Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis) La Cour rejette la demande en indication de mesures conserva

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172-20190614-PRE-01-00-EN
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Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2019/26
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Communiqué de presse
Non officiel
No 2019/26
Le 14 juin 2019
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis) La Cour rejette la demande en indication de mesures conservatoires présentée par les Emirats arabes unis
LA HAYE, le 14 juin 2019. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu ce jour son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par les Emirats arabes unis en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis).
Le dispositif de l’ordonnance se lit comme suit :
«La Cour, par quinze voix contre une, rejette la demande en indication de mesures conservatoires présentée par les Emirats arabes unis le 22 mars 2019.»
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Le 11 juin 2018, le Qatar avait introduit une instance contre les Emirats arabes unis à raison de violations alléguées de la convention internationale du 21 décembre 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après la «CIEDR» ou la «convention»). La requête était accompagnée d’une demande en indication de mesures conservatoires. Par une ordonnance en date du 23 juillet 2018, la Cour en a indiqué certaines à l’encontre des Emirats arabes unis et a enjoint aux deux Parties de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont elle était saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile. Le 22 mars 2019, les Emirats arabes unis ont présenté à leur tour une demande en indication de mesures conservatoires afin de «sauvegarder leurs droits procéduraux» et «d’empêcher le Qatar d’aggraver ou d’étendre encore le différend entre les Parties avant l’arrêt définitif».
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Raisonnement de la Cour
1. Compétence prima facie
La Cour fait observer qu’elle ne peut indiquer des mesures conservatoires que s’il existe, prima facie, une base sur laquelle sa compétence pourrait être fondée, mais qu’elle n’a pas besoin de s’assurer de manière définitive qu’elle a compétence quant au fond de l’affaire. Il en va ainsi que la demande en indication de mesures conservatoires émane de la partie demanderesse ou de la partie défenderesse au fond. La Cour rappelle que, dans son ordonnance du 23 juillet 2018 indiquant des mesures conservatoires en la présente instance, elle a conclu que, «prima facie, elle a[vait] compétence en vertu de l’article 22 de la CIEDR pour connaître de l’affaire dans la mesure où le différend entre les Parties concern[ait] «l’interprétation ou l’application» de cette convention». Elle ne voit aucune raison de revenir sur cette conclusion dans le contexte de la présente demande.
2. Mesures conservatoires demandées par les Emirats arabes unis
La Cour rappelle que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires qu’elle tient de l’article 41 de son Statut a pour objet de sauvegarder, dans l’attente de sa décision sur le fond de l’affaire, les droits de chacune des parties. Il s’ensuit qu’elle doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l’arrêt qu’elle aura ultérieurement à rendre pourrait reconnaître à l’une ou à l’autre des parties. Aussi ne peut-elle exercer ce pouvoir que si elle estime que les droits allégués par la partie demandant les mesures conservatoires sont au moins plausibles. La Cour relève que, à ce stade de la procédure, elle n’a pas à établir de façon définitive si les droits dont les Emirats arabes unis demandent la protection existent ; elle doit seulement décider si les droits revendiqués par cet Etat, et dont il sollicite la protection, sont des droits plausibles, compte tenu de la base de compétence prima facie de la Cour en la présente espèce. Partant, les droits allégués doivent présenter un lien suffisant avec l’objet de l’instance pendante devant la Cour sur le fond de l’affaire.
S’agissant de la première mesure conservatoire demandée, à savoir que la Cour ordonne que le Qatar retire immédiatement la communication qu’il a soumise au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (ci-après le «Comité de la CIEDR» ou le «Comité») et prenne toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’examen de ladite communication par le Comité, la Cour considère que cette mesure ne concerne pas un droit plausible au regard de la CIEDR mais l’interprétation de la clause compromissoire énoncée à l’article 22 de cet instrument et le point de savoir s’il est permis de mener des procédures devant le Comité de la CIEDR alors qu’elle est saisie de la même question. La Cour s’est déjà penchée sur ce problème dans son ordonnance du 23 juillet 2018, dans laquelle elle a décidé qu’elle «n’a[vait] pas à se prononcer sur cette question à ce stade de la procédure». Elle ne voit aucune raison de s’écarter de ces vues.
