COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2017
2017
15 novembre
Rôle général
no 155
15 novembre 2017
VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE DROITS SOUVERAINS ET D’ESPACES MARITIMES
DANS LA MER DES CARAÏBES
(NICARAGUA c. COLOMBIE)
DEMANDES RECONVENTIONNELLES
ORDONNANCE
Présents : M. ABRAHAM, président ; M. YUSUF, vice-président ; MM. OWADA, TOMKA,
BENNOUNA, CANÇADO TRINDADE, GREENWOOD, MMES XUE, DONOGHUE, M. GAJA,
MME SEBUTINDE, MM. BHANDARI, ROBINSON, GEVORGIAN, juges ; MM. DAUDET,
CARON, juges ad hoc ; M. COUVREUR, greffier.
La Cour internationale de Justice,
Ainsi composée,
Après délibéré en chambre du conseil,
Vu l’article 48 de son Statut et l’article 80 de son Règlement,
Rend l’ordonnance suivante :
Considérant que :
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1. Par requête déposée au Greffe de la Cour le 26 novembre 2013, le Gouvernement de la
République du Nicaragua (ci-après le «Nicaragua») a introduit une instance contre la République
de Colombie (ci-après la «Colombie») au sujet d’un différend portant sur des «violations des droits
souverains et des espaces maritimes du Nicaragua qui lui ont été reconnus par la Cour dans son
arrêt du 19 novembre 2012 [en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie)] ainsi que sur la menace de la Colombie de recourir à la force pour commettre ces
violations».
2. Dans sa requête, le Nicaragua a invoqué comme base de compétence de la Cour
l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique signé à Bogotá le 30 avril 1948 (ci-après
le «pacte de Bogotá»). A titre subsidiaire, il a soutenu que la compétence de la Cour «résid[ait]
dans le pouvoir qui [était] le sien de se prononcer sur les mesures requises par ses arrêts».
3. Par ordonnance du 3 février 2014, la Cour a fixé au 3 octobre 2014 et au 3 juin 2015,
respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dépôt du mémoire du Nicaragua et pour
celui du contre-mémoire de la Colombie. Le Nicaragua a déposé son mémoire dans le délai ainsi
prescrit.
4. Le 19 décembre 2014, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79 du Règlement,
la Colombie a soulevé des exceptions préliminaires à la compétence de la Cour. En conséquence,
par ordonnance du 19 décembre 2014, le président, constatant que la procédure sur le fond était
suspendue en application du paragraphe 5 de l’article 79 du Règlement, et compte tenu de
l’instruction de procédure V, a fixé au 20 avril 2015 la date d’expiration du délai dans lequel le
Nicaragua pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les
exceptions préliminaires soulevées par la Colombie. Le Nicaragua a déposé son exposé dans le
délai ainsi fixé.
5. La Cour a tenu des audiences publiques sur les exceptions préliminaires soulevées par la
Colombie du 28 septembre au 2 octobre 2015. Dans son arrêt du 17 mars 2016, la Cour a jugé
qu’elle avait compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de Bogotá, pour connaître du
différend entre le Nicaragua et la Colombie relatif aux prétendues violations par la Colombie des
droits du Nicaragua dans les zones maritimes dont celui-ci affirme qu’elles lui ont été reconnues
par l’arrêt du 19 novembre 2012 susmentionné.
6. Par ordonnance du 17 mars 2016, la Cour a fixé au 17 novembre 2016 la date d’expiration
du nouveau délai pour le dépôt du contre-mémoire de la Colombie, lequel a été déposé dans le délai
ainsi prescrit. Dans la troisième partie de son contre-mémoire, la Colombie, se référant à
l’article 80 du Règlement, a présenté quatre demandes reconventionnelles.
7. Invoquant le paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement, les Gouvernements de la
République du Chili et de la République du Panama ont demandé à avoir communication des
pièces de procédure et documents annexés produits en l’espèce. La Cour, s’étant renseignée auprès
des Parties conformément à cette même disposition, a fait droit à ces demandes. Cependant, comme
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suite à une demande expresse de l’agent de la Colombie, la Cour a décidé que, «pour des raisons de
sécurité nationale», les annexes 28 à 61 du contre-mémoire ne figureraient pas dans les exemplaires
qui seraient ainsi transmis. Le greffier a dûment communiqué ces décisions auxdits Gouvernements
et aux Parties.
8. Lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec les représentants des Parties le
19 janvier 2017, le Nicaragua a indiqué qu’il considérait comme irrecevables les demandes
reconventionnelles contenues dans le contre-mémoire de la Colombie et proposé qu’il soit accordé
successivement trois mois à chacune des Parties pour présenter des observations écrites sur la
recevabilité des demandes reconventionnelles colombiennes. Lors de la même réunion, la
Colombie a déclaré qu’elle jugeait qu’une période de trois mois était trop longue, mais que, en tout
état de cause, elle souhaitait bénéficier du même délai que celui qui serait accordé au Nicaragua
pour préparer ses observations écrites.
9. Par lettres datées du 20 janvier 2017, le greffier a informé les Parties que la Cour avait
décidé que le Gouvernement du Nicaragua devrait spécifier par écrit, le 20 avril 2017 au plus tard,
les motifs juridiques sur lesquels il s’appuyait pour soutenir que les demandes reconventionnelles
du défendeur étaient irrecevables, et que le Gouvernement de la Colombie serait à son tour invité à
présenter par écrit ses vues sur la question le 20 juillet 2017 au plus tard. Le Nicaragua et la
Colombie ont présenté leurs observations écrites sur la recevabilité des demandes
reconventionnelles colombiennes dans les délais ainsi prescrits.
10. Ayant reçu des observations écrites complètes et détaillées de la part de chacune des
Parties, la Cour s’est estimée suffisamment informée de leurs positions respectives quant à la
recevabilité des demandes reconventionnelles de la Colombie et n’a pas jugé nécessaire d’entendre
plus avant les Parties à ce sujet.
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11. Dans la requête, le Nicaragua a présenté les demandes suivantes :
«Au vu de l’exposé des éléments factuels et juridiques qui précède, le
Nicaragua, tout en se réservant le droit de compléter ou de modifier la présente
requête, prie la Cour de dire et juger que la Colombie :
manque à l’obligation qui lui incombe en vertu du paragraphe 4 de l’article 2 de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier de s’abstenir de
recourir à la menace ou à l’emploi de la force ;
manque à l’obligation qui lui incombe de ne pas violer les espaces maritimes du
Nicaragua tels que délimités au paragraphe 251 de l’arrêt rendu par la Cour le
19 novembre 2012, ainsi que les droits souverains et la juridiction du Nicaragua
sur lesdits espaces ;
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manque à l’obligation qui lui incombe de ne pas violer les droits du Nicaragua en
vertu du droit international coutumier tel que reflété dans les parties V et VI de la
[convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM)] ;
est en conséquence tenue de se conformer à l’arrêt du 19 novembre 2012,
d’effacer les conséquences juridiques et matérielles de ses actes
internationalement illicites, et de réparer intégralement le préjudice causé par
lesdits actes.»
12. Dans son mémoire, le Nicaragua a formulé les conclusions ci-après :
«1. Pour les motifs exposés dans le présent mémoire, la République du
Nicaragua prie la Cour de dire et juger que, par son comportement, la République de
Colombie :
a) a manqué à l’obligation lui incombant de ne pas violer les espaces maritimes du
Nicaragua tels que délimités au paragraphe 251 de l’arrêt rendu par la Cour le
19 novembre 2012, ainsi que les droits souverains et la juridiction du Nicaragua
sur lesdits espaces ;
b) a manqué à l’obligation lui incombant en vertu du paragraphe 4 de l’article 2 de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier de s’abstenir de
recourir à la menace ou à l’emploi de la force ;
c) se trouve, partant, tenue d’effacer les conséquences juridiques et matérielles de ses
faits internationalement illicites, et de réparer intégralement le préjudice causé par
ces faits.
2. Le Nicaragua prie également la Cour de dire et juger que la Colombie doit :
a) cesser tous ses faits internationalement illicites de caractère continu portant atteinte
ou susceptibles de porter atteinte aux droits du Nicaragua ;
b) dans toute la mesure du possible, rétablir le statu quo ante, en
i) abrogeant les lois et règlements promulgués par elle qui sont incompatibles
avec l’arrêt rendu par la Cour le 19 novembre 2012, notamment les
dispositions des décrets 1946 du 9 septembre 2013 et 1119 du 17 juin 2014
relatives aux zones maritimes qui ont été reconnues comme relevant de la
juridiction ou des droits souverains du Nicaragua ;
ii) révoquant les permis délivrés à des navires de pêche opérant dans les eaux
nicaraguayennes ; et [en]
iii) faisant en sorte que ni la décision rendue le 2 mai 2014 par la Cour
constitutionnelle de la Colombie ni aucune autre décision rendue par une
autorité nationale n’empêche l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour le
19 novembre 2012.
