Réponse écrite de la République islamique d'Iran à la question posée par M. Schwebel, Vice-Président

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18050
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Incidental Proceedings
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Réponse écrite de la République islamique d'Iran à la question
posée par M. Schwebel, Vice-Président

«Au cours de cette procédure, les deux Partiescitent des documents relatifs à la ratification des
traités d'amitié, de commerce et de navigation afin demettre en lumière quelles étaient leurs intentions
en concluant le traité de 1955 d'amitié, de commerce et de droits consulaires dans les termes où ce traité
a été conclu.

Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 22 juillet 1952 surl'exception préliminaire de l'Iran en l'affaire de

l'Anglo-Iranian OilCo., la Cour a déterminé quelle avait été l'intention de l'Iran lorsque cet Etat a
rédigé sa déclaration d'acceptation de la clause de juridiction obligatoire de la Cour en vertu du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour (C.I.J. Recueil 1952, p. 104-107).

Dans quelle mesure, le cas échéan t, les Parties considèrent-ellescomme instructif ce que la Cour
a jugé dans la phase de compétence de l'affaire de lA ' nglo-Iranian Oil Co.?»

De l'avis de l'Iran, ce que la Cour a décidé dans l'affaire de 'nglo-Iranian Oil Co.est instructif

dans la mesure où une distinction est opérée entre lseprincipes qui peuvent s'appliquer à l'interprétation

de déclarations unilatérales d'acceptation de la juridiction de la Cour faites en application du

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour etles principes applicables à l'interprétation de traités

bilatéraux formant la base de compétence de la Cour, au sens du paragraphe 1 de l'article 36 du Statut.

Premièrement, la Cour a réaffirmé le principe général en vertu duquel une raison et un sens

doivent être attribués à chaque mot d'un texte juridique (principe de l'effet utile) lorsqu'il s'agit

d'interpréter le texte d'un traité. Dans la mesure où la déclaration de l'Iran n'était pas un traité et ne

résultait pas de négociations entre deux ou plusieurs Etats, il n'était pas nécessaire d'appliquer ce

principe. Il importait davantage de déterminer quelle était, de la part de l'Iran, l'intention sous-jacente

à sa déclaration :

«On peut dire que ce principe doit s'appliquer en général quand il s'agit d'interpréter le
texte d'un traité. Mais le texte de la déclaration de l'Iran n'est pas un texte contractuel
résultant de négociations entre deux ou plusieurs Etats. Il résulte d'une rédaction
unilatérale par le Gouvernement de l'Ir an, qui semble avoir apporté une prudence
particulière à la rédaction du texte de la déclaration.» ( C.I.J. Recueil 1952,p.105; les
italiques sont de nous.)

Deuxièmement , même dans ce cas, la Cour s'est principalement fondée sur les termes mêmes de

la déclaration de l'Iran afin de déterminer quelle portée l'Iran entendait conférer à la compétence de la

Cour.

La Cour a conclu que «l'intention manifeste» del'Iran avait été d'exclure de la compétence de la

Cour les différends relatifs à l'application des traités ou conventions acceptés par lui avant la

ratification de sa déclaration. Selon la Cour, cette intention «a trouvé son expression adéquate dans le

texte de la déclaration tel qu'il a été interprété ci-dessus par la Cour»i(bid., p. 106). -2-

Troisièmement, dans la mesure où la Cour a fait appelà une loi iranienne par laquelle le Majlis

avait approuvé la déclaration, elle ne l'a fait que pourconfirmerl'interprétation qui découlait du texte

lui-même de la déclaration. Etant donné que l'interprétation d'une déclaration unilatérale était en jeu,

la Cour a estimé qu'il était tout à fait opportun de recourir à la loi iranienne pour faire la lumière sur

l'intention de l'Iran.

Le Royaume-Uni a fait valoir qu'il convenait d'écarter ce genre de preuve parce que la loi

iranienne était «un texte purement intern e, inconnu des autres gouvernements» ( ibid., p.107). La

Cour n'a pas accueilli cet argument, et elle a affirmé que'lle ne voyait pas pour quelle raison elle serait

empêchée de retenir la loi iranienne pour apporter la lumière sur l'intention de l'Iran lorsqu'il a signé la

déclaration (ibid.).

