compétence dont il a été investi par les parties au titre de l’accord de Genève et de
nommer un nouveau représentant chargé d’offrir ses bons offices...»

139
Lettre en date du 2 décembre 2014 adressée au ministre vénézuélien des affaires étrangères par la ministre
guyanienne des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 86. Voir aussi Caribbean Community (CARICOM), Statement:
Thirtieth Regular Meeting of Heads of Government, Guyana (July 2009). MG, vol. III, annexe 75.
140
Lettre en date du 29 décembre 2014 adressée à la ministre guyanienne des affaires étrangères par le ministre
vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 87.
141
Lettre en date du 19 juin 2015 adressée au ministre guyanien des affaires étrangères par le ministre
vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 95.
142
Bolivarian Republic of Venezuela, Decree No. 1.787 (26 May 2015), publié dans The Official Gazette of the
Bolivarian Republic of Venezuela (27 May 2015). MG, vol. III, annexe 89. Ce décret fut condamné par le Guyana (voir,
par exemple, la lettre en date du 8 juin 2015 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le ministre guyanien des
affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 90, et Caribbean Community (CARICOM), Statement: Thirtieth Regular
Meeting of Heads of Government, Guyana (July 2009). MG, vol. III, annexe 75. Un décret amendé (n
o
1859) fut
subséquemment publié en juillet 2015. «New Venezuelan decree doesn’t remove old claims  Granger», Guyana Times
(9 July 2015). MG, vol. III, annexe 97.
143
Lettre en date du 9 juillet 2015 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le président du Venezuela.
MG, vol. III, annexe 98.
- 34 -

2.81. Le 29 septembre 2015, le président du Guyana, M. Granger, s’exprima devant
l’Assemblée générale des Nations Unies, indiquant que, de l’avis du Guyana, après vingt-cinq
années d’échec, la procédure des bons offices était épuisée, et que l’heure était venue de choisir un
nouveau moyen de règlement
144
:

«[D]ès le début de l’indépendance du Guyana, le Venezuela a eu recours à
divers stratagèmes pour nous priver de notre territoire... Le Venezuela  qui est plus
de quatre fois plus grand que le Guyana, et qui dispose de forces armées dont les
effectifs sont plus de 40 fois plus nombreux que ceux de notre force de défense  se
livre à des actes d’intimidation et d’agression, bien conscient de la supériorité de ses
richesses et de sa puissance militaire, mais oubliant l’obligation qui lui incombe en sa
qualité de membre de l’ONU, de l’Union des nations de l’Amérique du Sud et de
l’Organisation des Etats américains. ... Nous remercions l’ONU et le Secrétaire
général d’avoir nommé divers responsables au cours des 25 dernières années qui ont
usé de leurs bons offices pour aider à régler ce différend. Nous estimons toutefois que
le processus a désormais épuisé ses effets. Le Guyana ne tient pas à ce que ces
odieuses revendications territoriales compromettent ses perspectives de paix et
entravent son potentiel de croissance pour les 50 prochaines années. Il nous faut
trouver une solution définitive pour ne pas avoir à affronter un avenir éternellement
empreint de danger et de misère, et nous recherchons une solution juridique à ce
différend. … L’ONU demeure notre meilleur espoir et notre meilleure perspective de
paix, et constitue la meilleure garantie de sécurité pour les petits Etats.»
66

145

2. Consultation des Parties par le Secrétaire général de l’ONU : 2015-2016

2.82. Le Secrétaire général Ban Ki-moon tint une rencontre avec les présidents du Guyana et
du Venezuela à la soixante-dixième session de Assemblée générale des Nations Unies en
septembre 2015
146
. Dans le courant de l’année, il présenta une proposition intitulée «The way
forward» («La marche à suivre») en vue de progresser sur la voie du règlement du différend
147
.
Comme prôné dans ce document, de nombreuses consultations et réunions eurent lieu au plus haut
niveau entre les Parties et le chef de cabinet du Secrétaire général de l’ONU
148
.

2.83. Au cours de cette période, les actes du Venezuela continuèrent de s’inscrire dans un
contexte d’hostilité à l’encontre du Guyana. Le 4 février 2016, à l’approche du cinquantenaire de
l’accord de Genève et de l’indépendance du Guyana, le ministre vénézuélien des affaires étrangères
prononça une déclaration devant l’Organisation des Nations Unies tendant à «confirm[er] [l]es

144
Allocution du président du Guyana devant l’Assemblée générale des Nations Unies, soixante-dixième session,
67

Nations Unies, doc. A/70/PV.16 (29 septembre 2015), p. 3-4. MG, vol. III, annexe 99. Voir aussi Assemblée générale des
Nations Unies, trente-septième session, point 9 de l’ordre du jour, doc. A/37/PV.16 (4 octobre 1982), par. 281 («Par son
comportement depuis 1966, le Venezuela a créé non seulement l’image mais la réalité d’un pays agresseur.»). MG,
vol. III, annexe 57.
145
Voir aussi Republic of Guyana, Ministry of Foreign Affairs, Press Release (17 Feb. 2018) (notant que «[l]a
commission mixte a été dissoute en 1970. Pendant les quarante-sept années qui ont suivi, le Venezuela a cherché à
contrarier le développement du Guyana, a fait obstruction au processus de règlement et a progressivement intensifié son
militarisme  sur terre comme en mer»). MG, vol. IV, annexe 129.
146
Voir les propos du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dans U.N. Secretary-General, Note to
Correspondents: The Controversy between Guyana and Venezuela (16 Dec. 2016). MG, vol. IV, annexe 111.
147
Lettre en date du 12 novembre 2015 adressée au président du Guyana par le chef de cabinet de l’Organisation
des Nations Unies. MG, vol. IV, annexe 100.
148
Lettre en date du 9 novembre 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le ministre guyanien des
affaires étrangères. MG, vol. IV, annexe 109. Par exemple, en mars 2016, des rencontres furent organisées avec les
Parties à Georgetown et à Caracas respectivement, dans le but d’arriver à un accord (voir la lettre en date du 26 avril
2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le président du Guyana). MG, vol. IV, annexe 103.
- 35 -
droits [du Venezuela] sur l’Essequibo»
. Le 30 mai 2016, une équipe composée de trois agents
guyaniens chargés de contrôler les activités menées dans la région de l’Essequibo essuya des tirs
des forces armées vénézuéliennes
149
150
.

2.84. Le 26 avril 2016, le président Granger adressa une lettre au Secrétaire général
s’inquiétant de ce que le Venezuela «à l’évidence, n’[était] pas disposé à accepter quelque forme de
procédure effective pour le règlement du différend» et de ce qu’«il a[vait] été porté atteinte à la
sécurité, au développement et au bien-être du Guyana». Il priait instamment le Secrétaire général,
«dans l’exercice du pouvoir que [lui] conf[érait] l’article IV de l’accord de Genève, d’informer les
Parties de la procédure sur laquelle [il] port[erait son] choix en vue du règlement définitif et
contraignant du différend par la Cour internationale de Justice»
151
. Son allocution devant
l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2016 allait dans le même sens
152
:

«Depuis mon allocution de l’an dernier, le Venezuela a usé de tous les moyens
68

dilatoires, intensifiant son agression contre le Guyana et mettant en échec tous les
efforts déployés par le Secrétaire général pour trouver un moyen de progresser, à tout
le moins sous la forme d’un processus qui conduise à un règlement définitif de cette
controverse. Le Guyana est prêt à demander à la Cour internationale de Justice de se
prononcer définitivement sur cette question. Nous travaillerons résolument, avec le
Secrétaire général, durant les derniers mois de son mandat... Dans l’Accord de Genève
de 1966, le Venezuela a accepté que le Secrétaire général détermine les moyens de
régler cette controverse, y compris par un règlement judiciaire.»
3. Décision du Secrétaire général de l’ONU de reconduire la procédure des bons offices pour
une année supplémentaire : 15 décembre 2016

2.85. Le 31 octobre 2016, le Secrétaire général Ban Ki-moon fit savoir aux Parties qu’il
n’était pas convaincu de l’opportunité de nommer un nouveau représentant personnel chargé de
poursuivre la procédure des bons offices, mais entendait faire le bilan des progrès accomplis sur la
voie du règlement du différend
153
.

149
M. Carl Greenidge, vice-président et ministre des affaires étrangères, y fit référence dans sa déclaration devant
l’Assemblée nationale en février 2016. Government of the Cooperative Republic of Guyana, Proceedings and Debates of
the National Assembly of the First Session (2015-2016) of the Eleventh Parliament of Guyana under the Co-operative
Republic of Guyana held in the Parliament Chamber, Public Buildings, Brickdam, Georgetown (11 Feb. 2016).
MG, vol. IV, annexe 102 ; déclaration en date du 11 février 2016 du ministre guyanien des affaires étrangères devant
l’Assemblée nationale. MG, vol. IV, annexe 101.
150
o
Note verbale n
1075/2016 en date du 1
er
juin 2016 adressée au ministère vénézuélien des affaires étrangères
par le ministère guyanien des affaires étrangères. MG, vol. IV, annexe 104.
151
Lettre en date du 26 avril 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le président du Guyana.
MG, vol. IV, annexe 103. Voir aussi la lettre en date du 3 juin 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le
vice-président et ministre guyanien des affaires étrangères (lui rappelant que le choix de recourir à la Cour «était en [son]
pouvoir conformément à l’accord de Genève de 1966»). MG, vol. IV, annexe 105.
152
Allocution du président du Guyana devant l’Assemblée générale des Nations Unies, soixante et onzième
session, doc. A/71/PV.8 (20 septembre 2016), p. 27. MG, vol. IV, annexe 106.
153
Comme retranscrit dans la lettre en date du 9 novembre 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le
ministre guyanien des affaires étrangères. MG, vol. IV, annexe 109.
- 36 -

2.86. Par lettre datée du 9 novembre 2016, le Guyana indiqua en réponse qu’il avait «tout
mis en œuvre pour accorder une dernière chance à la procédure des bons offices», mais estimait, «à
ce stade, alors que cinq décennies s[’étaient] écoulées depuis l’adoption de l’accord de Genève,
[qu’]un recours devant la Cour constitu[ait] la seule solution compatible avec l’article IV»
154
.

2.87. S’exprimant sur les propos tenus le mois précédent par le président du Venezuela
69

 selon lesquels l’accord de Genève «exclu[ait] un règlement devant une instance judiciaire» ,
le Guyana exposait que cette affirmation était contraire aux pouvoirs exprès conférés au Secrétaire
général par l’article IV et contredisait la position adoptée par le Venezuela lui-même pendant et
après la négociation de l’accord de Genève, y compris dans le premier rapport sur l’état
d’avancement des travaux de la commission mixte (daté du 30 décembre 1996), les Parties étant
convenues qu’«il sera[it] procédé en temps utile, si nécessaire, à l’examen juridique de la question
par une juridiction internationale conformément à l’article IV de l’accord de Genève»
155
.

2.88. Se référant à une autre déclaration faite le mois précédent par le Venezuela, dans
laquelle ce dernier l’accusait d’«agression» menée de concert avec les «forces impériales», ainsi
qu’aux incursions militaires récentes du Venezuela sur son territoire, le Guyana exprima par
ailleurs son inquiétude face à une «situation traduisant une dégradation considérable et
alarmante»
156
. Il affirma que, «sans indication claire qu’une décision définitive et contraignante
permettra[it] bientôt de résoudre ce différend, il exist[ait] un risque sérieux de déstabilisation dans
la région» et qu’«un renvoi devant la Cour aurait pour effet d’apaiser la situation».

2.89. Dans un communiqué officiel publié le même mois (novembre 2016), le Venezuela
réitéra sa position selon laquelle l’accord de Genève était «l’instrument juridique existant déposé
en bonne et due forme à l’Organisation des Nations Unies, et qui constituait le droit applicable
entre les Parties à l’égard de ce différend territorial»
157
.
70

2.90. Le 15 décembre 2016  trente-trois ans après que les Parties eurent confié le choix du
moyen de règlement au Secrétaire général Pérez de Cuéllar, en 1983 , le Secrétaire général
Ban Ki-moon décida que le moyen de règlement du différend resterait la procédure des bons
offices pendant une année supplémentaire mais que, si celle-ci ne permettait pas d’accomplir des
«progrès significatifs» en vue d’une solution du différend à la fin 2017, le prochain moyen de
règlement serait la Cour internationale de Justice. Sa déclaration se lisait comme suit :

«L’accord de Genève a été signé dans le but de régler à l’amiable le différend
survenu du fait de la position du Venezuela selon laquelle la sentence arbitrale de
1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela est nulle et non
avenue. L’accord de Genève confère au Secrétaire général de l’ONU le pouvoir de
choisir des moyens de règlement parmi ceux prévus à l’article 33 de la Charte des
Nations Unies … la procédure des bons offices se poursuivra pendant encore un an,

154
Comme retranscrit dans la lettre en date du 9 novembre 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le
ministre guyanien des affaires étrangères. MG, vol. IV, annexe 109.
155
Ibid. ; United Kingdom, Ministry of External Affairs, First Interim Report of the Mixed Commission (30 Dec.
1966), p. 4. MG, vol. II, annexe 41.
156
Lettre en date du 9 novembre 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le ministre guyanien des
affaires étrangères. MG, vol. IV, annexe 109.
157
Ministry of the People’s Power for External Relations of the Bolivarian Republic of Venezuela, Communiqué
(12 Nov. 2016). MG, vol. IV, annexe 110.
- 37 -
] doté d’un mandat renforcé de médiation, qui
sera nommé par le Secrétaire général désigné dès qu’il prendra ses fonctions.
sous la conduite d’un nouveau RPSG[
158

Si, à la fin 2017, le Secrétaire général conclut à l’absence de progrès
significatifs en vue d’un accord complet sur le règlement du différend, il choisira la
Cour internationale de Justice comme prochain moyen de règlement, sauf demande
contraire présentée conjointement par les deux parties.»
159

71

2.91. En réponse, le Venezuela
«réaffirma son attachement à une solution négociée de ce différend et exigea que le
Guyana se conforme de bonne foi à la procédure des bons offices, que le Secrétaire
général de l’ONU a[vait] décidé de reconduire pour une dernière année, jusqu’à la fin
2017, en la dotant d’un mandat de médiation renforcé»
160
.
Tout en exprimant sa préférence pour un processus de négociation, il indiquait que
«l’accord de Genève, qui confère au Secrétaire général de l’ONU le pouvoir de choisir
parmi les moyens de règlement pacifique prévus à l’article 33 de la Charte des
Nations Unies, prom[ouvait] la recherche d’une solution pratique et amiable qui soit
acceptable aux deux parties par la voie de la négociation»
161
.

2.92. Le Guyana accepta sans réserve la décision du Secrétaire général. Par lettre, le
président Granger assura le Secrétaire général de l’engagement du
«Guyana à satisfaire aux très hautes attentes suscitées par la décision en ce qui
concerne aussi bien la procédure des bons offices au cours des douze … mois [qui
suivraient] que le recours ultérieur à la Cour internationale de Justice, si ce dernier
s’av[érait] nécessaire»
et le remercia pour son rôle dans le «maintien de la paix entre les pays  petits et grands»
162
.
72

158
Représentant personnel du Secrétaire général.
159
U.N. Secretary-General, Note to Correspondents: The Controversy between Guyana and Venezuela (16 Dec.
2016). MG, vol. IV, annexe 111.
160
Ministry of the People’s Power for External Relations of the Bolivarian Republic of Venezuela, Press
Release: Venezuela celebrates UN decision to continue Good Offices to resolve dispute with Guyana over the Essequibo
(16 Dec. 2016). MG, vol. IV, annexe 112.
161
Ibid.
162
Lettre en date du 22 décembre 2016 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le président du Guyana.
MG, vol. IV, annexe 116. Voir aussi Government of Guyana, Statement on the Decision by the United Nations SecretaryGeneral (16
Dec. 2016)
(indiquant
entre
autres
:
«Le
Gouvernement
du
Guyana
accepte
la
décision du
Secrétaire
général.

Nous
demeurons résolus à faire tout
notre
possible pour
satisfaire les très
hautes
attentes ainsi suscitées.
Le

gouvernement
adressera au
Secrétaire
général, ainsi qu’au
président du
Venezuela, un
courrier
officiel
indiquant
que nous

acceptons cette
décision.»). MG, vol. IV,
annexe
113.
- 38 -

2.93. Le président Granger adressa également une lettre au président Maduro dans laquelle il
confirmait, au nom du Guyana, sa
«pleine acceptation de la décision prise le 15 décembre 2016 par le Secrétaire général
de l’ONU sur la «marche à suivre», en vertu du pouvoir qui lui a[vait] été conféré par
les signataires au titre du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève de
1966»
163
.

2.94. Dans une déclaration prononcée devant le Parlement guyanien le 20 décembre 2016,
Carl Greenidge, vice-président et ministre guyanien des affaires étrangères, apporta les précisions
suivantes :

«Nous avons assuré le Secrétaire général que nous acceptions sa décision et
nous engagions à tout mettre en œuvre pour qu’elle aboutisse. Nous avions, il va sans
dire, perdu foi dans la procédure des bons offices essentiellement en raison du défaut
de coopération du Venezuela, mais nous sommes disposés à faire une dernière
tentative sous la conduite du représentant désigné par le Secrétaire général. Il s’agit
toutefois bien évidemment d’un processus qui ne peut aboutir à des résultats
mutuellement satisfaisants que si le Venezuela y coopère pleinement. Comme dit le
proverbe guyanien, «une main seule ne peut applaudir». … A défaut, nous serons prêts
à nous présenter devant la Cour internationale de Justice.»
164

73

4. Nomination par le Secrétaire général de l’ONU de Dag Nylander comme représentant
personnel pour la dernière année de la procédure des bons offices : 2017

2.95. A sa prise de fonctions en 2017, le Secrétaire général António Guterres reconduisit la
procédure des bons offices pour une dernière année, conformément à la décision de son
prédécesseur
165
.