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c) l’indemniser au titre de l’ensemble des dommages causés dans la mesure où
ceux-ci ne sont pas réparés par la restitution, y compris le manque à gagner
résultant, d’une part, des pertes d’investissements qu’ont entraînées les
déclarations à caractère comminatoire faites par les plus hautes autorités
colombiennes et le recours, par les forces navales colombiennes, à la menace ou à
l’emploi de la force à l’encontre de navires de pêche nicaraguayens [ou de navires
explorant ou exploitant le sol et le sous-sol du plateau continental du Nicaragua] et
de navires de pêche d’Etats tiers détenteurs d’un permis délivré par le Nicaragua,
et, d’autre part, de l’exploitation des eaux nicaraguayennes par des navires de
pêche agissant en vertu d’une «autorisation» illicite de la Colombie, le montant de
l’indemnité devant être déterminé lors d’une phase ultérieure de la procédure ;
d) donner des garanties appropriées de non-répétition de ses faits internationalement
illicites.»
13. S’agissant du chef de conclusions 1 b) du mémoire du Nicaragua, tel que cité au
paragraphe précédent, la Cour rappelle que, dans son arrêt du 17 mars 2016 sur les exceptions
préliminaires, elle a jugé qu’il n’existait pas de différend entre les Parties concernant les prétendues
violations par la Colombie de l’obligation lui incombant de s’abstenir de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force.
14. Dans son contre-mémoire, la Colombie a formulé les conclusions suivantes :
«I. Pour les raisons exposées dans le présent contre-mémoire, la République de
Colombie prie respectueusement la Cour de rejeter les conclusions que la République
du Nicaragua a formulées dans son mémoire en date du 3 octobre 2014 et de dire et
juger que :
1. Le Nicaragua n’a pas démontré que l’un quelconque des navires des forces navales
colombiennes ou de ses garde-côtes avait violé les droits souverains et les espaces
maritimes du Nicaragua dans la mer des Caraïbes ;
2. La Colombie n’a pas violé, d’une autre manière, les droits souverains et les
espaces maritimes du Nicaragua dans la mer des Caraïbes ;
3. Le décret colombien 1946 portant création d’une zone contiguë unique, en date du
9 septembre 2013, est licite au regard du droit international et ne viole aucun des
droits souverains et espaces maritimes du Nicaragua, étant donné que :
a) dans les circonstances de l’espèce, la zone contiguë unique produite par les
cercles concentriques se chevauchant naturellement qui forment les zones
contiguës des îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina et des cayes
d’Albuquerque, Est-Sud-Est, Roncador, Serrana, Quitasueño et Serranilla,
cercles concentriques dont les points extrêmes sont reliés par des lignes
géodésiques, est licite au regard du droit international ;
b) les pouvoirs énoncés dans le décret sont conformes au droit international ; et
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4. Aucune des mesures que la Colombie a prises dans sa zone contiguë unique, et
dont le Nicaragua lui fait grief, ne constitue une violation du droit international ou
des droits souverains et des espaces maritimes du Nicaragua.
II. En outre, la République de Colombie prie respectueusement la Cour de dire
et juger que :
5. Le Nicaragua a violé les droits souverains et les espaces maritimes de la Colombie
dans la mer des Caraïbes en n’empêchant pas les navires qui battent son pavillon
ou qui sont titulaires de permis délivrés par lui de pêcher dans les eaux
colombiennes ;
6. Le Nicaragua a violé les droits souverains et les espaces maritimes de la Colombie
dans la mer des Caraïbes en n’empêchant pas les navires qui battent son pavillon
ou qui sont titulaires de permis délivrés par lui de recourir à des méthodes de pêche
déprédatrices et illicites, manquant ainsi à ses obligations internationales ;
7. Le Nicaragua a violé les droits souverains et les espaces maritimes de la Colombie
en manquant aux obligations juridiques internationales qui lui incombent à l’égard
de l’environnement dans certaines zones de la mer des Caraïbes ;
8. Le Nicaragua n’a pas respecté les droits de pêche traditionnels et historiques des
habitants de l’archipel de San Andrés, notamment ceux de la population
autochtone raizale, dans les eaux où ils peuvent prétendre à les exercer ; et
9. Le décret nicaraguayen no 33-2013 établissant des lignes de base droites, en date
du 19 août 2013, viole le droit international ainsi que les droits et les espaces
maritimes de la Colombie.
III. La Colombie prie en outre la Cour d’indiquer au Nicaragua :
10. S’agissant des conclusions nos 5 à 8 :
a) de mettre fin sans retard à ses violations du droit international ;
b) d’indemniser la Colombie pour tous les dommages, y compris le manque à
gagner, qu’elle a subis en raison des violations, par le Nicaragua, de ses
obligations internationales, le montant et la forme de l’indemnisation devant
être déterminés lors d’une phase ultérieure de la procédure ; et
c) de donner à la Colombie des garanties appropriées de non-répétition.
11. S’agissant de la conclusion no 8, en particulier, de garantir que les habitants de
l’archipel de San Andrés jouissent d’un libre accès aux eaux sur lesquelles portent
leurs droits de pêche traditionnels et historiques ; et
12. S’agissant de la conclusion no 9, de modifier son décret no 33-2013 en date du
19 août 2013 de manière à ce qu’il respecte les règles du droit international
concernant le tracé des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de
la mer territoriale.
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IV. La Colombie se réserve le droit de compléter ou de modifier les présentes
conclusions.»
15. En ce qui concerne la recevabilité des demandes reconventionnelles présentées par la
Colombie, le Nicaragua, au terme de ses observations écrites, a prié la Cour de dire et juger que
«les première, deuxième, troisième et quatrième demandes reconventionnelles présentées par la
Colombie dans son contre-mémoire du 17 novembre 2016 sont irrecevables».
16. Pour sa part, au terme de ses observations écrites sur la recevabilité de ses demandes
reconventionnelles, la Colombie a prié la Cour de dire et juger que «les demandes
reconventionnelles présentées dans le contre-mémoire satisfont aux conditions énoncées à
l’article 80 de son Règlement et qu’elles sont recevables».
I. CADRE GÉNÉRAL
17. L’article 80 du Règlement dispose :
«1. La Cour ne peut connaître d’une demande reconventionnelle que si celle-ci
relève de sa compétence et est en connexité directe avec l’objet de la demande de la
partie adverse.
2. La demande reconventionnelle est présentée dans le contre-mémoire et figure
parmi les conclusions contenues dans celui-ci. Le droit qu’a l’autre partie d’exprimer
ses vues par écrit sur la demande reconventionnelle dans une pièce de procédure
additionnelle est préservé, indépendamment de toute décision prise par la Cour,
conformément au paragraphe 2 de l’article 45 du présent Règlement, quant au dépôt
de nouvelles pièces de procédure.
3. En cas d’objection relative à l’application du paragraphe 1 ou à tout moment
lorsque la Cour le considère nécessaire, la Cour prend sa décision à cet égard après
avoir entendu les parties.»
18. Les demandes reconventionnelles sont des actes juridiques autonomes ayant pour objet
de soumettre au juge des prétentions nouvelles qui, en même temps, se rattachent aux demandes
principales dans la mesure où, formulées à titre «reconventionnel», elles constituent une riposte à
ces dernières (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), demandes reconventionnelles, ordonnance du
17 décembre 1997, C.I.J. Recueil 1997, p. 256, par. 27 ; Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), demandes reconventionnelles,
ordonnance du 18 avril 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 207-208, par. 19).
19. Selon le paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement, deux conditions doivent être réunies
pour que la Cour puisse connaître d’une demande reconventionnelle : il faut que la demande
reconventionnelle «relève de sa compétence» et qu’elle «[soit] en connexité directe avec l’objet de
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la demande de la partie adverse». Dans des décisions antérieures, la Cour a jugé que ces conditions
se rapportaient à la «recevabilité d’une demande reconventionnelle comme telle» (Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), demande reconventionnelle,
ordonnance du 10 mars 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 203, par. 33 ; Activités armées sur le
territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), demandes
reconventionnelles, ordonnance du 29 novembre 2001, C.I.J. Recueil 2001, p. 678, par. 35 ;
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica), demandes reconventionnelles, ordonnance du 18 avril 2013, C.I.J. Recueil 2013,
p. 208, par. 20). Dans ce contexte, la Cour a admis que le terme «recevabilité» devait être compris
comme couvrant à la fois la condition de compétence et celle de connexité directe (Immunités
juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie), demande reconventionnelle, ordonnance du
6 juillet 2010, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 316, par. 14 ; Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le
long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), demandes reconventionnelles, ordonnance du
18 avril 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 208, par. 20).