La situation qui prévalait dans l'affaire de l' Anglo-Iranian OilCo. est donc très différente de

celle de la présente instance. En l'occurrence, il s'agit d'interpréter et d'appliquer un traité bilatéral

—le traité d'amitié de 1955— plutôt que d'interpréter une déclaration unilatérale faite au titre du

paragraphe2 de l'article36 du Statut. Il s'ensuit que l'intention commune des parties, telle

qu'exprimée dans le traité, importe plus que les vues que chacune des Parties a pu exprimer

unilatéralement devant ses propres législatifs après la signature du traité.

Dans son ouvrage intitulé The Law and Practice of the International Court (2 éd. revisée,

1985), Shabtai Rosenne confirme cette importante distinction. Il relève :

[Traduction du Greffe]
«Pour ce qui est de l'interprétation de déclarations d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour, il en résulte que la Cour cherchera l'intention sous-jacente de l'Etat

auteur de la déclaration, la déclaration el le-même étant l'expression d'un acte politique
unilatéral — la reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour pour les différends
couverts par ladite déclaration.» (P. 406.)

Au contraire, pour ce qui est de l'interprétation des traités, l'auteur faitobserver que l'accent est

très justement placé sur «l'intention conjointe» des parties, telle qu'exprimée dans le traité : -3-

[Traduction du Greffe]

«Il s'agit-là d'un élément normal du processus d'interprétation conventionnelle, qui
cherche toujours à découvrir l'intention conjointe de deux ou plusieurs parties au traité.
Mais s'agissant d'une déclaration, l'ensemble du processus est marqué par le caractère
particulier de la déclaration en tant qu'acte unilatéral, produit d'une rédaction unilatérale.
Cela explique également pourquoi, dans plusieurs affaires, la Cour a mis tant de soin à
trouver les raisons pour lesquelles le gouve rnement auteur de la déclaration a assorti
celle-ci de réserves spéciales, et à leur donner effet.»I(bid, p. 406-407.)

C'est à la lumière de cette distinction qu'il conveint d'envisager les références que les Parties ont

faites en l'espèce aux documents relatifs à la ratification de traitésACN par les Etats-Unis. Dans la

mesure où ces documents concernent la ratification de différents traités ACN après leur signature, ils

ne constituent pas des travaux préparatoires au sens de l'article32 de la convention de Vienne sur le

droit des traités.

Gardant à l'esprit qu'il s'agit en l'espèce d'interpréter un traité bilatéral et non une déclaration

unilatérale, les Etats-Unis ne peuvent pas s'appuyer sur des documents relatifs à leur propre procédure

de ratification pour faire valoir leur interprétation du traité. En l'occurrence et contrairement à l'affaire

de l'Anglo-Iranian Oil Co., c'est l'intention commune des parties, telle qu'exprimée dans le traité, qui

compte.

Conformément au paragraphe 1 de l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités,

l'interprétation que l'Iran donne des dispositions du traité d'amitié de 1955 qui sont en cause en l'espèce,

se fonde sur «le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son

objet et de son but». Par surcro ît de précaution, l'Iran a également invoqué les circonstances dans

lesquelles le traité a été conclu, à titre de moyen complémentaire d'interprétation conformément à

l'article32 de la convention de Vienne, en vue de confirmer le sens résultant de l'application de

l'article31. Dans la mesure où l'Iran a cité des documents relatifs à la procédure de ratification des

Etats-Unis, il ne l'a fait que pour montrer que la manière dont les Etats-Unis ont affirmé à posteriori

avoir compris le traité d'amitié de 1955, ou dont ils otnprésenté ce qui avait étéleur «intention réelle»,

ne cadre pas avec les documents internes des Etats-Unis eux-mêmes (voir, de manière générale,

CR 96/17, p. 53-54, professeur Crawford).

__________ Réponse écrite de la République islamique d'Iran à la question
posée par M. Rigaux, juge ad hoc

«Selon la Partie iranienne, la NIOC livrait ecnore du pétrole aux Etat-Unis au moment de
la destruction des plates-formes pétrolières qui font l'objet du litige. Ces fournitures

ont-elles été interrompues à la suite de l' Executive Order du président Carter en
novembre1979? Pendant combien de temps ? Le cas échéant, quand furent-elles
reprises et quand ont-elles pris fin ?»

1. Les Etats-Unis ont imposé des restrictions aux fournitures de pétrole et aux autres relations

commerciales avec l'Iran par une série deProclamationset d'Executive Orders pris en novembre 1979

et en avril 1980, et en particulier :

o
la— Proclamationn 4702 du 12 novembre 1979;

l' — Executive Ordern 12170 du 14 novembre 1979;

l' — Executive Ordern 12205 du 7 avril 1980; et

o
l' — Executive Ordern 12211 du 17 avril 1980.