2.96. Le 23 février 2017, il nomma le Norvégien Dag Nylander représentant personnel du
Secrétaire général pour le différend frontalier entre le Guyana et le Venezuela
166
. Juriste et brillant
diplomate, M. Nylander avait été premier secrétaire de la mission permanente de la Norvège auprès
de l’Organisation des Nations Unies à New York entre 2001 et 2004 et envoyé spécial du
Gouvernement norvégien pour le processus de paix en Colombie de 2012 à 2016
167
.

163
Lettre en date du 21 décembre 2016 adressée au président du Venezuela par le président du Guyana (la lettre
indiquait entre autres : «Le Guyana peut vous assurer de sa volonté de satisfaire aux très hautes attentes associées à la
décision du Secrétaire général de recourir à la procédure des bons offices dans les douze prochains mois en application de
la décision du Secrétaire général, afin d’aboutir à un règlement complet du différend et, si nécessaire, de soumettre
ultérieurement celui-ci à la Cour internationale de Justice»). MG, vol. IV, annexe 115.
164
««One hand can’t clap» to resolve border controversy  Greenidge», i News Guyana (20 Dec. 2016).
MG, vol. IV, annexe 114.
165
Lettre en date du 23 février 2017 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
MG, vol. IV, annexe 117.
166
Par lettre datée du 1
er
mars 2017, le Guyana se félicita de la nomination de M. Nylander et donna à nouveau
les assurances de sa pleine coopération. Lettre en date du 1
er
mars 2017 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le
président du Guyana. MG, vol. IV, annexe 118.
167
Lettre en date du 23 février 2017 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
MG, vol. IV, annexe 117.
- 39 -

2.97. Dans le mandat confié à M. Nylander, tel qu’émis par le Secrétaire général, on pouvait
lire que, conformément à l’accord de Genève,
«[l]e Guyana et le Venezuela s’en [étaient] remis au Secrétaire général pour le choix
du moyen de règlement du différend survenu du fait de la position du Venezuela selon
laquelle la sentence arbitrale de 1899 relative à la frontière entre le Venezuela et le
futur Guyana est «nulle et non avenue»»
168
74

.

2.98. Le texte précisait que le représentant avait pour mandat de multiplier les contacts avec
les Gouvernements des deux Etats, afin d’examiner et de formuler des propositions pour la solution
du différend en souffrance et «d’autres aspects pertinents des relations bilatérales entre les parties,
y compris les questions touchant aux affaires maritimes, à l’environnement et à la coopération»
169
.

2.99. A l’avant-dernier paragraphe, M. Nylander avait reçu l’instruction expresse ci-après
concernant son rapport final :

«[L]e médiateur tiendra compte de la décision du Secrétaire général
communiquée aux parties le 15 décembre 2016, selon laquelle il choisira la Cour
internationale de Justice comme prochain moyen de règlement du différend en
l’absence de progrès significatifs à la fin de 2017».
5. Absence de progrès significatifs en 2017

2.100. Conformément au mandat de M. Nylander, des réunions et échanges eurent lieu avec
les Parties pendant l’année 2017
170
. Citons notamment trois réunions bilatérales officielles tenues à
75

Greentree Estate à New York, les 28 et 29 octobre, les 19 et 20 novembre et les 29 et 30 novembre.
Les ministres guyanien et vénézuélien des affaires étrangères y participèrent, accompagnés de
délégations de haut niveau. Néanmoins, le Secrétaire général conclut à l’absence de progrès
significatifs en vue d’un règlement du différend.

2.101. Au cours de cette période, malgré les pourparlers, le Venezuela ne cessa pas ses
menaces militaires à l’encontre du Guyana. Le 20 septembre 2017, le président Granger fit part des
inquiétudes du Guyana devant l’Assemblée générale :
«Nous dépendons de nos ressources terrestres et maritimes pour le
développement de notre pays et pour propulser notre population hors de la pauvreté.
Après 51 ans d’indépendance du Guyana, la revendication du Venezuela persiste...

Le monde doit être averti, par l’intermédiaire de l’Assemblée, que la paix sera
compromise dans notre région si la justice ne l’emporte pas, non seulement au
Venezuela, mais également en ce qui concerne son différend frontalier avec le
Guyana. Quatre Secrétaires généraux ont été saisis de la revendication des
Vénézuéliens. Il faut maintenant choisir entre un règlement juste et pacifique

168
Lettre en date du 23 février 2017 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
MG, vol. IV, annexe 117.
169
Ibid.
170
Par exemple, par lettre datée du 11 avril 2017, le président Granger informa le Secrétaire général que le
Guyana se préparait à recevoir M. Nylander aux fins de discussions «dans le courant de cette semaine». Le président
Granger affirma : «Je tiens à réitérer l’engagement de mon gouvernement à coopérer avec M. l’ambassadeur Nylander en
vue de l’exécution de son mandat.» Lettre en date du 11 avril 2017 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le
président du Guyana. MG, vol. IV, annexe 119.
- 40 -
conforme au droit international ou une posture vénézuélienne d’usure qui est de plus
en plus menaçante et militariste. Dans le cas présent, la procrastination est l’ennemie
du règlement et l’alliée d’un prolongement du conflit.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
76

Le Guyana collabore de manière assidue avec le Représentant personnel du
Secrétaire général et espère que la communauté internationale fera en sorte que le
Venezuela ne soit pas autorisé à bafouer le processus de règlement judiciaire, qui est
la voie claire et consensuelle qui mènera à la paix et à la justice.»
171

6. Décision du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de choisir la Cour comme
prochain moyen de règlement : 30 janvier 2018

2.102. Le 30 janvier 2018, ayant reçu le rapport final de son représentant spécial sur la
conduite de la procédure des bons offices en 2017, le Secrétaire général António Guterres publia
une déclaration
172
, dans laquelle il concluait que la procédure n’avait pas permis d’avancer sur la
voie de la résolution du différend et faisait part de la décision qu’il avait prise au titre du
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève et de l’article 33 de la Charte des Nations Unies,
de choisir comme prochain moyen de règlement la voie judiciaire, avec le renvoi devant la Cour. Il
adressa aux deux Parties des lettres à cet effet
173
.

2.103. Dans sa déclaration et ses lettres aux Parties, le Secrétaire général faisait observer
77

que, conformément au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord, celles-ci lui avaient «conféré … le
pouvoir et la responsabilité de choisir un moyen de règlement pacifique parmi ceux prévus à
l’article 33 de la Charte des Nations Unies» sachant qu’il devrait, «si le moyen ainsi choisi ne
permet[tait] pas d’aboutir à un règlement du différend, [en] choisir un autre»
174
.

2.104. Le Secrétaire général rappelait ensuite la décision qu’avait prise son prédécesseur,
Ban Ki-moon, fin 2016 quant au moyen à utiliser pour régler le différend :

«Le précédent Secrétaire général, Ban Ki-moon, a communiqué aux parties le
15 décembre 2016 un cadre aux fins du règlement du différend frontalier fondé sur ses
conclusions quant aux mesures les plus appropriées à prendre. Il a notamment
déterminé que la procédure des bons offices, menée depuis 1990, se poursuivrait
encore pendant un an, jusqu’à la fin 2017, avec un mandat renforcé de médiation. Il a
également déterminé que si, à la fin 2017, son successeur, le Secrétaire général
António Guterres concluait à l’absence de progrès significatifs en vue d’un accord
complet sur le règlement du différend, il choisirait la Cour internationale de Justice
78

171
Allocution du président du Guyana devant l’Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième

session, doc. A/72/PV.7 (20 septembre 2017). MG, vol. IV, annexe 123. Voir aussi la déclaration du Commonwealth sur
le Guyana, Commonwealth Secretariat, Commonwealth Statement on Guyana (14 Feb. 2018) (qui note que «[l]e
Secrétaire général a rappelé que, à la réunion de septembre 2017 du groupe ministériel du Commonwealth sur le Guyana,
les ministres avaient pris note des préoccupations du Guyana quant aux impacts de ce différend ancien sur le
développement économique du pays»). MG, vol. IV, annexe 128.
172
U.N. Secretary-General, Statement attributable to the Spokesman for the Secretary-General on the border
controversy between Guyana and Venezuela (30 Jan. 2018). MG, vol. IV, annexe 126.
173
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU, notant
qu’«une lettre identique» a été adressée au Venezuela. ReG, annexe 7.
174
U.N. Secretary-General, Statement attributable to the Spokesman for the Secretary-General on the border
controversy between Guyana and Venezuela (30 Jan. 2018). MG, vol. IV, annexe 126.
- 41 -
comme prochain moyen de règlement, sauf demande contraire présentée
conjointement par les Gouvernements du Guyana et du Venezuela.»
175

2.105. En application de la décision de son prédécesseur, le Secrétaire général rappelait par
ailleurs qu’il avait désigné son représentant personnel en la personne de M. Nylander et que,
pendant toute l’année 2017, il n’avait «pas ménagé ses efforts au plus haut niveau pour parvenir à
un règlement négocié»
176
.

2.106. Le Secrétaire général annonçait ensuite sa décision relative au prochain moyen de
règlement du différend :

«Le Secrétaire général a soigneusement analysé l’évolution de la procédure des
bons offices en 2017 et a conclu à l’absence de progrès significatifs en vue d’un
accord complet sur le règlement du différend. En conséquence, le Secrétaire général
s’est acquitté de la responsabilité qui lui incombait dans le cadre défini par son
prédécesseur en décembre 2016 et a choisi la Cour internationale de Justice comme
mécanisme de règlement du différend.»
177

2.107. Ainsi, près de cinquante-deux ans après la signature de l’accord de Genève en 1966,
le Secrétaire général de l’ONU décida que, en vertu du pouvoir dont il était investi au titre du
paragraphe 2 de l’article IV, la Cour serait le prochain moyen de règlement du différend survenu du
fait de la position du Venezuela selon laquelle la sentence arbitrale de 1899 était «nulle et non
avenue». Cette décision était entièrement fondée sur ce dont étaient convenues les deux Parties
dans le cadre de l’accord de Genève de 1966.
79

2.108. Comme exposé au chapitre suivant, en donnant au Secrétaire général le pouvoir de
choisir le moyen de règlement, les Parties ont mutuellement consenti à ce que la Cour ait
compétence pour statuer sur le différend dans le cas où elle serait le moyen de règlement choisi.
Quand elle l’a été, leur consentement à la compétence de la Cour est devenu contraignant et
irrévocable.

175
U.N. Secretary-General, Statement attributable to the Spokesman for the Secretary-General on the border
controversy between Guyana and Venezuela (30 Jan. 2018). MG, vol. IV, annexe 126.
176
Ibid.
177
Ibid.
- 42 -
CHAPITRE III

LA COUR A COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE
DES DEMANDES DU GUYANA
I. INTRODUCTION
81

3.1. La compétence en l’espèce se fonde sur le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la
Cour, le Guyana et le Venezuela ayant mutuellement consenti à ce que le présent différend soit
réglé par la Cour. Ce consentement est exprimé au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de
Genève de 1966.

3.2. Le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour dispose que
«[la] compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui
soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations
Unies ou dans les traités et conventions en vigueur»
178
.

3.3. En l’espèce, le traité invoqué par le Guyana est l’accord de Genève. Il est demeuré en
vigueur entre les Parties pendant toute la période pertinente et demeure en vigueur aujourd’hui
179
,
ce que les deux Parties ont toujours reconnu et ont récemment confirmé
180
.

3.4. L’objet et le but de l’accord de Genève sont exposés dans son intitulé : il s’agit d’un
82

«accord tendant à régler le différend relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane
britannique». Le «différend» à régler est défini à l’article I comme étant «le différend survenu entre
le Venezuela et le Royaume-Uni du fait de la position du Venezuela, qui soutient que la sentence
arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela est nulle et non
avenue». Le «différend» couvre donc non seulement la prétention tardive du Venezuela selon
laquelle la sentence arbitrale de 1899 serait «nulle et non avenue», mais aussi tout différend
«survenu … du fait de [cette] position»
181
.

3.5. L’accord de Genève n’avait pas, en soi, vocation à résoudre le différend ; il s’agissait
pour les Parties de s’engager à suivre une procédure détaillée et infaillible qui assurerait un
règlement définitif et contraignant. C’est cette procédure qui est exposée aux articles I à IV.

3.6. Comme il sera montré au chapitre 2, l’article I prévoit la tenue de négociations directes
par le truchement d’une commission mixte composée de représentants désignés des Parties, tandis
que les articles II et III précisent les modalités de création et de fonctionnement de cette
commission. Le paragraphe 1 de l’article IV dispose que, si la commission mixte ne parvient pas à

178
Statut de la Cour internationale de Justice, art. 36, par. 1.
179
Voir ci-après, par. 3.8, 3.74.
180
Government of the Bolivarian Republic of Venezuela, Communiqué: The Bolivarian Republic of Venezuela
pronounces on the territorial dispute with the Cooperative Republic of Guyana (31 Jan. 2018), p. 1 («Le Venezuela
reconnaît la pleine validité de l’accord de Genève du 17 février 1966, signé et ratifié par notre pays et le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du nord, en consultation avec le Gouvernement de la Guyane britannique ; ce traité
international, qui constitue le cadre juridique du règlement du différend territorial entre les parties et a été validement
reconnu et enregistré auprès de l’Organisation des Nations Unies, est le seul moyen de tourner la page de cet héritage
ignominieux du colonialisme britannique»). MG, vol. IV, annexe 127.
181
Accord de Genève, art. I (les italiques sont de nous). ReG, annexe 4.
- 43 -
régler le différend dans un délai de quatre années, les Parties s’efforceront de se mettre d’accord
sur un autre moyen de règlement, parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
Le paragraphe 2 de l’article IV dispose ensuite que, si elles ne parviennent pas à s’entendre sur le
moyen de règlement à retenir, elles tâcheront de se mettre d’accord sur un organisme international
compétent à qui reviendra le choix du moyen ; et, enfin, pour garantir que le différend ne demeure
pas en souffrance, le même paragraphe dispose que, si les Parties n’arrivent pas à s’entendre sur le
choix de l’organisme international, la décision relative au moyen de règlement à utiliser sera prise
par le Secrétaire général de l’ONU. Garantie supplémentaire d’un règlement complet et définitif, le
paragraphe 2 de l’article IV habilite le Secrétaire général, si le moyen qu’il a choisi ne permet pas
de résoudre le différend, à porter son choix sur d’autres moyens énoncés à l’article 33 jusqu’à
parvenir à un règlement plein et entier.
83

3.7. Ces procédures ont été scrupuleusement suivies par les Parties et par le Secrétaire
général. La commission mixte n’étant pas parvenue à régler le différend et les Parties s’étant
trouvées dans l’incapacité de s’entendre sur le moyen de règlement à utiliser ou sur l’organisme
international à qui confier cette décision, c’est au Secrétaire général qu’est revenu le choix du
moyen conformément au paragraphe 2 de l’article IV. Comme il est décrit au chapitre 2, pendant
vingt-sept années, entre 1990 et 2017, les secrétaires généraux successifs ont exercé le pouvoir dont
ils étaient investis au titre de cet article en choisissant les «bons offices» comme moyen de
règlement du différend et les Parties ont dûment pris part à la procédure conduite par leurs
représentants spéciaux. Toutefois, après plus d’un quart de siècle de vaines tentatives, aucun
progrès significatif n’avait été accompli sur la voie d’un accord. En conséquence, le 30 janvier
2018, se prévalant du pouvoir qui lui était conféré au titre du paragraphe 2 de l’article IV, le
Secrétaire général António Guterres jugea que la procédure des bons offices avait échoué et que le
prochain moyen de règlement serait une décision de la Cour internationale de Justice
182
.
84

3.8. Le Guyana regrette que l’Etat défendeur, bien qu’il reconnaisse que l’accord de Genève
est toujours en vigueur et que le Secrétaire général est habilité en vertu du paragraphe 2 de
l’article IV à choisir le moyen de règlement à utiliser jusqu’à parvenir à une résolution définitive du
différend, ait indiqué qu’il ne participerait pas à la procédure
183
. Cela ne prive toutefois pas la Cour
de sa compétence ni n’entrave en aucune manière la force obligatoire de ses décisions en cette
affaire. Le Guyana sait que, en application de l’article 53 de son Statut, la Cour a le devoir, si le
Venezuela ne fait pas usage de ses droits procéduraux en tant que Partie à l’affaire
184
, d’examiner
proprio motu les questions relatives à sa compétence
185
. En rédigeant le présent mémoire, le
Guyana est conscient de l’obligation qui lui incombe d’assister la Cour dans cette entreprise.

3.9. Comme exposé dans le reste du présent chapitre, le Guyana considère que la compétence
de la Cour est fermement établie à l’égard de ses demandes  lesquelles résultent toutes, comme le
précise la requête, «de la position du Venezuela, qui soutient que la sentence arbitrale de 1899
relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela est nulle et non avenue»
186
 et
que les conditions de procédure ont toutes, comme celles auxquelles est subordonné l’exercice de
la compétence de la Cour, été satisfaites. Toutefois, soucieux de la charge supplémentaire que la

182
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
ReG, annexe 7. Voir aussi plus haut, par. 2.102-2.107.
85

183
Lettre en date du 18 juin 2018 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le président du
Venezuela [traduction du Venezuela]. MG, vol. IV, annexe 132.
184
L’ordonnance de la Cour datée du 19 juin 2018 réserve le droit de comparaître du Venezuela.
185
Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 7-8, par. 15 ; Compétence
en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 95-97, par. 6.
186
Accord de Genève, art. I. ReG, annexe 4.
- 44 -
non-comparution du Venezuela est susceptible d’imposer à la Cour, le Guyana examinera dans le
présent chapitre les exceptions d’incompétence que le Venezuela aurait, selon lui, pu soulever s’il
avait décidé de prendre part à la procédure et les réfutera. Ce faisant, il tiendra compte, en
particulier, des déclarations officielles faites par le Venezuela à l’effet de contester la compétence
de la Cour pour connaître du différend.