20. Les conditions de recevabilité énoncées à l’article 80 du Règlement sont cumulatives :
chacune de ces conditions doit être remplie pour qu’une demande reconventionnelle puisse être
jugée recevable. Aux fins de déterminer si elles le sont, la Cour n’est toutefois pas tenue de suivre
l’ordre adopté dans cette disposition (Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve
San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), demandes reconventionnelles, ordonnance du 18 avril 2013,
C.I.J. Recueil 2013, p. 210, par. 27).
21. En l’espèce, la Cour estime qu’il y a lieu de répondre d’abord à la question de savoir si
les demandes reconventionnelles de la Colombie sont en connexité directe avec l’objet des
demandes principales du Nicaragua.
II. CONNEXITÉ DIRECTE
22. Il appartient à la Cour d’apprécier, «compte tenu des particularités de chaque espèce, si
le lien qui doit rattacher la demande reconventionnelle à la demande principale est suffisant» (voir
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica), demandes reconventionnelles, ordonnance du 18 avril 2013, C.I.J. Recueil 2013,
p. 211-212, par. 32).
23. Dans des décisions antérieures concernant la recevabilité de demandes
reconventionnelles comme telles, la Cour a pris en considération divers facteurs susceptibles
d’établir la connexité directe juridique et factuelle qui doit, selon l’article 80, exister entre
une demande reconventionnelle et les demandes de la partie adverse.
24. S’agissant de la connexité factuelle, la Cour s’est posé la question de savoir si les faits
invoqués par chaque partie se rapportaient à un même ensemble factuel, y compris à la même zone
géographique ou à la même période (voir Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
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région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), demandes reconventionnelles, ordonnance du 18 avril
2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 213, par. 34 ; Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), demandes
reconventionnelles, ordonnance du 17 décembre 1997, C.I.J. Recueil 1997, p. 258, par. 34 ; Platesformes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), demande
reconventionnelle, ordonnance du 10 mars 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 205, par. 38). Elle a
également recherché si ces faits étaient de même nature, c’est-à-dire si les parties tiraient grief de
comportements similaires (voir Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve
San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), demandes reconventionnelles, ordonnance du 18 avril 2013,
C.I.J. Recueil 2013, p. 212-213, par. 33 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), demandes reconventionnelles, ordonnance du 29 novembre
2001, C.I.J. Recueil 2001, p. 679, par. 38).
25. S’agissant de la connexité juridique, la Cour a recherché si la demande reconventionnelle
était en connexité directe avec les demandes principales au regard des principes ou instruments
juridiques invoqués, ou si le demandeur et le défendeur pouvaient être réputés poursuivre le même
but juridique à travers leurs demandes respectives (voir Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), demandes reconventionnelles,
ordonnance du 18 avril 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 213, par. 35 ; Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie),
demandes reconventionnelles, ordonnance du 17 décembre 1997, C.I.J. Recueil 1997, p. 258,
par. 35 ; Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique),
demande reconventionnelle, ordonnance du 10 mars 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 205, par. 38 ;
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria),
ordonnance du 30 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 985-986 ; Activités armées sur le territoire
du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), demandes reconventionnelles,
ordonnance du 29 novembre 2001, C.I.J. Recueil 2001, p. 679, par. 38 et 40).
A. Première et deuxième demandes reconventionnelles
26. Dans le corps de son contre-mémoire et dans ses observations écrites, la Colombie
indique que sa première demande reconventionnelle est fondée sur «le manquement [du Nicaragua]
à son obligation d’exercer la diligence requise aux fins de protéger et de préserver l’environnement
marin du sud-ouest de la mer des Caraïbes», et que la deuxième, qui «découle logiquement de la
première», porte sur «son manquement à son obligation d’exercer la diligence requise aux fins de
protéger le droit des habitants de l’archipel de San Andrés, en particulier les Raizals, de bénéficier
d’un environnement sain, viable et durable».
27. Ces deux demandes reconventionnelles sont libellées en des termes différents dans les
conclusions présentées à la fin du contre-mémoire de la Colombie, qui se lisent comme suit :
«II. … [L]a République de Colombie prie respectueusement la Cour de dire et
juger que :
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5. Le Nicaragua a violé les droits souverains et les espaces maritimes de la
Colombie dans la mer des Caraïbes en n’empêchant pas les navires qui battent son
pavillon ou qui sont titulaires de permis délivrés par lui de pêcher dans les eaux
colombiennes ;
6. Le Nicaragua a violé les droits souverains et les espaces maritimes de la
Colombie dans la mer des Caraïbes en n’empêchant pas les navires qui battent son
pavillon ou qui sont titulaires de permis délivrés par lui de recourir à des méthodes de
pêche déprédatrices et illicites, manquant ainsi à ses obligations internationales ;
7. Le Nicaragua a violé les droits souverains et les espaces maritimes de la
Colombie en manquant aux obligations juridiques internationales qui lui incombent à
l’égard de l’environnement dans certaines zones de la mer des Caraïbes.»
28. Selon la Colombie, un certain nombre d’éléments permettent d’établir que ses deux
premières demandes reconventionnelles «sont en connexité directe avec l’objet des demandes
principales du Nicaragua, qu’elles poursuivent les mêmes buts juridiques et qu’elles sont donc
recevables» au regard du paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement.
29. En particulier, la Colombie affirme que ces deux demandes reconventionnelles
s’inscrivent dans le même ensemble factuel que les demandes principales du Nicaragua. Elle estime
que les unes et les autres portent, premièrement, sur la même zone géographique, à savoir la zone
couvrant certaines parties de la réserve de biosphère Seaflower et l’aire marine protégée du même
nom, dont l’espace maritime entourant le banc de Luna Verde, «où se seraient produits la plupart
des «incidents» mentionnés par le Nicaragua», ainsi que la zone contiguë qu’elle a proclamée ;
deuxièmement, sur des faits de même nature en ce sens qu’elles concernent le comportement des
Parties en matière de préservation et de protection de l’environnement marin et l’exercice de la
diligence requise à cet égard au sein de la zone maritime pertinente ; troisièmement, sur des faits
qui se sont produits au cours d’une même période.
30. La Colombie affirme en outre que ses première et deuxième demandes
reconventionnelles sont en connexité juridique directe avec les demandes principales du Nicaragua.
Elle argue qu’elles sont fondées sur le même corpus de droit, celui des règles coutumières du droit
international de la mer, qui régit les droits souverains des Etats côtiers en lien avec les obligations
internationales de ces Etats ainsi que les droits et devoirs d’autres Etats, englobant les règles du
droit de l’environnement. De plus, la Colombie, dans ses demandes reconventionnelles, et le
Nicaragua, dans ses demandes principales, poursuivent selon elle les mêmes buts juridiques,
puisque «chaque Partie conteste la licéité du comportement de l’autre dans les mêmes zones
maritimes».
*
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31. Le Nicaragua, pour sa part, affirme que certains des faits allégués que la Colombie
invoque à l’appui de ses deux premières demandes reconventionnelles, à savoir les prétendus
incidents de pêche déprédatrice et de pollution imputables à des pêcheurs nicaraguayens, ne se
rapportent pas à la même zone géographique que les faits qu’il invoque dans ses propres demandes.
Selon lui, les faits dénoncés par la Colombie se sont produits «dans la mer territoriale entourant la
caye de Serrana, qui appartient à la Colombie, ou dans la zone de régime commun entre elle et la
Jamaïque» ; les faits sous-tendant ses propres demandes, en revanche, se sont déroulés dans sa zone
économique exclusive (ZEE). Il affirme en outre que les comportements mis en cause par les deux
premières demandes reconventionnelles, d’une part, et par ses demandes principales, d’autre part,
sont différents, la Colombie tirant grief du manquement allégué du Nicaragua à son obligation de
protéger et de préserver l’environnement marin dans le sud-ouest de la mer des Caraïbes, et le
Nicaragua, de l’ingérence de la Colombie dans sa juridiction et ses droits souverains exclusifs sur
des espaces maritimes que la Cour lui a attribués en 2012, ainsi que de violations, par cet Etat, de
cette juridiction et de ces droits. Il considère que les faits sur lesquels la Colombie et lui-même
s’appuient respectivement en l’espèce «revêtent un caractère fondamentalement différent», ses
demandes ayant trait à «l’affirmation active», par la Colombie, de ses prétendus droits et juridiction
sur des zones qui ne lui appartiennent pas, tandis que les demandes reconventionnelles de la
Colombie «sont fondées sur l’inactivité alléguée du Nicaragua face aux pratiques destructrices pour
l’environnement auxquelles s’adonneraient ses propres ressortissants» (les italiques sont dans
l’original).