Pour ce qui est de la deuxième mesure sollicitée, à savoir que «le Qatar cesse immédiatement d’entraver les efforts déployés par les Emirats arabes unis pour venir en aide aux Qatariens, notamment en débloquant sur son territoire l’accès au site Internet leur permettant d’introduire une demande tendant à retourner aux Emirats arabes unis», la Cour estime que cette mesure se rapporte aux entraves prétendument opposées par le Qatar à la mise en oeuvre par les Emirats arabes unis des mesures conservatoires indiquées dans l’ordonnance du 23 juillet 2018. Elle ne concerne pas des droits plausibles des Emirats arabes unis en vertu de la CIEDR qui nécessiteraient une protection dans l’attente de l’arrêt définitif de la Cour. Comme celle-ci l’a déjà dit, «[c]’est au stade de l’arrêt au fond qu’il convient d’apprécier le respect des mesures conservatoires».
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Etant donné que les deux premières mesures conservatoires demandées n’ont pas trait à la protection de droits plausibles des Emirats arabes unis au titre de la CIEDR dans l’attente de la décision finale en l’affaire, la Cour juge inutile d’examiner les autres conditions requises aux fins de l’indication de mesures conservatoires.
Les troisième et quatrième mesures conservatoires sollicitées par les Emirats arabes unis se rapportent à la non-aggravation du différend. A cet égard, la Cour rappelle que les mesures visant à empêcher l’aggravation ou l’extension d’un différend ne peuvent être indiquées qu’en complément des mesures spécifiques décidées aux fins de la protection des droits des parties. Pour ce qui est de la présente demande, elle n’a pas conclu que les conditions requises aux fins de l’indication de mesures conservatoires spécifiques étaient réunies et ne saurait dès lors indiquer des mesures uniquement en ce qui concerne la non-aggravation du différend. La Cour rappelle en outre que, dans son ordonnance du 23 juillet 2018, elle a déjà prescrit aux Parties de «s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont [elle étai]t saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile» et que cette mesure demeurait contraignante pour ces dernières.
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La Cour conclut de ce qui précède que les conditions pour l’indication de mesures conservatoires conformément à l’article 41 de son Statut ne sont pas réunies.
Composition de la Cour
La Cour était composée comme suit : M. Yusuf, président ; Mme Xue, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Mme Donoghue, MM. Gaja, Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa, juges ; MM. Cot, Daudet, juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.
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Mme la juge XUE, vice-présidente, joint une déclaration à l’ordonnance ; MM. les juges TOMKA, GAJA et GEVORGIAN joignent une déclaration commune à l’ordonnance ; MM. les juges ABRAHAM et CANÇADO TRINDADE joignent à l’ordonnance les exposés de leur opinion individuelle ; M. le juge SALAM joint une déclaration à l’ordonnance ; M. le juge ad hoc COT joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente.
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Un résumé de l’ordonnance figure dans le document intitulé «Résumé 2019/3», auquel sont annexés des résumés des opinions et des déclarations. Le présent communiqué de presse, le résumé de l’ordonnance, ainsi que le texte intégral de celle-ci, sont disponibles sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».
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La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international, dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Egalement appelée «Cour mondiale», elle est la seule juridiction universelle à compétence générale.
Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à La Haye et dans sa proche banlieue, comme la Cour pénale internationale (CPI, seule juridiction pénale internationale permanente existante, créée par traité et qui n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (TSL, organe judiciaire international doté d’une personnalité juridique indépendante, établi par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies à la demande du Gouvernement libanais et composé de juges libanais et internationaux), le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux (MIFRTP, chargé d’exercer les fonctions résiduelles du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda), les Chambres spécialisées et Bureau du Procureur spécialisé pour le Kosovo (institution judiciaire ad hoc qui a son siège à La Haye), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (CPA, institution indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement, conformément à la Convention de La Haye de 1899).
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Département de l’information :
M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
Mme Joanne Moore, attachée d’information (+31 (0)70 302 2337)
M. Avo Sevag Garabet, attaché d’information adjoint (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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