3.10. Dans la section II ci-dessous, le Guyana souligne que l’objet et le but de l’accord de
Genève  tels qu’ils s’infèrent essentiellement du texte de l’accord, mais aussi des circonstances
entourant son adoption, ainsi que des intentions des parties à l’époque et de leur comportement
ultérieur  étaient de garantir un règlement complet et définitif du «différend … survenu … du fait
de la position du Venezuela, [consistant à] sout[enir] que la sentence arbitrale de 1899 relative à la
frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela [était] nulle et non avenue»
187
. Les
procédures adoptées aux articles I à IV étaient spécifiquement destinées à aboutir à un règlement
complet et définitif du différend et à éviter une impasse ou un enlisement à jamais dans des
négociations interminables.

3.11. A la section III, le Guyana met particulièrement l’accent sur le paragraphe 2 de
l’article IV de l’accord de Genève et sa juste interprétation. Il analyse de manière exhaustive le
texte de l’accord, ainsi que les intentions des parties telles qu’elles ressortent à la fois des
négociations ayant conduit à l’adoption de cette disposition charnière et de leur comportement
ultérieur en application de celle-ci. De l’avis du Guyana, les éléments versés au dossier démontrent
de façon probante que le Secrétaire général était pleinement habilité à prendre une décision sur le
moyen de règlement à utiliser par les Parties et à choisir librement celui qui conviendrait parmi
ceux mentionnés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, y compris le règlement judiciaire par
la Cour ; ces événements démontrent par ailleurs que les Parties sont liées par sa décision. En
exposant ses arguments sur le sens à donner au paragraphe 2 de l’article IV et les conséquences qui
en découlent, le Guyana réfute les diverses objections que le Venezuela a opposées, dans ses
déclarations publiques et sa correspondance avec la Cour, à la décision qu’a prise le Secrétaire
général et au pouvoir qu’il avait de ce faire.
86

3.12. Enfin, à la section IV, le Guyana démontre que, sur le fondement de l’accord de
Genève, du renvoi de la question au Secrétaire général, de la décision de ce dernier, ainsi que de la
saisine de la Cour par le Guyana par voie de requête en date du 29 mars 2018 : i) la Cour a
compétence en l’espèce ; et ii) la compétence ratione materiae de la Cour s’étend à toutes les
demandes formulées dans la requête du Guyana.
II. OBJET ET BUT DE L’ACCORD DE GENÈVE

3.13. Comme exposé au chapitre 2, en février 1962, alors qu’il avait pendant plus de soixante
ans accepté la sentence arbitrale de 1899 comme juridiquement valable et contraignante, le
Venezuela a brusquement changé de position, affirmant alors officiellement et pour la première fois
que la frontière avait été «démarquée de façon arbitraire» et que la sentence était par conséquent
nulle et non avenue
188
. Tandis que le Royaume-Uni commençait à préparer la Guyane britannique à

187
Accord de Genève, art. I. ReG, annexe 4.
188
Lettre en date du 14 février 1962 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le représentant permanent du
Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies, reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee,
16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, U.N. Doc
A/C.4/536 (15 Feb. 1962), par. 16-17. MG, vol. II, annexe 17. Voir aussi plus haut, par. 1.29, 2.5-2.6. Télégramme
adressé au Secrétaire général de l’ONU par le ministre vénézuélien des affaires étrangères, reproduit dans U.N. General
Assembly, 17th Session, Question of Boundaries Between Venezuela and the Territory of British Guiana,
U.N. Doc A/5168 and Add.l (18 Aug. 1962). MG, vol. II, annexe 23.
- 45 -
l’indépendance, le Venezuela menaça de ne pas reconnaître le nouvel Etat du Guyana ou de ne pas
respecter ses frontières, à moins que le Royaume-Uni ne consente à répudier la sentence arbitrale
de 1899 et l’accord de 1905 en vertu duquel la commission mixte entre le Royaume-Uni et le
Venezuela avait relevé, démarqué et fixé de manière permanente la frontière établie par la
sentence
189
.
87

3.14. Les négociations entre le Venezuela et le Royaume-Uni, menées y compris avec des
représentants de la Guyane britannique, débouchèrent sur une rencontre entre leurs hauts
responsables au Palais des Nations à Genève les 16 et 17 février 1966
190
. Les délégations étaient
respectivement présidées par le ministre vénézuélien des affaires étrangères (M. Iribarren Borges),
le ministre britannique des affaires étrangères et du Commonwealth (M. Stewart) et le premier
ministre de la Guyane britannique (M. Forbes Burnham).

3.15. L’accord de Genève trouve sa genèse dans ces négociations. Son objet et son but
ressortent clairement de son intitulé : «Accord tendant à régler («resolve», dans la version anglaise)
le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif
à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique»
191
.
88

3.16. L’Oxford English Dictionary définit le verbe «resolve» comme suit : «to find a solution
to a problem» (trouver une solution à un problème)
192
. De même, l’utilisation du verbe «resolver»
en langue espagnole atteste que le but de l’accord est de prévoir un moyen certain de régler un
différend. Le Diccionario de la Lengua Española définit le terme «resolver» comme le fait de
«[s]olucionar un problema, una duda, una dificultad o algo que los entraña» («résoudre un
problème, un doute ou une difficulté, ou sa cause»)
193
.

3.17. Le dernier alinéa du préambule de l’accord de Genève confirme que ce dernier a été
conclu «pour résoudre le différend actuel», à savoir, comme précisé dans le titre de l’accord, le
«différend … relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique»
194
. L’accord vise à
assurer qu’il sera trouvé un règlement définitif audit différend. A cette fin, il prévoit un ensemble
de procédures successives, y compris des négociations diplomatiques par le truchement d’une
commission mixte, ainsi que le recours à des mécanismes obligatoires rendant des décisions
contraignantes pour le cas où les négociations ou tout autre moyen de règlement qui serait adopté
n’aboutiraient pas à un règlement final. C’est ce qui ressort manifestement du paragraphe 2 de
l’article IV, qui dispose que l’«organe international compétent» et/ou le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies choisiront parmi les moyens de règlement des différends prévus à

89

189
Voir la lettre en date du 14 février 1962 adressée au Secrétaire général de l’ONU par le représentant

permanent du Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies, reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth
Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter,
U.N. Doc A/C.4/536 (15 Feb. 1962). MG, vol. II, annexe 17 ; déclaration prononcée par le représentant du Venezuela à la
1302
e
réunion de la Quatrième Commission le 22 février 1962, reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth
Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter,
U.N. Doc A/C.4/540 (22 Feb. 1962). MG, vol. II, annexe 19. Voir aussi plus haut, par. 2.8.
190
Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan
Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December, 1965,
No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 7. MG, vol. II, annexe 28.
191
Accord de Genève (les italiques sont de nous). ReG, annexe 4.
192
Oxford English Dictionary (7th ed., 2012), «Resolve» (les italiques sont de nous). MG, vol. III, annexe 77.
193
Diccionario de la Lengua Española (23
e
éd., 2014), «Resolver» (les italiques sont de nous). MG, vol. III,
annexe 79.
194
Accord de Genève (les italiques sont de nous). ReG, annexe 4.
- 46 -
l’article 33 de la Charte des Nations Unies, qui comprennent l’arbitrage et le règlement judiciaire,
«jusqu’à ce que le différend ait été résolu ou jusqu’à ce que tous les moyens de règlement pacifique
envisagés dans la Charte aient été épuisés»
195
.

3.18. Dans leur déclaration commune publiée à la conclusion de l’accord de Genève, les
parties affirmèrent :

«Au terme des délibérations, un accord a été conclu dont les dispositions
permettront d’aboutir à une solution définitive de ces problèmes. Les gouvernements
sont convenus d’en soumettre le texte au Secrétaire général de l’ONU. L’accord a été
accueilli avec satisfaction par les ministres des trois pays, en ce qu’il fournit les
moyens de régler le différend qui nuisait aux relations entre les deux voisins et jette les
fondements d’une coopération future entre le Venezuela et la Guyane britannique
placée sous le signe de la bonne volonté.»
196

3.19. Les représentants vénézuéliens confirmèrent aussitôt qu’il était entendu que l’objet et
le but de l’accord de Genève étaient d’établir un moyen d’assurer une résolution définitive du
différend relatif à la validité de la sentence arbitrale de 1899 et du différend survenu du fait de la
contestation par le Venezuela de cette validité. Un mois après la conclusion de l’accord de Genève,
le 17 mars 1966, le ministre vénézuélien des affaires étrangères, qui avait mené les négociations au
nom de son pays, déclara devant le Congrès vénézuélien que «[l]e point le plus important d[udit]
accord … a[vait] trait à l’adoption d’une procédure pour le cas où les négociations conduites par la
commission mixte ne permettraient pas de résoudre le différend»
197
. Dans le courant de la même
90

année, le représentant permanent par intérim du Venezuela auprès de l’ONU indiqua la position qui
était celle de son pays au comité spécial de la décolonisation des Nations Unies (le comité spécial
des Vingt-Quatre) :

«[L]e Royaume-Uni est convenu à Genève, avec le Venezuela, que dans les
limites des moyens prévus dans la Charte pour le règlement pacifique des différends,
aucun effort ne sera épargné tant qu’une solution définitive au problème n’aura pas été
trouvée.»
198

3.20. Il découle du texte de l’accord de Genève et des intentions des parties exprimées dans
les déclarations qu’elles ont faites à l’époque de son adoption que l’objet et le but de l’accord
consistaient à fournir un mécanisme infaillible permettant de régler définitivement le différend. La
procédure exposée dans l’accord est circonscrite par ses limites inhérentes, de sorte à exclure
l’incessante réouverture de l’affaire par référence à d’autres dispositions et à éviter d’interminables
et stériles négociations. Son génie tient au fait qu’elle n’autorise aucune des parties à bloquer de
façon unilatérale la résolution du différend. Au contraire, elle confie au Secrétaire général de
l’ONU, en cas d’échec des autres procédures prescrites, le soin de décider des moyens de
règlement que les Parties devront employer jusqu’à parvenir à un règlement définitif du différend.

195
Accord de Genève, art. IV, par. 2. ReG, annexe 4.
196
Minister of Foreign Affairs of Venezuela, Minister of Foreign Affairs of the United Kingdom, and Prime
Minister of British Guiana, Joint Statement on the Ministerial Conversations from Geneva on 16 and 17 February 1966
(17 Feb. 1966) reproduit dans Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Claim of Guyana Esequiba:
Documents 1962-1981 (1981) (les italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 31.
197
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 16 (les
italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 33.
198
Lettre en date du 21 mars 1966 adressée à R. du Boulay, Foreign Office du Royaume-Uni par F. Brown,
mission du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies, n
o
1082/77/66, p. 3 (les italiques sont de nous).
MG, vol. II, annexe 34.
- 47 -
Les moyens parmi lesquels le Secrétaire général est habilité à faire son choix comprennent tous
ceux énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations, y compris le règlement judiciaire.
III. INTERPRÉTATION DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE IV
DE L’ACCORD DE GENÈVE
91

3.21. L’accord de Genève est un traité, soumis aux règles de droit international généralement
applicables et régi par ces dernières. Aux fins de l’interprétation du paragraphe 2 de son article IV,
il est donc indiqué d’«appliquer … les règles énoncées en la matière aux articles 31 et 32 de la
convention de Vienne, dont [la Cour] a invariablement considéré qu’elles expriment le droit
international coutumier»
199
. Comme la Cour l’a rappelé en l’affaire de la Délimitation maritime
dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya),
«[a]ux termes du paragraphe 1 de l’article 31 de la convention de Vienne, «[u]n traité
doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer [à ses]
termes … dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». Ces éléments
d’interprétation  à savoir le sens ordinaire, le contexte, l’objet et le but  doivent
être considérés comme un tout.»
200

3.22. Conformément à l’article 32 de la convention de Vienne et à la jurisprudence de la
Cour, il peut également être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et
notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles l’accord a été conclu,
pour confirmer le sens dégagé à l’issue de cette première étape, lever une ambiguïté ou des zones
d’ombre, ou éviter un résultat manifestement absurde ou déraisonnable
201
.
92

3.23. Comme indiqué au chapitre 2, l’accord de Genève, en son article I, établissait un cadre
institutionnel (la commission mixte) dans lequel les parties étaient convenues de tenir des
négociations bilatérales afin de «rechercher des solutions satisfaisantes pour le règlement pratique
du différend»
202
. Reconnaissant toutefois la possibilité que les négociations n’aboutissent pas à une
solution, les parties ont inclus une disposition expresse visant le règlement du différend dans le cas
où la commission mixte ne parviendrait pas à un règlement complet. L’article IV de l’accord de
Genève dispose ce qui suit :
«1) Si, dans les quatre ans qui suivront la date du présent Accord, la
Commission mixte n’est pas arrivée à un accord complet sur la solution du différend,
elle en réfèrera, dans son rapport final, au Gouvernement guyanais et au
Gouvernement vénézuélien pour toutes les questions en suspens. Ces Gouvernements

199
Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2017, p. 29, par. 63 (citant l’affaire relative à la Question de la délimitation du plateau continental entre le
Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 116, par. 33) et celle du Différend relatif à des droits de navigation et des
droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 237, par. 47 (faisant référence à l’affaire relative
à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 109-110, par. 160 et à celle du Différend territorial
(Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 21-22, par. 41) ; Plates-formes pétrolières (République
islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 812, par. 23.
200
Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2017, p. 29, par. 64.
201
Convention de Vienne sur le droit des traités, RTNU, vol. 1155, p. 332 (23 mai 1969), art. 32. MG, vol. II,
annexe 44.
202
Accord de Genève, art. I. ReG, annexe 4. Voir plus haut, par. 2.28-2.29.
- 48 -
choisiront sans retard un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de
la Charte des Nations Unies.

2) Si, trois mois au plus tard après avoir reçu le rapport final [de la commission
93

mixte], le Gouvernement guyanais et le Gouvernement vénézuélien ne sont pas
parvenus à un accord sur le choix d’un des moyens de règlement prévus à l’Article 33
de la Charte des Nations Unies, ils s’en remettront, pour ce choix, à un organisme
international compétent sur lequel ils se mettront d’accord, ou, s’ils n’arrivent pas à
s’entendre sur ce point, au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Si
les moyens ainsi choisis ne mènent pas à une solution du différend, ledit organisme
ou, le cas échéant, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, choisira
un autre des moyens stipulés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies, et ainsi de
suite, jusqu’à ce que le différend ait été résolu ou jusqu’à ce que tous les moyens de
règlement pacifique envisagés dans la Charte aient été épuisés.»
203

3.24. Dans son allocution devant le Congrès le 17 mars 1966, un mois après la conclusion de
l’accord de Genève, le ministre vénézuélien des affaires étrangères expliqua comment on en était
venu à adopter le texte de l’article IV à la conférence de Genève :

«Je ne reviendrai pas sur chacun des points de la discussion qui ont été soulevés
94

en raison du rejet par les Britanniques de la première proposition du Venezuela, à
laquelle il a été opposé une contre-proposition invitant le Venezuela à faire preuve de
«sens politique et de courage» en renonçant à sa demande. J’ai alors formulé une
deuxième proposition pour le compte du Venezuela visant à ce que, pendant un certain
temps, le territoire revendiqué par le Venezuela puisse être conjointement administré,
à condition que notre souveraineté sur ledit territoire soit reconnue. Cette proposition a
aussi été rejetée. Enfin, soucieux de trouver une issue honorable, j’ai exposé une
troisième proposition du Venezuela, qui visait au règlement du problème frontalier en
trois étapes consécutives, assorties chacune d’une échéance, la particularité étant que
le processus devait avoir une fin : a) commission mixte ; b) médiation ; c) arbitrage
international.»
204

203
La version espagnole de l’accord dispose ce qui suit :

«(1) Si dentro de un plazo de cuatro años contados a partir de la fecha de este Acuerdo, la
Comisión Mixta no hubiere llegado a un acuerdo completo para la solución de la controversia, referirá
al Gobierno de Venezuela y al Gobierno de Guayana en su Informe final cualesquiera cuestiones
pendientes. Dichos Gobiernos escogerán sin demora uno de los medios de solución pacífica previstos en
el Artículo 33 de la Carta de las Naciones Unidas.
(2)
Si dentro de los tres meses siguientes a la recepción del Informe final el Gobierno de
Venezuela y el Gobierno de Guyana no hubieren llegado a un acuerdo con respecto a la elección de uno
de los medios de solución previstos en el Artículo 33 de la Carta de las Naciones Unidas, referirán la
decisión sobre los medios de solución a un órgano internacional apropiado que ambos Gobiernos
acuerden, o de no llegar a un acuerdo sobre este punto, al Secretario General de las Naciones Unidas. Si
los medios así escogidos no conducen a una solución de la controversia, dicho órgano, o como puede ser
el caso, el Secretario General de las Naciones Unidas, escogerán otro de los medios estipulados en el
Artículo 33 de la Carta de las Naciones Unidas, y así sucesivamente, hasta que la controversia haya sido
resuelta, o hasta que todos los medios de solución pacífica contemplados en dicho Artículo hayan sido
agotados.»
204
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 9.
MG, vol. II, annexe 33. Voir aussi plus haut, par. 2.33. Ce récit concorde avec celui du représentant du Royaume-Uni ;
voir la note verbale n
o
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela
par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 5. MG, vol. II, annexe 32.
- 49 -

3.25. C’est cette «troisième proposition du Venezuela» censée, selon les dires de ce dernier,
permettre d’aboutir au «règlement du problème frontalier», qui fut acceptée par le Royaume-Uni à
Genève. Elle fut alors incorporée au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord.
A. La procédure de règlement prévue au paragraphe 2 de l’article IV

3.26. L’article IV prévoit une procédure en trois étapes, débouchant sur un règlement décisif
et définitif du différend. Cette procédure a été décrite en ces termes par le ministre vénézuélien des
affaires étrangères :

«1. Les gouvernements s’efforceront de s’entendre sur le choix d’un des
moyens de résolution pacifique des différends prévus à l’article 33 de la Charte des
Nations Unies.