32. Le Nicaragua fait par ailleurs valoir que les deux premières demandes reconventionnelles
de la Colombie ne reposent pas sur les mêmes principes et instruments juridiques que ses demandes
et que, partant, le but juridique poursuivi dans les deux cas n’est pas le même. Il considère que la
Colombie cherche à établir sa responsabilité internationale à raison de violations alléguées des
règles du droit international coutumier relatives à la préservation et à la protection de
l’environnement ainsi qu’à l’exercice de la diligence requise, et des dispositions de divers
instruments internationaux, dont la convention sur le commerce international des espèces de faune
et de flore sauvages menacées d’extinction (la «CITES»), la convention pour la protection et la
mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes (la «convention de Cartagena») et le
code de conduite pour une pêche responsable de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO). Lui-même, en revanche, s’appuie sur l’arrêt de 2012 de la Cour en l’affaire du Différend
territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) (ci-après l’«arrêt de 2012») et sur les règles du
droit international coutumier telles que reflétées dans les parties V et VI de la CNUDM, qui
reconnaissent la juridiction et les droits souverains exclusifs d’un Etat côtier sur ses espaces
maritimes.
33. Le Nicaragua conclut en conséquence que la Colombie n’a pas démontré que ses
première et deuxième demandes reconventionnelles remplissaient la condition de connexité directe
énoncée à l’article 80 du Règlement et que, partant, elles doivent être jugées irrecevables comme
telles.
* *
- 12 -
34. La Cour a déjà noté que les première et deuxième demandes reconventionnelles sont
libellées en des termes différents dans les conclusions présentées à la fin du contre-mémoire, d’une
part, et dans le corps du contre-mémoire et les observations écrites, d’autre part. Bien que la portée
en soit largement similaire, leur formulation diffère (voir les paragraphes 26 et 27 ci-dessus). A cet
égard, la Cour note que les conclusions formulées par les Parties à la fin de leurs écritures doivent
être lues à la lumière des arguments développés dans le corps de celles-ci. En la présente espèce, la
Cour observe en outre que les arguments des Parties relatifs à la connexité directe se fondent sur le
libellé utilisé par la Colombie dans le corps du contre-mémoire et dans ses observations écrites. En
conséquence, pour les besoins de l’examen de la recevabilité des deux premières demandes
reconventionnelles, c’est au libellé utilisé par la Colombie dans le corps du contre-mémoire et dans
ses observations écrites que se référera la Cour.
35. Les deux premières demandes reconventionnelles se rapportent, l’une comme l’autre,
aux prétendues violations, par le Nicaragua, de l’obligation qui lui incombe de protéger et de
préserver l’environnement marin. La première porte sur le manquement allégué du Nicaragua à une
obligation d’exercer la diligence requise aux fins de protéger et de préserver l’environnement marin
dans le sud-ouest de la mer des Caraïbes, la deuxième, sur son manquement à l’obligation alléguée
d’exercer la diligence requise aux fins de protéger le droit des habitants de l’archipel de
San Andrés, en particulier les Raizals, de bénéficier d’un environnement sain, viable et durable. La
Cour relève que, selon la Colombie, la deuxième demande «découle logiquement» de la première,
ce que le Nicaragua n’a pas contesté. La Cour examinera donc ensemble les deux premières
demandes reconventionnelles, tout en gardant à l’esprit qu’elles sont distinctes.
36. Si la plupart des incidents mentionnés par la Colombie dans ses première et deuxième
demandes reconventionnelles se seraient produits dans la ZEE du Nicaragua, et plus précisément
dans la zone maritime entourant le banc de Luna Verde, qui se trouve dans la réserve de biosphère
Seaflower, la Colombie en invoque aussi d’autres qui auraient eu lieu dans sa propre mer
territoriale et la zone de régime commun établie entre elle et la Jamaïque (aux alentours de
Serranilla et Bajo Alicia). Toutefois, étant donné que les incidents qu’elle situe dans ces dernières
sont peu nombreux et que la majorité de ceux qu’elles a invoqués se seraient déroulés dans la zone
maritime entourant le banc de Luna Verde, soit dans la ZEE du Nicaragua, la Cour considère que
les première et deuxième demandes reconventionnelles de la Colombie concernent pour l’essentiel
la même zone géographique que les demandes principales de celui-ci.
37. S’agissant des faits allégués sous-tendant les première et deuxième demandes
reconventionnelles de la Colombie et les demandes principales du Nicaragua, respectivement, la
Cour observe que la Colombie tire grief du prétendu manquement du Nicaragua à son obligation de
protéger et de préserver l’environnement marin dans le sud-ouest de la mer des Caraïbes. La
Colombie soutient en particulier que des navires privés nicaraguayens se sont livrés à des pratiques
de pêche déprédatrices et ont causé des destructions à l’environnement marin dans le sud-ouest de
la mer des Caraïbes, empêchant ainsi les habitants de l’archipel de San Andrés, notamment les
Raizals, de bénéficier d’un environnement et d’un habitat sains, viables et durables. Dans ses
demandes principales, le Nicaragua, quant à lui, accuse la marine colombienne d’ingérence dans la
juridiction et les droits souverains exclusifs qu’il est fondé à exercer dans sa ZEE, ainsi que de
violations de cette juridiction et de ces droits. Le Nicaragua affirme que la Colombie a empêché
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des navires de pêche, de la marine et des garde-côtes nicaraguayens de naviguer, de pêcher et
d’exercer leurs attributions dans la ZEE du Nicaragua. En conséquence, la Cour considère que les
faits allégués sous-tendant, d’une part, les première et deuxième demandes reconventionnelles de la
Colombie et, d’autre part, les demandes principales du Nicaragua sont de nature différente et ne se
rapportent pas à un même ensemble factuel.
38. De surcroît, il n’existe pas de connexité directe en droit entre les deux premières
demandes reconventionnelles de la Colombie et les demandes principales du Nicaragua.
Premièrement, les Parties ne s’appuient pas sur les mêmes principes juridiques. Alors que la
Colombie, dans ses deux premières demandes reconventionnelles, invoque des règles du droit
international coutumier et des instruments internationaux relatifs essentiellement à la préservation
et à la protection de l’environnement, le Nicaragua, dans ses demandes principales, renvoie à des
règles coutumières du droit international de la mer concernant les droits souverains, la juridiction et
les obligations d’un Etat côtier dans ses espaces maritimes, telles que reflétées dans les parties V et
VI de la CNUDM. Deuxièmement, les Parties, à travers leurs demandes respectives, ne poursuivent
pas le même but juridique. Alors que la Colombie cherche à établir que le Nicaragua a manqué à
son obligation de protéger et de préserver l’environnement marin dans le sud-ouest de la mer des
Caraïbes, le Nicaragua entend démontrer que la Colombie a violé la juridiction et les droits
souverains dont il jouit dans ses espaces maritimes.
39. En conséquence, la Cour conclut à l’absence de connexité directe, tant en fait qu’en droit,
entre les deux premières demandes reconventionnelles de la Colombie et les demandes principales
du Nicaragua.
B. Troisième demande reconventionnelle
40. Dans sa troisième demande reconventionnelle, la Colombie prie la Cour de dire que le
Nicaragua a violé le droit des pêcheurs artisanaux de l’archipel de San Andrés, y compris ceux
issus de la population autochtone raizale, d’accéder aux bancs où ils ont coutume de pêcher et
d’exploiter ceux-ci. En particulier, la Colombie mentionne divers actes d’intimidation et de
harcèlement qui auraient été commis par les forces navales nicaraguayennes à l’encontre de
pêcheurs artisanaux de l’archipel de San Andrés, dont la saisie de produits de leur pêche, ou
d’équipements, de nourriture et d’autres de leurs biens personnels.
41. Aux fins de démontrer que sa troisième demande reconventionnelle est en connexité
directe avec les demandes principales du Nicaragua, la Colombie avance qu’elle se rapporte, tout
comme ces dernières, à des faits survenus après le prononcé de l’arrêt de 2012 dans les zones
maritimes reconnues par la Cour comme appartenant au Nicaragua et, plus précisément, «dans les
eaux peu profondes du secteur de Cape Bank, connu sous le nom de Luna Verde, ou dans les bancs
des eaux profondes situés entre les îles colombiennes septentrionales de Quitasueño et Serrana».
Partant, la Colombie soutient qu’il existe «un chevauchement temporel et géographique manifeste»
entre sa troisième demande reconventionnelle et les demandes principales du Nicaragua dans la
mesure où le cadre temporel et la zone géographique sont les mêmes dans les deux cas. En outre, la
Colombie prétend que les faits sous-tendant les demandes principales et la troisième demande
reconventionnelle sont de même nature, le Nicaragua et elle-même tirant grief de comportements
similaires. Elle explique que «[l]e Nicaragua s’est plaint du comportement de la marine
colombienne à l’égard des pêcheurs nicaraguayens, et la Colombie, de celui de la marine
nicaraguayenne à l’égard des pêcheurs colombiens dans la même zone».