En particulier, la section1 a) de la Proclamation n 4702 prévoyait qu' «estinterdite l'entrée

sur le territoire douanier des Etats-Unis du pétrole brut produit en Iran... ou des produits pétroliers

semi-finis ou finis raffinés à partir de ce pétrole brut dans des possessions ou des zones franches des

Etats-Unis».

2. Les accords d'Alger ont été conclus le 19 janvier 1981. Aux termes du paragraphe 10 de la

déclaration générale, les Etats-Unis ont accepté de «lever toutes les sanctions commerciales prises

contre l'Iran entre le 4novembre1979 et ce jour» (voir Iran-United States Claims Tribunal Reports ,

vol. 1, p. 10).

En application de cet engagement, le président Carter a signé le 19janvier1981 l' Executive

Order n 12282 qui levait toutes ces sanctions commerciales. La levée de ces sanctions a été

o
confirmée par le président Reagan dans lE ' xecutive Ordern 12294 du 24 janvier 1981.

3. Par la suite, les Etats-Unis n'ont imposé aucue restriction au commerce du pétrole entre l'Iran

et eux-mêmes et ce, jusqu'au 29octobre1987, soit dix jours après leur première attaque contre les

plates-formes pétrolières iraniennes.

Entre-temps, le commerce du pétrole entre l'Iran et les Etats-Unis a atteint un niveau

appréciable. C'est ce que confirme une fiche d'inform ations établie par la Maison Blanche, en date du -3-

26 octobre 1987, qui fait partie de la pièce 1 jointe aux observations et conclusions de l'Iran déposées le

er
1 juillet 1994, et qui explique notamment que :
«—Les achats des Etats-Unis à l'Iran en 1986 se sont élevés au total à quelque 600 millions de
dollars, soit 500 millions de dollars de pétrole et 100 millions de dollars d'autres produits.
Les recettes pétrolières de l'Iran correspondant à des ventes aux Etats-Unis de janvier à
juillet 1987 sont estimées à plus d'un milliard de dollars.

—Les importations de pétrole brut d'Iran aux Etats-Unis et dans leurs territoires ont été en
moyenne de 90000 barils par jour (bpj) en1986; elles ont vivement progressé pour
atteindre une moyenne de 250 000 bd durant les sept premiers mois de 1987 (620 000 bpj
pour le seul mois de juillet). Les estimations pour août sont de 468000 bd et pour
septembre de 345000 bpj. Cette progress ion peut s'expliquer, en partie, par une

augmentation de la production iranienne destinée à procurer des revenus supplémentaires
pour l'effort de guerre.»

4. Le 29octobre1987, le président Reagan a publié l' Executive Order n o 12613, dont la

section 1 est ainsi libellée :

«Sauf dispositions contraires contenues dans des règlements publiés en application du
présent Executive Order, est interdite l'importation aux Etats-Unis, y compris sur leurs
territoires et possessions, de tout bien ou service d'origine iranienne, à compter de la date
d'entrée en vigueur du présent texte.»

Toutefois, il était également précisé dans l' xecutive Orderque cette interdiction ne s'appliquait

pas aux «produits pétroliers raffinés à partir de pétrole brut iranien dans un pays tiers» (voir

section 2b)). Ainsi, le pétrole brut iranien pouvait toujours être importé aux Etats-Unis, pour autant

qu'il revête la forme de produits raffinés. En outre, l' Executive Order n'empêchait pas la vente de

pétrole brut iranien aux sociétés américaines, en-dehors des Etats-Unis.

Al'r.s Executive Order de 1987, la situation n'a connu aucun changement notable. En 1990

et 1991, le département d'Etat a autorisé certaines importations de pétrole brut iranien aux Etats-Unis, à

condition que les paiements soient versés sur le compte de sécurité contrôlé par le Tribunal des

réclamations Etats-Unis/Iran. Il y a lieu de relever que la vente de pétrole brut iranien aux sociétés

américaines s'est poursuivi jusqu'en 1995, lorsque les derniersPresidential Ordersont été publiés par

le président Clinton.

6. En revanche, le Gouvernement iranien n'a jamais imposé de restriction à la vente du pétrole

brut aux sociétés américaines.

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