2. Trois mois après avoir reçu le rapport final de la commission mixte, si les
gouvernements ne sont pas parvenus à choisir le moyen à utiliser pour résoudre le
différend de manière pacifique, la décision y relative écherra à un organisme
international compétent qu’ils auront approuvé.

3. A défaut d’accord sur le choix de l’organisme international appelé à choisir le
95

moyen de règlement, cette fonction sera assurée par le Secrétaire général de
l’ONU.»
205

3.27. Cette procédure en trois étapes donne effet à l’objet et au but de l’accord de Genève, en
traçant une voie vers un règlement définitif du différend. Comme expliqué ci-dessous, cette voie,
qui a été approuvée, mène à la Cour internationale de Justice dès lors que : i) les Parties n’étant pas
parvenues à s’entendre sur les moyens de règlement ou ii) sur l’organisme international devant
choisir ces moyens, iii) il revient au Secrétaire général de choisir un moyen parmi ceux énoncés à
l’article 33 de la Charte des Nations Unies et il porte son choix sur le règlement judiciaire.

3.28. Premièrement, au paragraphe 1 de l’article IV, le Guyana et le Venezuela se voient
donner la possibilité de se mettre d’accord sur un des moyens de règlement énumérés à l’article 33
de la Charte. Ils doivent s’entendre «sans retard» (c’est-à-dire trois mois au plus tard après avoir
reçu le rapport final de la commission mixte). Quant aux moyens de règlement susceptibles d’être
adoptés, le paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte dispose ce qui suit :

«Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le
maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution,
avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation,
d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux,
ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix.»
206

3.29. Deuxièmement, le paragraphe 2 de l’article IV inclut une disposition expresse pour le
96

cas où le Guyana et le Venezuela ne parviendraient pas à s’entendre sur le moyen de régler le
différend : en pareilles circonstances, ils doivent se mettre d’accord sur un «organisme international
compétent» à qui reviendra le choix du moyen de règlement.

205
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 16.
MG, vol. II, annexe 33.
206
Charte des Nations Unies, art. 33, par. 1 (les italiques sont de nous).
- 50 -

3.30. Troisièmement, à défaut d’accord sur un «organisme international compétent», le
paragraphe 2 de l’article IV prévoit une autre solution pour éviter l’impasse, en investissant le
Secrétaire général de l’ONU du pouvoir de faire «ce choix». Si le moyen de règlement qu’il choisit
ne permet pas d’aboutir à un règlement définitif du différend, le paragraphe 2 de l’article IV
dispose que le Secrétaire général continuera de choisir parmi les moyens de règlement pacifique
prévus à l’article 33 de la Charte «jusqu’à ce que le différend ait été résolu ou jusqu’à ce que tous
les moyens de règlement pacifique envisagés dans la Charte aient été épuisés»
207
.

3.31. Le Venezuela ne disconvient pas que le Secrétaire général est habilité en vertu du
paragraphe 2 de l’article IV à choisir le moyen de règlement. En revanche, il soutient que les
moyens de règlement cités à l’article 33 doivent être appliqués successivement, dans l’ordre dans
lequel ils sont énumérés dans ledit article, tous les moyens répertoriés avant le règlement judiciaire
devant donc avoir été épuisés avant que le Secrétaire général ne puisse décider d’un recours à la
Cour. Selon le communiqué publié par le Venezuela le 31 janvier 2018,
«[l]’annonce du Secrétaire général ne fait aucun cas de la successivité des moyens de
règlement pacifique que prévoit l’accord de Genève en tant que méthode retenue en
vue de parvenir à une solution acceptable, pratique et satisfaisante du différend»
208
.
97

3.32. Cet argument a été repris dans une déclaration de l’Assemblée nationale vénézuélienne
le 19 juin 2018 :

«[L’]Assemblée nationale, seul pouvoir légitime du peuple du Venezuela, face à
l’annonce faite le 30 janvier 2018 par le Secrétaire général de l’ONU,
António Guterres, proposant de soumettre le différend entre le Venezuela et le Guyana
relatif à la région de l’Essequibo à la Cour internationale de Justice alors que n’ont
pas été épuisés tous les moyens de règlement pacifique non juridictionnels prévus à
l’article 33 de la Charte des Nations Unies, considère qu’il s’agit là d’une décision
hâtive en contradiction avec les termes mêmes de l’accord de Genève de 1966 qui
prévoit en son article I un «règlement pratique du différend».»
209

3.33. C’est un argument parfaitement invraisemblable. L’interprétation de la «successivité»
proposée par le Venezuela n’est compatible ni avec le texte de l’article IV, ni avec l’objet et le but
de l’accord de Genève, ni avec la pratique des parties au titre de l’accord. Comme indiqué, le
paragraphe 1 de l’article IV dispose que les parties «choisiront sans retard un des moyens de
règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies». L’article 33 prévoit un
éventail de choix dont chacun est susceptible d’être retenu, et non une séquence fixe hiérarchisée
qui exige d’opter pour le premier choix répertorié avant de passer au deuxième, et ainsi de suite.
98

3.34. Aux deuxième et troisième étapes du processus à trois niveaux, si le Guyana et le
Venezuela ne parviennent pas à s’entendre sur «le choix d’un des moyens de règlement…, ils s’en
remettront, pour ce choix...» à un organisme international compétent ou au Secrétaire général
210
. La

207
Accord de Genève, art. IV, par. 2. ReG, annexe 4.
208
Government of the Bolivarian Republic of Venezuela, Communiqué: The Bolivarian Republic of Venezuela
pronounces on the territorial dispute with the Cooperative Republic of Guyana (31 Jan. 2018), p. 2 (les italiques sont de
nous). MG, vol. IV, annexe 127.
209
Bolivarian Republic of Venezuela, National Assembly, Parliamentary Agreement of Rejection of the
Cooperative Republic of Guyana of Judizializing the Essequibo and Their Reaffirmation of the Venezuelan Sovereignty
on Anacoco Island and the Atlantic Front (19 June 2018), p. 1 (les italiques sont de nous). MG, vol. IV, annexe 133.
210
Accord de Genève, art. IV, par. 2 (les italiques sont de nous). ReG, annexe 4.
- 51 -
référence à «un des moyens» couvre clairement chacun des moyens énoncés à l’article 33. Si les
moyens devaient être appliqués mécaniquement, dans l’ordre dans lequel ils figurent à l’article 33,
faire intervenir un tiers «pour ce choix» serait inutile. Rien dans le paragraphe 2 de l’article IV ou
dans les travaux préparatoires, ou encore dans les déclarations faites au moment de l’adoption,
n’indique que les parties entendaient limiter le pouvoir discrétionnaire du Secrétaire général quant
au choix du moyen de règlement du différend, si ce n’est en tant que celui-ci devait choisir parmi
les moyens énumérés à l’article 33. L’application successive prônée par le Venezuela aboutirait à
des résultats absurdes. Une telle approche signifierait que, comme condition préalable, le différend
devrait être soumis, par exemple, à l’arbitrage avant de pouvoir être porté devant la Cour. Chose
tout aussi illogique, il devrait être soumis à la Cour avant que les parties ne puissent avoir «recours
aux organismes ou accords régionaux, ou [à] d’autres moyens pacifiques de leur choix».

3.35. La pratique des Parties démontre par ailleurs que les moyens de règlement mentionnés
à l’article 33 n’étaient pas destinés à s’appliquer de manière séquentielle. Tant le Venezuela que le
Guyana ont accepté de bonne grâce la décision du Secrétaire général de recourir aux «bons offices»
à titre de premier moyen de règlement. Or, d’après la déclaration de Manille de 1982, la référence
qui est faite à l’article 33 aux «autres moyens pacifiques de leur choix» s’étend aux «bons
offices»
211
. Cela signifie que le Secrétaire général a exercé son pouvoir au titre du paragraphe 2 de
99

l’article IV en choisissant d’abord le dernier des moyens de règlement mentionnés à l’article 33, et
non le premier. Selon la logique (illogique) du Venezuela, il aurait dû choisir le règlement
judiciaire avant de porter son choix sur les «bons offices». En effet, si le Venezuela avait raison,
cela voudrait dire qu’il était interdit aux parties d’employer l’un quelconque des «autres moyens
pacifiques de leur choix», y compris les «bons offices», avant d’avoir épuisé au préalable les autres
moyens : «négociation, [e]nquête, [m]édiation, [c]onciliation, [a]rbitrage, [r]èglement judiciaire,
[r]ecours aux organismes ou accords régionaux». C’est manifestement absurde et ce n’est pas ce
que dit l’article IV.

3.36. De plus, si l’on s’en tient strictement à l’interprétation textuelle, le recours à l’article
défini «the» en anglais  one of the means  ou, en français, au déterminant «des» (un des
moyens, où «des» est la contraction de «de les») dénote l’exhaustivité. Le décideur (en
l’occurrence le Secrétaire général) peut donc choisir l’un quelconque des moyens énoncés à
l’article 33. Cette interprétation est compatible avec l’approche adoptée de longue date par la Cour
et sa devancière. Dans l’affaire des Navires de guerre polonais, la CPJI interpréta en effet
l’expression «les (the) décisions pertinentes» du Conseil de la Société des Nations comme
signifiant «toutes décisions auxquelles pourrait arriver le Conseil»
212
. En l’affaire relative à la
Composition du Comité de la sécurité maritime de l’Organisation intergouvernementale
consultative de la navigation maritime, la Cour interpréta l’expression «les (the) pays qui possèdent
les flottes de commerce les plus importantes»
213
comme désignant «un ou plusieurs des huit pays
possédant les flottes de commerce les plus importantes»
214
100

. De même, invitée, en l’affaire du
Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), à interpréter les termes «les (the)
frontières séparant les territoires de la Tunisie, de l’Algérie, de l’Afrique occidentale française et de

211
Assemblée générale des Nations Unies, Sixième Commission, trente-septième session, Déclaration de Manille
sur le règlement pacifique des différends internationaux, doc. A/RES/37/10 (15 novembre 1982), annexe, par. 5.
MG, vol. III, annexe 60.
212
Accès et stationnement des navires de guerre polonais dans le port de Dantzig, avis consultatif, 1931, C.P.J.I.
o
série A/B n
43, p. 145-146 (les italiques sont de nous).
213
Composition du Comité de la sécurité maritime de l’Organisation intergouvernementale consultative de la
navigation maritime, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1960, p. 154 (les italiques sont de nous).
214
Ibid., p. 164 (les italiques sont de nous).
- 52 -
l’Afrique équatoriale française … du territoire de la Libye»
, la Cour estima que «l’usage de
l’article défini s’expliqu[ait] par la volonté de viser toutes les frontières séparant la Libye des
territoires voisins dont la France assumait les relations internationales»
215
216
.

3.37. En résumé, ni le texte de l’accord de Genève, ni les travaux préparatoires ni la pratique
des Parties ne laissent entendre que le principe de «successivité» doive être adopté ici ou que tous
les moyens de règlement mentionnés avant le règlement judiciaire doivent avoir été épuisés avant
que le Secrétaire général ne puisse décider que le différend sera réglé par la Cour. Au contraire,
l’article 33 énumère les divers moyens de règlement pacifique sans limitation ni exception et
n’établit ni hiérarchie ni ordre de préférence. L’accord de Genève n’entend pas non plus créer de
hiérarchie ou d’ordre de préférence. L’argument selon lequel le choix du règlement judiciaire serait
conditionné à l’épuisement préalable de l’un quelconque ou de l’ensemble des moyens non
judiciaires ne repose sur rien. En réalité, le choix du moyen est laissé à l’entière discrétion du
Secrétaire général. Comme la Cour l’a fait remarquer en l’affaire de la Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria, «[i]l n’existe ni dans la Charte, ni ailleurs en droit
international, de règle générale selon laquelle l’épuisement des négociations diplomatiques serait
un préalable à la saisine de la Cour»
217
.
101

3.38. En tout état de cause, à la date où le Secrétaire général a déterminé que le moyen de
règlement du différend entre les parties serait la Cour internationale de Justice, cela faisait plus de
cinquante ans que ces dernières participaient à un processus de règlement non judiciaire, avec,
notamment :
a) un processus tripartite d’examen documentaire, entre le 30 juillet 1963 et le 3 octobre 1965
218
;
b) des négociations entre la Guyane britannique, le Venezuela et le Royaume-Uni, qui ont
débouché sur l’adoption de l’accord de Genève le 17 février 1966
219
;
c) une commission mixte qui s’est réunie à de multiples occasions sur une période de quatre ans
(de 1966 à 1970)
220
;
d) une procédure des bons offices conduite pendant vingt-six ans sous la supervision du Secrétaire
général de l’ONU (de 1990 à 2016)
221
; et
e) une procédure renforcée des bons offices pour une ultime période d’un an (de 2017 à 2018)
222
102

.

215
Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 20-21, par. 39 (les
italiques sont de nous).
216
Ibid., p. 24, par. 48 (les italiques sont de nous).
217
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 303, par. 56. La Cour poursuivit en ces termes : «Un préalable de ce type peut
être incorporé et est souvent inséré dans les clauses compromissoires figurant dans les traités.» Ce n’est pas le cas ici. Un
tel préalable n’est en aucune manière incorporé au paragraphe 2 de l’article IV. De telles négociations directes, telles que
prescrites, étaient bien prévues à l’article premier, et la procédure quadriennale au cours de laquelle la commission mixte
a tenté de régler le différend par la voie de négociations directes a été épuisée.
218
Voir plus haut, par. 2.9-2.14.
219
Voir plus haut, par. 2.21-2.49.
220
Voir plus haut, par. 2.50-2.54.
221
Voir plus haut, par. 2.70-2.73, 2.77-2.84.
222
Voir plus haut, par. 2.85-2.101.
- 53 -

3.39. Comme indiqué dans les sous-sections B et C ci-dessous, il ne fait aucun doute que le
Secrétaire général a dûment exercé son pouvoir au titre du paragraphe 2 de l’article IV lorsqu’il a
déterminé que la Cour serait le prochain moyen de règlement de ce différend
223
.
B. Le renvoi à l’article 33 de la Charte des Nations Unies et son effet

3.40. Dans ses déclarations les plus récentes, le Venezuela donne à penser que le Secrétaire
général n’était pas investi du pouvoir requis pour choisir la Cour comme moyen de règlement du
différend entre les parties. Dans un communiqué officiel en date du 31 janvier 2018, le ministère
vénézuélien des affaires étrangères déclarait ainsi que la décision du Secrétaire général
«outrepassai[t] les compétences associées à sa fonction, contrevenant à l’esprit, au but et à la raison
d’être de l’accord de Genève et au principe d’équité convenu entre les parties»
224
. Ce point de vue a
été réitéré par le président Nicolas Maduro qui, dans sa lettre à la Cour en date du 18 juin 2018,
maintenait que le différend devait être résolu exclusivement par la voie de «négociations
amiables» :
103

«Le Venezuela réitère son attachement le plus strict à ce qui est légalement
établi dans l’accord de Genève pour le règlement de ce différend. Cet accord engage
les Parties à arriver à une solution pratique et mutuellement satisfaisante par le biais
des négociations amicales.»
225

3.41. L’interprétation nouvelle de l’accord de Genève donnée par le Venezuela  à savoir
que les négociations diplomatiques seraient le seul moyen par lequel le différend visé dans l’accord
serait susceptible d’être résolu  est contredite non seulement par les termes exprès de l’accord,
mais aussi par les intentions qui étaient celles des parties au moment où elles ont négocié et ratifié
celui-ci, et leurs déclarations subséquentes relatives à leur compréhension de l’accord.
Contrairement à ce que soutient aujourd’hui le Venezuela, le texte de l’accord, les travaux
préparatoires et le comportement ultérieur des parties montrent on ne peut plus clairement que le
processus de règlement en trois étapes prévu au paragraphe 2 de l’article IV inclut le règlement
judiciaire parmi les moyens permettant de régler le différend.

3.42. A n’en pas douter, l’article I de l’accord de Genève fait référence à des négociations
amiables en vue d’un «règlement pratique» du différend  mais ce, dans le contexte du rôle de la
commission mixte. Il ne précise pas les procédures à suivre si la commission mixte n’atteint pas
son objectif. En revanche, ces procédures sont bien visées à l’article IV, qui fait référence à
l’article 33 non moins de trois fois, signifiant clairement, à chaque occurrence, que les parties ou, le
cas échéant, l’organisme international compétent ou le Secrétaire général de l’ONU sont libres de
choisir l’un quelconque des moyens de règlement pacifique énumérés dans ledit article :
104

a) les gouvernements «choisiront … un des moyens de règlement pacifique énoncés à
l’Article 33» ;
b) s’ils «ne sont pas parvenus à un accord sur le choix d’un des moyens de règlement prévus à
l’Article 33» ; et

223
Voir ci-après, parties B et C de la section III.
224
Government of the Bolivarian Republic of Venezuela, Communiqué: The Bolivarian Republic of Venezuela
pronounces on the territorial dispute with the Cooperative Republic of Guyana (31 Jan. 2018), p. 1. MG, vol. IV,
annexe 127.
225
Lettre en date du 18 juin 2018 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le président du
Venezuela, p. 5 (les italiques sont de nous) [traduction du Venezuela]. MG, vol. IV, annexe 132.
- 54 -
c) «le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies … choisira un autre des moyens
stipulés à 1’Article 33».