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Enfin, la Colombie affirme qu’il existe une connexité juridique entre les demandes
principales du Nicaragua et sa demande reconventionnelle puisque toutes reposent sur les mêmes
principes et instruments juridiques, à savoir le droit international coutumier. En effet, les demandes
du Nicaragua se rapportent aux règles coutumières relatives aux droits reconnus à l’Etat côtier
d’exploiter les ressources marines de sa propre ZEE, et la demande reconventionnelle de la
Colombie concerne les droits coutumiers relatifs à l’accès aux ressources marines situées dans ce
même espace maritime et à leur exploitation. La Colombie ajoute que les Parties poursuivent le
même but juridique puisque chacune cherche à établir la responsabilité internationale de l’autre en
invoquant des violations de règles du droit coutumier se rapportant à l’accès aux ressources
halieutiques dans la même zone maritime.
*
42. Le Nicaragua, pour sa part, soutient que si les faits sous-tendant la troisième demande
reconventionnelle «concernent, globalement, la même zone géographique et la même période que
ceux invoqués dans [s]a demande», ils sont toutefois de nature différente car ils s’inscrivent «dans
des zones soumises à des régimes juridiques bien distincts» : le harcèlement qu’il dénonce aurait eu
lieu «dans ses propres espaces maritimes et il [serait] le fait d’un autre Etat qui n’y jouit d’aucune
juridiction ou aucun droit souverain», tandis que le harcèlement dénoncé par la Colombie aurait eu
lieu «hors de ses espaces maritimes, dans des zones soumises à la juridiction et aux droits
souverains exclusifs du Nicaragua».
43. En outre, le Nicaragua prétend que la troisième demande reconventionnelle de la
Colombie ne repose pas sur les mêmes principes juridiques que ses demandes principales et que les
Parties ne poursuivent pas le même but juridique. A cet égard, il soutient qu’il «cherche à faire
valoir ses droits souverains exclusifs tels qu’énoncés par la Cour dans son arrêt de 2012, tandis que
la troisième demande reconventionnelle de la Colombie concerne les prétendus droits privés non
exclusifs de ses ressortissants de poursuivre leurs activités de pêche traditionnelles dans la ZEE du
Nicaragua malgré l’arrêt de 2012» (les italiques sont dans l’original). Le Nicaragua ajoute qu’il
«entend voir confirmer ses droits et sa juridiction en tant que souverain», à la différence de la
Colombie, qui «agit en tant que parens patriae au nom de son peuple pour faire valoir
d’hypothétiques droits privés».
* *
44. La Cour observe que les Parties s’accordent à dire que les faits invoqués par la
Colombie, dans sa troisième demande reconventionnelle, et par le Nicaragua, dans ses demandes
principales, se rapportent à la même période (faisant suite au prononcé de l’arrêt de 2012) et à la
même zone géographique (la ZEE du Nicaragua). Elle note par ailleurs que les faits sous-tendant la
troisième demande reconventionnelle de la Colombie et les demandes principales du Nicaragua
sont de même nature en ce que sont mis en cause des comportements similaires de la part des
forces navales de chaque Partie à l’égard des ressortissants de l’autre Partie. En particulier, la
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Colombie tire grief du traitement (harcèlement, intimidation, mesures coercitives) que les forces
navales nicaraguayennes réserveraient aux pêcheurs artisanaux colombiens dans les eaux
entourant Luna Verde et celles de la zone située entre Quitasueño et Serrana, et le Nicaragua, du
traitement similaire (harcèlement, intimidation, mesures coercitives) que les forces navales
colombiennes réserveraient à des navires titulaires de permis nicaraguayens pêchant dans ces
mêmes eaux. A ce stade de la procédure, aux fins de déterminer si la troisième demande
reconventionnelle de la Colombie est recevable comme telle, point n’est besoin pour la Cour de se
pencher sur la question du lien entre le statut juridique des zones maritimes en cause et les droits de
chacune des Parties, question qui relève du fond.
45. S’agissant des principes juridiques invoqués par les Parties, la Cour note que la troisième
demande reconventionnelle de la Colombie est fondée sur le droit allégué d’un Etat et de ses
ressortissants d’accéder aux ressources biologiques se trouvant dans la ZEE d’un autre Etat et de
les exploiter, sous certaines conditions. Elle relève en outre que le Nicaragua, dans ses demandes
principales, se fonde sur des règles du droit coutumier qui consacrent la juridiction et les droits
souverains d’un Etat côtier sur sa ZEE, ce qui inclut les droits d’un tel Etat sur les ressources
marines qui s’y trouvent. Les demandes respectives des Parties mettent ainsi en jeu la portée des
droits et des obligations d’un Etat côtier dans sa ZEE. En outre, les Parties poursuivent, par leurs
demandes respectives, le même but juridique, puisque chacune cherche à établir la responsabilité
internationale de l’autre à raison de violations d’un droit d’accès et d’exploitation des ressources
marines dans la même zone maritime. La Cour considère donc qu’il existe une connexité juridique
directe entre la troisième demande reconventionnelle de la Colombie et les demandes principales
du Nicaragua.
46. En conséquence, la Cour conclut qu’il existe une connexité directe, ainsi que l’exige
l’article 80 du Règlement, entre la troisième demande reconventionnelle de la Colombie et les
demandes principales du Nicaragua.
C. Quatrième demande reconventionnelle
47. Dans sa quatrième demande reconventionnelle, la Colombie prie la Cour de dire que, en
adoptant le décret no 33-2013 du 19 août 2013, qui a établi des lignes de base droites avec pour
effet, selon elle, d’étendre les eaux intérieures et les espaces maritimes nicaraguayens au-delà de ce
que permet le droit international, le Nicaragua a violé sa juridiction et ses droits souverains.
D’après elle, «[l]a décision illicite prise par le Nicaragua d’établir un système de lignes de base
droites pour déterminer la limite à partir de laquelle doit être mesurée la largeur de ses espaces
maritimes a directement porté atteinte aux droits de la Colombie dans la mer des Caraïbes» à trois
titres différents : l’adoption du décret no 33-2013 s’est traduite, premièrement, par l’extension des
eaux intérieures du Nicaragua vers l’est et, partant, «un déni du droit de passage inoffensif et de la
liberté de navigation dans de vastes étendues de mer où ces droits et libertés devraient pouvoir être
exercés» ; deuxièmement, par l’extension de la mer territoriale du Nicaragua et, partant, une
restriction indue des droits de navigation de la Colombie ; et, troisièmement, par l’extension de la
zone économique exclusive du Nicaragua, et, partant, «un chevauchement artificiel avec les
espaces auxquels la Colombie peut prétendre au titre de son droit à un plateau continental et à une
zone économique exclusive». La Colombie estime qu’il existe un lien de connexité directe entre sa
quatrième demande reconventionnelle et les demandes principales du Nicaragua relatives au
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décret colombien 1946 du 9 septembre 2013 portant création de sa «zone contiguë unique», tel que
modifié ensuite par le décret 1119 du 17 juin 2014. Elle rappelle que le Nicaragua lui reproche de
s’être, en vertu de ces décrets, attribué de large parts d’une zone maritime dont la Cour lui avait
reconnu l’appartenance et, partant, d’avoir «violé ses droits souverains et ses espaces maritimes».
48. La Colombie soutient que sa quatrième demande reconventionnelle et les demandes
principales du Nicaragua qui, dans chaque cas, ont trait à l’adoption des décrets respectifs
présentent un lien de connexité factuelle et juridique. Premièrement, fait-elle valoir, les deux
décrets ont été adoptés au cours de la même période, celui du Nicaragua l’ayant été le
19 août 2013, et celui de la Colombie, le 9 septembre de la même année. Deuxièmement, elle
affirme qu’il s’agit dans les deux cas d’«actes de droit interne qui portent sur la définition des
limites d’espaces maritimes d’Etats côtiers». Troisièmement, il est reproché à l’un comme à l’autre
d’étendre «les espaces maritimes des Parties au-delà de ce qui est permis en droit international».
Quatrièmement, ces décrets concernent l’exécution de l’arrêt de 2012.
49. Pour ce qui est de la connexité juridique, la Colombie estime que sa quatrième demande
reconventionnelle et les demandes principales du Nicaragua relatives au décret 1946 de la
Colombie renvoient à des principes juridiques relevant du même corpus de droit international, celui
des règles coutumières du droit international de la mer. Cela suffit, selon elle, à établir l’existence
entre elles d’une connexité directe en droit. La Colombie considère également que ces demandes
poursuivent le même but juridique.
*
50. Le Nicaragua, pour sa part, soutient qu’il n’y a pas de connexité factuelle directe entre la
quatrième demande reconventionnelle de la Colombie et ses propres demandes. Premièrement, ce
n’est pas, selon lui, la même zone géographique qui est en cause, puisque celles-ci portent sur les
«violations par la Colombie des droits et de la juridiction du Nicaragua dans sa ZEE», tandis que
celle-là ne concerne «que les eaux intérieures et la mer territoriale du Nicaragua». Deuxièmement,
affirme-t-il, les faits sur lesquels se fonde la Colombie ne sont pas de même nature que ceux soustendant
ses propres demandes : alors que le décret incriminé par la Colombie a trait à l’étendue des
espaces maritimes du Nicaragua dans la mer des Caraïbes, les faits sur lesquels repose sa demande
relative à «la zone contiguë unique de la Colombie intéressent la contestation par celle-ci de
l’existence de la juridiction et des droits souverains exclusifs du Nicaragua dans les zones
maritimes délimitées par l’arrêt de 2012» (les italiques sont dans l’original). Enfin, le Nicaragua
soutient que sa demande concerne des questions qui ont été expressément réglées par la Cour dans
son arrêt de 2012 ; la quatrième demande reconventionnelle de la Colombie, en revanche, porte sur
un point que la Cour n’avait pas examiné alors : les lignes de base à partir desquelles le Nicaragua
doit mesurer la largeur de ses espaces maritimes.
51. Le Nicaragua soutient que la Colombie n’a pas davantage démontré l’existence d’une
connexité juridique directe entre sa quatrième demande reconventionnelle et ses demandes
principales. Il fait valoir que ses demandes sont fondées sur l’arrêt de 2012 établissant la frontière
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maritime entre les Parties «en deçà de 200 milles marins», ainsi que sur les règles du droit
international coutumier régissant les droits, la juridiction et les devoirs d’un Etat côtier dans sa
ZEE, et ses droits sur le plateau continental. Le Nicaragua relève que la demande de la Colombie
repose sur l’affirmation selon laquelle le décret nicaraguayen ne serait pas conforme aux règles du
droit international coutumier relatives à l’utilisation de lignes de base droites en tant que méthode
pour tracer les lignes de base à partir desquelles se mesure la largeur d’espaces maritimes. Enfin, il
soutient que les Parties ne poursuivent pas le même but juridique : la limite de 200 milles marins du
Nicaragua étant la même, qu’elle soit mesurée à partir de lignes de base droites ou de lignes de
base normales, le décret nicaraguayen «n’emporte … en aucune façon violation de la ZEE ou du
plateau continental de la Colombie» alors que le décret colombien revient à «empiéter sur la ZEE et
le plateau continental du Nicaragua».
* *
52. La Cour observe que les faits invoqués par la Colombie dans sa quatrième demande
reconventionnelle et par le Nicaragua dans ses demandes principales à savoir l’adoption d’actes
de droit interne fixant les limites ou l’étendue de leurs espaces maritimes respectifs se
rapportent à la même période. Le décret n° 33-2013 du Nicaragua a été adopté le 19 août 2013, et
le décret 1946 de la Colombie, le 9 septembre 2013. La Cour note surtout que les deux Parties se
reprochent l’une l’autre les dispositions de droit interne qu’elles ont adoptées en vue de définir
leurs espaces maritimes respectifs dans la même zone géographique, à savoir le secteur sud-ouest
de la mer des Caraïbes qui s’étend à l’est de la côte nicaraguayenne et autour de l’archipel
colombien de San Andrés.
53. La Cour relève que le Nicaragua demande le respect de ses droits dans la ZEE et que les
limites de la ZEE du Nicaragua sont déterminées en fonction de ses lignes de base, qui sont
contestées dans la quatrième demande reconventionnelle de la Colombie. En outre, la Cour observe
que, dans leurs demandes respectives, le Nicaragua et la Colombie font état de violations des droits
souverains que chacun prétend détenir en vertu de règles de droit international coutumier relatives
aux limites, au régime et à l’étendue de la ZEE et de la zone contiguë, dans, plus précisément, un
contexte de chevauchement desdits espaces maritimes entre Etats dont les côtes se font face. Le fait
que les limites de ces espaces maritimes dans le secteur sud-ouest de la mer des Caraïbes
(s’étendant à l’est de la côte nicaraguayenne et autour de l’archipel colombien de San Andrés) ont
été établies par l’arrêt de 2012 ne modifie pas le fondement juridique essentiel des droits revenant
au Nicaragua et à la Colombie. Si, lorsqu’elle a statué sur les exceptions préliminaires, la Cour a
observé que ledit arrêt était «incontestablement pertinent en [l’]affaire [opposant les Parties], en ce
qu’il détermin[ait] la frontière maritime entre [celles-ci] et établi[ssait] donc laquelle d’entre elles
a[vait] des droits souverains en vertu du droit international coutumier dans les espaces maritimes
[en cause]», elle a cependant indiqué clairement que «ces droits exist[aient] en vertu du droit
international coutumier» (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la
mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 41-42, par. 109). De plus, à travers leurs demandes respectives, les Parties poursuivent le même
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but juridique puisque chacune espère voir la Cour déclarer le décret de l’autre contraire au droit
international. La Cour considère donc qu’il existe une connexité juridique directe entre la
quatrième demande reconventionnelle de la Colombie et les demandes principales du Nicaragua.
54. En conséquence, la Cour conclut qu’il existe une connexité directe, ainsi que l’exige
l’article 80 du Règlement, entre la quatrième demande reconventionnelle de la Colombie et les
demandes principales du Nicaragua.
D. Conclusion de la Cour quant à la condition de connexité directe
55. La Cour conclut à l’absence de connexité directe entre les première et deuxième
demandes reconventionnelles de la Colombie, d’une part, et les demandes principales du
Nicaragua, d’autre part. Elle considère, en revanche, que les troisième et quatrième demandes
reconventionnelles de la Colombie présentent un lien de connexité directe avec l’objet des
demandes principales du Nicaragua.
III. COMPÉTENCE
56. Il incombe à présent à la Cour d’examiner si les troisième et quatrième demandes
reconventionnelles de la Colombie satisfont à la condition de compétence posée au paragraphe 1 de
l’article 80 du Règlement.
* *
57. Le Nicaragua affirme que la Cour n’a pas compétence pour connaître des demandes
reconventionnelles de la Colombie. Il soutient que la date critique aux fins d’apprécier sa
compétence à cet égard est celle à laquelle lesdites demandes ont été présentées, et non la date à
laquelle lui-même a déposé sa requête. A cet égard, il note que la Colombie a présenté ses
demandes reconventionnelles près de trois ans après que le pacte de Bogotá eut cessé, par l’effet de
sa dénonciation par la Colombie, d’être en vigueur entre les Parties. Le pacte étant la seule base de
compétence invoquée en l’espèce, il conclut que les demandes reconventionnelles de la Colombie
ne relèvent pas de la compétence de la Cour et doivent être rejetées.
58. Le Nicaragua fait également valoir que, au regard de l’article XXXI du pacte de Bogotá,
l’existence d’un différend entre les Parties est une condition à la compétence de la Cour. Or, selon
lui, la Colombie n’a pas établi l’existence d’un tel différend en ce qui concerne l’objet de sa
troisième demande reconventionnelle. Le Nicaragua soutient que le dossier ne contient aucun
élément — notes diplomatiques, déclarations publiques de hauts responsables ou autres — attestant
de sa part une opposition manifeste à cette demande. Selon lui, il n’existe donc aucun élément qui
permette à la Cour d’inférer l’existence d’un différend.
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59. Enfin, le Nicaragua estime que la Colombie n’a pas satisfait à la condition préalable
énoncée à l’article II du pacte de Bogotá. Aux termes de cette disposition, rappelle-t-il, les Etats
parties ne peuvent recourir aux mécanismes de règlement des différends prévus dans cet instrument
que dans le cas où le différend, «de l’avis de l’une des parties, ne pourrait être résolu au moyen de
négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires». A cet égard, le Nicaragua
observe que la Colombie n’a pas établi que les Parties auraient considéré que les questions
soulevées par la Colombie dans sa troisième demande reconventionnelle ne pouvaient être réglées
par des négociations directes.
*
60. La Colombie, quant à elle, soutient que ses demandes reconventionnelles relèvent de la
compétence de la Cour au titre du pacte de Bogotá. Elle affirme que la compétence de la Cour pour
connaître de procédures incidentes s’apprécie au regard de la date à laquelle la procédure principale
a été introduite, soit, en l’occurrence, le 26 novembre 2013, date du dépôt, par le Nicaragua, de sa
requête introductive d’instance. La Colombie ajoute que tous les faits qu’elle invoque dans ses
demandes reconventionnelles se sont produits avant cette date critique. En conséquence, la
circonstance que le pacte de Bogotá a cessé d’être en vigueur le 27 novembre 2013 entre les Parties
ne prive pas, selon elle, la Cour de sa compétence, déjà établie sur le fondement de cet instrument,
en ce qui concerne la procédure principale, pour connaître des demandes reconventionnelles de la
Colombie. Dès lors, d’après la Colombie, tant que les questions soulevées dans ses demandes
reconventionnelles sont en connexité directe avec les demandes principales et ont trait à des
situations survenues entre le Nicaragua et la Colombie avant la date critique du 26 novembre 2013
soit lorsque le pacte de Bogotá était encore en vigueur , la Cour a compétence pour connaître
desdites demandes.