3.43. Le renvoi sans réserve à l’article 33 donne pouvoir au Secrétaire général de décider que
les parties auront recours au règlement judiciaire. L’accent mis sur le choix d’«un des moyens» ou
d’«un autre des moyens» de règlement énumérés dans ledit article n’est pas fortuit. Il s’inscrit à
l’appui de l’objet et du but de l’accord, qui consistent à régler définitivement le différend. Il permet
au Secrétaire général de déterminer quel «moyen»  parmi plusieurs moyens possibles  il
convient de retenir. Une interprétation du paragraphe 2 de l’article IV excluant la possibilité d’un
règlement judiciaire priverait le traité de son effet utile, à savoir garantir un règlement définitif du
différend. Elle enfermerait au contraire les parties dans un processus sans fin de négociation
diplomatique, où la résolution effective pourrait être sempiternellement bloquée par l’une ou l’autre
d’entre elles.

3.44. Les travaux préparatoires et, plus généralement, les circonstances qui ont précédé,
105

entouré et accompagné la conclusion de l’accord de Genève, confirment que les parties avaient
compris et accepté que le renvoi délibéré à l’article 33 ouvrait la possibilité que le différend soit en
définitive résolu par voie de règlement judiciaire, y compris et notamment par la Cour.

3.45. En mai 1965, l’ambassadeur du Venezuela au Royaume-Uni indiqua au ministre
britannique des affaires étrangères et du Commonwealth que «si le Gouvernement de Sa Majesté
n’aimait pas l’idée de commissions mixtes, son [propre] gouvernement serait prêt à porter sa
revendication devant un organisme international tel que l’un des comités des Nations Unies ou la
Cour internationale»
226
.

3.46. Au cours des discussions trilatérales tenues à Londres les 9 et 10 décembre 1965, juste
avant la conférence de Genève, le ministre vénézuélien des affaires étrangères présenta une
proposition tendant à faire appel à une commission mixte pendant un temps déterminé puis, en cas
d’impossibilité pour celle-ci de parvenir à un accord, à soumettre le différend au règlement
contraignant par une tierce partie. L’épisode a été relaté en ces termes :

«M. Iribarren Borges présente ensuite une autre proposition. Il s’agit de mettre
en place une commission mixte pour résoudre le différend territorial, et de concevoir
et mener à bien des projets de collaboration à l’appui du développement de la Guayana
Essequiba et de la Guyane britannique. Si la commission n’arrive pas à un accord, les
parties devront s’en remettre dans les trois mois à un ou plusieurs médiateurs puis, à
défaut de règlement satisfaisant dans un délai prescrit, elles devront recourir à
l’arbitrage international. Le traité posant les bases de l’arbitrage devra être conclu
106

dans un délai de dix-huit mois à compter du 1
er
janvier 1966. M. Stewart clôture la
réunion après avoir promis de se pencher sur la proposition.»
227

226
Lettre en date du 15 mai 1962 adressée à D. Busk, ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela, par
R.H.G. Edmonds, du Foreign Office britannique. MG, vol. II, annexe 22.
227
Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan
Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December, No. AV 1081/326
(9 Dec. 1965), p. 4. MG, vol. II, annexe 28. Voir plus haut, par. 2.15-2.20.
- 55 -

3.47. Selon le compte rendu officiel des rencontres de décembre 1965 consigné à l’époque
par les Britanniques, le ministre des affaires étrangères fit formellement savoir que le Venezuela
était disposé à recourir, pour résoudre le différend, au règlement contraignant par une tierce partie :

«Sa propre proposition visant la création d’une commission mixte prévoit la
recherche de solutions par le biais d’une procédure conciliatoire en plusieurs étapes et,
au besoin, en recourant à l’arbitrage d’un organisme international impartial. La
disposition du Venezuela à s’en remettre à un tribunal arbitral représente une grande
concession de sa part.»
228

3.48. Le Royaume-Uni n’était pas enclin à accepter la proposition du Venezuela lors des
rencontres de Londres. Avant de clore les travaux, les parties convinrent de poursuivre leurs
discussions à Genève en février 1966
229
.

3.49. Une étape décisive fut franchie lorsqu’elles reprirent leurs travaux à Genève. Dans une
note verbale rédigée peu après la conclusion de ceux-ci, le ministre britannique des affaires
étrangères et du Commonwealth en fit le récit suivant :

«Après une brève intervention de l’ambassadeur vénézuélien et consultation de
107

mes collègues guyaniens, j’ai décidé de substituer à la proposition de recours à
l’Organisation des Nations Unies la proposition suivante : si la commission mixte
n’est pas en mesure de régler le différend, les deux gouvernements devront en premier
lieu chercher à s’entendre au plan bilatéral sur le moyen de règlement pacifique du
différend, parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, qui devra
être appliqué en l’espèce ; à défaut d’accord, il conviendra de demander à
l’Organisation de faire ce choix pour eux. (Fort heureusement, ce sont les
Vénézuéliens eux-mêmes qui avaient introduit l’idée de l’article 33 dans un des
projets de texte qu’ils avaient présentés durant l’après-midi.) Quand j’ai soumis la
proposition relative à l’article 33 au ministre vénézuélien des affaires étrangères lors
de notre séance vespérale, il a demandé à pouvoir réserver sa réponse jusqu’au
lendemain. Ce soir-là, le Gouvernement vénézuélien a été prié de transmettre de
nouvelles instructions. Ce fut le tournant de la conférence.»
230

3.50. Ce récit concorde avec le compte rendu dressé par le ministre vénézuélien des affaires
étrangères devant le Congrès national à l’occasion de la ratification de l’accord de Genève en mars
1966. Celui-ci confirma que c’était bien le Venezuela qui avait proposé d’inclure le renvoi à
l’article 33 de la Charte au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord et ce, spécifiquement en vue de
permettre le recours à une procédure contraignante de règlement par tierce partie, dans le cas où la
commission mixte ne parviendrait pas à régler le différend. M. Iribarren Borges expliqua que,
compte tenu du renvoi à l’article 33, le paragraphe 2 de l’article IV prévoyait non seulement le
recours à l’arbitrage, mais aussi le recours au règlement judiciaire par la Cour. Il souligna que la
proposition émanait du Venezuela et que c’était «sur la base de cette proposition du Venezuela que
l’accord de Genève [avait été] conclu» :

108

228
Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan
Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December, No. AV 1081/326
(9 Dec. 1965), p. 6. MG, vol. II, annexe 28. Voir plus haut, par. 2.19.
229
Ibid.
230
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 5. MG, vol. II, annexe 32. Voir plus haut,
par. 2.35-2.36.
- 56 -

«Après quelques discussions officieuses, notre délégation a choisi de mettre sur
la table une proposition analogue à cette troisième formule qui avait été rejetée à
Londres, en y ajoutant le recours à la Cour internationale de Justice. … Une fois
l’objection contournée en substituant à cette mention spécifique la référence à
l’article 33 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit ces deux procédures que sont
l’arbitrage et le recours à la Cour internationale de Justice, la possibilité de parvenir à
un accord redevint envisageable. C’est sur la base de cette proposition du Venezuela
que l’accord de Genève fut conclu.»
231

3.51. Ainsi, selon la lecture qui était celle du Venezuela à l’époque, le paragraphe 2 de
l’article IV matérialisait le consentement des Parties à se soumettre à un règlement contraignant par
tierce partie, en ce compris la Cour, dans le cas où la commission mixte ne parviendrait pas à régler
le différend. Le représentant du Venezuela à la commission mixte le confirma à nouveau le
30 décembre 1966 en déclarant que, si la commission mixte était incapable de résoudre le
différend, «il sera[it] procédé en temps utile … à l’examen juridique de la question [de la nullité]
par une juridiction internationale conformément à l’article IV de l’accord de Genève.»
232

3.52. Les déclarations ainsi faites à l’époque montrent clairement que, pour les Parties à
109

l’accord de Genève, et en particulier le Venezuela, le renvoi à l’article 33 de la Charte des Nations
était destiné à englober tous les moyens de règlement pacifique mentionnés dans ledit article, y
compris le règlement judiciaire par la Cour. Il en découle que, conformément au paragraphe 2 de
l’article IV de l’accord de Genève, il est possible de soumettre le différend à la Cour dans trois cas
de figure : i) par suite d’un accord entre les Parties ; ii) sur décision d’un «organisme international
compétent» agréé par les Parties ; iii) ou  comme en l’espèce  sur décision du Secrétaire
général de l’ONU.
C. Le renvoi du choix du moyen de règlement au Secrétaire général
de l’Organisation des Nations unies

3.53. Comme exposé au chapitre 2, peu après la signature de l’accord de Genève, les Parties
obtinrent du Secrétaire général qu’il accepte d’exercer le pouvoir qui lui était conféré par le
paragraphe 2 de l’article IV  celui de choisir le moyen de règlement du différend  dès lors
qu’elles lui en adresseraient la demande. Le Secrétaire général signifia officiellement qu’il
acceptait ce pouvoir par lettre datée du 4 avril 1966, signée par le Secrétaire général U Thant :

«J’ai l’honneur d’accuser réception du texte de l’accord signé à Genève le
17 février 1966 par le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Royaume-Uni, le
premier ministre de la Guyane britannique et le ministre des affaires étrangères du
Venezuela. J’ai pris note des responsabilités que le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies pourrait être appelé à assumer au titre du
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord et je souhaite vous informer que je considère

231
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 13 (les
italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 33.
232
United Kingdom, Ministry of External Affairs, First Interim Report of the Mixed Commission (30 Dec. 1966),
p. 3. MG, vol. II, annexe 41. Voir plus haut, par. 2.51.
- 57 -
celles-ci comme étant de nature à pouvoir être assumées de manière appropriée par le
Secrétaire général.»
233

3.54. Le Guyana et le Venezuela demandèrent au Secrétaire général de s’acquitter de ces
110

responsabilités conformément au paragraphe 2 de l’article IV en mars 1983. A cette date : i) la
commission mixte n’était pas parvenue à trouver un accord ; ii) le moratoire de douze ans approuvé
à Port of Spain avait expiré ; et iii) les Parties n’avaient pu s’entendre sur un moyen de règlement
ou un organisme international compétent à qui confier le choix de ce moyen. En pareilles
circonstances, le Venezuela insista pour faire immédiatement appel, à cet effet, au Secrétaire
général de l’ONU
234
. Par lettre datée du 28 mars 1983, le Guyana accepta la proposition du
235
Venezuela
. Le Secrétaire général Javier Pérez de Cuéllar y répondit le 31 mars 1983. Notant
qu’il lui avait été demandé de «[s]’acquitte[r] de la responsabilité qui [lui était] conférée au
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève», le Secrétaire général annonça qu’il
«communiquerai[t], après examen en bonne et due forme, … la conclusion à laquelle [il] aurai[t]
abouti dans l’exercice de cette responsabilité»
236
.

3.55. Comme relaté en détail au chapitre 2, le Secrétaire général Pérez de Cuéllar exerça le
111

pouvoir qui était le sien au titre du paragraphe 2 de l’article IV en décidant que le moyen de
règlement à utiliser en premier lieu serait une procédure des bons offices et nomma un représentant
personnel chargé de favoriser un règlement du différend. Entre 1990 et 2015, la procédure des bons
offices fut appliquée par le Secrétaire général et ses différents successeurs, qui nommèrent à leur
tour leur propre représentant personnel pour la conduire. En tout temps, le Secrétaire général et les
Parties savaient que, en choisissant et conduisant la procédure des bons offices, le Secrétaire
général exerçait son pouvoir au titre du paragraphe 2 de l’article IV.

3.56. Le 12 novembre 2015, en l’absence de progrès significatifs sur la voie d’un règlement
du différend malgré vingt-cinq années de bons offices, le Secrétaire général Ban Ki-moon proposa
une nouvelle «marche à suivre», indiquant que «[s]i aucune solution pratique au différend n’[était]
trouvée avant la fin de son mandat [à la fin 2016], le Secrétaire général entend[ait] engager la
procédure visant à obtenir une décision définitive et contraignante de la Cour internationale de
Justice»
237
. Un an plus tard, en décembre 2016, peu avant de quitter ses fonctions, le Secrétaire
général décida, en concertation avec son successeur, que la procédure des bons offices se
poursuivrait pendant encore un an, mais que «[s]i, à la fin 2017, le Secrétaire général conclu[ait] à
l’absence de progrès significatifs en vue d’un accord complet sur le règlement du différend, il
choisira[it] la Cour internationale de Justice comme prochain moyen de règlement»
238
.

112

233
Lettres en date du 4 avril 1966 adressées à M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, et

au très honorable lord Caradon, représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies, par
U Thant, Secrétaire général. La version espagnole de la lettre se lit comme suit : «He tomado nota de las obligaciones
que eventualmente pueden recaer en el Secretario General de las Naciones Unidas…» (les italiques sont de nous).
ReG, annexe 5.
234
Lettre en date du 19 septembre 1982 adressée au ministre guyanien des affaires étrangères par le ministre
vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 56. Voir plus haut, par. 2.63-2.65.
235
Lettre en date du 28 mars 1983 adressée au ministre vénézuélien des affaires étrangères par le ministre
guyanien des affaires étrangères. MG, vol. III, annexe 61. Voir plus haut, par. 2.66.
236
Lettre en date du 31 mars 1983 adressée au ministre guyanien des affaires étrangères par le Secrétaire général
de l’ONU. MG, vol. III, annexe 63.
237
Lettre en date du 12 novembre 2015 adressée au président du Guyana par le chef de cabinet de l’Organisation
des Nations Unies, p. 2. MG, vol. IV, annexe 100.
238
Voir plus haut, par. 2.90. Voir aussi U.N. Secretary-General, Note to Correspondents: The Controversy
between Guyana and Venezuela (16 Dec. 2016). MG, vol. IV, annexe 111.
- 58 -
3.57. Conformément à la décision de son prédécesseur, le Secrétaire général
António Guterres désigna le 23 février 2017 un représentant personnel chargé de poursuivre la
procédure des bons offices pendant une année supplémentaire
. Toutefois, à la fin de cette année,
après de nombreuses rencontres entre les Parties menées sous la conduite de son représentant
personnel, le Secrétaire général conclut une fois encore qu’aucun progrès significatif n’avait été
accompli sur la voie d’un règlement du différend
239
240
.

3.58. Sur ce fondement, le Secrétaire général António Guterres rendit une décision
conformément au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, dans laquelle il était établi
que le prochain moyen de règlement serait le recours à la Cour internationale de Justice. Sa
décision fut communiquée aux Parties dans des lettres identiques en date du 30 janvier 2018 et fit
l’objet d’une déclaration publique émise le même jour
241
. Dans la lettre adressée par le Secrétaire
général au Guyana, on peut notamment lire :

«Conformément au cadre défini par mon prédécesseur, j’ai soigneusement
analysé l’évolution de la procédure des bons offices au cours de l’année 2017. En
conséquence, je me suis acquitté de la responsabilité qui m’incombait dans ledit cadre
et, aucun progrès significatif n’ayant été réalisé en vue d’un accord complet sur le
règlement du différend, j’ai retenu la Cour internationale de Justice comme prochain
moyen d’atteindre cet objectif.»
113

242

3.59. Cette décision relève du bon exercice par le Secrétaire général de son pouvoir au titre
du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, et sa décision est donc contraignante pour
les Parties. Au paragraphe 2 de l’article IV, celles-ci ont en effet, en connaissance de cause et de
propos délibéré, investi le Secrétaire général du pouvoir de décider des moyens de règlement
pacifique à utiliser jusqu’à ce que le différend soit résolu, à la seule condition qu’il choisisse parmi
les moyens énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, et elles ont accepté d’être liées
par cette décision. Le libellé du paragraphe 2 de l’article IV revêt un caractère obligatoire :

«Si, trois mois au plus tard après avoir reçu le rapport final [de la commission
mixte], le Gouvernement guyanais et le Gouvernement vénézuélien ne sont pas
parvenus à un accord sur le choix d’un des moyens de règlement prévus à l’Article 33
de la Charte des Nations Unies, ils s’en remettront, pour ce choix, à un organisme
international compétent sur lequel ils se mettront d’accord, ou, s’ils n’arrivent pas à
s’entendre sur ce point, au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Si
les moyens ainsi choisis ne mènent pas à une solution du différend, ledit organisme
ou, le cas échéant, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, choisira
un autre des moyens stipulés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies, et ainsi de
suite, jusqu’à ce que le différend ait été résolu ou jusqu’à ce que tous les moyens de
règlement pacifique envisagés dans la Charte aient été épuisés.»
114
243

239

Lettre en date du 23 février 2017 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
MG, vol. IV, annexe 117.
240
Voir plus haut, par. 2.90.
241
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
ReG, annexe 7. Voir aussi U.N. Secretary-General, Statement attributable to the Spokesman for the Secretary-General on
the border controversy between Guyana and Venezuela (30 Jan. 2018). MG, vol. IV, annexe 126.
242
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU, p. 2.
ReG, annexe 7.
243
Accord de Genève, art. IV, par. 2 (les italiques sont de nous). ReG, annexe 4.
- 59 -

3.60. L’existence d’une obligation ressort clairement de l’emploi du terme «shall» dans le
texte anglais (futur à valeur d’impératif dans le français) et est conforme à l’objet et au but de
l’accord de Genève
244
. De plus, l’utilisation du terme «decision» en anglais («choix» en français)
indique que le pouvoir conféré au Secrétaire général de choisir le moyen était destiné à produire
 et produit  un effet contraignant pour le Guyana et le Venezuela. Le paragraphe 2 de
l’article IV fait la distinction entre i) le choix du moyen par les Parties et ii) le renvoi de ce choix à
un «organisme international compétent» ou au Secrétaire général. Dans le premier cas, les Parties
doivent s’entendre sur ce choix ; dans le second, l’«organisme international» ou le Secrétaire
général peut leur imposer le sien. Reléguer la décision du Secrétaire général au rang de simple
recommandation (comme le Venezuela cherche à le faire), sans égard pour le sens ordinaire du
paragraphe 2 de l’article IV, serait contraire au texte clair et sans équivoque et à l’objet et au but de
l’accord de Genève, ainsi qu’aux intentions des Parties à l’époque.
3.61. Le terme «decision» est habituellement réservé à des instruments à caractère
contraignant, par opposition à des «recommandations» ou même «résolutions», qui s’entendent
généralement comme n’impliquant pas, en elles-mêmes et sans plus de qualification, de
conséquences obligatoires en droit international
245
. La Cour a invariablement interprété le terme
«decision» comme connotant la notion de force obligatoire, par exemple dans son analyse
a) de résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies ayant «une valeur et un effet de
caractère impératif»
246
;
115

b) de résolutions à caractère impératif du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies
dont l’adoption ne relevait pas du chapitre VII de la Charte
247
; et
c) de ses propres ordonnances en indication de mesures conservatoires
248
.

244
La Cour a confirmé en nombre d’occasions que le recours au terme «shall» induit en principe une obligation
contraignante. Voir Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 321, par. 92, et Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2017, p. 26, par. 55.
245
Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 2014, p. 248, par. 46.
246
Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1962, p. 163 («Ainsi, tandis que c’est le Conseil de Sécurité qui possède le droit exclusif d’ordonner une
action coercitive, les fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale selon la Charte ne sont pas limités à la discussion, à
l’examen, à l’étude et à la recommandation; ses attributions ne sont pas simplement de caractère exhortatif. L’article 18
traite des «décisions» de l’Assemblée générale «sur les questions importantes». Ces «décisions» comprennent en effet
certaines recommandations, mais d’autres ont une valeur et un effet de caractère impératif. Parmi ces dernières décisions
l’article 18 comprend la suspension des droits et privilèges de Membres, l’exclusion de Membres «et les questions
budgétaires». En ce qui concerne la suspension des droits et privilèges de Membres et l’exclusion de Membres dans le
cadre des articles 5 et 6, c’est le Conseil de Sécurité dont le pouvoir se borne à faire des recommandations et c’est
l’Assemblée générale qui décide et dont la décision fixe le statut.») (les italiques sont de nous).
247
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 52-53,
par. 113(«On a soutenu que l’article 25 ne s’applique qu’aux mesures coercitives prises en vertu du chapitre VII de la
Charte. Rien dans la Charte ne vient appuyer cette idée. L’article 25 ne se limite pas aux décisions concernant des
mesures coercitives mais s’applique aux «décisions du Conseil de sécurité» adoptées conformément à la Charte. En outre
cet article est placé non pas au chapitre VII mais immédiatement après l’article 24, dans la partie de la Charte qui traite
des fonctions et pouvoirs du Conseil de sécurité. Si l’article 25 ne visait que les décisions du Conseil de sécurité relatives
à des mesures coercitives prises en vertu des articles 41 et 42 de la Charte, autrement dit si seules ces décisions avaient un
effet obligatoire, l’article 25 serait superflu car cet effet résulte des articles 48 et 49 de la Charte.»).
- 60 -

3.62. Si le Secrétaire général tient de l’accord de Genève le pouvoir discrétionnaire de
116

choisir les moyens de règlement, une fois que la question lui est soumise pour décision, la
réalisation de l’objet et du but de l’accord est suspendue à l’exercice de ce pouvoir. Ce n’est en
effet que par l’exercice de la responsabilité dont il a été investi par les Parties, et si celles-ci
respectent sa décision, que l’objet et le but de l’accord  le règlement définitif du différend 
peuvent être réalisés. Que telles aient été l’interprétation et l’intention des Parties ressort clairement
du texte du paragraphe 2 de l’article IV et des circonstances entourant sa négociation et son
incorporation dans l’accord de Genève.

3.63. Par le passé, certains secrétaires généraux ont consulté les Parties pendant le processus
ayant conduit au choix du moyen de règlement. Comme décrit plus haut, le Secrétaire général
Pérez de Cuéllar engagea des consultations avec le Guyana et le Venezuela en 1983 «pour
s’acquitter plus facilement de sa responsabilité»
249
. Un processus diplomatique, tel qu’une
négociation ou le recours à de bons offices, exige la participation active des deux parties et ne peut
aboutir si l’une d’elles s’y oppose ou refuse d’y prendre part. Mais le fait de consulter les parties
pour déterminer leur disposition à participer à un tel processus n’enlève rien au pouvoir du
Secrétaire général au titre du paragraphe 2 de l’article IV de décider de façon unilatérale, si tel est
son choix, du moyen de règlement à utiliser, y compris le règlement par la Cour.

3.64. Les travaux préparatoires confirment que les Parties comprenaient que la décision du
117

Secrétaire général s’imposerait à elles. En outre, il ressort clairement de plus de trois décennies de
pratique que c’est aussi de cette façon que les secrétaires généraux successifs concevaient leurs
pouvoirs. A la conférence de Genève en février 1966, c’est le Venezuela qui proposa en premier de
confier au Secrétaire général le soin de décider en dernier recours, dans le cadre de la troisième
étape prévue à l’article IV. Voici ce qu’on peut lire dans un compte rendu officiel de la conférence
de Genève consigné par les Britanniques :

«6. La journée du 17 février fut consacrée à l’examen de formules fondées sur
ma proposition. Le premier problème consistait à décider à qui les Gouvernements du
Venezuela et de la Guyane britannique auraient à s’en remettre s’ils n’étaient pas
eux-mêmes en mesure de décider quelle méthode adopter parmi celles prévues à
l’article 33. Dans le libellé qui fut finalement approuvé pour l’article IV de l’accord
(«un organisme international compétent», ou à défaut, le Secrétaire général de

248
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 506, par. 108 («La question se
pose de savoir quel sens doit être attribué aux mots «la décision de la Cour internationale de Justice» au paragraphe 1 de
cet article. Ce libellé pourrait s’entendre comme visant non seulement les arrêts de la Cour, mais toute décision rendue
par elle, et s’appliquant ainsi aux ordonnances en indication de mesures conservatoires. Ces mots pourraient aussi être
interprétés comme désignant seulement les arrêts rendus par la Cour tels que visés au paragraphe 2 de l’article 94. A cet
égard, l’utilisation faite aux articles 56 à 60 du Statut de la Cour des mots «décision» et «arrêt» n’ajoute guère de clarté
au débat. Dans la première interprétation du paragraphe 1 de l’article 94, celui-ci confirmerait le caractère obligatoire des
mesures conservatoires; dans la seconde, il ne s’opposerait nullement à ce que ce caractère obligatoire leur soit reconnu
au titre de l’article 41 du Statut. La Cour en conclut que l’article 94 de la Charte ne fait en tout état de cause pas obstacle
au caractère obligatoire des ordonnances rendues au titre de l’article 41.»).
249
Télégramme en date du 31 août 1983 adressé au ministre guyanien des affaires étrangères par le Secrétaire
général de l’ONU. MG, vol. III, annexe 64. Voir plus haut, par. 2.67.
- 61 -
l’ONU), nous avions proposé la première de ces options et les Vénézuéliens, la
seconde»
250
.

3.65. Dans son allocution devant le Congrès vénézuélien le 17 mars 1966, le ministre des
affaires étrangères souligna que le rôle du Secrétaire général était de prendre la «décision relative
au moyen de règlement»
251
. Reprenant l’énumération de l’article 33 de la Charte, il précisa :
118

«[l]es moyens prévus sont les suivants : négociation, enquête, médiation, conciliation,
arbitrage, règlement judiciaire et recours aux organismes ou accords régionaux. Telles
sont les procédures expressément prévues qu’il faut utiliser jusqu’à ce que la question
ait été résolue ou que ces dernières aient été épuisées»
252
.

3.66. Le ministre vénézuélien des affaires étrangères expliqua par ailleurs comment les
Parties s’étaient mises d’accord sur le rôle et le pouvoir du Secrétaire général :

«Je tiens à ce qu’il soit consigné au compte rendu que, dans les dernières
discussions relatives à l’accord de Genève, les Britanniques ont proposé de confier à
l’Assemblée générale des Nations Unies le choix du moyen de règlement à utiliser
parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte.

Cette proposition fut rejetée par le Venezuela pour les raisons suivantes :

1. Parce qu’il n’était pas indiqué de confier la tâche spécifique consistant à
choisir un moyen de règlement à une instance aussi éminemment politique et
délibérative que l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette procédure pourrait
conduire à des retards déraisonnables, dans la mesure où des éléments politiques
extérieurs pourraient aisément venir influencer la simple fonction consistant à choisir
le moyen de règlement ;

2. Parce que l’Assemblée générale des Nations Unies ne se réunit en sessions
ordinaires qu’une fois par an, pendant une période d’environ trois mois, pour traiter de
questions préalablement inscrites à son ordre de jour, et en sessions extraordinaires
uniquement à la demande la majorité des membres de l’Organisation des
Nations Unies.
119

Le Venezuela a exposé ces raisons et proposé par ailleurs d’assigner la fonction
relative au choix du moyen de règlement à la Cour internationale de Justice, en sa
qualité d’instance permanente libre des contraintes susmentionnées. Cette proposition
ayant été rejetée par les Britanniques, le Venezuela proposa ensuite de confier ce rôle
au Secrétaire général de l’ONU.

250
o
Note verbale n
AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au
Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 6. MG, vol. II, annexe 32. Voir aussi l’aérogramme
n
o
A-798 en date du 18 avril 1966 adressé à l’ambassade des Etats-Unis au Venezuela par le département d’Etat
américain («Arguant que le Venezuela s’était rendu à Genève sans que la Grande-Bretagne n’ait admis qu’un différend
existait dans les faits, Iribarren a déclaré que la diplomatie subtile du Venezuela lui avait fait gagner une importante
victoire. Il a souligné que le Venezuela avait obtenu une diminution du délai demandé par les Britanniques pour l’examen
du problème, réduite de trente à quatre ans, et que la proposition britannique, visant le renvoi du problème à l’Assemblée
générale des Nations Unies si une solution satisfaisante ne pouvait être trouvée dans le délai prescrit de quatre ans, avait
été abandonnée pour répondre au souhait du Venezuela de voir le problème examiné en tel cas par le Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies.») (les italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 36.
251
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 16 (les
italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 33.
252
Ibid., p. 17 (les italiques sont de nous).
- 62 -

En conclusion, en raison des objections du Venezuela acceptées par la
Grande-Bretagne, il est admis sans équivoque que seul participera au choix du moyen
de règlement le Secrétaire général de l’ONU, et non l’Assemblée générale.»
253

3.67. En résumé, il ressort clairement de l’accord de Genève, des travaux préparatoires et des
déclarations que les Parties avaient faites à l’époque que, pour elles, il était entendu que : i) le
paragraphe 2 de l’article IV donne pouvoir au Secrétaire général de rendre une décision à caractère
obligatoire sur le moyen à employer pour régler le différend, à condition que les précédentes étapes
de la procédure de règlement du différend prévues à l’article IV aient échoué (à savoir que les
Parties ne soient parvenues à s’entendre ni sur le moyen de règlement ni sur un «organisme
international compétent» qui choisirait ce moyen) ; et ii) le paragraphe 2 de l’article IV donne
pouvoir au Secrétaire général de choisir à cet égard le règlement judiciaire. En effet, les pièces
versées au dossier montrent sans équivoque que c’est le Venezuela lui-même qui proposa à la fois
que le Secrétaire général soit habilité à décider des moyens de règlement et que le règlement
judiciaire par la Cour soit inclus parmi ces moyens.
120

3.68. En conséquence, ayant toutes deux consenti à ce processus, ainsi que consigné au
paragraphe 2 de l’article IV, et ayant en particulier toutes deux consenti à conférer au Secrétaire
général le pouvoir de choisir le règlement judiciaire comme moyen de régler le différend, les
Parties sont liées par la décision du Secrétaire général.
IV. LA COUR A COMPÉTENCE À L’ÉGARD DU DIFFÉREND

3.69. Dans sa lettre au président de la Cour en date du 18 juin 2018, le président du
Venezuela écrit que «l’établissement de la juridiction de la Cour exige, selon une pratique bien
établie, à la fois un consentement exprès à la juridiction de la Cour donné par les deux Parties au
différend, et un accord commun des Parties notifiant la soumission du différend à la Cour»
254
. Les
exceptions d’incompétence du Venezuela sont donc globalement de deux ordres, le Venezuela
soutenant : i) qu’il «n’a pas accepté la juridiction de la Cour à l’égard du différend» et ii) qu’il «n’a
pas accepté la [soumission] unilatérale» du différend par le Guyana
255
. Ces deux exceptions sont
121

infondées. Au-delà de l’exercice par le Secrétaire général du pouvoir qui lui a été conféré par les
Parties de choisir la Cour comme moyen de règlement, aucune autre expression du consentement
de l’une ou l’autre d’entre elles n’est exigée pour doter la Cour de compétence en l’espèce. Comme
suite à la décision du Secrétaire général, le Guyana était fondé à introduire la présente instance,
sans autre formalité, en déposant sa requête. Il n’était nullement nécessaire que le Venezuela
consente à la «présentation d[e la] requête».

253
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 16 (les
italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 33. Au cours des négociations, il fut également proposé de désigner la Cour
internationale de Justice comme instance chargée de décider du moyen de règlement. Un projet antérieur de l’article IV
prévoyait que :
«4. Si les parties ne sont pas parvenues à un accord dans les trois mois concernant le choix d’une
des méthodes prévues à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, elles prieront la Cour
internationale de Justice de choisir un desdits moyens de règlement pacifique. Si la méthode choisie
par la Cour ne permet pas d’arriver à un règlement du différend, cette dernière choisira une autre des
méthodes stipulées à l’article 33 de la Charte, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le différend ait été résolu
ou jusqu’à ce que toutes les méthodes de règlement pacifique envisagées dans la Charte aient été
épuisées.»
Projets de texte antérieurs de l’accord de Genève (non daté) (les italiques sont de nous). MG, vol. II, annexe 1.
254
Lettre en date du 18 juin 2018 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le président du
Venezuela, p. 4 [traduction du Venezuela]. MG, vol. IV, annexe 132.
255
Ibid., p. 3.
- 63 -
A. Consentement vénézuélien à la compétence

3.70. Le Venezuela soutient que la compétence de la Cour n’est pas «régi[e] par l’accord de
Genève» et qu’il n’existe aucun «accord des Parties exprimant leur consentement à la juridiction de
la Cour en vertu de l’article 36» du Statut de la Cour
256
. Le Venezuela se fourvoie tout bonnement.

3.71. Il est un principe du droit international général, auquel le Guyana souscrit pleinement,
qui veut que la «compétence dépend[e] … du consentement des Etats et, par voie de conséquence,
[la Cour] ne saurait contraindre un Etat à se présenter devant elle»
257
. La compétence de la Cour à
l’égard des Etats est déterminée par son Statut. Le paragraphe 1 de l’article 36 dispose ainsi que
«[l]a compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui
soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des
Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur»
258
.

3.72. Le paragraphe 1 de l’article 36 consacre le principe du consentement. Il confère
122

compétence à la Cour dès lors qu’un différend particulier lui est soumis par les parties ou que le
différend découle d’une convention bilatérale ou multilatérale dans laquelle les parties ont prévu le
recours à la Cour pour le règlement des différends. Si le consentement à la compétence de la Cour
est dans tous les cas indispensable, il n’existe aucune règle précisant, ou limitant, la manière dont
un Etat peut exprimer son consentement. La pratique constante de la Cour et de sa devancière a
consisté à considérer que, «[a]lors que le consentement des parties confère juridiction à la Cour, ni
le Statut ni le Règlement n’exigent que ce consentement s’exprime dans une forme déterminée»
259
.
En l’affaire des Ecoles minoritaires, par exemple, la Cour permanente de justice internationale
expliqua ainsi :

«L’acceptation, par un Etat, de la juridiction de la Cour dans un cas particulier,
n’est pas, selon le Statut, soumise à l’observation de certaines formes, comme, par
exemple, l’établissement d’un compromis formel préalable. … Et il ne semble point
douteux que la volonté d’un Etat de soumettre un différend à la Cour puisse résulter,
non seulement d’une déclaration expresse, mais aussi d’actes concluants.»
260

3.73. Les exégètes s’accordent à dire qu’il n’existe aucune condition de forme quant à la
façon dont le consentement à la compétence devrait être exprimé. Dans la cinquième édition de
l’ouvrage Rosenne’s Law and Practice of the International Court, on peut ainsi lire :
123

«Le Statut ne comprend aucune disposition régissant la forme ou la manière
dont le consentement conférant juridiction à la Cour devrait s’exprimer. Le silence du
Statut concernant la façon d’exprimer le consentement contraste avec la rigidité avec
laquelle est appliquée la condition fondamentale que constitue la base consensuelle de
la compétence, et a donné lieu à une transformation radicale des modes d’expression

256
Lettre en date du 18 juin 2018 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le président du
Venezuela, p. 4 [traduction du Venezuela]. MG, vol. IV, annexe 132.
257
Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 260, par. 53.
258
Statut de la Cour internationale de Justice, art. 36, par. 1.
259
Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), exception préliminaire, arrêt, 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 27. Voir aussi Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, p. 203, par. 60 («Ni le Statut ni le Règlement de la Cour n’exigent … que le consentement des parties
conférant ainsi compétence à la Cour s’exprime sous une forme déterminée.»).
260
Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires), arrêt n
o
12, 1928, C.P.J.I. série A n
o
15, p. 23-24.
- 64 -
de ce consentement. Le libellé du paragraphe 1 de l’article 36 du Statut  toutes les
affaires que les parties soumettent à la Cour et tous les cas spécialement prévus dans
les traités et conventions en vigueur  consacre le principe fondamental selon lequel
les parties doivent être d’accord pour soumettre l’affaire à la Cour, sans fixer la
moindre condition de forme quant à l’expression de cet accord.»
261

3.74. Le consentement dépend non pas de la forme de l’accord, mais de la mesure dans
laquelle s’y reflète une intention de conférer compétence à la Cour. Comme la Cour l’a fait
remarquer en l’affaire de l’Usine de Chorzów, «[c]’est toujours l’existence d’une volonté des
Parties de conférer juridiction à la Cour … qui fait l’objet de l’examen de la question de savoir s’il
y a compétence ou non [à l’égard d’un différend]»
262
. Le Guyana soutient qu’une telle volonté ou
intention est manifeste dans l’accord de Genève. Le Venezuela admet que l’accord est un traité
international toujours en vigueur entre les Parties «qui régit juridiquement le différend territorial
relatif à l’Essequibo»
263
. Il s’est à maintes reprises déclaré lié par les termes de l’accord, dont le but
est de «résoudre la question» de la frontière entre le Guyana et lui
264
. Il est donc lié par le
124

consentement qu’il a donné à l’exercice de la compétence de la Cour au paragraphe 2 de
l’article IV de l’accord.