61. La Colombie affirme encore qu’elle n’a pas à établir l’existence d’un différend avec le
Nicaragua sur l’objet de ses demandes reconventionnelles, non plus qu’à prouver que les questions
soulevées dans lesdites demandes ne pouvaient, de l’avis des Parties, être réglées au moyen de
négociations. Elle estime que ces conditions ne sont pas pertinentes aux fins de déterminer la
compétence de la Cour au regard de l’article 80 du Règlement.
62. En ce qui concerne la première condition, la Colombie considère que l’article 80 du
Règlement n’impose pas au défendeur qui présente des demandes reconventionnelles de prouver
l’existence d’un différend avec le requérant sur l’objet desdites demandes, puisqu’il «présuppose
l’existence d’un différend à l’égard duquel la Cour s’est déjà déclarée compétente». D’après la
Colombie, ses demandes reconventionnelles sont recevables en vertu de la base de compétence
le pacte de Bogotá sur laquelle la Cour se fonde pour connaître des demandes du Nicaragua,
car elles sont «inextricablement liées à l’objet du différend», tel que défini dans l’arrêt sur les
exceptions préliminaires. En tout état de cause, la Colombie estime avoir produit suffisamment
d’éléments solides prouvant que le Nicaragua avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir
connaissance, de l’existence d’un différend entre les Parties relatif à l’objet des demandes
reconventionnelles de la Colombie. En particulier, s’agissant des première, deuxième et troisième
demandes reconventionnelles, elle soutient que
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«le Nicaragua et la Colombie ont des points de vue opposés sur les droits, obligations et
devoirs de l’Etat côtier (le Nicaragua) et les droits et devoirs des autres Etats (en
l’occurrence, la Colombie) dans la ZEE, ainsi que sur la manière dont la partie adverse
exécute ou n’exécute pas ses obligations et devoirs ou garantit les droits de l’autre».
63. En ce qui concerne la seconde condition, la Colombie est en désaccord avec le Nicaragua
quant au fait que les questions soulevées dans les demandes reconventionnelles de la Colombie
auraient dû faire l’objet de négociations préalables. Elle affirme qu’«un différend est déjà
cristallisé, la voie judiciaire a été choisie pour le régler, et les demandes reconventionnelles de la
Colombie constituent une riposte aux demandes du Nicaragua qui ne pouvaient être réglées au
moyen de négociations». Quoi qu’il en soit, la Colombie considère que le Nicaragua n’a produit
aucun élément prouvant que les questions maritimes qui ont divisé les Parties après l’arrêt de 2012
pouvaient être résolues au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques
ordinaires.
* *
64. La Cour rappelle que, en la présente espèce, le Nicaragua a invoqué l’article XXXI du
pacte de Bogotá pour fonder sa compétence. Aux termes de cette disposition, les parties au pacte
reconnaissent comme obligatoire la juridiction de la Cour «tant que le[dit] Traité restera en
vigueur». Aux termes de l’article LVI, la durée du pacte est indéfinie, mais il «pourra être dénoncé
moyennant un préavis d’un an». Ainsi, le pacte, après avoir été dénoncé par un Etat partie, demeure
en vigueur entre ce dernier et les autres parties pour une durée d’un an à compter de la notification
de la dénonciation.
65. La Colombie a ratifié le pacte de Bogotá le 14 octobre 1968, avant de le dénoncer le
27 novembre 2012. La requête en la présente espèce a été soumise à la Cour le 26 novembre 2013,
soit après la transmission de l’avis de dénonciation de la Colombie, mais avant l’expiration du
préavis d’un an visé à l’article LVI. Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires du 17 mars
2016, la Cour a constaté que l’article XXXI du pacte était toujours en vigueur entre les Parties à la
date du dépôt de la requête en la présente affaire et a estimé que le fait que le pacte eut cessé d’être
en vigueur entre les Parties n’avait pas eu d’incidence sur la compétence qui existait à la date à
laquelle l’instance avait été introduite (voir Violations alléguées de droits souverains et d’espaces
maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 25-26, par. 48).
66. La Colombie a présenté ses demandes reconventionnelles, se fondant sur l’article XXXI
du pacte de Bogotá, dans le cadre des conclusions figurant dans son contre-mémoire, le
17 novembre 2016, soit après que le pacte eut cessé d’être en vigueur entre les Parties. Dès lors, la
question qui se pose est celle de savoir si, lorsqu’un défendeur a invoqué, dans ses demandes
reconventionnelles, la même base de compétence que le demandeur dans sa requête introductive
d’instance, ce défendeur est empêché de se fonder sur ladite base de compétence au motif qu’elle a
cessé d’être en vigueur entre la date du dépôt de la requête et celle de la présentation de ses
demandes reconventionnelles.
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67. Dès lors que la Cour a établi sa compétence pour connaître d’une affaire, elle a
compétence pour en examiner toutes les phases ; la caducité ultérieure du titre qui lui a conféré
ladite compétence ne saurait la priver de celle-ci. Comme la Cour a dit en l’affaire Nottebohm, dans
le contexte de la caducité, survenue après le dépôt de la requête, de la déclaration par laquelle le
défendeur avait accepté la juridiction obligatoire de la Cour,
«[l]orsque la requête est déposée à un moment où le droit en vigueur entre les parties
comporte la juridiction obligatoire de la Cour …, le dépôt de la requête n’est que la
condition pour que la clause de juridiction obligatoire produise effet à l’égard de la
demande qui fait l’objet de la requête. Cette condition remplie, la Cour doit connaître
de la demande ; elle a compétence pour en examiner tous les aspects, qu’ils touchent à
la compétence, à la recevabilité ou au fond. Un fait extérieur tel que la caducité
ultérieure de la déclaration par échéance du terme ou par dénonciation ne saurait
retirer à la Cour une compétence déjà établie.» (Nottebohm (Liechtenstein
c. Guatemala), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1953, p. 123.)
Bien que, comme la Cour l’a relevé plus haut (voir le paragraphe 18), les demandes
reconventionnelles soient des actes juridiques autonomes ayant pour objet de soumettre au juge des
prétentions nouvelles, elles se rattachent en même temps aux demandes principales, et visent à y
riposter dans le cadre de la même instance, à l’égard de laquelle elles présentent un caractère
incident. En conséquence, le fait que le titre de compétence invoqué par un requérant à l’appui de
ses demandes soit devenu caduc après le dépôt de la requête ne prive pas la Cour de sa compétence
pour connaître de demandes reconventionnelles présentées sur le même fondement. La Cour note
qu’une interprétation contraire présenterait l’inconvénient de permettre au demandeur, dans
certains cas, de faire disparaître la base de compétence après le dépôt de la requête et de se
soustraire ainsi à toute demande reconventionnelle susceptible d’être présentée dans le cadre de la
même instance et comportant un lien de connexité directe avec la demande principale.
68. La Cour rappelle que, dans son arrêt du 17 mars 2016 sur les exceptions préliminaires,
elle a établi qu’elle avait compétence sur la base de l’article XXXI du pacte Bogotá au moment du
dépôt de la requête. Elle rappelle également que le titre de compétence a cessé de produire ses
effets avant le dépôt du contre-mémoire de la Colombie. Cependant, les troisième et quatrième
demandes reconventionnelles de la Colombie ont été présentées sur le fondement du même titre de
compétence que les demandes principales du Nicaragua, et la Cour a conclu à l’existence d’une
connexité directe entre celles-ci et celles-là (voir le paragraphe 55 ci-dessus). Il s’ensuit que
l’extinction du pacte de Bogotá entre les Parties n’a pas par elle-même privé la Cour de sa
compétence pour connaître desdites demandes reconventionnelles.
69. La Cour observe que, afin d’établir si des demandes reconventionnelles relèvent de sa
compétence, elle doit aussi déterminer si les conditions posées dans l’instrument prévoyant cette
compétence sont remplies (voir, par exemple, Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne
c. Italie), demande reconventionnelle, ordonnance du 6 juillet 2010, C.I.J. Recueil 2010 (I),
p. 316-321, par. 17-31). Afin de déterminer si elle a compétence pour connaître des troisième et
quatrième demandes reconventionnelles de la Colombie, elle doit donc rechercher si les conditions
énoncées dans le pacte de Bogotá sont remplies.
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70. La Cour rappelle que, au titre de l’article XXXI du pacte de Bogotá, les Etats parties sont
convenus de reconnaître, conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, sa juridiction
obligatoire à l’égard de «tous les différends d’ordre juridique surgissant entre [eux]». L’existence
d’un différend entre les parties est donc une condition de sa compétence. Aux fins de déterminer,
dans une affaire donnée, si elle a compétence en vertu de cet instrument, la Cour doit ainsi établir
qu’il existe un différend entre les parties intéressant l’objet des demandes reconventionnelles.
71. Selon la jurisprudence constante de la Cour, un différend est «un désaccord sur un point
de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre de[s
parties]» (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11 ;
Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires
et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt du
5 octobre 2016, par. 37). Pour en établir l’existence, «[i]l faut démontrer que la réclamation de
l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre» (Sud-Ouest africain (Ethiopie
c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962,
p. 328).