3.75. Au paragraphe 2 de l’article IV, les Parties ont donné leur consentement à ce que la
125
Cour puisse «régler le différend relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique» à
l’issue d’un processus en trois étapes, si aucun règlement n’était trouvé dans les deux premiers
temps. Le consentement des Parties manifesté au paragraphe 2 de l’article IV, conjugué au renvoi à
l’article 33 de la Charte des Nations Unies, signifie sans équivoque que le Guyana et le Venezuela
ont accepté de se soumettre au règlement judiciaire par la Cour dans le cas où le Secrétaire général

261
M. Shaw, Rosenne’s Law and Practice of the International Court 1920-2015, Vol. II (5th ed., 2015),
p. 579-580, par. 155 (les italiques sont de nous). MG, vol. III, annexe 88.
262
Usine de Chorzów, compétence, arrêt n
o
8, 1927, C.P.J.I. série A n
o
9, p. 32.
263
o
Note verbale n
000322 en date du 28 février 2018 adressée à l’ambassade du Guyana au Venezuela par le
ministère vénézuélien des affaires étrangères. MG, vol. IV, annexe 130.
264
Republic of Venezuela, Law Ratifying the Geneva Agreement (13 Apr. 1966) reproduit dans Republic of
Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Claim of Guyana Esequiba: Documents 1962-1981 (1981). MG, vol. II,
annexe 35. Voir aussi la déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966),
p. 13 («S’agissant d’une solution émanant pour l’essentiel du Venezuela, l’accord de Genève méritait le soutien unanime
de la délégation, qui comprenait les délégués des trois partis au gouvernement, trois délégués pour l’opposition et un
sénateur d’un groupe indépendant. Tous se sont très nettement montrés favorables à ce que, fort de l’autorisation du
président, je signe cet instrument d’une importance capitale.»). MG, vol. II, annexe 33 ; déclaration du ministère
vénézuélien des affaires étrangères en date du 2 avril 1981 reproduite dans Republic of Venezuela, Ministry of Foreign
Affairs, Claim of Guyana Esequiba: Documents 1962-1981 (1981) («L’accord de Genève fut approuvé à l’époque sur la
base d’un consensus national, qui fut exprimé par une majorité écrasante une fois l’accord soumis pour examen au
Congrès et ratifié par M. Raúl Leoni, alors chef de l’Etat. Il est vrai qu’à cette époque, tout comme aujourd’hui, certains
secteurs et individus ont élevé des arguments légitimes contre l’accord. Toutefois, il est également certain que l’accord,
après avoir été approuvé par le Congrès, a été érigé au rang de loi de la République et représente un engagement
international pour le Venezuela»). MG, vol. II, annexe 50 ; lettre en date du 19 juin 2015 adressée au ministre guyanien
des affaires étrangères par le ministre vénézuélien des affaires étrangères («la République bolivarienne du Venezuela
souhaite réaffirmer que le droit international, en particulier l’accord de Genève signé par nos deux pays le 17 février 1966
conformément à la Charte des Nations Unies, s’applique à ce différend territorial»). MG, vol. III, annexe 95 ;
Government of the Bolivarian Republic of Venezuela, Communiqué: The Bolivarian Republic of Venezuela pronounces
on the territorial dispute with the Cooperative Republic of Guyana (31 Jan. 2018) («Le Venezuela reconnaît la pleine
validité de l’accord de Genève du 17 février 1966, signé et ratifié par notre pays et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord, en consultation avec le Gouvernement de la Guyane britannique ; ce traité international, qui
constitue le cadre juridique du règlement du différend territorial entre les Parties et a été validement reconnu et enregistré
auprès de l’Organisation des Nations Unies, est le seul moyen de tourner la page de cet héritage ignominieux du
colonialisme britannique»). MG, vol. IV, annexe 127.
- 65 -
déciderait que tel est le moyen à utiliser par les Parties pour résoudre le différend
. Il vaudrait tout
autant consentement des Parties à l’arbitrage si le Secrétaire général avait porté son choix sur ce
moyen de règlement.
265

3.76. En effet, comme indiqué plus haut, c’est le Venezuela qui a insisté pour incorporer au
paragraphe 2 de l’article IV la disposition permettant de faire appel au Secrétaire général et lui
donnant pouvoir de choisir le moyen de règlement du différend et d’opter, en particulier, pour la
saisine de la Cour internationale de Justice. Selon le ministre des affaires étrangères et négociateur
en chef du Venezuela, la proposition vénézuélienne relative à l’arbitrage ou au règlement judiciaire
 au cas où les négociations ou d’autres moyens de règlement n’aboutiraient pas  est à «la base»
de l’accord conclu à Genève
266
.

3.77. Le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève tient donc lieu de clause
compromissoire, conférant compétence à la Cour dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) les Parties conviennent que la Cour doit régler le différend ;
126

b) les Parties s’entendent sur un «organisme international compétent» qui décide ensuite que le
règlement judiciaire par la Cour sera le moyen employé pour régler le différend ; ou
c) le Secrétaire général décide que le règlement judiciaire par la Cour sera le moyen employé pour
régler le différend.

3.78. En l’espèce, la décision prise par le Secrétaire général António Guterres le 30 janvier
2018, lorsque, exerçant le pouvoir que lui avaient conféré les Parties au paragraphe 2 de
l’article IV, il a choisi la Cour internationale de Justice comme moyen de règlement du différend,
correspond au troisième de ces cas de figure
267
.

3.79. Le Guyana note qu’il n’est pas rare qu’une clause relative au règlement des différends
inscrite dans un traité bilatéral ou multilatéral pose certains préalables exigeant le recours à d’autres
moyens, tels que la négociation ou des procédures politiques, avant que la Cour puisse être déclarée
compétente. Par exemple, le paragraphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) dispose ceci :

«Tout différend entre deux ou plus des Etats parties concernant l’interprétation
127

ou l’application de la présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de
négociation est soumis à l’arbitrage à la demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six
mois qui suivent la date de la demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se
mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque d’entre elles peut

265
Charte des Nations Unies, art. 33, 91. Le «règlement judiciaire» s’étend nécessairement à la Cour
internationale de Justice, en tant qu’il s’agit du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies et de la
seule cour permanente dotée d’une compétence générale en droit public international.
266
Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), p. 13.
MG, vol. II, annexe 33. Voir plus haut, par. 3.50.
267
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
ReG, annexe 7.
- 66 -
soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête
conformément au Statut de la Cour.»
268

3.80. Cette disposition exige des Etats parties à la convention qu’ils entament en premier lieu
des négociations et tentent en deuxième lieu, durant une période prescrite, de s’entendre sur le
recours à l’arbitrage ; ce n’est qu’après l’échec des négociations et devant l’incapacité des parties à
parvenir à un accord sur l’arbitrage que l’une d’entre elles peut invoquer la compétence de la Cour.
Comme expliqué par celle-ci dans son interprétation d’une clause similaire (quoique non identique)
relative au règlement des différends en l’affaire Géorgie c. Russie, ce sont là «des conditions
préalables auxquelles il doit être satisfait avant toute saisine de la Cour»
269
. Ainsi qu’il a été
démontré plus haut, il a été satisfait à toutes les conditions préalables énoncées au paragraphe 2 de
l’article IV de l’accord de Genève et les Parties elles-mêmes l’ont reconnu lorsque, en 1983  à la
demande instante du Venezuela , elles sont convenues de s’en remettre pour le choix du moyen
de règlement au Secrétaire général. Par voie de conséquence, le Secrétaire général avait le pouvoir
de décider des moyens à employer pour régler ce différend
270
.

3.81. Le rôle qui incombe au Secrétaire général en vertu de l’accord de Genève est à
128

distinguer des cas où le Conseil de sécurité a recommandé aux Etats Membres de l’Organisation
des Nations Unies de soumettre un différend à la Cour, y compris en l’affaire du Détroit de Corfou
et en l’affaire du Plateau continental de la mer Egée. En l’affaire du Détroit de Corfou, par
exemple, le Conseil de sécurité avait «recommand[é] aux Gouvernements du Royaume-Uni et de
l’Albanie de soumettre immédiatement ce différend à la Cour internationale de Justice,
conformément aux dispositions du Statut de la Cour»
271
. Dans ces circonstances, une simple
recommandation émanant d’une instance de l’Organisation des Nations Unies ne saurait valoir
consentement à la compétence de la Cour, dès lors que les parties ne l’ont pas acceptée.

3.82. En l’espèce, en revanche, la décision du Secrétaire général selon laquelle les parties
régleront leur différend en recourant à la Cour n’est pas une simple recommandation, mais une
décision à valeur obligatoire. Plus important encore, c’est une décision que les Parties avaient d’un
commun accord habilité le Secrétaire général à prendre, et c’est à ce titre une manifestation sans
équivoque de consentement  des deux Parties  à la compétence de la Cour. Il s’agit d’un
consentement donné a priori en vertu des termes exprès du paragraphe 2 de l’article IV, comme le
confirment les travaux préparatoires et le comportement des Parties. Aucun accord complémentaire
n’est requis pour appliquer la décision du Secrétaire général.
129

268
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984), art. 30,
par. 1. Dans un contexte bilatéral, voir, par exemple, l’accord de gestion et de coopération entre le Gouvernement de la
République de Guinée-Bissau et le Gouvernement de la République du Sénégal, RTNU, vol. 1903, p. 4 (14 octobre 1993),
art. 9 («Les différends concernant le présent Accord ainsi que l’Accord sur l’Agence internationale seront résolus dans
une première phase par voie de négociations directes et, en cas d’échec, au terme d’un délai de six mois, par arbitrage ou
par la Cour Internationale de Justice»). MG, vol. III, annexe 68 ; traité d’amitié, de commerce et de navigation entre le
Japon et la République des Philippines, RTNU, vol. 1001, p. 310 (9 décembre 1960), art. VIII, par. 2 («Tout différend qui
pourrait s’élever entre les Parties quant à l’interprétation ou l’application du présent Traité et qui n’aura pas été réglé de
manière satisfaisante par la voie diplomatique sera soumis à la Cour internationale de Justice, à moins que les Parties ne
conviennent de le régler par d’autres moyens pacifiques.»). MG, vol. II, annexe 13.
269
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 128, par. 141.
270
Voir plus haut, sect. III, partie D et par. 2.67-2.69.
271
C.I.J. Mémoires, Détroit de Corfou (Royaume–Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord c. République
populaire d’Albanie), vol. I, requête, annexe 2, p. 16.
- 67 -

3.83. A cet égard, l’accord de Genève peut être comparé à l’accord conclu le 1
er
décembre
1926 entre la Grèce et la Turquie afin de surmonter certaines difficultés découlant de l’application
du traité de Lausanne concernant les propriétés musulmanes en Grèce
272
. Le traité disposait que les
contestations devaient être réglées en première instance par une commission mixte composée de
représentants grecs et turcs. L’article IV du protocole final au traité prévoyait, sous certaines
conditions, l’obligation de recourir à l’arbitrage
273
. Des divergences touchant à l’interprétation de
l’article IV survinrent au sein de la commission mixte et cette dernière pria le Conseil de la Société
des Nations de solliciter de la Cour permanente de Justice internationale un avis consultatif
274
. La
Cour fut priée de dire s’il relevait du mandat de la commission mixte de se prononcer sur le respect
des conditions du recours à l’arbitrage énoncées dans le protocole. Après avoir examiné la structure
générale de la commission mixte et ses attributions, et considéré les intentions des parties soustendant les divers
instruments relatifs
à
l’échange des
populations grecques
et turques, la Cour

arriva à la
conclusion qu’il appartenait
à la
seule
commission
mixte de constater si les conditions de

recours à l’arbitrage avaient été ou
non
remplies
et que la
commission
elle-même pouvait
soumettre

une question
à
l’arbitre
275
. L’avis rendu par la Cour confirme que deux Etats peuvent confier à une
tierce partie la tâche de décider par quel moyen un différend doit être réglé et que, dès lors que
cette tierce partie rend sa décision, dans le respect des conditions convenues, la décision relative au
moyen de règlement s’impose à eux.
130

B. Distinction entre compétence et saisine

3.84. Le Venezuela a également contesté la compétence de la Cour au motif qu’il n’existe
aucun «accord commun des Parties notifiant la soumission du différend à la Cour»
276
. Il est par
ailleurs avancé qu’il n’existe aucun «accord des Parties acceptant que le différend puisse être porté
unilatéralement et non conjointement devant la Cour en vertu de l’article 40»
277
. Cet argument est
mal fondé dans la mesure où il méconnaît que compétence et saisine sont deux concepts différents.

3.85. En l’affaire Qatar c. Bahreïn, la Cour souligna que la saisine  l’acte de procédure
permettant d’introduire une instance  était indépendante de la base de compétence :

«Certes, comme acte introductif d’instance, la saisine est un acte de procédure
autonome par rapport à la base de compétence invoquée ; et, à ce titre, elle est régie
par le Statut et le Règlement de la Cour. La Cour ne saurait cependant connaître d’une
affaire tant que la base de compétence considérée n’a pas trouvé son complément
nécessaire dans un acte de saisine : de ce point de vue, la question de savoir si la Cour
a été valablement saisie apparaît comme une question de compétence.»
278

131

272
Interprétation de l’accord gréco-turc du 1
er
décembre 1926 (protocole final, article IV), avis consultatif, 1928,
o
C.P.J.I. série B n
16, p. 8.
273
Ibid., p. 5.
274
Ibid., p. 5-6.
275
Ibid., p. 21.
276
Lettre en date du 18 juin 2018 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le président du
Venezuela, p. 4 [traduction du Venezuela]. MG, vol. IV, annexe 132.
277
Ibid.
278
Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 23, par. 43.
- 68 -

3.86. La Cour fut amenée à interpréter le paragraphe 2 du procès-verbal de Doha, lequel se
lit comme suit :

«Les bons offices du Serviteur des deux Lieux saints, le roi Fahd Ben Abdul
Aziz, se poursuivront entre les deux pays jusqu’au mois de chawwal 1411 de l’hégire,
correspondant à mai 1991. A l’expiration de ce délai, les deux parties pourront
soumettre la question à la Cour internationale de Justice...»
279

3.87. La Cour estima que cette disposition donnait aux parties «une possibilité, voire un
droit» de la saisir unilatéralement dès l’expiration du délai indiqué («[à] l’expiration de ce délai»),
soulignant que
«[t]oute autre interprétation se heurterait à de sérieuses difficultés: elle priverait le
membre de phrase de son effet utile et risquerait en outre d’aboutir à des résultats
déraisonnables.

De fait, la Cour voit mal pourquoi le procès-verbal de 1990, dont l’objet et le
but étaient de faire progresser le règlement du différend en donnant effet à
l’engagement formel des Parties d’en saisir la Cour, se serait contenté de leur ouvrir
une possibilité d’action commune qui, non seulement, avait toujours existé, mais, en
outre, s’était avérée inefficace. Le texte prend au contraire tout son sens s’il est
compris comme visant, aux fins d’accélérer le processus de règlement du différend, à
ouvrir la voie à une éventuelle saisine unilatérale de la Cour dans le cas où la
médiation de l’Arabie saoudite  parfois qualifiée, comme dans le texte ici considéré,
de «bons offices»  n’aurait pas abouti à un résultat positif en mai 1991.»
280

3.88. Le raisonnement de la Cour en l’affaire Qatar c. Bahreïn vaut tout autant pour l’accord
132

de Genève. En l’espèce, le Secrétaire général s’est vu doter du pouvoir de décider lequel des
moyens énoncés à l’article 33 de la Charte doit être employé par les Parties pour régler le différend.
Sa décision constitue donc un acte juridique matérialisant le consentement a priori des Parties au
règlement judiciaire. Il ne saurait être exigé d’accord distinct entre le Guyana et le Venezuela car,
comme décrit plus haut, les deux Parties ont déjà exprimé sans équivoque leur consentement à la
compétence de la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article IV. En résumé, ayant consenti à la
compétence de la Cour, le Venezuela ne peut validement objecter à ce que le Guyana se tourne vers
celle-ci, ou procède à sa saisine, de manière unilatérale.

3.89. En outre, exiger que les Parties concluent un accord distinct avant que l’une ou l’autre
ne puisse introduire une instance devant la Cour irait à l’encontre du but même de l’accord de
Genève. Comme expliqué ci-dessus, par cet accord, les Parties entendaient garantir que le différend
serait résolu, et ne se poursuivrait pas indéfiniment. Si un accord distinct tendant à conférer
compétence à la Cour était requis, l’une ou l’autre Partie pourrait empêcher cette résolution, alors
même que tous les autres moyens auraient échoué, en refusant simplement que le différend soit
soumis à la Cour. C’est précisément pour éviter une telle issue que les Parties ont consenti, à

279
Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et
133

recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 17, par. 30.
280
Ibid., p. 19, par. 35. Voir aussi Détroit de Corfou (Royaume–Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord
c. République populaire d’Albanie), exception préliminaire, arrêt, 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 28 («On a cherché
à argumenter en sens contraire du texte de la recommandation du Conseil de Sécurité. Mais, d’une part, si cette
recommandation indique bien que l’introduction de l’instance devant la Cour exige l’action des parties, elle ne spécifie
pas que cette action devait être conjointe; d’autre part, il appartient aux textes gouvernant le fonctionnement de la Cour
de déterminer comment celle-ci doit être saisie, ainsi qu’il est énoncé dans la recommandation du Conseil de Sécurité.»).
- 69 -
l’avance, à se soumettre au règlement judiciaire si tel était le moyen de règlement choisi par le
Secrétaire général.
C. Champ de la compétence ratione materiae de la Cour

3.90. Le champ de la compétence de la Cour est déterminé par le texte de l’accord de
Genève, interprété à la lumière de son but et de la pratique des Parties au titre de l’accord.

3.91. Comme indiqué plus haut, l’accord de Genève est un «accord tendant à régler le
différend relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique»
281
.

3.92. Son article I donne pour mandat à la commission mixte de rechercher
«des solutions satisfaisantes pour le règlement pratique du différend survenu entre le
Venezuela et le Royaume-Uni du fait de la position du Venezuela, qui soutient que la
sentence arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le
Venezuela est nulle et non avenue»
282
.
La version espagnole* de cette même disposition évoque des
«soluciones satisfactorias para el arreglo práctico de la controversia entre Venezuela
y el Reino Unido surgida como consecuencia de la contención venezolana de que el
Laudo arbitral de 1899 sobre la frontera entre Venezuela y Guayana Británica es
nulo e irrito.»

3.93. Le «différend» englobe donc non seulement la prétention du Venezuela à faire valoir
134

que la sentence arbitrale de 1899 est «nulle et non avenue», mais aussi tout différend
«survenu … du fait de la position du Venezuela». Dans le même esprit, le préambule de l’accord
indique l’intention des Parties de résoudre «tout» différend en suspens.

3.94. Cette lecture est confirmée par le fait que les deux textes officiels  anglais et
espagnol  de l’accord de Genève parlent au pluriel de la nécessité de trouver des «solutions»
satisfaisantes pour le «règlement» du «différend survenu … du fait de la position du Venezuela». Si
la tâche de la commission mixte s’était limitée à résoudre la question de la nullité, le recours au
pluriel («solutions») n’aurait ici aucun sens. De même, si la seule question à examiner avait été
celle de la nullité, qui est par essence une question purement juridique, on peut s’interroger sur la
raison pour laquelle les Parties auraient envisagé un «règlement pratique». Les termes employés
indiquent clairement que les Parties comprenaient non seulement que la thèse de la nullité avait
déjà été pour elles à l’origine de toute une série d’épisodes litigieux appelant un règlement, mais
encore que d’autres épisodes de cette nature étaient susceptibles de de produire de ce même fait, qui
allaient aussi devoir être réglés au moyen des procédures établies aux articles I à IV. La
progressivité même de ces dernières, conclues en plein processus de décolonisation, est
particulièrement adaptée s’agissant de régler un «différend» ayant pour objet les épisodes litigieux
que le Guyana nouvellement indépendant était appelé à connaître du fait de la thèse de la nullité.

281
Voir plus haut, par. 3.4, 3.13-3.20.
282
Accord de Genève, art. I. ReG, annexe 4.
* Les textes anglais et espagnols font également foi.
- 70 -

3.95. Le paragraphe 2 de l’article V confirme par ailleurs que les Parties anticipaient la
survenance d’«acte[s ou] activité[s] pendant que l[’]Accord sera[it] en vigueur»
283
. Ces «acte[s] et
135

activité[s]» sont réputés neutres pour ce qui concerne les revendications de souveraineté, mais ils
sont indubitablement une conséquence de la thèse de la nullité et relèvent donc du «différend» qu’il
s’agit de régler définitivement au moyen de la procédure de règlement convenue par les Parties.
Puisque le paragraphe 2 de l’article IV l’habilite à soumettre «le différend» à l’un quelconque des
moyens de règlement stipulés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, le Secrétaire général, en
exerçant cette faculté, y soumet «le différend» dans sa totalité et non la seule thèse contestée de la
nullité. Dans sa décision du 30 janvier 2018, le Secrétaire général a d’ailleurs précisé qu’il avait
choisi la Cour comme moyen à retenir pour régler «le différend», et non uniquement la question de
savoir si la sentence arbitrale de 1899 était nulle et non avenue.

3.96. Cette conclusion sur le champ de la compétence de la Cour au titre du paragraphe 2 de
l’article IV et sur la décision du Secrétaire général est étayée par le raisonnement invoqué par la
Chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer en l’affaire
Ghana c. Côte d’Ivoire
284
. Il s’agit d’une affaire relative à la délimitation d’une frontière, dans
laquelle la Côte d’Ivoire entendait faire constater l’engagement de la responsabilité internationale
du Ghana à raison de violations alléguées de son domaine maritime. La compétence était fondée
sur un compromis entre les Etats, par lequel ces derniers étaient convenus de soumettre au Tribunal
un «différend portant sur la délimitation de leur frontière maritime dans l’océan Atlantique»
285
. La
Chambre spéciale estima «qu’il serait excessif d’interpréter les mots «différend portant sur la
délimitation de leur frontière maritime» d’une manière qui engloberait un différend sur la
responsabilité internationale». Toutefois, en exposant cette conclusion, la Chambre spéciale établit
clairement que celle-ci reposait sur l’emploi par les parties du mot «portant» pour décrire le
différend qu’elles avaient soumis :
136

«La Chambre spéciale admet que le mot «portant» peut s’interpréter de manière
à étendre la portée du différend à des questions qui ne font pas partie de la
délimitation, mais qui y sont étroitement liées. Il est manifeste que le différend entre le
Ghana et la Côte d’Ivoire sur la responsabilité internationale découle du différend
relatif à la délimitation qui les oppose.»
286

3.97. De même, il est manifeste que, en la présente affaire, le différend entre le Guyana et le
Venezuela sur les violations, par ce dernier, du territoire et de l’espace maritime du Guyana
découle du différend frontalier qui les oppose. Ce qui distingue les deux affaires, c’est que, en
l’espèce, l’accord spécial fondant la compétence de la Cour  l’accord de Genève  définit le
différend qui fait l’objet du règlement judiciaire au titre du paragraphe 2 de l’article IV comme
incluant celui «survenu … du fait de la position du Venezuela, qui soutient que la sentence arbitrale
de 1899» est «nulle et non avenue». Manifestement, les demandes du Guyana touchant à la
responsabilité internationale découlent de son différend avec le Venezuela quant à la nullité
alléguée de la sentence arbitrale. Cela suffit, selon le texte de l’accord de Genève (par opposition
au texte du compromis entre le Ghana et la Côte d’Ivoire), pour que la Cour ait compétence à
l’égard de ces demandes.

283
Accord de Genève, art. V, par. 2. ReG, annexe 4.
284
Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Ghana et la Côte d’Ivoire dans l’océan
Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire), affaire n
o
23, arrêt, TIDM Recueil 1997.
285
Ibid., par. 547 (les italiques sont de nous).
286
Ibid., par. 548 (les italiques sont de nous).
- 71 -

3.98. L’affaire du Détroit de Corfou offre un parallèle intéressant. La compétence y fut
établie selon le principe du forum prorogatum et fut ensuite parfaite par un compromis entre les
parties. Toutefois, la résolution du Conseil de sécurité recommandant aux parties de soumettre
immédiatement le différend à la Cour n’en fut pas moins importante pour déterminer la portée du
différend dont celle-ci était saisie. En particulier, la Cour considéra que le compromis intégrait le
but de la résolution du Conseil de sécurité, et l’intention «indubitabl[e]» de ce dernier
287
. Il donnait
137

«plein effet» à la résolution afin de ne pas «laisser … subsister la possibilité d’un nouveau
différend»
288
. De même, il est manifeste que les Parties entendaient ici résoudre au moyen de
l’accord de Genève tous les aspects du différend découlant de la thèse de nullité soutenue par le
Venezuela, et non laisser de côté, en tant qu’objets d’un futur différend entre elles, les épisodes qui
surviendraient du fait de cette position. La Cour devrait donc donner plein effet à la décision du
Secrétaire général de la choisir comme moyen de régler la totalité du «différend» opposant le
Guyana et le Venezuela
289
.

3.99. Les déclarations du ministre vénézuélien des affaires étrangères confirment que ce
dernier considérait lui aussi que «le différend» à résoudre au moyen de la procédure de règlement
définie à l’article IV incluait non seulement la contestation de la validité de la sentence arbitrale de
1899, mais aussi les litiges survenant du fait de la répudiation de celle-ci par le Venezuela. En juin
2015, le ministre, Delcy Rodriguez, critiqua ainsi, dans une déclaration publique, la décision du
Guyana d’octroyer des permis de forage des fonds marins adjacents à l’Essequibo :

«Il est inacceptable que le nouveau Gouvernement du Guyana adopte cette
138

position à l’égard d’un territoire litigieux, lui qui a expressément reconnu que cette
zone maritime était en cause dans le cadre d’une procédure de règlement amiable d’un
différend territorial, telle qu’envisagée dans le traité de Genève. … Les seules voies
appropriées pour résoudre ce différend sont le droit international, l’accord de Genève,
et la poursuite des bons offices sous l’égide du Secrétaire général de l’ONU.»
290

3.100. Dans nombre de notes diplomatiques adressées au Guyana, le Venezuela a réitéré
qu’il était d’avis que le différend incluait tous litiges survenus du fait de la «nullité» alléguée de la
sentence de 1899. Certaines de ces notes sont reproduites aux annexes 107, 108 et 131. Par
exemple, le 8 novembre 2016, le ministère vénézuélien des affaires étrangères se plaignit auprès du
ministère guyanien des affaires étrangères que l’autorisation par le Guyana d’activités de forage
pétrolier dans les eaux adjacentes à la côte située entre le point terminal de la frontière terrestre fixé
par la sentence (à l’ouest) et l’embouchure de l’Essequibo (à l’est) constituait une «violation … des
dispositions de l’accord de Genève de 1966»
291
. A la même date, en réponse à une protestation du
Guyana contre les activités cartographiques du Venezuela, ce dernier expliqua que celles-ci

287
139

Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 26.
288
Ibid., p. 4, 26.

289
Lettre en date du 30 janvier 2018 adressée au président du Guyana par le Secrétaire général de l’ONU.
ReG, annexe 7.
290
Voir les trois articles de presse suivants : «Venezuela urges Guyana to enforce Treaty of Geneva on territorial
dispute», Caribflame (11 June 2015), p. 2. MG, vol. III, annexe 94 ; «Venezuela further urges peace, but maintains
territorial claim», Kaieteur News (10 June 2015). MG, vol. III, annexe 93 ; «Venezuela wants peaceful solution to border
dispute», Jamaica Observer (9 June 2015). MG, vol. III, annexe 92. Une version non officielle en langue espagnole de la
déclaration de M. Rodriguez peut être consultée dans «Minister Delcy Rodriguez, Official Statement: Guyana shows a
dangerous Politics of Provocation Against the Bolivarian Venezuela of Peace», Correo del Orinoco (9 June 2015).
MG, vol. III, annexe 91.
291
o
Note verbale n
02013 en date du 8 novembre 2016 adressée au ministère guyanien des affaires étrangères par
le ministère vénézuélien des affaires étrangères («[T]ales acciones violentarían lo pautado en el Acuerdo de Ginebra de
1966.») [traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par le Guyana]. MG,
vol. IV, annexe 107.
- 72 -
n’emportaient pas violation «[d]es dispositions de l’accord de Genève de 1966»
. Le Venezuela
déclara par ailleurs :
292

«Pour ces motifs et conformément au droit international public, la République
bolivarienne du Venezuela souhaite réaffirmer que le différend territorial entre le
Venezuela et le Guyana tombe sous le coup de l’accord de Genève de 1966 et est
soumis au règlement pacifique auquel l’instrument international bilatéral
susmentionné fait référence.»
293

3.101. Le Venezuela a maintenu sa position concernant la portée du différend visé par
l’accord de Genève, même après que le Secrétaire général eut rendu sa décision le 30 janvier 2018.
Le 28 février 2018, il protesta contre les concessions accordées par la commission forestière du
Guyana à deux sociétés privées «dans la zone faisant l’objet d’un différend territorial d’après le
traité existant en vigueur, enregistré auprès de l’Organisation des Nations Unies : l’accord de
Genève de 1966»
294
. Le Venezuela qualifia l’octroi de ces concessions de «violation flagrante» de
295
l’accord
. Dans une note distincte émise le même jour, il protesta contre l’autorisation par le
Guyana d’une campagne de prospection par analyse sismique dans la zone maritime adjacente à la
côte de l’Essequibo au motif qu’elle aurait été accordée en violation de «l’accord de Genève de
1966, traité international signé par le Venezuela et le Guyana qui régit juridiquement le différend
territorial relatif à l’Essequibo»
296
.
140

3.102. En conséquence, nul ne peut douter que, de l’avis des deux Parties, le «différend» visé
par les procédures de règlement prévues dans l’accord de Genève recouvre non seulement la thèse
de la nullité de la sentence arbitrale de 1899 avancée par le Venezuela, mais aussi tout différend
territorial ou maritime entre les Parties découlant de cette position.

3.103. Dans sa requête
297
et dans le précédent chapitre du présent mémoire
298
, le Guyana a
décrit les mesures que le Venezuela a prises, depuis 1966, en violation de l’intégrité territoriale
guyanienne «du fait de [sa] position [consistant à ] sout[enir] que la [sentence de 1899] est nulle et

292
o
Note verbale n
02014 en date du 8 novembre 2016 adressée au ministère guyanien des affaires étrangères par
le ministère vénézuélien des affaires étrangères («[N]o violentan … los términos establecidos en el Acuerdo de Ginebra
de 1966.») [traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par le Guyana]. MG,
vol. IV, annexe 108.
293
Ibid. («Por tal razón, en concordancia con el Derecho Internacional Público, se ratifica que la controversia
territorial entre Venezuela y Guyana se encuentra regida por el Acuerdo de Ginebra de 1966, y está sujeta a la solución
pacífica de conflictos a que se alude en el referido instrumento bilateral internacional.») [traduction française établie
par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par le Guyana].
294
Note verbale n° 000325 en date du 28 février 2018 adressée à l’ambassade de la République coopérative du
Guyana au Venezuela par le ministère vénézuélien des affaires étrangères («[E]n la zona sometida a controversia
territorial conforme con el Tratado vigente y registrado en la Organización de las Naciones Unidas: Acuerdo de
Ginebra de 1966.») [traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par le Guyana].
MG, vol. IV, annexe 131.
295
Ibid. («una violación flagrante del Acuerdo de Ginebra de 1966».) [traduction française établie par le Greffe
à partir de la traduction anglaise fournie par le Guyana].
296
o
Note verbale n
000322 en date du 28 février 2018 adressée à l’ambassade de la République coopérative du
Guyana au Venezuela par le ministère vénézuélien des affaires étrangères («[A]l Acuerdo de Ginebra de 1966, tratado
internacional firmado por Venezuela y Guyana que rige como Ley de la controversia territorial sobre el Esequibo.»)
[traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise fournie par le Guyana]. MG, vol. IV,
annexe 130.
297
ReG, par. 50-54.
298
Voir plus haut, par. 2.74-2.76.
- 73 -
299
. Toutes ces mesures découlaient directement de la thèse du Venezuela selon
laquelle la sentence de 1899  de même que la frontière établie en application de la sentence 
est nulle et non avenue. Par conséquent, les demandes présentées par le Guyana à raison de ces
actes s’inscrivent en plein dans le champ du différend qui relève désormais, en vertu du
paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève et de la décision du 30 janvier 2018 du
Secrétaire général, de la compétence ratione materiae de la Cour.
non avenue»
141

*
* *

3.104. En conclusion, la Cour a compétence pour connaître de toutes les parties de la
demande soumise par le Guyana dans sa requête. Le point de départ, aux fins de la détermination
de la compétence, est le texte du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève qui, comme
démontré plus haut, exprime clairement et sans ambiguïté le consentement mutuel du Guyana et du
Venezuela au règlement judiciaire du présent différend, dès lors que le Secrétaire général de l’ONU
fait porter son choix sur ce moyen de règlement.

3.105. Par le jeu du renvoi à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, l’expression
mutuelle du consentement figurant ainsi au paragraphe 2 de l’article IV s’étend au règlement
judiciaire par la Cour. Cette interprétation correspond à l’objet et au but de l’accord de Genève,
ainsi qu’aux intentions des Parties, dont rendent compte les travaux préparatoires, les déclarations
officielles que firent les Parties et le comportement qu’elles observèrent à l’époque et
ultérieurement. Le consentement mutuel du Guyana et du Venezuela à un règlement judiciaire par
la Cour a pris effet dès que la décision du Secrétaire général António Guterres a été rendue le
30 janvier 2018. Aujourd’hui, plus de cinquante ans après la conclusion de l’accord de Genève, il
n’est pas loisible au Venezuela de renier l’engagement obligatoire qu’il a pris de régler le différend,
y compris par la voie d’un règlement judiciaire.

3.106. Sur la base de ce qui précède, le Guyana invite respectueusement la Cour à se déclarer
compétente pour connaître de toutes les demandes exposées dans la requête et à procéder à
l’examen au fond de ces demandes.
142

299
Accord de Genève, art. I. ReG, annexe 4.
- 74 -
CONCLUSIONS

Pour ces raisons, le Guyana prie respectueusement la Cour
1. de dire qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par le Guyana et que ces
demandes sont recevables ; et
143

2. de procéder à l’examen de l’affaire au fond.

Le 19 novembre 2018.

Le vice-président et ministre des affaires étrangères,

de la République coopérative du Guyana,
agent
(Signé)
M. Carl B. GREENIDGE.

- 75 -
CERTIFICATION

Je certifie que les annexes sont des copies certifiées conformes des documents reproduits
dans la présente et que les traductions anglaises fournies sont fidèles aux documents joints en
annexe.
145

Le 19 novembre 2018.

Le vice-président et ministre des affaires étrangères

de la République coopérative du Guyana,
agent
(Signé)
M. Carl B. GREENIDGE.

___________

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Document Long Title

Mémoire du Guyana - Volume I

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