72. En la présente espèce, s’agissant de la troisième demande reconventionnelle, la Cour
considère que les Parties ont des vues divergentes sur la portée de leurs droits et devoirs respectifs
dans la ZEE du Nicaragua. Le Nicaragua avait connaissance de ce que ses vues se heurtaient à
l’opposition manifeste de la Colombie, puisque, après l’arrêt de 2012, les hauts responsables des
Parties ont fait des déclarations publiques dans lesquelles ils exprimaient leurs vues divergentes sur
la relation entre le droit allégué des habitants de l’archipel de San Andrés de poursuivre leurs
activités de pêche traditionnelle, invoqué par la Colombie, et l’affirmation par le Nicaragua de son
droit à autoriser la pêche dans sa ZEE. Selon la Colombie, les forces navales nicaraguayennes se
sont également livrées à des actes d’intimidation à l’encontre de pêcheurs artisanaux colombiens
alors qu’ils cherchaient à accéder aux bancs où ils ont coutume de pratiquer leur activité. Il apparaît
ainsi qu’un différend existe entre les Parties au sujet de la violation alléguée, par le Nicaragua, des
droits en question depuis novembre 2013, sinon avant.
73. S’agissant de la quatrième demande reconventionnelle, la Cour considère que les Parties
ont des vues divergentes sur la question de la définition de leurs espaces maritimes respectifs dans
le secteur sud-ouest de la mer des Caraïbes, à la suite de l’arrêt qu’elle a rendu en 2012. A cet
égard, elle relève que, dans une note diplomatique de protestation adressée au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2013, la ministre des affaires étrangères de la
Colombie a notamment écrit : «La République de Colombie tient à informer l’Organisation des
Nations Unies et ses Etats Membres que les lignes de base droites … revendiquées par le Nicaragua
[dans le décret no 33-2013 du 19 août 2013] sont absolument contraires au droit international». La
Cour observe encore que, se référant à cette note diplomatique, le Nicaragua a reconnu qu’«[i]l
exist[ait] donc un «différend» à cet égard». Il apparaît ainsi qu’un différend existe entre les Parties
sur cette question depuis novembre 2013, sinon avant.
74. La Cour cherchera maintenant à répondre à la question de savoir si, conformément à la
condition posée par l’article II du pacte de Bogotá, les questions que soulève la Colombie dans ses
demandes reconventionnelles ne pouvaient, «de l’avis de l’une des Parties, … être résolu[es] au
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moyen de négociations directes». La Cour rappelle qu’il lui faut déterminer si les éléments de
preuve démontrent qu’«aucune des deux Parties ne pouvait soutenir de manière plausible que le
différend qui les opposait pouvait être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies
diplomatiques ordinaires» (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans
la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2016 (I), p. 37, par. 95).
75. S’agissant de la troisième demande reconventionnelle, la Cour rappelle que, dans son
arrêt du 17 mars 2016 sur les exceptions préliminaires, elle a reconnu que, «[p]armi les questions
au sujet desquelles les Parties envisageaient de dialoguer, figuraient notamment les activités de
pêche des habitants de San Andrés, Providencia et Santa Catalina dans des eaux dont [elle] a[vait]
reconnu qu’elles appartenaient au Nicaragua» (ibid., par. 97). Elle a toutefois aussi indiqué que le
fait que les Parties restaient disposées à dialoguer n’était pas «déterminant», car la question
essentielle qu’il lui incombait de trancher était celle de savoir si elles «considéraient de bonne foi
qu’une certaine possibilité de parvenir à un règlement négocié existait ou, au contraire, que cette
possibilité n’existait pas» (ibid., par. 99). La Cour note que les Parties ont certes, à la suite de
l’arrêt de 2012, formulé des déclarations générales sur certains problèmes ayant trait aux activités
de pêche des habitants de l’archipel de San Andrés, mais sans jamais entamer de négociations
directes en vue d’y apporter une solution. Cela démontre que les Parties ne considéraient pas qu’il
fût possible de parvenir à un règlement de la question du respect des droits de pêche traditionnels
au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires. La Cour juge donc
remplie la condition énoncée à l’article II du pacte de Bogotá, en ce qui concerne la troisième
demande reconventionnelle.
76. S’agissant de la quatrième demande reconventionnelle, la Cour estime que l’adoption,
par le Nicaragua, du décret no 33-2013 du 19 août 2013 et le rejet de ce décret par la Colombie,
exprimé dans la note diplomatique de protestation de sa ministre des affaires étrangères en date du
1er novembre 2013 (voir le paragraphe 73 ci-dessus), montrent qu’il n’aurait, en tout état de cause,
plus été utile pour les Parties de se livrer à des négociations directes sur cette question suivant les
voies diplomatiques ordinaires. La Cour juge donc remplie la condition énoncée à l’article II du
pacte de Bogotá, en ce qui concerne la quatrième demande reconventionnelle.
77. La Cour conclut qu’elle est compétente pour connaître des troisième et quatrième
demandes reconventionnelles de la Colombie.
IV. CONCLUSION
78. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que les troisième et quatrième demandes
reconventionnelles présentées par la Colombie sont recevables comme telles.
*
* *
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79. La Cour observe qu’une décision rendue sur la recevabilité d’une demande
reconventionnelle compte tenu des exigences formulées à l’article 80 du Règlement ne saurait
préjuger aucune question dont elle aurait à connaître dans la suite de la procédure.
80. Aux fins de protéger les droits que les Etats tiers admis à ester devant la Cour tirent du
Statut, la Cour donne instruction au greffier de leur transmettre copie de la présente ordonnance.
81. Compte tenu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus quant à la
recevabilité des troisième et quatrième demandes reconventionnelles, la Cour estime que le dépôt
d’une réplique du Nicaragua et d’une duplique de la Colombie, portant sur les demandes des deux
Parties dans l’instance en cours, est nécessaire, la suite de la procédure étant réservée.
*
* *
82. Par ces motifs,
LA COUR,
A) 1) Par quinze voix contre une,
Dit que la première demande reconventionnelle présentée par la République de Colombie est
irrecevable comme telle et ne fait pas partie de l’instance en cours ;
POUR : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ; MM. Owada, Tomka, Bennouna,
Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde,
MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian, juges ; M. Daudet, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Caron, juge ad hoc ;
2) Par quinze voix contre une,
Dit que la deuxième demande reconventionnelle présentée par la République de Colombie
est irrecevable comme telle et ne fait pas partie de l’instance en cours ;
POUR : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ; MM. Owada, Tomka, Bennouna,
Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde,
MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian, juges ; M. Daudet, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Caron, juge ad hoc ;
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3) Par onze voix contre cinq,
Dit que la troisième demande reconventionnelle présentée par la République de Colombie est
recevable comme telle et fait partie de l’instance en cours ;
POUR : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ; MM. Owada, Bennouna,
Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, MM. Bhandari, Robinson, juges ;
M. Caron, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Gaja, Mme Sebutinde, M. Gevorgian, juges ; M. Daudet, juge
ad hoc ;
4) Par neuf voix contre sept,
Dit que la quatrième demande reconventionnelle présentée par la République de Colombie
est recevable comme telle et fait partie de l’instance en cours ;
POUR : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ; MM. Owada, Bennouna,
Cançado Trindade, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, juges ; M. Caron, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Greenwood, Mme Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde,
M. Gevorgian, juges ; M. Daudet, juge ad hoc ;
B) A l’unanimité,
Prescrit la présentation d’une réplique du Nicaragua et d’une duplique de la Colombie
portant sur les demandes des deux Parties dans l’instance en cours et fixe comme suit les dates
d’expiration des délais pour le dépôt de ces pièces de procédure :
Pour la réplique de la République du Nicaragua, le 15 mai 2018 ;
Pour la duplique de la République de Colombie, le 15 novembre 2018 ;
Réserve la suite de la procédure.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le
15 novembre 2017, en trois exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les
autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la République du Nicaragua et au
Gouvernement de la République de Colombie.
Le président,
(Signé) Ronny ABRAHAM.
Le greffier,
(Signé) Philippe COUVREUR.
- 26 -
M. le juge YUSUF, vice-président, joint une déclaration à l’ordonnance ; MM. les juges
TOMKA, GAJA, Mme la juge SEBUTINDE, M. le juge GEVORGIAN et M. le juge ad hoc DAUDET
joignent à l’ordonnance l’exposé de leur opinion commune ; M. le juge CANÇADO TRINDADE joint
une déclaration à l’ordonnance ; M. le juge GREENWOOD et Mme la juge DONOGHUE joignent à
l’ordonnance les exposés de leur opinion individuelle ; M. le juge ad hoc CARON joint à
l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente.
(Paraphé) R. A.
(Paraphé) Ph. C.
___________
Demandes reconventionnelles ; Fixation de délais : réplique et duplique
Ordonnance du 15 novembre 2017